livraisons/MG_1693.xml

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      <titleStmt>
        <title>Mercure Galant, 1693</title>
      </titleStmt>
      <editionStmt>
        <edition>OBVIL/IREMUS</edition>
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          <name>Anne Piéjus</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
        </respStmt>
        <respStmt>
          <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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          <name>Thomas Soury</name>
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      <publicationStmt>
        <publisher>Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL</publisher>
        <date when="2016"/>
        <availability status="restricted">
          <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
            <p>Copyright © 2016 Université Paris-Sorbonne, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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          </licence>
        </availability>
      </publicationStmt>
      <sourceDesc>
        <bibl><title>Mercure Galant</title>, <publisher>Charles de Sercy</publisher>, <date>1693</date>.</bibl>
      </sourceDesc>
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        <date when="1693"></date>
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        <language ident="fr"></language>
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  <text>
    <body>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-01">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, janvier 1693 [tome 1]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_012" resp="wordpro">
          <head>Vers libres</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 12-16.</bibl>
          <p/>
          <p>J’ajoûte une Priere d’une autre nature. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> de Boisimon d’Angers, &amp; a esté faite pendant le cours d’une maladie, qui avoit déja duré quatre mois.</p>
          <quote>
            <label>VERS LIBRES.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> De l’abîme de ma misere,</l>
              <l rend="i">Si ma voix se peut faire entendre jusqu’aux Cieux,</l>
              <l rend="i"> Daigne sur moy jetter les yeux ;</l>
              <l rend="i"> Seigneur, écoute ma priere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Accablé de cent maux qui croissent tous les jours,</l>
              <l rend="i">A peine puis-je encore implorer ton secours.</l>
              <l rend="i">Par la brûlante ardeur d’une fiévre cruelle,</l>
              <l rend="i">Mon corps est alteré, diminuë &amp; chancelle,</l>
              <l rend="i">Et depuis quatre mois un excés de douleurs</l>
              <l rend="i">M’a fait plus d’une fois baigner mon lit de pleurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">A tes pieds prosterné je te les sacrifie ;</l>
              <l rend="i">Mais au lieu de finir ma languissante vie,</l>
              <l rend="i"> Quoy que je l’aye merité</l>
              <l rend="i"> A tant de vœux rens-toy propice,</l>
              <l rend="i"> Et fais, Seigneur, que ta justice</l>
              <l rend="i"> Aujourd’huy cede à ta bonté.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ce n’est point pour goûter de criminels plaisirs</l>
              <l rend="i"> Que je demande encor à vivre.</l>
              <l rend="i">Les violens remords où mon ame se livre,</l>
              <l rend="i">La condamnent, helas ! à d’éternels soupirs ;</l>
              <l rend="i"> Et quand j’implore ta clemence,</l>
              <l rend="i">Quand j’ose pour mes jours humblement te presser,</l>
              <l rend="i">C’est que, si j’ay vescu vingt ans pour t’offenser,</l>
              <l rend="i">J’en voudrois vivre autant pour faire penitence.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Lors que tu me fais voir les horreurs de la mort,</l>
              <l rend="i">Je ne succombe point aux foiblesses de l’âge,</l>
              <l rend="i">(Quoy que mourir si-tost paroisse un rude sort.)</l>
              <l rend="i">Quand je vois de mes jours le détestable usage,</l>
              <l rend="i">Quand je repasse en moy combien je fus peu sage,</l>
              <l rend="i"> Ce souvenir est le plus fort.</l>
              <l rend="i"> Il fait que bien loin de me plaindre</l>
              <l rend="i">Des cuisantes douleurs dont je suis agité,</l>
              <l rend="i"> Je vois que j’en dois encor craindre,</l>
              <l rend="i">Et que ce n’est pas tout ce que j’ay merité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cependant par pitié reçois mes tristes larmes,</l>
              <l rend="i">Et leur daigne, Seigneur, accorder quelque effet ;</l>
              <l rend="i"> Ne fais point finir mes alarmes,</l>
              <l rend="i"> Que tu ne sois pleinement satisfait.</l>
              <l> <hi rend="i">Mais que le zele qui m’enflame</hi></l>
              <l rend="i">Ne fasse pas aussi d’inutiles efforts.</l>
              <l rend="i">Ah ! Seigneur, fais servir les peines de mon corps</l>
              <l rend="i"> A la guerison de mon ame.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_016" resp="wordpro">
          <head>Lettres touchant la Baguette</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 16-64.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay déja envoyé plusieurs Relations sur l’Histoire de la Baguette de Lyon. Elles contenoient des faits ; voicy des raisonnemens que vous ne trouverez pas moins curieux.</p>
          <quote>
            <label>LETTRES<lb />TOUCHANT<lb />LA BAGUETTE.</label>
            <p><hi rend="i">Croirez-vous bien, Monsieur, que des Sçavans traittent icy de Fable, tout ce qu’on a dit de la Baguette ? M<hi rend="sup">r</hi> le Comte .… est de ce nombre. On luy persuaderoit plustost qu’un Bœuf a parlé, &amp; vous allez voir par une conversation dont je vais vous faire le détail, que le seul recit des faits est capable d’émouvoir la bile de certaines gens.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Comme on lisoit il y a quelques jours en bonne Compagnie, des Lettres de Lyon, touchant les vols qu’on a découverts depuis peu par la Baguette, voila tout à coup un Sçavant qui hausse les épaules, se leve, &amp; crie, ah, l’imposture ! Vit-on jamais, disoit-il en colere, plus d’extravagance, de credulité, d’aveuglement ? Quoy, une Baguette découvre les larcins, les voleurs, les meurtriers, fait trouver des tresors &amp; des Sources ? Notez que ces hommes à Baguette, ces imposteurs, sont des gueux. Oüy, poursuivit-il, j’en ay connu un en Normandie, ils n’ont pas de pain, &amp; ils trouvent des Tresors ? Le monde est fou, adieu, Messieurs, je ne veux plus entendre parler de la Baguette.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Jamais homme ne fut plus interdit que celuy qui lisoit les Lettres. Tout le monde se regardoit sans dire mot ; &amp; ce silence alloit le déconcerter entierement, si un autre Sçavant, moins impetueux que celuy qui avoit si brusquement quitté la Compagnie, mais vif &amp; ardent, n’eust pris la parole. A-t on jamais veu, dit-il, de pareilles rodomontades ? Quel entestement ! Quelle hardiesse ! S’inscrire en faux contre des faits dont on n’a point examiné les preuves, &amp; dont de tres-habiles gens ont esté témoins ? Contre des pratiques connuës en mille endroits ? Que veut-il dire avec ses emportemens ? Demande-t-on son avis ? Entend-il ces matieres ? Encore pour M<hi rend="sup">r</hi> de.… passe, qu’il nie le fait, il est Physicien, on le consulte, il ne sçait que répondre, aucun Systême ne le contente ; le plus court est de tout nier. Voulez-vous qu’il dise qu’il y a de la diablerie ? Sieroit il aux Physiciens de.… Permettez-moy de vous interrompre, reprit le sage M<hi rend="sup">r</hi> de … Vos reflexions sont de fort bon sens. Mais que nous importe de découvrir d’où vient que quelques-uns nient le fait ? Ne sçait-on pas bien qu’en semblables occasions, il se trouve toujours des gens qui s’obstinent, les uns à croire tout sans discernement, les autres à tout nier sans raison ? Ne nous faschons point contre ceux-cy ; ils sont plus utiles qu’on ne pense à la Republique des Lettres. Sans eux on ne verroit que conteurs de fables ; &amp; ce n’est pas peu de chose que de diminuer le nombre de telles gens. Pour moy, je n’entens jamais de conte où le merveilleux domine, que je ne sois ravy de rencontrer quelque Misantrope toujours prest à vous dire en face, cela est faux. On y regarde de plus prés, &amp; il en revient ordinairement quelque avantage. Si l’on peut estre témoin du fait, on juge par ses propres yeux, ou bien on pese avec soin les circonstances &amp; les dispositions de ceux qui le rapportent. Quand il est question, par exemple, de quelque pratique publique, si elle est répanduë en plusieurs endroits, exercée indifféremment par toutes sortes de personnes, qu’on n’en fasse ny un mystere ny un point de Religion, &amp; qu’avec tout cela elle se conserve depuis long-temps, &amp; fasse beaucoup de progrés, il est moralement impossible qu’elle soit l’ouvrage de l’imposture. Cette reflexion appliquée à la Baguette suffit, pour me porter à croire que tout ce que l’on en dit ne sçauroit estre faux. J’apprens qu’il n’est pas de Province en France où il n’y ait des gens qui trouvent des Sources avec la Baguette. Je sçay que depuis deux cens ans on s’en sert en Allemagne &amp; ailleurs pour découvrir les metaux, &amp; qu’on s’en est si fort servy dans le Dauphiné, pour découvrir les larcins, &amp; les bornes, que M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal le Camus a esté obligé d’interdire cet usage, sous peine d’excommunication. Voyez ses Ordonnances, imprimées chez Pralard. Aprés cela, comment pourrois-je prendre pour une chimere tout ce qu’on dit de la Baguette ? Supposons neanmoins qu’on ne sçait rien de tout cela, je dis encore, qu’il n’y a nulle raison de traiter d’imposture ce qu’on écrit de Lyon. Les faits sont attestez par cent Témoins, habiles, critiques, attentifs, &amp; les circonstances sont de telle nature, que la fourberie n’auroit jamais pû se soustenir jusques au bout. Ne nous mettons donc plus en peine, si quelques personnes nient le fait. Occupons-nous plustost, si vous l’agréez, à chercher la cause d’un Phenomene si surprenant.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je viens, continua t-il, à l’endroit sur lequel j’ay pris la liberté de vous interrompre. Vous alliez dire, ce me semble, qu’il n’est pas d’un Physicien de recourir à d’autres causes qu’à des causes naturelles. J’en conviens, si les effets dont il est question, en sont une suite, mais s’il voit que ces effets ne peuvent estre produits en vertu des Loix generales du mouvement, ne doit-il pas dire, que la cause n’en est pas naturelle ? Vous l’avoüerez sans doute, Agréez donc que je dise que ce qu’on rapporte de la Baguette n’est nullement naturel, car je voy, ce me semble, fort clairement que cela passe les forces ordinaires de la nature.</hi></p>
            <p><hi rend="i">J’ay lû avec attention les Dissertations qu’on nous a envoyées de Lyon, &amp; j’ay esté ravy de n’y trouver ny qualitez occultes ny influences d’Etoiles. La matiere subtile y voltige agreablement ; les corpuscules y sont d’une agilité &amp; d’une souplesse propre à tout ce qu’on peut desirer ; le manege qu’on leur fait faire m’a réjoüy, &amp; je voudrois de bon cœur pouvoir estre content des stations qu’on leur assigne, des chemins qu’on leur fait tenir, &amp; de tous les mouvemens qu’on leur donne ; mais comment passer tout ce qu’on exige des corpuscules ? On fait demeurer des mois entiers tout le long d’un chemin de cent lieuës, ceux qui se sont exhalez du corps d’un scelerat. On veut qu’ils restent suspendus à la hauteur de quatre ou cinq pieds, sans monter ni descendre, sans s’écarter ni à droit ni à gauche, &amp; qu’ils soient toujours prests à donner sur une Baguette, pour la faire tourner entre les mains d’un certain homme toutes les fois qu’il passera par ce chemin. Je ne sçay, Messieurs, ce que vous en pensez. Pour moy, j’admire que des gens d’esprit ayent avancé des choses dont ils riroient assurément, s’ils ne les avoient dites eux-mesmes ; mais on voit bien comment on en vient là. Persuadé qu’on est de l’action des corpuscules, &amp; frappé par les effets merveilleux de l’Aiman, quelque prodige qu’on propose, on le compare dans l’obscurité ; on croit voir quelque rapport ; on aide aux conjectures ; on risque un peut-estre ; insensiblement on assure, &amp; quand on s’est une fois engagé, on tient ferme, &amp; il n’est plus rien qui étonne. Faut-il expliquer comment la Baguette a pû découvrir le dernier vol, dont M<hi rend="sup">r</hi> de … lisoit le recit ? En trois mots ils croyent resoudre la difficulté. Le linge volé, disent-ils, a esté d’abord touché par le Voleur. Qu’on le porte ensuite par tout où l’on voudra, il laissera couler le long du chemin quelques-uns des atomes que le Voleur luy a communiquez. Ne voila-t il pas de quoy faire tourner la Baguette ? Que ne se retranchent ils, interrompit M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de … au tournoyement de la Baguette sur l’eau &amp; sur les Metaux. Leur explication en vaudroit beaucoup mieux, &amp; vous ne trouveriez pas tant de ridicule dans leur Systême. Vraiment, repartit M<hi rend="sup">r</hi> de … ils ne manquent pas d’en venir là quand on les presse. Tantost ils tâchent de prouver qu’il est naturel que la Baguette tourne sur les Eaux &amp; sur les Metaux. Quelquefois ils le supposent, &amp; se contentent de montrer que les autres effets n’ont rien de plus surprenant. Ils ne negligent point ce qui peut les favoriser. Si un systême ne leur suffit pas, ils en prennent plusieurs. S’il se rencontre dans un fait quelque circonstance qui les incommode, ils la passent, &amp; avec tout cela, je suis tres-persuadé qu’ils n’ôteront jamais tout le ridicule de leurs hypotheses. Croyez-vous, Monsieur, dit-il, en s’adressant à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé, qu’il n’y en ait point, à supposer que d’une petite partie de Metal, d’une piece de quatre sols par exemple, il sort une assez grande quantité de corpuscules pour tordre une Baguette jusqu’à la rompre, ou à blesser les mains de celuy qui la tient bien serrée. On trouvera bien d’autres difficultez, si on examine avec soin toutes les circonstances, j’attens l’histoire de tous les usages qu’on a faits, &amp; qu’on fait presentement de la Baguette en Europe, &amp; je voy bien par ce que m’en a dit un Ami de la personne qui travaille à cet Ouvrage, qu’il y aura de quoy déconcerter tous les systêmes ; mais c’est parler trop longtemps. J’avois seulement resolu de dire que des Physiciens tres-éclairez croyent qu’il n’y a rien de naturel dans aucun des effets de la Baguette, &amp; qu’ils ne font en cela que suivre le sentiment de l’Auteur de la Recherche de la verité, qui le décida ainsi, en répondant à une Lettre écrite de Grenoble depuis plus de trois ans.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On fit paroistre quelque empressement de voir ces Lettres, &amp; on en commençoit déja la lecture, lors que M<hi rend="sup">r</hi> de … aprés avoir resvé quelques momens ; est-il possible, dit-il, qu’un si habile homme croye qu’il y a de la diablerie dans le tournoyement de la Baguette sur les sources, luy qui creuse si fort dans la Physique, qui admet si difficilement les miracles, qui traite d’illusion presque toutes les histoires des Demonographes, &amp; qui employe tout un Chapitre de la Recherche de la verité pour expliquer naturellement ce que la pluspart attribuent à sorcellerie ? Cela me passe. J’iray le prier de me dire ce qui en est, mais que je n’empesche pas la lecture des Lettres.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voilà, Monsieur, tout ce que vous sçavez de cette conversation, car ma Lettre est déja bien longue, &amp; je crains que vous n’en soyez ennuyé. Je joins icy les deux Lettres. On m’a dit qu’il y en a à Paris &amp; à Lyon plusieurs copies, &amp; de quelques autres sur le mesme sujet, mais peut-estre n’ont-elles pas esté jusqu’à vous. Montrez-les, je vous prie, à nôtre Illustre. Il verra dans la Lettre de Grenoble des particularitez dont il sera bien-aise d’estre informé. Je suis, &amp;c.</hi></p>
            <p>Le 18. de Dec. 1692.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label><hi rend="i">LETTRE</hi><lb /><hi rend="i">Ecrite de Grenoble au Pere de Malebranche, en 1689.</hi></label>
            <p>Mon <hi rend="sc">R. Pere</hi>. La grace de Nostre-Seigneur soit avec nous.</p>
