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<title>Mercure galant, octobre 1680 [tome 13].</title>
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<edition>OBVIL/IREMUS</edition>
<respStmt>
<name>Nathalie Berton-Blivet</name>
<resp>Responsable éditorial</resp>
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<name>Anne Piéjus</name>
<resp>Responsable éditorial</resp>
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<name>Vincent Jolivet</name>
<resp>Édition numérique</resp>
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<publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
<date when="2015"/>
<idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/mercure-galant/MG-1680-10/</idno>
<availability status="restricted">
<licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/"><p>Copyright © 2019
Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la
vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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<p>Pas de Modification : l’OBVIL s’engage à améliorer et à corriger cette ressource
électronique, notamment en intégrant toutes les contributions extérieures, la
diffusion de versions modifiées de cette ressource n’est pas
souhaitable.</p></licence>
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<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre <date>1680</date> [tome 13].</bibl>
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<div type="article" xml:id="MG-1680-10_029" resp="mercure">
<head>[Régal donné à Chastillon sur Seine]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 29-38.</bibl>
<p>La Galanterie regne par tout, & elle n’est pas moins en usage dans les Provinces, que
dans la Capitale du Royaume. Il suffit pour la faire agreablement éclater en quelque lieu,
qu’il soit plein de Gens d’esprit qui aiment la joye, que les Dames y soient bien faites,
& que les Hommes y cherchant à plaire, joignent à beaucoup de complaisance, ces
manieres de vivre aisées, que la connoissance du monde fait acquérir. C’est ce qui se
trouve depuis fort longtemps dans une petite Ville de Bourgogne nommée Chastillon sur
Seine. M<hi rend="sup">r</hi> Soyrot, qui est un des plus considérables de ceux qui
l’habitent, a une fort belle Maison de plaisance, qui n’en est éloignée que de cent pas.
Elle est au milieu de la Prairie. Ce ne sont de tous costez que des chutes d’eau qui
l’environnent. Elle a un fort grand Jardin coupé d'un tres-beau Canal, remply de toutes
sortes de Poissons. Il y en a quantité de monstrueux. Les Terrasses, au milieu desquelles
est bastie cette Maison, sont fort grandes, & ont de hauteur quinze ou seize pieds.
Les Parterres sont placez dans ces Terrasses. Le Canal dont je viens de parler, coupe en
parties égales huit quarrez, dont toutes les Platebandes sont d'Arbrisseaux, & de
Fleurs fort rares. En suite est un jeune Bois de Charmes, planté par compartimens. La
Riviere qui le borde aussi-bien que tout le reste, a plus de trois cens pas de longueur,
& plus de vingt-cinq de large dans toute cette étenduë. Elle est profonde de plus de
quinze pieds, & ses bords semblent avoir esté taillez au niveau, tant elle est droite.
Trois petits Bateaux ou Gondoles, couverts de Toiles peintes, & environnez de Flâmes
& de Giroüettes, servent tous les jours pour le divertissement des Dames. Je ne vous
parleray point des Statuës qui sont sur le bord de cette Riviere, de plus de trente Bustes
rares et antiques, de la beauté de deux Balcons l'un sur l'autre, dont le plus élevé est
couvert de plomb ; d'une infinité de Pots & Quaisses d'Orangers, Jasmins & autres
Fleurs ; d'un tres-agreable Sallon de Peintures, ny enfin d'une Chambre ornée de mille
curiositez & dans un arrangement admirable. Je vous diray seulement que c’est la
promenade ordinaire de tout ce qu’il y a de beau monde à Chastillon, & aux environs,
qu’il n’y passe point d’Etrangers qu’elle n’attire, & que M<hi rend="sup">r</hi>
Soyrot ayant voulu depuis peu de temps donner une Feste aux Dames, choisit ce beau lieu
pour les régaler. Le Repas se fit sans confusion, quoy qu'il eust invité cinquante
Personnes. Les Tables furent dressées dans le Sallon de Peintures, mais d'une façon
extraordinaire, c'est à dire, qu'elles furent rangées du costé des Tableaux, & qu'on
n'y laissa que l'espace necessaire pour chacun des Conviez. Ainsi elles furent servies par
le milieu en ambigu, avec une propreté surprenante. Les Pyramides de Fruits toutes
couvertes de Fleurs, faisoient un effet charmant. Le Bufet qui avoit esté construit de
verdure dans le dehors, estoit tout plein de lumieres, aussi-bien que le Sallon. Les
Violons & les Hautbois se firent entendre pendant le Soupé, les derniers sur la
Terrasse, & les autres dans un des Balcons. Au sortir de table, on commença à dancer,
& une heure apres tout le Jardin se trouva illuminé. La mesme chose sur le bord de la
Riviere. À l’endroit où finissoit la Terrasse, estoit un Theatre, sur lequel on voyoit un
