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    <title>Extraordinaire du Mercure galant, quartier d'avril 1681 (tome XIV).</title>
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    <edition>OBVIL/IReMuS</edition>
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     <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
     <resp>Responsable éditorial</resp>
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     <name>Anne Piéjus</name>
     <resp>Responsable éditorial</resp>
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     <name>Frédéric Glorieux</name>
     <resp>Informatique éditoriale</resp>
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     <name>Vincent Jolivet</name>
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    <publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
    <date when="2017"/>
    <idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/mercure-galant/MG-1681-06e</idno>
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     <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/"><p>Copyright © 2019
       Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la vie
       littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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       versions modifiées de cette ressource n’est pas souhaitable.</p></licence>
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    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'<date>avril 1681</date> (tome
     XIV). <hi rend="i">Achevé d’imprimer le 15 juillet 1681</hi></bibl>
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    <date when="1681-06"/>
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   <head><hi rend="i">Extraordinaire du Mercure galant</hi>, quartier d'avril 1681 (tome
    XIV).</head>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_001">
    <head>Lequel doit estre estimé le plus malheureux, ou l’Aveugle né, ou celuy qui a perdu la
     veuë [Question traitée par M. PArrin d'Aix en Provence]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 1-12.</bibl>
    <p><hi rend="i">Ne soyez point surprise, Madame, si dans chacune de mes Lettres Extraordinaires
      vous trouvez beaucoup d’Ouvrages sur les matieres qui ont composé le précedent. On me les
      envoye si tard, &amp; les Lieux d’où j’en reçois quelques-uns sont si éloignez, que je suis
      toûjours contraint d’en remettre une partie jusques au Quartier suivant. Ce retardement n’oste
      rien de leur beauté, &amp; j’espere que vous ne serez pas moins satisfaite de ceux qui vont
      faire le commencement de cette Lettre, que vous me l’avez paru de tout ce qui a remply celle
      du 15. d’Avril. M<hi rend="sup">r</hi> Perrin est Autheur de la Réponse que vous allez voir à
      la Question des deux Aveugles. Il est d’Aix en Provence, Fils d’un Secretaire du Roy, &amp;
      l’un des plus beaux Esprits de la Province. La maniere dont il établit son raisonnement, vous
      en convaincra.</hi></p>
    <quote>
     <label><hi rend="i">LEQUEL DOIT ESTRE<lb/>estimé le plus malheureux, ou l’Aveugle né, ou celuy
       qui a perdu la veuë.</hi></label>
     <p>Si l’on eust autrefois proposé ce Probléme à cet Athénien, qui se fait un honneur d’estre
      insensible, comme il mettoit sa gloire à paroistre indiférent dans les disgraces qui
      survenoient, il n’auroit pas balancé sur la réponse qu’il eust euë à faire. Il eust fait voir
      que celuy qui a perdu la veuë, ne l’auroit point touché, mais que celuy qui naist aveugle
      l’auroit attendry.</p>
     <p>Si nous entrons dans le sentiment de ce Philosophe, nous demeurerons d’accord, que quoy que
      tous deux soient privez de la lumiere, l’usage qu’a eu de ses yeux celuy qui a veu, luy laisse
      dequoy se consoler ; car en effet, plusieurs avantages reparent en quelque façon les
      incommoditez des tenebres où il se trouve. Il a eu le plaisir de voir le monde, &amp; les
      beautez qui le rendent aimable. Disons plus. Les images qui en sont restées dans son esprit,
      luy rendent les mesmes beautez comme présentes, &amp; peuvent en quelque sorte agreablement le
      divertir. A la verité il est dans les tenebres, mais ses tenebres ne sont qu’extérieures ;
      elles ne s’étendent pas jusques au dedans de luy. Le corps est aveugle, mais l’ame est
      clairvoyante. Les rayons du Soleil ne sont pas necessaires pour entretenir les connoissances
      qu’elle a acquises. Que si elle a besoin du ministere des yeux, ce n’est que pour discerner
      les couleurs, &amp; non pas pour conserver les sentimens. D’ailleurs, l’ame, ce chef-d’œuvre
      de Dieu mesme, cette ame a une noblesse qui l’éleve au dessus des miseres qui attaquent son
      compagnon ; &amp; de mesme qu’elle demeure libre parmy les liens qui l’enchaînent, elle
      conserve aussi ses lumieres au milieu des tenebres qui l’environnent. Personne n’ignore
      qu’Homere n’eust cessé de voir les objets sensibles, &amp; cependant ses ouvrages ne sont-ils
      pas remplis de descriptions si achevées des beautez qu’il avoit veuës, qu’elles trouveront
      toûjours des Admirateurs, par tout où il y aura de bons Connoisseurs ? D’autres Anciens, aussi
      devenus aveugles, ont porté si loin les connoissances qu’ils avoient sur la Philosophie,
      qu’ils ont fait voir que leurs yeux n’estoient pas necessaires pour s’immortaliser par des
      découvertes, dont les plus curieux clairvoyans font les matieres des plus belles loüanges.</p>
     <p>Les Siecles passez ne sont pas les seuls qui fournissent des Aveugles sçavans. On en trouve
      encor dans le nostre. Il y a des Gens qui parlent avec tant de justesse de ce qu’ils ont veu,
      qu’on diroit qu’ils le regardent encor, &amp; que c’est sur ce qu’ils voyent qu’ils
      s’expriment, tant il est vray que si la Nature afflige de beaucoup d’incommoditez ceux qui
      sont devenus aveugles, elle les console de beaucoup d’avantages, &amp; que faisant en quelque
      façon comme cette Lance dont parle la Fable, elle fait des guérisons où elle a fait des
      blessures, prenant plaisir à se montrer bienfaisante, où elle sembloit en avoir pris à se
      faire voir cruelle. Mais si, pour ainsi dire, cette commune Mere ne fait de ceux qui sont
      devenus aveugles que des demy-Malheureux, elle fait des Malheureux achevez de ceux qu’elle
      prive de la veuë dés le ventre de leur Mere. Et de vray, gardant pour eux la qualité de
      cruelle, sans conserver celle de bienfaisante, elle ne leur fait éprouver que ce que
      l’aveuglement a de plus fâcheux, &amp; il semble qu’elle s’occupe des moyens qui les peuvent
      empescher d’avoir en ce monde quelques doux momens ; car en les privant de la veuë, elle leur
      oste ce qui peut rendre la vie agreable, &amp; les mettant ainsi dans l’impuissance de
      connoistre beaucoup de choses, elle les met en mesme temps dans la necessité d’en ignorer
      plusieurs. Aussi les tenebres de ces Infortunez passent fort souvent jusques dans leur esprit,
      &amp; augmentent la grandeur des autres miseres qui suivent l’aveuglement ; car d’ordinaire
      ils ont l’ignorance en partage, &amp; s’il arrive qu’ils tâchent d’acquérir quelque science,
      comme ils ne peuvent avoir que des connoissances superficielles, leurs soins se trouvent
      presque tous inutiles. On doit donc avoüer que des deux Aveugles de nostre Probléme, le moins
      malheureux c’est celuy qui a perdu la veuë. S’il a des incommoditez qui luy soient communes
      avec l’Aveugle né, il a des avantages qui luy sont particuliers, &amp; qui pour consolation
      dans ses peines, luy rendent sa disgrace suportable. Que dans le dessein de combatre ce
      sentiment, on ne dise pas que pour sçavoir si quelque chose est un bien, il faut en avoir
      gousté le plaisir ; &amp; que l’Aveugle né, qui n’a jamais joüy de la veuë, se trouve dans une
      heureuse ignorance, qui en luy dérobant la connoissance du misérable état où il est, luy en
      oste la douleur. Qu’on dise plutost qu’il reçoit du préjudice de cette ignorance, puis qu’au
      lieu de diminuer son malheur, elle l’augmente ; car enfin, qui ne sçait que l’imagination est
      semblable à ces Lunetes d’approche qui grossissent les objets ; &amp; que quand on ne sçait
      pas les choses, c’est alors qu’elle agit plus puissamment sur l’esprit, qu’elle figure les
      maux plus grands qu’ils ne sont, &amp; que pour le dire en un mot, elle est ingénieuse à
      tourmenter ? Il est vray que si l’Aveugle né, ne sçachant pas la qualité de son malheur,
      ignoroit qu’il fust malheureux, son ignorance alors ne pourroit luy estre qu’avantageuse. Dans
      cet état son imagination ne pourroit troubler son repos ; mais sa disgrace est un mal qui ne
      se sçauroit dissimuler. Des aviditez secretes dont la Nature ne peut se soulager que par les
      regards, luy tiennent lieu d’une plus grande assurance de son malheur. Si l’on parle devant
      luy ; parmy les diverses choses qu’on dira, toutes celles qu’il ne pourra pas comprendre,
      seront encor autant de nouveaux sujets de déplaisir que luy donnera son infirmité. Ainsi au
      milieu des diférentes assurances de sa misere, il est impossible qu’il ne soit persuadé qu’il
      est bien plus misérable n’ayant jamais veu la lumiere, que s’il en avoit joüy pendant quelque
      temps. Donc l’Aveugle né est plus malheureux que celuy qui a perdu l’usage de la veuë.</p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_012">
    <head>De la Superstition, et des Erreurs populaires [, par M. de la Fevrerie]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 12-88.</bibl>
    <quote>
     <label>DE LA SUPERSTITION, ET DES ERREURS POPULAIRES.</label>
     <p>L’ignorance de la Divinité, dit Plutarque, engendre l’impieté dans les ames dures &amp;
      grossieres, &amp; la superstition dans les ames tendres &amp; timides. L’impieté rend les
      Hommes incrédules, audacieux, teméraires ; &amp; la superstition les rend faciles, lâches,
      &amp; défians. L’Athée ne croit point qu’il y ait de Dieu, &amp; n’en redoute point la
      colere ; Le Superstitieux vit toûjours dans la frayeur &amp; dans la crainte du Dieu qu’il
      adore. Ils pensent mal tous deux de la Divinité, l’un par la fausseté de son jugement, l’autre
      par le déreglement de sa volonté. L’un ne comprend point du tout comme Dieu est, l’autre le
      comprend comme il n’est pas. L’un ne peut croire qu’il soit quelque part, l’autre le cherche
      par tout. Enfin l’un accuse de son malheur les Hommes &amp; la Fortune, l’autre s’en prend aux
      Dieux. Mais pour montrer que la superstition est plus criminelle que l’atheïsme, Plutarque en
      rapporte un exemple fort juste. Il dit qu’Anaxagoras fut accusé d’impieté, pour avoir soûtenu
      que le Soleil estoit une Pierre, &amp; que les Cimmériens n’en furent point repris, qui
      disoient qu’il n’y avoit point du tout de Soleil ; &amp; la raison est, qu’il est plus
      criminel d’attribuer aux Dieux ce qui est indigne de leur essence, que de les nier
      absolument ; &amp; il continuë cette induction par luy-mesme. J’aime mieux qu’on dise que
      Plutarque n’est point, ou n’a jamais esté, que de dire que Plutarque est colere, avare,
      fourbe, ou infidelle. Le Superstitieux a de la haine pour le Dieu qu’il révere, &amp; de son
      Adorateur il devient son Ennemy. S’il a pour luy du respect &amp; de la venération, c’est
      comme pour un Tyran qu’on honore, parce qu’on le craint ; &amp; quelquefois il voudroit estre
      Athée, &amp; ne rien croire, pour ne rien craindre. En effet, la superstition est voisine de
      l’impieté, ou plutost une habitude qui luy est conforme, comme par le Philon, qui l’appelle
      encor un rejeton superflu de la Religion. L’Impie, dit-il, ne fait rien pour elle ; le
      Superstitieux en fait trop. Sa créance, dit M<hi rend="sup">r</hi> Chevreau, est fondée sur
      une Religion malheureuse, &amp; sur une impieté devote. Il est ridicule dans ses observations,
      il est esclave de ses craintes, il invoque Dieu selon son caprice, &amp; luy donne quelquefois
      plus qu’il ne faut, &amp; toûjours autre chose qu’il ne luy demande. Il ne prend conseil que
      des Vieilles &amp; des Etoiles. Il distingue tous les bons &amp; tous les fâcheux momens de
      l’année, &amp; regle sur leur fatalité, toute la conduite de sa vie. La nuit qui a esté faite
      pour le repos des Hommes, luy cause mille inquiétudes, &amp; dans cette obscurité il s’imagine
      voir à toute heure quelque Spectre ou quelque Fantôme. Il a toûjours quelque vision ou quelque
      rêverie, &amp; se tenant à luy-mesme lieu de Devin &amp; de Prophete, il prend à bon ou
      méchant augure, la rencontre d’un Animal, le vol &amp; le chant d’un Oyseau, comme si les
      Bestes devoient gouverner les Hommes, au lieu que les Hommes doivent gouverner les Bestes.</p>
     <p>Je veux croire avec les Sçavans, qu’il y a beaucoup d’imperfection de naturel dans le
      Superstitieux, &amp; qu’il est foible par tempérament ; mais il y a aussi beaucoup d’habitude,
      de curiosité, &amp; de vanité. Il n’est pas toûjours ignorant &amp; grossier, il ne se laisse
      pas conduire par le nez, mais par les oreilles, dit un Moderne, qu’il a grandes &amp; mobiles,
      dans lesquelles tout entre, &amp; rien n’en sort ; car s’il est facile de le séduire, il est
      impossible de le détromper. Il a de l’ambition, quoy qu’il soit toûjours dans la crainte &amp;
      dans un honteux esclavage ; car, comme dit Pline, l’Homme est la plus superbe &amp; la plus
      misérable des Créatures, &amp; dans la pensée de Socrate, le plus superbe &amp; le plus
      superstitieux. Un autre assure, que plus on a de malice, &amp; plus on a de superstition,
      &amp; que lors qu’on est méchant &amp; superstitieux, on est sujet à mille illusions &amp; à
      mille fantômes qui troublent l’esprit. On a des songes terribles &amp; épouvantables, qui sont
      moins un effet du malheur qui nous arrive, que de nostre méchante conscience &amp; des
      châtimens que nous méritons. Enfin le Superstitieux est quelquefois trop curieux &amp; trop
      sçavant. Pline dit que de son siecle les Ignorans &amp; les Doctes s’arrestoient à examiner
      leurs songes, leurs rencontres, &amp; jusques à leurs éternûmens.</p>
     <p>On n’appelle pas cela des Erreurs populaires, parce qu’il n’y a que le Peuple qui en soit
      capable ; mais parce que ce sont les opinions de tous les Peuples, ou plutost parce que la
      superstition est la maladie de tous les Hommes, des Braves comme des Lâches des Doctes comme
      des Ignorans, des Devots comme des Impies. Elle se répand chez toutes les Nations, dit un
      Ancien ; elle gagne toutes les Ames, elle occupe tous les Esprits. Ce qui est Religion chez
      les uns, est superstition chez les autres. Le Concile de Trente a eu cette pensée, lors qu’il
      la définit, <hi rend="i">veræ pietatis falsa imitatrix</hi> ; mais elle va jusqu’à l’excés de
      la folie, &amp; elle trouble de telle sorte l’imagination des Peuples, que sous le Regne de
      Charlemagne estant survenu une grande mortalité sur le Bestail en l’an 801. ils crûrent en
      France que c’estoit Grimoald Duc de Benevent, qui avoit infecté les Herbes &amp; empoisonné
      les Bestes, par le moyen de Sorciers qu’il faisoit embarquer en un certain Païs appellé
      Magodie, &amp; qui se débarquoient où il leur plaisoit pour jetter leur sortilege. Mais ils
      n’en demeurerent pas à cette vision. Il y en eut d’assez foux pour se croire de cette Cabale,
      &amp; pour s’aller accuser eux-mesmes en Justice comme Sorciers &amp; coupables de cette
      mortalité. Si nous en croyons M<hi rend="sup">r</hi> de la Mothe le Vayer, Homme dont la
      grande probité &amp; la profonde érudition rendent le témoignage irréprochable, un Official de
      Troyes en Champagne, donna une Sentence l’an 1516. à la requeste des Habitans de Villenoce,
      contre des Chenilles desquelles ils se plaignoient, apres avoir eu l’équité, ou plutost la
      folie, de leur donner un Avocat pour les défendre, par laquelle Sentence elles sont
      admonestées de se retirer dans six jours, à faute dequoy elles sont déclarées maudites &amp;
      anathématisées. On dit que les Magiciens de Babylone conjuroient aussi les Sauterelles, les
      Serpens, les Ours, les Lions, &amp; mesme la pluye &amp; la grêle. Pythagore conjura une
      Ourse, en passant par la Poüille, &amp; luy commanda de ne nuire plus aux Hommes, &amp; de se
      retirer dans les Bois ; &amp; à un Bœuf, de s’abstenir de manger des Féves semées dans un
      certain champ. Ce fut là son coup d’essay dans la Magie, &amp; la premiere épreuve de ce grand
      pouvoir qu’il eut en suite sur toutes les Bestes, &amp; mesme sur les Hommes. Apres cela,
      faut-il s’étonner si les Soldats d’Aléxandre troublez de ce que la nuit qui préceda la
      Bataille contre Darius, la Lune s’estant éclipsée tout d’un coup, &amp; ayant paru quelque
      temps apres comme teinte &amp; gastée de sang, ils furent rassurez par des Devins Egyptiens,
      qui leur dirent que le Soleil estoit pour les Grecs, &amp; la Lune pour les Perses, &amp;
      qu’elle ne s’éclipsoit jamais qu’elle ne les menaçast de quelque malheur ? En cela leur
      superstition leur fut favorable, &amp; ils furent heureusement les Dupes de ces Devins, puis
      qu’ils furent vainqueurs, &amp; défirent entierement Darius. Xerxes au contraire ayant esté
      porté à la conqueste de la Grece, par les grandes espérances que luy donna un Devin Athénien,
      la rencontre d’un Lievre que fit son Armée le mit en desordre, luy fit prendre la fuite, &amp;
      la superstition rompit le grand dessein qu’elle avoit fait naître, tant il est vray que rien
      n’entretient davantage dans la crainte &amp; dans l’espérance ; les Esprits foibles &amp;
      crédules. Rien n’est si puissant, dit Quintecurse, pour tenir la populace en bride ; mais rien
      n’est aussi plus propre à la soûtenir &amp; à la porter à la sédition ; car s’il est
      quelquefois avantageux de l’entretenir dans son erreur, il est souvent utile de l’en retirer.
      L’ignorance fait la plûpart du temps son inquiétude &amp; son tourment, &amp; la superstition
      luy fait craindre mille chimeres dont on pourroit la guérir avec un peu de sagesse. Ce ne sont
      pas icy des Superstitieux par devotion, mais des Superstitieux ignorans &amp; indiscrets, qui
      craignent tout, qui parlent de tout, &amp; qui veulent tout sçavoir. Ils ressemblent
      parfaitement au Peuplier, qui porte leur nom, &amp; dont les feüilles tournent à tous les
      Solstices. La teste de ceux-cy tourne à la moindre Eclipse de Soleil ou de Lune. Une Etoile
      qui tombe, un Eclair, un Feu folet, les épouvante, &amp; les met en desordre. Ils ne songent
      point au présent. Ils oublient le passé, &amp; n’ont des yeux que pour l’avenir. Mais, comme
      dit Cicéron, nul ne regarde ce qui est devant ses pieds, &amp; chacun se promene par les
      régions du Ciel. Nous vivons dans un temps où ceux qui commencent à marcher, commencent à
      discourir des matieres les plus difficiles. Disons donc, avec M<hi rend="sup">r</hi> de la
      Mothe le Vayer, qu’il n’y a rien de plus commun que d’errer, &amp; de plus sot que la
      multitude. Pythagore estoit si prévenu contre le Peuple sur ce sujet, qu’il en défendoit
      étroitement le commerce à ses Disciples, car les opinions les plus vulgaires ne sont pas les
      meilleures, &amp; il n’y en a point de plus assurément fausses que les plus universellement
      reçeuës. La superstition introduit l’erreur par le mensonge, &amp; l’impieté par la crainte du
      Diable, suivant le sentiment de Theophraste, qui dit que c’est une crainte des Démons &amp;
      des Dieux nuisans.</p>
     <p>Mais tous les Superstitieux ne sont pas ignorans. C’est le foible des plus grands Hommes
      aussibien que du Peuple. Cela vient mesme d’une trop grande application dans les Sciences
      vaines &amp; cachées, &amp; d’une devotion trop scrupuleuse ; ce qui rend un Homme ridicule
      dans sa conduite à l’égard de Dieu &amp; des Hommes. Pic de la Mirande, ce prodige
      d’érudition, eut la foiblesse de croire dans une maladie inconnuë qui surprit sa Fille, que
      des Sorciers avoient passé par le trou de la serrure de sa Chambre, pour l’empoisonner.
      Pythagore &amp; ses Disciples, estoient les plus superstitieux de tous les Hommes ; toutes
      leurs paroles &amp; toutes leurs actions estoient mystérieuses. Ce Philosophe vouloit qu’on
      chaussast toûjours le pied droit le premier, &amp; au contraire qu’on lavast la main gauche
      avant la droite. Il ordonnoit de se grater le devant de la teste en sortant du Logis, &amp; le
      derriere lors qu’on y rentroit. Il défendoit de sortir jamais d’un Carrosse les pieds joints,
      d’adorer l’Echo en temps de vent, de ne manger jamais de Féves rouges, &amp; mille autres
      choses aussi vaines que ridicules. Je sçay bien qu’on a crû qu’il renfermoit sous ces
      allégories les secrets de sa doctrine, &amp; que quelques Sçavans, comme Plutarque, se sont
      efforcez de nous en donner des explications morales ; mais outre leur obscurité &amp; la
      difficulté qu’il y a à leur donner un sens juste &amp; raisonnable on m’avoüera que s’il
      n’estoit pas un grand Magicien qui cachoit là-dessous les mistéres de sa Cabale, c’estoit du
      moins un Charlatan superstitieux, qui imposoit aux Peuples par ses frénésies &amp; ses visions
      chimériques ; &amp; c’estoient là les Hommes qui, au raport de Jamblique, se croyoient autant
      de Dieux sur la terre ; &amp; que tous ceux qui n’estoient pas initiez dans leurs mistéres,
      devoient estre traitez comme des Bestes. Tout ce qu’on appelle Cabale, n’est pas une
      superstition toute pure ; &amp; j’appellerois la Pierre Philosophale &amp; les Talismans, des
      Erreurs populaires, si le Peuple estoit aussi habile pour la chercher &amp; pour les faire,
      qu’il est simple pour les croire &amp; pour en estre infatué.</p>
     <p>Les Egyptiens, qui ont esté les premiers qui ont adoré des Dieux, &amp; cultivé les belles
      Lettres, ont aussi esté les Hommes du monde les plus superstitieux dans leur Religion &amp;
      dans leurs coûtumes. Moïse qui sçavoit que le Peuple de Dieu estoit imbu de leurs erreurs, luy
      défendit, en luy donnant son premier Commandement, de n’observer en aucune maniere ny les
      augures, ny les songes ; de ne jamais consulter les Magiciens &amp; les Devins, &amp; mille
      autres choses, comme la coûtume de passer les Enfans par le feu, en forme de lustration &amp;
      de purification, afin qu’ils ne mourussent point dans leur enfance, &amp; qu’ils vécussent
      longtemps. Les Juifs croyent qu’un Ange, qu’ils appellent un Ange de Mort, se présente une
      fois à tous les Hommes avant qu’ils meurent ; mais il semble que ce soit plutost un Boureau
      qu’un Messager fidelle, qui les avertisse de leur salut, puis qu’ils disent qu’apres le trépas
      il lave ses mains à la premiere eau qu’il rencontre. C’est presque la même doctrine des Turcs,
      qui ont aussi un Ange de Mort nommé Adariel ; mais ils adjoûtent, qu’apres que le Corps est
      enterré, il vient deux Anges qui luy baillent son Ame à vestir, afin qu’il reprenne vie, car
      ils ne croyent pas à la résurrection, mais que l’Ame se revest de l’Idole ou de l’ombre du
      Corps qu’elle avoit auparavant ; &amp; là-dessus les Rabins ont une assez belle vision. Ils
      divisent l’Ame en trois parties, l’une divine, l’autre raisonnable, &amp; la troisiéme
      mortelle. Ils donnent des noms à ces parties, suivant l’idée qu’ils en conçoivent ; mais comme
      ils sont particuliers à leurs Langues, je me contente de raporter icy ce qu’ils pensent de
      cette derniere partie de nostre Ame. Ils disent que c’est le simulacre, l’ombre, ou l’écorce
      de nostre Corps, &amp; ils croyent qu’elle se détache un peu avant la fin de nostre vie, &amp;
      qu’elle demeure pres des Tombeaux &amp; des Lieux où l’on enterre les Morts, où elle est veuë
      de jour aussi-bien que de nuit. C’est à peu pres l’opinion de Tertullien, qui donne à l’Ame
      une figure &amp; une forme humaine ; &amp; cela pourroit estre ce que nous appellons des
      Spectres &amp; des Fantômes. On lit dans le Talmud, qu’un Rabin vit cette Nephesh, comme il la
      nomme, ou Simulacre, se détacher de sorte d’un de ses Amis qui l’aimoit tendrement, qu’elle
      luy faisoit déja ombre vers la teste, ce qui l’avertissoit qu’il devoit bientost mourir, mais
      qu’ayant fait beaucoup de prieres, de jeûnes, &amp; de mortifications, il obtint de Dieu
      qu’elle luy fust remise comme auparavant, &amp; liée de nouveau à son Corps, afin de prolonger
      sa vie. Voila jusqu’où va l’erreur &amp; le mensonge ; &amp; comme les plus devots &amp; les
      plus sçavans n’en sont pas exempts. Aussi S. Jean Chrysostome disoit que les Juifs avec leurs
      charmes &amp; leurs prestiges, étonnoient les Chrestiens crédules &amp; superstitieux, comme
      on fait peur aux Enfans avec des Masques. Les Grecs &amp; les Romains n’ont pas esté moins
      superstitieux que les autres Peuples de la terre. Darius ayant changé le Fourreau de son
      Cimeterre qui estoit à la Persienne, pour en prendre un à la Grecque, son Armée en tira un
      méchant augure, &amp; crût que son Empire passeroit aux Grecs qu’il avoit malheureusement
      imitez. C’estoit une superstition populaire. Cependant parce que l’évenement fut tel, les
      Grands autorisent leur foiblesse sur de pareils exemples, &amp; croyent qu’il y a de
      l’habileté à paroistre superstitieux en certaines choses. J’ay connu mesme des Personnes qui
      ne l’estoient que par une imitation de vanité, ce qui les rendoit plus ridicules, que dignes
      de pitié. Ils estoient devenus foibles à force de remarquer la foiblesse des autres ; &amp;
      comme ils affectoient de copier en tout de celebres Originaux, ils croyoient qu’il n’y avoit
      rien que de grand dans ces Gens-là. Tout le monde condamne en general la Superstition &amp;
      les Erreurs populaires, mais chacun les approuve en particulier. Il n’y a personne qui n’en
      soit un peu infecté ; quand il n’auroit que celle de n’en avoir point du tout ; je veux dire
      de s’acharner trop contre les Superstitieux, de se piquer de ne rien croire, de ne
      s’épouvanter de rien, &amp; de traiter tout le monde de fou &amp; de visionnaire, car il y a
      des Gens qui se mettent sur ce pied-là, &amp; qui ne sont pas moins ridicules que les
      autres.</p>
     <p>J’avouë que je ne puis lire dans Suétone sans étonnement, que Jules-César, qui estoit aussi
      docte que brave, portast toûjours une Couronne de Laurier sur sa teste, de peur du Tonnerre
      qu’il craignoit extraordinairement ; &amp; qu’Auguste ne chaussast jamais le pied gauche avant
      le droit. J’estime Aléxandre en cela, &amp; en toute autre chose. Rien ne l’étonnoit. Il
      n’estoit point ingénieux à se tourmenter, &amp; à se former des chimeres pour les combatre. Il
      estoit curieux, dit Quintecurse, de toutes sortes de connoissances, mais il méprisoit les
      Présages &amp; les Oracles, &amp; ny les uns ny les autres ne l’empescherent pas de prendre
      Gaze, où il fut blessé, &amp; d’entrer dans Babylone, où il mourut de poison. Une Eclypse de
      Lune fit périr Nicias, avec quarante mille Athéniens, pour avoir crû que c’estoit un signe de
      sa défaite, &amp; de la victoire de ses Ennemis ; &amp; Socrate, tout Socrate qu’il estoit, se
      fit expliquer trois jours avant sa mort, un Vers d’Homere qu’il avoit songé en dormant, qui
      disoit, <hi rend="i">Je vais en Phtie,</hi> qui estoit une Ville de Thessalie ; &amp; comme ce
      mot signifie aussi la mort, ses Amis jugerent qu’il mourroit dans trois jours. Pythagore, qui
      estoit le plus grand Philosophe des Latins, estoit du Païs de la Superstition, je veux dire de
      la Toscane, dont les Romains, &amp; presque tous les Payens, avoient appris l’Art d’estre
      Superstitieux. Sylla en faisant un Sacrifice ; voit un Serpent du costé de l’Autel. Un Devin
      sur cet augure luy fait prendre les armes, &amp; il gagne la Bataille contre les Samnites.
      Cajus Hostilius estant à Gennes, comme il entre en une Barque, il part un Serpent de ses
      pieds, &amp; il est vaincu par les Numentins, &amp; livré à ses Ennemis. Ne voila-t-il pas des
      signes bien certains &amp; sur lesquels un Homme sage doive se régler ? Mais-y a-t-il rien de
      plus ridicule que de voir Lucius Paulus triompher en idée &amp; par avance du Roy Persée,
      parce qu’en arrivant du Sénat chez luy, sa petite Fille luy dit que son Chien Persée estoit
      mort ? Cependant Valere le Grand, encor plus ridicule que luy, veut que la Posterité sçache de
      pareilles bagatelles, &amp; nos Femmes sçavantes triomphent dans leurs visions sur l’autorité
      d’un Autheur de cette Classe. Il n’y a point de Femmes de qualité qui n’ayent beaucoup de
      foiblesse &amp; de curiosité sur ce sujet, &amp; qui ne disent avec cette fausse Reyne
      d’Ethiopie, dont un Autheur nous a fait une si plaisante peinture ; Quoy, ne sera-t-il pas
      permis à la Nature souffrante &amp; frémissante, de gémir pour les menaces du Ciel &amp; de la
      Terre ? Combien de sortes de Devinations, toutes aussi sotes &amp; ridicules que vaines &amp;
      criminelles, par les Dez, par le Crible, par les feüilles de Laurier, par l’eau, par le feu,
      par la fumée, par la cendre, par le Fromage, par l’Orge, par un Coq, par le cœur tout chaud
      d’une Taupe, par les ongles, par le Miroir, par la démangeaison des narines, par l’inspection
      du front &amp; des omoplates, par le hennissement des Chevaux, par les encensemens, &amp;
      mille autres moyens qui ne font pas la centiéme partie de la Superstition &amp; des Erreurs
      populaires ? Pasquier dit que la Devination par sort à l’ouverture d’un Livre, sur tout des
      Vers de Virgile, qu’on appelloit Sorts Virgiliens, estoit en grand usage parmy les Gaulois,
      &amp; que lors qu’ils furent convertis à la Religion Chrestienne, ils ne firent que changer de
      superstition, en prenant un Livre saint au lieu d’un Livre profane. Ils se servoient pour cet
      effet des Pseaumes des Evangiles &amp; des Epistres de S. Paul, &amp; cela fut pratiqué durant
      la premiere Race de nos Roys jusques à Loüis le Debonnaire, qui le défendit par une Ordonnance
      qu’il fit exprés. Cran Fils de Clotaire I. &amp; Meroüée Fils de Chilperic, en userent ainsi,
      avant que de faire la guerre à leur Pere, dans laquelle ils périrent misérablement, suivant
      les passages qu’ils avoient rencontrez. Les voix impréveuës estoient encor fort considerées
      par les Romains. C’estoit une des foiblesses d’Auguste. On envoyoit, dit Tibule, un jeune
      Enfant dans la Ruë, recueillir la premiere voix qu’il entendroit, &amp; apres qu’il estoit
      venu en faire le raport, on la recevoit si elle estoit bonne, &amp; on prioit les Dieux d’en
      détourner l’effet, &amp; de l’oublier, si elle estoit mauvaise. Mais au reste, ce n’est pas
      toûjours une superstition, que de s’arrester à la rencontre de quelques paroles que l’on
      entend fortuitement. Nous en voyons beaucoup d’exemples dans l’Histoire Ecclesiastique. S.