            <p><hi rend="i">On se sert dans cette Province d’un certain moyen pour découvrir des choses cachées, sur lequel j’ay esté obligé de dire ma pensée. Je voudrois bien qu’elle fust conforme à la vostre ; je deciderois aprés cela plus hardiment que je ne fais, persuadé que vostre sentiment sera icy d’un tres-grand poids, &amp; qu’on ne peut consulter une personne qui puisse avec plus de lumiere decider sur la difficulté dont il s’agit. Voicy ce que c’est. Plusieurs personnes trouvent de l’eau, des Metaux, des Mineraux, les bornes des Champs, les chemins perdus, decouvrent les larcins &amp; plusieurs autres choses, en tenant entre les mains une Baguette fourchuë qui tourne sur tout ce que je viens de marquer. On se sert de toutes especes de bois. Le fait est constant, &amp; toute la difficulté est de sçavoir si cela est naturel ou non. La pratique devient si commune en tout ce Pays, qu’elle merite bien d’estre examinée. Ayez donc, s’il vous plaist, la bonté de dire vostre sentiment sur les questions ou observations suivantes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">I. La Baguette tourne sur l’eau &amp; sur les Metaux. Ce tournoyement est-il naturel ? Pourroit-on l’expliquer physiquement</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">II. Pour distinguer si c’est sur de l’Or, sur de l’Argent, ou sur quelqu’autre Metal que la Baguette tourne, on met d’un Metal dans la main, de l’argent, par exemple. Alors s’il y a de l’argent dans la terre, la Baguette continuë à tourner avec plus de force même qu’auparavant, &amp; s’il n’y a point d’argent dans la terre, quelqu’autre Metal qu’il y ait, la Baguette ne tourne plus. Y auroit-il raison pour tout cela</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">III. La Baguette ne tourne qu’entre les mains de certaines personnes. Que peuvent avoir de particulier ces personnes</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">IV. Quelques-uns disent qu’il faut estre né en certain mois de l’année, mais j’ay observé que des personnes nées en divers mois ont également la vertu de la Baguette. Ainsi Messieurs les Astrologues ne peuvent avoir recours aux prétenduës qualitez de certaines Planetes. Seroit-ce à cause du temperament different, &amp; de la differente configuration des parties qui s’exhalent du corps que la Baguette tourne aux uns &amp; non aux autres</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">V. La Baguette ne tourne que sur l’eau cachée dans la terre, &amp; elle tourne sur les Metaux, quoy qu’ils soient à découvert. Sur quoy fonder cette difference</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">Voila où se termine la science de quelques-uns, à connoistre qu’il y a dans la terre du Metal ou de l’eau, mais il y en a d’autres qui poussent le secret bien plus loin.</hi></p>
            <p><hi rend="i">VI. Ils connoissent par cette mesme Baguette, quelle est la grosseur de la Source, quelle est la profondeur de l’eau, combien il faut creuser pour la trouver. Cela est il naturel</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">VII. Ils prétendent deviner si en creusant on trouvera de la glaise, du sable, de la roche, &amp;c.</hi></p>
            <p><hi rend="i">VIII. La Baguette tourne sur les bornes des Champs, c’est-à-dire sur quelque pierre que ce soit, pourveu que deux personnes ayent convenu de s’en servir, pour marquer la division d’un Champ. Qu’en doit-on penser</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">IX. Si ces deux personnes conviennent de ne plus se servir de ces limites, la Baguette ne tourne plus.</hi></p>
            <p><hi rend="i">X. Si les bornes ont esté malicieusement changées de place, la Baguette tourne sur l’endroit où elles devroient estre. Une infinité de gens font chercher presentement des limites, &amp; sur bien des differends, on s’en rapporte à deux fameux devins qui courent le Dauphiné, avec l’approbation de plusieurs Curez. Ne renvoyez pas, s’il vous plaist, mon R.P. la decision de cette difficulté à M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal le Camus, car outre qu’il sera bien aise que des Physiciens y pensent, il est absent de Grenoble depuis sept ou huit mois, parce qu’il a presché l’Avent &amp; le Caresme à Chambery, &amp; que sans avoir pris aucun relâche il fait depuis Pasque la visite de son Diocese.</hi></p>
            <p><hi rend="i">XI. La Baguette tournant dans un champ, pour distinguer si c’est sur des Bornes, sur des Métaux, ou sur de l’Eau qu’elle tourne, voicy le secret de ces Devins. Ils se sont apperceus, disent-ils, que l’intention regloit le mouvement de la Baguette. Si l’on veut donc qu’ils cherchent des Bornes, ils fixent leurs desirs à la seule découverte des Bornes, &amp; pourveu que leur intention ne varie pas, il sont seurs que la Baguette ne tournera que sur des Bornes, &amp; nullement sur l’Eau &amp; sur les Métaux qui se trouvent en leur chemin. Un de ces Devins ausquels j’ay parlé, est encore mieux averty d’avoir trouvé ce qu’il cherche, par un mouvement qui n’est pas moins surprenant que celuy de la Baguette. Dés qu’il passe sur la borne, ou qu’il touche ce qu’il cherche, tous les doigts des pieds se remuent, comme s’ils vouloient se croiser, ou monter les uns sur les autres. Cela est cause que quand le Devin veut sçavoir si un homme a volé, il pose son pied sur le pied de celuy qu’on soupçonne, pour en juger par l’agitation qu’il sent au pied plûtost que par le tournoyement de la Baguette. Voilà tout ce que j’ay remarqué de singulier dans cet homme. C’est un Paysan âgé de vingt-sept à vingt huit ans. Il me paroist simple, &amp; m’a presenté une attestation de son Curé, pour marquer qu’il a fait ses Pasques dans sa Paroisse, toutes ces histoires estant bien connuës du Curé.</hi></p>
            <p><hi rend="i">XII. Lors qu’on cherche un Voleur, &amp; ce qu’il a volé, la Baguette tourne vers le lieu où sont le Voleur, ou le larcin, &amp; ne cesse de tourner jusqu’à ce qu’on ait atteint l’un ou l’autre. Depuis peu de jours quelques Officiers de justice ont esté témoins d’une semblable épreuve, qui s’est faite dans les prisons de cette Ville, &amp; en un autre endroit.</hi></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>RÉPONSE DU PERE<lb />de Malebranche, au P. le Brun.</label>
            <p><hi rend="sc">Mon R. Pere</hi>. La Paix de Nostre Seigneur soit avec nous.</p>
            <p><hi rend="i">Ce que vous m’écrivez de la Baguette ne m’est point nouveau, à l’égard de la recherche des Eaux &amp; des Métaux, mais je n’avois jamais oüy dire que l’on découvrist par ce moyen les Voleurs &amp; les veritables Bornes d’un champ ; &amp; je ne pourrois croire qu’il y eust des hommes assez peu sensez pour donner dans ces extravagances, si vous ne me l’écriviez, &amp; si je ne me souvenois qu’il y a eu autrefois des personnes qui ne manquoient pas d’esprit, tel qu’étoit Julien l’Apostat, qui prétendoient découvrir le gain d’une Bataille, ou quelque autre évenement par les entrailles des Bestes, &amp; par le vol des Oiseaux. C’estoit dans les Anciens la superstition qui les avoit insensiblement accoutumez à ces opinions ridicules, mais en supposant que vos Devins prétendus passent pour de bonnes gens, il n’y a qu’une ignorance grossiere, &amp; une excessive stupidité, qui puissent leur persuader que les moyens dont ils se servent soient naturels ou legitimes. Pour moy, je les crois diaboliques, non seulement par rapport à la découverte des Voleurs des choses dérobées, des bornes d’un champ, mais encore à celles des Eaux &amp; des Métaux. Je prétens que rien de cela ne se peut faire de la maniere dont vous rapportez que cela se fait, sans le secours de l’action d’une cause intelligente, &amp; que cette cause ne peut estre autre que le Demon, si ce n’est qu’il y ait de la fourberie &amp; de l’adresse du costé du prétendu Devin.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est visible que les causes materielles n’ayant ny intelligence, ny liberté, elles agissent toujours de la mesme maniere dans les mêmes circonstances des corps, ou dans les mesmes dispositions de la matiere qui les environne, &amp; que dans les causes purement materielles, il n’y a point d’autres circonstances qui déterminent leurs actions que des circonstances materielles. Cela est certain par l’experience, &amp; mesme par la raison, lors qu’on reconnoist que les corps n’ont ny intelligence ny liberté, &amp; qu’ils ne sont meus que lors qu’ils sont poussez, &amp; qu’ils ne peuvent estre poussez sans estre choquez &amp; pressez par ceux qui les environnent. De là il est évident, que l’intention que le Devin a de trouver de l’argent, ne peut déterminer le mouvement de la Baguette vers l’argent, &amp; empescher son mouvement vers l’eau, si elle y estoit veritablement déterminée par l’action d’une source, car cette intention ne change point les circonstances materielles de la Baguette &amp; de l’eau.</hi></p>
            <p><hi rend="i">II. Une chose dérobée demeurant toujours la mesme qu’auparavant, &amp; le crime du Voleur ne changeant point le corps, ou le changeant également par des remords de differens crimes (car quelque supposition qu’on fasse que ces remords troublant l’esprit, changent le corps, il est évident que le remords d’avoir dérobé une Poule, ne peut agir dans l’esprit tout d’une autre maniere que le remords d’avoir dérobé une canne) il est clair que la Baguette ne peut se tourner vers le larcin ou le Vouleur de ce qu’on cherche, sans l’action d’une cause intelligente.</hi></p>
            <p><hi rend="i">III. La convention de ceux qui prennent une pierre pour borne de leurs heritages, ou qui cessent par un accord mutuel de luy attribuer cette dénomination, n’en changeant point la nature, ny les qualitez physiques, il est ridicule d’attribuer l’effet physique du tournoyement de la Baguette à la qualité de la pierre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ces trois Conclusions me paroissent dans la derniere évidence. Ainsi tous ces tournoyemens de la Baguette viennent certainement de l’action d’une cause intelligente, apparemment de l’adresse &amp; de la fourberie de ces prétenduës bonnes gens, mais peut-estre de la malice du Demon, car je ne crois point que les bons Anges fassent de ces sortes de pactes avec les hommes. Ils ne se font point de loy ; ils suivent l’ordre immuable, ou la Loy éternelle dans laquelle ils découvrent qu’il n’est pas necessaire, que les hommes trouvent quand il leur plaist des Metaux &amp; de l’eau. Les Anges rapportent toutes choses à Dieu &amp; à nostre salut ; ils y rapportent mesme l’ordre de la nature &amp; ils ne font rien qui le trouble, rien d’extraordinaire que pour faire connoistre &amp; aimer Dieu ; mais les Demons taschent de nous attirer &amp; de nous lier à eux. Leur orgueil leur inspire de regner sur nous, &amp; que nous tenions d’eux les biens temporels qui reveillent nostre concupiscence. S’ils sont fidelles à executer ce qu’on espere d’eux, ce n’est point pour nous élever l’esprit à Dieu, mais pour nous lier à eux de quelque maniere que ce puisse estre, ils s’insinuent par l’apparence de la justice dans l’esprit des simples. C’est une bonne chose que de découvrir les voleurs, ou les choses dérobées ; ils couvrent leurs operations de la puissance inconnuë de la Nature, pour tromper par là les ignorans, mais de telle maniere que le doute &amp; l’incertitude trouble leur imagination &amp; leur conscience, &amp; que l’on s’accoustume à un commerce qui d’abord feroit trop d’horreur, &amp; si ce que vous me mandez n’est point une fourberie de gens qui trouvent leur compte à tromper les autres (ce que je croirois volontiers) asseurément ce ne sont point les bons Anges, mais les Demons qui font tourner la Baguette.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il me paroist évident que les corps ne peuvent agir les uns sur les autres que par leur choc. Vous sçavez, mon R.P. qu’il n’y a rien qu’on ne puisse expliquer par cette seule supposition, que les corps vont toujours du costé qu’ils sont poussez, &amp; qu’ils ne peuvent estre poussez que du costé qu’ils sont rencontrez par d’autres corps visibles ou invisibles qui sont en mouvement. La vertu de l’ambre &amp; de l’ayman qui paroissent si étranges, s’explique fort clairement par là, du moins à l’égard de ceux qui ont étudié suffisamment ces matieres. Or par ce principe qui devroit estre receu de tout le monde, comme fort clair &amp; fort simple, &amp; qui n’est rejetté que de ceux qui manquent d’attention, &amp; qui aiment les principes obscurs &amp; misterieux, il seroit assez facile de démontrer geometriquement, qu’il y a de la fourberie, ou de la diablerie dans le mouvement de la Baguette, si on examinoit avec soin les proportions de la communication ou de l’acceleration des mouvemens de la Baguette; mais vos Devins sont si témeraires ou si stupides, que quelque supposition qu’on fasse, on peut s’asseurer que leur art n’est point naturel.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Car supposez telle vertu qu’il vous plaira dans l’eau &amp; le baston fourchu, il me paroist clair que l’eau étant à découvert, doit agir plus fortement dans la Baguette, que lors qu’elle est cachée sous terre, puis qu’alors l’eau &amp; la Baguette sont plus proches, car la connoissance que nous avons de leur découverte ne change rien, ny dans l’eau, ny dans la Baguette. Il me paroist clair aussi que qui que ce soit qui tienne la Baguette, de quelque maniere qu’on la tienne, quand mesme on la tiendroit avec des tenailles, elle devroit se pancher également, de mesme que l’ayman agit également sur le fer, qui que ce soit qui le tienne &amp; qui l’en approche. Que si on prétend que le temperament contribuë à l’action de la Baguette (car les Defenseurs de ces folies croyent avoir droit de dire tout ce qu’il leur plaist) qu’ils expliquent eux-mesmes ce qu’ils veulent dire par le mot de temperament ; qu’ils fassent une objection intelligible, &amp; on taschera de leur répondre. Si un homme disoit qu’il a veu quelqu’un de tel temperament, que tenant en sa main un flambeau, le flambeau n’éclairoit plus, je pense qu’on auroit raison de n’en rien croire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Supposez enfin telle vertu que vous voudrez, je dis encore qu’il est impossible de sçavoir la profondeur de la source, &amp; combien on trouvera au dessous de terre grasse, de sable, de roche, &amp;c. &amp; si la Source sera abondante. La preuve en est facile, car une Source plus abondante &amp; moins profonde devroit agir naturellement sur la Baguette, autant qu’une plus abondante, mais plus profonde &amp; plus éloignée, puisque toutes les vertus naturelles &amp; necessaires agissent également dans des distances inégales. Ainsi elles font necessairement le mesme effet, lors que le sujet sur lequel elles agissent est dans des distances differentes, mais reciproquement proportionnelles à leurs forces. Quoy que deux flambeaux, par exemple, ayent une lumiere inégale, ils peuvent éclairer également un objet, si on suppose cet objet plus proche du petit flambeau que du grand. Ainsi on ne peut juger de la profondeur d’une Source, qu’en supposant qu’on en connoist l’abondance, ny de son abondance, que par la connoissance de la profondeur ; &amp; quoy qu’on suppose des vertus attractives, c’est-à-dire imaginaires dans l’eau, ou dans les metaux par rapport à une Baguette fourchuë, il est impossible de juger de leur profondeur, &amp; encore moins s’il y a de la terre glaise &amp; de la roche, comme le prétendent vos Devins, ou vos Fourbes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">N’en voila que trop, Mon R. P. car je suis persuadé par vostre Lettre mesme, que je ne vous ay dit rien de nouveau &amp; que vous ne m’avez demandé mon sentiment que parce que vous avez crû qu’il serviroit peut-estre à appuyer le vostre, à l’égard de quelques personnes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il me semble qu’il ne faudroit point negliger ces choses, &amp; qu’on devroit empescher que ces prétendus Devins ne trompassent les simples, ou ne troublassent la conscience de ceux qui dans le doute font un fort grand mal de s’adresser à eux.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_064" resp="wordpro">
          <head>Le Nouveliste sur la Guerre de Hollande, commencée en 1672</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 64-84.</bibl>
          <p/>
          <p>Rien n’estant plus à la mode que les Nouvelles, rien n’est aussi plus commun que les Nouvellistes. Cette curiosité doit estre pardonnable dans un siecle aussi fecond que celuy cy en évenemens extraordinaires ; mais comme on se rend ridicule en outrant les meilleures choses, on ne doit jamais porter rien jusqu’à l’excés, à moins que de vouloir paroistre semblable à celuy qui est dépeint dans un Ouvrage nouveau de M<hi rend="sup">r</hi> de Vin que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>LE NOUVELISTE<lb />Sur la Guerre de Hollande, commencée en 1672.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Toujours affamé de Nouvelles</l>
              <l rend="i"> Lubin va d’un soin sans égal,</l>
              <l rend="i">Le matin au Palais, le soir à l’Arsenal,</l>
              <l rend="i"> Et gonflé de ces bagatelles,</l>