Piedestal haut de quatre pieds, avec une Pyramide de dix autres pieds sur ce Piedestal,
& tout au haut un Soleil sur une Lanterne qui estoit aussi de quatre pieds. Tout
estoit garny de Feu d’artifice sur cette hauteur. Quantité de Vers galans & de
Devises, ornoient cette Pyramide & le Piedestal. On avoit peint grand nombre
d’Emblêmes autour de la frise du Theatre. Quatre petites Pieces de Canon que l’on
entendit, firent connoistre qu’on alloit tirer le Feu. Six Tambours, avec les Fifres,
Hautbois & Trompetes, répondirent à ce bruit, & en mesme temps ce fut un éclat
prodigieux de plus de quinze cens Petars, Saucissons, Serpenteaux, Grenades, Lances à feu
& Fusées volantes, qui firent un effet d’autant plus beau, que la nuit sembloit avoir
une obscurité extraordinaire. Il y avoit plus de quatre mille Personnes dans le Jardin,
& beaucoup plus au delà de la Riviere. Apres ce Spectacle, on recommença la Dance,
& la Feste ne finit qu’avec le jour.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_189" resp="mercure">
<head>Air nouveau</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 189-190.</bibl>
<p>L’air de la nouvelle Chanson que je vous envoye est de M<hi rend="sup">r</hi>
Charpentier.</p>
<quote>
<label>AIR NOUVEAU.</label><note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour
placer les Figures</hi> : l’Air qui commence par <hi rend="i">Consolez-vous, chers
Enfans de Bacchus</hi>, doit regarder la page 189.</note>
<lg>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space>Consolez-vous, chers Enfans de Bacchus,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>A quoy bon ce chagrin
étrange,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>En voyant nostre
Vendange</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Couler avec si peu de
jus?</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space>Nous n’en aurons pas en abondance,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Mais en récompense</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Nostre Vin nouveau</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Vendangé sans eau,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space><space rend="tab"> </space>Sera si fin,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Si divin,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Si fort, si puissant,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Si bon, si charmant,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space><space rend="tab"> </space>Si brillant,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space><space rend="tab"> </space>Si petillant,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Qu’un seul Verre dans
un Ecot,</l>
<l rend="i">Fera plus de fracas que n’auroit fait un Pot.</l>
</lg>
</quote>
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</figure>
</ref>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_190" resp="mercure">
<head>[Magnificences faites à la Reception d’un Medecin de Montpellier]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 190-208.</bibl>
<p>Il n’y a personne qui ne connoisse dans quelle estime est l’Université de Montpellier,
mais peut estre ignore-t-on, que chacun de ceux qui s’y font passer Docteurs en Medecine
ou en Droit, estant obligé de donner une Feste à ses Amis, selon la dépense qu’il peut
soûtenir, ces Festes sont quelquesfois d’une magnificence extraordinaire. Telle a esté
celle qu’a donnée depuis un mois M<hi rend="sup">r</hi> Barbairac, à l’occasion d’un Fils
unique reçeu dans la Faculté. C’est un Medecin qui possede quatre ou cinq cens mille
livres de bien, & qui tous les ans en gagne encor quinze ou vingt. Une si grande
richesse ne doit pas vous étonner, la Medecine estant florissante à Montpellier, & y
attirant de tous les lieux de l’Europe un nombre infiny d’Etudians. Quoy que ce Fils n’ait
aucun dessein de l’exercer la complaisance qu’il a pour un Pere dont les fatigues luy ont
assuré une si haute fortune, l’a engagé à demander le Bonnet. Aussi a-t-il pris l’Epée
aussi-tost apres la reception au Doctorat. Voicy quelle en fust la Cerémonie. Un jour
avant qu’elle se deust faire, M<hi rend="sup">r</hi> Barbairac alla avec luy chez tout ce
qu’il y a de Personnes de qualité dans la Ville, pour les prier de se rendre le lendemain,
selon la coûtume, à la Faculté de Medecine, où l’on devoit recevoir son Fils Docteur. Les
Dames invitées pour la plûpart aux Actes publics de cette nature, ne manquerent pas de s’y
trouver. Les Hommes, pour luy faire plus d’honneur, voulurent aller chez luy, afin de
l’accompagner au lieu destiné pour l’Assemblée. C’estoit une grande Salle, tapissée d’une
Hautelisse achetée exprés, la plus magnifique qu’on eust pû trouver. Tous les Bancs
aussi-bien que la Chaise du Docteur, estoient garni d'un Drap bleu, avec des Chifres de
soye & d'or en plusieurs endroits. Ces Chifres servirent d'abord d'amusement à la
Compagnie chacun s'attachant à les expliquer. On en vint à bout sans beaucoup de peine.