      Antoine détermina de sa vocation, &amp; vendit tout son Bien, ayant entendu lire cette
      Evangile, où Nostre-Seigneur dit, Si tu veux estre parfait, vens tout ce que tu as, &amp; tu
      auras le Paradis. S. Cyprien &amp; S. Augustin, ont eu de pareilles rencontres qui ont semblé
      décider de leur conversion &amp; de leur conduite. Les Anciens rejettoient aussi tous les noms
      dont la signification estoit de méchant augure. L’on préferoit toûjours les Soldats &amp; les
      Capitaines qui avoient le plus beau nom, &amp; on rapporte qu’un Caliphe des Arabes combatant
      contre le Fils de l’Empereur Theophile, prédit sa défaite sur les noms du Païs, du Lieu, &amp;
      du Fleuve où il estoit campé.</p>
     <p>Apres cela, il faut avoüer que la Superstition est plus ancienne que le Monde, mais elle est
      aussi plus universelle &amp; plus étenduë ; ce qui me fait souvenir de ce que dit Philon, que
      la malice est plus vieille que la vertu, &amp; que la vertu est plus jeune en force &amp; en
      autorité. Les Peuples les plus éclairez des lumieres de Dieu &amp; des sciences du monde, ont
      bien de la peine à se garantir de la superstition &amp; de l’erreur. Où la grace abonde, &amp;
      où la prudence du Siecle manque, on y trouve ces defauts d’autant moins pardonnables, qu’on
      les attribuë au zele de la Religion. Les Indiens Occidentaux jeûnent &amp; s’abstiennent
      quelques jours de leurs Femmes, avant que de chercher les Mines d’or, croyant que s’ils y
      manquoient, ils n’en pourroient rencontrer. Mais Christophe Colomb rencherit sur cette
      superstition ; car outre qu’il obligea les Chrestiens à observer les mesmes choses, il voulut
      encor qu’ils allassent à confesse avant que d’y travailler. Là où la sagesse des Hommes
      surpasse la grace de Dieu, nous voyons que la superstition y fait toute la Religion &amp; la
      Politique. Les Turcs ne mangent de la viande d’aucun Animal, sans avoir prononcé le Nom de
      Dieu avant que de le tuer ; &amp; où les Peuples vivent sans discipline &amp; sans
      connoissance de la Foy, la Nature corrompuë les réduit dans un aveuglement déplorable. Les
      Hurons ont une extréme venération pour un Rocher dans lequel ils croyent qu’il réside un Démon
      qui est favorable aux Voyageurs. Ils luy adressent des Prieres, &amp; luy offrent du Tabac,
      quand ils passent par ce lieu-là, afin d’avoir un bon voyage. Ils s’abstiennent de la Pesche
      quand quelqu’un d’eux est mort. Ils ont grand soin que leurs Rets &amp; leurs Filets n’en
      approchent, parce qu’ils disent que les Poissons ont de l’aversion pour les Morts, mais au
      contraire qu’ils aiment beaucoup la virginité ; &amp; dans cette pensée, ils marient tous les
      ans leurs Rets ou Seines à deux petites Filles de six à sept ans. Ils placent la Seine au
      milieu de ces deux Vierges, &amp; celebrent cette Feste avec de grandes réjoüissances ; mais
      sur tout ils ont une croyance aux songes qui est extraordinaire. C’est l’Oracle &amp; le
      Prophete qu’ils consultent dans tout ce qu’ils font &amp; dans tout ce qui leur arrive ; mais
      cette superstition n’est pas particuliere aux Sauvages, il n’y en a point de plus generale que
      celle des songes. Elle est de la Cour &amp; de la Ville, des Grands &amp; du Peuple, des
      Doctes &amp; des Ignorans. Elle semble mesme avoir esté autorisée chez le Peuple de Dieu. Si
      Moïse luy défendit de croire aux songes &amp; à ceux qui se meslent de les expliquer, il ne
      luy défendit pas ce qui s’appelle revélation &amp; prophétie, &amp; c’est de la sorte qu’il
      faut entendre les paroles de Saül à la Pythonisse. Ce Prince réduit à l’extrémité, ou plutost
      abandonné de Dieu, ayant esté la consulter, répondit à l’Ombre du Prophete Samüel, qu’elle
      avoit évoquée à sa priere, &amp; qui luy demandoit pourquoy il l’avoit fait venir, que Dieu
      luy avoit osté toute connoissance, &amp; ne luy faisoit plus rien sçavoir ny par les
      Prophéties, ny par les songes. Dieu se sert mesme des songes pour troubler ses Serviteurs. <hi
       rend="i">Terrebis me per somnia &amp; per visiones horrore concuties</hi>, disoit Job. Les
      songes miraculeux de Joseph en font encor une plus grande preuve, &amp; les Juifs estoient si
      habiles en cela, qu’ils surpassoient les Chaldéens &amp; tous les Devins des autres Nations,
      comme il paroist par les songes de Pharaon, de Nabucodonosor, &amp; d’Anthiocus, si exactement
      rapportez dans l’Ecriture Sainte.</p>
     <p>Les Saints ont eu des songes qu’ils ont dit à leurs Amis, &amp; qu’ils ont expliquez selon
      l’état de leur vie ; mais outre qu’ils estoient Hommes comme les autres, ç’ont esté pour la
      plûpart des Revélations qu’il leur a esté permis de communiquer aux Fidelles pour leur
      instruction, &amp; pour les fortifier &amp; les consoler dans quelques fâcheuses conjonctures,
      ou mesme qui ont esté des marques de la grandeur &amp; de l’élevation de quelques Creatures
      que Dieu a choisies pour sa gloire. Ainsi on ne craint point de rapporter les songes de la
      Mere de S. Dominique &amp; de la Mere de S. Bernard, de S. Paul, de S. Polycarpe, &amp; de
      tant d’autres Saints dont la Légende est pleine. On dit que la conqueste de la Terre-Sainte
      fut un effet d’un songe de Pierre Lhermite, qui estoit pour lors Pelerin à Jérusalem. Le Pere
      Spinola, avant que d’estre arresté au Japon, rêva sur la minuit que des Voleurs estoient
      entrez par force dans sa Chambre. Le Pere d’Orleans assure que c’estoit un avertissement de ce
      qui arriva demy-heure apres. La peur d’un malheur qu’on appréhende, remplit aisément nostre
      imagination par quelques simboles ou figures ; mais si nostre ame a dans les songes de grands
      pressentimens de ce qu’il luy doit arriver, il faut que ce soit pour des évenemens
      considérables, car Dieu ne nous donne pas toûjours des signes, &amp; nostre ame ne s’émeut pas
      de la sorte pour des bagatelles ; c’est pourquoy les Grands du monde sont plus sujets à faire
      des songes véritables &amp; significatifs, que les autres Hommes, parce que tout ce qui leur
      arrive est d’importance, soit pour eux, ou pour les Peuples. Comme le songe est un mouvement,
      par lequel l’ame se forme diverses images du bien ou du mal à venir, les plus grands Hommes se
      sont arrestez à l’explication de ces images ; &amp; comme le mouvement provient de l’ame unie
      au corps, il est fort naturel de s’attacher à elles, &amp; d’en chercher la signification. La
      superstition n’est pas tant de s’y arrester, que de croire que tous les songes soient des
      inspirations &amp; des avertissemens des Dieux, comme l’enseignoit Orphée, &amp; qu’ils
      prédisent les choses futures à ceux qui réverent les Dieux avec une grande pureté d’esprit,
      &amp; une grande intégrité de vie. Zénon disoit que l’ame en dormant, dégagée en quelque façon
      des sens, estant libre, faisoit juger de ses bonnes ou mauvaises inclinations, comme si les
      plus vertueux &amp; les plus saints n’estoient pas sujets d’avoir dans le sommeil des pensées
      criminelles, &amp; les plus coupables des pensées vertueuses. Homere croyoit que les Roys
      &amp; les Grands avoient des songes bien plus particuliers &amp; plus merveilleux que les
      autres Hommes, &amp; cela faisoit qu’on les recevoit vrais ou faux, comme des Oracles, au lieu
      qu’on traitoit de rêverie tous ceux du Peuple, &amp; comme des effets des fumées du Vin &amp;
      des Viandes ; ce qui me fait encor souvenir de ces pauvres Hurons, qui croyent beaucoup aux
      songes, mais qui ne tiennent compte que de ceux des Grands &amp; des Riches. Cependant les
      Roys rêvent souvent des bagatelles, &amp; leur ame en dormant n’a pas toûjours des images fort
      relevées, comme Pharamond avec ses sept petites Gerbes &amp; ses sept Vaches maigres. Il y en
      a qui ont eu beaucoup de vanité en cecy, &amp; qui ont affecté de faire croire que les Dieux
      les avertissoient de tout pendant leur sommeil, &amp; qui avoient toûjours un grand nombre de
      Devins pour expliquer leurs rêveries. Mais le Roy de Babylone n’estoit-il pas plaisant, de
      vouloir faire deviner aux autres ce qu’il avoit songé ? Il faloit estre plus que Devin pour
      expliquer de pareils songes. N’estoit-ce pas un beau songe, &amp; bien digne de César, lors
      qu’estant à Cadis, il songea qu’il avoit couché avec sa Mere, (ce que les Devins
      interpréterent qu’il seroit Souverain de toute la Terre ;) &amp; cet autre de Domitien, qu’il
      luy estoit crû une bosse d’or sur la nuque du col, &amp; que cela se devoit entendre du doux
      Regne de ses Successeurs ; &amp; Marc-Aurele, qui rêva avant son adoption par Antonin, qu’il
      avoit les mains &amp; les épaules d’yvoire ?</p>
     <p>Je ne puis oublier sur ce sujet ce que dit Dion Chrysostome d’un certain Egyptien Joüeur de
      Luth. Il songea une nuit qu’il joüoit de son Luth aux oreilles d’un Asne. Il ne fit pas
      d’abord refléxion sur ce songe ; mais quelque temps apres, Antiochus Roy de Syrie estant venu
      à Memphis pour voir son Neveu Ptolomée, le Roy fit venir le Joüeur de Luth pour divertir
      Antiochus ; mais ce Prince qui n’aimoit pas la Musique, en fit peu d’estime, &amp; luy ordonna
      de se retirer. Le pauvre Homme se voyant méprisé, se souvint du songe qu’il avoit fait, &amp;
      ne pût s’empescher de dire en sortant, <hi rend="i">J’avois bien rêvé que je joüerois devant
       un Asne</hi>. Antiochus qui l’entendit, commanda qu’on le liast, &amp; luy fit donner les
      étrivieres. Voila comme il en prend de s’attacher trop aux songes. De pareilles explications
      sont toûjours fâcheuses. Artémidore &amp; plusieurs autres, ayant fait un Art d’expliquer les
      songes, cette superstition devint si genérale, que chacun tenoit registre des siens. Le
      Sophiste Aristide prit soin de mettre par écrit &amp; fort dans le détail, tous les songes
      qu’il avoit faits pendant une longue maladie. Mais Mithridate fut encor plus grand rêveur que
      luy ; il eut la foiblesse de faire un Livre des songes de ses Concubines. C’estoit pousser la
      galanterie bien loin ; mais aparemment que cet Amant leur disoit bien des rêveries, puis qu’il
      prenoit tant de plaisir d’en entendre. Auguste écoutoit ceux de ses Domestiques ; &amp; on dit
      que pour avoir crû celuy de son Medecin, il évita la mort que Brutus luy auroit
      infailliblement donnée, s’il se fust trouvé à la Bataille de Philippes. Mais bien plus. Il y
      en avoit qui prenoient la peine de songer pour les autres ; ce que font encor les Peuples de
      la Nouvelle France, qui songent pour leurs Enfans quand ils sont malades. Narcisse estoit le
      Rêveur de l’Empereur Claude ; &amp; Martial prie son Amy Nazedius de ne prendre plus cette
      peine-là pour luy, &amp; la raison qu’il en donne est digne de l’esprit de ce Poëte.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l> <hi rend="i">Tous les matins que je te voy,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mon esprit est troublé, mon visage se change,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">D’entendre le recit étrange</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Des songes que tu fais pour moy.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Contre tant de malheurs qui menacent ma vie,</hi></l>
       <l><hi rend="i">J’ay mille fois offert de l’Encens, des Gasteaux ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">J’ay déja répandu mon Vin jusqu’à la lie,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et j’ay sacrifié presque tous mes Troupeaux.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ne fais plus de songes nouveaux,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Veille, ou dors pour toy, je te prie.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>On faisoit des sacrifices pour détourner les mauvais songes, comme on faisoit des prieres
      pour en avoir de bons. On s’adressoit au Soleil &amp; à Jupiter, &amp; on les prioit que s’ils
      devoient avoir un bon effet, que ce fust au plutost ; &amp; que s’ils devoient estre méchans
      &amp; fâcheux, ils arrivassent à leurs Ennemis. La nuit produit les songes, dit Properce ; la
      Lune les envoye, le Soleil les chasse &amp; les dissipe. Je me suis un peu étendu sur cette
      matiere, parce que ce n’est pas seulement une superstition vulgaire, mais l’erreur &amp; la
      folie de tous les Hommes.</p>
     <p>La rencontre des Animaux est encor une superstition des Payens, qui croyoient que les Dieux
      les envoyoient diversement aux Hommes selon qu’ils estoient propices ou couroucez ; mais de
      dire que l’Homme ait de la superstition pour la rencontre d’un autre Homme, il faut avoir
      l’esprit bien infatué du mensonge &amp; de l’erreur. Horace prie les Dieux que sa Galathée ne
      rencontre que des Animaux heureux pendant son voyage, &amp; qu’elle ne trouve pas en chemin
      une Louve, une Chienne, un Renard, un Serpent ; mais il ne faut pas s’arrester aux sentimens
      des Poëtes, ils suivent souvent leurs caprices, ou celuy des autres. Horace s’accommode icy à
      l’opinion commune &amp; à l’humeur d’une Femme qu’il veut flater. Il détourne ailleurs
      fortement sa Maistresse de l’Astrologie Judiciaire, parce qu’elle y avoit trop de curiosité,
      &amp; que cette curiosité ne luy estoit pas favorable. Voicy à peu pres de la maniere qu’il
      s’y prend.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">C’est offencer les Dieux, belle &amp; jeune Climene,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Que de se mettre tant en peine</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Du cours de vos ans &amp; des miens.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Pour éviter les maux dont le Ciel nous menace,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">N’allez plus consulter, de grace,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Un Devin ignorant qui ne sçait pas les siens ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Car soit que vous viviez encor quelques années,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ou que par cet Hyver elles soient terminées,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Climene, croyez-moy, donnez à vos desirs</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mille doux passetemps, mille innocens plaisirs ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Bornez-la toute vostre envie,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et mesurez tous nos desseins</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Sur le peu que dure la vie,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Sans rien attendre des Destins.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Tandis que nous parlons, le bel âge se passe ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ménagez vos beaux jours comme je fais les miens,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et ne consultez plus de grace</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Celuy qui ne sçait pas les siens.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Ce seroit icy le lieu de rapporter tout ce qu’on appelle Superstition ou Erreurs
      populaires ; mais je me contenteray de ce que j’en ay dit, car il n’y auroit peut-estre pas
      moins de foiblesse à les dire qu’à les croire. Mais on passe insensiblement de la créance
      qu’on a en des bagatelles, à une superstition plus dangereuse. On ne se contente pas de
      Ligatures, de Préservatifs, de Billets, de Paroles ; on a recours aux Astres, aux Devins, aux
      Magiciens. Quelques-uns de nos Roys, comme Charles V. Charles VI. Charles VII. &amp; Loüis XI.
      furent superstitieux de Pere en Fils, &amp; crûrent beaucoup à l’Astrologie Judiciaire. Ils
      avoient toûjours quelque Astrologue ou quelque Devin aupres de leurs Personnes ; ce qui
      faisoit que la Cour estoit remplie de pareilles Gens, &amp; infectée de cette vaine &amp; sote
      curiosité. La passion de Loüis XI. fut extréme pour les Astrologues, jusque-là qu’il donna
      l’Archevesché de Vienne à un certain Angelo Caltho, qui par quelques Prédictions qui avoient
      réüssy, s’estoit acquis beaucoup de confiance en son esprit, comme par celle de la mort du Duc
      de Bourgogne, qui se trouva vraye, soit qu’il en fust instruit le premier, ou par un pur effet
      du hazard. Les Regnes suivans, je veux dire de Henry II. &amp; de ses Enfans, furent des
      Regnes de superstition &amp; de libertinage, pour ne rien dire de pis, à la mémoire de ces
      Princes. Catherine de Médicis, comme Femme &amp; comme Italienne, fut superstitieuse &amp;
      curieuse jusqu’à l’excés, quoy qu’elle fust tous les jours trompée par les Fourbes, &amp; que
      leurs pronostications fussent toûjours fausses à l’égard du bien, &amp; par punition de Dieu
      que trop véritables à l’égard du mal qu’elle appréhendoit. Elle fut toûjours esclave de la
      Superstition &amp; de l’Astrologie, &amp; consulta les Devins jusqu’à sa mort, qui ne se
      trouva ny dans le temps ny telle qu’on la luy avoit prédite. On luy avoit dit qu’elle mourroit
      par les Ruines d’une Maison. Elle faisoit étayer les murailles de sa Chambre dans tous les
      lieux où elle se trouvoit, &amp; cela signifioit qu’elle devoit mourir dans la Ruine de la
      Maison de Guise. On l’avoit avertie qu’un S. Germain luy seroit fatal. Elle ne voulut jamais
      demeurer à S. Germain en Laye, &amp; on dit qu’elle n’y coucha jamais depuis ; &amp; cela
      vouloit dire qu’un nommé S. Germain Docteur en Théologie, la devoit assister à l’heure de sa
      mort. Toutes les autres prédictions de la mort de son Mary &amp; de ses Enfans, de leur vie
      &amp; de leur regne, furent aussi obscures &amp; aussi frivoles, &amp; que trop fâcheuses, en
      ce qu’elles eurent de veritable, pour avoir pris tant de soin &amp; de curiosité pour les
      sçavoir, &amp; pour en détourner les effets. Quoy que l’on fasse, on ne peut connoistre
      l’avenir ; on se tourmente en vain ; mais c’est le foible de l’Homme.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Nescia mens Hominum fati sortisque futuræ.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Il y a deux moyens de deviner, dit Cicéron ; l’un est naturel, l’autre vient de l’Art. Le
      premier n’est pas criminel, puis que cela arrive en nous par un mouvement involontaire &amp;
      par un don spécial de Dieu ; mais l’autre est toûjours criminel, puis qu’il ne se peut faire
      sans attache, sans curiosité, &amp; sans tromperie.</p>
     <p>L’Astrologie est veritablement la Science des Superstitieux, &amp; tous les Peuples qui ont
      eu de plus grossieres erreurs, &amp; qui ont eu plus de foiblesse de ce costé-là, ont esté les
      Inventeurs de cette Science qu’on attribuë aux Egyptiens, aux Phénitiens, aux Assyriens, &amp;
      aux Caldéens, &amp; il n’y a point de Nations plus superstitieuses que celles-là. Cet Art
      devient tel au commencement, dit Polydore Virgile, qu’il sembla n’estre inventé que pour
      troubler les meilleurs Esprits. Epicure appelloit l’étude des Matématiques une contagion,
      &amp; louë un certain Philosophe de ses Amis, de l’avoir évitée dans sa jeunesse. Cardan avouë
      luy-mesme dans l’Histoire de sa Vie, que rien ne luy avoit esté plus préjudiciable que sa trop
      grande crédulité aux regles de l’Astrologie. S. Bazile l’appelle <hi rend="i">vanitatem ex
       abundantia otii profectam</hi>. Mais voicy un Passage admirable d’un autre Autheur au Livre
       <hi rend="i">de Homine</hi>, qui mérite la refléxion des Sages, &amp; qui doit servir
      d’instruction aux Esprits foibles &amp; crédules, &amp; qui ont trop d’attache pour cette
      vaine science. <hi rend="i">Quod Astrologia à contemplatione siderum de futuris eventibus
       fortuitis judicare, vel in utramque partem pronunciare audet, non scientiæ est sed fugiendæ
       egestatis causâ Hominis stratagema est ut prædam auferat à populo stulto.</hi></p>
     <p>Le peu de connoissance que j’ay de l’Astrologie, me devroit dispenser de parler de la Comete
      qui a paru depuis quelque temps ; mais comme les présages qu’on en tire sont des effets de la
      Superstition &amp; des Erreurs populaires, je croy ne pouvoir mieux finir ce Discours que par
      elle. Voicy la quinziéme Comete qui ait paru en France depuis l’an 1556. &amp; on dit qu’en
      l’an 1560. il en parut quatre. Quelques-uns ont crû qu’elles sont eternelles, &amp; fondent
      leur eternité sur la régularité de leur mouvement. Les autres ne veulent point que ce soit des
      effets des Méteores qui s’engendrent dans la moyenne région de l’air, parce qu’ils ne peuvent
      comprendre comment il se peut amasser une si grande abondance d’exhalaisons &amp; de vapeurs
      qu’il faut pour les produire ; &amp; la plus grande difficulté est, que le mouvement de la
      Comete est circulaire, &amp; celuy de l’exhalaison en droite ligne. Cette objection auroit
      lieu, si on ne distinguoit pas de deux sortes de Cometes, &amp; si on prétendoit que les
      exhalaisons montassent au dessus de la supérieure région de l’air. Nous laissons ce lieu-là
      pour les Cometes miraculeuses, mais pour les autres il n’y a rien qui y répugne ; car s’il se
      trouve dans la moyenne &amp; dans la basse région de l’air une si grande quantité de vapeurs
      pour produire le tonnerre &amp; la pluye, qui durent quelquefois si longtemps, &amp; avec tant
      d’abondance, pourquoy ne s’y en amassera-t-il pas suffisamment pour y produire une Comete ? Le
      long intervale d’années qui se passe entre l’aparition de ces Méteores, donne du temps à la
      Mer &amp; à la Terre de pousser leurs vapeurs, au Soleil de les attirer, &amp; à l’air de les
      arrester &amp; de leur donner de la consistance ; mais quand ces exhalaisons amassées ne
      suffiroient pas pour entretenir la durée d’une Comete, elle en attire d’autres qui s’élevent
      sans cesse, &amp; qui la conservent ; &amp; s’il y en a qui ont duré une année entiere, il y
      en a qui n’ont duré que sept jours. Si elle change de place, ces exhalaisons &amp; le feu qui
      la compose, la suivent par tout par le moyen de l’air, car le mouvement direct des vapeurs ne
      paroist tel qu’à nostre veuë lors qu’elles commencent à s’élever ; l’air les agite apres,
      &amp; les portent vers le lieu où il est attiré. Si les Cometes paroissent quelquefois au
      dessus des Planetes qui les dominent, les Critiques disent que les Cieux qui sont si purs, ne
      pourroient souffrir cette corruption ; mais c’est de leur pureté que vient la raréfaction du
      Méteore. D’autres ne veulent pas que ce soit la refléxion de quelques Planetes, parce que la
      rencontre qui se fait de ces Astres ne dure qu’un moment, à raison de leur mouvement qui est
      perpétuel, outre qu’elles se prédiroient aussi-bien que les Eclypses. Quelques-uns pensent que
      ce n’est qu’une refléxion de la lumiere du Soleil dans l’exhalaison qu’il a disposée pour la
      produire, étenduë au dehors pour recevoir ses rayons, &amp; resserrée au dedans pour les
      refléchir &amp; leur donner cette couleur qui paroist à nos yeux, d’où se forment diverses
      figures qui nous surprennent, &amp; qui n’ont point d’autre consistance que celle que nous
      voyons dans les nuës au lever &amp; au coucher de cet Astre. D’autres prétendent que ce sont
      des Etoiles dont le cours nous est inconnu, qui s’abaissent &amp; qui attirent ces vapeurs
      lors qu’elles viennent à paroistre ; mais ce ne peut estre une Etoile de la nature des autres,
      parce qu’ayant paru une fois, elle ne se dérobe plus à nos yeux, &amp; c’estoit pourquoy
      l’Etoile des Mages n’estoit qu’un Méteore qui avoit la ressemblance d’une Etoile. Il est vray
      que ces Mages qui estoient habiles Astrologues, dirent en demandant dans Jérusalem, où estoit
      né le nouveau Roy des Juifs, qu’ils avoient veu son Etoile ; mais il faut sçavoir que la
      naissance du Messie devoit estre figurée par une Etoile, ou plutost que c’estoit cette Etoile
      mystique qui se devoit lever de la Maison de Jacob ; &amp; que c’est encor une chose ordinaire
      de donner ce nom à tous ces Signes qui paroissent au Ciel. Les Etoiles ne sont nouvelles,
      qu’en ce qu’elles apparoissent, ou sont découvertes nouvellement. Elles ont esté toutes
      produites en mesme temps ; &amp; comme Dieu trouva le Ciel parfait lors qu’il l’eut creé, il
      n’en a point augmenté le nombre, &amp; n’a rien adjoûté à la beauté de son Ouvrage. Si la
      Comete est un Astre nouveau, on doit l’examiner comme les autres Etoiles, c’est à dire
      observer son lever, son coucher, son exhaltation, sa déclinaison, sa longueur, sa largeur, son
      paralaxe ou sa distance, sa refraction &amp; sa clarté ; mais les Cometes n’ont que la figure
      d’Etoiles, &amp; ne sont pas de la mesme nature. Les Astres attirent les exhalaisons, &amp; en
      forment divers Méteores, ausquels ils communiquent leurs influences, &amp; particulierement le
      Soleil &amp; la Lune ; &amp; c’est ce qu’entend Virgile, quand il dit, <hi rend="i">Solstici
       signa dabit</hi> ; &amp; les Signes sont presque toûjours certains, suivant le Planete qui
      les domine. <hi rend="i">Solem quis dicere falsum audeat.</hi> Le Poëte parlant de la mort de
      César &amp; de la guerre de Pharsale, dit qu’il arriva d’étranges prodiges, &amp; sur tout
      d’horribles Cometes. <hi rend="i">Nec diri toties arsere Cometæ.</hi> Il en est des trois
      principales sortes de Cometes, ce que les Anciens disoient des trois Foudres de Jupiter. Les
      premiers venoient du propre mouvement de Jupiter, &amp; ceux-là estoient plus avantageux que
      nuisibles. Les seconds venoient par l’avis des douze Dieux qui composoient son Conseil, &amp;
      ils estoient favorables à quelques-uns, &amp; dangereux pour quelques autres. Les troisiémes
      venoient des Héros, &amp; des Démons ou Esprits malins ; &amp; les derniers estoient toûjours
      funestes, terribles &amp; pernicieux.</p>
     <p>S’il y a des Cometes, ou plûtost des Etoiles miraculeuses qui nous annoncent le courroux ou
      la clemence de Dieu, comme celle qui parut sur la Ville de Jérusalem avant sa destruction,
      &amp; celle qui conduisit les Mages à la Cresche du Sauveur ; il y a des Cometes ou des
      Etoiles vulgaires qui ne sont que de simples Méteores qui paroissent en l’air ; mais les
      Peuples se sont épouvantez d’un mot qu’ils n’entendent pas, &amp; qui ne signifie rien de
      fâcheux &amp; de terrible. Au contraire, les Grecs n’ont donné le nom de Comete à ces sortes
      d’Etoiles, que parce qu’elles avoient plus de lumieres, &amp; qu’elles estoient ornées de plus
      de rayons que les autres. Pourquoy les cheveux &amp; la barbe, qui ne sont que des rayons dans
      ces Astres, auroient-ils quelque chose de funeste, eux qui dans la Nature font l’ornement
      &amp; la beauté des Hommes, qui sont diformes, &amp; qui mesme dans la superstition sont de
      méchante rencontre lors qu’ils leur manquent ? C’est donc faussement qu’on se sert du nom de
      Comete comme d’un épouventail pour transir, &amp; pour consterner souvent les Peuples
      mal-à-propos ; car sous prétexte de la colere &amp; des jugemens de Dieu dont on leur veut
      donner par là de la crainte, on les fait tomber dans mille erreurs, mille superstitions, qui
      pour estre grossieres, n’en sont pas moins criminelles. Personne ne s’amende ; on s’amuse à
      raisonner sur les Astres ausquels on attribuë ce qui se passe icy bas ; &amp; bien loin de
      corriger ses mœurs &amp; de songer à ses fautes, on s’enteste de sotes &amp; de ridicules
      opinions, qui corrompent &amp; amusent les Hommes le reste de leur vie. Il faut se mocquer des
      Cometes avec Scaliger, &amp; de ceux qui ont la foiblesse de s’y arrester. On dit que leur
      grandeur montre leur force ; leur couleur, la nature des Planetes qui les dominent ; leur
      éclat, leurs effets ; &amp; que leur forme est un caractere Hyéroglifique qui exprime le
      couroux du Ciel. Quelques-uns attribuënt particulierement leurs effets à la Religion, &amp;
      ont remarqué que de soixante &amp; huit Cometes qui ont paru depuis la mort de Jesus-Christ,
      il n’y en a aucune qui n’ait prédit quelque Herésie, ou quelque changement dans l’Eglise ;
      mais il est facile d’ajuster de pareilles Remarques Historiques aux influences des Astres,
      &amp; d’apporter de pareils exemples pour appuyer des conjectures qui n’ont aucune
      démonstration.</p>
     <p>Il y en a d’autres qui n’admetent pas l’Astrologie à l’égard de ces sortes d’Etoiles, mais
      qui ne laissent pas d’en juger astrologiquement, par une longue Indiction qu’ils font des
      effets de la Comete, dans laquelle ils prétendent découvrir la cause naturelle des Guerres,
      des Morts, &amp; des changemens d’Etats dont ils menacent les Hommes. Ils disent, que la
      Stérilité, la Peste, &amp; la Mort subite, sont les effets ordinaires de ce Méteore, &amp; que
      de là naissent les Inimitiez, les Séditions populaires, la Guerre, &amp; la Révolution des
      Empires. Il est vray que ces Méteores peuvent causer de méchans effets, mais ils en peuvent
      causer de bons. Ils ont leurs influences, &amp; le Ciel les communique diversement à la Terre,
      &amp; c’est dans ce sens qu’on dit que la fertilité de la terre vient de la bonté de l’année.
