-
Notifications
You must be signed in to change notification settings - Fork 1
/
Copy pathMG-1686-09b.xml
498 lines (498 loc) · 41.4 KB
/
MG-1686-09b.xml
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
126
127
128
129
130
131
132
133
134
135
136
137
138
139
140
141
142
143
144
145
146
147
148
149
150
151
152
153
154
155
156
157
158
159
160
161
162
163
164
165
166
167
168
169
170
171
172
173
174
175
176
177
178
179
180
181
182
183
184
185
186
187
188
189
190
191
192
193
194
195
196
197
198
199
200
201
202
203
204
205
206
207
208
209
210
211
212
213
214
215
216
217
218
219
220
221
222
223
224
225
226
227
228
229
230
231
232
233
234
235
236
237
238
239
240
241
242
243
244
245
246
247
248
249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
259
260
261
262
263
264
265
266
267
268
269
270
271
272
273
274
275
276
277
278
279
280
281
282
283
284
285
286
287
288
289
290
291
292
293
294
295
296
297
298
299
300
301
302
303
304
305
306
307
308
309
310
311
312
313
314
315
316
317
318
319
320
321
322
323
324
325
326
327
328
329
330
331
332
333
334
335
336
337
338
339
340
341
342
343
344
345
346
347
348
349
350
351
352
353
354
355
356
357
358
359
360
361
362
363
364
365
366
367
368
369
370
371
372
373
374
375
376
377
378
379
380
381
382
383
384
385
386
387
388
389
390
391
392
393
394
395
396
397
398
399
400
401
402
403
404
405
406
407
408
409
410
411
412
413
414
415
416
417
418
419
420
421
422
423
424
425
426
427
428
429
430
431
432
433
434
435
436
437
438
439
440
441
442
443
444
445
446
447
448
449
450
451
452
453
454
455
456
457
458
459
460
461
462
463
464
465
466
467
468
469
470
471
472
473
474
475
476
477
478
479
480
481
482
483
484
485
486
487
488
489
490
491
492
493
494
495
496
497
498
<?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?>
<?xml-model href="https://obvil.github.io/Teinte/teinte.rng" type="application/xml" schematypens="http://relaxng.org/ns/structure/1.0"?><?xml-stylesheet type="text/xsl" href="../../Teinte/tei2html.xsl"?>
<TEI xmlns="http://www.tei-c.org/ns/1.0" xml:lang="fre" xml:id="MG-1686-09b">
<teiHeader>
<fileDesc>
<titleStmt>
<title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France, septembre 1686 (seconde
partie) [tome 12].</title>
</titleStmt>
<editionStmt>
<edition>OBVIL/IReMuS</edition>
<respStmt>
<name>Nathalie Berton-Blivet</name>
<resp>Responsable éditorial</resp>
</respStmt>
<respStmt>
<name>Anne Piéjus</name>
<resp>Responsable éditorial</resp>
</respStmt>
<respStmt>
<name>Frédéric Glorieux</name>
<resp>Informatique éditoriale</resp>
</respStmt>
<respStmt>
<name>Vincent Jolivet</name>
<resp>Informatique éditoriale</resp>
</respStmt>
</editionStmt>
<publicationStmt>
<publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
<date when="2017"/>
<idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/mercure-galant/MG-1686-09b</idno>
<availability status="restricted">
<licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/"><p>Copyright © 2019
Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la
vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
<p>Cette ressource électronique protégée par le code de la propriété intellectuelle sur
les bases de données (L341-1) est mise à disposition de la communauté scientifique
internationale par l’OBVIL, selon les termes de la licence Creative Commons : «
Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France
(CCBY-NC-ND 3.0 FR) ».</p>
<p>Attribution : afin de référencer la source, toute utilisation ou publication dérivée
de cette ressource électroniques comportera le nom de l’OBVIL et surtout l’adresse
Internet de la ressource.</p>
<p>Pas d’Utilisation Commerciale : dans l’intérêt de la communauté scientifique, toute
utilisation commerciale est interdite.</p>
<p>Pas de Modification : l’OBVIL s’engage à améliorer et à corriger cette ressource
électronique, notamment en intégrant toutes les contributions extérieures, la
diffusion de versions modifiées de cette ressource n’est pas
souhaitable.</p></licence>
</availability>
</publicationStmt>
<sourceDesc>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>,
<date>septembre 1686</date> (seconde partie) [tome 12].</bibl>
</sourceDesc>
</fileDesc>
<profileDesc>
<creation>
<date when="1686-09"/>
</creation>
<langUsage>
<language ident="fre"/>
</langUsage>
</profileDesc>
</teiHeader>
<text>
<body>
<head><hi rend="i">Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</hi>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12].</head>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_039" resp="wordpro">
<head>[Débarquement de l’amabassade de Siam et de l’abbé de Choisy en France]*</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 39-40</bibl>
<p/>
<p>Comme ces Ambassadeurs s’estoient chargez d’un grand nombre de Balots, & qu’avec ceux
de M<hi rend="sup">r</hi> le Chevalier de Chaumont, de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de