              <l> <hi rend="i">Qu’en divers &amp; gros pelottons</hi></l>
              <l rend="i"> Y debitent nos vieux Barbons,</l>
              <l rend="i">D’abord, &amp; plus leger qu’un Crieur de Gazettes,</l>
              <l rend="i">Court, vole en regaler ses credules Grisettes.</l>
              <l rend="i">Comme luy-mesme a pris pour une verité</l>
              <l rend="i"> Ce qu’il y vient d’entendre dire,</l>
              <l rend="i">Il veut sur sa parole aussi de son costé</l>
              <l rend="i">Qu’à tout ce qu’il avance on soit prest de souscrire,</l>
              <l rend="i">Et que l’on le reçoive avec docilité.</l>
              <l rend="i"> Quoy qu’il ait peu de vrai-semblance,</l>
              <l rend="i">N’importe, il le soutient avec tant de chaleur,</l>
              <l rend="i"> Que le pacifique Auditeur</l>
              <l rend="i">Feignant, de peur de bruit, d’en aimer la créance,</l>
              <l rend="i"> Il en rit au fond de son cœur,</l>
              <l rend="i">Et charmé qu’il en est, le sot se fait honneur</l>
              <l rend="i"> De son sage &amp; discret silence.</l>
              <l rend="i">Sa voix haute déja s’en éleve d’un ton,</l>
              <l rend="i">Mais pour le consoler de sa soumission,</l>
              <l rend="i"> Lycas qui revient de Versailles,</l>
              <l rend="i">Sçait cela, luy dit-il, du Duc de …</l>
              <l><hi rend="i">Et je le tiens aussi de l’Hostel de …</hi></l>
              <l rend="i"> Ainsi rien qui soit plus certain.</l>
              <l rend="i">Ce qui sort de ces lieux n’est point une chimere ;</l>
              <l rend="i">A ce qui nous en vient nous pouvons nous fier,</l>
              <l rend="i">Et tout en est, Monsieur, aussi vray que sincere.</l>
              <l rend="i">De ceux qui de mentir se font un doux métier,</l>
              <l rend="i"> Telle est, pour qui veut s’en payer,</l>
              <l rend="i"> La raison la plus ordinaire ;</l>
              <l rend="i">Car ils sçavent assez quel besoin d’un Patron,</l>
              <l rend="i">Pour courir en tous lieux, ont toutes les Nouvelles,</l>
              <l rend="i"> Et que l’on les croit peu fidelles</l>
              <l rend="i"> Dés qu’on les debite sans nom.</l>
              <l rend="i">Fier de celuy du Duc dont ce Fat s’autorise,</l>
              <l rend="i">Jusqu’à ce ridicule il porte sa sottise,</l>
              <l rend="i">Que bien que de sa part rien ne soit plus suspect,</l>
              <l rend="i">Il veut par ce grand nom s’attirer du respect,</l>
              <l rend="i">Et faire croire enfin qu’un merite agreable</l>
              <l rend="i">Luy donne avec la Cour un commerce honorable,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Animée de ce vain esprit</hi></l>
              <l rend="i"> Sa Nouvelle est toujours la bonne.</l>
              <l rend="i"> Le ton modeste &amp; doux qu’on donne</l>
              <l rend="i">A celle dont à peine il souffre le recit,</l>
              <l rend="i"> Pour la sifler seul luy suffit.</l>
              <l rend="i">Alors à ses dépens il fait valoir la sienne ;</l>
              <l rend="i">Il la repete encor afin qu’on s’en souvienne,</l>
              <l rend="i">Et par une Missive écrite de sa main</l>
              <l rend="i">Seduit en sa faveur l’Auditoire incertain.</l>
              <l rend="i">Aprés cela, malheur à qui la luy conteste ;</l>
              <l rend="i">C’est ce qu’on ne fait point sans un éclat funeste,</l>
              <l rend="i">Et mesme, quoy qu’on ait tout sujet d’en douter,</l>
              <l rend="i"> Devant luy bien hardy qui l’ose,</l>
              <l rend="i"> Car souvent par là l’on s’expose.</l>
              <l rend="i">Aux aigreurs de sa bile aisée à s’irriter.</l>
              <l rend="i"> Ainsi chacun le laisse dire.</l>
              <l rend="i">On ne veut point troubler dans son injuste Empire</l>
              <l rend="i">Cet orgueilleux Tiran de la societé ;</l>
              <l rend="i"> Et loin de luy rompre en visiere,</l>
              <l rend="i"> On trouve avec cet emporté</l>
              <l rend="i"> Que l’on gagne plus à se taire,</l>
              <l rend="i">Qu’à risquer en doutant d’essuyer sa colere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par là plus fier encore il respire à longs traits</l>
              <l rend="i">L’odeur du doux encens que luy donnent ses Belles,</l>
              <l rend="i">Et cueille à pleines mains le fruit de ses Nouvelles.</l>
              <l rend="i">Quels plaisirs n’a-t-il pas dans leurs réduits secrets ?</l>
              <l rend="i">C’est là, sans son aveu, que de la Republique</l>
              <l rend="i">S’érigeant de luy-même en grave Magistrat,</l>
              <l rend="i">Il décide sur tout, il réforme, il critique ;</l>
              <l rend="i"> C’est là qu’en Ministre d’Etat</l>
              <l rend="i">Il produit au grand jour sa fade politique,</l>
              <l rend="i">Et regle l’interest de chaque Potentat.</l>
              <l rend="i"> C’est là que d’un ton emphatique</l>
              <l rend="i"> Sur sa Carte Geographique</l>
              <l rend="i">Que jamais il ne sceut, &amp; qu’il tient à la main,</l>
              <l rend="i">Il trace de LOUIS la route &amp; le chemin.</l>
              <l rend="i">C’est là que dans son zele un peu trop militaire,</l>
              <l><hi rend="i">Quoy que sot &amp; poltron, il marche sur ses pas,</hi></l>
              <l rend="i">Et comme si parler de ses heureux combats</l>
              <l rend="i">C’estoit de prés le suivre, ou l’aider à les faire,</l>
              <l rend="i">C’est là, dis-je, qu’enfin sans risque, &amp; loin des coups</l>
              <l> <hi rend="i">Il veut par le terme de</hi> Nous</l>
              <l rend="i"> Prendre sa part de la Victoire,</l>
              <l rend="i">Et vole effrontément la moitié de sa gloire.</l>
              <l><hi rend="i">Il met ce</hi> Nous <hi rend="i">par tout. Nous avons, (c’est ainsi</hi></l>
              <l rend="i">Qu’il parle) Nous avons, dit-il, prés de Nancy</l>
              <l rend="i">Défait les Allemans qui vouloient nous surprendre ;</l>
              <l rend="i">Nous les battrons encor, s’ils osent nous attendre ;</l>
              <l rend="i">Nous les suivons en queuë, &amp; plus frais devenus,</l>
              <l rend="i">Nous cherchons dans leurs bois ces Ennemis vaincus.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">D’un choc si furieux sorty comme un Turenne,</l>
              <l rend="i">Et quoy qu’il en soit mesme encor tout hors d’haleine,</l>
              <l rend="i">Le vigoureux Lubin ne se repose pas.</l>
              <l rend="i"> Il les chasse du mesme pas</l>
              <l rend="i">Comme des Cerfs craintifs de toute la Lorraine,</l>
              <l rend="i">Et toujours les poussant, va camper à la fin</l>
              <l rend="i"> Au delà des rives du Rhin.</l>
              <l rend="i"> Aprés cet exploit heroïque,</l>
              <l rend="i">Il reprend aussi-tost sa chere politique,</l>
              <l> <hi rend="i">Et son</hi> Nous <hi rend="i">de nouveau revient.</hi></l>
              <l rend="i">Nous accommoderons l’Electeur de Cologne</l>
              <l rend="i">De Gueldre, ajoûte-t-il, &amp; de tout ce qu’il tient ;</l>
              <l rend="i"> Nous raserons Marche &amp; Bastogne.</l>
              <l rend="i"> Au grand Evesque de Munster</l>
              <l rend="i">Nous laisserons Zutphen, Grol, Borklo, Deventer ;</l>
              <l rend="i">Nous ferons Souverain Nassau de la Hollande,</l>
              <l rend="i">Et pour interesser Charles * &amp; ses Anglois</l>
              <l rend="i">A ne point s’opposer à nos justes exploits,</l>
              <l rend="i"> Nous leur donnerons la Zelande.</l>
              <l rend="i">Par là l’Espagnol seul, sans Chefs, &amp; sans Soldats,</l>
              <l rend="i">Bien-tost, saisi d’effroy, regrettera l’Espagne,</l>
              <l rend="i">Et trop foible pour nous, en moins d’une Campagne</l>
              <l rend="i">Nous luy ferons ceder aux efforts de nos bras</l>
              <l rend="i"> Ce qui luy reste aux Pays-Bas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Encor si quelque experience,</l>
              <l rend="i"> La lecture, ou du moins l’esprit,</l>
              <l rend="i">De ses contes en l’air appuyoient le debit,</l>
              <l rend="i">Passe, avec luy peut-estre on prendroit patience,</l>
              <l rend="i"> Et mesme on auroit du plaisir</l>
              <l rend="i">A luy sacrifier quelque heure de loisir ;</l>
              <l rend="i">Mais rien moins ; cependant il suit toujours sa piste,</l>
              <l rend="i">Et pour surcroist d’ennuy, cet ardent Nouveliste,</l>
              <l rend="i"> Toujours prest à s’abandonner</l>
              <l rend="i">Aux sots &amp; longs recits qu’il entreprend de faire,</l>
              <l rend="i"> Y coud un plus sot commentaire ;</l>
              <l><hi rend="i">Car de là quand, helas ! il passe à raisonner</hi></l>
              <l rend="i"> Des divers interests des Princes,</l>
              <l rend="i">Il échange leurs Biens, trocque entre-eux leurs Provinces,</l>
              <l rend="i">Confond Etats, Saisons, Climats, lieux, noms, &amp; temps,</l>
              <l rend="i">Choque en leurs droits sacrez l’histoire &amp; le bon sens,</l>
              <l rend="i">Et quel que soit le mal qu’en pust craindre la France,</l>
              <l rend="i">Il veut, en supprimant le College Electeur,</l>
              <l rend="i">Sur toute l’Allemagne établir l’Empereur</l>
              <l rend="i">Dans une hereditaire &amp; suprême puissance.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Son ignorance est telle enfin,</l>
              <l rend="i"> Qu’il fut un jour assez credule,</l>
              <l rend="i"> Ou plûtost assez ridicule,</l>
              <l rend="i"> Pour croire que du Pont-Euxin</l>
              <l rend="i">Une arche qu’un Railleur luy dit estre rompuë,</l>
              <l rend="i">De l’Empire Othoman présageoit le déclin.</l>
              <l rend="i"> Sa lumiere courte &amp; déceuë</l>
              <l rend="i"> Par le nom, quoy que peu nouveau,</l>
              <l rend="i"> De Pont que porte la Mer Noire,</l>
              <l rend="i"> Le fit donner dans le panneau,</l>
              <l rend="i">Et mesme toujours prest à gober le morceau,</l>
              <l rend="i"> Sans peine on le luy fit accroire.</l>
              <l rend="i"> Le bon fut qu’en Chrestien pieux</l>
              <l rend="i">De cette Arche d’abord benissant la rupture,</l>
              <l rend="i">Il leva vers le Ciel &amp; les mains &amp; les yeux,</l>
              <l rend="i">Et le pria tout haut d’en accomplir l’augure.</l>
              <l rend="i">Ce n’est pas tout encore ; à quelque-temps de-là,</l>
              <l rend="i">Quoy que du moindre Enfant la chose soit connuë,</l>
              <l rend="i"> Il prit, par une autre beveuë,</l>
              <l rend="i">Pour Senateur Romain le grand Hun, Attila,</l>
              <l rend="i">Fit un Pape Arien du fameux Totila,</l>
              <l rend="i"> Mit Rome au milieu de l’Affrique,</l>
              <l rend="i">Et soutint que Tunis estoit dans l’Amerique.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quelque aimable que soit la Paix,</l>
              <l rend="i"> Quoiqu’enfin le reste du Monde</l>
              <l rend="i">Fasse, pour l’obtenir, des Vœux &amp; des souhaits,</l>
              <l rend="i"> La guerre en nouvelles feconde</l>
              <l rend="i"> A seule pour luy des attraits,</l>
              <l rend="i">Et comme un jour Damon luy dit qu’elle estoit faite,</l>
              <l rend="i"> Ah ! s’écria-t-il, la Gazette</l>
              <l rend="i"> Ne vaudra plus rien desormais.</l>
              <l rend="i"> Il en fut tout mélancolique,</l>
              <l rend="i"> Et par un triste &amp; froid regard</l>
              <l rend="i">Ne put dissimuler qu’il prenoit peu de part</l>
              <l rend="i"> A la tranquillité publique.</l>
              <l rend="i">Sans pitié pour les maux &amp; nombreux &amp; cuisans,</l>
              <l rend="i"> Insensible aux pertes cruelles</l>
              <l rend="i">Dont la fureur de Mars afflige tant de gens,</l>
              <l rend="i">Il aimeroit mieux voir l’Etat plein de Rebelles</l>
              <l rend="i"> Que de manquer de ces Nouvelles</l>
              <l rend="i"> Qui luy servent d’amusemens.</l>
              <l rend="i">La Paix qui rétablit la Campagne &amp; la Ville</l>
              <l rend="i">Luy ravit ses plaisirs, &amp; son esprit sterile,</l>
              <l rend="i">Quand on l’obtient du Ciel, ne pouvant luy fournir</l>
              <l rend="i"> De matiere à s’entretenir,</l>
              <l rend="i">Le désolé Lubin, sans employ, sans affaire,</l>
              <l rend="i"> Ne sçait que dire ny que faire :</l>
              <l rend="i"> Mais la discorde aux bras d’airain</l>
              <l rend="i">Remet-elle en tous lieux les armes à la main,</l>
              <l rend="i">Il triomphe pour lors, &amp; ne peut plus se taire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce qui devroit l’humilier,</l>
              <l rend="i">Ne luy sert cependant qu’à le rendre plus fier.</l>
              <l rend="i"> Le trop timide &amp; long silence</l>
              <l rend="i">Que s’attire d’abord du discret Auditeur</l>
              <l rend="i"> Sa petulance &amp; sa hauteur,</l>
              <l rend="i">Est pour cet homme vain un titre d’éloquence.</l>
              <l rend="i">Il s’en croit plus habile, &amp; quoy que la raison</l>
              <l rend="i"> Exigeroit pour sa maison</l>
              <l rend="i">Qu’il s’interessast plus que pour la République,</l>
              <l rend="i">Ce qui s’y fait luy semble indigne de ses soins,</l>
              <l rend="i">Et tout pressant que soit ce devoir domestique,</l>
              <l rend="i">C’est ce qui l’embarasse, &amp; ce qu’il sçait le moins.</l>
              <l rend="i"> Mais pour peu qu’on l’en veuille croire,</l>
              <l rend="i">De tout ce qui se passe il sçait toute l’histoire,</l>
              <l rend="i"> Et quoy qu’on ne soit pas au temps,</l>
              <l rend="i">Où contrainte au Conseil d’admettre ses Tyrans,</l>
              <l rend="i"> La foible &amp; malheureuse France</l>
              <l rend="i">Se voyoit hors d’état d’en garder le secret,</l>
              <l rend="i"> Rien ne s’y dit, rien ne s’y fait</l>
              <l rend="i">Rien ne s’y traite encor dont il n’ait connoissance.</l>
              <l rend="i">Il le prétend du moins, &amp; cet Argus nouveau,</l>
              <l rend="i">Qui veut que rien n’échape à ses vives lumieres,</l>
              <l rend="i">De tous les lieux publics usurpe le bureau,</l>
              <l rend="i">Et pour des veritez y donne ses chimeres.</l>
              <l rend="i">C’est ainsi que toujours plein d’un honteux loisir</l>
              <l rend="i">Il s’amuse, il s’occupe, &amp; fait son seul plaisir</l>
              <l rend="i">De courir en tous lieux de nouvelle en nouvelle</l>
              <l rend="i">Et ce Sot qui sçait tout, ne sçait pas seulement</l>
              <l rend="i">Que son aimable Epouse, à ses feux peu fidelle,</l>
              <l rend="i">S’enferme, dés qu’il sort, avec son jeune Amant.</l>
            </lg>
            <note><p>* II, Roy d’Angleterre.</p></note>
          </quote>
          <quote>
            <label>AVIS.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Toy qui d’une fade Nouvelle</l>
              <l rend="i"> Te fais un article de foy,</l>
              <l rend="i"> Et qui de la croire fidelle</l>
              <l rend="i"> Pretens nous imposer la loy,</l>
              <l rend="i">Dis-nous, si tu le veux, ce que tu viens d’apprendre,</l>
              <l rend="i"> Mais dis-le sans le garantir,</l>
              <l rend="i"> Sans chaleur, &amp; sans trop l’étendre.</l>
              <l rend="i">A ces conditions je suis prest de l’entendre ;</l>
              <l rend="i">Mais sçache que toujours on s’expose à mentir,</l>
              <l rend="i"> Quand, Nouveliste trop credule,</l>
              <l rend="i"> On veut, sur le rapport d’un Fat,</l>
              <l rend="i">Se mêler de parler des secrets de l’Etat,</l>
              <l> <hi rend="i">Et qu’il est enfin ridicule</hi></l>
              <l rend="i">Sur ceux du Grand Mogol d’exiger nostre foy,</l>