      Les Curieux doivent encor sçavoir que les Cometes ont aussi naturellement de bons effets que
      de méchans, &amp; qu’un Philosophe appellé Charemon a fait un Livre, où il remarque qu’elles
      avoient toûjours présagé du bonheur ; car en verité de tels raisonnemens sont dignes de pitié,
      &amp; c’est là proprement tirer la Comete par les cheveux. Il faut bannir tous les prestiges
      de l’Astrologie Judiciaire, &amp; se souvenir de cette Défence du Prophete Jerémie, <hi
       rend="i">A signis Cœli nolite timere quæ timent Gentes</hi>. Il n’y a que les Peuples
      ignorans qui s’amusent à ces faux présages, <hi rend="i">Leges Populorum vanæ sunt</hi>. Leurs
      opinions n’ont pour fondement que la superstition &amp; l’erreur ; ils font une Divinité
      cruelle de la Comete, &amp; croyent avec Homere, qu’on ne voit pas les Dieux impunément. Ce
      qui montre leur foiblesse, c’est qu’en vain on leur fait connoistre que la Comete n’a rien qui
      doive les épouvanter. La premiere qui vint à paroistre, réveille tout de nouveau leur fole
      curiosité, &amp; leur donne mille nouvelles-allarmes. Je sçay que les Présages ont esté des
      marques de Religion parmy les Payens, parce que, dit Valere le Grand, les choses n’arrivent
      pas à l’avanture, mais par la providence &amp; la volonté des Dieux. Je sçay encor que dans
      l’Ancien &amp; Nouveau Testament, ils n’ont pas esté ny vains ny inutils ; au contraire, Dieu
      s’en est servy pour communiquer ses graces aux Hommes, ou pour leur montrer sa colere &amp;
      les châtimens qu’il préparoit à leurs crimes. C’est pourquoy il y a des Prophetes, &amp; ces
      Prophetes ont annoncé toutes ces choses. Les Juges, les Roys d’Israël, les ont consultez. La
      captivité du Peuple de Dieu dans l’Egypte, sa délivrance, sa conduite dans le Desert, la
      Naissance de Jesus-Christ, &amp; sa Mort, son second avenement, la destruction de Jérusalem,
      tout cela a esté prédit par des Présages &amp; par des Signes ; mais tous ces Signes qui
      paroissent dans le Ciel ne sont pas des marques qui viennent de la part de Dieu. Le Diable
      s’en mesle souvent ; &amp; comme il se met souvent dans le Tonnere, &amp; qu’il fait
      quelquefois les orages &amp; les tempestes, il peut tracer en l’air diverses figures pour
      épouvanter les Hommes, &amp; abuser de leur simplicité. Un certain Rabin assure que le Diable
      émût d’horribles tempestes, &amp; fist voir un Cercueil en l’air, pendant que Moïse estoit sur
      la Montagne, afin de persuader au Peuple que Moïse estoit mort, &amp; pour le porter plus
      facilement à l’idolâtrie ; mais les grands courages ne s’étonnent pas de ces Prodiges.
      Charles IX. chassant dans la Forest de Charle-Val en Normandie, ses Véneurs épouvantez par la
      rencontre d’un Fantôme tout en feu de la hauteur de plus d’une Pique, qui pouvoit estre
      quelque Méteore embrasé, ou quelque illusion du Diable, ils prirent tous la fuite. Le Roy
      demeuré seul, le poursuivit l’Epée à la main, &amp; le fist disparoistre. Peut-on craindre
      &amp; adjoûter foy à ces Signes sans estre superstitieux ? Qui nous a assuré qu’ils sont des
      marques de châtiment &amp; de punition pour les Hommes ? Il faut sçavoir s’ils sont naturels
      ou extraordinaires, s’ils veulent signifier du bien ou du mal ; car enfin s’ils sont naturels,
      c’est une superstition de leur attribuer d’autres effets que ceux qui sont propres à leur
      nature ; s’ils sont miraculeux, il ne faut point en porter un faux jugement, il faut s’en
      remettre à la volonté de Dieu qui les envoye. La Colomne de feu qui conduisoit le Peuple
      d’Israël, estoit un Signe de bonté pour luy, &amp; de colere pour les Egyptiens. Il ne faut
      point s’attacher aux Présages ny à la Superstition en quelque maniere que ce soit. Quand cela
      ne seroit pas défendu par nostre Religion, &amp; qu’il seroit permis a chacun de s’abandonner
      au déreglement de son esprit, &amp; de sa volonté, il n’y a point d’Homme sage qui ne les
      méprise.</p>
     <p><hi rend="sc">De la Fevrerie.</hi></p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_088">
    <head>[Lettre de la Solitaria del Monte-Pinceno, sur diverses Questions]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 88-95.</bibl>
    <quote>
     <p><hi rend="i">Cette Piece est si remplie de recherches curieuses, qu’on trouve peu de
       matieres qui soient traitées plus à fond. Joignez à cela la beauté du stile, &amp; vous
       avoüerez à la gloire de l’Autheur, qu’on ne peut trop estimer de pareils Ouvrages. Les
       Décisions qui suivent sont d’une Personne de vostre Sexe, que l’éloignement des lieux
       n’empesche pas de s’intéresser dans nostre commerce.</hi></p>
     <quote>
      <label>A Rome ce 22. Mars 1681.</label>
      <lg>
       <l> <hi rend="i">Humble salut, Seigneur Mercure,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Dont le nom fait bruit en tous lieux,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Sur mes Vers mal polis jettez un peu les yeux,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et daignez, s’il vous plaist, en faire la lecture ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">De ma Muse naissante agréez ce présent,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Soyez pour elle un Dieu facile &amp; complaisant.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <quote>
      <label>Lequel est le plus à plaindre, ou un Mary jaloux, ou la Femme d’un Mary jaloux.</label>
      <lg>
       <l> <hi rend="i">Celuy qui souffre davantage,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Est le plus digne de pitié.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Un Mary n’est jaloux que par trop d’amitié.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ce trop cause souvent du bruit dans le ménage.</hi></l>
       <l><hi rend="i">S’il aimoit moins sa Femme, il en seroit plus sage,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et son bonheur seroit plus grand de la moitié.</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Cet Homme est d’autant plus à plaindre,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qu’il souffre pour vouloir guérir,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et croit se soulager, cherchant à découvrir</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ce que pour son repos il a le plus à craindre.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Aussi l’esprit toûjours inquiet &amp; resveur,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Il nourrit le chagrin qui le ronge sans cesse,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et c’est luy-mesme qui s’empresse</hi></l>
       <l> <hi rend="i">A s’éclaircir de son malheur.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Sa Femme cependant agissant à sa teste,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Prend droit de le faire enrager,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et croit, parce qu’elle est, ou passe pour honneste,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qu’elle n’a rien à ménager ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Ce n’est pas agir trop en Beste.</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Ainsi la Femme du Jaloux</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Passe des momens assez doux</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Sans crainte de la jalousie,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Pendant que Monsieur son Epoux</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Dans sa bizarre frénesie</hi></l>
       <l> <hi rend="i">N’a pas un beau jour en sa vie.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Je vous laisse à juger, Mercure Galant, lequel est le plus à plaindre des deux. Je suis pour
      le Mary, quoy qu’il soit l’autheur du mal, parce qu’en effet il souffre davantage, &amp; que
      son tourment ne finit point.</p>
     <quote>
      <label>Lequel doit estre estimé le plus malheureux, ou l’Aveugle né, ou celuy qui a perdu la
       veuë.</label>
      <label>Les Plaintes d’un Amant, qui est devenu aveugle depuis qu’il a commencé d’aimer,
       pourront servir à décider cette Question.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">J’adore les beautez dont Philis est pourveuë,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">L’Amour m’a rangé sous sa Loy ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mais helas ! la Cruelle insensible pour moy,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Se moque du tourment que m’a causé sa veuë.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Amans, qui soûpirez, &amp; plaignezvostre sort,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Le mien est beaucoup plus à plaindre que le re ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">J’ay perdu les deux yeux, &amp; pour tout réconfort</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Un Aveugle en conduit un autre.</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Ah, mes yeux, quand je vous perdis,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Fut-ce l’éclat de ceux de la Cruelle,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Ou le regret de voir mes vœux trahis,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qui vous couvrit d’une nuit eternelle ?</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Helas ! qu’il m’eust esté bien doux</hi></l>
       <l> <hi rend="i">De prendre naissance sans vous !</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Je n’aurois point veu l’Inhumaine,</hi></l>
       <l><hi rend="i">J’ignorerois encor les tourmens amoureux ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Oüy, vous m’avez perdu, mes yeux, mes traîtres yeux,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et vous avez esté les autheurs de ma peine.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <quote>
      <label>Ce que doit faire une Belle, qui est pressée de se déclarer pour deux Amans, dont l’un
       a beaucoup d’amour &amp; peu de mérite, &amp; l’autre beaucoup de mérite avec peu
       d’amour.</label>
      <lg>
       <l> <hi rend="i">Amans, qui consacrez vos feux</hi></l>
       <l> <hi rend="i">A l’engageante Vacesmonde,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Vous ne pouviez choisir un Objet dans le monde</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qui fust plus digne de vos vœux ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Mais qu’un de vous deux me pardonne,</hi></l>
       <l><hi rend="i">S’il se voit de la Belle un jour peu satisfait,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et si le conseil que je donne</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Est peu conforme à son souhait.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Beauté, qui nourrissez leurs amoureuses flâmes,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Le mérite pour vous doit avoir des appas ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">C’est la marque des belles Ames,</hi></l>
       <l><hi rend="i">De refuser les vœux de ceux qui n’en ont pas ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Un Homme de mérite, &amp; sensible à vos charmes,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Rendra justice à vostre amour ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ne craignez point, qu’ayant rendu les armes,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Il s’en repente quelque jour.</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Il faut malgré luy qu’il vous aime,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Vous avez trop d’esprit pour le laisser aller ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Si vous l’aimez, il en fera de mesme,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et qui brûle pour vous, sçaura toûjours brûler.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Le conseil des Femmes n’est pas toûjours bon à suivre ; mais comme je suis persuadée que la
      Belle Vacesmonde est une Personne accomplie, &amp; qu’il est naturel d’avoir de l’inclination
      pour son semblable, il est à croire qu’elle rendra justice au mérite.</p>
     <p>Puis que vous estes le Dépositaire des conseils dont on a besoin, je vous prie, Galant
      Mercure, de vouloir bien proposer cette Question dans vostre Extraordinaire, sçavoir, <hi
       rend="i">Lequel est le plus avantageux pour une Veuve de 25. à 26. ans, ou de se remarier, ou
       de demeurer dans le Veuvage, ou d’abandonner entierement le monde, en se retirant dans un
       Convent</hi>. J’attendray réponse là-dessus dans quelqu’un de vos Extraordinaires, pour
      décider de ma fortune, &amp; suis vostre &amp;c.</p>
     <p><hi rend="sc">La Solitaria del Monte Pinceno.</hi></p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_120">
    <head>[Divers Madrigaux sur les deux Enigmes du Mois de Mars, dont les Mots estoient la Cire
     &amp; la Cloche]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 120-141.</bibl>
    <p><hi rend="i">Voicy divers Madrigaux sur les deux Enigmes du Mois de Mars, dont les noms
      estoient</hi> la Cire <hi rend="i">&amp;</hi> la Cloche.</p>
    <quote>
     <label>I.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Un jour Mercure le trompeur</hi></l>
      <l><hi rend="i">Voulut duper Apollon sans rien dire.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour cet effet, tranchant du grand Seigneur,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Portoit toutes marques d’honneur,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ne portoit rien moins que le nom de Messire.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce n’est pas tout ; des Lettres de Cachet</hi></l>
      <l> <hi rend="i">En Lacs de soye &amp; Sceaux de</hi> Cire,</l>
      <l> <hi rend="i">Etalloient par tout son empire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ce n’estoit qu’Edit, Ordonnance, ou Brevet.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Apollon étonné de ce grand étalage,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Changea de mine &amp; de visage,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et prenant un front lumineux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Brûla d’un rayon de ses yeux</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ces Lettres &amp; Brevets, fondit les Sceaux de Cire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tant il est vray qu’à le bien dire</hi></l>
      <l><hi rend="i">On ne sçauroit tromper la prudence des Dieux.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Marquis de Grassamant,</hi> de Troyes.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>II.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Et pour la joye &amp; pour le deüil,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour la naissance &amp; le cercueil.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Souvent dans les Temples on sonne ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais le respect que j’ay pour la Religion</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne veut point sur ce fait que mon esprit raisonne.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Je me rends sans rebellion,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Soit que j’en sois loin ou fort proche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Promptement en l’Eglise au premier son de</hi> Cloche.</l>
     </lg>
     <p>Il Signore de Casa Cremata.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>III.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Je vous entens, Seigneur Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Avec re</hi> Cloche <hi rend="i">à la main.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vous nous conviez tous à voir mettre demain</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Caresme dans la sepulture ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais pourquoy tant vous mettre en frais ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Laissez-là re</hi> Cire, <hi rend="i">il n’est pas nécessaire</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De faire un si beau Luminaire.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Peut-estre que charmé de tant de beaux apprests,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un jour il reviendroit exprés</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Nous en voir encor autant faire.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Febvre</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>IV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Quand LOUIS, le plus grand des Roys,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Confirme ses augustes Loix</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par sa puissance sans égale ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et que pour faire à ses Sujets</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Sentir tant en guerre qu’en paix</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ses libéralitez, ou sa faveur Royale ;</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Un</hi> Car tel est nostre plaisir,</l>
      <l> <hi rend="i">Que nos Roys ont voulu choisir,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A ce Monarque peut suffire ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">C’est assez, que de ce Héros</hi></l>
      <l> <hi rend="i">On voye, apres ce peu de mots,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Image en Lacs de soye éclater sur</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Rault</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>V.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Depuis trois ans Mercure ayant quitté les Cieux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A pris divers emplois sur terre,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tant pour la paix que pour la guerre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et les préfere tous aux messages des Dieux.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Chaque Mois son devoir l’appelle</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A quelque fonction nouvelle,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Selon qu’on l’exige de luy.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Remarquez si jamais il a la main en poche ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Non, non, son devoir aujourd’huy</hi></l>
      <l><hi rend="i">Est de gaillardement faire entendre</hi> la Cloche.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>VI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure, sans quitter le surnom de Galant,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Peut prendre celuy de Marchand,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par les beaux emplois qu’on luy donne,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">En voyageant dans tous les Lieux</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui sont renfermez sous les Cieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Plus viste que jamais n’a fait encor personne ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Car dans les voyages divers</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’il fait dans ce vaste Univers,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il apporte souvent diférentes denrées.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Je le voy chargé dans ce Mois</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De deux que l’on peut vendre au poids,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui sont des preuves assurées</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’il veut trafiquer cette fois.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il porte en premier lieu d’une tres-belle</hi> Cire,</l>
      <l> <hi rend="i">Jaune, &amp; blanche indiféremment.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour le prix, c’est un brave Sire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui le dira fort justement ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais sa seconde marchandise</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Peut causer un peu de surprise</hi></l>
      <l><hi rend="i">A ceux qui douteront des forces de son Bras,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Puis qu’il apporte dans sa poche</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un belle &amp; charmante</hi> Cloche,</l>
      <l> <hi rend="i">Sans en souffrir nul embarras.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Alcidor</hi>, du Havre de Grace.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>VII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Ma foy, Mercure est aux abois,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Puis qu’apres ses grands exploits,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">On voit à présent ce beau Sire</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Réduit à chausser</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">E. Foyneau</hi>, Sous-Chantre de la Cathédrale de Vennes.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>VIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">A des Sous-Chantres sans reproche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure peut-il déguiser</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Celle qui sçait les maîtriser ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Non, ils connoissent trop</hi> la Cloche.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>IX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure, aupres de moy c’est mal faire ta Cour.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quoy, me prens-tu pour une Cruche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De me donner un mois, lors qu’il ne faut qu’un jour,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour trouver</hi> la Cloche <hi rend="i">&amp;</hi> la Ruche ?</l>
     </lg>
     <p>Le Soleil du Quartier S. Mederic.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>X.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Ne vous étonnez pas de voir presser</hi> la Cire</l>
      <l><hi rend="i">A Mercure avec tant d’ardeur,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Car j’ay toûjours entendu dire</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’il ne hait pas la douceur.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Baudoüin</hi>, de Lisieux.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Si je ne tiens pas vostre Mot,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Du moins de bien pres j’en aproche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et dust-on me croire un vray Sot,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je soûtiens que c’est</hi> une Cloche.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XII.</label>
     <lg>
      <l> La Cire <hi rend="i">que les Abeilles</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vont sur les Fleurs cueillir de toutes parts,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et</hi> la Cloche <hi rend="i">qui fait tant de bruit aux oreilles,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Sont les deux Enigmes de Mars.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Chevalier Blondel.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure, vous estes discret,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et bien propre pour le secret,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je suis obligé de le dire.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vous sçavez cacher aux Jaloux</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dessous le Cachet &amp;</hi> la Cire,</l>
      <l><hi rend="i">Ce que l’Amour a de plus doux.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">La Tronche</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XIV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure a sçeu trouver l’heureuse invention</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De faire</hi> des Cloches <hi rend="i">nouvelles.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Nuit &amp; jour point de bruit entr’elles,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Point d’appel, point de carillon ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que si l’on en avoit en tous lieux de pareilles,</hi></l>
      <l><hi rend="i">On nous fatigueroit moins souvent les oreilles.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De la Mare-Chesnevarin</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Sans chercher tant de Mots pour expliquer l’Enigme</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’on nous propose dans ce Mois,</hi></l>
      <l> La Cire <hi rend="i">a toute mon estime,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">C’est d’elle dont je fais le choix ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et sans craindre d’aucun le blâme &amp; le reproche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je veux aussi la donner à</hi> la Cloche.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Floridor</hi>, de la petite Ville du Havre.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Iris, que vous avez de charmes !</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je me rends, je mets bas les armes,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mes sens se trouvent enchantez</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand je vous vois, quand vous chantez ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais c’est peu que de vous le dire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Puis que je n’ay pas le bonheur</hi></l>
      <l><hi rend="i">D’estre gravé sur vostre cœur,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme un Cachet dessus</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p>L’Albaniste de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XVII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Estre à mes vœux toûjours rebelle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Toûjours fiere &amp; toûjours cruelle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est me traiter en Etranger.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour faire cesser ce reproche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure fait sonner</hi> la Cloche ;</l>
      <l><hi rend="i">Que ce soit l’heure du Berger.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XVIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Une Explication peut-elle estre plus pure</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que cet Eloge du Mercure ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il est aimé, chacun le suit,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Comme</hi> la Cloche <hi rend="i">il fait grand bruit ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et quand il s’agit du mistere,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">On le voit discret &amp; prudent,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ensevelir en sage Confident</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dans</hi> la Cire <hi rend="i">ce qu’il faut taire.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le Solitaire de S. Geniez.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XIX.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Industrieuses Ménageres,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Abeilles, qui courez les champs</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Aussitost que le doux Printemps</hi></l>
      <l><hi rend="i">Donne de la vigueur à vos aîles légeres ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Observez de pres le talent</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De nostre Mercure Galant,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui n’eut jamais la teste cruche.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Faiseuses de</hi> Cire <hi rend="i">&amp; de Miel,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Rendez-luy grace, il est venu du Ciel</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour vous faire offre d’une Ruche.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">L. Bouchet</hi>, ancien Curé de Nogent le Roy.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Morgué je passons pour Faquins,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Disoit Mallet à Janot son Compeze.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Est-ce que je n’ozezions faize</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Queme ces Badauts les Devins ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand je voulons entrer en confézance,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">On ne boute dehors quari queme des Sots.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Je ne pouvons dize deux mots,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’on ne nous taxe d’ignozance.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par la morgué je sommes las</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De passer pour des Nicoulas</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui ne sauzions faire une rime ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Faisons queuque petit tracas</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui nous boute toute en estime.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Cà, voyons, j’explique une Enigme.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De ce Mercure de Pazis.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par ma foy je croy que j’y sis.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Te souvient-il de ce qu’on houche,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Janot, quand j’allons prier Guieu ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Hé là… n’est-ce pas</hi> une Clouche ?</l>
      <l> <hi rend="i">Mais me dizas-tu point un peu</hi></l>
      <l> <hi rend="i">D’où c’est… ah j’y sis par m'name,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">C’est la Clouche de Noustre-Dame,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que j’oyons tout l’Hyvar aupres de nouste feu.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Maillet</hi>, de Passy lez Pazis.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXI.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">J’ajoûteray, Galant Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un Fait de nostre puissant Roy,</hi></l>
      <l><hi rend="i">A ceux que tu décris, &amp; qui rendront ta foy</hi></l>
      <l><hi rend="i">Aux Siecles à venir suspecte d’imposture.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ce Prince voulant empescher</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que dans d’indignes mains se trouvast la Noblesse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Afin qu’en la vertu chacun l’allast chercher.</hi></l>
      <l><hi rend="i">A</hi> la Cloche <hi rend="i">laissa sa premiere bassesse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ordonnant qu’en</hi> la Cire <hi rend="i">on n’imprimast son Sceau</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que pour distinguer le mérite.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure, tu verras si ce discours nouveau</hi></l>
      <l><hi rend="i">Des Enigmes de Mars pourroit grossir la suite.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le Nouveau Bourgeois de la Rochelle.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure en cent façons tous les jours se déguise ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il est en mesme temps Messager, Postillon,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tantost Coupeur de Bource, &amp; tantost Violon,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quelquefois il conduit l’amoureuse entremise.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il change tous les mois d’état, de passion.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour vous dire en un mot tout ce qu’on en peut dire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure prend comme</hi> la Cire</l>
      <l> <hi rend="i">Toute sorte d’impression.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Berger de Frussart</hi>, pres Vennes.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Pour chanter les vertus de Mercure Galant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce n’estoit pas assez qu’il eust l’heureux talent</hi></l>
      <l><hi rend="i">De bien toucher le Luth, ou joüer de la Poche,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il falloit le son d’une</hi> Cloche.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXIV.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Pour nous engager à lire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tu nous offres de</hi> la Cire ;</l>
      <l><hi rend="i">Mais pour nous en tirer, de peur que nos beaux ans</hi></l>
      <l><hi rend="i">D’un soin trop assidu ne portassent la peine,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tu fais sonner à contretemps,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ta</hi> Cloche <hi rend="i">pourroit s’attirer nostre haine,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si son bruit éclatant ne formoit dans nos cœurs</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un temps plus remply de douceurs,</hi></l>
      <l><hi rend="i">En nous faisant quitter une aimable lecture,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour goûter un repos plus doux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Nous donnant les momens d’admirer ces grands coups</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que fait retentir le Mercure.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Indiférent du Havre de Grace.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXV.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Aminte, on ne parle pas bien,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand on dit que vos yeux ne sont plus bons à rien ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Car puis qu’en faisant de</hi> la Cire,</l>
      <l><hi rend="i">Ils nous font découvrir le véritable sens</hi></l>
      <l><hi rend="i">D’une Enigme de prix, qu’on vante, qu’on admire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est assez pour des yeux de plus de soixante ans.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Rat du Parnasse</hi>, du Cloistre S. Mederic.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">N’estoit-ce pas assez d’embarasser nos yeux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sans porter nostre oreille à ce nouveau reproche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que jusqu’icy, malgré la distance des lieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’on nous vient reveiller par le bruit de</hi> la Cloche.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Frolant</hi>, Avocat au Parlement de Normandie.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXVII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Vous me dites en vain, Philis, que le Caresme</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Cause le mal que je ressens,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Puis que de la langueur où je voy tous mes sens,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Je n’en accuse que vous-mesme.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Absent de vous, je ne vis pas ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et puis quand je voy vos appas,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Croyant par ce moyen soulager mon martire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Vos yeux, dont l’éclat sans pareil</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Est plus brillant que le Soleil,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Me font fondre comme</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De Corday</hi>, pres Falaise.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXVIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Non, le changement d’air ne peut changer mon sort.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mon amour est toûjours extréme.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dites-moy, Philis, je vous aime,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ou</hi> la Cloche <hi rend="i">bientost vous apprendra ma mort.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXIX.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">L’avanture est assez bizarre ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">J’ay pris Mercure pour Icare,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et chacun s’est moqué de moy ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais cependant je n’ay pas veu pourquoy</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A mes dépens on prétendoit tant rire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Puis qu’il estoit tout barboüillé de</hi> Cire.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De S. Placide</hi>, du Cloistre S. Germain de Lauxerrois.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXX.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Lors que</hi> la Cloche <hi rend="i">me réveille,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Elle me cause un dur ennuy,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Car je ne puis souffrir celuy</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qui trouble mon repos alors que je sommeille ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais pour luy rendre la pareille,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et luy joüer quelque bon tour,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il ne faut que mourir un jour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ses sons importuns trouveront sourde oreille.</hi></l>
     </lg>
     <p>Les deux Camarades d’Ecole du Jardin de la France.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXI.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Cette Enigme sent bien</hi> la Cire,</l>
      <l> <hi rend="i">Je n’oserois presque le dire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tant j’ay peur de n’en pas donner</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Le Mot qu’on laisse à deviner.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quoy qu’il en soit, dûssay-je icy passer pour Cruche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je dis que c’est ou la Cire, ou la Ruche.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Blanc-Boucher</hi>, de la Ruë Simon le Franc.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXII.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Mercure, qu’aurez-vous à dire</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour ne pas aprouver mon choix,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si pour trouver les Mots de l’Enigme du Mois</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Je me sers</hi> de Cloche <hi rend="i">&amp;</hi> de Cire ?</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">F. Ha… du Mesnil</hi>, de Chambrais en Normandie.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Quelqu’un qui croit n’estre pas Cruche,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lût cette Enigme, &amp; dans l’instant</hi></l>
      <l><hi rend="i">Me vint dire, tout triomphant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’ay trouvé le Mot, c’est la Ruche.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Apres avoir pris à loisir</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le temps de la lire &amp; relire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je luy dis, je veux mieux choisir ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Gardez la Ruche, &amp; moy</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Dargent</hi>, Commis de l’Extraordinaire des Guerres.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXIV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">En cette Enigme tout est doux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Abeille &amp; le Miel, tout m’attire ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais pour éviter son couroux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’y trouve, &amp; j’y laisse</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p>Il Signore de Casa Cremata.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Qui peut vous concevoir agreable Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dans tous les tours que vous prenez ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce qui n’est bien souvent que peu dans la Nature,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par une agreable imposture</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Vous le donnez</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour ses biens les plus fortunez.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De ce qu’icy je viens de dire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’ay pour garand l’Enigme de ce Mois.</hi></l>
      <l><hi rend="i">De Mots plus relevez pouviez-vous faire choix ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vous ne voulez pourtant parler que de</hi> la Cire.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Autier</hi> le cadet, Toulousain.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Ah qu’à vous découvrir avec peine on approche !</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il faut souvent monter bien haut.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je vous connois pourtant, vous avez un defaut,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Souvent vous m’éveillez, trop importune</hi> Cloche.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXVII.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Ouy,</hi> Cire, <hi rend="i">tu sers de retraite</hi></l>
      <l><hi rend="i">A des Peuples entiers, &amp; conserves leur Roy.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tu ne peux cependant empescher leur défaite,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors que d’avares mains s’animent contre toy.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Cette perte d’eux tous ne finit pas ta peine ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Car comme ils t’ont commis un dépost prétieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour te le faire rendre, on te presse, on te gesne,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et bien souvent en suite on te condamne aux feux.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Amy sans feintise, de Rennes.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXVIII.</label>
     <lg>
      <l>Cloche, <hi rend="i">quoy que tu sois du Sexe féminin,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Toûjours à parler trop enclin,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il faut qu’on t’ait fait violence,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors qu’à te faire entendre enfin tu te résous.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ainsi quand avec toy l’on n’en vient point aux coups,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Jamais tu ne romps le silence.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Comme ta voix est éclatante,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Beaucoup de ceux vers qui cet éclat la conduit,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Venant presque aussitost, remplissent ton attente,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais c’est souvent en vain que tu fais tant de bruit.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il est certaines Gens rebelles,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quoy qu’à cris redoublez longtemps tu les appelles,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De qui tu ne pourrois jamais rien obtenir,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si l’on n’alloit chez eux pour les faire venir.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_142">
    <head>De l’Origine de la Chasse [, par M. le Cesne de Coutance]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 142-176.</bibl>
    <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La Figure où
     est écrit, <hi rend="i">La Fuente de los Delphines en Aranjuez</hi>, doit regarder la page
     176.</note>
    <quote>
     <label>DE L’ORIGINE DE LA CHASSE.</label>
     <p>Il semble que la Chasse soit un effet du peché, &amp; qu’il l’ait introduite jusque dans le
      Ciel, lors que les Anges en chasserent les Démons, qui ont paru tant de fois apres leur
      révolte sous la figure horrible de plusieurs Animaux, comme dit S. Athanase en parlant de S.