Choisy, & de leur suite, il y en avoit cens trente-deux, dont plusieurs estoient
extremement gros, on resolut de les faire venir par Mer jusques à Roüen, pendant que les
Ambassadeurs viendroient par terre, & prendroient une autre route.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_102" resp="mercure">
<head>[Ils viennent à la Tragedie qu'on represente tous les ans au College de Loüis le
Grand, & tout ce qui s'est passé à cet égard]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 102-113</bibl>
<p/>
<p>[...] Ils estoient encore à Berny, lors qu'ils furent priez par le Pere de la Chaise, de
venir à la Tragedie du College <hi rend="i">Loüis le Grand</hi>, intitulée <hi rend="i"
>Clovis</hi>. Ils luy répondirent, <hi rend="i">qu’ils ne croyoient pas qu’ils dussent
voir personne, ny aller en quelque Maison que ce fust avant que d’avoir rendu leurs
respects au Roy ; mais que puis qu’une Personne aussi sage, les assuroit que cela se
pouvoit, ils y assisteroient avec plaisir, ne doutant point qu’allant au College, ils ne
fissent une chose agreable aux deux grands Roys</hi>. Le jour que la Tragedie se devoit
representer, ils partirent de Berny dés six heures du matin dans des Carosses dont les
rideaux estoient tirez, & vinrent <hi rend="i">incognito</hi> se reposer a l’Hostel
des Ambassadeurs, qui estoit tout meublé pour les recevoir le jour de leur Entrée. L’heure
de la Tragedie approchant, les Jesuites du College leur envoyerent quatre Carosses, avec
les livrées de quelques Princes Etrangers qui y sont en Pension, parmy lesquels estoient
celles du Fils naturel du Roy d’Angleterre, des Enfans de M<hi rend="sup">r</hi> le Grand
General de Pologne, & du Fils de M<hi rend="sup">r</hi> le grand General de Lithuanie.
Estant arrivez au lieu qui leur estoit destiné, ils furent surpris de la grandeur & de
la beauté du Theatre où l’Action se devoit representer, & ils ne furent pas moins
étonnez de la grande multitude de personnes de la premiere qualité, & d’une infinité
de peuple qui s’y trouva, sans qu’il y eust la moindre confusion. Ils admirerent l’air
dégagé des Acteurs, & la beauté des Danses, & ils prirent un tres-grand plaisir à
voir danser les Enfans de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Villeroy, & de M<hi
rend="sup">rs</hi> de Coëtquin, de Sourches, & de la Mareliere, aussi-bien que M<hi
rend="sup">r</hi> le Chevalier d’Avaux, tous Pensionnaires, & qui charmerent toute
l’Assemblée. <p>Il est necessaire que je vous fasse icy un court détail du Balet, afin de
vous faire mieux comprendre ce qu’ils dirent de ce Divertissement.</p>
<p>Ce Balet avoit quatre Parties, & chaque Partie cinq Entrées.</p>
<p>On voyoit dans la premiere partie ce qu’Hercule a fait pour sa propre gloire.</p>
<p>Dans la seconde, ce qu’il a fait pour le bonheur & pour l’utilité de ses
Peuples.</p>
<p>Dans la troisiéme, ce qu’il a entrepris pour la conservation de ses Amis, & de ses
Alliez.</p>
<p>Dans la quatriéme, ce qu’il a executé pour l’honneur des Dieux.</p>
<p>Le Temps faisoit l’ouverture du Balet. Il estoit accompagné des Siecles. Ce Dieu, aprés
avoir attendu pendant plusieurs années un Heros que le Ciel luy avoit promis, & qui
devoit effacer la gloire de tous ceux qui avoient paru jusques alors, apprenoit enfin de
Mercure, qu’Hercule estoit ce Heros qui devoit étonner toute la terre par le nombre,
& par la grandeur de ses belles actions.</p>
<p>Les travaux d’Hercule estant rapportez à ceux du Roy dans ce Balet, on y voyoit ce
Monarque terrasser la Flandre, appaiser les Troubles au dedans, & au dehors de son
Royaume, dompter la Triple Alliance, passer le Rhin, entrer en Hollande, défendre les
Duels, donner la Paix, rendre le Commerce florissant, joindre les Mers, donner du
secours à Candie, à la Hongrie, aussi-bien qu’à la Suede, foudroyer Alger & Tripoli,
delivrer les Captifs, proteger ses Alliez, affoiblir l’Impieté, soûtenir la vraye
Religion, & détruire l’Heresie.</p>
<p>Il y a longtemps qu’on n’a fait de Balet dont le dessein ait esté si beau, & qui
ait mieux remply l’esprit. Lors qu’on en expliquoit les differentes Entrées aux
Ambassadeurs, ils prévenoient, sans avoir sçeu l’Allegorie que l’on avoit voulu faire,
tous ceux qui leur parloient d’Hercule, & disoient <hi rend="i">Que cet Hercule
devoit representer le Roy, puis qu’il triomphoit de tous ses Ennemis, & portoit la
victoire par tout où il passoit</hi>. Ils loüerent fort la Collation qu’on leur
presenta, & la trouverent d’une beauté surprenante, & d’une magnificence
extraordinaire. Plusieurs personnes de la premiere qualité, comme Princes, Ducs,
Ambassadeurs, & autres, les vinrent voir pendant cette Tragedie. Il les reçeurent
sort obligeamment, & répondirent à chacun selon son Employ, son rang & sa
qualité.</p></p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_113" resp="wordpro">