[On]<note resp="editor">Mot manquant dans le <hi rend="i"
>Mercure galant</hi>.</note> recherchoit une Fille de naissance, & cette recherche estant
approuvée, on connut bien-tost que c'estoit son Nom entrelassé avec celuy de la Belle. Le
Pavé estoit parsemé de Laurier & d'Herbes, avec force Fleurs. On observa les
Cerémonies accoûtumées à le recevoir Docteur. On sortit ensuite, & on le remena chez
luy dans l’ordre suivant. Quatorze Violons marchoient les premiers, avec Six Hautbois,
& quatre Trompetes. Ils précedoient le nouveau Docteur, vétu d’une Robe noire, ayant
un Bonnet carré couvert de soye rouge, une Chaîne d’or qui luy servoit de Ceinture, &
un Diamant au doigt d’un prix tres considérable. On le voyoit au milieu des Professeurs de
la Faculté, qui portoient leurs grandes Robes de Brocard rouge, avec des Bonnets couverts
de soye de mesme couleur. Ils estoient suivis de plus de deux cens Docteurs, chacun en
Robe noire & en Bonnet, marchant deux à deux, & ayant à leur teste leurs quatre
Bedeaux en Robe & en Bonnet ainsi qu'eux. Ces Bedeaux portoient chacun une longue
Masse d'argent. Les Parens & les Amis fermoient cette marche, les Dames vétuës avec
une propreté admirable, & les Hommes dans un tres-grand ornement, chacun se piquant de
contribuer à la beauté de la Feste. Le chemin depuis le lieu où l'on avoit fait la
Cerémonie jusqu'à la Maison du nouveau Docteur, estoit parsemé d'Herbes & de Fleurs,
ainsi qu'à la Faculté. En arrivant, on vit devant le Logis un Arc de triomphe, fait de
branches de Laurier, & de quantité de Bouquets de fleurs mélées ensemble, avec des
Tableaux, remplis tous des Chifres que je vous [ai]<note resp="editor">Mot
manquant dans le <hi rend="i">Mercure galant</hi></note> déja expliquez. Sitost qu'on fust
entré dans cette Maison, qui est une des plus belles & des mieux meublées de la Ville,
chacun congratula le Docteur, & on le fit avec des témoignages de joye d'autant plus
sinceres, que ses belles qualitez le font estimer de tous les honnestes Gens. Il est bien
fait, a la taille belle, de l'esprit infiniment ; & comme il est libéral, & qu'il
fait une tres-belle dépense, il voit tout ce qu'il y a de beau Monde à Montpellier, &
est bien reçeu par tout. Les complimens faits, on pria la Compagnie de passer dans une
Salle, qu’on avoit ajustée tres-proprement. Elle estoit fort grande, & tapissée d’un
Brocard couleur d’or, avec de l’argent mélé. Les Chaises estoient garnies de mesme, &
avoient pour ornement des Chifres en broderie. Comme c’estoit la Salle de Bal, le jour en
avoit esté chassé dés trois heures apres midy, afin que la Dance eust plus de grace,
estoit reparé par douze grands Lustres qui l’éclairoient, ainsi que des Bras dorez
attachez de toutes parts. Apres que chacun se fust placé, le Docteur parut au milieu de
l’Assemblée, mais fort diférent de ce qu’il estoit un moment auparavant. Un Habit de
Cavalier rehaussoit sa bonne mine, & c’estoit un air galant qui faisoit bien voir que
la Medecine n’estoit point son fait. Il alla prendre Mademoiselle de Bompar, Fille d’un
Gentilhomme qualifié de ce mesme nom, & commença le Bal avec elle. Vous jugez-bien
qu'il luy rendit cet honneur en qualité d'Amant déclaré. Cette Belle est grande, fort bien
faite, a des cheveux noirs, les yeux de mesme, le teint du monde le plus uny & le plus
blanc, la gorge charmante, l'humeur enjoüée, & une propreté qui fait qu'on l'admire
dans ses habits les plus négligez. Elle estoit habillée ce jour-là d'une Gaze couleur de
feu à grandes fleurs, avec une Jupe toute de Point d'Angleterre, coëfée de ses seuls
cheveux, & ayant une Garniture de petit Ruban jaune & blanc qui luy donnoit un
fort grand éclat. Aussi n'y eut-il personne qui n'avoüast que le prix de la beauté luy
apartenoit. Le Bal dura jusqu’à huit heures, apres quoy la Compagnie se dispersa dans
quatre Chambres, preparées pour le Soupé. Il y avoit dans chacune une Table de vingt-cinq
Couverts, avec six Lustres pour l'éclairer. Ces quatre Chambres estoient tapissées d'un
petit Brocard, l'un blanc, & les trois autres, jaune, vert, & rouge, les Chaises
de mesme, & par tout des Chifres. Rien ne manqua au Régal, ny pour la magnificence, ny
pour le bon ordre. Il y eut six Services à chaque Table, & douze Plats à chacun.