      Antoine, <hi rend="i">Eum Dæmones variis &amp; horrendis ferarum figuris assumptis, impetu
       facto terrere conabantur</hi>, &amp; le docte Palladius en l’Histoire des Peres, <hi rend="i"
       >Horribilis Dæmon forma Ethiopis ignem oculis &amp; naribus efflantis</hi>. Le premier Homme
      fut chassé du Paradis terrestre, apres que son crime eut effacé l’Image de la Divinité dans
      son Ame, &amp; il devint semblable à la Beste, aussi-bien que Nabuchodonozor, selon Daniel
      &amp; Joseph, qui assurent que ce Prince devint une veritable Beste, quoy que S. Jerôme dise
      qu’il n’y eut du changement que dans l’esprit &amp; dans la fantaisie. C’est ce qui se
      rencontre encor aujourd’huy chez les Sauvages de l’Amérique, Hommes cruels &amp; sans raison,
      à qui nos Pescheurs sont obligez de faire la chasse comme à des Bestes, puis qu’ils ont outre
      leur férocité le corps herissé de poil, &amp; armé d’ongles merveilleusement longs &amp;
      crochus. Ainsi l’Ange fit effectivement la chasse à l’Ange dans le Ciel, &amp; Dieu la fit à
      l’Homme dans le Paradis terrestre ; car enfin ces Creatures comme métamorphosées, devinrent la
      proye de ces illustres Chasseurs ; &amp; l’Homme faisant le Singe, s’est fait un plaisir de
      les imiter. La Chasse qui estoit alors un effet du peché, fut ensuite un effet de la justice
      de Dieu &amp; de l’injustice des Hommes, qui se sont donné la liberté de répandre le sang
      humain comme celuy des autres animaux. La gloire, la vangeance, le plaisir, &amp; l’utilité,
      ont esté tour à tour le but le plus ordinaire des Chasseurs. C’estoit, dis-je, pour quelqu’une
      de ces raisons qu’on faisoit la guerre à toutes sortes d’Animaux, sans épargner l’Homme mesme,
      selon le sens de l’Ecriture, qui appelle Nembrod un puissant Véneur devant le Seigneur, <hi
       rend="i">Erat robustus venator coram Domino</hi>, puis que Lamech mit à mort le malheureux
      Caïn, le premier de tous les homicides, croyant que ce fust une Beste sauvage, &amp; par ce
      moyen donna lieu à cette pernicieuse espece de Chasse que les Hommes font aux Hommes, &amp;
      que l’on a depuis nommée Guerre, Bataille, Combat. Neantmoins un Autheur moderne, dans un
      Ouvrage Latin, qu’il appelle <hi rend="i">la Chasse des Hommes</hi>, ou <hi rend="i">l’Art de
       gagner leur amitié</hi>, nous a donné une invention plus noble &amp; plus innocente de leur
      faire la chasse ; mais selon mon sens, ce qui donna lieu à celle des Bestes, fut que l’Homme
      chassé du Paradis terrestre, se voyant exposé à la fureur des autres Animaux qui se
      rebellerent contre luy, fut contraint de leur faire la chasse, pour se garantir de leurs
      outrages. Ils cesserent d’obeïr à sa voix, &amp; en suite il tâcha d’en gagner quelques-uns
      qui devinrent plus traitables. Les autres n’ayans jamais rien quitté de leur naturel féroce
      &amp; malfaisant, ceux-là luy aiderent à se vanger de ceux-cy. C’est peut-estre pourquoy il se
      trouve encor une si grande antipathie entre quelques-uns, qu’ils ne sçauroient s’entrevoir
      sans estre portez à s’outrager. C’est par là qu’entre les Volatiles, le Faucon, le Gerfau, le
      Tartaret, l’Epervier, le Sacre, l’Emerillon, &amp; le Tiercelet, ont esté employez contre le
      Héron, le Canard, la Gruë, le Milan, la Corneille, le Faisan, &amp; la Perdrix ; entre les
      Quadrupedes, le Furet contre les Lapins ; &amp; plusieurs sortes de Chiens, comme les Bassets,
      les Epagneuls, les Limiers, &amp; les Levriers, contre le Sanglier, le Loup, le Renard,
      l’Ours, le Cerf, le Tygre, le Lion, le Leopard ; &amp; pour ce sujet l’on a inventé les
      Epieux, les Toilles, les Pans ; les Rets, les Meutes, les Lesses ; mais contre les Poissons
      que l’on ne peut pas suivre à la trace, &amp; qui sont du nombre de ces rebelles, l’Homme a
      mis en usage les Filets, les Lignes, le Leurre, &amp; l’Appast.</p>
     <p>Il n’est aucunement difficile de voir qu’il y a de trois sortes de Chasse, sçavoir, celle
      qui se fait aux Oyseaux, qu’on appelle Fauconnerie ; celle qui se fait aux Bestes à quatre
      pieds, qu’on nomme Vénerie ; &amp; celle enfin qui se fait aux Poissons, à qui l’on a donné le
      nom de Pesche.</p>
     <p>La Vénerie, selon le P. Pomey, est la Chasse qui se pratique sur la Beste à poil, &amp; à la
      course des Chiens &amp; des Piqueurs, ainsi qu’elle est en usage parmy la Noblesse de France.
      C’est, dit-il, un exercice pour la Noblesse tres-utile à la santé du Corps, &amp; au
      divertissement de l’Esprit, fort profitable à la Ménagerie, &amp; qui pour estre parfaitement
      conforme à celuy des Armes, est un des plus honorables qui se puisse pratiquer.</p>
     <p>La Fauconnerie est l’art d’aprivoiser &amp; assurer l’Oyseau de proye, &amp; de l’employer à
      propos à la Volerie du Gibier.</p>
     <p>Et selon un autre, la Pesche est l’art de prendre des Poissons à la Ligne, au Filet, ou en
      quelqu’autre maniere, pour le plaisir &amp; pour l’utilité. C’est pour cette derniere fin
      qu’on la pratique en Dannemarc, où les meilleurs Revenus du Roy consistent au profit de la
      Pesche, qui pour cet effet ne donne pas un médiocre plaisir à ce Prince.</p>
     <p>Mais s’il y en a en la Pesche, il ne s’en trouve pas moins en la Vénerie, puis qu’elle est
      utile à la santé du Corps &amp; au divertissement de l’Esprit ; &amp; l’on peut dire qu’il est
      en quelque façon de cette sorte de Chasse, comme de la Philosophie, qui demande l’Homme
      entier, c’est à dire le Corps pour l’exercice, &amp; l’Esprit pour regler tous les mouvemens,
      soit dans les détours, soit dans les attaques, soit dans les poursuites, ou dans les autres
      actions particulieres qu’on est obligé de faire pour quester la Beste, pour juger des fumées,
      pour garder le change, pour faire les enceintes, &amp; pour démesler les ruses de l’Animal,
      qui pleure, qui crie, qui se cache, qui résiste, qui se dresse, qui s’abat, &amp; qui fait
      enfin tout ce qu’il peut pour se dérober aux Chasseurs. C’est pourquoy il est bon de sçavoir
      que les Chiens de chasse ont moins de nez au Printemps qu’en une autre saison, parce que les
      Arbres &amp; les Plantes qui florissent alors, jettent plusieurs sortes de senteurs qui
      empeschent les Chiens de démesler celle de la Beste, non plus que ses fumées qui demeurent
      offusquées par la quantité des autres. Ce n’est pas tout ce qui sert d’obstacle au flairer des
      Chiens ; la gelée blanche les empesche de suivre le Gibier, parce que l’air froid &amp;
      époissy à l’entour du nez, restraint les odeurs, lesquelles par ce moyen ne peuvent couler ny
      se répandre pour émouvoir les sentimens. Il y a, selon Plutarque, cette diférence entre le
      Sanglier &amp; le Cerf, que les larmes de celuy-là sont douces, &amp; que celles de celuy-cy
      sont salées, &amp; de mauvais goust. La raison qu’il en donne, est que le Cerf est froid de sa
      nature, &amp; que le Sanglier est chaud &amp; boüillant ; d’où vient que l’un fuit &amp;
      l’autre resiste, quand il est besoin de soûtenir quelque assaut. Alors la chaleur fait monter
      des larmes d’une douceur surprenante dans les yeux du Sanglier en colere ; &amp; ses larmes,
      selon Empédocle, viennent d’un sang noir &amp; trouble.</p>
     <p>Nous avons divisé la Chasse en trois manieres ; mais parce que Platon, qui semble traiter de
      celle des Grecs dans son Sophiste, la divise autrement, voyons un peu comme il en parle. Il y
      en a de deux sortes, dit-il, sçavoir une qui se fait aux Animaux qui respirent, &amp; l’autre
      qui se fait à ceux qui ne respirent point. De ces deux il en fait une troisiéme, qui est comme
      mixte, parce qu’on se sert quelquefois pour prendre les uns &amp; les autres, de Clôtures, de
      Filets, de Feux d’Hameçons ; &amp; cette derniere se trouvant ainsi composée des deux autres,
      il la divise encor en celle qui se fait de nuit, &amp; en celle qui se fait de jour, à raison
      qu’on employe à celle qui se fait de nuit, des Flambeaux &amp; des Fascines, &amp; à celle qui
      se fait de jour, des Hameçons &amp; des Lignes. Ce Philosophe n’est pas d’avis qu’on pratique
      ces deux sortes de Chasse, à cause qu’elles ne se font qu’à force de ruses &amp; de
      surprises ; mais il permet de s’occuper à une troisiéme qui se fait avec les Chiens &amp; les
      Chevaux, afin que cet exercice rende les Chasseurs prests de batre les Ennemis de leur Etat,
      comme s’ils avoient toûjours fait celuy des Armes. Il est à croire que la plûpart des Grecs,
      &amp; sur tout les Athéniens, estoient trop adonnez à ces autres Chasses qu’il desaprouve,
      puis qu’il n’a pas craint de dire, que celle qui se fait de nuit, n’est autre chose que
      l’occupation des Faineans, qui perdent le temps qu’ils doivent employer à servir utilement
      leur Patrie. Ils peuvent, dit-il, se retirer en des Lieux écartez &amp; deserts, pour ne pas
      faire voir au reste de la Grece, ny aux autres Nations, la bassesse de leur courage. Il
      consent que la Pesche se pratique en toutes sortes d’eaux, réservé dans les Ports sacrez, dans
      les Fleuves, dans les Marais, &amp; dans les Etangs.</p>
     <p>Les Romains cependant n’ont pas déferé beaucoup à ses sentimens, selon ce précepte des
      Georgiques.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Tum laqueis captare feras, &amp; fallere visco.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Ils ont pratiqué la Chasse &amp; la Pesche dans les Bois, dans les Montagnes, dans les
      Fleuves, dans les Marais, &amp; dans les Etangs. Fulvius Lipinus commença de mettre en
      certains Parcs des Sangliers. Lucullus &amp; Hortensius ne furent pas long temps sans
      l’imiter. Ils appelloient ces Parcs, <hi rend="i">Vivaria, Leporaria, Septa, Roboraria, à
       Tabulis roboreis quibus septa erant antequam mænibus cingerentur</hi>, comme parle Varron.
      Quoy que ces Lieux ne fussent fermez que de planches de bois, on n’y faisoit pas moins la
      chasse aux Bestes qui y estoient, qu’à celles qui furent mises depuis dans les Amphitheatres,
      dans les Cirques, &amp; dans le Colizée. Ainsi les Romains s’estant dispensez de la rigueur
      des Loix de Platon, nous ne devons pas craindre de les violer, &amp; de dire que la
      Fauconnerie &amp; la Pesche ne sont pas moins l’exercice des honnestes Gens que la Vénerie. Il
      est certain que les Apostres ayant pratiqué la Pesche, elle est d’un mérite à ne pas céder aux
      deux autres. Mais puis que l’on donne le premier rang à la Vénerie, disons que la Chasse que
      l’on pratique sur le Sanglier, sur le Lion, sur le Cerf, sur l’Ours, &amp; sur le Tygre, est
      sur toutes les autres digne de l’occupation des Hommes genéreux &amp; robustes ; au lieu que
      celle qui se fait au Lievre, au Chevreau, au Loup, au Renard, &amp; à d’autres Animaux
      semblables, n’est que pour les Hommes moins vigoureux &amp; plus lâches, qui travaillent
      davantage pour l’utilité que pour la gloire.</p>
     <p>Quoy qu’il en soit, les Romains en remporterent beaucoup à la Chasse qu’ils faisoient aux
      Bestes qu’on amenoit dans leurs Amphitheatres, dans les Cirques, &amp; dans le Colizée dont je
      viens de parler, ou enfin dans les Ruës &amp; dans les Places publiques de Rome. Suétone
      rapporte que l’Empereur Titus abandonna cinq mille Bestes au plaisir du Peuple Romain, qui
      demeurerent toutes sur la place. Plutarque dit que Pompée fit faire au Peuple Romain des
      Chasses si prodigieuses, qu’il y eut jusques à cinq mille Lions tuez. César &amp; Domitian en
      firent pratiquer pendant la nuit à la clarté des Flambeaux. Gordian fit exposer en un seul
      jour cent Panthéres, mille Ours, deux cens Cerfs, trente Chevaux sauvages, cent Giraffes, dix
      Elans, cent Taureaux de Chypre, trois cens Autruches de Mauritanie, trente Asnes sauvages,
      cent cinquante Sangliers, deux cens Dains, &amp; deux cens Chamois. L’Empereur Philippes fit
      tuer aux Jeux Séculaires trente-deux Eléphans, dix Elans, autant de Tygres, soixante Lions,
      &amp; trente Léopards apprivoisez, dix Hyenes, un Rhinoceros, un Hippopotame, quarante Chevaux
      sauvages, dix Archoleous, dix Giraffes, &amp; vingt Asnes sauvages. Trajan ayant vaincu les
      Daces, si-tost qu’il fut de retour à Rome, donna au P.R. le plaisir de tuer &amp; de voir tuer
      jusques à dix mille Bestes sauvages &amp; privées. Il n’est pas difficile de juger que l’Aréne
      de ces Amphitheatres estoit d’une grande étenduë. On lit que celuy que César fit bastir
      contenoit quatre arpens de terre, estoit long de trois stades, &amp; large d’un, &amp; que
      deux cens soixante mille Personnes s’y pouvoient asseoir. Le grand Cirque estoit capable de
      loger trois cens quatre-vingts cinq mille Personnes, &amp; le mesme Suétone dit que César y
      fit mettre une fois deux Camps, pour donner au P.R. le plaisir d’un Combat. Il se voyoit encor
      à Rome un autre Lieu qu’on appelloit les Septes Julies, ou les Septes d’Agrippa, dans lequel
      l’Empereur Claude donna pendant un an entier au Peuple Romain le divertissement de la Chasse.
      Nous avons l’avantage d’avoir en la Ville de Nismes un superbe Amphitheatre nommé les Arénes,
      qui est un Ouvrage digne de la grandeur &amp; de la magnificence des Romains. Il surpasse
      beaucoup ceux de Doüay &amp; de Vérone. M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Brionne dit que le
      dernier est rétably, &amp; qu’on y fait des Chasses &amp; des Combats à pied &amp; à cheval
      aux jours de Feste.</p>
     <p>Mais tous ces plaisirs &amp; ces curiositez semblent avoir déplû merveilleusement à
      Pétrarque, lors qu’il dit,</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Quid juvat optandum venatu perdere tempus</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Quærere cùm possis commodiora tibi ?</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Il s’étend fort au long sur ce sujet, dans un de ses Dialogues, dont voicy les principaux
      sentimens, que j’ay rendus par ces Vers.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Vous courez, nous dit-il, apres ce qui vous fuit,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Les Chiens &amp; les Autours font toute vostre joye ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Pour avoir le plaisir d’une incertaine Proye,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Vous passez le jour &amp; la nuit ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Il ne vous reste plus pour comble de folie,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Que d’estre Oyseaux de Volerie.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mais ne voyez-vous pas qu’un Faucon inhumain,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Des ongles &amp; du bec vous déchire la main ?</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Insensibles à la Nature,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Pourquoy souffrez-vous cette injure ?</hi></l>
      </lg>
      <ab type="ornament">***</ab>
      <lg>
       <l> <hi rend="i">Quand je voy fouler nos guérets</hi></l>
       <l><hi rend="i">Par ce grand attirail de Chiens &amp; de Valets,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Qui gâtent tous nos Bleds, nos Foins, nos Pâturages,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ce n’est là le plaisir que d’un Noble à demy,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et non celuy des grand Courages.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Il a trop peu de cœur pour vaincre un Ennemy ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Il en a trop aussi pour se mettre à ses gages ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Il fait consister sa valeur</hi></l>
       <l><hi rend="i">A pousser à la Chasse une grande entreprise ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Il abhorre la marchandise,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et croit avoir beaucoup d’honneur,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Lors qu’il voit à ses pieds quelque Beste soûmise.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Et en suite afin de prouver par exemple la folie des Chasseurs, il raporte un endroit de la
      Vie de l’Empereur Adrian, qui fit dresser de grands &amp; superbes Buchers, pour brûler le
      corps de quelques-uns de ses Chiens, &amp; bâtir une Ville au lieu mesme où il avoit tué une
      Ourse, à qui il faisoit la chasse ; &amp; il se fit une coûtume de luy sacrifier un Lion. Ces
      sortes de Gens, dit-il, dédaignent de s’occuper aux Arts mécaniques, parce qu’ils n’y trouvent
      aucun plaisir ; &amp; ne pouvant s’occuper à l’étude des Sciences, &amp; des Arts libéraux
      comme leurs Devanciers, ils ne sont propres qu’à la Chasse. Car enfin on trouvera bien que
      Platon donnoit son temps à la Philosophie ; Homere, à la Poësie ; Cicéron, à l’Art Oratoire ;
      César, à celuy de triompher ; mais on ne lira jamais, si je ne me trompe, qu’ils en ayent
      donné aucun moment à la Chasse. <hi rend="i">Sæpe quidem legere potuerunt Platonem
       Philosophantem, &amp; Homerum Poëtantem, Tullium orantem, &amp; Cæsarem triumphantem ;
       venantem, puto, non legerunt</hi>. Et pour finir, il demande pourquoy les Chasseurs veulent
      se vanter d’avoir eu l’avantage de tuer un Animal, dont la mort est souvent le seul ouvrage
      des Chiens, ou des Oiseaux de Proye.</p>
     <p>Je ne prétens pas priver icy les grands Hommes de la gloire qui leur est deuë, pour avoir
      mis à mort des Lions, des Pantheres, des Tygres, des Ours, &amp; d’autres Bestes sauvages
      apres des combats singuliers. L’éloge que contiennent l’Histoire &amp; la Fable, de plusieurs
      qui se sont signalez en ces occasions, est une marque incontestable de leur valeur.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Rura sequi, jaculisque feræs agitare solebat,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Nodesasque cavâ tendere valle piagas,</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>dit le fameux Ovide, en parlant d’une celébre Chasseresse ; &amp; lors qu’il veut discourir
      de Céphale, il le fait si agreablement qu’on est charmé.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Clarus erat Cephalus Sylvis, multæque per herbam</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Conciderant illo percutiente feræ.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Mais tout cela n’est que peu de chose en comparaison de ce qu’il dit d’Atalante, qui
      poursuivant un Sanglier d’une grandeur si énorme qu’il faisoit trembler toute l’Arcadie, eut
      l’avantage de luy donner le premier coup, au préjudice de ceux de sa compagnie qui aspiroient
      à la mesme gloire.</p>
     <p>Quelque severe que soit la Satyre de Pétrarque, elle ne semble pas attaquer directement les
      Personnes de ce rang, dont le but est sans-doute le bien de la Patrie, quelquefois leur propre
      salut, ou l’exercice du corps, que par ce moyen on dispose à soûtenir les travaux de la
      guerre.</p>
     <p>Mais c’est assez parler de la Chasse des Grecs &amp; des Latins, disons quelque chose de
      celle des Turcs, qui est considérable parmy ces Peuples. La plûpart des Princes Ottomans, qui
      croupissent, pour ainsi dire, dans l’oisiveté, ont choisy la Chasse pour le plus agreable de
      leurs divertissemens. L’Histoire nous apprend que Bajazet premier du nom, l’aimoit d’une telle
      maniere, que personne ne luy eust bien fait sa Cour, s’il n’avoit sçeu chasser. Et un jour ses
      Fauconniers ayant jetté un Gerfau par mégard apres un Oiseau, il en eut un si grand dépit, que
      sans le Comte de Nevers, Fils de Philipe le Hardy Duc de Bourgogne, qui estoit présent, il en
      eust fait mourir sur le champ deux mille. Ce Prince en entretenoit sept mille, qui furent
      chassez par Mahomet II. son Successeur, si tost qu’il fut monté sur le Trône. Un certain
      Autheur dit qu’en faisant une action si juste, il déclara qu’il ne vouloit pas donner son Pain
      à des Gens si inutiles, &amp; destinez à la poursuite d’un plaisir si vain. Solyman II. qui
      fit la Conqueste de Rhodes, passa une année entiere à Andrinople, pour avoir seulement le
      plaisir de la Chasse. Osman qui luy succeda fut encor aussi fou, puis qu’il fit venir à sa
      Cour un grand nombre de Véneurs, &amp; de Fauconniers ; car les Turcs font d’ordinaire la
      Chasse au Milan, au Faisan, au Leopard, au Cerf, au Liévre, &amp; mesme au Sanglier, quoy
      qu’il leur soit défendu d’en manger par la Loy de leur Prophete ; mais ils ont trouvé le moyen
      de s’en permettre la Chasse, à condition d’en donner la chair aux Chrêtiens.</p>
     <p>Si nous voulons passer, pour ainsi dire, des Forests de Turquie, en celles de Suede, nous ne
      manquerons jamais d’y rencontrer un Monarque, qui ces derniers jours estant à la Chasse proche
      de Congsor, se batit contre un Ours qui se présenta devant luy. Ce Monstre l’entreprit de
      telle maniere, qu’il eut besoin de toute sa force pour s’en défendre, &amp; pour le mettre à
      mort. C’est encor le mesme qui a tué depuis ce temps-là jusqu’à huit Loups, qu’il a rencontrez
      allant à la Chasse au mesme lieu.</p>
     <p>Nous avons, ce me semble, assez écrit de la Chasse des autres Nations, sans toucher quelque
      chose de la nostre, &amp; de son commencement. Il est à croire, s’il est permis de
      conjecturer, qu’encor que les Latins en fissent un grand exercice, on ne laissoit pas de
      chasser dans les Gaules, où il se trouvoit beaucoup plus qu’à présent, pour le moins autant de
      Rivieres, de Garennes, de Marais, &amp; d’Etangs. Gomer, surnommé Gallus, petit Fils de Noé,
      qu’on dit estre le premier Fondateur des Gaulois, ou Galathée Femme d’Hercule, qui regnoient
      dans les Gaules environ l’an du Monde 2264. selon Berose &amp; Xénophon, auroient-ils manque
      d’apprendre à cette Nation l’Art de chasser, que Noë, Isac, Jacob, Esaü, Hercule, &amp; les
      autres Asiatiques, &amp; Afriquains, sçavoient si parfaitement pratiquer ? Si les Troyens
      enfin ne l’ignoroient point, comme Virgile nous en assure en plusieurs endroits, pourquoy ne
      voudra-t-on pas qu’Astianax ou Francion, qui estoit Fils du grand Hector, &amp; de qui selon
      Manethon, nos Roys tirent leur origine, leur ait appris ce bel Art qu’Ascanius n’ignoroit
      pas ?</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">At puer Ascanius medijs in vallibus acri</hi></l>
       <l><hi rend="i">Gaudet equo, jamque hos cursu, jampræterit illos,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Spumantemque dari pecora inter inertia votis</hi></l>
       <l><hi rend="i">Optat aprum, aut fulvum descendere monte Leonem.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Il y a certes trop d’apparence qu’ils en avoient la pratique, pour en douter, à joindre
      qu’il n’y a rien qui empesche que nous n’ayons eu l’usage de la Chasse presque aussitost que
      les Hommes qui vivoient dans l’Asie avant le Déluge, puis que nous avons eu le mesme panchant,
      &amp; la mesme inclination à la recherche de nos plaisirs, &amp; je ne n’en trouve pas d’autre
      raison, sinon que l’Asie ayant esté peuplée la premiere, l’Europe doit luy ceder l’avantage
      d’avoir eu les premiers Chasseurs qui furent, comme j’ay dit, les premiers Hommes du Monde. Un
      Ancien nous veut vendre trop cher la loüange qu’il nous donne, touchant l’Art de chasser, lors
      qu’il dit que les Latins l’ont eu avant nous. <hi rend="i">Fuit hæc quondam Latinorum, nunc
       Gallorum ars propria</hi> ; Et il n’y a que le temps de son commencement dans les Gaules, qui
      nous empesche d’estre d’accord ; car il est certain qu’un Moderne nous apprend, qu’on faisoit
      autrefois deux grandes Chasses en France durant chaque année, &amp; que c’estoit à l’issuë des
      Parlemens, qui ne se tenoient que deux fois l’an. Depuis on a trouvé plus de plaisir à chasser
      plus souvent, &amp; de Prade raporte que Charles IX. aima si passionnément cet exercice, qu’il
      en composa un Livre, que M<hi rend="sup">r</hi> de Villeroy pour lors Secretaire d’Etat
      écrivit, &amp; qu’enfin le lieu où il aimoit le plus à chasser estoit une Forest de Normandie,
      où il fit commencer le Bastiment de la superbe Maison de Charleval. Il n’y avoit pendant les
      premiers Regnes sur l’Etat de la Maison du Roy, que de simples Véneurs, des Fauconniers, des
      Perdriseurs, des Oiseleurs, des Louvetiers &amp; de tels autres Officiers, plus necessaires
      que considérables ; mais aujourd’huy l’on y voit de Grands-Veneurs, Grands-Fauconniers, &amp;
      de Grands-Louvetiers, dont les Charges sont exercées par des Comtes, par des Marquis &amp; par
      des Ducs &amp; Pairs. C’est ce Grand-Veneur, que nos Devanciers appelloient autrefois
      Grand-Forestier. Il y a quantité d’autres Officiers pour la Chasse, des Noms &amp; des Offices
      desquels je chargerois inutilement ce papier, puis qu’on les peut voir ailleurs, n’en ayant
      parlé que pour faire voir que la Chasse de nostre Monarque n’est pas moins nombreuse &amp;
      magnifique, que celle du Grand-Seigneur. Aussi cet illustre Successeur de Charles IX. s’y
      exerce assez souvent, pour sçavoir mettre aux abois les Bestes les plus fieres, &amp; se faire
      craindre à toute la Terre.</p>
     <p>LE CESNE, <hi rend="i">de Coûtance.</hi></p>
     <p><hi rend="i"> Je vous ay déja marqué que les Fontaines qu'on trouve dans la plûpart des
       Allées du Jardin d'Aranjuez, faisoient une des principales beautez de cette Maison. Celle qui
       vous est représentée dans cette Planche, s'appelle la Fontaine des Dauphins. Il vous est aisé
       de vous figurer en jettant les yeux dessus, combien elle est agreable.</hi></p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_177">
    <head>Avanture de l’Amour, décrite par le Secretaire du Zéphire [, décrite par le Secretaire du Zéphire, de M. de la Salle Sieur de Letang]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 177-191.</bibl>
    <p><hi rend="i">Vous sçavez, Madame, qu’on a demandé dans le dernier Extraordinaire</hi>, Si un
     Amant qui a beaucoup d’amour &amp; peu de mérite, est préférable à celuy qui a beaucoup de
     mérite avec peu d’amour. <hi rend="i">Cette Question a donné lieu à M<hi rend="sup">r</hi> de
      la Salle de l’Estang, d’imaginer ce qui suit.</hi></p>
    <quote>
     <label>AVANTURE DE L’AMOUR,<lb/>Décrite par le Secretaire du Zéphire.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Moy, Secretaire de Zéphire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je prens la plume, afin d’écrire</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce que chez Philis l’autre jour</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je vis arriver à l’Amour.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Jamais, &amp; c’est chose fort sûre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce Dieu n’eut si triste avanture.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce jour-là donc qu’il souffrit tant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je portois un Billet galant</hi></l>
      <l><hi rend="i">A la belle &amp; charmante Flore.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il estoit l’instant où l’Aurore</hi></l>
      <l><hi rend="i">Avec un visage vermeil</hi></l>
      <l><hi rend="i">Devance les pas du Soleil,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand je rencontray la Déesse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qui de mon Maître est la Maîtresse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce fut au Jardin de Philis.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dans le moment que je la vis,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je luy donnay le Billet tendre</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que j’estois chargé de luy rendre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Flore prend le Billet, le lit,</hi></l>
      <l><hi rend="i">En paroist touchée, &amp; me dit</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’à son tour elle veut écrire ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce qui fait que je me retire</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dans une Allée un peu plus loin,</hi></l>
      <l><hi rend="i">En attendant qu’on prist le soin</hi></l>
      <l><hi rend="i">De m’appeller, pour me remettre</hi></l>
      <l><hi rend="i">La Réponse faite à ma Lettre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’air estoit parfumé d’odeurs,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et pour ressusciter les Fleurs,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mon Maître le Zéphire à peine</hi></l>
      <l><hi rend="i">Venoit d’employer son haleine.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour passetemps je carressois,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’entretenois, &amp; j’embrassois</hi></l>
      <l><hi rend="i">Les plus belles d’entre les Roses</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qui ne faisoient que d’estre écloses.</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’estoit là mon amusement,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors que de son Apartement</hi></l>
      <l><hi rend="i">Philis sortit ; mais qu’inquiétes</hi></l>
      <l><hi rend="i">Furent mes aimables Fleuretes,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Craignant de servir de Bouquet,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Non sans raison, car en effet</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je puis bien dire cela d’elles,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que c’estoient les Fleurs les plus belles</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quoy qu’à nous tendissent ses pas,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Philis à nous ne songeoit pas.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je vis qu’elle estoit en colere</hi></l>
      <l><hi rend="i">Contre le Dieu qui seul suggere</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tous les sentimens amoureux ;</hi></l>
      <l>Ah que mon sort est malheureux !</l>
      <l><hi rend="i">S’écrioit-elle</hi> ; au moins qu’Acante</l>
      <l>Ait une flâme plus ardente,</l>
      <l>Luy qui me montre tant d’esprit ;</l>
      <l>Ou bien lors que Tyrcis me dit</l>
      <l>Que sa flâme n’est pas petite,</l>
      <l>Que n’a-t-il autant de mérite !</l>
      <l>Amour, ne range sous tes Loix</l>
      <l>Les cœurs qu’au moment que tu vois</l>
      <l>Dans l’Amant &amp; dans la Maîtresse</l>
      <l>Mesme esprit &amp; mesme tendresse.</l>
      <l>Pourquoy, fier Tyran de ces cœurs</l>
      <l>Les asservir à tes ardeurs,</l>
      <l>Quand elles font tout leur martyre</l>
      <l>Tu voulois m’obliger à dire</l>
      <l>Ce que tu m’as fait ressentir.</l>
      <l>J’eusse eu lieu de m’en repentir,</l>
      <l>Car Acante a l’humeur volage,</l>
      <l>Et Tyrcis n’a pas l’avantage</l>
      <l>De passer pour spirituel.</l>
      <l>Fais naître un raport mutuel,</l>
      <l>Ou sors de mon cœur tout-à-l’heure,</l>
      <l>Sors, &amp; n’en fais plus ta demeure.</l>
      <l>Fais pour ce cœur un digne choix,</l>
      <l>Ou ne le tiens plus sous tes Loix.</l>
      <l>Un Amant, pour en estre maître,</l>
      <l>N’a-t-il qu’à souhaiter de l’estre ?</l>
      <l>D’un tendre panchant prévenu,</l>
      <l>Doit-il estre au premier-venu ?</l>
      <l>Il faut connoistre la Personne</l>
      <l>A qui pour toûjours on se donne ;</l>
      <l>Autrement on fait des faux pas</l>
      <l>Qui causent de longs embarras,</l>
      <l>Et ce n’est point là ma pensée</l>
      <l>Que d’aller la teste baissée</l>
      <l>M’exposer à tous les hazards</l>
      <l>Que l’on court sous tes Etendarts.</l>
      <l> <hi rend="i">Ce discours finy, l’Amour pense</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’il feroit mal sa résidence</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dans un cœur où l’on le maudit ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il en sort, mais sortant, il dit ;</hi></l>
      <l>Adieu, Philis, le coup est rare,</l>
      <l>Que trop de raison nous sépare ;</l>
      <l>Pour rentrer chez vous, je ne veux</l>
      <l>Que vostre bouche, &amp; que vos yeux ;</l>
      <l>Vous avez un air admirable,</l>
      <l>re esprit n’a point de semblable,</l>
      <l>Et vous ne pouvez empescher</l>
      <l>Que l’on ne se laisse toucher</l>
      <l>Par l’aimable amas de vos charmes.</l>
      <l>Ce seront là toutes mes armes ;</l>
      <l>J’en suis content, vous choisirez</l>
      <l>Un Amant tel que vous voudrez,</l>
      <l>Mais tost ou tard chacun soûpire,</l>
      <l>Et se range sous mon empire.</l>
      <l><hi rend="i">Comme Amour parloit assez haut,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pan s’éveille alors en sursaut,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Plein encor du jus de la Treille</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dont il s’estoit remply la veille,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il ne faut point s’émerveiller</hi></l>
      <l><hi rend="i">S’il a peine à se réveiller</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le lendemain des Lupercales,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et s’il se permet des mots sales</hi></l>
      <l><hi rend="i">Contre le Dieu qui fait aimer.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Fâché de n’avoir pû charmer</hi></l>
      <l><hi rend="i">Syrinx, cette aimable Cruelle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il voit l’Amour, il le querelle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et vomit mille juremens,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais sans laisser le moindre temps</hi></l>
      <l><hi rend="i">A ce petit Dieu de répondre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour s’en vanger &amp; le confondre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il s’avise d’un pareil trait ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ainsi qu’on endort un Poulet,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mettant dans ses aîles sa teste,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme un Dieu plus fort Pan s’apreste</hi></l>
      <l><hi rend="i">De faire de mesme à l’Amour.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il le tourne donc plus d’un tour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et par là Morphée est le Maître</hi></l>
      <l><hi rend="i">De celuy qui sçeut toûjours l’estre</hi></l>
      <l><hi rend="i">Des Mortels &amp; de tous les Dieux.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le diray-je ? L’Audacieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Osant pousser plus loin sa rage,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sans perdre Amour de veuë, engage</hi></l>
      <l><hi rend="i">A soy jusqu’à la moindre Fleur</hi></l>
      <l><hi rend="i">De celles qui gardoient au cœur</hi></l>
      <l><hi rend="i">Contre Amour un peu de colere.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ainsi d’une course légere</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pres de ce Dieu chaque Fleur vient ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Autour de luy conseil se tient.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Là, leur infortune l’accuse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est son crime ; en vain il s’excuse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">S’estant réveillé par le bruit</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que l’aproche des Fleurs produit.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme un Criminel en justice,</hi></l>
      <l><hi rend="i">On ordonne de son suplice.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et qui commence d’opiner ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est Narcisse.</hi> Il faut le berner,</l>
      <l><hi rend="i">Dit-il</hi> ; prenons ces Toiles blanches</l>
      <l>Que l’on met sécher sur des branches</l>
      <l>Icy tout prés dans le Verger.</l>
      <l>Qu’il seroit doux de me vanger</l>
      <l>Du Dieu qui m’a fait infléxible</l>
      <l>Pour la Nymphe la plus sensible,</l>
      <l>Pour Echo, pour tous ses appas !</l>
      <l>Que de plaisir, si dans ces draps</l>
      <l>Tomboit le Dieu qui fait qu’on aime,</l>
      <l>Ainsi qu’amoureux de moy-mesme</l>
      <l>Je me précipitay dans l’eau !</l>
      <l>Vrayment, cela seroit fort beau,</l>
      <l><hi rend="i">Dit Crocus</hi> ; mais aussi je pense</l>
      <l>Que pour vanger l’indiférence</l>
      <l>De Smylax qui causa ma mort,</l>
      <l>On pourroit, lors que l’Amour dort,</l>
      <l>Mettre mon Saffran à l’usage</l>
      <l>D’un Camouflet sur son visage.</l>
      <l><hi rend="i">Hyacinthe osa demander</hi></l>
      <l><hi rend="i">Contre Amour, de le lapider.</hi></l>
      <l>Hé quoy, <hi rend="i">dit-il,</hi> je rendis l’ame,</l>
      <l>Sans avoir ressenty sa flâme,</l>
      <l>Ny goûté les moindres douceurs</l>
      <l>Qui sont faites pour tous les cœurs</l>
      <l>Qu’il a soûmis à sa puissance ;</l>
      <l>Cela mérite ma vangeance.</l>
      <l>Il est digne d’un tel destin,</l>
      <l>Qu’un coup de pierre fist sa fin.</l>
      <l>Si j’avois paru moins aimable,</l>
      <l>Helas ! seroit-il véritable,</l>
      <l>Quand je mourus joüant, dit-on,</l>
      <l>Au Palet avec Apollon,</l>
      <l>Que de pleurs la face baignée</l>
      <l>Il déplora ma destinée,</l>
      <l>Et que touché de mon malheur,</l>
      <l>Il travestit mon Corps en Fleur ?</l>
      <l><hi rend="i">Enfin, là chaque Fleur se pique</hi></l>
      <l><hi rend="i">D’inventer un dessein tragique</hi></l>
      <l><hi rend="i">Contre leur Ennemy commun ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais des avis il en est un</hi></l>
      <l><hi rend="i">Où l’on s’arreste, &amp; qu’on veut prendre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Adonis soûtient qu’il faut pendre</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Amour à quelque Arbre, à celuy</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que de tout temps on vouë à luy,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et c’est afin que davantage</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce Fils de Cyprine en enrage</hi></l>
      <l>D’où vient, <hi rend="i">poursuit-il</hi>, qu’il souffrit</l>
      <l>Qu’en chassant, la mort me surprit,</l>
      <l>Qu’avec une dent meurtriere</l>
      <l>Un Sanglier finit ma carriere,</l>
      <l>Et que Chasseur infortuné,</l>
      <l>Je vis mon triste sort borné</l>
      <l>Dans certain Bois, au pied d’un Arbre ?</l>
      <l>Si le corps aussi froid qu’un Marbre,</l>
      <l>Sous un Myrte pendoit l’Amour,</l>
      <l>Et là qu’il tournast plus d’un tour</l>
      <l>Au gré des souffles du Zéphire,</l>
      <l>N’aurions-nous pas sujet d’en rire ?</l>
      <l>Un pareil suplice seroit</l>
      <l>Le destin qu’il mériteroit.</l>
      <l>N’a-t-il pas deû voir que sa Mere</l>
      <l>Auroit une douleur amere,</l>
      <l>S’il laissoit périr les appas</l>
      <l>Dont alors je ne manquois pas ?</l>
      <l>Car à Vénus je fus aimable,</l>
      <l>Non, cela n’est point pardonnable ;</l>
      <l>Sus donc, qu’au Myrte il soit pendu.</l>
      <l><hi rend="i">Cet Arrest à peine est rendu,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que l’Arbre commence à paroître</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sensible à l’affront de son Maître.</hi></l>
      <l><hi rend="i">On voit son faiste verdoyant</hi></l>
      <l><hi rend="i">En marquer un courroux bruyant.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quoy qu’oppose Amour, Pan arrache</hi></l>
      <l><hi rend="i">La corde de son Arc, l’attache</hi></l>
      <l><hi rend="i">Luy-mesme à l’Arbre ; &amp; si la mort</hi></l>
      <l><hi rend="i">Des Deïtez estoit le sort,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Amour ne seroit plus en vie.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ensuite aux Fleurs il prend envie</hi></l>
      <l><hi rend="i">De lancer contre luy les traits</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dont il ne s’est servy jamais</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que pour mettre un cœur à la gesne,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et luy causer plus d’une peine.</hi></l>
      <l><hi rend="i">On tire donc hors du Carquois</hi></l>