              <l rend="i">Quand mesme on ne sçait pas ce qui se fait chez soy.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La guerre seule ne fait pas des Nouvelistes. On en voit de Galans dans les ruelles, &amp; qui ont encore plus d’occupation, parce que l’amour a plus de sujets que Mars, &amp; que les deux Sexes reconnoissent son Empire. Comme il est perpetuellement agité, &amp; que ses révolutions fournissent de la matiere à une infinité d’Histoires, on en voit depuis peu un Recueil imprimé, sous le Titre de <hi rend="i">Galant Nouveliste, Histoires du Temps</hi>. Toutes les avantures en sont d’un caractere different ; les incidens en paroissent nouveaux, &amp; les Vers qui s’y trouvent ont un tour agreable, &amp; sont remplis de pensées. Ce Livre se debite chez le S<hi rend="sup">r</hi> Brunet, dans la Galerie neuve du Palais, au Dauphin.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_085" resp="wordpro">
          <head>[Playdoyers de feu Mr de Corberon, Avocat General au Parlement de Metz]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 85-87.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Sainte Marthe, Conseiller en la Cour des Aides, vient de donner au Public les Plaidoyez de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Corberon son beau-Pere, Avocat General au Parlement de Metz, &amp; depuis Intendant de Justice dans la Province de Limousin, avec quelques-uns des Plaidoyez de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Sainte Marthe son Pere, lors qu’il estoit Avocat au Parlement. Ce Livre peut estre d’une grande utilité pour le Barreau. M<hi rend="sup">r</hi> de Corberon estoit un Magistrat d’un merite distingué. Abel de Sainte Marthe, dont on imprime les Plaidoyez, estoit Fils du grand Scevole de Sainte Marthe, &amp; Frere aîné des deux illustres Jumeaux, Scevole &amp; Louis de Sainte Marthe, Historiographes de France. M<hi rend="sup">r</hi> de Sainte Marthe, Conseiller en la Cour des Aides, est aujourd’huy le Chef de cette Famille, de laquelle sont sortis tant de personnes Illustres dans les Armes &amp; dans les Lettres. Le Public luy doit estre fort obligé du present qu’il luy fait, &amp; on ne peut trop louër sa pieté, d’avoir ainsi voulu honorer la memoire de M<hi rend="sup">r</hi> son Pere, &amp; de M<hi rend="sup">r</hi> son Beaupere. La Famille de M<hi rend="sup">rs</hi> de Corberon est originaire de Bourgogne. Ces Plaidoyers se vendent chez le S<hi rend="sup">r</hi> de Luines, Libraire au Palais.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_092" resp="wordpro">
          <head>Les Plaisirs de la Vie Champestre</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 92-105.</bibl>
          <p/>
          <p>Il y a quelque-temps que je vous envoyay la Traduction de la seconde Epode d’Horace, qui commence par, <hi rend="i">Beatus ille qui procul negotiis</hi>. Je vous envoye aujourd’huy une Paraphrase de la mesme Epode, qui vous fera voir combien un heureux genie trouve de differentes pensées sur une mesme matiere. Cette Paraphrase est du Fils de M<hi rend="sup">r</hi> Mahudel, Avocat au Presidial de Langres.</p>
          <quote>
            <label>LES PLAISIRS<lb />De la Vie Champestre.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Heureux qui sans chagrin, sans soin, &amp; sans affaire,</l>
              <l rend="i">Joüissant des douceurs d’une paix salutaire,</l>
              <l rend="i">Ne sent point interrompre un si charmant repos</l>
              <l rend="i">Du fâcheux embarras de dettes &amp; d’imposts ;</l>
              <l rend="i">Mais trouve à la campagne un innocent azile,</l>
              <l rend="i">Que ne donna jamais la plus celebre Ville !</l>
              <l rend="i"> Plus heureux qui semblable à nos premiers Parens,</l>
              <l rend="i">Qui de l’âge doré virent fleurir les ans,</l>
              <l rend="i">Cultive avec ses bœufs le fertile heritage</l>
              <l rend="i">Que son Pere avant luy receut pour son partage.</l>
              <l rend="i">Eloigné de la mer il ne voit point ses flots</l>
              <l rend="i">Emporter un Vaisseau malgré les Matelots.</l>
              <l rend="i">Jamais le son fatal d’une horrible Trompette</l>
              <l rend="i">Ne trouble les chansons qu’il dit sur sa Musette,</l>
              <l rend="i">Content de sa fortune, ennemy du procés,</l>
              <l rend="i">Et sans en redouter un malheureux succés,</l>
              <l rend="i">Il n’est point entesté du funeste caprice</l>
              <l rend="i">De vouloir en plaidant enrichir la Justice.</l>
              <l rend="i">Pour arracher des Grands quelque foible secours,</l>
              <l><hi rend="i">Jamais comme un esclave il ne rampe en leurs Cours.</hi></l>
              <l rend="i"> Lors donc que le Printemps florissant dans les plaines,</l>
              <l rend="i">Fait soufler des Zephirs les riantes haleines,</l>
              <l rend="i">Il va tailler ses seps, les joindre aux Peupliers,</l>
              <l rend="i">Augmenter les provins, monder ses espalliers,</l>
              <l rend="i">Il en condamne au feu les branches inutiles,</l>
              <l rend="i">Et souvent il les ente en des lieux plus fertiles.</l>
              <l rend="i"> Quelquefois attentif, du sommet d’un costeau,</l>
              <l rend="i">Aux longs mugissemens des Bœufs de son troupeau,</l>
              <l rend="i">Il se plaist à les voir parmy les marescages,</l>
              <l rend="i">S’engraisser au milieu des riches pâturages ;</l>
              <l rend="i">Ou bien prenant le soin de tondre ses Brebis,</l>
              <l rend="i">Tantost de leur toison il se fait des habits,</l>
              <l rend="i">Et tantost remplissant ses odorantes cruches</l>
              <l rend="i">De la douce liqueur qu’il reçoit de ses ruches,</l>
              <l rend="i">Pour ne pas estre ingrat des largesses du Ciel,</l>
              <l rend="i">Il offre aux Dieux la cire, &amp; reserve le miel.</l>
              <l rend="i"> Si tost que-le Soleil moins ardent en Automne,</l>
              <l rend="i">Meurit dans ses vergers les presens de Pomone,</l>
              <l rend="i">Quel plaisir de cueillir les fruits des arbres nains,</l>
              <l rend="i">Qu’en des troncs au Printemps il greffa de ses mains !</l>
              <l rend="i">Quel plaisir lors qu’il voit des fontaines pourprées</l>
              <l rend="i">Couler abondamment des grappes pressurées !</l>
              <l rend="i"> Tu sçais, Dieu des jardins, qu’aprés tous tes bienfaits</l>
              <l rend="i">De sa reconnoissance il montre les effets,</l>
              <l rend="i">Et qu’immolant alors des Boucs en sacrifice,</l>
              <l rend="i">Il t’offre de ses fruits les fidelles premices.</l>
              <l rend="i">C’est alors que Bacchus voit rougir ses Autels</l>
              <l rend="i">De l’aimable liqueur qu’il fournit aux Mortels.</l>
              <l rend="i">Toy, Gardien des champs, Dieu Silvain, chaque année</l>
              <l rend="i">N’as-tu pas de ses fleurs la teste couronnée,</l>
              <l rend="i">Pour avoir envoyé bien loin de ses sillons,</l>
              <l rend="i">Les gresles &amp; les vents meslez de tourbillons ?</l>
              <l rend="i"> Quelquefois il s’assied sous le frais de l’ombrage</l>
              <l rend="i">Qu’un chesne suranné fait proche d’un boccage.</l>
              <l rend="i">C’est de là qu’il entend durant le chaud du jour</l>
              <l rend="i">Les hostes des forests parler de leur amour,</l>
              <l rend="i">Et le fidelle écho d’une grotte secrete</l>
              <l rend="i">Repeter doublement les airs de sa Musette ;</l>
              <l rend="i">Ou bien il joint sa voix avec les doux concerts</l>
              <l rend="i">Que forment les Oiseaux parmy les arbres verds.</l>
              <l rend="i">Cependant les torrens dés le haut des collines,</l>
              <l rend="i">Precipitent leurs eaux dans les plaines voisines,</l>
              <l rend="i">Et d’un rapide cours vont dés leur lit natal</l>
              <l rend="i">Porter à quelque fleuve un liquide cristal.</l>
              <l rend="i"> D’autres fois il se couche au milieu des prairies,</l>
              <l rend="i">Sur l’émail parfumé de mille herbes fleuries ;</l>
              <l rend="i">Tout proche entre des joncs un ruisseau diligent</l>
              <l rend="i">Sur un sable doré roule ses flots d’argent,</l>
              <l rend="i">Et parmy des cailloux faisant un doux murmure,</l>
              <l rend="i">L’endort paisiblement sur un lit de verdure.</l>
              <l rend="i"> Mais lors que l’Aquilon vient de ses noirs frimats,</l>
              <l rend="i">En ramenant l’hiver, attrister nos climats,</l>
              <l rend="i">Tantost avec ses chiens on le voit en campagne</l>
              <l rend="i">Lancer un jeune Cerf autour d’une montagne,</l>
              <l rend="i">Ou dans une forest mettre un soin singulier</l>
              <l rend="i">A tendre une embuscade à quelque Sanglier.</l>
              <l rend="i">Tantost prés d’un buisson il attend en silence</l>
              <l rend="i">Qu’un timide Levraut fasse sa récompense.</l>
              <l rend="i">Tout à l’heure une Gruë est prise en ses lacets,</l>
              <l rend="i">Et les Grives souvent emplissent ses filets.</l>
              <l rend="i"> Qui pendant ces plaisirs n’oubliroit pas la peine</l>
              <l rend="i">Que peut causer l’amour d’une Belle inhumaine ?</l>
              <l rend="i">Heureux si sans chercher les biens &amp; la beauté,</l>
              <l><hi rend="i">Sa Femme pour sa dot a la pudicité.</hi></l>
              <l rend="i">Soigneuse en son absence elle fait son ouvrage</l>
              <l rend="i">D’élever ses Enfans, &amp; regler son ménage.</l>
              <l rend="i">Ainsi vivoient jadis les Femmes des Sabins,</l>
              <l rend="i">Que Romulus choisit pour ses premiers Voisins ;</l>
              <l rend="i">Et celles de la Poüille au travail endurcies,</l>
              <l rend="i">Que l’ardeur du Soleil avoit presque noircies.</l>
              <l rend="i"> Si tost qu’elle apperçoit du haut de la maison,</l>
              <l rend="i">Son Mary qui revient chargé de Venaison,</l>
              <l rend="i">Elle court allumer sous une cheminée</l>
              <l rend="i">Du bois qu’elle sechoit depuis plus d’une année.</l>
              <l rend="i">Tandis qu’il se délasse, elle entend leur Troupeau</l>
              <l rend="i">Retourner sur le soir aux portes du Hameau.</l>
              <l rend="i">C’est toujours en ce temps que leurs Vaches fidelles</l>
              <l><hi rend="i">Rapportent pour tribut le lait de leurs mammelles,</hi></l>
              <l rend="i">Et leur vigne toujours leur donne un pot remply</l>
              <l rend="i">Du vin que cette année ils en ont recueilly.</l>
              <l rend="i"> C’est ainsi que des mets qu’il trouve sans dépense,</l>
              <l rend="i">Couvrent par son travail sa table en abondance.</l>
              <l rend="i">Jamais les grands festins n’ont pour moy tant d’appas,</l>
              <l rend="i">Que le simple appareil d’un si sobre repas.</l>
              <l rend="i">Ouy, je préfererois ses fruits &amp; ses Olives</l>
              <l rend="i">Aux Poissons delicats qu’on pesche sur nos rives,</l>
              <l rend="i">Quand un vent par hazard amene avec les flots</l>
              <l rend="i">Les Huitres de Lucrin, * ou quelques gros Turbots.</l>
              <l rend="i">Le plus rare Gibier m’est bien moins agreable,</l>
              <l rend="i">Que l’ozeille des prez qu’on luy sert à sa table,</l>
              <l rend="i">Et j’aurois plus de joye en vivant sainement,</l>
              <l rend="i">Des mauves, qu’un jardin fournit abondamment,</l>
              <l rend="i">Qu’en mangeant dans l’excés d’un soupé magnifique,</l>
              <l rend="i">Les Francolins d’Asie, &amp; les Poulles d’Afrique.</l>
              <l rend="i"> Mais quoy que de sa bouche il regle les desirs,</l>
              <l rend="i">Il luy permet pourtant quelquefois ses plaisirs.</l>
              <l rend="i">Pour cela d’un Agneau coupant la jeune teste,</l>
              <l rend="i">Tous les ans du Dieu Terme il celebre la Feste.</l>
              <l rend="i">Il n’a pas dans ces temps de plus friands ragousts,</l>
              <l rend="i">Qu’un Chevreau recouvré de la fureur des Loups.</l>
              <l rend="i"> Qu’il se plaist, lors qu’il soupe, à voir de sa fenestre,</l>
              <l rend="i">Ses troupeaux de Brebis qui reviennent de paistre,</l>
              <l rend="i">A tous ceux du Hameau marquer par leur retour</l>
              <l rend="i">Que pour finir leur tasche il reste peu de jour,</l>
              <l rend="i">Et que la nuit bien-tost, descendant des Montagnes,</l>
              <l rend="i">Va de son ombre noire entourer leurs Campagnes !</l>
              <l rend="i">Qu’il aime à voir ses Bœufs, qui d’un cou harassé</l>
              <l><hi rend="i">Trainant nonchalamment le Contre renversé.</hi></l>
              <l rend="i">Aprés un long travail, retournent à l’étable !</l>
              <l rend="i">Mais lors que ses Valets sont assis à sa table,</l>
              <l rend="i">Chacun d’eux par sa faim luy marquant à son tour,</l>
              <l rend="i">Qu’il n’a pas laissé perdre un seul moment du jour,</l>
              <l rend="i">Il ne changeroit pas un estat si tranquille</l>
              <l rend="i">Pour joüir des plaisirs que l’on gouste à la Ville.</l>
            </lg>
            <note><p>* Lac d’Italie proche de Resole, fameux pour les Huitres.</p></note>
          </quote>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_105" resp="wordpro">
          <head>Réponse aux nouvelles raisons que l’on oppose à la possibilité de l’Immortalité corporelle</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 105-132.</bibl>
          <p/>
          <p>Puisque le Traité de Mademoiselle de S. Quentin sur la possibilité de l’Immortalité corporelle, vous a donné autant de plaisir que vous me le témoignez, je vous en envoye une suite qui vous donnera sujet d’admirer la fecondité de son genie. Il ne faut pas s’étonner qu’elle ait autant d’esprit qu’elle en fait paroistre dans ce Traité, estant Fille de M<hi rend="sup">r</hi> de Saint Quentin, Avocat fameux, qui a composé sur le Droit de fort beaux écrits, qui donnent beaucoup de facilité à l’apprendre. Ces Ecrits sont en la disposition de Mademoiselle de Saint Quentin.</p>
          <quote>
            <label>RÉPONSE<lb />Aux nouvelles raisons que l’on oppose à la possibilité de l’Immortalité corporelle.</label>