Pendant le Soupé, un Chœur de Musique préparé dans chaque Chambre, fut un agreable
divertissement pour les Conviez. Il estoit interrompu de temps en temps, par les Violons
qui alloient par tout. À peine eut-on desservy, qu’on vint avertir les Dames que la
Comédie les attendoit. On ne songeoit à rien moins qu’à ce plaisir. On l’alla prendre dans
une grande Salle basse, où une Troupe de Comédiens avoit fait dresser un Theatre fort
galant. La Tapisserie de cette Salle estoit blanche, toute enrichie de Ruban-Ponceau, qui
faisoit le plus bel effet du monde. Les Comédiens représenterent <hi rend="i">la
Devineresse</hi>, avec tous ses ornemens, & dans cette Représentation Madame Jobin
se mit de si belle humeur, qu’elle réjoüit toute l’Assemblée. La Comédie faite, on repassa
dans la mesme Salle où s’estoit tenu le Bal. Il y fust recommencé avec le mesme ordre ;
& apres qu’on eut encor dancé environ deux heures, on vit paroistre douze grands
Valets habillez fort proprement, & portant chacun une Corbeille pleine de Boetes de
Confitures, garnies au dehors de Rubans de diférentes couleurs. La nuit qui estoit déja
fort avancée obligeant les Dames à se retirer, on prit congé du Docteur, & en sortant
on fut fort surpris de voir la Rue aussi éclairée que l'estoient les Salles de cette
Maison. On y avoit suspendu des Lustres, & vingt Carrosses attendoient les Dames avec
cent Valets, tenant chacun un Flambeau. Elles furent toutes conduites chez elle avec cette
pompe. On continua la Feste pendant les trois jours suivans entre les plus intimes Amis.
On ne manquoit point d’aller tous les soirs donner une Serenade à la belle Mademoiselle de
Bompar avec un Chœur de Musique & les Violons, qui demeuroient là une partie de la
nuit, éclairez par une si grande quantité de Flambeaux, qu’il ne s’est jamais rien veu de
plus magnifique. Je n’ajoûte rien à ce Mémoire ; je crains mesme que le zele de celuy qui
l’a dressé en faveur de son Amy, ne l’ait emporté un peu trop loin.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_262" resp="louise">
<head>[Vue de l'étang du palais de Buen Retiro]*</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 262-264.</bibl>
<note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer les Figures</hi> : La Veuë
de l’Etang du Buen Retiro, doit regarder la page 263.</note>
<p>La Relation du Mariage de la Reyne d’Espagne, qui explique ce que c’est que l’Acte de
Délivrance dont je viens de vous parler, contient une Planche où est gravée la Maison
Royale du <hi rend="i">Buen-Retiro</hi>. Vous vous souvenez, Madame, que cette Princesse y
demeura jusqu’à son Entrée publique. Apres vous avoir donné la Veuë de ses Bâtimens, il
faut venir aux Jardins. Ils ont, entre autres beautez, deux Etangs considérables. Tout ce
qui sert d’ornement au plus petit, est gravé dans cette Planche. Vous trouverez, en
jettant les yeux dessus, qu’il doit estre d’un fort agreable aspect.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_279" resp="mercure">
<head>[Préparation du <hi rend="i">Triomphe de l’Amour</hi>] *</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 279-281.</bibl>
<p>Le retour de la santé de Monseigneur le Dauphin, dont M<hi rend="sup">r</hi> Daquin &
M<hi rend="sup">r</hi> Fagon ont toûjours eu soin, a causé une joye extraordinaire à
toute la Cour. Il n’est point de termes qui puissent marquer combien Madame la Dauphine en
ressentit au moment qu’on luy apprit qu’il n’avoit point eu d’accés. Elle fit tant de
carresses à celuy qui luy porta le premier cette nouvelle, qu’on peut dire que tout son
cœur se montra. La convalescence de ce jeune Prince fait qu’on prépare à la Cour avec plus
d’empressement & de plaisir, un Balet, qui doit y estre dancé aussitost apres Noel. Je
dis Balet, parce que ce n’est point un Opéra. Il n’y aura point de Comédie. Ce seront des
Entrées mêlées de Recits, & le tout sera nommé, <hi rend="i">Le Triomphe de
l’Amour.</hi> On y verra les Conquestes de ce Dieu sur tous les cœurs, qui auront passé
pour insensibles. Monseigneur le Dauphin, Madame la Dauphine, plusieurs Princes,
Princesses, Grands Seigneurs & Dames de la Cour, danceront dans ce Balet.</p>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_281" resp="mercure">
<head>[Entrée de M. Gombaut Envoyé Extraordinaire du Roy à la Cour de M. le Landgrave de
Hesse-Cassel]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 281-307 [extraits p.