      <l><hi rend="i">Les Fleches, &amp; l’on fait le choix ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">De celles qui sont émoussées,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ou qui semblent estre passées</hi></l>
      <l><hi rend="i">Plus d’une fois dans le Poison.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Les Fleches de cette façon</hi></l>
      <l><hi rend="i">Doivent servir contre luy-mesme,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et causer un tourment extréme,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Afin qu’aux yeux des Fleurs, l’Amour</hi></l>
      <l><hi rend="i">Soufrant le martyre à son tour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Leur oste tout lieu de le craindre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Cet Enfant se mit à se plaindre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sa plainte penétra les Cieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et sa Mere en émût les Dieux.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour servir l’Amour, &amp; mon Maître,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’estois seul, falloit-il paroître</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Ennemy de Pan &amp; des Fleurs ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Falloit-il blâmer leurs rigueurs ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Devois-je agir ? mon imprudence</hi></l>
      <l><hi rend="i">M’auroit cousté cher, que je pense.</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’estois dans un trouble pressant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand Vénus dans son Char descend,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et perce tout-à-coup la nuë.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’ame de Pan en est émeuë ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce Dieu blâmant ce qu’il a fait,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Alloit témoigner son regret,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si la Déesse de Cythere</hi></l>
      <l><hi rend="i">N’eust alors parlé la premiere.</hi></l>
      <l>Pan, je vois, <hi rend="i">dit-elle</hi>, à vos yeux,</l>
      <l>D’où vient l’état injurieux</l>
      <l>Du Dieu qui maîtrise le Monde.</l>
      <l>Au Ciel, sur la Terre, &amp; dans l’Onde.</l>
      <l>Tout se range sous son pouvoir.</l>
      <l>Vous l’insultez, cela fait voir</l>
      <l>Que vous vous sentez de la Feste ;</l>
      <l>Car vous vous mettriez en teste</l>
      <l>Que c’est là vouloir contre vous</l>
      <l>Armer les Dieux, &amp; leur couroux,</l>
      <l>Vous craindriez qu’un long suplice</l>
      <l>Ne punist en vous l’injustice.</l>
      <l>Quoy qu’il en soit, priez l’Amour</l>
      <l>De pardonner ce vilain tour,</l>
      <l>Ouvrez les yeux, soyez plus sage,</l>
      <l>Je suis sa Mere, &amp; je m’engage</l>
      <l>Que jamais il n’en sera rien,</l>
      <l>Si vous défaites le lien</l>
      <l>Qui ridiculement le lie</l>
      <l>A l’Arbre que l’on luy dédie.</l>
      <l><hi rend="i">A cet ordre Pan obeït,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tandis que d’ailleurs Vénus dit,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’Adonis qui luy fut aimable,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Seroit toutefois misérable,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si luy, comme les autres Fleurs,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pouvoient craindre quelques malheurs.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Enfin l’Amour sorty d’affaire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Remercie à loisir sa Mere,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Elle l’embrasse, &amp; dit,</hi> Mon Fils,</l>
      <l>Retournez au cœur de Philis,</l>
      <l>Et remontrez à cette Belle</l>
      <l>Qu’Acante doit estre pour elle,</l>
      <l>Qu’ayant l’esprit plein d’agrément</l>
      <l>Autant que l’ait aucun Amant,</l>
      <l>C’est presque une chose impossible</l>
      <l>Qu’il soit tout-à-fait insensible ;</l>
      <l>Eust-il mesme un cœur de Rocher,</l>
      <l>Elle peut toûjours le toucher ;</l>
      <l>Mais quand il se feroit un crime,</l>
      <l>D’aller au dela de l’estime,</l>
      <l>A Philis il est glorieux</l>
      <l>Qu’il rende hommage à ses beaux yeux ;</l>
      <l>C’est la grandeur de l’entreprise,</l>
      <l>Qui fait que le succés s’en prise.</l>
      <l>La perséverance peut tout ;</l>
      <l>Si d’Acante elle vient à bout,</l>
      <l>Tous deux passeront dans la joye</l>
      <l>Des jours filez d’or &amp; de soye,</l>
      <l>Jamais nulle division</l>
      <l>Ne troublera leur union.</l>
      <l>Une flâme est toûjours la mesme,</l>
      <l>Quand c’est par raison que l’on aime ;</l>
      <l>Le mérite sera l’aimant</l>
      <l>Qui les unira constamment,</l>
      <l>Et les tiendra toute leur vie</l>
      <l>Dans la plus douce sympathie.</l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Sur ce discours j’en dirois plus,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si durant le temps que Vénus</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne le finissoit pas encore,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je n’eusse eu de la part de Flore</hi></l>
      <l><hi rend="i">Réponse au Maître que je sers.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Aussitost je fendis les airs,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Afin d’accomplir mon message,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sans rien écouter davantage.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_194">
    <head>Reponse à Madame la Duchesse D*** Sur l’Origine &amp; les Armes de quelques Familles de
     France</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 194-196.</bibl>
    <p>Un Manuscrit de l’Abbaye de S. Victor de Paris fait foy, que le Soudan ou Roy de Damas, fut
     pris en guerre dans la Terre-Sainte l’an 1186. par Hugues III. du nom Duc de Bourgogne, qui le
     fit instruire dans la Foy Chrêtienne, &amp; luy donna son nom au Baptême, &amp; que ce Prince
     par un sentiment de devotion, &amp; de reconnoissance pour sa nouvelle Religion, quitta les
     trois Testes de Maures qu’il portoit pour Armes, &amp; prit la Croix. C’est de ce Hugues Roy de
     Damas, que sont venus les Comtes de Thianges du nom de Damas, qui portent <hi rend="i">d’or à
      la Croix ancrée de gueules.</hi></p>
    <p>Ce que vous m’avez mandé de la Famille des Comtes d’Urfé, est autorisé par un Titre de la
     mesme Bibliotheque, qui porte que ces Seigneurs ont esté appellez Altoffs, puis Welfes, Wlfs,
     &amp; puis Urfé. Ramierus dit qu’ils descendent de Guarin ou Varin Duc en Suaube, l’an 750. du
     temps de Pepin le Bref, &amp; qu’il fut Comte d’Altoff. On trouve vingt-quatre degrez de Mâles
     jusqu’à M<hi rend="sup">r</hi> d’Urfé, Frere de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Limoges
     d’aujourd’huy, &amp; l’Abbé qui est Prestre de l’Oratoire, &amp; Supérieur de la Maison de
     Nostre-Dames des Vertus. Cette Famille porte <hi rend="i">de vair au chef de gueules
     pur.</hi></p>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_219">
    <head>[Sentimens en Vers de M. du Rosier, sur toutes les Questions du dernier
     Extraordinaire]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 219-234.</bibl>
    <p><hi rend="i">M<hi rend="sup">r</hi> du Rosier a expliqué ce qu’il pense sur toutes les
      Questions du dernier Extraordinaire, par les Vers qui suivent. Il est le veritable Autheur de
      tous les Sentimens en Vers, qui ont paru sous des noms suposez dans les Extraordinaires
      précedens.</hi></p>
    <quote>
     <label>S’il est plus avantageux à une Femme, d’estre aimée dés la premiere fois qu’on la voit,
      ou de ne l’estre qu’apres qu’on a eu le temps d’examiner son mérite.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Comme il n’est point d’Amant fidelle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et qu’on traite d’abus une amour eternelle,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il est sans-doute avantageux</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Aux charmans attraits d’une Belle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’elle gagne d’abord &amp; nos cœurs &amp; nos vœux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et que chacun brûle pour elle,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dés qu’elle paroist à nos yeux.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Elle connoist par là le pouvoir de ses charmes.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il ne faut que la voir pour luy rendre les armes.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais ce n’est pas sans déplaisir</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’elle voit qu’un Amant qu’à l’amour elle invite,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Avant que de ceder, se donne le loisir</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De reconnoistre son mérite ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Car enfin son plus grand desir,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Est d’aller promptement au giste.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Si une Femme qui aime toûjours un Amant dont elle a esté trahie, doit écouter sa passion
      ou sa gloire, quand cet Amant tâche à obtenir le pardon de son infidelité.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Ouy, Philis, cet Amant ingrat</hi></l>
      <l><hi rend="i">Est indigne de vostre estime ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais vous l’aimez encor, il reconnoist son crime,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et pouvez-vous dans cet état</hi></l>
      <l><hi rend="i">Luy refuser enfin un pardon legitime ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">L’amour doit sur l’ambition</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Remporter toûjours la victoire.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De ce tendre retour ayez compassion,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ne craignez rien pour vosre gloire,</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Ecoutez vostre passion.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Comment l’ame, estant purement spirituelle, est touchée par la Musique qui est une chose
      sensible.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">L’Ame estant d’elle-mesme une source infinie</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De charmans &amp; divins accords,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je ne m’étonne point qu’estant unie au Corps,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Elle soit icy-bas sensible à l’harmonie :</hi></l>
      <l><hi rend="i">Car quand ce ne seroit que par raport aux sens,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quoy que toute spirituelle,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">La Musique par ses accens</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Peut aisément agir sur elle.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Homme est tout harmonie ainsi que l’Univers.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ses sens, ses facultez dans son Corps organique,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Comme autant d’Instrumens divers,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Se meslent à tous les Concerts,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que pour toucher nostre ame invente la Musique.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Si la Santé peut estre alterée par les Passions.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Il semble que nos passions</hi></l>
      <l><hi rend="i">Devroient peu sur nos Corps faire d’impressions,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ayant avec nous pris naissance,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Cependant chacun sçait quelle est leur violence.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">On les voit triompher de nostre liberté,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et souvent nous ravir la vie &amp; la santé,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Homme, source des maux, par luy-mesme s’y pousse.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce sont ses passions qui font tous ses malheurs ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">On le voit par l’amour, qui bien que la plus douce,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Luy cause tous les jours mille &amp; mille douleurs.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Des manieres des plus fameux Peintres.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Sans cesse la Nature &amp; s’applique &amp; s’exerce</hi></l>
      <l><hi rend="i">A donner aux Humains une forme diverse ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ces Portraits vivans de la Divinité,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ont, selon qu’il luy plaist, plus ou moins de beauté.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De mesme on voit en chaque Ouvrage</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Des Peintres de l’Antiquité,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quel estoit le talent qu’ils avoient en partage,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quel estoit leur génie &amp; leur habileté.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tous dans un si bel Art n’ont pas eu mesme usage ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Chacun diversement arrivoit à sa fin.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’un avoit l’Ordonnance, &amp; l’autre le Dessein.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’un d’un beau Coloris rehaussoit sa peinture.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Un autre plus exact imitoit la Nature.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’un à bien ressembler mettoit tout son esprit.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’un ne peignoit qu’en grand, &amp; l’autre qu’en petit.</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est ainsi qu’à l’envy se formant un modelle,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ils sont tous parvenus à l’immortalité.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais dans cette diversité,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">La gloire est deuë au grand Apelle.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour les traits délicats, pour la naïveté,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Aucun autre que luy plus haut ne peut atteindre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il peignoit le Soleil, la Foudre, les Eclairs,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tous les Feux qu’on voit dans les airs,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il peignoit ce qu’on ne peut peindre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais ce qui luy donnoit encor le premier rang,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Apelle osoit peindre Aléxandre,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Comme Le Brun ose entreprendre</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Le Portrait de</hi>
       <hi rend="sc">Loüis le Grand.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Sur la Magie Naturelle.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Tout ce que l’Homme ingénieux</hi></l>
      <l><hi rend="i">Fait paroistre de grand, est souvent peu de chose.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il suffit d’en cacher la cause,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour tromper aisément nos esprits &amp; nos yeux.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ces bizares effets que l’on ne peut comprendre,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ne doivent pas tant nous surprendre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et souvent c’est à tort qu’on les veut critiquer ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Car enfin la Magie, ou ce que l’on appelle</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Parmy les Curieux, Science naturelle,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">N’est, à proprement s’expliquer,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’une connoissance tres pure</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Des merveilles de la Nature,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Avec l’art de bien l’appliquer.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Sur ce qu’on a demandé des Madrigaux touchant la libéralité du Roy, qui a donné au
      Public les cent mille francs qu’il avoit gagnez à la Loterie.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Dignes Favoris d’Apollon,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Faut-il que Mercure vous prit</hi></l>
      <l><hi rend="i">De venir aujourd’huy dans le sacré Vallon,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour chanter de LOUIS la grande Loterie ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ce Prince en tout si merveilleux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Est grand encor parmy les Jeux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et l’on voit bien que la Fortune,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quoy que favorable à ses vœux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ne le rend pas toûjours heureux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand à tous ses Sujets elle n’est pas commune.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Description d’un Printemps.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Déja de mille Oyseaux on entend le ramage,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Déja de mille Fleurs on voit les Champs couverts,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Déja tous les Arbres sont vers,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et font un agreable ombrage.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’air est pur &amp; serain, une douce chaleur</hi></l>
      <l><hi rend="i">A nos Corps abatus redonne la vigueur,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et dans cette saison nouvelle</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tout rajeunit, tout renouvelle.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tout rit, tout plaist, tout charme, avecque les beaux jours,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ce n’est pas enfin sans sujet qu’on appelle</hi></l>
      <l><hi rend="i">Cet aimable Printemps la saison des amours,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Puis qu’en tous lieux on ne respire</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que les tendres soûpirs de l’amoureux Zéphire.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais pourquoy s’amuser à tracer un Tableau,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De ce que le Printemps étale de plus beau ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quittons desormais nos Murailles,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et courons voir Saint Clou, Versailles,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Saint Germain, &amp; Fontainebleau.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ma Muse, je l’avouë, est foible &amp; languissante,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour bien représenter la Nature naissante.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il faut estre sçavant, il faut estre amoureux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour décrire de Flore &amp; l’Empire &amp; les Jeux.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il faut aux graces du Parnasse</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Joindre le stile des Amans ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quelque effort qu’un Poëte fasse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il ne peut sans aimer dépeindre un beau Printemps.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Sur les Assemblées des Tuilleries.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mais sans aller plus loin, entrons aux Tuilleries,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Tout le monde y tourne ses pas ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Elles sont vertes &amp; fleuries,</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est là que le Printemps a de nouveaux appas ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais ils sont effacez par tous ceux qu’il convie</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De venir dans ce Lieu charmant</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Prendre le divertissement</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Le plus innocent de la vie.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que d’éclat, que de pompe on voit de toutes parts !</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que ce flus &amp; reflus de Galans &amp; de Belles</hi></l>
      <l><hi rend="i">Surpasse de bien loin toutes les Fleurs nouvelles,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et mérite mieux nos regards !</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que de brillant, que de jeunesse,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que de beauté, que d’agrément,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que de vertu, que de sagesse,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Se trouve icy confusément,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et que ces belles Assemblées</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Parent encore ces Allées</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par leur superbe ajustement !</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Par tout, l’or &amp; les pierreries</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Brillent d’un merveilleux éclat,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et rehaussent des Broderies</hi></l>
      <l> <hi rend="i">L’ouvrage fin &amp; délicat ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais de cent modes diférentes,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Aussi nouvelles que galantes,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">On admire l’invention ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et comme en ce Lieu l’on se pique</hi></l>
      <l> <hi rend="i">D’estre galant &amp; magnifique,</hi></l>
      <l><hi rend="i">On y fait bien l’honneur de nostre Nation.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Devise d’un galant Homme, &amp; si l’on peut dire avec raison, qu’il doit rarement estre
      complaisant.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">En vain mon esprit subtilise,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et raffine sur ce sujet.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un galant Homme est un Objet</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’on peint mal dans une Devise ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais puis qu’il faut enfin en faire le Portrait,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Voicy, si je l’ay bien comprise,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’idée au naturel d’un Homme si parfait ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Un Quadran au Soleil, avec ces mots pour ame,</hi></l>
      <l>Toûjours officieux, sans erreur &amp; sans blâme.</l>
      <l> <hi rend="i">Et pour finir la Question,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Comme un galant Homme pour plaire</hi></l>
      <l><hi rend="i">Doit estre complaisant en toute occasion,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Malgré tout le Party contraire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le mot de</hi> rarement <hi rend="i">me choque en ce discours,</hi></l>
      <l>Souvent <hi rend="i">est mieux, &amp; mesme on peut dire</hi> toûjours.</l>
     </lg>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_234">
    <head>De l’Origine et de l’Usage des Masques [, par M. Rault de Roüen]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 234-264.</bibl>
    <quote>
     <label>DE L’ORIGINE ET DE L’USAGE DES MASQUES.</label>
     <p>Il est presque impossible de bien traiter de l’origine des Masques, &amp; de leur usage,
      qu’on ne parle en mesme temps de l’origine des Bacchanales, &amp; de celle de la Tragédie
      &amp; de la Comédie, parce que toutes ces choses ont un enchaînement entr’elles, ou plûtost
      une dépendance les unes des autres ; mais pour suivre l’ordre des temps que tout a commence,
      &amp; des Nations qui en ont pris l’usage, il est à propos d’expliquer d’abord ce que c’estoit
      que les Bacchanales.</p>
     <p>Si-tost que Bacchus, qui depuis fut appellé le Dieu Liber, eut subjugué les Indes &amp;
      l’Egypte, ayant, comme dit Lucien, pour Chefs de son Armée, Pan &amp; Silene, &amp; que par
      ses conquestes il en eut réduit les Nations à son obeïssance, il résolut d’en mener le
      Triomphe dans son Char attelé de Tigres &amp; de Leopards, accompagné des mesmes Pan &amp;
      Silene, &amp; suivy des Faunes, des Satyres, des Egipans &amp; des Nymphes. C’est à dire à
      proprement parler, que quand Bacchus, que depuis l’on a tenu pour une Divinité, eut appris aux
      Indiens, &amp; aux Egyptiens, l’art de cultiver les Vignes, &amp; de faire les Vandanges, l’on
      institua à l’honneur de ce Dieu, des Festes celébres dans toutes les Régions par où il avoit
      passé, lesquelles furent appellées Bacchanales, &amp; qui depuis furent apportées des Indes
      &amp; de l’Egypte dans la Grece, &amp; de la Grece dans la Toscane, &amp; en suite à Rome.</p>
     <p>Apollodore au Livre 3. Orphée en un Hymne qu’il fait à la loüange de Bacchus, &amp; Hésiode
      en sa Theogonie, aussibien que l’Histoire Génealogique des Dieux, parlent amplement de la
      naissance, &amp; de tous les progrés de Bacchus. Eurypide en sa Tragédie des Bacchantes fait
      mention de cette Divinité, comme Pausanias en ses Attiques, qui dit quels estoient les
      Satyres, les Faunes, les Silvains, Silene, &amp; les autres Divinitez champestres, qui
      d’ordinaire accompagnoient le Dieu Bacchus.</p>
     <p>Or comme les Bacchanales, qui estoient une espece de Sacrifice, se celebroient avec beaucoup
      de solemnité, &amp; avec un grand concours de Peuple, tantost dans les Bois consacrez aux
      Dieux, &amp; tantost dans les Carfours des Villages, les Villes n’estant pas encor en nombre,
      l’on avoit coûtume d’immoler à Bacchus un Bouc, soit que cet Animal apportast du dommage aux
      Vignes, ou que ce fust la récompense de ceux qui composoient les Vers qui se recitoient en
      l’honneur de ce Dieu, ou plûtost qu’on leur donnast une Peau du mesme Bouc remplie de Vin, car
      les Peaux de cette espece d’Animaux estoient les vaisseaux à Vin de ces temps-là. C’est de là,
      selon le sentiment de divers Autheurs, que les Bacchanales &amp; la Tragédie n’avoient qu’un
      mesme principe, ou qu’elles dépendoient l’une de l’autre, le mot de Tragédie, comme tiennent
      quelques-uns, venant de celuy qui en Grec signifie <hi rend="i">Bouc</hi>, ou de celuy qui en
      la mesme Langue, comme d’autres pensent, signifie <hi rend="i">Lie</hi>, parce qu’avant
      l’usage des Masques, les Boufons qui joüoient leurs Personnages avoient coûtume de se froter
      le visage de Lie d’Huile, pour n’estre pas facilement reconnus. C’est la pensée de Donatus,
      &amp; ce que dit Horace en son Art Poëtique, parlant de l’origine de la Tragédie.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Carmine qui Tragico vilem certabat ob hircum.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Et à l’égard du déguisement du visage, il parle aussi de cette Lie d’huile en ces
      termes.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l>———<hi rend="i">Peruncti fœcibus ora.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Puis que l’on remarque que les Bacchanales &amp; la Tragédie sortoient d’une mesme source,
      qui estoient les Sacrifices que l’on faisoit à Bacchus, il est à propos de s’arrester sur les
      particularitez de la derniere, quoy que le mesme Donatus donne le mesme principe à la Comédie
      qu’à la Tragédie, du temps des Indiens &amp; des Egyptiens.</p>
     <p>Apres qu’un certain Mélampus Fils d’Amytheon &amp; de Dorype, eut apporté le premier les
      Bacchanales de l’Egypte dans la Grece, les Athéniens les reçeurent les premiers, &amp; l’on
      tient que Livius Andronicus fut le premier qui inventa la Tragédie Grecque. Suidas dit que ce
      fut Epigene de Sicyonie, &amp; qu’apres luy Thespis de la Ville d’Icare, fit paroistre aux
      yeux des Athéniens le Triomphe de Bacchus. C’est ce que confirme Horace par ces paroles.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Ignotum Tragicæ genus invenisse camœnæ</hi></l>
       <l><hi rend="i">Dicitur, &amp; plaustris vexisse Poëmata Thespis,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Quæ canerent, agerentque.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>La Tragédie reçeut en suite beaucoup plus d’éclat par Sophocle, &amp; par Eurypide ; &amp;
      apres eux Accius, &amp; Pacuvius, &amp; d’autres celébres Autheurs, l’embellirent. D’abord les
      Actions tristes &amp; funestes convinrent à la Tragédie ; mais on ne fut pas longtemps sans y
      mesler les Héros, les Roys, &amp; les plus grands Personnages. Thersippus dit que l’on
      observoit une certaine Dance dans la Tragédie, qu’on appelloit <hi rend="i">Emmelie</hi>. Elle
      estoit grave &amp; sérieuse, &amp; il ajoûte qu’elle y avoit esté introduite par Bathyllus
      d’Aléxandrie, Juvenal parle aussi de ce Boufon,</p>
     <quote>
      <lg>
       <l>———<hi rend="i">Multùm saltante Bathyllo.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Mais ce fut apres que la Tragédie fut devenuë fixe &amp; arrestée sur le Theatre.</p>
     <p>Il faut remarquer que comme ces Jeux estoient publics, &amp; se celebroient d’un lieu en un
      autre lieu, pour faciliter la veuë des Spectacles au grand nombre des Assistans qui s’y
      rendoient, les Acteurs de la Tragédie, &amp; de la Comédie, trouverent à propos de se servir
      de Chariots roulans, pour les représenter d’un Village en l’autre. Horace attribuë l’invention
      de ces Chars à Thespis dont il vient d’estre parlé.</p>
     <p>Varron est d’opinion qu’avant que les Athéniens se fussent assemblez pour former une Ville,
      la Jeunesse Grecque avoit coûtume d’aller autour des Bourgs, des Villages, &amp; des Carfours,
      chanter avec solemnité des Vers boufons &amp; gaillards à l’honneur de Bacchus, &amp; que de
      là la Comédie auroit pris son nom &amp; son origine, la faisant dériver du mot Grec qui
      signifie <hi rend="i">Bourg</hi>, ou <hi rend="i">Village</hi>, &amp; de celuy de <hi rend="i"
       >Chant</hi>. D’autres veulent qu’elle tire sa dénomination d’un autre mot qui signifie en la
      mesme Langue, <hi rend="i">agir avec lasciveté, &amp; faire le Boufon</hi> ; &amp; que pour
      cela l’on proposoit des Prix, &amp; des récompenses à ceux qui y réüssiroient le mieux. C’est
      ce que Virgile dépeint admirablement au 2. Livre de ses Georgiques, quand il parle des
      plaisirs que les Athéniens se donnoient dans les Bacchanales, &amp; autres Jeux publics qui se
      celébroient à la Campagne.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Præmiáque, ingentes pagos &amp; compita circùm</hi></l>
       <l><hi rend="i">Theseidæ posuere, atque inter pocula læti</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mollibus in pratis unctos saliere per utres.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Ce mesme Autheur introduit chez les Toscans, &amp; chez les Romains, de pareils Jeux &amp;
      Spéctacles publics avant que Rome eust esté bastie, &amp; ajoûte qu’ils avoient coûtume de se
      faire des Masques d’écorce d’Arbres, &amp; que sous ces faux visages, ils récitoient leurs
      Vers boufons à haute voix à l’honneur du Dieu Bacchus.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Nec-non Ausonij, Trojâ gens Missa, coloni</hi></l>
       <l><hi rend="i">Versibus incomptis ludum, risúque soluto,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Oráque corticibus sumunt horrenda cavatis,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et te, Bacche, vocant per carmina læta, &amp;c.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Virgile donc aussibien que Servius, fait icy connoistre que la Comédie que les Grecs
      représentoient, &amp; apres eux les Toscans &amp; les Romains, n’a pris son origine que des
      Festes de Bacchus, en l’honneur duquel se faisoit l’immolation du Bouc.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l>———<hi rend="i">Baccho caper omnibus aris Cæditur.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Voyons quelles parties on a coûtume d’attribuer à la Comédie, &amp; quels en ont esté les
      Autheurs.</p>
     <p>Suidas divise la Comédie en trois âges ; l’une qu’il appelle ancienne, dans les temps que
      chez les Athéniens l’Empire estoit encor au pouvoir du Peuple. Alors les Autheurs des Drames
      ou Pieces Comiques, avoient la liberté de mesler dans leurs railleries, &amp; dans leurs
      brocards, des pointes d’esprit, &amp; des Vers piquans, pour exciter leurs Auditeurs à la
      risée, &amp; le Peuple prenoit beaucoup de plaisir à entendre les Déclamations qui se
      faisoient contre les mœurs corrompuës des Citoyens, &amp; contre les iniquitez des Juges,
      &amp; l’avarice des Magistrats. C’est aussi ce que remarque Horace dans ses Satyres.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l>———<hi rend="i">Seu fur, seu mœchus foret, aut alioquin</hi></l>
       <l><hi rend="i">Famosus, multa cum libertate notabant.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Cette licence fut &amp; devint si grande, qu’il n’y avoit point d’ordres, d’âges, de sexes,
      ny de conditions qui n’y fussent exposez ; &amp; l’on trouvoit que c’estoit alors un moyen
      pour corriger les vices, &amp; pour rendre les Personnes plus affectionnées à s’acquérir une
      bonne réputation, &amp; à suivre un meilleur genre de vie. Ces invectives se faisoient souvent
      par tout le Corps des Acteurs, &amp; c’est ce qui est remarqué par Aristophane. Quelquefois
      toute la Piece ne consistoit qu’en cela. Il n’y eut plus ensuite que les Chœurs qui eurent
      cette liberté. Les Autheurs qui furent celébres en cette ancienne Comédie, furent Cratinus,
      Cupolis, Aristophane, Phrynichus, &amp; plusieurs autres.</p>
     <p>Si-tost que le pouvoir du Peuple eut passé aux Grands, &amp; aux Magistrats, cette licence
      fut moderée. On retrancha les Chœurs de la Comédie, &amp; par là il s’en fit une nouvelle. En
      celle-là Philippides, Straton, Anaxilides, Ambraciota, Epicrates, &amp; plusieurs autres,
      acquirent beaucoup de réputation. La derniere fut en suite séparée en cinq Actes, &amp; Suidas
      raporte que Susarion de la Ville de Mégare, a esté le premier Comique de ces temps-la, &amp;
      qu’il a donné le nom à la Comédie. Epicharmus de Syracuse l’a suivy de prés, &amp; selon
      Aristote, Phormus avec luy inventa la Comédie réformée.</p>
     <p>Suidas, &amp; apres luy Scaliger, rapportent qu’Aristophane se peignit le premier le visage
      de Vermillon ou de Céruse pour se déguiser, parce qu’il n’osoit paroistre devant Cleon à
      visage découvert à cause de sa puissance de Tribun du Peuple, aucun des autres Boufons n’osant
      représenter ce Personnage. Ainsi cet Aristophane par sa hardiesse fut cause que les principaux
      craignant qu’on ne les reprist, changerent de mœurs.</p>
     <p>Il s’observoit dans ces anciennes Comédies une Dance lascive &amp; boufonne, que l’on
      appelloit <hi rend="i">Cordace</hi>, &amp; que l’on tient avoir esté inventée &amp; établie
      par Bacchus mesme, apres la Victoire qu’il remporta dans les Indes. Les sujets de la Comédie
      de ces temps-là, estoient le plus souvent les amours, ou les ravissemens des Vierges, &amp; la
      fin en estoit toûjours heureuse.</p>
     <p>A l’égard des Personnages qui paroissoient dans les Bacchanales chez les Grecs, &amp; que la
      Tragédie &amp; la Comédie ont imité, l’on voit, selon que rapporte Suidas, que les uns estant
      grotesquement déguisez, y faisoient les Satyres ou les Faunes, quelques-uns Pan ou Silene,
      &amp; d’autres les Nymphes champestres, &amp; que pour mieux contrefaire les Personnages
      qu’ils y vouloient introduire, ils s’y présentoient la teste environnée de Lierre, ou de
      Lambruches, ou de Pampre avec des Raisins pendans, &amp; que d’autres avoient le Thyrse à la
      main avec des ceintures ou peaux de Bouc, récitans à haute voix leurs Vers qui sentoient les
      airs Bacchiques.</p>
     <p>Apres l’usage des Chariots, celuy des Theatres fut introduit chez les mesmes Grecs. Les
      Toscans &amp; les Romains les imiterent, parce que le Peuple qui venoit en foule aux Jeux
      publics, par l’élevation du Theatre, avoit la veuë plus libre pour les Spéctacles, &amp; pour
      voir les Actions Tragiques &amp; Comiques. Cassiodore en une Epigramme qu’il a tirée des
      Grecs, dit que les Athéniens furent les premiers qui dresserent des Théatres, quoy que, selon
      Eusebe, l’on en donne la premiere invention à Bacchus sous le nom de Denys. Servius confirme
      encor cette opinion, que les Théatres ont esté dressez à l’honneur du Dieu Liber, lors qu’il
      parle des Jeux publics ou de Theatre, que les Anciens avoient coûtume de celebrer tous les
      ans. Plutarque en la Vie de Thesée, raporte pareillement qu’en la Ville d’Athenes il y avoit
      des Theatres publics, de mesme qu’il y en avoit prés d’Aléxandrie dans l’Isle Antirrhodos,
      comme dit Strabon ; mais ces premiers Theatres n’estoient dressez que pour un temps. Ce sont
      les Romains qui dans leur luxe en ont dressé de perpétuels, &amp; de si somptueux, qu’ils ont
      égalé les plus superbes Edifices ; &amp; c’est ce qui a attiré l’admiration des Peuples qui
      venoient en cette Capitale de tout le Monde.</p>
     <p>Il est encor à remarquer que les premieres Scenes ne se faisoient chez les Grecs qu’avec des
      Festons de Lierre, des Branches de Vigne, ou d’autres Rameaux, ce qui sentoit encor les
      Bacchanales, &amp; qu’elles avoient esté introduites non pas pour des Décorations, mais pour
      servir d’ombrage. Elles servirent ensuite pour diversifier les Entrées des Acteurs, comme dit
      Suidas. L’on donne l’ornement nouveau de la Scene à Phormus, car il changea les Festons en des
      Peaux rouges, &amp; se vestit le premier de Robe longue. Ce fut Phrynichus qui introduisit
      chez les Athéniens, le premier Personnage de Femme sur le Théatre.</p>
     <p>Les Scenes &amp; les Décorations ayant esté imitées par les Toscans &amp; par les Romains,
      cela donna lieu aux Jeux qu’ils appelloient de Scene ou de Theatre, à la distinction des
      autres. Tite-Live dit que ces premiers Jeux furent représentez environ l’an 380. apres la
      fondation de Rome, sous le Consulat de Sulpitius &amp; de Licinius Stolon ; car auparavant
      l’on faisoit venir de la Toscane, les Boufons qui ne faisoient que des gesticulations, &amp;
      des postures grotesques, en sautant &amp; dançant au son des Flustes, &amp; récitans quelques
      Vers boufons à la mode du Païs, car ceux que l’on appelle Histrions ou Boufons, tirent leur
      nom du mot Toscan.</p>
     <p>Lucien faisant une distinction entre les Acteurs de la Tragédie &amp; ceux de la Comédie,
      introduit dans le Dialogue intitulé les <hi rend="i">Exercices</hi>, Anacharsis &amp; Solon,
      qui disent leur pensée sur les uns &amp; sur les autres. <hi rend="i">Nous permettons</hi>,
      dit Solon, <hi rend="i">aux Comiques de reprendre librement dans leurs brocards, &amp; dans
       leurs railleries, les mauvais Citoyens, autant de fois qu’ils apprendront qu’ils commetent
       des actions indignes de la République ; c’est là le vray moyen de les faire devenir
       meilleurs</hi>. A quoy Anacharsis répond. <hi rend="i">Je connois les Tragiques &amp; les
       Comiques, &amp; je sçay les distinguer. Ceux-cy sont montez sur de hautes Chaussures.</hi>
      (Il entend parler des Tragiques qui portent le <hi rend="i">Gothurne</hi> ou <hi rend="i"
       >Brodequin</hi>) <hi rend="i">Ils sont bigarez par leurs vestemens à bandes d’Ecarlate
       enrichie d’or. Ils portent des Masques à la verité ridicules, &amp; dont la bouche est fort
       ouverte pour déclamer plus facilement, &amp; à haute voix ; &amp; en les voyant, je