            <p><hi rend="i">Il est aisé de s’imaginer que je n’ay pas entrepris d’écrire sur un sujet aussi éloigné de l’opinion commune &amp; generale, que l’est l’Immortalité corporelle, sans me representer tout ce que l’on pourroit avec raison objecter contre. C’est ce qui fait que je n’ay pas de peine à y répondre, &amp; pour commencer, je diray que je sçais qu’il est impossible de vivre &amp; de ne pas vieillir, puis que l’on compte le temps, &amp; qu’aujourd’huy nous sommes plus âgez que nous n’estions hier &amp; avant hier ; mais il n’est pas impossible de vieillir, sans que nos forces diminuent. Mesme il est possible de les augmenter, ce que l’on voit arriver aux enfans dont les forces augmentent visiblement, &amp; puis qu’il est possible de les augmenter, il est pour le moins possible de les entretenir &amp; de les conserver dans un estat égal, puisque qui peut le plus, peut le moins ; &amp; pour cela il ne faut que ne pas laisser manquer les matieres qui les reparent.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit qu’il est impossible de sçavoir précisément, quelle nourriture il faut au corps, pour ne rien laisser déperir de sa substance. Je répons qu’il n’est pas bien difficile de trouver la nourriture qui luy est propre, puis qu’il y en a plusieurs. S’il n’y en avoit qu’une, &amp; qu’elle ne fust pas connuë, il seroit d’une difficulté approchante de l’impossibilité, de la trouver, mais puis qu’il en est plusieurs, capables de produire ce mesme effet, on doit se mettre au dessus de ce scrupule. On pourra me dire, que comme il est des nourritures meilleures les unes que les autres, il en est aussi de plus mauvaises. Je répons, que la difference des bonnes aux meilleures, n’est que du plus au moins. Et pour mieux m’expliquer, la meilleure nourrit plus long temps, parce qu’elle a plus de substance ; la moins bonne nourrit moins long-temps, parce qu’elle en a moins ; car pour les qualitez de temperamens differens qu’elles peuvent avoir, il est aisé de prendre celles qui nous sont les plus convenables, &amp; pour cela, il ne faut que ne pas s’éloigner du genre le plus prochain.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit que ce qui est bon pour les uns, est contraire aux autres, que nous ne naissons pas tous du mesme temperament, &amp; qu’ainsi l’Immortalité corporelle seroit démontrée possible, qu’il seroit pourtant impossible de ne pas mourir, faute d’un regime assez exact, &amp; des dispositions requises pour le pouvoir observer. Ces deux objections s’estant trouvées jointes, je n’ay pas voulu les separer, de crainte de les affoiblir, mais ne pouvant répondre à toutes les deux à la fois, je diray, à l’égard de la premiere, que ce qui est veritablement bon, l’est generalement ; que la difference du temperament ne fait difference pour la nourriture, que du plus au moins, parce que les temperaments ne different que du plus au moins, soit en qualité, soit en quantité ; que c’est le general qui doit faire regle, &amp; non pas le particulier ; que la Nature, infiniment prévoyante, &amp; dont la sagesse vient du Souverain Createur, a donné le lait pour tous les Enfans nouveaux nez, de quelque temperament qu’ils soient ; que le sommeil est bon generalement à toutes les Creatures animées ; que les Saisons, tant qu’elles durent, que l’air &amp; l’eau, sont generalement pour tous les hommes, sans distinction de temperament, &amp; que la Nature auroit fait des distinctions en ces choses, qui font partie de nostre nourriture, s’il en falloit faire pour la nourriture.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Tous les temperamens sont composez des quatre qualitez, chaude, humide, froide &amp; seche. La difference des temperamens vient de ce que quelqu’une de ces qualitez domine plus que les autres. L’humeur qui domine est comme le levain qui convertit en sa qualité les substances qui se joignent à luy. Ainsi la mesme nourriture donnée à des personnes de different temperament, les maintient dans le temperament qu’elles ont, par la raison que l’humeur dominante de chacune de ces personnes change en sa qualité la substance qui s’y joint à l’exemple du levain que j’ay cité cy-dessus. Si quelqu’un me dit, qu’il y a des alimens qui donnent avec plus de facilité &amp; d’abondance les substances propres à estre converties en cette humeur dominante, &amp; que par cette facilité &amp; cette abondance, ces alimens portent la qualité dominante à un tel excés, qu’elle détruit les autres qualitez moins dominantes, &amp; détruit en mesme-temps le corps, qui ne peut subsister, lors que quelqu’une des quatre qualitez vient à manquer, je répondray que cet excés ne sçauroit arriver, si l’on prend les alimens dans le genre prochain, mais qu’il peut arriver, lors qu’on les prend dans les genres éloignez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">A l’égard de la seconde objection, liée à celle qui est cy-devant, &amp; qui la finit par ces mots</hi>, &amp; qu’ainsi l’Immortalité corporelle seroit demontrée possible, qu’il seroit pourtant impossible de ne pas mourir, faute d’un regime assez exact, &amp; des dispositions requises pour le pouvoir observer, <hi rend="i">Je répons qu’il ne peut pas estre, qu’une mesme chose soit possible &amp; impossible tout ensemble ; que l’Immortalité corporelle doit estre l’une, ou l’autre, mais qu’elle ne peut pas estre l’une &amp; l’autre. Si elle peut estre demontrée possible, il la faut croire possible, travailler à surmonter les difficultez qui nous éloignent de reduire la possibilité à l’effet, &amp; ne pas croire que le regime necessaire pour vivre soit d’une exactitude qui le rende impossible à trouver. Toute l’exactitude qu’il faut, est de ne laisser jamais manquer les substances reparantes, car pour les dispositions requises pour observer ce regime, elles ne manquent jamais que par nostre faute, &amp; parce que nous laissons tomber le corps dans un excés de foiblesse, qui le met hors d’estat de pouvoir l’observer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit qu’il n’y a point de matieres assez pures, pour entretenir &amp; conserver toujours la vie. Je répons que puis qu’il y a eu des matieres assez pures, pour nous former &amp; nous faire croistre, il doit y en avoir d’assez pures, pour nous conserver &amp; nous entretenir ; qu’il est plus difficile de former &amp; de faire croistre un sujet, que de le conserver &amp; de l’entretenir, &amp; que qui peut le plus, peut le moins ; que qui donne l’estre, doit donner tout ce qui est necessaire pour la conservation de l’estre ; autrement ce seroit manquer de prévoyance ou de pouvoir. On ne peut dire que Dieu manque de l’une ny de l’autre. Ainsi ayant donné l’estre à l’homme, il luy a donné tout ce qui est necessaire pour le conserver. Puis que Dieu a créé l’homme, il veut qu’il soit, &amp; puis qu’il veut qu’il soit, il veut sa conservation, car sans sa conservation il ne seroit plus. La structure du corps humain, est encore une marque, que Dieu veut sa conservation, puis que tous les organes qui le composent, servent à luy procurer quelque bien, ou à le deffendre de quelque mal ; &amp; Dieu veut si absolument la conservation humaine, qu’il a expressement deffendu de tuer. Pourquoy deffendroit-il de tuer, s’il vouloit la mort de l’homme ? Aussi ne demande-t-il que sa conversion, &amp; qu’il vive. C’est l’ignorance, qui le plus souvent nous fait mourir. C’est elle qui est cause, que n’usant pas comme nous devrions, des biens que Dieu nous donne pour nostre conservation, nous en corrompons l’effet, &amp; laissons détruire de tous les Ouvrages de Dieu, celuy qu’il aime le mieux, &amp; qui de tous les Estres, semble le plus capable de connoissance &amp; de raison.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’ignorance est un grand péché. Elle seule suffit pour faire perir l’ame &amp; le corps. C’est elle qui produit les fausses religions &amp; toutes les erreurs. C’est elle qui cause nos maladies, &amp; qui nous cache le remede qui leur est propre, &amp; par conséquent c’est elle qui rend nos maladies mortelles, incurables, longues &amp; dangereuses. De tout autre péché on peut se relever, moyennant un veritable repentir ; mais de celuy-là, il ne suffit pas d’en estre repentant pour sortir du danger où il nous met, &amp; mesme quelques-fois l’ignorance est si grande que loin de s’en repentir, on ne la connoist pas bien.</hi></p>
            <p><hi rend="i">En voicy deux exemples, de mille que je pourrois apporter. Depuis plus de cinq mille ans que nous comptons la Creation du monde, on s’est contenté de sçavoir qu’il faut manger, mais on ne sçait encore, ny ce qu’il faut manger, ny comment, ny quand, ny la quantité qu’il faut manger. Aprés cela, peut-on croire que l’on sçait ce qui est necessaire pour vivre ? On peut dire de mesme de la fiévre. On sçait que toutes personnes en peuvent estre attaquées ; cependant, on ne sçait pas encore un remede certain pour toutes personnes. On me dira que l’on ne peut pas trouver un remede certain &amp; general pour guerir la fiévre, à cause de la differente des temperamens. Ignorance. Puis que la fiévre, est toujours la fiévre, dans tous les temperamens qu’elle attaque, quoy que differens, le veritable remede de la fiévre doit guerir la fiévre en tous temperamens. Il faut donc conclure, que nous ignorons le veritable moyen de guerir la fiévre, &amp; que nous n’en sçavons pas davantage à l’égard des autres maux, ausquels nous sommes sujets. Voila des fruits de l’ignorance. Il fait beau voir que l’on meure de la fiévre quelquefois, &amp; qu’on en échape quelquefois. N’est ce pas une marque que l’on ne guerit pas par science, mais seulement par hazard ? Tout cela procede de ce que l’on sçait imparfaitement, &amp; que l’on ignore parfaitement. Si l’homme avoit banny l’ignorance &amp; la malice, laquelle pour l’ordinaire vient de l’ignorance, ce monde seroit un Paradis terrestre, où la Bonté infinie ne nous refuse point ce qui nous est necessaire, &amp; ainsi tous nos besoins viennent generalement par l’ignorance, ou la malice des hommes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit qu’il est possible de conserver &amp; d’entretenir la vie pendant un temps, mais non pas toujours. J’ay déja répondu à cette objection, mais pour ne pas renvoyer à la premiere partie de cet écrit, j’y répondray encore, &amp; je diray que ce qui est possible en un temps, peut estre possible en tout temps ; que le temps n’est pas plus difficile à vivre en un espace qu’en l’autre ; &amp; que si l’on a pû trouver des matiéres assez pures pour entretenir la vie pendant un temps &amp; pour faire croistre, qui est plus qu’entretenir, puisque c’est augmenter, il est possible d’en trouver d’assez pures pour l’entretenir toûjours. S’il en est autrement c’est par nôtre faute, &amp; parce que nous laissons diminuer les forces du corps jusques à un point qu’elles ne peuvent plus suffire pour le conserver.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit qu’il est plus difficile de conserver &amp; d’entretenir un sujet, que de le former &amp; le faire croistre, &amp; on nous en donne pour exemple, que nous sçavons faire venir &amp; croistre les fleurs, mais que nous ne sçavons point le secret de les conserver &amp; de les entretenir toujours. Je répons, que ce n’est point nous qui sçavons les former &amp; les faire croistre, mais seulement que nous sçavons les dispositions, où il les faut mettre afin qu’elles se forment, &amp; qu’elles croissent, &amp; que du surplus, il n’est pas étrange si nous ne sçavons pas le moyen de les conserver &amp; entretenir toujours, puis que nous ne sçavons pas pour nous mesmes, ce qui peut nous conserver &amp; entretenir toujours. Les fleurs sont des corps encore plus foibles que les nostres, &amp; par cette raison il faudroit plus de soin pour leur conservation que pour la nostre. Si les fleurs meurent, ce n’est point une preuve que nous devions mourir. Exemple, pour exemple. Le vent qui fait mouvoir une giroüette, ne fait pas mouvoir une Citadelle. Le froid fait mourir les mouches dés l’Automne, &amp; nous supportons l’Hiver sans en mourir. Les fleurs se flétrissent dés que les premieres chaleurs augmentent, &amp; nous supportons les plus fortes chaleurs de l’Esté. Il n’y a naturellement que le Printemps qui soit propre aux fleurs, mais par art, on pourroit trouver le moyen de les conserver. Il ne faudroit que les tenir dans une temperature semblable au Printemps, &amp; les preserver également du chaud &amp; du froid, mais la peine passeroit l’utilité, &amp; l’on feroit mieux, ce me semble, d’employer ces soins à la conservation du corps humain, dont les organes plus forts seconderoient plus facilement nos desseins.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit que l’immortalité corporelle ne peut estre, parce que ce seroit le mouvement perpetuel, que l’on a cherché, &amp; qu’on ne sçauroit trouver. Je répons, que si jusques à present on ne l’a pû trouver, ce n’est pas une preuve qu’il soit difficile à trouver. Je ne diray pas s’il est possible, ou impossible à trouver ; car c’est une faute tres-grande d’affirmer, ou de nier ce que l’on ne connoist pas. Je diray simplement que l’on cherche le mouvement perpetuel, &amp; qu’on le veut trouver où il n’est peut-estre pas possible qu’il soit, &amp; qu’on ne le cherche pas où il est. Jusques à present il ne s’est point trouvé dans les ouvrages des creatures, mais il est dans plusieurs œuvres de Dieu. Il est dans le mouvement des Cieux, dans le cours des Astres, &amp; des eaux vives, dans la circulation du sang, &amp; dans beaucoup d’autres choses où nous ne le connoissons pas, &amp; si l’on parvenoit à l’immortalité corporelle, on ne feroit que conserver en nous le mouvement perpetuel que Dieu y a créé.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je diray pour toute réponse aux objections Chrestiennes, que l’on oppose ou que l’on pourra opposer à l’avenir à la possibilité de l’immortalité corporelle, qu’il est croyable que l’ouvrage d’une main Eternelle, peut estre éternel, mais que si à cause du péché la condamnation qui soumet l’homme à la mort est irrevocable, il reste tant de genres &amp; d’especes differentes de morts accidentelles, que la Justice Divine peut entierement s’accomplir. Mon intention est seulement de faire connoître, que naturellement il est possible de ne point mourir de cette mort, qu’on appelle naturelle, ou de vieillesse, que pour mieux dire, on devroit appeller mort d’ignorance.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_132" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 132-160.</bibl>
          <p/>
          <p>Les évenemens fâcheux qui traversent le plus nos souhaits, ne doivent pas estre toujours regardez comme des malheurs. Ils sont necessaires quelquefois pour nous faire enfin trouver le repos que nous fuyons. La raison nous éclaire tout d’un coup ; &amp; à force de sentir ce qui nous blesse, nous nous détrompons de l’illusion qui nous represente des plaisirs réels dans ce qui n’en a que l’apparence. Une jeune Demoiselle que la mort de son Pere &amp; de sa Mere avoit renduë en quelque façon maistresse de ses volontez, en a fait l’épreuve depuis peu de temps. Ses yeux avoient de quoy toucher le plus insensible ; son teint estoit vif &amp; des plus brillans, &amp; la beauté de sa taille répondoit aux autres dons qu’elle avoit receus de la nature. Une vieille Tante, chez qui elle demeuroit, toujours malade, &amp; peu propre à bien regler sa conduite, la laissoit en liberté d’avoir une grosse Cour. Plus les Soupirans venoient chez elle en grand nombre, plus leurs assiduitez flattoient la vanité de la Belle. Elle estoit Coquette, &amp; si sensible aux douceurs, qu’elle en écoutoit indifferemment de tous ceux qui la voyoient. Le premier qui luy en venoit conter, paroissoit l’emporter d’abord sur tousses Rivaux, mais à peine le second arrivoit il, qu’il luy faisoit oublier ce que l’autre croyoit avoir gagné dans son cœur ; &amp; celui-cy n’étoit pas lui même plus avancé auprés d’elle, si-tost qu’un troisiéme entreprenoit de luy plaire. Ainsi pour se les vouloir acquerir tous, elle n’en gardoit aucun. Son caractere les dégoustoit en fort peu de temps, &amp; ils n’avoient pas si-tost découvert l’inégalité de son esprit, qu’ils cedoient la place aux derniers venus. Leur desertion ne lui causoit nulle inquietude ; le present étoit toujours ce qui la touchoit le plus, &amp; pourveu qu’elle eust des Adorateurs, elle s’embarrassoit peu s’ils étoient de vieille date. Aprés cinq ou six années passées indifferemment dans ce commerce d’Amans, aussi contraire à ses interests que peu avantageux à sa gloire, une Dame sage, &amp; d’un merite reconnu par tout, qui la voyoit quelquefois, luy parla un jour à cœur ouvert. Elle commença par luy applaudir sur sa beauté, qui luy faisoit faire tous les jours tant de nouvelles conquestes, &amp; en luy-representant le peu d’avantage qu’elle en retiroit, elle luy fit voir qu’insensiblement elle entreroit dans un âge où l’on cesseroit d’avoir de l’empressement pour elle, &amp; qu’il falloit préferablement à toutes choses, qu’une Fille raisonnable songeât à un établissement solide, qui luy pust donner un rang dans le monde, ce qui dépendoit du choix d’un Mary, qu’elle auroit peine à trouver, tant qu’elle negligeroit de fixer son cœur. La Belle goûta cette remontrance, &amp; ouvrant les yeux sur l’égarement de sa conduite, dont il falloit revenir, elle supplia la Dame qui luy donnoit de si bons conseils, de vouloir bien se charger du soin de luy choisir un Mary. La Dame songea aussi-tost à un Cavalier de ses Amis, bien fait, &amp; de bonne mine, Officier dans les Troupes d’Allemagne. La Belle luy estoit connuë, parce qu’il l’avoit trouvée quelquefois chez elle, &amp; elle se souvenoit qu’aprés l’avoir bien examinée il luy avoit fait l’éloge de sa beauté. Le Cavalier estoit assez mal dans ses affaires, &amp; l’argent comptant que la Belle avoit, luy devoit estre d’un fort grand secours pour s’avancer. La Dame proposa ce mariage à la Belle par maniere d’entretien, &amp; la Belle qui avoit l’idée du Cavalier, luy répondit serieusement qu’elle luy seroit extrémement obligée si elle mettoit la chose en estat de réussir. On ne perdit point de temps. La Dame écrivit au Cavalier, &amp; luy manda que connoissant ses affaires, elle croyoit qu’il ne devoit point refuser le parti qu’on luy offroit ; que si la Belle avoit vû du monde, un peu de coqueterie estoit pardonnable à une jolie Personne qui vouloit y renoncer ; qu’il avoit assez d’esprit pour la tenir dans les regles du devoir, &amp; que si son humeur legere &amp; inconstante avoit fait parler les médisans, il devoit acheter de quelque chose le plaisir d’avoir dequoy se tirer des embarras où le mettoit son peu de fortune. Le party fut accepté par le Cavalier, qui se trouvant arresté par son employ, pria que l’on voulust bien remettre aprés la Campagne la conclusion de son Mariage. Elle ne faisoit que de commencer, &amp; pour passer un si long-temps avec moins d’ennuy, il entra avec la Belle dans un commerce de Lettres, qui luy fit paroistre que son cœur estoit touché du souvenir de ses charmes. La Belle s’enflama de son costé, &amp; afin qu’on ne luy pust reprocher aucune coquetterie depuis la proposition qui luy avoit esté faite, non seulement elle ne fit plus de nouvelles habitudes, mais elle estoit à toute heure chez la Dame qui sembloit veiller sur ses actions, &amp; qui ayant perdu son Mary en ce temps là, ne fut pas faschée