281-307].</bibl>
<p>M<hi rend="sup">r</hi> de Gombaut, Envoyé Extraordinaire de Sa Majesté, a esté à la Cour
de M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave de Hesse-Cassel, où la considération
tres-particuliere qu’on a partout pour le Roy, l’a fait recevoir comme Ambassadeur, c’est
à dire, avec les mesmes honneurs que l’on rend à ceux qui ont cette qualité. Je vous diray
sur l'origine du mot de Landgrave, que les Allemans appellent les Comtes <hi rend="i"
>Graven</hi>, qui en vieux langage, signifie Juge & les Latins les appelle <hi
rend="i">Comites</hi>, parce qu'anciennement la justice estoit renduë à la Cour, &
que ces Juges accompagnoient toûjours l'Empereur. Phatlzgrave, Markgrave, & Burgrave,
sont d'autres noms composez du mot <hi rend="i">Graven</hi> ainsi que Landgrave, &
restraints par ceux de <hi rend="i">Phaltz, Mark, Land, & Burg</hi>, qui veulent dire,
Palais, Frontiere, Païs, & Forteresse. Ainsi Phaltzgrave, signifie Chef de Justice du
Palais Impérial; Markgrave, Juge d'un Province Frontiere; Landgrave, Juge d'une Province
mitoyenne; & Burgrave, Gouverneur de quelque importante Forteresse, ayant droit
d'administrer la Justice dans tout son Gouvernement. LE Phaltzgrave, c'est à dire, le
Comte Palatin, estoit autrefois Chef de la Justice. Il n'y avoit point d'appel qui ne
vinst à luy, & il décidoit avec l'Empereur de toutes les grandes Affaires. Les abus
que commettoient les Landgraves & les autres, ayant obligé l'Empereur d'envoyer les
Phaltzgraves en divers endroits pour empécher l'injustice, insensiblement ces Comtes
Palatins s'apropriérent les Provinces de Saxe, de Baviere, de Franconis, & du Rhin.
Quoy que ces quatre Principautez ayant eu la qualité de Palatinat, il n'y a plus que la
derniere qui joüisse de ce titre. Les Markgraves & les Landgraves, qui n'avoient pour
but au commencement que la conservation de l'équité entre les Sujets de l'Empire, prirent
soin ensuite d'empécher que l'Ennemy ne fist tort à ceux de leur Jurifiction, & enfin
ils éleverent leurs Charges en un si haut point, que la négligence des Empereurs laissant
diminuer leur autorité, au lieu d'Officiers, ils devinrent proprietaires des Provinces
qu'ils avoient en garde. De tous les Landgraves, il n'y a plus que la Maison de Hesse qui
ne fasse son principal titre. Le Landgraviat d'Alsace, a esté transporté au Roy de France,
par le Traité de Munster; celuy de Lauctemberg, à la Maison de Baviere, par le Mariage du
Duc d'Albert avec Mechtildis, Heritiere de cette Principauté; celuy de Turinge, apartient
aux Ducs de Saxe; celuy de Sausemberg, à un Marquis de Bande; & celuy de Nollembourg à
la Maison d'Autriche. Outre ces Landgraviats, les Comtes de Furstemberg se qualifient
Landgraves de Stillengen, & de Bath, & ceux de Sultz, se disent Landgraves de
Klegau. Cependant, ils préferent le titre de Comte. La Maison de Hesse, qui descend de
Charlemagne, peut disputer d'ancienneté avec tout ce que l'Allemagne a de plus illustre.