       m’imaginois que Rome celébroit encor les anciennes Bacchanales ; mais quant aux Comiques, ils
       avoient des Escarpins plus bas</hi>, (c’est du Soc qu’il veut parler) <hi rend="i">leurs
       vestemens sentoient les Boufons, &amp; leurs Masques estoient beaucoup plus ridicules, &amp;
       donnoient à rire à tous les Auditeurs ou Spectateurs.</hi></p>
     <p>Nous voila venus à l’origine &amp; à l’usage des <hi rend="i">Masques</hi>, qui font la
      dernier partie de ce Discours, &amp; que j’avois destinée pour la premiere ; mais comme les
      Bacchanales en ont esté le principe, il a fallu suivre cet ordre.</p>
     <p>La Lie d’Huile, comme nous avons dit, fut donc la premiere invention qui servit à déguiser
      le visage, &amp; Thespis s’en servit le premier. Aristophane, au raport de Suidas, se peignit
      le visage de Vermillon ou de Ceruse ; mais comme ce déguisement ne sembla pas suffisant, les
      feüilles de l’Herbe nommé <hi rend="i">Bardane</hi> ou <hi rend="i">Personata</hi>, d’où le
      mot de <hi rend="i">Personnage</hi> ou <hi rend="i">Masque</hi> est dérivé, fut mis en suite
      en usage pour les Acteurs tant de la Tragédie, que de la Comédie, dans leurs déguisemens.
      Virgile, comme il a esté déja dit, donne aux premiers Toscans &amp; Romains l’usage des
      écorces d’Arbres pour se faire des Masques. Quoy que Suidas donne l’invention des Masques à
      Cherillus d’Athenes, &amp; qu’il dise qu’il ait commencé le premier la Scene chez les Grecs,
      Horace en son Art Poëtique ne laisse pas d’assurer que les Masques furent introduits sur le
      Theatre, avec la diversité des habillemens, par Eschylus.</p>
     <quote>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Post hunc personæ, pallæque repertor honestæ</hi></l>
       <l><hi rend="i">Æschylus.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
     <p>Apres tous ces usages nouveaux, l’on se servit de Toille ou de Peaux de Bouc pour en faire
      la composition ; à quoy succeda la Carte jettée au moule.</p>
     <p>Voila le sentiment de Servius en son Commentaire sur Virgile, en parlant des Masques, &amp;
      il le dit en ces termes. <hi rend="i">Il estoit necessaire, à raison des Sacrifices que l’on
       offroit à Bacchus, qu’il se fist quelques actions boufonnes &amp; grotesques, par lesquelles
       le Peuple en cette coûtume solemnelle pust estre excité à la risée, &amp; que ceux qui
       faisoient ces actions, pour la honte qu’ils en pouvoient recevoir, trouvassent un moyen de se
       déguiser le visage</hi>, ce qui ne se pouvoit faire que par les choses qui viennent d’estre
      dites, ou par les Masques.</p>
     <p>Mais comme cette coûtume de porter le Masque dans la plûpart des Jeux publics, n’a pû
      tomber, elle a esté retenuë non seulement par les Balladins &amp; par les Boufons de Theatre,
      mais mesme elle a encor regné dans la suite des temps, &amp; regne jusques à présent en
      diverses Parties de l’Europe, tant en Italie, en France, qu’en Allemagne, &amp; elle ne se
      peut perdre en certaines Villes, qui suivent encore ce reste du dernier Paganisme, qui aidoit
      à celébrer les anciennes Bacchanales avec des Chars de Triomphe, &amp; des Troupes de
      Personnes diversement déguisées sous le Masque ; &amp; mesme l’on distribuë encor des Pasquins
      qui imitent en quelque façon les Vers des anciens Boufons de Theatre, pour pincer ou mordre
      ceux dans les actions desquels on trouvoit quelque chose à redire, soit qu’ils eussent passé
      pour Dupes, ou qu’ils se fussent laissez lourdement surprendre ; ou pour reprendre les vices
      ou les mœurs corrompuës du Siecle ; ce qui n’a pû estre encor déraciné ou retranché par la
      Police des Magistrats, ny par les Loix mesmes. Les Balets &amp; les Dances souffrent les
      Personnes déguisées &amp; sous le Masque ; mais ces déguisemens n’ont rien de profane ny
      d’injurieux. Cela ne se fait que pour des plaisirs innocens &amp; honnestes, &amp; les plus
      belles Cours de l’Europe y trouvent leurs divertissemens.</p>
     <p>Mais ne pourra-t-on pas dire qu’une partie des Fables a donné lieu aux Poëtes de nous
      représenter par leurs fictions l’origine &amp; l’usage des Masques ? Car que voudroit dire
      Persée avec sa Teste de Méduse, dont la figure estoit si diforme, &amp; le regard si affreux,
      qu’il pouvoit changer les Hommes en pierre ? Que pourroit signifier la Teste des Gorgones,
      &amp; celle des Cyclopes, qui n’avoient qu’un œil ? celle des Cercopes si contrefaites, ou une
      infinité d’autres changemens de postures ou de visages, à qui l’on donne le nom de
      Métamorphoses, si ce n’estoit autant de Masques de figures diférentes, dont on a crû que les
      Anciens se sont servis dans leurs déguisemens ? Sur cela il faut voir Macrobe en ses
      Saturnales.</p>
     <p>Toutefois comme la politesse du beau Sexe de la Nation Françoise, luy fait chercher les
      moyens de se conserver le teint frais &amp; délicat, ou contre les injures de l’air, ou contre
      les rigueurs du temps ou de la saison, il ne faut pas improuver l’usage des Masques qu’il a
      pris depuis plus d’un Siecle. La figure, la couleur, &amp; la matiere, qui n’ont rien de
      choquant, ne passent pas pour un déguisement. Aussi n’ay-je pas dessein d’y rien contredire,
      les Loix n’ayant jamais étendu leur autorité pour en interdire l’usage.</p>
     <p>Je finis donc, en donnant non seulement l’origine &amp; l’usage des Masques, mais aussi
      celle des Bacchanales, de la Tragédie, &amp; de la Comédie ; à quoy j’ajoute, apres l’usage
      des Chariots, l’origine des Theatres &amp; de la Scene, parce que le tout n’a qu’un mesme
      principe &amp; une liaison, qui attache une chose à l’autre.</p>
     <p><hi rend="sc">Rault</hi>, <hi rend="i">de Roüen.</hi></p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_264">
    <head>[Divers Madrigaux sur les deux Enigmes du mois d’Avril, dont les mots estoient la
     Brandebourg &amp; les Rouës]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 264-288.</bibl>
    <p><hi rend="i">Voicy divers Madrigaux qui m’ont esté envoyez sur les deux Enigmes du Mois
      d’Avril, dont les Mots estoient</hi> une Brandebourg, <hi rend="i">&amp;</hi> les Rouës.</p>
    <quote>
     <label>I.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Tout se va pervertir dans le Siecle où nous sommes.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Le Manteau qui servoit aux Hommes</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Estant en son nom masculin,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quoy qu’on se fâche, ou qu’on s’irrite,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Se trouve maintenant d’usage feminin,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ou pour le moins Hermaphrodite ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et malgré le Qu’en dira-t-on,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">L’on verra la Jupe &amp; la Cotte,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dans peu de temps changer de nom,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme on fait par ces Vers</hi> Brandebourg <hi rend="i">en Capotte.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De Maisonpleins</hi>, Capitaine à Châlons en Champagne.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>II.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure assurément est Maistre en tout Mestier,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Nous en avons des témoignages ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il sçait faire une Cloche, il sçait faire un Soulier,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et cent autres petits Ouvrages.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je ne sçay pourtant pas s’il est bon Maréchal,</hi></l>
      <l><hi rend="i">S’il sçait bien mettre en œuvre &amp; le Fer &amp; l’Archal,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et s’il sçait bien aussi faire Ciseaux &amp; Houë,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et d’autres Instrumens divers ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais du moins il sçait l’art de bien faire</hi> des Rouës,</l>
      <l> <hi rend="i">Comme il le montre dans ses Vers.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De Lepine de Ploermel.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>III.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Soit dans la Ville ou le Fauxbourg,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De l’Hyver on incague &amp; le froid &amp; les bouës,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quand on est mis en</hi> Brandebourg</l>
      <l> <hi rend="i">Dans un Carosse à quatre</hi> Rouës.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">La Blondine Guerin.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>IV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Dites-nous par quelle raison,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Agreable &amp; Galant Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dans cette agreable Saison,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Avez-vous endossé si pesante Vesture.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Est-ce donc pour un Dieu de Cour</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un Equipage bien commode,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De porter en dépit du chaud &amp; de la mode,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">La Casaque de</hi> Brandebourg ?</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Langlois,</hi> Prestre de S. Lo de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>V.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure lassé de voler</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A tire-d’aîles par le monde,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dit que quoy que Momus en gronde,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Desormais en Carosse il fait dessein d’aller.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">En vain d’un air railleur enflant ses maigres jouës,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce Dieu boufon se rit du Messager volant ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Bientost sur son Carosse il verra le Galant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Car déja par avance il s’est fourny de</hi> Rouës.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>VI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">J’ay peine à suporter le grand froid, je l’avouë,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si d’une</hi> Brandebourg <hi rend="i">je ne couvre mon dos ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ce m’est un suplice, à l’égal de</hi> la Rouë,</l>
      <l> <hi rend="i">D’expliquer en deux mots</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tes Enigmes, Mercure, où ton esprit se jouë.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le Marquis Inconnu.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>VII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure sage &amp; prudent,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Crains pluvieux accident.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme il court de Ville en Ville,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Jusqu’aux Climats les plus froids,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il sçait bien, le fin Matois,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que</hi> Brandebourg <hi rend="i">est utile.</hi></l>
     </lg>
     <p>Mad. <hi rend="sc">Tonton</hi>, du Quartier de S. Germain Lauxerrois.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>VIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Vos quatre Sœurs soûtiennent des Carosses,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et se font fort souvent traîner sur le chemin</hi></l>
      <l><hi rend="i">Par de nobles Coursiers, &amp; souvent par des Rosses,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De Versailles à Saint Germain.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">La Marquise de Meutrezy.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>IX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Le Printemps brille en vain dans ce riant Fauxbourg,</hi></l>
      <l><hi rend="i">En vain le doux Zéphir avec Flore s’y jouë,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">La Fiévre m’y tient sur</hi> la Rouë,</l>
      <l><hi rend="i">Ou plié dans</hi> ma Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p>Le Malade du Fauxbourg S. Germain.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>X.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">D’où vient que le Galant Mercure</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Change d’habit &amp; de figure ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand en France il vient voir Province, Ville, ou Bourg,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quoy qu’en tous ses desseins ce Dieu toûjours rafine,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il ne peut déguiser sa mine</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Sous sa Chappe</hi> de Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Rault</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Que le Mercure agit en tout temps galamment !</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Obliger est son élément,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il n’est aucun qui ne l’avouë.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quelqu’un veut-il avoir un Carosse &amp; du Train,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’il n’attende pas à demain,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce Dieu dés-aujourd’huy luy va fournir</hi> de Rouë.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Vos Enigmes, Galant Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Sont toutes deux faites à l’avanture.</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’Autheur de la premiere a-t-il de la raison ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’a-t-on besoin dans la belle Saison</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De</hi> Brandebourg, <hi rend="i">ou de Casaque ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’autre est cruel, pardon, si je l’attaque</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Avec un terme si choquant.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ne diroit-on pas qu’il se jouë,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quand on le voit dans un mesme moment</hi></l>
      <l><hi rend="i">Faire naître &amp; mourir l’Enigme sur</hi> la Rouë.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">L’Abbé de Boulançois.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure est appellé Galant avec raison,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il se plaist à suivre la mode.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je trouve cependant que dans cette saison</hi></l>
      <l> La Brandebourg <hi rend="i">est incommode.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De la Chausse</hi> le jeune, d’Abbeville.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XIV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Le Messager des Dieux a fort bonne raison</hi></l>
      <l><hi rend="i">De vouloir se mettre à son aise.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il est doux en toute Saison</hi></l>
      <l><hi rend="i">De se faire porter en Chaise.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Philis sensible à mon amour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Laisse enflâmer son cœur, je n’y vois plus de glace ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Aux beaux jours du Printemps l’Hyver cede la place,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure, il ne faut plus porter de</hi> Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Daubaine.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure, quoy que Messager,</hi></l>
      <l><hi rend="i">S’il faut l’en croire dans Moliere,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dans son chemin jamais n’eut pour se soulager,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Chaise roulante, ny Litiere.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour porter ses Paquets, il n’eut mesme, dit-on,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Jamais aucun secours d’une méchante Rosse.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si le Destin veut donc qu’il soit toûjours Piéton,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dequoy luy serviront</hi> les Rouës <hi rend="i">de Carosse ?</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De Bergonzy</hi>, de Grenoble.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XVII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">re premiere Enigme, agreable Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">N’est pas de saison dans ce jour.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il faut attendre la froidure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour parler d’une</hi> Brandebourg.</l>
      <l><hi rend="i">Mais la seconde est toûjours à la mode ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Car est-il rien de plus commode,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pendant l’Hyver, pendant l’Eté,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’un bon Carosse à quatre</hi> Rouës,</l>
      <l><hi rend="i">Qui met les Gens en seûreté</hi></l>
      <l><hi rend="i">Contre la Poussiere &amp; les Bouës ?</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Grammont</hi>, de Richelieu.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XVIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">N’Appréhendez plus la froidure,</hi></l>
      <l><hi rend="i">On a quitté</hi> la Brandebourg ;</l>
      <l><hi rend="i">Philis, venez voir la verdure</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qui paroist icy tout autour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Elle vous donnera, j’en jure,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et du plaisir, &amp; de l’amour.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Allard.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XIX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Depuis que j’ay connu l’Ingrate que j’adore,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’ay perdu le repos &amp; la nuit &amp; le jour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et je suis enflâmé du plus fidelle amour</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que le cœur le plus tendre ait pû jamais éclore.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">La Belle peut sçavoir le feu qui me devore,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mes yeux &amp; mes soûpirs s’expliquent tour-à-tour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mes transports langoureux luy vont faire la Cour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et je ne pense pas enfin qu’elle l’ignore</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Je m’en tais, il est vray ; mais tout parle pour moy,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mon teint, mes actions, mes peines, &amp; ma foy,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais Philis de mes maux se rit, elle s’en jouë.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">On diroit qu’elle en fait son divertissement,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et cependant je souffre un plus cruel tourment</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que ne font les Bandits expirant sur</hi> la Rouë.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">L’Eté, comme l’Hyver, l’on peut faire voyage ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et comme la pluye en tout temps</hi></l>
      <l><hi rend="i">Peut tout-à-coups moüiller les Gens,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tout Voyageur prudent &amp; sage,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand il n’iroit qu’au prochain Bourg,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne part jamais sans</hi> Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">C. Hutuge</hi>, d’Orleans, demeurant à Mets.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXI.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Un jour que j’estois fort en peine</hi></l>
      <l><hi rend="i">De deviner l’Enigme de ce Mois,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’allay rendre visite à la belle Climene,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Où dés l’abord un fin Matois</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Parla de bonne &amp; mauvaise fortune,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et sur les deux raisonna sçavamment.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors un Quidam, d’une langue importune,</hi></l>
      <l><hi rend="i">D’un air &amp; d’un discours fades également,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Nous dit, la Fortune se jouë</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Maintenant des plus beaux Esprits.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour les Sçavans elle a trop de mépris,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et c’est avec raison qu’on la peint sur</hi> la Rouë,</l>
      <l><hi rend="i">Alors l’interrompant ; vouloir s’en plaindre, abus,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Luy dis-je, consultez Mercure là-dessus,</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Il a de la délicatesse,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De l’enjoûment &amp; de la politesse ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Cependant elle fait à ce Dieu les yeux doux,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et révere en luy la Science.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais si j’abuse ainsi de vostre patience,</hi></l>
      <l><hi rend="i">C’est qu’on n’a jamais fait quand on parle de vous.</hi></l>
     </lg>
     <p>Mad. <hi rend="sc">Peruard</hi>, de Troyes.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXII.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Mercure, ne savons-je pas</hi></l>
      <l><hi rend="i">Queme il faut nous tizer des plus grands embazzas ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et n’en déplaise à vouste Signouzie,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je savons ce que c’est que parler Poësie,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Car j’avons appris à rimer.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que dites-vous de nouste Clouche ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">La pensée en est-elle louche ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">N’a-t-elle pas dequoy nous bien faize estimer ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je sommes en honneur ; n’en diza par la Ville,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Hé là, reguettez donc ce Gille,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce Mallet de Passy, que pas-un ne disoit</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’il sauzoit liau troubler. C’est pourtant luy qui brille</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Avec sa Muse tant gentille.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et qui parguenne le croizoit ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je m’imagine voir sortir de leurs Carosses</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Montez sur</hi> des Rouës <hi rend="i">de bois,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Tirez, traînez par de puissantes Rosses,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Les Dames, se disant, reguettez ce Narquois.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors un Marquis fourré, sentant la Frangipane,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Diza, peste du Païsan,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il cache sous la piau d’un Asne,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et l’adresse &amp; l’esprit d’un Docteur tres-sçavant.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Mallet</hi>, de Passy lez Paris.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Ah pour le coup, Mercure, il faut que je le dit,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">N’entend pas la galanterie.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">C’est sçavoir mal faire sa Cour</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A mon avis aupres des Belles.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que de paroistre devant elles</hi></l>
      <l><hi rend="i">Au plus beau mois de l’an avec la</hi> Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Fiebure</hi>, Principal du College de Sanzay en Poitou.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXIV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure dit qu’enfin il est las de trotter,</hi></l>
      <l><hi rend="i">A toute heure, en tout temps, jour &amp; nuit, par les bouës.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme il sçait qu’en Carosse on ne peut se crotter,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le Galant en veut un, quoy qu’il puisse couster,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et déja par avance on en a fait</hi> les Rouës.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Quoy qu’on quitte le Drap pour prendre le Crépon,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand on voit le retour de l’aimable verdure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Avoüez-le pourtant, Mercure,</hi></l>
      <l>La Brandebourg <hi rend="i">icy n’est pas hors de saison.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">L’Abbé de Beaumaigre</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">C’est en vain que je veux démesler les mysteres</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que tu nous caches dans tes Vers.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mon esprit en est de travers,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et si je ne m’apperçois guéres</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que je puisse à la fin débroüiller ces affaires.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ma foy, j’abandonneray tout ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et connoissant que l’on me jouë,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je ne suis pas d’humeur à me mettre à</hi> la Rouë,</l>
      <l>  <hi rend="i">Pour en venir à bout.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">L’Abbé de Vernelle</hi>, du Cloistre S. Jacques de l’Hôpital.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXVII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Un bon Carosse à quatre</hi> Rouës,</l>
      <l> <hi rend="i">Fait en tout temps beaucoup de bien,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et je ne compte pas pour rien</hi></l>
      <l>Ma Brandebourg <hi rend="i">pendant les Bouës.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Amant de la Belle Veuve du bout de la Ruë Dauphine.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXVIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure, nous verrons un jour,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quand l’Hyver reprendra sa place</hi></l>
      <l><hi rend="i">Suivy de neiges &amp; de glace,</hi></l>
      <l><hi rend="i">A découvert</hi> ta Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Sablier</hi> le jeune, de Tours.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXIX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Pourquoy tant gesner les Esprits ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure, il faut que tu l’avouës,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que ces Sœurs que tu nous décris,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne veulent dire que</hi> les Rouës.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Pigache</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Une</hi> Casaque <hi rend="i">en ce temps-cy,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure, ce n’est pas la mode.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je n’irois pas si loin d’icy</hi></l>
      <l><hi rend="i">Chercher ce qui n’est pas commode.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">L’Inconnu</hi>, d’Argenton-Chasteau.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">A trouver l’Enigme du Mois</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne croyez plus que je me jouë.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Il a falu plus de cent fois</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mettre mon esprit à</hi> la Rouë.</l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXII.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Je ne suis point Egiptien,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ny Démon, ny Magicien,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Moins encor Esprit Angélique.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Cependant, Mercure Galant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je gage contre vous tout ce que j’ay valant,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que sur</hi> la Brandebourg <hi rend="i">vostre Enigme s’aplique.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">De Pois.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Moy li savoir point bien parler François,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pourtant moy voulir de sti Mois</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Expliquer l’Enigme nouvelle,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour li complaire à mon Cloris,</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Dont la face tant belle</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">A sti cœur de moy pris.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vous li trouverez bon que li moy bien dénouë</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Le nœud de l’Enigme de vous,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et que moy dise devant tous</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’à nous vous li présenter</hi> Rouë.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Oüilland</hi>, Gentilhomme Irlandois, demeurant à Troyes,</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXIV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Casaque à</hi> Brandebourg <hi rend="i">est donc fort à la mode,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Puis que l’Ambassadeur Galant</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne la trouve point incommode</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dans un temps où le chaud se montre si brûlant.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Alcidor</hi>, du Havre de Grace.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure autrefois sur la Terre</hi></l>
      <l><hi rend="i">Passoit aussi fort qu’un Eclair</hi></l>
      <l><hi rend="i">Par les vastes routes de l’Air,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Puis qu’il devançoit le Tonnerre.</hi></l>
      <l><hi rend="i">A présent il se sert d’un Char</hi></l>
      <l><hi rend="i">Porté par quatre grandes</hi> Rouës,</l>
      <l><hi rend="i">Et s’il s’en tire, c’est hazard</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si les chemins sont pleins de bouës.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Guepin</hi>, de Rennes.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Enfin voicy la chaleur de retour,</hi></l>
      <l><hi rend="i">A ta Cloris si tu veux plaire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Amy, quitte ta</hi> Brandebourg,</l>
      <l><hi rend="i">Prens une Etoffe plus legere.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Blanc-Boucher</hi>, de la Ruë Simon le Franc.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXVII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">J’ay bien peu de necessité</hi></l>
      <l><hi rend="i">De deux, de trois, ny quatre</hi> Rouës,</l>
      <l><hi rend="i">Car mon Bien &amp; ma Qualité,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Veulent que l’Hyver &amp; l’Eté</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je marche les pieds dans les Bouës.</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Si pourtant Monseigneur Mercure</hi></l>
      <l><hi rend="i">Donnoit aussi six bons Chevaux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Un Carosse avec la parure,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je prendrois, la chose est bien seûre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le Carosse &amp; les Animaux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et ne laisserois pas les Rouës,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour aller l’Hyver &amp; l’Eté</hi></l>
      <l><hi rend="i">En Carosse, bien ajusté,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et non à beau pied dans les Bouës.</hi></l>
     </lg>
     <p>L.F.V. de Morlaix.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXVIII.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">J’Estois au plus profond d’un Bois</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Couché sur la verdure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Où je lisois dans le Mercure</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Les Enigmes du dernier Mois,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quand une pluye assez soudaine</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vint arroser &amp; les Bois &amp; la Plaine,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et me perça jusqu’à la peau.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je n’avois par malheur</hi> Brandebourg, <hi rend="i">ny Manteau.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le Berger Floriste du Costentia.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XXXIX.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Vous plaisantez, Galant Mercure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Vous estes dans une posture</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Pour recréer le plus chagrin.</hi></l>
      <l>Des Rouës <hi rend="i">sous vos pieds, des Brides à la main !</hi></l>
      <l><hi rend="i">Un Dieu Cocher ! l’agreable figure !</hi></l>
     </lg>
     <ab type="ornament">***</ab>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Quand vous passez par le Fauxbourg,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vous voyant revestu d’une grande Casaque,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Chacun la prend pour celle d’un Cosaque ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">On se trompe, à mon sens c’est</hi> une Brandebourg.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">L’Albaniste</hi> de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XL.</label>
     <lg>
      <l>Brandebourg <hi rend="i">en Hyver est d’un fort bon usage,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais je croyois qu’il fust du genre masculin ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mon Brandebourg, c’estoit jusqu’icy mon langage,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais c’est</hi> ma <hi rend="i">qu’il faut dire, au genre feminin.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Sylvandri</hi>, de Caen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Quand je roule en Carosse au milieu de la Bouë,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je suis entre les Sœurs de l’Enigme nouveau ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et quand un Malheureux expire sur</hi> la Rouë,</l>
      <l><hi rend="i">Il m’explique la fin de ce parlant Tableau.</hi></l>
     </lg>
     <p>Le mesme.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Le Messager Mercure autrefois dans les Cieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ne portoit qu’un Bonnet pour toute sa parure ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais le mauvais temps, la froidure,</hi></l>
      <l><hi rend="i">L’oblige en</hi> Brandebourg, <hi rend="i">de paroistre à nos yeux.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Avanturier nocturne.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">De tel qui se voit haut monté,</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">La Fortune se jouë,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et souvent l’a précipité</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Jusqu’au bas de sa</hi> Rouë.</l>
     </lg>
     <p>Le Cavalier inconnu.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLIV.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Mercure agit imprudemment</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Dans une chaleur si pressante,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors qu’il vient nous offrir pour rafraîchissement</hi></l>
      <l> Une Brandebourg <hi rend="i">pesante.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Eloigné de soucy, de Moulin en Bourbonnois.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Pour moy franchement je l’avouë,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’aime mieux couché dans mon Lit,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mourir tout seul, &amp; sans Habit,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qu’en bonne compagnie expirer sur</hi> la Rouë.</l>
     </lg>
     <p>L’Amant chaste de Poitiers.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLVI.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Sur l’Enigme du Mois j’allois demeurer court,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Quand pour m’armer contre la bise,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je demanday ma</hi> Brandebourg ;</l>
      <l><hi rend="i">Aussitost j’ay veu clair, &amp; quitté la surprise.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Amant irrésolu de la Belle Philis de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLVII.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Une</hi> Brandebourg <hi rend="i">&amp; des</hi> Rouës,</l>
      <l><hi rend="i">Sont-ce pas les deux Mots que nous cachent tes Vers ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mercure, si tu ne l’avouës,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je n’ay rien de meilleur, je m’y rends, je m’y pers.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Droüart de Roconval</hi>, du Pont-de-l’Arche.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLVIII.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">De vostre</hi> Brandebourg <hi rend="i">tout le monde murmure ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Aussi vous n’avez pas raison,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Vous la deviez garder pour un temps de froidure,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Elle est hors de saison.</hi></l>
     </lg>
     <p>L’Indiférent heureux.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>XLIX.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Je croy que Mercure a la goute,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’il a fait banqueroute,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ou joüé quelque mauvais tour ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Car quoy qu’à courir il se plaise,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il ne sort plus qu’en</hi> Chaise,</l>
      <l><hi rend="i">Le nez dans</hi> une Brandebourg.</l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>L.<lb/><hi rend="sc">Explication enigmatique</hi><lb/>de l’Enigme des Rouës.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Le Mot de vostre Enigme est quelquefois fâcheux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le plurier en suporte une douce voiture ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais pour le singulier, il est de triste augure,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sur tout lors qu’on le voit planté dans certains Lieux.</hi></l>
     </lg>
     <p>L.B.</p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_314">
    <head>Le gros Lot du Roy</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 314-324.</bibl>
    <note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La Figure où
     sont représentées deux Fontaines, doit regarder la page 314.</note>
    <p><hi rend="i">Je vous envoye une seconde Planche d'Aranjuez, dans laquelle vous trouverez
      encor deux de ses Fontaines représentées. On appelle l'une la Fontaine de Neptune, &amp;
      l'autre la Fontaine de Bacchus, à cause de ces deux Divinitez qui en font les Ornemens.