de ses assiduitez pour se reposer sur elle de beaucoup de soins qu’elle n’estoit pas en estat de prendre. Six mois s’écoulerent, &amp; la Campagne estant achevée, les Amans se virent avec une égale satisfaction. Le Cavalier eut d’abord tout l’empressement que le veritable amour peut donner, &amp; les clauses du Contrat furent bientost arrestées de bouche, mais quand il fut question d’écrire, il commença à faire voir moins d’ardeur. Il trouvoit la Belle aimable, à ne regarder que sa personne, mais les mauvais contes qu’on luy fit sur le grand nombre d’Amans qu’elle avoit eus, le blesserent malgré luy, &amp; il ne put cacher à la Dame qui l’avoit mis dans l’engagement où il se trouvoit, qu’il avoit beaucoup de repugnance à épouser une Fille que la medisance épargnoit si peu. En effet, on le railloit tous les jours sur son Mariage, &amp; on poussa la chose si loin, qu’il luy revenoit de toutes parts, que de jeunes étourdis se vantoient d’avoir esté en bonne fortune avec sa Maistresse. La Dame traitoit ces rapports de fausseté. Il croyoit luy-mesme que c’étoit une imposture, mais cette imposture estoit receuë du Public, &amp; pour un homme qui aimoit la gloire, il estoit cruel de s’exposer à la honte d’estre assez peu delicat sur la réputation, pour se laisser ébloüir par des avantages d’interest. Le chagrin que la Belle eut de son refroidissement, ne luy laissa garder aucunes mesures. Elle en accusa la Dame chez qui elle l’avoit trouvé plusieurs fois, &amp; alla luy demander ce qui pouvoit l’obliger à vouloir détruire ce qu’elle avoit fait. La Dame excusa cette chaleur, &amp; se contenta de luy répondre, que si elle avoit esté plus réservée dans les visites qu’elle avoit receuës d’une infinité de gens qui ne pouvoient servir qu’à la perdre, elle ne se seroit point attiré les bruits fâcheux qui degoustoient son Amant. Cette petite dispute qui marquoit un peu de jalousie, n’eut d’abord aucune suite, mais la Belle qui commençoit à se défier de quelque secrette intelligence, revint tant de fois luy faire les mesmes plaintes, la venant mesme trouver à des heures fort induës, dans la pensée de rencontrer le Cavalier avec elle, ce qui arriva plus d’une fois, que la Dame fut enfin contrainte de luy parler aigrement. Ainsi la Belle sortit un jour en furie avec protestation de ne la revoir jamais. Elle voulut obliger le Cavalier à faire la mesme chose. Il s’en deffendit, sur ce que l’honnesteté ne luy pouvoit permettre de rompre si legerement avec une Amie de longues années, &amp; tout ce qu’elle put luy faire promettre, ce fut qu’il la verroit moins souvent. Il ne luy tint pas parole, &amp; comme la Dame logeoit dans le voisinage, il ne quittoit jamais la Belle le soir, qu’il n’allast chez elle ensuite par des chemins détournez. Le soin qu’elle avoit de le faire suivre la rendoit certaine du nombre de ses visites &amp; de leur longueur, &amp; ce qui servoit à les luy rendre suspectes, c’est que rarement il en demeuroit d’accord. Cependant les choses n’avançoient point, quoy qu’il continuast toujours de la voir, &amp; mesme d’une maniere bien plus agreable qu’il n’avoit fait depuis quelque temps. Elle avoit toujours un Grison tout prest à l’épier lors qu’il sortoit de chez elle, &amp; un soir qu’il s’y estoit arresté, contre l’ordinaire, jusqu’à onze heures &amp; demie, la belle humeur qu’il avoit montrée luy ayant paru misterieuse, elle redoubla ses ordres pour le faire suivre, afin de sçavoir s’il retourneroit chez luy. Son Grison qui les receut devoit luy en venir dire des nouvelles, &amp; fut attendu avec d’autant plus d’impatience qu’il ne revint qu’à deux heures aprés minuit. C’estoit dequoy faire raisonner sa jalousie, qui ne put pourtant porter ses soupçons iusqu’où l’on venoit de pousser la chose. Le Grison rentra tout hors de luy-même, ne pouvant presque parler, tant ce qu’il venoit de voir luy sembloit tenir d’un songe. Le Cavalier qu’il avoit suivi estoit entré chez la Dame, &amp; un peu aprés minuit ils estoient sortis ensemble, accompagnez d’une jeune Demoiselle qui demeuroit dans cette même maison, &amp; que l’on disoit depuis quelques jours qui devoit bientost se marier. Quatre hommes les escortoient, &amp; ils s’estoient tous rendus à la Paroisse, dont la porte leur avoit esté ouverte si-tost qu’ils avoient paru. On l’avoit fermée ensuite, &amp; le Grison qui n’avoit osé se presenter pour entrer, parce qu’il auroit esté reconnu, aprés avoir attendu une bonne heure, les avoit vûs retourner tous chez la Dame. Tout cela portoit la certitude d’un mariage. Le doute estoit seulement entre la Dame &amp; la jeune Demoiselle. Outre que la Belle ne pouvoit croire son Amant capable de prendre party ailleurs avant que de s’estre dégagé des promesses qu’il luy avoit faites, elle eut d’autant plus de lieu de suspendre ce qu’elle en devoit penser, que ce même jour il vint dîner avec elle. Il luy dit mille choses obligeantes, &amp; luy parla même du soin qu’il prenoit de faire au plûtost cesser les obstacles qui ne luy avoient point permis jusque-là de rien conclurre avec elle. Cependant comme elle s’étoit engagée à luy plûtost par raison que par amour, elle résolut, s’il la trompoit, d’agir en Fille d’esprit, &amp; de ne luy pas donner l’avantage de pouvoir dire que son changement luy eust causé du chagrin. Elle fut entierement éclaircie trois heures aprés par une rencontre assez extraordinaire. Elle avoit esté priée de tenir un Enfant sur les Fonts dans cette mesme Paroisse. La ceremonie se fit, &amp; comme les Parrains &amp; les Marraines sont obligez de signer sur le Registre, elle trouva que le dernier article que l’on y avoit écrit, estoit celuy du Mariage du Cavalier &amp; de la Dame, avec les noms des quatre Témoins. Elle eut la force de ne témoigner aucune émotion, &amp; passa le soir à s’affermir elle mesme contre une avanture si inopinée. Le lendemain elle se sentit tranquille, &amp; le Cavalier estant venu la revoir, elle le receut d’une maniere agréable, &amp; avec des marques d’une gayeté qu’elle n’avoit point coutume d’avoir. Elle fit reflexion qu’il n’y avoit rien d’assuré au monde, &amp; qu’il estoit temps qu’elle cherchast son bonheur en elle mesme, puis qu’elle voyoit que sa conduite trop peu reguliere ne luy laissoit pas une réputation assez établie pour esperer qu’elle pourroit faire un choix dont son cœur seroit content. Cette pensée la mit au dessus de ses chagrins, &amp; le Cavalier continuant toujours à la voir, elle soutint admirablement huit ou dix jours la résolution qu’elle avoit prise d’abord de ne luy rien dire de son Mariage. Elle sçavoit qu’il luy estoit important d’en faire un secret à cause du poste où il cherchoit à entrer, &amp; elle regardoit l’éclat qu’elle auroit pû faire, comme une vangeance indigne d’elle, &amp; qu’elle se seroit reprochée toute sa vie. Quand elle se sentit assez ferme dans ce qu’elle avoit résolu de faire, elle le pria de la mener chez la Dame avec qui elle se lassoit de vivre en froideur. Il fut ravi de la disposition où il la trouvoit, &amp; le jour fut pris pour cette visite. Jugez jusqu’où alla sa surprise, lors qu’aprés avoir salué la Dame, elle luy dit d’un air libre &amp; fort riant, qu’elle venoit se réjoüir avec elle de son heureux mariage. On voulut d’abord nier la chose mais elle dit en termes si positifs ce qu’elle avoit leu sur le Registre, qu’aprés avoir nommé les quatre témoins qui avoient signé, la Dame fut obligée de lui avoüer qu’elle n’avoit pû résister à une inclination secrete qu’elle avoit toujours sentie pour le Cavalier. Elle ajoûta qu’elle ne les auroit jamais engagez l’un avec l’autre, si elle avoit pû prévoir qu’elle eût dû devenir veuve en si peu de temps, &amp; qu’elle avoit fait tous ses efforts pour se vaincre, afin de ne luy donner aucun sujet de chagrin, mais que son étoile avoit enfin prévalu. La Belle luy répondit qu’elle ne souhaitoit rien avec plus d’ardeur que de les voir l’un &amp; l’autre aussi contens qu’elle ; qu’elle les prioit de s’assurer d’un entier secret tant qu’ils le voudroient garder, &amp; qu’elle esperoit leur faire bientost connoistre qu’il ne manquoit rien à son bonheur. Elle finit sa visite par cette assurance. Le Cavalier qui ne pouvant se justifier avoit gardé le silence, luy voulut donner la main pour la remener chez elle. Sa réponse fut qu’elle le prioit de ne se pas souvenir qu’il luy eust jamais parlé, puis qu’aussi bien ils estoient morts l’un pour l’autre. Le lendemain, elle entra dans un Convent, où elle estoit seure de trouver tout à souhait, tant pour la vertu &amp; les manieres des Religieuses, que pour la societé d’un fort grand nombre de jolies Pensionnaires. Elle y mene depuis six mois la vie du monde la plus douce &amp; la plus tranquille, sans se soucier d’Amans ny de mille choses qui l’ont amusée inutilement dans ses premieres années, &amp; elle proteste que quand mesme il ne luy viendroit aucune vocation pour prendre le Voile, rien ne pourroit l’obliger à sortir d’un lieu, où la paix du cœur &amp; de l’esprit luy fait un bonheur aussi accompli, qu’elle est asseurée qu’il sera durable.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_160" resp="wordpro">
          <head>Sur les Charbons trouvez dans des Sepulchres</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 160-174.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy une Réponse sur ce qui a esté proposé dans un des Journaux des Sçavans, &amp; dont je me souviens de vous avoir parlé dans l’une de mes dernieres Lettres. Je n’en connois point l’Auteur, qui s’est contenté de mettre ces six lettres, F. F. D. L. R. I. au bas de l’Ouvrage. J’en ay un autre de luy sur le Devin de Lyon que je vous reserve pour le mois prochain, ayant déja mis d’assez longues Lettres sur cette matiere, au commencement de celle-cy, &amp; voulant passer à d’autres articles.</p>
          <quote>
            <label>SUR LES CHARBONS<lb />TROUVEZ<lb />Dans des Sepulchres.</label>
            <p><hi rend="i">A Vous dire le vray, Monsieur, je ne juge pas que le Docteur de Bordeaux ait esté aussi heureux dans ses conjectures sur le sujet des Charbons, dont le Journal des Sçavans a parlé, que le Devin de Lyon le fut dans la chasse qu’il donna</hi> au petit Bossu ; <hi rend="i">mais en revanche il n’a point risqué, selon moy, de les faire passer pour forcées dans la découverte qu’il a prétendu faire en faveur du Public, d’un petit mystere caché depuis si long-temps au fond des sepulcres. Je crois mesme qu’il est fort bon Chrétien, d’avoir pû se persuader que ces Vrnes pleines de charbons marquent, que c’estoient-là des Reliques de quelques Martyrs éprouvez par le supplice du feu. Encore si l’on avoit trouvé ces testes, ces Vrnes &amp; ces charbons sous des Autels, où l’on avoit en effet accoustumé de placer autrefois ces sortes de Reliques, il y auroit quelque apparence de verité dans ce qu’il debite ; mais s’il paroist que ces lieux ont esté des Cimetieres Publics, il n’est pas croyable, que ce soient des signes du tourment que ces Morts ont enduré. Que si ce Docteur a eu raison de croire, que ce ne pouvoient estre des Vrnes des anciens Payens, parce qu’ils avoient coutume de reduire en cendre les corps morts tous entiers sans en épargner les testes, je ne vois pas comment il s’est imaginé que celles de nos Martyrs auroient esté plus épargnées, s’ils avoient souffert le supplice du feu, comme il le présume. Reste donc à porter nos yeux sur quelque chose de plus vray-semblable, puisque cette idée ne sçauroit nous contenter.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais afin de declarer plus nettement ce que j’en pense, je crois pouvoir supposer, comme un fondement presque incontestable, que toutes les differentes choses qu’on trouve dans les sepulchres des Anciens, sont des pieces symboliques qu’on y a mises, ou pour la gloire des Morts, ou pour l’instruction des Vivans, car &amp; les Fidelles &amp; les Infidelles sont assez convenus de tout temps, que ces Sepulchres sont une espece d’Ecole, ainsi que dit le S. Esprit, d’où l’on peut tirer une instruction capable de remettre au devoir les hommes les plus égarez</hi>. Ipse ad Sepulcra ducetur, &amp; in congerie mortuorum evigilabit. <hi rend="i">Je ne trouve pas cependant que selon cette idée, les autoritez d’Horace &amp; de Perse, alleguées par nostre Docteur puissent servir de rien au sujet dont il s’agit, à moins qu’on ne voulust joindre à l’ancien usage que ces deux Satyriques marquent, les sentimens d’humilité propres d’un Chrestien, qui prendroit ces charbons comme un signe parlant, pour faire un aveu que la vie a esté criminelle</hi>, Denigrata est super carbones. <hi rend="i">Peut-estre que regardant les cendres du Mort, comme ce qui restoit de luy, &amp; ces charbons comme le symbole de toutes les choses qu’il avoit possedées, on a voulu faire comprendre ce que dit ce Poëte, que l’Vrne doit servir de mesure aux hommes &amp; de ce qu’ils sont, &amp; de ce qu’ils ont</hi>, Urna quæ nos colligit omnium mensura rerum est. <hi rend="i">J’aimerois pourtant mieux dire, que tout de mesme que les Anciens se servoient autrefois de charbon pour fixer les bornes &amp; les limites de leurs heritages, c’est aussi peut-estre pour cela que selon cette veuë, on a mis du charbon dans les tombeaux, pour nous faire concevoir que c’est-là le veritable terme des desirs, de l’ambition, de la vanité, des esperances, &amp; generalement de tout ce qui enteste les hommes</hi>, Hîc rerum terminus esto ; <hi rend="i">&amp; que comme si ce Mort parloit aux Tirans, il leur disoit, faites reflexion que toutes vos prétentions sont enfin bornées à ce Sepulchre</hi>, Solum mihi superest sepulcrum. <hi rend="i">La conjecture paroistra peut estre d’autant plus vray-semblable, qu’on donnoit également le nom de</hi> Tumulus <hi rend="i">à ces monceaux de terre qu’on élevoit, &amp; pour fixer des bornes aux heritages, &amp; pour ériger un monument sur le Sepulchre des Morts ; de sorte qu’on pourroit bien avoir mis du charbon dans cette occasion, afin de faire un plus juste rapport de l’un à l’autre.</hi></p>
            <p><hi rend="i">De plus nous lisons, que celuy qui dressa le plan, &amp; qui fit la fondation du Temple de Diane à Ephese, affermit ce grand &amp; superbe Edifice sur du charbon pilé pour le rendre inébranlable dans un sol marescageux</hi>. Calcatis stravêre carbonibus. <hi rend="i">Pourquoy ne pourrions-nous pas dire, que nos corps estant le Temple de Dieu, on a voulu nous faire concevoir comme dans une Enigme, qu’ils ne laisseroient pas de durer au-de-là du Sepulchre, qui estoit pour eux la maison de l’Eternité</hi>, Ibit homo in domum æternitatis ? <hi rend="i">Seroit-il encore hors de propos de s’imaginer que le charbon estant une substance, qui quoy qu’alterée par le feu, ne laisse pas d’estre d’une plus longue durée que les matieres les plus solides, il semble qu’on l’ait choisie entre toutes les autres pour marquer l’esperance de l’Eternité, que nos corps attendent dans ce Sepulchre</hi>, Reposita est hæc spes in sinu meo ? <hi rend="i">Il y a d’autant plus d’apparence dans cette conjecture, que cette mesme matiere ayant esté autrefois embrasée, elle est tellement éteinte, qu’il est tres-facile de la rallumer, &amp; qu’étant embrasée de nouveau, son feu en est plus vif &amp; plus ardent. Ainsi nos corps, quoy que reduits en cendres, doivent reprendre une vie immortelle &amp; infiniment plus parfaite, que celle qu’ils ont perduë, lorsque l’ame, qui n’est pas mal representée par le Symbole du feu, rallumera ces charbons esteints à present</hi>, Igneus est ollis vigor. <hi rend="i">Enfin, Monsieur, le charbon étant d’un costé une substance fragile, friable &amp; facile à reduire en poussiere, est une image fort naturelle de la foiblesse de nos corps, &amp; qui de l’autre est plus inalienable, incorruptible &amp; durable que les marbres mesmes, comme remarquent les Naturalistes, ils peuvent estre pris pour un Symbole assez juste de l’Eternité que nos corps attendent ; si-bien qu’on l’a choisi dans cette occasion pour nous faire entendre qu’il faut que ce corps corruptible devienne incorruptible</hi>, Opportet corruptibile hoc induere incorruptionem. <hi rend="i">Toutes ces raisons, comme vous voyez, supposent que ce sont là des Vrnes des Chrestiens, &amp; qu’il n’y a que la seconde qu’on puisse ajuster aux Payens même.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quoy qu’il en soit, Monsieur, ce sont mes conjectures que vous avez voulu que je vous disse. Je ne sçay si elles vous contenteront ; mais je sçay bien qu’elles ne me satisfont pas pleinement moy-mesme. En tout cas, peut-estre feront-elles naistre la pensée à quelqu’un qui aura plus de science, plus de loisir &amp; plus de bonheur que moy, d’en former de plus raisonnables. Je suis seur cependant, que si vous prenez la peine de consulter S. Augustin au Livre 21. de la Cité de Dieu, au Chapitre 4. &amp; le Cardinal Pierre Damien en l’Opuscule 36. C. 11. vous y trouverez dequoy justifier, que je n’ay pas suivi purement mon caprice dans ce que je viens de vous dire. Mais je veux y ajouster quelque chose de plus certain, en vous assurant, Monsieur, que je suis avec tout l’attachement possible, Vostre, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_180" resp="wordpro">