<head>[Visite de l’abbé de Dangeau, ami de Choisy, à l’ambassade de Siam]*</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 113-114</bibl>
<p/>
<p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Dangeau qui connoissoit parfaitement leur merite, &
leur esprit, parce qu’il est intime Amy de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Choisy, &
que cet Abbé luy a mesme adressé une fort belle Relation de son Voyage de Siam, qui n’a
point esté imprimée, plein de la réputation de ces Ambassadeurs, & d’estime pour leurs
belles qualitez, les alla voir à Berny, où ils le retinrent à souper.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_132" resp="wordpro">
<head>[Arrivée des ambassadeurs à Rambouillet.]*</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 132-133</bibl>
<p/>
<p>Le Roy ayant arresté que ces Ambassadeurs seroient leur entrée à Paris le 12. du mois
passé, ils furent conduits à Ramboüillet, qui est une Maison fort agréable au bout du
Fauxbourg S. Antoine. C’est en ce lieu là qu’on va ordinairement recevoir les Ambassadeurs
des Rois, & ceux des Souverains qui sont traitez comme Testes couronnées. Outre les
Carosses du Roy, de Madame la Dauphine, de Monsieur, de Madame, & des Princes &
Princesses du Sang, il y en eut beaucoup d’autres qu’envoyerent plusieurs Personnes de
marque, qui sont obligées à la Couronne de Siam, comme M<hi rend="sup">rs</hi> de
Chaumont, de Lionne, de Choisy, les Jesuites, & les Missionnaires des Missions
Etrangeres.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_139" resp="mercure">
<head>[Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée, jusques à celuy
qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'il
y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 139, 145-149</bibl>
<note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La
Figure doit regarder la page 167.</note>
<p/>
<p>[Les Ambassadeurs furent conduits dans Paris en carrosse, suivis de] douze Trompetes du
Roy à cheval. [...]</p>
<p>Comme les Ambassadeurs n’avoient pas encore eu Audience, ils crurent ne devoir point
paroistre en public avant que d’avoir salüé Sa Majesté, & ainsi ils demanderent qu’on
ne laissast entrer personne pour les voir manger. L’ordre en fut donné, & la
connoissance qu’on en eut, empescha les curieux de se presenter à la porte de leur Hostel
; mais quoy qu’ils eussent resolu de n’en point sortir jusqu’au jour de l’Audience, on
jugea neanmoins à propos de leur faire voir la Procession qu’on fait tous les ans a
Nostre-Dame le jour de l’Assomption, parce qu’elle édifie beaucoup, & que ne se
faisant qu’une fois l’année, ils s’en retourneroient sans la voir s’ils ne prenoient pas
cette occasion. On laissa à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Mothe, grand Archidiacre,
le soin de faire les honneurs du Chapitre. Il resolut qu’avant que de faire entrer les
Ambassadeurs dans l’Eglise, ils viendroient se reposer chez luy, & qu’ils y feroient
collation en attendant que l’Office fust prest à commencer. Il fit tout preparer pour
cela, mais inutilement, car la foule se trouva si grande dans le Cloistre, qu’il fut
impossible d’approcher de son logis, de sorte qu’il falut aller droit à l’Eglise. On les
conduisit d’abord devant le Grand Autel, où voyant que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la
Mothe avoit fait preparer pour eux, & où l’on n’avoit laissé entrer personne. Ils
considerent toute l’Eglise avec une application que je ne puis vous representer. Ils en
demanderent la hauteur, & la largeur, & témoignerent mesme qu’on leur feroit un
fort grand plaisir si on leur en donnoit le Plan. La Musique leur parust tres-belle, &
ils firent par leur Interprete plusieurs questions à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la
Mothe, qui les éclaircit de ce qu’ils souhaitoient sçavoir là-dessus. Ils demanderent
aussi qu’on leur expliquast quelques Ceremonies, qui regardoient l’Office, & l’on
satisfit leur curiosité, aussi bien que celle qu’ils eurent de vouloir apprendre ce que
c’est que l’Orgue qu’ils écouterent avec une grande attention, & sur laquelle ils
firent des demandes pleines d’esprit. Ils firent mille remerciemens à M<hi rend="sup"
>r</hi> l’Abbé de la Mothe de la peine qu’il se donnoit de leur expliquer toutes ces
choses, & le premier Ambassadeur luy offrit <hi rend="i">du Betel</hi>, je vous en ay
déja parlé dans ma Relation de Siam. Ils en machent aussi souvent, que prennent icy du
Tabac en poudre ceux qui l’aiment davantage, & qui ont toûjours la Tabatiere à la
main. Le Betel fortifie l’estomach, & rend l’haleine plus douce. L’Office estant finy,
on fit la Procession, ou se trouvent les Chanoines de six Chapitres de Paris, sans compter
ceux de Nostre-Dame, avec le Parlement & la Ville en Corps. Comme cette Procession est
fort celebre, & fort auguste, M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris y assiste.