     </hi></p>
    <p><hi rend="i">Les Pieces qui suivent regardent la Loterie, dont je vous ay envoyé la Planche
      dans ma Lettre du mois de May.</hi></p>
    <quote>
     <label>LE GROS LOT DU ROY.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Je pourrois assurer qu’on ne trouve personne</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui connoissant le Roy, s’étonne</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’il ait remporté</hi> le gros Lot,</l>
      <l><hi rend="i">Puis que tout ce qui rend une ame peu commune,</hi></l>
      <l><hi rend="i">A toûjours fait pour luy déclarer la Fortune,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Comme icy clairement je le montre en un mot.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Bien que dans le détail, durant plusieurs années</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mes Vers ayent fait voir ses grandes Actions,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Malgré tous les efforts de tant de Nations</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Des plus beaux Lauriers couronnées,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Où visiblement le bonheur</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Prit le party de sa valeur,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Lors que dans ses fameux &amp; mémorables Sieges,</hi></l>
      <l><hi rend="i">La Parque luy tendoit incessamment des pieges,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qu’on le voyoit de toutes parts</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Aller au devant des hazards ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Il est vray qu’on a peine à croire</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que sans avoir le moindre mal,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ce Monarque en tout sans égal</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ait toûjours remporté</hi> le gros Lot <hi rend="i">de la gloire,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Que ne sçauroit payer l’Inde avec tout son Or ;</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Mais passons plus avant encor.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quand tous les ans par des Armées</hi></l>
      <l> <hi rend="i">De son grand courage animées,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ses fiers &amp; puissans Ennemis,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Fortement prévenus de la haute espérance,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De partager entr’eux l’Empire de la France,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">En tous lieux se trouvent soûmis,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et qu’enfin par la Paix il les force de rendre</hi></l>
      <l><hi rend="i">Ce que sur ses Amis ils avoient osé prendre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mieux que n’a jamais fait aucun autre Vainqueur,</hi></l>
      <l><hi rend="i">N’a-t-il pas remporté</hi> le gros Lot <hi rend="i">de l’honneur ?</hi></l>
      <l> <hi rend="i">La grande &amp; longue maladie,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qui de son cher Dauphin a menacé la vie,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Et qui put nous allarmer tous,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Apres l’avoir rendu l’Epoux</hi></l>
      <l> <hi rend="i">D’un Objet si digne qu’on l’aime,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Qui d’un auguste Sang &amp; d’un mérite extreme,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A sçeu nous apporter la Dot ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">La santé de ce Prince, à present si parfaite,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Donnant au Roy ce qu’il souhaite,</hi></l>
      <l><hi rend="i">De la faveur du Ciel n’a-t-il pas</hi> le gros Lot ?</l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>Sur la remise que Sa Majesté a faite du Lot de cent mille Francs.</label>
     <quote>
      <label>I.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Louis ne veut pas profiter</hi></l>
       <l><hi rend="i">Du bonheur d’une Loterie ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Et si vous en osez douter,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Lisez la Vie</hi></l>
       <l><hi rend="i">De ce Héros fameux.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Elle va vous apprendre,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Que lors que l’on est genéreux</hi></l>
       <l>  <hi rend="i">Jusques à rendre</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ce que la Victoire a sçeu prendre,</hi></l>
       <l><hi rend="i">On estime trop peu ce qui vient du hazard</hi></l>
       <l><hi rend="i">Pour y garder aucune part.</hi></l>
      </lg>
      <p><hi rend="sc">De S. Placide</hi>, du Cloistre S. Germain l’Auxerrois.</p>
     </quote>
     <quote>
      <label>II.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Grand Roy, que le bonheur suit toûjours pas à pas,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Pour nous faire du bien te voit-on jamais las ?</hi></l>
       <l><hi rend="i">Tandis que nous vivons dans une paix profonde,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ton amour envers nous devient ingénieux ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Tu cherches les moyens de nous rendre en tous lieux</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Les plus heureux Peuples du Monde.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Tantost pour soulager mille Particuliers</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Tu te rends toy-mesme injustice ;</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Tantost tu donnes volontiers</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ce qui t’estoit écheu par un hazard propice.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Prince, par là, tu nous fais voir</hi></l>
       <l><hi rend="i">En éternisant ta mémoire,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Que c’est une action bien plus digne de gloire,</hi></l>
       <l><hi rend="i">De donner, que de recevoir.</hi></l>
      </lg>
      <p><hi rend="sc">De la Mare-Chesnevarin</hi>, de Roüen.</p>
     </quote>
     <quote>
      <label>III.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Fut-il jamais Héros aussi grand que LOUIS,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qui par ses exploits inoüys</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Ait fait de plus grandes Conquestes,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Ou qui pour l’union des Roys &amp; des Sujets,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Ait quitté des Couronnes prestes,</hi></l>
       <l><hi rend="i">En donnant à l’Europe une éternelle Paix ?</hi></l>
      </lg>
      <ab type="ornament">***</ab>
      <lg>
       <l><hi rend="i">S’il chasse la Discorde &amp; termine la Guerre,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">S’il donne le calme à la Terre,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Si de Luy-mesme il est Vainqueur ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Si malgré la Fortune il cede la Victoire,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">N’admirera-t-on pas son cœur,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Puis qu’à ses intérests il préfere la gloire ?</hi></l>
      </lg>
      <p><hi rend="sc">Rault.</hi></p>
     </quote>
     <quote>
      <label>IV.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">Quand pour</hi> Loüis <hi rend="sc">le Grand</hi>
        <hi rend="i">n’es plus inconstante,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Fortune, à d’autres tes faveurs.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Si tu crois en faire un de tes Adorateurs,</hi></l>
       <l>  <hi rend="i">Trop vaine est ton attente.</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Chacun sçait qu’il donne soudain</hi></l>
       <l><hi rend="i">Les Présens qu’il veut bien recevoir de ta main.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Voy donc, ouvrant les yeux sans tant faire la brave,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Lors qu’il fait de tes dons ces illustres emplois,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Que ce sont des tributs que tu rends comme Esclave</hi></l>
       <l>  <hi rend="i">Au plus puissant des Roys.</hi></l>
      </lg>
      <p><hi rend="sc">Lerssou de Maisonpleins</hi>, Capitaine de Quartier de Châlons en
       Champagne.</p>
     </quote>
     <quote>
      <label>V.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">A quoy que vous vouliez, grand Roy, vous occuper,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Nous voyons réüssir toutes vos entreprises,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Vous ne souffrez-point de surprises,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Personne ne vous peut duper.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Vostre gain va toûjours à des sommes immenses ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mais vous ne voulez pas en grossir vos Finances,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">C’est une espece de profit</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Dont le seul plaisir vous suffit ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Car lors que le gros Lot vous arrive en partage,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et qu’on vante vostre bonheur,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Vous n’en retenez que l’honneur,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Le Public en a l’avantage.</hi></l>
      </lg>
      <p><hi rend="sc">Le Cesne</hi>, de Coûtances.</p>
     </quote>
     <quote>
      <label>VI.</label>
      <lg>
       <l><hi rend="i">L’Invincible LOUIS qu’au Monde rien n’égale,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Si nous considérons son intrépidité,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Son esprit penétrant, sa genérosité,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Aremis le gros Lot, &amp; sa main libérale</hi></l>
       <l><hi rend="i">Veut bien abandonner aux ordres du destin</hi></l>
       <l> <hi rend="i">De dix mille Loüis la somme,</hi></l>
       <l><hi rend="i">Qui peut donner moyen à plus d’un honneste Homme</hi></l>
       <l><hi rend="i">De pouvoir doucement arriver à sa fin.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Admirons le bonheur de ce digne Monarque,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qui luy fournit en tous endroits</hi></l>
       <l><hi rend="i">De quoy se discerner entre les plus grands Roys,</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Et qui visiblement nous marque</hi></l>
       <l><hi rend="i">L’inépuisable fond de courage &amp; d’honneur</hi></l>
       <l> <hi rend="i">Qu’il a toûjours eu dans le cœur.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
    </quote>
    <p><hi rend="i">J’ajoûte deux Epigrammes Latines de M<hi rend="sup">r</hi> Chastillon, Docteur
      en Medecine, qui ont esté présentees à Sa Majesté, le premier sur le gros Lot qu’Elle a eu,
      &amp; le second, sur ce qu’Elle a bien voulu le remettre.</hi></p>
    <quote>
     <lg>
      <label>I.</label>
      <l>Iustitiæ fortuna comes in sole refulgens,</l>
      <l>Cœca licet, noscit jus dare cuique suum.</l>
     </lg>
     <lg>
      <label>II.</label>
      <l>Reddere cuique suum vulgaris regia virtus,</l>
      <l>At dare quæ sua sunt, Francorum est propria Regis.</l>
     </lg>
    </quote>
    <quote>
     <label>SUR LA LOTERIE.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">J’Ay suivy vos desirs, Iris, quoy qu’en mon ame</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je sçeus bien que je faisois le sot</hi></l>
      <l> <hi rend="i">D’attendre le gros Lot</hi></l>
      <l><hi rend="i">Pour l’heureux succés de ma flâme ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mais nous aimons tous deux, vous l’argent, moy vos yeux ;</hi></l>
      <l><hi rend="i">En un mot nous avions pour nos Guides des Dieux,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Dont l’un estoit aveugle, &amp; l’autre témeraire.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Le vostre m’engagea, pour ne vous pas déplaire,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">A suivre malgré ma raison</hi></l>
      <l> <hi rend="i">L’espoir que vous me fistes naistre,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et le mien aveuglé m’empécha de connoistre</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que c’estoit dans une saison</hi></l>
      <l><hi rend="i">Où la valeur a toûjours fait paroistre</hi></l>
      <l><hi rend="i">La Fortune attachée au Char du grand Bourbon.</hi></l>
     </lg>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_324">
    <head>S’il est plus avantageux à une Femme d’estre aimée dés la premiere fois qu’on la voit, ou
     de ne l'estre qu'apres qu'on a eu le temps d'examiner son merite</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 324-327.</bibl>
    <quote>
     <label><hi rend="i">S’il est plus avantageux à une Femme d’estre aimée dés la premiere fois
       qu’on la voit, ou de ne l’estre qu’apres qu’on a eu le temps d’examiner son
      mérite.</hi></label>
     <p/>
     <p>La diférence qui se rencontre entre l’agrément &amp; le mérite, décide cette Question. Le
      premier consiste en des charmes, &amp; des graces qui surprennent, qui touchent, &amp; qui
      enlevent d’abord l’inclination. Le second est fondé sur l’estime qu’une connoissance parfaite
      des belles qualitez imprime dans l’ame qui se sent forcée aussi doucement qu’infailliblement,
      de rendre ce qui est dû à ces belles qualitez. A les considerer séparement en des Personnes
      diférentes qui ne pourroient prétendre que l’un des deux, il est sans-doute qu’une honneste
      Femme préferera toûjours d’estre aimée apres que l’on aura remarqué qu’elle en est digne ;
      &amp; une Coquete au contraire, d’estre aimée aussitost qu’on l’aura veuë, &amp; avant qu’on
      ait pû faire réflexion sur l’engagement où elle met le cœur, parce que celle-cy s’attache
      davantage aux plaisirs, aux ajustemens, &amp; aux attraits propres à faire des conquestes
      d’éclat &amp; promptes ; &amp; que l’autre desire une considération qui soit de plus longue
      durée, qui ait un fondement plus solide, moins sujet au changement, &amp; dont les motifs
      soient d’autant plus nobles &amp; relevez, que la vertu &amp; les beautez de l’ame excellent
      au dessus de celles du corps.</p>
     <p>Mais si l’on examine ces avantages en des Personnes qui ont raison de prétendre conserver ce
      qu’elles ont acquis, dont le mérite est non seulement propre à soûtenir l’idée que l’on a
      conçeuë d’elles, mais capable d’assurer dans la communication de leur intérieur, l’amour que
      leur extérieur a fait naistre ; il est certain qu’il est plus avantageux à une Femme d’estre
      aimée dés la premiere fois qu’on la voit, parce qu’elle emporte par là une reconnoissance
      ingénuë qu’elle a tout ce qu’il faut pour plaire, aussibien que tout ce qui peut inspirer de
      l’estime, qui fait le partage de celles qui ne s’attirent que dans la suite du temps l’amitié
      de ceux qui les fréquentent.</p>
     <p><hi rend="sc">Le Marquis Inconnu.</hi></p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_327">
    <head>[Explication de la Lettre en Chiffres du dernier Extraordinaire]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 327-330.</bibl>
    <p><hi rend="i">Pour faciliter la découverte du sens de la Lettre en Chifres du dernier
      Extraordinaire, j’avois averty qu’il n’y avoit point diversité d’Alphabet, comme en quelques
      autres que je vous ay envoyées. Cependant il n’y a eu que M<hi rend="sup">r</hi> de Ganat
      qu’en ait trouvé le déchifrement. C’est peut-estre qu’on a compté les lettres dont le sens à
      découvert est composé, par raport aux Chifres qui cachent un autre sens, &amp; que trouvant le
      nombre des Chifres plus grand que celuy des lettres, on s’est fait un embarras de cette
      augmentation qui a fait croire qu’on cherchoit inutilement le secret de ce nouveau Chifre.
       M<hi rend="sup">r</hi> Miconet de Châlons, qui en est l’Autheur, l’a rendu par là fort
      particulier, puis qu’on pourroit employer tel nombre de Chifres qu’on voudroit, jusqu’à en
      faire une grande Lettre de six pages de l’écriture ordinaire, sans qu’il fust besoin d’autre
      chose que des quatre lignes du sens découvert, aux lettres desquelles trente mille Chifres
      pourroient répondre. Voicy en quoy le secret consiste. Ces quatre lignes qui cachoient l’avis
      secret dans le dernier Chifre, estoient</hi>, Je me feray toûjours un tres-grand plaisir
     d’obeïr exactement à tout ce que vous me ferez l’honneur de me commander. <hi rend="i">Les
      premiers Chifres employez dans cette Lettre estoient 11. 800. 7. 130. 11. 180. 26. 18. Vous
      vous souviendrez que tous les Zero sont inutiles, &amp; que 800. vaut seulement huit. Le
      premier Chifre qui est 11. marque qu’il faut prendre l’onziéme lettre du sens découvert.
      C’est</hi> O, <hi rend="i">seconde lettre du mot</hi> toûjours. <hi rend="i">Le second Chifre
      800. marque qu’à compter depuis cet</hi> O <hi rend="i">trouvé, il faut chercher la huitiéme
      lettre C’est</hi> N, <hi rend="i">seconde lettre du mot</hi> un, <hi rend="i">lesquelles deux
      lettres font le mot</hi> On. <hi rend="i">Continuez de la mesme sorte jusqu’à la fin, prenant
      la septiéme lettre depuis</hi> un, <hi rend="i">qui est</hi> a, <hi rend="i">troisiéme lettre
      du mot</hi> grand, <hi rend="i">&amp; quand vous serez à la fin de toutes les lettres du sens
      découvert, recommencez à compter par les premieres que vous joindrez aux dernieres, pour
      fournir le nombre dont vous aurez besoin suivant le Chifre marqué. Par ce moyen, vous
      trouverez que les 97. Chifres employez dans cette Lettre veulent dire</hi>, On a enfin écouté
     les calomnies de vos Ennemis, &amp; l’ordre est donné de vous arrester incessamment, profitez
     de cet avis.</p>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_330">
    <head>[Nouvelle Lettre en Chifres]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 330-333.</bibl>
    <p><hi rend="i">Je vous envoye une nouvelle Lettre de cette nature. On supose qu’une Belle
      d’intelligence avec son Amant, luy donne un avis secret, comme si elle écrivoit à une
      Dame.</hi></p>
    <quote>
     <label><hi rend="i">Lettre dans laquelle un sens parfait est caché sous un autre sens
       parfait.</hi></label>
     <p><hi rend="sc">Madame</hi>,</p>
     <p>Voicy le compte de ce que j’ay avancé suivant vos ordres.</p>
     <p>Le 4. Janvier, payé 6 livres 8 sols d’une part, &amp; 4 livres 1 sol d’une autre pour
      raccommoder vos Points.</p>
     <p>Le 19. du mesme mois, 15 livres 8 sols pour reste à vostre Cordonnier.</p>
     <p>Le 21. payé 18 livres 13 sols deniers à Madame Fleury.</p>
     <p>Le 16. Fevrier 17 livres 15 sols à vostre Tailleur, &amp; 4 livres 15 sols à Madame
      Robinau.</p>
     <p>Le 1. Mars 10 livres à la mesme Madame Fleury, &amp; 22 livres 7 sols 5 deniers encor à
      vostre Tailleur.</p>
     <p>Le 2. du mesme mois, 11 livres 18 sols à M<hi rend="sup">r</hi> Ganse, &amp; le 20. payé
      encor au mesme 22 livres.</p>
     <p>Le 22. Avril, 10 livres 5 sols à Madame Hannequin, 12 livres 10 sols 10 deniers à Madame
      Finet, &amp; 20 livres 8 sols 11 deniers à Madame Cousin.</p>
     <p>Le 8. May 5 livres 19 sols 8 deniers à Madame Sanson, &amp; 20 livres 15 sols pour des
      Rubans.</p>
     <p>Le 19. du mesme mois, 3 livres 14 sols pour une Coëse. Je suis, Madame, vostre tres,
      &amp;c.</p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_333">
    <head>[[Lettre de M. de Vienne-Plancy, où il propose par forme d'Enigme, le Secret d'une Ecriture de nouvelle invention, tres-propre à estre renduë universelle avec celuy d'une Langue qui en resulte ; l'une &amp; l'autre d'un usage facile pour la communication des Nations]]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 333-348.</bibl>
    <p><hi rend="i">Vous voyez bien que ces divers Chifres répondent aux lettres qui forment ces
      mots</hi>, Voicy le compte de ce que j’ay avancé suivant vos ordres. <hi rend="i">Le secret
      est simple, en sorte que la première lettre trouvée fait trouver toutes les autres, &amp; tous
      les Chifres valent ce qu’ils marquent. Ainsi 10. vaut dix, &amp; non pas un.</hi></p>
    <p><hi rend="i">M<hi rend="sup">r</hi> de Vienne Plancy, à qui nous devons la premiere invention
      des Chifres qui font découvrir un sens caché dans des paroles qui forment entre elles un sens
      parfait, a bien découvert un autre secret. Vous en serez éclaircie, en lisant ce qu’il m’a
      fait la grace de m’écrire.</hi></p>
    <quote>
     <label><hi rend="i">A Fau-Cleranton le 15. de Juin 1681.</hi></label>
     <p>Il me semble, Monsieur, que ce n’est rien de lire, si l’on ne fait des refléxions sur ce
      qu’on a lû. Sans elles, la lecture &amp; le songe ont un grand raport. Ils passent par
      l’esprit avec une égale vîtesse, &amp; y font aussi peu d’impression l’un que l’autre. Si je
      n’avois refléchy sur ma lecture de Vigenere, je n’aurois pas découvert l’ingénieux Secret de
      Triteme &amp; de Ventura, ny eu le plaisir d’en faire part aux Curieux par vostre entremise.
      Je pense donc toûjours aux choses que j’ay luës, pour peu qu’elles méritent d’attention, &amp;
      je me trouve bien de cette pratique. Elle est cause d’une nouvelle découverte que je fis
      dernierement, dont l’ouverture ne peut qu’estre bien reçeuë de vous, &amp; de ceux qui voyent
      vos Livres. Elle eut pour fondement la lecture d’un Chapitre de la Science Universelle de
      Sorel. Ce Chapitre est le 7. de la derniere Partie des quatre en quoy consiste cet Ouvrage.
      L’Autheur y traite dans la seconde Section <hi rend="i">de l’Ecriture universelle qui sera
       entenduë par toute sorte de Nations, encor que leurs langages soient divers</hi>. Mais il ne
      donne pas le secret de cette Ecriture, il luy estoit inconnu ; il se contente de proposer les
      avantages qui en résulteroient. <hi rend="i">Qui sçaura cette Ecriture</hi>, dit-il, <hi
       rend="i">n’aura que faire d’apprendre les diverses Langues du monde, pour sçavoir les pensées
       de tous les Peuples ; il les connoistra par ce Secret, &amp;c. C’est la plus parfaite de
       toutes les Ecritures, parce qu’elle exprime toutes les Langues, encor qu’elle n’en exprime
       pas-une particulierement. Elle est la vraye marque des choses. Elle représente immédiatement
       les pensées, &amp;c.</hi> Puis il ajoûte. <hi rend="i">Cela n’est pas hors de possibilité,
       puis que les Chifres d’Arithmétique, les Notes de Musique, &amp; les marques dont se servent
       les Jurisconsultes, les Medecins, &amp; les Astrologues, sont connuës de toutes les Nations.
       On peut aussi inventer des Caracteres pour toutes les choses du monde, &amp; mesme pour
       représenter leurs actions &amp; les autres circonstances, &amp;c. Il faudra à la verité une
       grande quantité de figures ; mais l’excellence de ce Secret mérite bien qu’on se donne la
       peine de les inventer &amp; de les apprendre</hi>. Enfin il conclud. <hi rend="i">Si l’on dit
       qu’il ne reste qu’à donner le modele des traits de cette Ecriture, &amp; que le Public auroit
       obligation à celuy qui luy feroit ce présent ; l’on peut repartir qu’il suffit bien icy
       d’avoir découvert ces Secrets, &amp; qu’il faut laisser au soin des Curieux, la maniere de
       les mettre en pratique, parce que les esprits des Hommes languiroient de paresse, s’ils
       trouvoient toutes choses inventées &amp; accomplies.</hi></p>
     <p>Sur la lecture de ce Chapitre, dont voila l’extrait, je fis des refléxions à mon ordinaire.