          <head>Le Piédestal. A M<hi rend="sup">r</hi> de Bertillat, ancien Garde du Tresor Royal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 180-183.</bibl>
          <p/>
          <p>La Piece de Vers que vous allez lire, est de M<hi rend="sup">r</hi> Boursaut, connu par beaucoup d’Ouvrages que le Public a fort estimez.</p>
          <quote>
            <label>LE PIEDESTAL.<lb />A M<hi rend="sup">r</hi> de Bertillat, ancien Garde du Tresor Royal.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Je doute qu’Alexandre ait esté magnanime,</l>
              <l rend="i">Et que Jules Cesar eust le cœur bien placé ;</l>
              <l rend="i">Tant les Heros du temps inspirent peu d’estime</l>
              <l rend="i"> Pour les Heros du temps passé.</l>
              <l rend="i"> C’est ainsi qu’avec un grand flegme</l>
              <l rend="i">S’expliquoit l’autre jour une Dame d’esprit ;</l>
              <l rend="i"> Je trouve que cet Apohthegme</l>
              <l rend="i">Vaut bien ceux que la Grece autrefois nous apprit.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Si l’on vivoit jadis comme au temps où nous sommes,</l>
              <l rend="i"> N’en déplaise à l’Antiquité,</l>
              <l rend="i">Ceux qui dans leurs Ecrits ont mis tant de Grands Hommes,</l>
              <l rend="i"> Abusoient la Posterité.</l>
              <l rend="i">Il n’en est presque point. Je n’en sçay point la cause.</l>
              <l rend="i"> Je remarque dans tous les rangs</l>
              <l rend="i"> Que le peu qu’on y voit de Grands,</l>
              <l rend="i"> Sont tous montez sur quelque chose.</l>
              <l rend="i"> L’un monté sur un grand credit,</l>
              <l rend="i"> Ou sur une haute naissance,</l>
              <l rend="i"> Paroist d’une grandeur immense,</l>
              <l rend="i">Qui sans un tel secours paroistroit bien petit.</l>
              <l rend="i"> L’autre qu’éleve la fortune,</l>
              <l rend="i"> Et dont son orgueil se prévaut,</l>
              <l rend="i">Seduit par une erreur à tant d’autres commune,</l>
              <l rend="i"> Se croit grand par ce qu’il est haut.</l>
              <l rend="i">N’estoit leur Piedestal qui leur donne du lustre</l>
              <l rend="i">Par le rang qu’autrefois leurs Ayeux ont tenu,</l>
              <l rend="i"> Tel qui sort d’une Tige illustre</l>
              <l rend="i"> A peine seroit-il connu.</l>
              <l rend="i"> Quelques éloges qu’ils entendent,</l>
              <l rend="i">C’est à leur Piedestal que ces honneurs se font.</l>
              <l rend="i"> Dés le moment qu’ils en descendent</l>
              <l rend="i"> Rien n’est plus petit qu’ils le sont.</l>
              <l rend="i"> A de certains Prelats que l’on ôte leur Mitre,</l>
              <l rend="i"> A certains Presidens qu’on ôte leur Mortier,</l>
              <l rend="i"> Si-tost qu’ils quitteront leur titre,</l>
              <l rend="i"> Ils perdront leur merite entier.</l>
              <l rend="i">Il ne part de leur ame aucun trait de noblesse :</l>
              <l rend="i">Soit qu’ils soient dans la joye ou qu’ils soient dans le deüil ;</l>
              <l rend="i"> Malheureux, ce n’est que foiblesse,</l>
              <l rend="i"> Et fortunez, ce n’est qu’orgueil.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Toy, dont le cœur tranquille, ennemy de l’extrême,</l>
              <l rend="i">N’est jamais orgueilleux, ny jamais abattu,</l>
              <l rend="i"> Ton Piedestal est ta vertu,</l>
              <l rend="i">Et c’est-là proprement estre grand par soy-mesme.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_183" resp="wordpro">
          <head>Placet a Flore</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 183-186.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez esté fort satisfaite des Eglogues où le nom de Cydippe est employé. Elles sont de M<hi rend="sup">r</hi> Auboüin, dont j’ay recouvré ce nouvel Ouvrage.</p>
          <quote>
            <label>PLACET A FLORE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Plaise à la Reine des Fleurs</l>
              <l rend="i"> De décider au plus vite</l>
              <l rend="i">Une affaire, dont la suite</l>
              <l rend="i">Causeroit de grands malheurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les deux Fleurs, dont se compose</l>
              <l rend="i">L’aimable teint de Philis,</l>
              <l rend="i">Sont &amp; la Rose &amp; le Lis,</l>
              <l rend="i">Ou bien le Lis &amp; la Rose.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Toutes deux sur ce beau teint</l>
              <l rend="i">Veulent la premiere place ;</l>
              <l rend="i">L’une &amp; l’autre a de la grace,</l>
              <l rend="i">Et l’une &amp; l’autre se plaint.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le Lis contre sa Rivale</l>
              <l rend="i">Remontre tres-humblement,</l>
              <l rend="i">Que la Rose incessamment</l>
              <l rend="i">Contre luy brigue &amp; cabale.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que contraire à sa candeur,</l>
              <l rend="i">Et soigneuse de luy nuire,</l>
              <l rend="i">La Rose pour s’introduire</l>
              <l rend="i">A sceu gagner la Pudeur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Qu’au plus discret badinage,</l>
              <l rend="i">Au plus modeste entretien,</l>
              <l rend="i">Pour un mot, souvent pour rien,</l>
              <l rend="i">Rose aussi-tost au visage.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">La Rose à cela répond</l>
              <l rend="i">Tout ce qu’en pareille cause</l>
              <l rend="i">Répondroit toute autre Rose,</l>
              <l rend="i">Qui répondroit tout au long.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Sur ce vous plaise, Déesse,</l>
              <l rend="i">De prononcer à l’instant.</l>
              <l rend="i">Le debat est important,</l>
              <l rend="i">Ordonnez, la chose presse.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Reglez le rang de nos Fleurs,</l>
              <l rend="i">Accordez les au plus vite.</l>
              <l rend="i">Cette affaire est d’une suite</l>
              <l rend="i">A causer bien des malheurs.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_207" resp="wordpro">
          <head>[Lettre de Mr l’Evesque de Metellopolis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 207-214.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy une Lettre qui a esté écrite du mesme Royaume, par M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Metellopolis, aux Missionnaires des Pays Etrangers qui sont à Paris.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">MESSIEURS &amp; tres-chers Freres. Nostre Seigneur soit l’unique objet de vos pensées.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nonobstant la difficulté de vous faire tenir nos Lettres, à cause des Guerres que l’on dit estre encore bien allumées en Europe, je ne croy pas devoir me dispenser de vous écrire à tout hazard, pour vous donner avis que le Roy nous a fait rendre nostre Seminaire, &amp; que nous y sommes rentrez dés le jour de S. Marc de la presente année 1691. Les autres François Laiques, tant Soldats, que gens de la Compagnie Royale, &amp; quelques particuliers, avec un Moscovite, ne furent delivrez que dans le mois de Septembre suivant, &amp; nous les avons logez chez nous. Il faut les nourrir, &amp; les entretenir de tout, comme nous avons fait lors qu’ils estoient prisonniers. Comme leur nombre est grand, la dépense l’est aussi ; &amp; quoy que nous ayons reçu quelque secours de Messieurs de la Coste de Coromandel. &amp; quelques aumônes de M<hi rend="sup">rs</hi> les Espagnols de Manille, qui avoient appris l’extrême pauvreté où nous estions, nous sommes obligez d’emprunter, &amp; de nous endetter. La cause de nostre rétablissement est que le Pere Tachard a renvoyé icy les Mandarins qu’il avoit emmenez en France, &amp; qu’il leur a donné des Lettres du R. Pere de la Chaise, &amp; des siennes pour cette Cour. Il écrivit qu’il s’abstenoit de venir luy-mesme jusqu’à ce qu’il sceust les intentions du Roy de Siam, &amp; on a resolu de luy envoyer à la Coste de Coromandel trois autres Mandarins avec une Lettre du Barcalon, pour le convier à venir, &amp; pour l’asseurer qu’il le peut faire en toute asseurance, car selon toutes les apparences, ils ne sont pas à present si éloignez de se raccommoder avec nôtre Nation, qu’ils l’estoient auparavant. Les Mandarins devoient partir peu de jours aprés qu’on eut receu le paquet du Pere Tachard, mais comme on est toujours icy lent dans les affaires, on a laissé passer la saison des vents, &amp; il faut attendre à un autre temps. Vous pouvez avoir appris par d’autres voyes que nos chers Confreres, M<hi rend="sup">rs</hi> de Frard, Monestur, Paumard, &amp; le Chevalier sont morts, Quant à nous qui leur survivons, nous nous sentons fort affoiblis, mais graces à Dieu, nous sommes assez en repos ; personne ne nous inquiete, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Pocquet continuë ses secours à nos Ecoliers. M<hi rend="sup">r</hi> Perez, Evesque Portugais, &amp; Vicaire Apostolique de la Cochinchine, est party aprés son Sacre pour s’y rendre. Un Prestre de la mesme Nation y est aussi en qualité de Vicaire, qu’ils appellent</hi> de Vara, <hi rend="i">avec le Pere Barthelemy d’Acosta, Jesuite. Il y a trois de nos Missionnaires qui ont quitté de force par l’excés du travail, &amp; qui ont tous esté malades. Nos Evesques François, Vicaires Apostoliques de Tonquin, joüissent d’une assez bonne santé, &amp; d’une assez grande paix dans leurs Missions. M<hi rend="sup">r</hi> Charmot, Missionnaire de France, arrivé à la Coste l’année derniere, est allé à la Chine. Nous n’avons encore receu aucune des Lettres qu’il a apportées de Paris. Je ne sçay s’il repassera par Siam. M<hi rend="sup">r</hi> Pin repasse de la Chine en Europe. Il est à present à Ponticheri. Nous avons secouru les Peres Madonat &amp; Suarez, Jesuites, en tout ce que nous avons pû. Nous avons retiré dans nostre Maison, nonobstant nostre pauvreté, le Pere Madonat. Le Pere Suarez y seroit aussi, s’il estoit sorty du lieu où il est retenu par sa vieillesse &amp; par la perte qu’il a faite de la veuë. Voila à peu prés ce qui se presente à vous mander. Nous saluons tous nos Amis avec respect, nous recommandant à vos prieres. Je suis en Nostre Seigneur.</hi></p>
            <p>M<hi rend="sup">rs</hi> &amp; tres-chers Freres,</p>
            <p>Vostre tres-humble &amp; tres-obeissant Serviteur, <hi rend="sc">louis</hi>, Evesque de Metellopolis, Vicaire Apostolique de Siam.</p>
            <p><hi rend="i">A Siam le 25. Octobre 1691.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_215" resp="wordpro">
          <head>[Prix proposez par l’Academie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 215-219.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous pouvez avertir vos Amis qui voudront travailler pour les Prix que l’Academie Françoise distribuë tous les deux ans, que le vingtcinquiéme jour d’Aoust prochain, Feste de S. Loüis, elle donnera celuy de l’Eloquence, fondé par feu M<hi rend="sup">r</hi> de Balzac, de la mesme Academie. Le sujet sera, que <hi rend="i">la patience de Dieu est redoutable aux Méchans</hi>, suivant ces paroles de S. Paul ; <hi rend="i">Secundum autem duritiem, &amp; impœnitens cor thesaurisas tibi iram</hi>. Il faudra que le Discours ne soit que de demy-heure de lecture tout au plus, &amp; qu’il finisse par une courte priere à Jesus-Christ.</p>
          <p>Le mesme jour elle donnera le Prix de Poësie. Le sujet sera que, <hi rend="i">Plus le Roy merite les loüanges, plus il les évite</hi>. Ce sujet, suivant l’intention de ceux qui l’ont envoyé, est pris de ce que Sa Majesté n’a pas voulu recevoir les harangues des Compagnies, sur ses deux dernieres conquestes de Mons &amp; de Namur. Il sera permis d’y joindre tel autre sujet de loüange que chacun voudra, sur quelques actions particulieres de Sa Majesté, ou sur toutes ensemble, pourveu qu’on n’excede point cent Vers. On y ajoûtera une courte priere à Dieu pour le Roy, separée du corps de l’Ouvrage, &amp; de telle mesure de Vers qu’on jugera à propos. Ceux qui prétendront aux Prix, seront obligez de mettre leurs Ouvrages, dans le dernier du mois de May prochain, entre les mains de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Regnier, Secretaire perpetuel de l’Academie Françoise, à Hostel de Crequi, sur se Quay Malaquest, &amp; en son absence, chez le S<hi rend="sup">r</hi> Coignard, Imprimeur &amp; Libraire du Roy &amp; de l’Academie Françoise, ruë S. Jacques, à la Croix d’or. Je vous ay marqué dans d’autres Lettres que l’on ne reçoit aucun Discours sans une approbation signée de deux Docteurs de la Faculté de Theologie de Paris, &amp; qui y resident actuellement, &amp; que les Auteurs ne doivent point mettre leur nom à leurs Ouvrages, mais une marque ou paraphe, avec un passage de l’Ecriture-Sainte, pour les Discours de Prose, &amp; telle autre sentence qu’on voudra pour le Prix de Poësie.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_223" resp="wordpro">
          <head>Sur le Devin de Lyon</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 223-284.</bibl>
          <p/>
          <p>En vous parlant dans l’un des endroits de cette Lettre, de l’Auteur des Reflexions sur les Charbons trouvez dans les Sepulcres, je vous ay marqué que je reservois pour le mois prochain une autre piece de luy sur le Devin de Lyon, mais comme j’apprens qu’on écrit de toutes parts sur cette matiere, &amp; que chaque jour il paroist quelque Livre nouveau qui en traite, je ne veux point differer à vous faire part des raisonnemens qu’on oppose à ceux qui veulent attribuer à des causes naturelles les effets extraordinaires &amp; surprenans qu’on a publiez de la Baguette.</p>
          <quote>
            <label>SUR LE DEVIN<lb />de Lyon.</label>
            <p><hi rend="i">Quelque plaisir qu’il y ait à vous obeir, je vous avoüe pourtant, Monsieur, que pour le coup ma complaisance me coute quelque chose ; car j’ay du chagrin de voir que je risque en vous obeissant, de ne point satisfaire à vostre attente, &amp; d’encourir la disgrace de ceux que vous voudriez détromper, en opposant mes sentimens à leurs chimeres. Ces Amis dont vous me parlez, qui philosophent à perte de veuë sur le Devin de Lyon, qui vient de donner la chasse à des Voleurs jusque sur les Costes de Genes ; ces Amis, dis-je, ne reconnoissent point de bon sens, s’il n’est revestu d’un stile de ruelles capable d’enchanter les Dames, &amp; ils ne prennent que pour des rêveries, tout ce qui ne s’ajuste pas aux principes de Descartes. Cependant vous sçavez, Monsieur, que j’ay toujours fait estat de dire la verité sans nuls autres agréemens, que ceux qui sont absolument necessaires pour la faire comprendre, &amp; que je ne fais point vanité de suivre des routes nouvelles &amp; inconnuës dans la recherche que j’en fais. Cet évenement qui vient de paroistre lors qu’on s’y attendoit le moins, semble estre fait tout exprés pour ces Messieurs, puis qu’à les entendre parler, c’est une espece de triomphe qu’ils prétendent avoir remporté sur les Peripateticiens, lesquels ne voyent goute dans un pays, où tout est clair pour ces nouveaux Sçavans. Un homme qui mene battant, &amp; la verge haute une troupe d’Assassins, quoy qu’ils luy soient inconnus, &amp; qui les suit exactement à la piste sur le Rhône, &amp; malgré les flots de la Mediterranée, au delà des frontieres de ce Royaume, doit estre regardé comme un nouveau Messie, que Dieu a envoyé tout à propos en faveur de la belle Physique, &amp; pour découvrir au monde des secrets que l’ancienne Philosophie n’a jamais seulement entrevûs, &amp; dont tout le mistere estoit reservé à ceux qui ont assez de genie pour se défaire de tous les prejugez de l’Antiquité. Hé quoy ! peut-on aprés cela vouloir troubler la joye d’un pareil triomphe, &amp; disputer à vos Amis une victoire si complete, sans les irriter, &amp; sans s’attirer en mesme temps, &amp; leurs railleries &amp; leurs censures</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">Pour moy, Monsieur, qui n’ay jamais songé à exiger de ma raison un sacrifice de tous les préjugez que j’ay formez sur les sentimens d’une infinité de Sages des siecles passez, &amp; qui regarde cet effort, ou come le chef-d’œuvre du plus fin orgueil dont soient capables les esprits mediocres, ou comme le chemin le plus court pour arriver au libertinage des Mœurs &amp; de la Religion, je ne