Henry de Brabant, qui ne estoit le premier Landgrave, mourut en 1308. & n'a eu que de
grands Hommes pour Successeurs. Cette Maison est divisée en deux Branches, depuis
l'accommodement qui fut moyenné par Ernest de Saxe en 1647 entre Guillaume VI &
George, tous deux appellez au droit de leurs Peres, à la Succession du Landgrave Loüis
leur Grand Oncle, mort sans Enfans en 1604. Guyillaume, fut Chef de la Branche de Cassel
qui est l'Aînée, & épousa une Soeur de l'Electeur de Brandebourg. Les deux Princesses
ses Soeurs ont esté mariées, l'une a Henry-Charles de la Trimoüille, Duc de Toüars, Prince
de Tarente, & l'autre, à Charles-Loüis, Electeur Palatin, denier mort. George, Chef de
la Branche de Darmestadt, qui est la Cadete, a esté marié à la FIlle aïnée du feu Electeur
de Saxe, & est mort en 1661. Son Fils Aîné a épousé une Fille de Frideric, Duc de
Holstein, & une Soeur mariée à Philippe Guillaume, Duc de Neubourg. Vous voyez par là
que chacune de ces Branches à des Alliances tres-considérables. L'une, suit la Réforme de
Luther; & l'autre, celle de Calvin.</p>
<p>Je viens aux honneurs rendus à nostre Envoyé Extraordinaire. Vous en trouverez la
Relation dans cette Lettre d’un Allemand de Cassel qu’on a fait traduire. Il écrit du 24.
d’Aoust à un des ses Amis de Paris.</p>
<quote>
<label><hi rend="sc">Traduction</hi>
</label>
<label><hi rend="sc">d’une lettre</hi>
</label>
<label><hi rend="sc">d’un allemand</hi></label>
<label><hi rend="sc">de Cassel.</hi></label>
</quote>
<quote>
<p><space rend="tab"> </space><hi rend="i">Il faut que je vous fasse part de la joye que
M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave a fait voir de l’arrivée d’un Envoyé
Extraordinaire du Roy de France, & des marques qu’il luy en a données pendant le
sejour qu’il a fait icy. On ne peut faire paroistre plus de reconnoissance de
l’honneur qu’il a reçeu d’un si grand Monarque, ny plus d’estime pour celuy à qui cet
Employ a esté donné. On nous a dit que c’estoit un Gentilhomme ordinaire de la Maison
du Roy, nommé M<hi rend="sup">r</hi> de Gombaut. Il paroist âgé d’environ de
trente-sept ans, est bien fait de sa personne, a l’air noble, & passe dans cette
Cour pour un Homme universel. Il arriva le 8. de ce Mois en cette Ville, & envoya
aussi-tost son Secretaire au Premier Ministre de M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave,
& au Maréchal & Grand-Maistre de la Cour, pour leur en donner avis. Le mesme
jour, M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave l’envoya complimenter sur son heureuse
arrivée, par un de ses Premiers Gentilhommes, qui luy dit qu’on le viendroit prendre
le lendemain sur les onze heures, pour le conduire à l’Audience. Les Carrosses
arriverent à l’heure marquée. Il monta seul dans l’un des trois que luy envoya le
Prince. Ce Carrosse estoit des plus magnifiques, & tiré par six Chevaux d’une
admirable beauté. Ses Officiers entrerent dans les deux autres, avec des Gentilshommes
de M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave. En suite, marcherent les Carrosses de
l’Envoyé, tres-propres, & tirez aussi par six Chevaux, & un fort grand nombre
d’autres Carrosses des Princes, & Princesses qui sont dans cette Cour, & des
Personnes de qualité qui la composent. Le Train de cet Envoyé estoit fort leste. En
arrivant au Chasteau, il y trouva la Garde du Prince qui estoit en haye, Tambour
batant, & Enseignes déployées. Son Carrosse avança jusqu'au pied de l'escalier, où
il fut reçeu par le Maréchal & Grand-Maistre du Prince, accompagnez de quarante
Gentilshommes. Ils le devancerent tous jusqu'à la Porte de l'Antichambre, où le Prince
se trouva. D'abord qu'il parut, tout le monde se rangea pour le laisser avancer vers
l'Envoyé. Apres quelques complimens, ils entrerent tous deux de front dans la Chambre
du Prince, où ils demeurerent assez peu de temps. Au sortir de là, cet Envoyé alla
salüer Madame la Landgrave Regente, avec qui estoient Madame la Landgrave Doüairiere,
Madame l'Electrice Palatine, la Princesse Soeur de M<hi rend="sup">r</hi> le
Landgrave, & la Princesse de Curlande, Sœur de Madame la jeune Landgrave. Toute
cette Cour se trouva dans l'Antichambre, où elle s'estoit avancée pour le recevoir. Il
leur fit à toutes des complimens diférens, mais si justes, qu'il n'y en eut aucune qui
n'admirast son esprit. L'heure du Dîné estant venuë, on servit un magnifique Repas.