Jamais on n’a regardé plus attentivement aucune Ceremonie, que les Ambassadeurs firent
cette Procession, & jamais on n’a fait de questions plus spirituelles que celles
qu’ils firent, sur tout pour sçavoir ce que signifioit la difference des habits des
Presidens & ceux des Conseillers, & de ceux du Parlement & de Messieurs de
Ville. Ils n’en demeurerent pas là ; car comme on leur parla des differentes Chambres du
Parlement, comme de la grand’ Chambre, des Enquestes, des Requestes, ainsi que de la
Chambre des Comptes, & de la Cour des Aydes, ils s’informerent de la fonction de tous
ces Corps, ce qui ne leur pût estre expliqué qu’en peu de paroles, à causes du peu de
temps que l’on avoit pour cela ; M<hi rend="sup">r</hi> le Doyen, & plusieurs
Chanoines, les vint salüer au Jubé, & ils les receurent avec des honnestetez qu’il
seroit difficile d’exprimer. En sortant ils se mirent à genoux devant l’Autel de la
Vierge, & dirent <hi rend="i">qu’ils avoient esté tellement édifiez de ce qu’ils
avoient vû, & sur tout de l’air dont M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque avoit fait
l’Office, que non seulement ils estoient prests de demeurer pour l’entendre encore, s’il
vouloit recommencer, mais que s’il officioit quatre fois par jour, & qu’ils pûssent
y assister autant de fois, ils le feroient avec beaucoup de plaisir</hi>. Ils s’en
retournerent satisfaits, & si remplis de toutes les choses qu’ils avoient veuës,
qu’ils employerent quatre Secretaires tout le soir, pour écrire leurs remarques.</p>
<p>Je vou say déja appris que le second Ambassadeur a esté en Ambassade à la Chine de la
part du Roy de Siam. Comme c’est un homme de bon esprit, sage & fort sincere, on a
voulu sçavoir de luy la difference qu’il faisoit de ces deux Etats. Il a dit <hi rend="i"
>qu’il y avoit beaucoup de monde en la Chine ; que les bords des Rivieres y estoient
beaucoup plus peuplez que le reste du Païs, & que si la France estoit à proportion
aussi peuplée dans toutes ses Campagnes qu’elle l’estoit le long des bords de la Loire
qu’il avoit vûs, il y avoit autant de monde en France qu’en la Chine, à proportion de
l’étenduë de l’un & de l’autre Etat ; que suivant même ce qu’il venoit de dire on
devoit croire qu’il y en a davantage en France ; mais que ce qui les égaloit, au moins
selon ce qu’il avoit vû, estoit que la Chine luy avoit paru peuplée, ainsi que je viens
de vous marquer, quoy qu’il n’eust point vû de Femmes, parce qu’elles ne s’y montrent
point</hi>. Il dit à l’égard de Paris & de la Capitale de la Chine, <hi rend="i"
>qu’il avoit vû autant d’hommes à Pequin, qui est le nom de cette Capitale, que d’hommes
& de femmes ensemble à Paris</hi>. Il peut dire vray, mais il peut aussi se tromper,
n’ayant pas encore assez vû Paris pour en juger. Il en parle sur deux choses ; sur ce
qu’il a vû le jour qu’il fit son Entrée, & ce qu’il vit dans Nostre-Dame & aux
environs le jour de l’Assomption. A l’égard des Jardins, que ceux qui ont fait imprimer
des Voyages de la Chine, vantent tant, il asseure qu’ils sont infiniment plus beaux en
France, comme beaucoup d’autres choses. Il faut remarquer que lors qu’il a parlé ainsi, il
n’avoit point eu Audience, ny vû les Jardins de Versailles & de Saint Cloud ; &
que ce qu’il dit à l’égard du peuple de Paris seulement, parce qu’il ne l’a pas encore
tout vû, est avantageux à la France, puis que sa sincerité paroissant par là (au lieu que
d’autres flateroient ceux du Pays où ils sont) fait connoistre qu’il dit vray, lors qu’il
nous donne l’avantage sur d’autres articles.</p>
<p>Quoy que les Ambassadeurs eussent resolu de ne manger en public qu’aprés avoir eu
Audience du Roy, ils ne laisserent pas de voir quelques Personnes distinguées. Ils sont si
reconnoissans, que dés que parmy beaucoup d’autres, ils apercevoient quelqu’un de ceux qui
les avoient reçeus sur leur route avec plus d’affection que d’autres, ils les demêloient
aussi-tost, leur parloient les premiers, & leur faisoient cent caresses. On ne peut
exprimer celles qu’ils firent à Madame l’Intendant de Brest, lorsqu’ils la virent à Paris.