      D’abord les Caracteres de la Chine se présenterent à mon esprit, comme les veritables
      Caracteres de l’Ecriture universelle, &amp; je m’étonnay qu’ils n’eussent pas comme par toute
      la Terre pour le commerce des Nations, puis qu’ils signifient immédiatement les pensées ; mais
      je jugeay bientost que la peine qu’il y avoit à les former &amp; à les reconnoistre, estoit
      sans-doute la cause que leur usage s’estoit borné au Païs de ceux qui les avoient inventez,
      &amp; qui en avoient fait un Art tres-pénible ; les autres Peuples ne s’estant pas trouvez
      d’humeur à passer, comme les Chinois, la plus grande partie de leur vie dans l’étude d’une
      Ecriture dont tous les Caracteres sont si embarassez, qu’ils semblent autant de
      Labyrinthes.</p>
     <p>La connoissance de ce defaut dans l’Ecriture de la Chine, me fit penser qu’il falloit
      chercher d’autres Caracteres plus aisez à figurer &amp; à reconnoistre. Cela paroissoit assez
      difficile à trouver, veu le grand nombre qu’il en faut pour l’expression de toutes choses ;
      neantmoins la recherche n’en fut pas bien longue. Un de mes Amis qui me rendit visite en ce
      temps-là, sçachant ce que je méditois, me dit qu’il avoit veu un Livre où l’Autheur
      s’expliquoit par <hi rend="i">Ierogliphes intelligibles en toute sorte de Langues</hi>, &amp;
      que c’estoit le cours des Mathématiques d’Herigone. Je luy demanday si en Ierogliphes
      n’estoient point semblables à ceux des anciens Sages d’Egypte, qu’il n’appartenoit qu’aux
      Peintres &amp; aux Sculpteurs de représenter, &amp; qu’aux Devins d’expliquer. Il ne l’avoit
      pas examiné. Il le tira du Cabinet d’un de ses Parens, &amp; me l’envoya. Je vis ce Livre. Il
      est intitulé, <hi rend="i">Cours Mathématique démontré d’une nouvelle, bréve &amp; claire
       méthode, par Notes réelles &amp; universelles, qui peuvent estre entenduës facilement sans
       l’usage d’aucune Langue</hi>. Je me flatay d’une douce espérance à la lecture de ce Titre,
      croyant qu’il devoit estre suivy de l’Ecriture que je cherchois ; neantmoins je n’y rencontray
      que quelques mots exprimez par les Notes. C’estoient les necessaires à ses démonstrations,
      comme ⊣ pour signifier <hi rend="i">plus</hi> ; ∾ pour signifier <hi rend="i">moins</hi> ; ∟
      pour signifier <hi rend="i">angles</hi> O pour signifier <hi rend="i">cercle</hi> ; ∧ pour
      signifier <hi rend="i">triangle</hi>, &amp;c. Cette Invention est bonne pour son sujet ; mais
      je jugeay que si l’on vouloit exprimer toutes choses suivant cette méthode, on tomberoit
      bientost dans les defauts de l’Ecriture de la Chine, que je voulois éviter. Je tournay donc
      ailleurs mes pensées, &amp; apres les avoir promenées quelque temps parmy les Arts, les
      Sciences &amp; les Estres, enfin je trouvay heureusement ce que je souhaitois. La découverte
      d’un Trésor ne m’auroit pas causé plus de joye que j’en ressentis à la premiere apparition de
      ce grand Secret. Je ne diféray guére à en parler à mon Amy. Il en fut surpris &amp; charmé,
      &amp; s’étonna avec moy que Sorel, ny aucun autre que nous sçachions, n’eust pensé à un si
      beau moyen d’exprimer sans embarras toutes sortes de Langues. Il n’y a presque en toutes
      choses que les commencemens qui soient difficiles. J’eus donc bientost apres cela ébauché le
      Plan de l’Ecriture universelle ; &amp; comme une connoissance en attire une autre, j’apperçeus
      qu’il en résultoit une Langue qui avoit les mesmes avantages que l’Ecriture, je veux dire, qui
      seroit facile à apprendre, &amp; tres-propre à la communication des Nations aussi-bien
      qu’elle, &amp; j’en ébauchay aussi le dessein.</p>
     <p>Mais afin, Monsieur, que vous conceviez de l’une &amp; de l’autre, des idées conformes à
      leur mérites, vous sçaurez,</p>
     <p>1. Que cette Langue se peut écrire comme les autres, avec l’Alphabet de chaque Nation, ou
      bien avec l’Ecriture que j’ay imaginée, ce qui est remarquable.</p>
     <p>2. Que chaque mot de cette Langue signifie un mot des autres, ce qui est ordinaire ; mais
      que chaque Caractere de cette, Ecriture, signifie un mot entier, ce qui n’est pas commun.</p>
     <p>3. Que cette Langue est extrémement abondante, &amp; que les Nations n’en ont point de si
      riche ; &amp; que cette Ecriture est si féconde, qu’elle a autant de Caracteres diférens,
      qu’il y a de mots en cette Langue.</p>
     <p>4. Que cette Langue, &amp; cette Ecriture, n’ont pas seulement des mots &amp; des Caracteres
      pour exprimer toutes choses, mais qu’elles en ont mesmes pour exprimer des phrases entieres,
      comme des sentences, des axiomes, des proverbes, &amp; des façons de parler triviales.</p>
     <p>5. Que tous ces Caracteres ne sont neantmoins difficiles ny à figurer, ny à reconnoistre, ny
      à retenir, en quoy consiste la beauté du secret, &amp; que la Langue est douce à
      prononcer.</p>
     <p>6. Que le grand nombre de mots &amp; de Caracteres qui forment cette Langue &amp; cette
      Ecriture, fait que l’une ny l’autre n’est sujete aux équivoques, &amp; que l’on n’en causeroit
      pas mesmes dans l’Ecriture, quand bien on en figureroit les Caracteres sans séparation,
      tant-ils sont aisez à demesler, ce qui est un autre avantage bien singulier.</p>
     <p>7. Que quand on a appris ce que signifie une partie des mots de cette Langue, on sçait
      aussitost ce que signifie l’autre ; &amp; que cette avance va presque à moitié ; &amp; qu’il
      en est de mesme de la signification des Caracteres, comme de celle des mots.</p>
     <p>8. Qu’on discerne sans peine les huit parties du discours, &amp; les articles dans cette
      Langue &amp; dans cette Ecriture ; &amp; que l’on en peut sçavoir en moins d’une heure
      décliner tous les noms, &amp; tous les pronoms, &amp; conjuguer toutes les sortes de
      verbes.</p>
     <p>Et enfin que cette Langue &amp; cette Ecriture sont si aisées à apprendre, qu’on peut
      sçavoir tous les mots de cette Langue en vingt-quatre heures, &amp; tous les Caracteres de
      cette Ecriture encor plûtost ; ce qui tient de la merveille, &amp; ce qui n’excede pas
      neantmoins la verité.</p>
     <p>Mais quelque facilité qu’il y ait à s’instruire dans l’une &amp; dans l’autre, je fais bien
      plus de fonds sur l’Ecriture que sur la Langue, parce que ce n’est pas assez de sçavoir toutes
      les paroles d’une Langue étrangere, pour s’en servir ; il faut sçavoir encor ce que chacune de
      ces paroles signifie dans sa Langue ordinaire ; &amp; cette étude demande du temps, de
      l’application, de la mémoire, &amp; de l’habitude, quelque accourcissement qu’on y apporte ;
      au lieu que mon Ecriture n’a qu’un tres-leger besoin de tout cela, &amp; qu’il suffit de deux
      choses tant pour écrire, que pour expliquer ce qui sera écrit par toute sorte de Nations ;
      l’une de sçavoir décliner deux ou trois articles, &amp; conjuguer autant de verbes ; &amp;
      l’autre d’avoir devant les yeux un Dictionnaire tant des mots de la Langue qu’on parle, suivis
      de mes Caracteres, que de mes Caracteres suivis de ces mesmes mots.</p>
     <p>Voila une espece d’Enigme &amp; de Chifre que vous pouvez, Monsieur, proposer de ma part au
      Public, pour sçavoir ce qu’il en pensera, vous priant de croire que je suis d’aussi bonne foy
      sur ces secrets d’Ecriture &amp; de Langue universelles, que sur celuy de Triteme &amp; de
      Ventura.</p>
     <p><hi rend="sc">De Vienne-Plancy.</hi></p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_348">
    <head>[Explications de l’Enigme en Prose du dernier Extraordinaire]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 348-363.</bibl>
    <p><hi rend="i">Si les choses sont aussi faciles dans l’execution qu’on nous les promet dans
      cette Lettre, vous demeurerez aisément persuadée qu’on n’a jamais rien imaginé de plus
      curieux, ny de plus utile. J’attens avec grande impatience l’explication de cette sorte
      d’Enigme, qui a pour moy une entiere obscurité.</hi></p>
    <p><hi rend="i">I’avois crû que celle que je vous envoyay la derniere fois en Prose du mesme
       M<hi rend="sup">r</hi> de Vienne-Plancy, ne seroit point expliquée, parce qu’elle n’est qu’un
      jeu de lettres. Cependant outre le Parisien Abbevillois du Cloistre S. Pierre, une Dame dont
      on ne m’apprend point le nom, a trouvé que son Mot estoit l’</hi>Amour. <hi rend="i">Je
      n’entens par là ny le Dieu d’Amour, ny la Passion appellée Amour, mais ce mot François</hi>
     Amour. <hi rend="i">Voicy de quelle maniere un spirituel Inconnu m’écrit ce qu’elle a
      pensé.</hi></p>
    <quote>
     <label><hi rend="i">Lettre contenant l’Explication de l’Enigme en Prose de l’Extraordinaire du
       Quartier de Janvier 1681.</hi></label>
     <p/>
     <p>En verité, Monsieur, on a bien raison de dire qu’en quelque langage, &amp; de quelque
      maniere qu’on parle d’amour, on se rend toûjours intelligible au beau Sexe. Madame … n’a pas
      eu besoin de lire deux fois l’Enigme en Prose de vostre dernier Extraordinaire, pour en
      deviner le Mot. Dés la premiere fois, elle s’est écriée, <hi rend="i">Vive l’Amour</hi> ;
      &amp; a dit, que bien qu’Amour n’eust point icy de Flambeau, elle ne laissoit pas de
      l’entrevoir, &amp; qu’elle se trompoit bien, s’il n’estoit caché sous le bandeau, ou plutost
      sous le voile de vostre Enigme.</p>
     <p>En effet, Monsieur, ce mot <hi rend="i">Amour</hi>, n’est-ce pas un mot François, &amp;
      François pour la vie, c’est à dire, tant qu’il durera, &amp; sera dans l’usage de nostre
      Langue ?</p>
     <p>N’est-il pas vétu de noir quand on l’écrit, &amp; n’est-il pas formé de deux parties, c’est
      à dire, de deux sillabes, <hi rend="i">a</hi> &amp; <hi rend="i">mour</hi>, dont l’une qui est
      simple a quelque chose de commun avec l’Ange, qui est sa lettre <hi rend="i">a</hi>, laquelle
      se trouve en ce mot <hi rend="i">Ange</hi>, comme en la sillabe <hi rend="i">a</hi>, &amp;
      dont l’autre partie qui est composée, a quelque chose en soy des quatre Elemens, qui sont ses
      lettres <hi rend="i">a</hi>, <hi rend="i">r</hi>, &amp; <hi rend="i">m</hi>, lesquelles se
      rencontrent en ces mots <hi rend="i">quatre Elemens</hi>, comme en la sillabe <hi rend="i"
       >mour</hi>, ou bien qui sont ses lettres <hi rend="i">u</hi>, &amp; <hi rend="i">r</hi>,
      lesquelles se voyent dans ces mots. <hi rend="i">Feu</hi> &amp; <hi rend="i">Eau</hi>, <hi
       rend="i">Air</hi> &amp; <hi rend="i">Terre</hi>, qui sont les quatre Elémens, comme elles se
      voyent dans la mesme sillabe <hi rend="i">mour.</hi></p>
     <p>On nous apprend qu’il est né dans un Palais, &amp; sur la Pourpre. Et n’est-ce pas à dire
      dans la bouche, où sa premiere prononciation a fait sa naissance ? Le reste de cet Article
      s’explique de soy-mesme.</p>
     <p>On dit que son Pere est d’un autre Païs que luy ; &amp; c’est sans doute parce que le mot
      François, <hi rend="i">Amour</hi>, a esté tiré du mot Latin <hi rend="i">Amor</hi>. Ne croyez
      pas, Monsieur, que la connoissance de Madame … échoüast en cet endroit. Elle s’est fait un
      plaisir de sçavoir le mot d’Amour en toute sorte de Langues. Elle sçait qu’on l’appelle <hi
       rend="i">Amor</hi>, en Espagnol aussibien qu’en Latin ; <hi rend="i">Amore</hi>, en Italien ;
       <hi rend="i">Liefde</hi>, en Flamand ; <hi rend="i">Liebe</hi>, en Allemand ; <hi rend="i"
       >Love</hi>, en Anglois.</p>
     <p>Il ne luy fut pas difficile d’expliquer le reste de cet Article.</p>
     <p>On raporte qu’il est de l’un &amp; de l’autre Sexe. C’est à cause que quelques Personnes le
      font toûjours du genre masculin, comme Madame de Villedieu ; &amp; quelques autres toûjours du
      feminin, comme Mademoiselle de Scudery ; ce qui se voit immanquablement dans tous leurs
      Ouvrages.</p>
     <p>On assure pourtant qu’il tient davantage de l’Homme que de la Femme, &amp; en voicy la
      raison. C’est que ses lettres <hi rend="i">o</hi> &amp; <hi rend="i">m</hi>, se trouvent dans
      ce mot <hi rend="i">Homme</hi>, au lieu qu’il n’y a que sa lettre <hi rend="i">m</hi>, qui se
      rencontre dans ce mot <hi rend="i">Femme.</hi></p>
     <p>Il a trois parties de son corps (ce sont ses lettres <hi rend="i">m</hi>, <hi rend="i"
       >o</hi>, <hi rend="i">r</hi>,) faites comme un Monstre, c’est à dire, comme ce mot <hi
       rend="i">Monstre</hi>, où elles se remarquent.</p>
     <p>Il a sa teste, son col, &amp; son ventre, (ce sont ses premieres lettres <hi rend="i"
      >a</hi>, <hi rend="i">m</hi>, <hi rend="i">o</hi>,) renversées dans son estomach, c’est à
      dire, dans ce mot <hi rend="i">estomach</hi>, où elles sont ainsi disposées à l’envers, <hi
       rend="i">o</hi>, <hi rend="i">m</hi>, <hi rend="i">a</hi>.</p>
     <p>Il a une jambe de gruë, c’est à dire, qu’il a pour sa pénultiême lettre un <hi rend="i"
       >u</hi>, comme ce mot <hi rend="i">gruë</hi>, &amp; une queuë de Renar, c’est à dire, qu’il a
      pour sa derniere lettre une <hi rend="i">r</hi>, comme ce mot <hi rend="i">Renar.</hi></p>
     <p>Son employ est de faire connoistre un Pere &amp; une Fille, qui font grand bruit dans le
      Monde. Cela se dit fort à propos de l’Amour, parce que ce mot <hi rend="i">Amour</hi> signifie
      également, &amp; le Dieu d’Amour, &amp; la Passion d’Amour, dont l’un est comme le Pere &amp;
      l’Auteur de l’autre. Ce qui précede en cet Article est facile à expliquer.</p>
     <p>Les petis Enfans le montrent au doigt. C’est quand ils apprennent à lire, &amp; il donne de
      l’exercice aux Eco &amp; aux Presses. C’est à cause qu’il est meslé dans les Chansons, &amp;
      dans les Livres galans. Le reste de ces deux Articles s’explique encor sans peine, &amp; l’on
      ne doute point que les jeunes Personnes du beau Sexe ne regardent le mot d’Amour avec émotion,
      puis qu’à peine l’osent elles prononcer, le déguisant ordinairement sous les mots d’estime,
      d’amitié, de tendresse, &amp; autres semblables. C’est un pas que franchissent aisément les
      grandes Personnes, &amp; les Esprits forts, qui le font entrer dans la plûpart de leurs
      conversations, &amp; qui le voyent avec plaisir dans les Livres &amp; dans les Lettres.</p>
     <p>Voila, Monsieur, l’explication que Madame … a donnée à l’Enigme de M<hi rend="sup">r</hi> de
      Vienne-Plancy, &amp; il me semble qu’elle y quadre assez bien, pour croire que le mot d’Amour
      est son veritable mot. Je suis, &amp;c.</p>
    </quote>
    <p><hi rend="i">J’ajoûte une seconde Explication de ce mesme mot</hi> Amour, <hi rend="i">qui
      m’a esté envoyée par M<hi rend="sup">r</hi> Gon Desormeaux d’Amiens. Voicy les termes dont il
      s’est servy.</hi></p>
    <quote>
     <p>Ce mot <hi rend="i">Amour</hi> est François, &amp; quand il est écrit ou imprimé, c’est avec
      de l’encre, qui est presque toûjours noire. Il est donc presque toûjours vestu de noir, car
      l’Ecriture ou l’Impression qui donne la couleur aux choses, est comme l’Habit dont elles sont
      vestuës. Les deux syllabes qui forment ce mot, sont ses principales parties. La premiere
      syllabe est la lettre <hi rend="i">A</hi>. Qu’y a-t-il de plus simple ? L’autre est <hi
       rend="i">mour</hi>, qui est composée de quatre lettres. <hi rend="i">A</hi>, qui est la
      simple, se trouve dans ce mot <hi rend="i">Ange</hi>, avec qui par conséquent elle a quelque
      chose de commun ; &amp; <hi rend="i">mour</hi>, la syllabe composée, a ces trois lettres, <hi
       rend="i">m</hi>, <hi rend="i">u</hi>, &amp; <hi rend="i">r</hi>, qui sont aussi dans ces deux
      mots <hi rend="i">quatre Elémens</hi>. <hi rend="i">Amour</hi> n’est pas un mot nouveau, ny
      par conséquent d’une nouvelle extraction. Il est formé &amp; naist dans la bouche. Ce n’est
      pas là non plus une basse origine. La bouche a son palais qui est revestu d’écarlate &amp; de
      pourpre, ainsi que la langue. Quoy que ce mot <hi rend="i">Amour</hi> soit déja assez vieux,
      apparemment il ne sera pas si-tost suranné ny banny par l’usage.</p>
     <p>Je m’en vay vous dire quelque chose de son Pere qui est de ma connoissance. <hi rend="i"
       >Amour</hi> François est Fils d’<hi rend="i">Amor</hi> Latin. Le Pere &amp; le Fils ne sont
      pas d’un mesme Païs. <hi rend="i">Amour</hi> est plus grand d’une lettre qu’<hi rend="i"
       >Amor</hi>. <hi rend="i">Amour</hi> &amp; <hi rend="i">Amor</hi> se ressemblent neantmoins
      beaucoup. Il n’y a pas-un trait, c’est à dire pas-une lettre dans <hi rend="i">Amor</hi>, qui
      ne soit dans <hi rend="i">Amour</hi> ; mais <hi rend="i">Amour</hi> a les deux traits de sa
      lettre <hi rend="i">u</hi>, qu’<hi rend="i">Amor</hi> n’a pas. <hi rend="i">Amour</hi> est
      masculin &amp; feminin ; surquoy il faut consulter Vaugelas &amp; l’usage. C’est estre de l’un
      &amp; de l’autre Sexe. <hi rend="i">Amour</hi> a la terminaison, &amp; tout l’air masculin.
      C’est par là qu’il tient plus de l’Homme que de la Femme.</p>
     <p><hi rend="i">A</hi> est la teste du mot <hi rend="i">Amour</hi>, <hi rend="i">m</hi> en est
      le col, &amp; <hi rend="i">o</hi> le ventre. Il faut regarder comment s’écrit ce mot <hi
       rend="i">Estomach</hi>. On y trouve ces trois lettres, <hi rend="i">a</hi>, <hi rend="i"
       >m</hi>, &amp; <hi rend="i">o</hi> mais <hi rend="i">a</hi> la derniere, <hi rend="i">m</hi>
      avant <hi rend="i">a</hi>, &amp; <hi rend="i">o</hi> avant les deux autres, dans un ordre
      renversé. Il y a donc quelque raison, &amp; non pas si surprenante, à dire que la teste, le
      col, &amp; le ventre du mot <hi rend="i">Amour</hi> sont renversées dans l’estomach, Cela est
      monstrueux.</p>
     <p>Dans la mesme maniere de parler, la lettre <hi rend="i">u</hi> qui est dans le mot <hi
       rend="i">Amour</hi>, est la jambe du mot <hi rend="i">Gruë</hi> ; &amp; la lettre <hi
       rend="i">r</hi>, qui est la queuë du mot <hi rend="i">Renar</hi>, est aussi la queuë d’<hi
       rend="i">Amour.</hi></p>
     <p><hi rend="i">Amour</hi> est le mot le plus commun, &amp; il n’est ny extraordinaire ny
      épouvantable. On le trouve dans les Vers &amp; Billets galans ; &amp; s’il se fait quelque
      conversation agreable, quel mot y est plus ordinaire que celuy d’<hi rend="i">Amour</hi> ? Son
      usage ou sa signification est, ou Amour le Dieu, ou la Passion d’Amour, qui font grand bruit
      dans le monde. On peut encor expliquer ce Pere &amp; cette Fille en deux autres sens, prenant
      le Pere pour le cœur, &amp; la Fille pour la passion d’amour, ou bien prenant l’amour, c’est à
      dire la passion d’amour, pour le Pere, &amp; la Jalousie pour la Fille ; car <hi rend="i"
       >Amour</hi>, ce mot <hi rend="i">Amour</hi>, s’employe pour marquer le cœur, pour marquer la
      passion qui s’appelle de ce nom, &amp; pour marquer la jalousie, que les Jaloux n’ont garde de
      nommer jalousie, mais amour, un grand &amp; délicat amour.</p>
     <p>Les Enfans qui apprennent à lire, montrent au doigt les lettres du mot <hi rend="i"
       >Amour</hi>, comme celles de tous les autres mots qu’ils lisent, <hi rend="i">a</hi> par soy
       <hi rend="i">a</hi> ; <hi rend="i">m</hi>, <hi rend="i">o</hi>, <hi rend="i">u</hi>, <hi
       rend="i">r</hi>, <hi rend="i">mour</hi>, <hi rend="i">Amour</hi>. Les jeunes Filles, de la
      maniere qu’on les éleve, ne lisent ce mot qu’avec émotion. Les grandes &amp; les Esprits
      forts, ne font pas de mesme. Rien n’est si commun que de parler d’<hi rend="i">Amour</hi> aux
      Echo, &amp; leur faire repéter ce mot. Enfin comme quantité de Livres parlent d’amour, il ne
      faut pas s’étonner s’il donne de l’exercice aux Presses. Ainsi,</p>
     <quote>
      <lg>
       <l> <hi rend="i">Mercure, vous avez beau faire,</hi></l>
       <l><hi rend="i">De vostre Enigme en vain vous cachez le mistere.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Sa figure, il est vray, m’a d’abord fait grand peur ;</hi></l>
       <l><hi rend="i">Mais ce Monstre à mes yeux s’est bientost fait connoistre.</hi></l>
       <l><hi rend="i">Quand</hi> Amour <hi rend="i">est gravé dans un fidelle cœur.</hi></l>
       <l><hi rend="i">On sçait trouver ce Mot, si caché qu’il puisse estre.</hi></l>
      </lg>
     </quote>
    </quote>
    <p><hi rend="i">On a expliqué cette mesme Enigme sur</hi> l’Alphabet, <hi rend="i">sur</hi> la
     Musique, <hi rend="i">&amp; sur la syllabe</hi> &amp;.</p>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_363">
    <head>[Madrigaux sur la premiere Enigme du Mois de May, dont le Mot estoit la Lanterne]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 363-366.</bibl>
    <p><hi rend="i">Je viens aux deux en Vers que je vous ay envoyées dans ma Lettre du Mois de May.
      Le vray Mot de la premiere, qui estoit une</hi> Lanterne, <hi rend="i">a donné lieu à ces cinq
      Madrigaux.</hi></p>
    <quote>
     <label>I.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Dans les tristes horreurs d’une profonde nuit,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Qui couvroit de ses sombres voiles</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Le Ciel, la Lune, &amp; les Etoiles,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je marchois pas à pas, &amp; sans faire de bruit.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure qui me vit sortir d’une Taverne ;</hi></l>
      <l>Cher Amy, <hi rend="i">me dit-il,</hi> où vas-tu ? viens chez moy.</l>
      <l> Je veux te remener chez toy,</l>
      <l> J’ay pour nous deux <hi rend="i">une Lanterne.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Rault</hi>, de Roüen.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>II.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Mercure, à quoy bon lanterner ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Sans avoir l’esprit angélique,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je tiens le sens énigmatique</hi></l>
      <l><hi rend="i">De vostre Enigme à deviner,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Et veux que par tout on me berne,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Si le Mot n’est pas</hi> la Lanterne.</l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Gavreluche.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>III.</label>
     <lg>
      <l> <hi rend="i">Dans le temps heureux où nous sommes,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Avec</hi> une Lanterne <hi rend="i">en plein midy chercher</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Un Homme à qui les autres Hommes</hi></l>
      <l><hi rend="i">N’eussent aucun defaut, ny tâche à reprocher,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">C’est là, de memoire ancienne,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Ce que faisoit Diogene autrefois,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Quant à moy, si j’avois la tienne,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Mercure, sçais-tu bien ce que je chercherois ?</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Un Belle,</hi></l>
      <l>  <hi rend="i">Qui fust fidelle.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Daubaine.</hi></p>
    </quote>
    <quote>
     <label>IV.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Estant un soir sorty, quoy qu’il fust heure induë,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">J’apperçeus dessous un Auvent</hi></l>
      <l><hi rend="i">Un Filou recourbé, faisant le pied de Gruë.</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Sans</hi> la Lanterne <hi rend="i">d’un Marchand,</hi></l>
      <l> <hi rend="i">Que le hazard amena dans la Ruë,</hi></l>
      <l><hi rend="i">J’aurois peut-estre veu ma Bource sans argent.</hi></l>
     </lg>
     <p><hi rend="sc">Le Vaillant</hi>, de S. Lucien en Normandie.</p>
    </quote>
    <quote>
     <label>V.</label>
     <lg>
      <l><hi rend="i">Sortir dans une nuit si sombre ! suis-je fou ?</hi></l>
      <l><hi rend="i">Je risque à me rompre le cou.</hi></l>
      <l><hi rend="i">Cette obscurité me lanterne,</hi></l>
      <l><hi rend="i">Avalez-viste</hi> la Lanterne.</l>
     </lg>
     <p>L’Amant de Manon.</p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_367">
    <head>[Explications de la seconde énigme dont le sens était le Pont]*</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 367-369.</bibl>
    <p><hi rend="i">La seconde Enigme a esté expliquée sur</hi> l’Alambic, le Fourneau, une Mine, le
     Termomettre, la Forge d’un Maréchal ou Serrurier, le Navire, le Verre, le Charbon, le Sel, la
     Pierre à Fusil, la Platine d’un Fusil, le Creuset, &amp; la Poudre à Canon. <hi rend="i">Aucun
      de ces Mots n’en estoit le veritable. M<hi rend="sup">r</hi> Gardien, M<hi rend="sup"
      >r</hi> Regnier de S. Martial, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Vaillant de S. Lucien en
      Normandie, sont les seuls qui l’ayent trouvé, en l’expliquant sur</hi> un Pont. <hi rend="i"
      >L’Eau &amp; l’Air ne quittent jamais un Pont ; &amp; la Terre, le plus grossier de tous les
      Elemens ; entre dans sa composition. Ce Vers</hi> Des Machines de Philosophe, <hi rend="i"
      >faisant luy seul une Enigme, a esté l’écueil de beaucoup de ceux qui ont voulu deviner. Selon
      Descartes, comme l’Homme seul est capable de penser, il n’y a que luy qui ait une Ame. Tous
      les autres Animaux sont des Machines. Les Chevaux estant au nombre de ces Machines, trouvent
      le milieu d’un Pont plus élevé que ses deux extrémitez, &amp; la peine qu’ils ont à monter,
      est cause qu’ils y produisent du Feu, qui est le plus subtil des Elémens. On pourroit dire,
      que ce ne sont point les Chevaux qui font ce Feu ; mais les Fers qu’ils portent. La réponse
      est fort aisée, puis que le Fer ne produiroit pas de Feu par luy-mesme, sans les Chevaux qui
      luy donnent le mouvement dont il a besoin pour en faire naistre quand il frape le
     Pavé.</hi></p>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_371">
    <head>[Madrigal de M. du Rosier, qui a donné occasion à la Table de l’Extraordinaire]</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 371-372.</bibl>
    <quote>
     <p><hi rend="i">Comme la derniere fois il me resta plusieurs Pieces que j’ay fait entrer dans
       cet Extraordinaire, je n’ay pû y donner place à beaucoup de celles qui m’ont esté envoyées
       depuis un Mois. Je vous les réserve pour le quinziéme Volume que vous aurez en Octobre. J’en
       excepte ce qui a esté écrit sur la Magie Naturelle, estant obligé de le suprimer, par la
       déference que je dois à une Personne d’un tres-grands poids, dont la prudence peut servir de
       regle en toutes choses, &amp; qui a crû que cette matiere estoit délicate pour beaucoup
       d’Esprits. A l’avenir, vous trouverez une Table dans tous les Extraordinaires, qui en
       contiendra les Pieces chacune par chifres, comme celle de l’Ordinaire. Il seroit injuste de
       la refuser, apres que M<hi rend="sup">r</hi> du Rosier l’a demandée par ce galant
       Madrigal.</hi></p>
     <quote>
      <lg>
       <l>Mercure, les Autheurs qui dans vostre Ordinaire</l>
       <l> Courent le Monde tous les Mois,</l>
       <l> Ont bouche en Cour, font bonne chere,</l>
       <l>Et sont traitez chez vous comme de petits Roys.</l>
       <l>Vous leur faites à tous un accueil favorable ;</l>
       <l> Mais ceux qui dans chaque Quartier</l>
       <l> Vous servent selon leur Mestier,</l>
       <l> N’ont pas seulement une Table.</l>
      </lg>
     </quote>
     <p><hi rend="i">Je suis, Madame, votre, &amp;c.</hi></p>
     <p>A Paris ce 15. Juillet 1631.</p>
    </quote>
   </div>
   <div type="article" xml:id="MG-1681-06e_373">
    <head>Avis</head>
    <bibl><title>Extraordinaire du Mercure galant</title>, quartier d'avril 1681 (tome XIV),
     p. 373-375.</bibl>
    <quote>
     <label><hi rend="i">AVIS.</hi></label>
     <p>On avertit qu’il ne faut donner aucun argent pour faire recevoir les Mémoires qu’on
      souhaitera de voir employer dans le Mercure Galant.</p>
     <p>On les mettra tous, pourveu qu’ils ne desobligent point les Particuliers par quelques traits
      satyriques, &amp; que les Histoires qu’on envoyera n’ayent rien qui blesse la modestie des
      Dames.</p>
     <p>On prie qu’on affranchisse les porte de Lettres, &amp; qu’on les adresse toûjours chez le
      Sieur Blageart, Imprimeur-Libraire, Ruë S. Jacques, à l’entrée de la Ruë du Plastre.</p>
     <p>Les Particuliers, ou Libraires des Provinces, qui souhaiteront avoir le Mercure si-tost
      qu’il sera achevé d’imprimer, n’ont qu’à donner leur adresse audit Sieur Blageart, qui a sa
      Boutique dans la Court-neuve du Palais, au Dauphin, &amp; il aura soin de faire leurs paquets
      sur l’heure, &amp; de les faire porter à la Poste, ou aux Messagers qu’ils luy indiqueront,
      sans qu’il leur en couste rien pour la peine qu’il en prendra, parce que lesdits Particuliers
      ou Libraires qui les recevront, en acquiteront le port sur les lieux.</p>
     <p>On a déja prié bien des fois ceux qui envoyent des Mémoires où il y a des noms propres,
      d’écrire ces noms en caracteres tres-bien formez. C’est à quoy on manque tous les jours, &amp;
      ce qui est cause qu’on les met mal. Il y a aussi des Pieces qu’on ne met point, parce qu’elles
      sont trop difficiles à lire.</p>
     <p>Il reste toûjours quantité de Pieces qui auront leur tour, ou dans le Mercure, ou dans
      l’Extraordinaire. Ainsi les Autheurs ne se doivent point impatienter. Les premieres reçeuës
      sont toûjours mises les premieres, à moins que la nouvelle matiere qu’on envoye, ne soit
      tellement du temps, qu’on ne puisse diférer.</p>
     <p>On avertit que les Mercures qui s’impriment en Hollande &amp; en quelques Villes
      d’Allemagne, sont fort peu corrects &amp; tronquez en beaucoup d’endroits.</p>
    </quote>
   </div>
  </body>
 </text>
</TEI>