Les Princesses prirent place, & l'Envoyé fust assis entre M<hi rend="sup">r</hi>
de Landgrave, & le Prince Philippe son Frere. Il eut le Cadenas ainsi que les
Princes, & un Gentilhomme faisoit l'essay avant que de luy donner à boire. Ce
Gentilhomme demeura toûjours de garde aupres de luy, pour prendre soin que rien ne luy
pust manquer. Apres le Repas, il alla rendre visite au Prince Philippe, & à toutes
les Princesses séparement, & fut charmé de la beauté, & de l'esprit de la
Princesse de Curlande, qui répondit en François aux complimens qu'il luy fit. En suite
on le conduisit dans un tres superbe Apartement de plein pied, à celuy de M<hi
rend="sup">r</hi> le Landgrave, qui luy rendit sa visite dés ce mesme jour. Il a
continué de manger avec le Prince, & les Princesses, & l'on a remarqué que
Madame la Landgrave Regente, pour luy faire plus d'honneur, a presque tous les jours
changé d'Habit. Elle en mettoit de tres-magnifiques, que Madame la Princesse de
Tarante luy envoye de France. M<hi rend="sup">r</hi> de Gombaut en a aussi changé fort
souvent, & on luy en a veu d'une riche Broderie, que l'on a trouvez aussi superbes
que bien entendus. Comme il s'est heureusement rencontré dans cette Cour le jour de la
Naissance du Prince, il luy fit un fort galant Présent d'Eventails, de Miniatures, de
Pomades, Essences, Parfums, Gands, & autres curiositez. M<hi rend="sup">r</hi> de
Landgrave témoigna l'estime qu'il en faisoit, en les distribuant aux Princesses qui en
firent un honneur de tres-bonne grace à cet Envoyé. Tous les jours de son sejour n’ont
esté que Festes, le Prince l’ayant toûjours régalé splendidement avec Symphonie &
Musique de toutes sortes. Il a eu souvent le divertissement de la Chasse, & sur
tout de celle des Cerfs dans les Toiles, où il a montré son adresse en les tuant à
coups d’Epée & de Pistolet. La plus galante & la plus considérable des Festes
qu’on luy a données, a esté celle du 14. de ce mois. Elle commença par un grand Soupé,
servy dans un Cabinet richement orné de Peintures & de Lustres. Ce Cabinet est sur
la Terrasse du grand Jardin qui donne sur le Véser, au dela duquel, & vis-à-vis du
Cabinet, M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave avoit fait construire un Fort dans une
grande Prairie. Toute la Garnison estoit rangée en bataille, entre le Fort & cette
Riviere, & sous la Terrasse du Jardin, on avoit placé un grand nombre de Canons
& de Bombes, qui tirerent toutes aussi bien que le reste de l'Artillerie, lors que
M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave but à la Santé du Roy, & que l'Envoyé luy en
fit raison. Quand on eut soupé au son de toute sorte d’Instrumens, placez à une juste
distance pour ne nuire pas à la conversation ; les Dragons qui estoient en deça de la
Riviere, la passerent sous le feu du Canon, & vinrent donner avec le reste des
Troupes par trois endroits diférens. Le feu fut considérable, tant des Attaquans que
des Attaquez, & dura une heure. Le Fort ayant enfin esté pris d’assaut, on y
entendit de grandes Fanfares de Tambours & de Trompetes. Cela fut suivy d'un
tres-beau Feu d'Artifice, que l'on avoit preparé le long du Veser. Ce Feu estoit
composé d'un nombre presque infiny de Fusées volantes, qui firent un tres-agreable
effet ; apres quoy on retourna à la Ville dans des Caleches richement parées, chacune
attelée de six Chevaux. La quantité des Flambeaux qui les éclairoient, sembloit avoir
ramené le jour, & il n'y avoit rien de si beau que ce Cortege. Je ne puis finir ma
Lettre, sans vous apprendre la joye que tous les Catholiques de Cassel ont euë en
particulier, de l’arrivée de M<hi rend="sup">r</hi> de Gombaut. Ce sera par là que
vous connoistrez les respectueux égards qu’a nostre Prince, pour le Roy de France,
puis qu’il a accordé à son Envoyé la permission de faire celebrer publiquement la
Messe dans Cassel, ce qui n’avoit esté permis à aucun depuis plus de trente années,
non pas mesme à feu M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Longueville, lors qu’il y passa
pour le Traité de Munster. M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave luy avoit offert un
Lieu particulier dans son Palais, pour y entendre la Messe, à huit clos, avec toute sa
Maison, mais il aima mieux la faire dire dans le Logis où estoit son Train, croyant
que cela feroit plus d’honneur à sa Religion, & seroit plus utile aux Catholiques
Hessiens, qui n’auroient osé venir au Palais du Prince. M<hi rend="sup">r</hi> le
Landgrave a eu beaucoup de regret de le voir partir si tost, & pour l'obliger à se
souvenir de sa Cour, il luy a fait présent de six grands Gobelets, d'un grand Bassin