Ils ne se contenterent pas de trouver à leur goust les Mets qu’on aprête en France, ils
veulent sçavoir de quoy ils sont composez, & font aporter devant eux tout ce qui entre
dans les Ragoust les plus délicats, non pour le désir d’avoir de quoy manger délicatement,
mais pour ne s’en pas retourner en leur Païs sans y porter tout ce qui regarde les Arts,
& les Coûtumes de France, & afin de ne rien oublier, ils ont mesme greffé des
Arbres dans le Jardin de l’Hostel des Ambassadeurs. Ce qu’ils souhaitent le plus
d’emporter d’icy, & qu’ils préferent à ce qu’on leur pourroit donner de plus précieux,
& de plus riche, ce sont des Cartes du Royaume, des Plans des Places fortes, & des
Maisons Royales, des Tableaux ou des Estampes, où le Roy soit à la teste de ses Armées,
d’autres qui leur representent les Armées Navales de Sa Majesté, & d’autres où ils
puissent voir toutes ses Chasses. Le Pere de la Chaise, en leur rendant une seconde visite
à Paris, leur fit present de liqueurs, & leur dit, <hi rend="i">Que le Roy avoit
beaucoup de joye, de ce qu’il entendoit dire tous les jours d’eux & de leur
esprit</hi>. Lors qu’ils estoient sur le point d’avoir Audience, le Roy fut attaqué
d’une fiévre quarte, & ce fut alors qu’ils redoublerent leurs instances pour ne voir
personne ; ils dirent <hi rend="i">Que voir du monde c’estoit se divertir, & qu’ils ne
devoient prendre aucun plaisir tant que la Maladie du Roy dureroit</hi>. S’ils en usent
pour un Monarque dont ils ne sont pas nez Sujets, vous pouvez juger de ce qu’ils font pour
leur Souverain. Le profond respect qu’ils ont pour luy leur en a fait rendre un tres grand
à la Lettre dont il les avoit chargez, pour l’apporter à sa Majesté.</p>
<p>Elle estoit placée à l’Hôtel des Ambassadeurs, dans le fond de la Ruelle du Lit de Parade
du premier Ambassadeur, de la maniere que vous le voyez dans la Planche que je vous
envoye, & que j’ay fait dessiner exprés sur le lieu. On l’avoit enfermée dans trois
Boëtes. Celle de dessus estoit de bois verny du Japon ; la seconde d’argent & la
troisiéme d’or. La Lettre qui estoit écrite sur une Lame d’or roulée, les Roys de Siam
n’écrivant jamais que sur l’or, estoit dans cette derniere. Toute ces Boëtes estoient
couvertes d’un Brocard d’or, & fermées avec le Sceau du premier Ambassadeur qui estoit
en Cire blanche. Les Ambassadeurs mettoient tous les jours des fleurs nouvelles dessus,
& toutes les fois qu’ils passoient devant cette Lettre, ils faisoient de profondes
inclinations. Quoy qu’ils n’ayent point icy de Talapoins, ils ne laissent pas d’y faire
des exercices de leur Religion. Ils se mettent à genoux, élevent les mains plusieurs fois,
& touchent la terre de la teste. Ils disent qu’on a rapporté beaucoup de choses de
leur Religion qui se sont pas vrayes, qu’ils font plusieurs de Meditations dont les
principales sont de faire reflexion sur ce que la Mary doit à sa Femme, & la Femme à
son Mary, le Pere à son Fils, le Fils à son Pere, & l’Amy à son Amy, & que le plus
vertueux est parmy eux le plus saint.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_186" resp="mercure">
<head>[Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles. Les
Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la plupart des
Princes & Princesses de la Maison Royale]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 186-192</bibl>
<p>[...] On avoit ordonné que pour faire honneur à [la Lettre du Roy de Siam], il y auroit
au pied de l'Escalier, en dehors trente-six Tambours, & vingt-quatre Trompetes. Les
trois Ambassadeurs marchoient de front avec M<hi rend="sup">r</hi> de la Feüillade, &
l'on portoit auprès d'eux les marques de leur dignité, qui sont de grande Boëtes rondes
cizelées avec des couvercles relevez. C'est le Roy de Siam qui les donne, & l'on ne
paroist jamais devant luy sans les avoir. Elles sont differentes auqqi-bien que les
Couronnes, & font connoistre le rang de ceux à qui elles apartiennent. Les Cours du
Chasteau estoient toutes remplies de monde pour voir passer les Ambassadeurs. Ils
trouvèrent deux hayes des Cent Suisses, sur le grand Escalier, dont les Eaux joüoient
& faisoient plusieurs napes dans le milieu. Ils traversèrent au bruit des Fanfares des
vingt-quatre Trompetes qui suivirent. Quand on fut en haut de l'Escalier, le premier
Ambassadeur prit dans la Machine où l'on avoit mis la Boëte d'or qui renfermoit la Lettre
du Roy son Maistre, & le donna à porter au troisième Ambassadeur, puis l'on entra dans
la première Salle des Gardes. Les Gardes du Corps estoient en haye, & fort serrez des
deux costez des deux premières Salles du grand Appartement du Roy. M<hi rend="sup">r</hi>
le Duc de Luxembourg les receut à la porte de la premiere avec trente Officiers des Gardes
fort lestes & en juste au-corps bleu. Le compliment de M<hi rend="sup">r</hi> de
Luxembourg estant finy, il accompagna les Ambassadeurs avec tous les Officiers de sa
suite, jusques au bout de la Galerie où estoit le Trône du Roy, les Timballes & les
Trompetes qui estoient entrez avec les mesmes Ambassadeurs pour accompagner la Lettre du
Roy de Siam, & luy faire plus d'honneur, jouèrent jusques au bout de la seconde Salle
où les Gardes du Corps estoient en haye, & ne passerent point dans le reste de
l'Apartement, que tous ceux que je vous ay marquez traverserent. Il entrerent ensuite dans
le Salon qui est au bout de l'Appartement, & par lequel on va dans la Galerie [au bout
de laquelle se trouvait le trône du roi qui les reçut entouré de tous les princes et
princesses de la Maison royale.] [...]</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_274" resp="wordpro" copyOf="JLB_MG-1686-09b_175">
<head>[Ce qui s’est passé à la Comedie Françoise le premier jour que les Ambassadeurs y ont
esté]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 274-279</bibl>
<p>[...] Quelques jours aprés, Madame du Repaire estant venuë le voir disner, on luy dit
qu’elle estoit Sœur de M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis d’Uxelles, dont il avoit reçeu
tant d’honneur au Camp. Il luy fit aussi tost compliment, & luy presenta les plus
beaux fruits de la table ; & quoy qu’il eust coûtume d’en presenter aux Personnes les
plus distinguées, & aux plus belles Dames, il n’en presenta ce jour-là à aucune. On
s’en étonna, mais on remarqua enfin qu’il ne l’avoit fait, qu’afin que Madame du Repaire
eust l’avantage d’estre seule distinguée. Ayant vû jouer la Comedie du Bourgeois
Gentilhomme, il comprit tout le sujet de la Piece sur ce qu’on luy en expliqua, & dit
à la fin qu’il auroit souhaité qu’il y eust eu dans le dénoüement de certaines choses
qu’il marqua. M<hi rend="sup">r</hi> de la Grange dit dans son Compliment, <hi rend="i"
>Qu’ils avoient esté souvent honorez de la presence de plusieurs Ambassadeurs, qui
poussez par leur curiosité estoient venus admirer leurs Spectacles, mais qu’ils
n’avoient jamais eu l’avantage de voir chez eux des Personnes, dont la qualité de
l’Ambassade dans toutes ses circonstances eust plus attiré d’admirations, & que
c’estoit ce qui leur arrivoit ce jour-là par leur presence ; que toute la France estoit
pleinement informée de l’estime particuliere que nostre Auguste Monarque faisoit de leur
merite, & qu’aussi s’empressoit-on à leur rendre de toutes parts les honneurs dûs à
leur Caractere, chacun allant au devant de ce qui leur pouvoit estre agreable, qu’il
auroit esté à souhaiter pour la Troupe, qu’un peu d’habitude de la Langue Françoise leur
eust rendu la Piece intelligible, afin qu’ils en eussent pû sentir la beauté, ce qui
leur auroit fait mieux comprendre le zele avec lequel ils s’estoient portez à leur
donner quelque plaisir ; qu’ils prioient leurs Interpretes de le leur faire entendre,
aussi bien que le desir qu’ils auroient de contribuer encore à leur divertissement
pendant leur sejour à Paris</hi>. Ce discours receut beaucoup d’applaudissemens, &
l’Ambassadeur ayant rencontré M. de la Grange lors qu’il sortoit de la Comedie, luy dit en
François, <hi rend="i">Je vous remercie, M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis</hi>, parce
qu’il avoit joué le rôle du Marquis dans la Piece.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_283" resp="nbb">
<head>[Ce qui s’est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu’ils ont esté à ce
Theatre]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 283-287</bibl>
<p>[...] Quand ils allerent à la Comedie Italienne, & qu’on leur voulut faire remarquer
la Salle qui est tres-belle, ils dirent <hi rend="i">qu’elle estoit à Paris & que cela
suffisoit, Paris estant capable de produire tout ce qu’on peut s’imaginer de plus
beau</hi>. Voicy à peu prés le sujet du Compliment Italien que leur fit M<hi rend="sup"
>r</hi> Ginthio. Il dit, <hi rend="i">Que c’étoient de sages & illustres Ministres,
qui portoient imprimée sur leur front la grandeur de leur Roy, qu’ils estoient venus en
France du fond des Indes pour nous découvrir les merveilles de l’Asie, que leur Royaume