cizelé, & d'une Eguiere faite en Autruche qui est sur une Montagne, avec un petit
Cupidon sur le dos de cette Autruche, tui tient une Chaîne pour estre son Guide. C'est
un travail qu'on peut dire rare, & qui surpasse infiniment la matiere. M<hi
rend="sup">r</hi> de Gombaut a répondu à cette libéralité, en donnant quantité de
Médailles qui contiennent les grandes Actions du Roy dans ses dernieres Campagnes,
& faisant d'extraordinaires largesses à une partie des Officiers de M<hi
rend="sup">r</hi> le Landgrave, qui a eu la genérosité de défrayer tout son Train,
pendant le temps qu'il a esté à Cassel. Il est retourné à Munster, où l'Evesque de ce
nom luy donne des marques de son estime, & reconnoist en sa Personne l'honneur
qu'il reçoit d'avoir aupres de luy, de la part du Roy de France, un Envoyé dont le
mérite se fait connoistre par tout.</hi></p>
</quote>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_333" resp="mercure">
<head>Le Bavolet</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 333-335.</bibl>
<p>Voicy le Bavolet<note resp="editor">Catherine Cessac attribue le texte de cet air à J. Donneau de Visé
(<hi rend="italic">Bulletin de la Société Marc-Antoine Charpentier</hi>, « Airs sérieux et à
boire », n° 20 (2003), p. 3).</note> de M<hi rend="sup">r</hi> Charpentier, que vous avez tant d’envie de
voir noté, & que la Troupe de Guenegaud adjoûta dés l’année derniere à la galante
Piece de <hi rend="i">l’Inconnu</hi>. Comme on en doit donner quelques Représentations
incontinent apres la Toussaints, ceux de vostre Province qui s’y trouveront, pourront vous
dire combien cette agreable Chanson est aimée.</p>
<quote>
<label>LE BAVOLET.</label><note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Avis pour placer
les Figures</hi> : l’Air qui commence par <hi rend="i">Ne fripez poan mon
Bavolet</hi>, doit regarder la page 334.</note>
<lg>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Ne fripez poan mon
Bavolet,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>C’est aujordy Dimanche.</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Je vous le dis tout net,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>J’ay des éplingues sur
ma manche,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Ma main peze autant
qu’al est blanche,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Et vous gagnerez un souflet,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space>Ne fripez poan mon
Bavolet,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>C’est aujordy Dimanche.</l>
<l/>
<l rend="i">Attendez à demain que je vaze à la Ville,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>J’auray mes vieux habits,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space><space rend="tab"> </space>Et les Lundis,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Je ne sis pas si difficile ;</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Mais à présent, tout franc,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Si vous faites l’impartinent ;</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space><space rend="tab"> </space><space rend="tab"
> </space>Si vous gastez mon linge blanc ;</l>
<l rend="i">Je vous barray comme il faut de la haste,</l>
<l rend="i">Je vous bateray, pinceray, piqueray,</l>
<l rend="i">Je vous moudray, grugeray, pilleray,</l>
<l rend="i">Menu, menu, menu, comme la chair en paste ;</l>
<l rend="i">Hom, voyez-vous, j’avon une tarrible taste,</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space>Que je cachon sous not bonnet ;</l>
<l rend="i"><space rend="tab"> </space>Ne fripez poan mon Bavolet, &c.</l>
</lg>
</quote>
<ref target="images/1680-10_333.JPG">
<figure>
<graphic url="images/1680-10_333.JPG"/>
</figure>
</ref>
</div>
<div type="article" xml:id="MG-1680-10_335" resp="mercure">
<head>[Tragédie nouvelle]</head>
<bibl><title>Mercure galant</title>, octobre 1680 [tome 13], p. 335-337.</bibl>
<p>La grande Troupe, qui est à présent l’unique, a représenté dans ce mois pour Piece
nouvelle, <hi rend="i">le Solyman</hi> de M<hi rend="sup">r</hi> de la Tuilerie, dont on a
fort estimé les Vers. Elle va souvent joüer à Versailles dans l’Apartement de Monseigneur
le Dauphin, où elle divertit ce jeune Prince depuis le retour de sa santé. Mademoiselle de
Chammeslé, qui n’avoit point encor eu l’honneur de joüer devant Madame la Dauphine, y a
paru avec tant d’éclat, que quoy que cette Princesse en eust entendu dire beaucoup de
bien, elle en a trouvé encor davantage, & est demeurée d’accord qu’il n’y eut jamais
une maniere de joüer plus propre à toucher le cœur.</p>
</div>
</body>
</text>
</TEI>