estoit divisé en onze Provinces qu’on pouvoit appeller autant de Royaumes, & que
tout estoit d’un si grand exemple dans le Gouvernement de Siam, que si les Ecoles de la
Prudence & de la Politique estoient necessaires en France, ils pourroient en donner
les premiers enseignemens</hi> ; à quoy il ajoûta, <hi rend="i">qu’il les prioit de
souffrir qu’au nom de toute la Troupe, il leur rendist graces de l’honneur qu’il leur
avoit plû de faire à leur Theatre, & qu’à leur retour à Siam ils daignassent dire à
leur Souverain Seigneur, que les Nations les plus éloignées donnent un tribut de
loüanges à sa grandeur, & reverent sa Puissance, d’autant plus considerable qu’elle
a merité l’estime de nostres Monarque, toûjours Invincible LOUIS XIV & que cependant
ils attendroient d’eux de nouveaux ordres pour leur donner de nouvelles marques de leur
zele & de leur obeïssance</hi>. Ce Compliment fut interpreté en François par M<hi
rend="sup">r</hi> Veneroni, Interprete du Roy en Langue Italienne, qui parle Portugais
aussi-bien que l’Interprete des Ambassadeurs qui est né à Siam, & Fils d’un Portugais
qui s’y est habitué.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_287" resp="mercure">
<head>[Ce qu'ils ont dit de Montmartre]*</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 287-288</bibl>
<p>[...] Comme ils veulent voir Paris par tous les endroits d'où l'on en peut remarquer
quelques parties principales, ils ont esté sur la Montagne de Montmartre. Ils ont dit <hi
rend="i">Que Siam avoit autant d'étenduë que Paris, mais que cependant à cause de la
hauteur des Maisons, Paris estoit six fois aussi grand que Siam</hi>. Ils allèrent au
Couvent & firent compliment à Madame de Montmartre. Ils y entendirent Vespres,
trouvèrent beaucoup de douceur dans le chant des Religieuses, & remarquèrent qu'elle
avoient point levé leur Voile pour les regarder. [...]</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_295" resp="mercure">
<head>[Ce qui s'est passé à Meudon pendant une journée entiere qu'ils ont employée à visiter
ce Chasteau]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 295-296</bibl>
<p/>
<p>[...] Ils se reposèrent chez M<hi rend="sup">r</hi> Girardo, Capitaine du Chasteau, où
ils furent divertis par Mesdemoiselles Girardo, ses Filles, qui dansent, & qui joüent
fort bien du Clavessin [...]</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_351" resp="nbb">
<head>[Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le palais de Thuileries, où
les Ambassadeurs ont esté]*</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 351-355</bibl>
<p>[...] Il parut à la porte par laquelle on entre dans cet autre Palais, & y receut les
Ambassadeurs. Ils s’attacherent d’abord à regarder un Theatre qui est dans le gros
Pavillon du bout, & qui n’est la que pour les repetitions des Opera de Sa Majesté. On
traversa ensuite tous les Appartemens. Je ne vous parle ny de la Peinture ny de la Dorure
dont ils sont tout remplis. Comme Corps de Logis est double, on tourna delà dans une fort
belle Galerie qui regne le long de ces Appartemens. Il y a dans cette Galerie dix ou douze
Cabinets d’un tres-grand prix, dont la pluspart ont esté faits aux Gobelins. Ces Cabinets
ont chacun leur nom. Les Colomnes de ceux qui en ont sont de Pierres precieuses. Il y a
des Figures d’or, & des Miniatures d’une beauté surprenante. Il y avoit trop à voir,
& trop de foule pour les pouvoir examiner comme ils le meritent. On traversa quelques
Antichambrer & la Salle des Gardes, puis on passa par dessus la Te rasse pour aller à
la Salle des Machines. Les Ambassadeurs s’arresterent quelque temps sur la Terrasse pour
regarder le Jardin, qui leur plut beaucoup. Ils entrerent ensuite dans la Salle des
Machines, qui pour la Peinture, la Sculpture, la Dorure, la grandeur & la
construction, est le plus bel Ouvrage de cette nature qu’on ait jamais veu. Il y a
plusieurs rangs de Balcons en saillie, qui produisent un effet admirable. Rien n’est plus
beau que le Theatre qui est plus profond que la Salle n’est longue. Cette Salle est du
dessein de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Vigarani, Gentilhomme Modenois. Celle de Modene
qu’il avoit faite, passoit pour la plus belle de l’Europe, avant qu’on eust veu la Salle
des Thuilleries, qui fut bâtie pour le Mariage de Sa Majesté. M<hi rend="sup">r</hi> de
Vigarani le Fils qui est au Roy, & qui depuis ce temps-là a eu toûjours l’honneur
d’estre à son service, y fit travailler avec M<hi rend="sup">r</hi> de Vigarani son Pere,
aussi bien qu’au premier Balet Intitulé <hi rend="i">Herculé</hi>, qui y fut dancé aprés
le Mariage de ce Prince. Les Machines en estoient si grandes, & si surprenantes, qu’il
y en avoit qui enlevoient jusqu’à cent Personnes à la fois.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1686-09b_355" resp="wordpro">
<head>[Ils vont à l’académie Royale de Peinture & de Sculpture. Description de cette
Academie]</head>
<bibl><title>Mercure galant, Voyage des ambassadeurs de Siam en France</title>, septembre
1686 (seconde partie) [tome 12], p. 355-363</bibl>
<p>[...] Au sortir de cette Salle on descendit par le Grand Escalier, & aprés que les
Ambassadeurs l’eurent consideré ainsi que la Façade du Bastiment, & qu’ils eurent
remercié M<hi rend="sup">r</hi> de Congis qui les avoit accompagnez par tour, ils furent
conduits à l’Academie Royale de Peinture & de Sculpture, dont M<hi rend="sup">r</hi>
de Louvois est le Protecteur. Tout le monde sçait ce qu’elle doit à ses soins. Elle est à
l’entrée de la ruë de Richelieu dans une des Galleries du Palais Royal. Les Ambassadeurs
furent reçûs en descendant de Carosse, par M. le Brun qui est Chancelier & Directeur
de cette Academie, & par M<hi rend="sup">rs</hi> Girardon, Des jardins, de Seve, le
Hongre, Beaubrun, & Coëpel qui en sont les principaux Officiers, & les plus
illustres dans leur Art. Ils estoient accompagnez de plusieurs autres, & d’un grand
nombre d’Academiciens qui ne sont point du Corps des Officiers. Les Ambassadeurs virent
d’abord dans la premiere Salle plusieurs Tableaux & plusieurs Basreliefs de marbre,
faits par les Etudians qui travaillent tous les ans pour les Prix que le Roy donne. Ils
entrerent ensuite dans la Sale, où les Ecoliers dessinent d’aprés les Modeles, & où
ils travailloient alors aprés un Groupe de deux hommes nuds, qui estoient au milieu de
cette Sale. Le premier Ambassadeur fit une chose qui surprit toute l’Assemblée, & qui
le fit admirer. Il prit les desseins de la pluspart des Ecoliers, les considera les uns
aprés les autres, & montra celuy qu’il croyoit le meilleur. M<hi rend="sup">r</hi> le
Brun lit qu’il avoit jugé juste, & pour faire voir qu’il ne le flatoit point, il donna
le dessein à examiner à ceux de l’Academie, qui estoient autour de luy. On entra de la
dans la grande Sale, où M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie tiennent leurs Assemblées
Elle est toute remplie de Tableaux, faits par les plus excellens Peintres que nous ayons,
& de Bustes, de Bas-reliefs, & de Médailles de Marbre, travaillez par les plus
habiles Sculpteurs. On peut dire que ce sont autant de Chefs-d’œuvres, puis que ce sont en
effet les Chefs-d’œuvres, de tous les Peintres, & de tous les Sculpteurs qui sont
reçeus à l’Academie, où chacun est obligé de donner ou un Tableau, ou un Ouvrage de
Sculpture pour y estre reçû. Les Ambassadeurs estant au milieu de tant de belles choses,
en examinerent le plus grand nombre qu’ils pûrent, & firent tant de questions, que la
pluspart des Academiciens se trouverent occupez en mesme temps à leur répondre. Ils virent
dans le mesme lieu l’Hercule, & la Flore, qui sont des Figures de dix pieds de haut,
& demanderent si ces Figures estoient d’Italie. On leur dit que ce n’estoit là que des
Modelles ; qu’il y en avoit de semblables en Italie qui estoient de Marbre, & qu’on en
faisoit aussi de Marbre à Paris, pour le Roy, qui devoient estre bien-tost achevées. Aprés
cela ils approcherent des fenestres qui donnent dans la Court de l’Academie, &
s’attacherent à regarder un Cheval de bronze qui est au milieu sur un piedestal, & un
Modelle de plastre de l’Empereur Marc-Aurele à cheval. De cette Sale ils passerent dans
celle où sont les Portraits des personnes de l’Academie, que ceux qui ont esté reçeus ont
choisy de faire pour leurs Tableaux de reception. En entrant le premier Ambassadeur
reconnut de loin celuy de M<hi rend="sup">r</hi> le Brun, & s’attacha ensuite à
quelques autres, dont la peinture sembloir donner du relief aux Figures. Ils sortirent
aprés avoir consideré tous ces Tableaux, & dirent à ces M<hi rend="sup">rs</hi>, <hi
rend="i">Qu’ils ne s’étonnoient pas si l’on voyoit tant de belles choses en France, puis
qu’il y avoit un si grand nombre d’habiles Gens</hi>. Ils furent reconduits jusques à
leur Carosse par tous ceup qui avoient esté les recevoir, à la reserve de M<hi rend="sup"
>r</hi> le Brun, qui estoit party un peu avant eux, afin de les aller attendre aux
Gobelins.</p>
</div>
</body>
</text>
</TEI>