puis juger qu’à l’antique de ce Phenomene nouveau, &amp; de tout ce que les quatre Lettres de Lyon ont publié de l’histoire qui s’y est passée depuis trois mois. Je vous declare donc, Monsieur, qu’à peine d’estre regardé comme un Philosophe à la vieille mode, &amp; comme</hi> un homme organizé individuellement pour donner mon consentement aux opinions extraordinaires, &amp; qui ne sont point du ressort de la raison ; <hi rend="i">je declare, dis-je, que je ne suis pas du nombre</hi> des plus Naturalistes &amp; des moins scrupuleux ; <hi rend="i">mais qu’au contraire je donne de tout mon cœur dans l’opinion</hi> de plusieurs, qui croyent que tous ces Phenomenes proviennent des causes surnaturelles, &amp; qu’ils ne peuvent arriver sans Magie. <hi rend="i">Je ne prétens pas pourtant avec cela que mes Scrupules passent pour des Demonstrations ; mais peut-estre aussi les gens du bon sens jugeront ils, que ce sont-là plûtost les effets d’une crainte raisonnable, que de fausses delicatesses de conscience, ou de pures foiblesses d’esprit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Car à ne rien dissimuler, il n’y a que trop d’apparence, que ce Devin qu’on exalte avec tant de pompe, &amp; qu’on admire comme un prodige de nos jours, a apris par tradition quelque reste de la doctrine secrete d’Agrippa, &amp; que cette Verge qui conduit si juste sur les voyes des Voleurs par le cours du Rhône, est un</hi> Artocrate, <hi rend="i">à peu prés de la même espece, que</hi> ce petit chien, <hi rend="i">qui alla se précipiter autrefois dans la Saone en si bonne compagnie, aprés avoir mis sur pied bien du gibier de diverse nature. Quoy qu’il en soit, Monsieur, on ne peut pas douter que cet habile Maistre en Operations extraordinaires, n’ait fait à Lyon &amp; a Grenoble bien de ces sortes de leçons, qui durent long-temps après ceux qui les ont données, &amp; dont on n’abolit jamais la memoire qu’avec beaucoup de peine. Le pays où il a laissé ses Reliques, pourroit bien avoir encore quelques depositaires inconnus de ses secrets surprenans, &amp; il est à croire qu’ils ne sont pas au bout de leur science. Si on les laisse faire ils ne s’en tiendront pas là, &amp; on doit attendre dans la suite du temps qu’ils apprendront au monde plusieurs autres raretez plus admirables que celle-là. N’a-t-on pas lieu de l’esperer, Monsieur</hi>, puisque déja huit personnes se sont trouvées revestuës de ce don ignoré jusqu’à aujourd’huy ; <hi rend="i">&amp; que la verité de ce beau secret naturel</hi> sera bien-tost incontestablement confirmée sur l’observation qu’on a faite sur plusieurs Commençans, <hi rend="i">lors qu’ils seront Maistres passez dans le mestier dont ils ne sçavent à peine que les premiers principes ? Ce qu’il y a de bien asseuré, c’est que l’Histoire nous fait foy, que depuis l’établissement du Christianisme dans les Gaules, le rapide du Rhône a toujours paru propre aux Auteurs de toutes sortes de nouveautez, pour les faire voguer à leur gré, &amp; que les Provinces qu’il arrose leur ont rarement refusé le droit d’hospitalité, presque dans tous les siecles où elles ont commencé à paroistre. Il ne faut donc pas douter que la Secte</hi> des joueurs de baguette, <hi rend="i">n’y fasse fortune, puis qu’elle y a déja trouvé de si grands &amp; de si habiles Patrons ; puis qu’on a commencé de l’y regarder comme un</hi> don de Dieu ; <hi rend="i">puis qu’enfin on y cultive avec soin ce secret merveilleux, comme devant estre</hi> à l’avenir un rempart contre les Larrons &amp; contre les homicides.</p>
            <p><hi rend="i">Mais pour vous donner des raisons un peu plus solides de mes</hi> Scrupules, <hi rend="i">&amp; pour établir mon sentiment avec plus de methode, je suppose encore une chose incontestable, que l’Ecriture nous oblige à croire, qu’il y a eu des Devins &amp; un Art de divination, que Dieu a condamné, &amp; qui est l’effet d’un commerce criminel avec les Demons. Les Peres de l’Eglise, éclairez &amp; des lumieres de la droite raison &amp; de celles du S. Esprit, estant persuadez de cette verité, n’ont pas manqué de s’opposer de toutes leurs forces à ces dangereuses pratiques, lors qu’ils en ont trouvé de leur temps quelques vestiges parmy les Fidelles, commis à leur garde, &amp; ils se sont efforcez de leur faire sentir, que c’estoient-là des restes du Paganisme que J. C. avoit détruit. Tous les Theologiens enseignent avec S. Thomas, qu’il y a une divination diabolique, qui tient de la superstition &amp; de la curiosité, laquelle procede de la pernicieuse demangeaison, que les hommes ont de découvrir les choses qui leur sont cachées &amp; qu’ils ne doivent pas sçavoir. Enfin les Auteurs Sacrez &amp; Profanes conviennent unanimement, qu’il y a eu parmy les Payens un art de deviner, dont ils nous produisent diverses especes, divers exemples &amp; divers effets dans les Livres que nous avons d’eux sur ce sujet, &amp; dont la verité ne peut estre contestée, que par ceux qui conçoivent intuitivement</hi> aprés la derniere analyse des choses, <hi rend="i">qu’ils sont les seuls habiles, &amp; que l’antiquité n’a presque produit que des sots qui ont esté les dupes des moins grossiers, &amp; qui ont donné aveuglement dans les erreurs populaires.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Or vous sçavez, Monsieur, que cette divination si connuë parmy les Payens se portoit sur deux sortes d’objets, qui font encore aujourd’huy le sujet de la curiosité de bien des gens ; je veux dire, les choses</hi> futures, <hi rend="i">&amp; les choses</hi> occultes. <hi rend="i">Les hommes ont envie de sçavoir l’avenir, dont Dieu s’est reservé la connoissance, qu’il ne communique qu’à qui il luy plaist, &amp; comme il luy plaist. Tous les évenemens qui sont cachez dans son sein, se trouvent hors de la portée de nos esprits, &amp; ne se rencontrent point dans la Sphere des choses qui terminent naturellement leurs veuës. Ce n’est pas, que comme on peut demander à Dieu de temps en temps ses lumieres avec humilité &amp; sans présomption, pour connoistre quelques uns de ces objets, il n’y en ait aussi entr’eux, qui ont une telle liaison avec les causes naturelles, qu’on en peut juger probablement sur certains signes, &amp; qu’on peut mesme asseurer certainement dans quelques hypotheses. Cependant quelque curiosité que les hommes ayent toujours euë pour connoistre les choses</hi> futures, <hi rend="i">on peut dire qu’ils n’en ont pas eu une moindre pour sçavoir celles qu’on nomme</hi> occultes, <hi rend="i">par ce qu’elles ne se presentent pas d’abord à leurs esprits, &amp; qu’il ne les penetrent pas dans toutes les occurrences. Neanmoins il y en a de cette derniere sorte ausquelles leurs connoissances peuvent enfin parvenir, parce qu’ils ont inventé des regles &amp; formé des arts pour les découvrir avec quelque espece de certitude. C’est ainsi qu’ils sondent la profondeur des Mers, qu’ils prennent les dimensions de la Terre, qu’ils mesurent l’étenduë du Ciel, qu’ils jugent de la hauteur des Cometes &amp; des Astres mesmes. Mais il y a d’autres effets, qui ne paroissent pas difficiles à découvrir, qui leur demeurent pourtant cachez de telle sorte, que jusqu’à present les Sçavans sont convenus qu’il n’y avoit point d’art asseuré, ny licite pour les deviner lors qu’ils veulent, &amp; comme il leur plaist. On voit neanmoins qu’ils ont toujours eu une forte passion de les connoistre, &amp; il pourroit mesme estre utile au Public de ne les pas ignorer. En effet, Monsieur, ne seroit-il pas à souhaiter, par exemple, qu’on eust un moyen assuré de trouver les Sources d’eau, les Mines des Metaux, les Tresors cachez, &amp; la Republique ne tireroit-elle pas quelquefois de grands avantages, si l’on pouvoit trouver à point nommé, lors qu’on le voudroit, les Meurtriers, les Voleurs, les Larrons, les Femmes de mauvaise vie, les Bornes des heritages fausses ou veritables, qui font le sujet de tant de procès, &amp; mille autres choses semblables dont ont disputé tous les jours, parce qu’on ne peut deviner au vray ce qui en est. Mais nul d’entre les Sçavans n’a dit jusqu’à present, qu’il y eust un art asseuré &amp; naturel de venir à la connoissance de toutes ces choses, qui cependant ont esté recherchées depuis si longtemps, &amp; dans le Paganisme, &amp; parmy les Chrestiens. Au contraire nous trouvons que S. Thomas &amp; tous les Theologiens avec luy, asseurent que la découverte, tant des choses</hi> futures, <hi rend="i">que des choses</hi> occultes, <hi rend="i">par la Divination est criminelle</hi>, Cognitio futurorum &amp; occultorum. <hi rend="i">Et n’est ce pas de la connoissance de pareils objets, dont il est question presentement ; &amp; dont il conste qu’on a voulu ardemment s’asseurer dans tous les siecles par divers moyens, que les Casuistes condamnent sans hesiter de péché mortel</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">J’ajoûte qu’il suffit d’estre versé fort mediocrement dans l’étude de l’Antiquité profane, pour ne pas ignorer ce qu’un habile Critique a observé avant moy ; sçavoir, que les Verges ont toujours esté d’un usage tres-distingué dans les choses divines parmy les Payens</hi>, Virgas in rebus divinis eximii cujusdam usus fuisse veteribus. <hi rend="i">On les trouve employées par tout dans leurs superstitions, dans leurs divinations, &amp; dans leurs operations de Magie. Les Augures y paroissent avec leurs bastons, que les Romains appelloient</hi>, Lituos ; <hi rend="i">&amp; les Devins avec leurs Baguettes, qu’ils nommoient</hi>, Radios, <hi rend="i">parce que c’étoient-là les instrumens ordinaires, dont ils se servoient en toutes rencontres pour les fonctions de leur mestier. Ce fut sans doute pour cela que la Cour de Pharaon se trouvant pleine de Magiciens destinez à contenter la curiosité de ce Prince, il les opposa à Moyse, &amp; que chacun d’eux y parut armé de sa Verge, comme de l’instrument, dont ils avoient accoustumé de se servir pour faire leurs merveilles. Et de vray, ils ne les eurent pas plustost jettées à terre, qu’elles se changerent en Serpens</hi>, projeceruntque singuli virgas suas, quæ versæ sunt in Dracones. <hi rend="i">Mais la Verité de Moyse, ainsi que dit Tertullien, devora leur mensonge</hi>, sed Mosis veritas mendacium devoravit, <hi rend="i">afin que ces malheureux esclaves du Demon, connussent que la vanité de toutes les Sciences occultes de l’Egipte, ne pouvoit resister à la force du vray Dieu. Enfin on est tellement persuadé que les Verges sont les marques qui rendent sensible à nos yeux le caractere des Magiciens, que dans les tapisseries, dans les peintures, dans les Poësies &amp; dans toutes les representations de Theatre, où l’on employe ces sortes de gens, on ne manque guere de leur en donner, comme un signe par où l’on peut les distinguer du reste des hommes.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais je trouve encore quelque chose de plus. Les Sçavans, qui ont traité à fond la matiere de la Divination, conviennent, qu’entre ses divers genres, il y en avoit un qui se faisoit par les Verges, &amp; qu’on appelloit pour cela</hi> Rabdomantie, <hi rend="i">&amp; ils ajoûtent que cette sorte de divination avoit diverses especes. C’est de celle-là dont Dieu parloit par le Prophete Osée, lors qu’il disoit ; mon Peuple a interrogé le bois &amp; son bâton luy a découvert ce qu’il desiroit sçavoir</hi>, Populus meus in ligno suo interrogavit, &amp; baculus ejus annunciavit ci. <hi rend="i">Il vouloit dire, selon l’explication de S. Jerôme, que le Peuple de Dieu avoit interrogé le bois &amp; les Verges</hi>, lignum interrogavit &amp; virgas, <hi rend="i">pour découvrir les choses cachées ; ce qui est, ajoûte ce Pere, une sorte de Divination que les Grecs ont appellée</hi> Rabdomantie. <hi rend="i">Or quoy qu’il y eust une espece de</hi> Rabdomantie, <hi rend="i">qui étoit purement un Sort, il y en avoit pourtant une autre, qui consistoit dans des signes exterieurs, qui faisoient connoistre la chose</hi> occulte, <hi rend="i">qu’on prétendoit découvrir par cette sorte de divination. Ces signes estoient entr’autres, comme le marquent quelques Sçavans, que les Verges se remuotent, se tournoient, &amp; se plioient même dans la main de celui qui les tenoit, sans qu’il leur donnast ce mouvement par dessein, ny même qu’il en pust estre la cause. Je demande donc, Monsieur, une raison physique &amp; certaine par laquelle on distingue nettement l’art du Devin de Lyon d’avec cette</hi> Rabdomantie <hi rend="i">des Payens, qui est generalement condamnée par les Peres &amp; les Theologiens, &amp; mesme par l’Ecriture, car on ne peut pas disconvenir que la curiosité, &amp; des Payens, &amp; des Chrestiens, ne se soit portée de tout temps sur les mêmes objets. La manifestation de ces choses</hi> occultes, <hi rend="i">s’est faite par le moyen des Verges, de part &amp; d’autre, &amp; les signes donnez par les Verges sont tout semblables. Reste donc de présumer, avec toute sorte de raison, que le même effet vient du mesme principe, qui est le Demon.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vous en seriez plus fortement persuadé, Monsieur, si l’on vous faisoit l’Histoire Critique &amp; Genealogique, pour ainsi parler, de cet usage des Verges dans la Divination, puis qu’il est certain qu’on en pourroit tirer des conjectures bien fondées, que les Phenomenes qu’on vous vante tant, sentent manifestement la Magie. On nous asseure, que dans l’Antiquité ceux qui ont inventé la</hi> Rabdomantie, <hi rend="i">ou l’art de deviner par les Verges, ont esté les Scythes &amp; les Goths, dont le Climat a toujours esté fecond en Sorciers &amp; en Magiciens, si nous en jugeons sur la foy des Histoires. Ceux qui ont voyagé dans les Pays du Nord, asseurent qu’encore aujourd’huy, on y sçait assez bien ces sortes de Sciences occultes, puis qu’on y trafique en vents comme en diverses sortes de marchandises ; qu’on y trouve des voitures fort vistes &amp; fort commodes pour aller par tout où l’on veut, lors qu’on ne connoist point cette sorte de petit manége, &amp; qu’on y vend à bon compte des caracteres pour réussir en plusieurs differens mestiers, qui ne sont pas trop à l’usage des veritables Fidelles. Or vous connoissez suffisamment les anciens Scythes &amp; les anciens Goths, pour estre persuadé que l’usage des Verges dans les Divinations n’a point degeneré, &amp; qu’il n’a pas mesme esté transplanté en passant aux Suedois. Ce furent eux qui l’apprirent aux Allemans vers le commencement de ce siecle-cy, ou plustost, qui leur en rafraîchirent la memoire ; car Tacite nous assure que leurs Peres, qui en sçavoient bien d’autres, avoient déja esté faits depuis long-temps à ce petit jeu des Baguettes. On sçait que lors que Gustave Adolphe ravagea l’Empire, la simplicité des bons Catholiques Allemans leur avoit fait esperer que les thresors des Eglises pourroient échapper à l’avarice de ses Soldats, en les cachant sous la terre avec toutes les précautions imaginables. L’experience leur fit cependant voir, qu’il n’y avoit point de chose si cachée, que les Suedois ne pussent découvrir par le moyen de leurs Verges. La chose parut si extraordinaire, que les Docteurs de ce Pays-là, qui examinerent dans le plus grand sang froid le secret des Suedois, le condamnerent de Magie, mais ces Heretiques ne craignirent point les censures de leurs Universitez, ny les murmures de leurs Docteurs, pourvû qu’il leur fust permis de se retirer chargez, comme ils l’estoient, des dépoüilles de leurs Eglises. Cet artifice est devenu moins suspect aux Allemans depuis ce temps-là ; ou ils s’y sont apprivoisez par l’inclination naturelle qu’ils ont pour le butin, car on nous mande que dans le court Voyage, qu’ils ont pris la peine de faire au bas Dauphiné, ils viennent de déterrer à Gap &amp; en d’autres endroits les Thresors cachez, tant Sacrez que Profanes, par le secours de ces Verges, qu’ils avoient regardées autrefois comme un fleau du Demon dans les mains des Suedois.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vous voyez, Monsieur, que ce premier exemple des Peuples du Nort est devenu contagieux pour les Soldats, &amp; vous avez sans doute oüy dire, qu’il s’en est trouvé dans les Troupes de tous les Partis, qui ont sceu profiter de ce secret pour découvrir l’argent caché de leurs Hostes. Il est mesme arrivé, je ne sçay comment, qu’on s’est servi du mesme artifice pour chercher les Sources d’eau, &amp; les Mines d’or &amp; d’argent, de sorte que l’usage en est devenu si public, qu’on ne s’est point récrié generalement dans le monde contre cette pratique. Les gens de bien, quoy qu’ils la tiennent pour suspecte, n’osoient s’élever contre cette Secte de Philosophes, à qui</hi> Mere Nature <hi rend="i">a toujours paru un Agent admirable, pour faire précisément tout ce qu’ils ont bien voulu qu’elle fist. On nous disoit pour justifier cet usage, que les Verges à deviner devoient estre necessairement de Coudrier. Il estoit assez vray-semblable, que cet arbre pouvoit avoir des proprietez particulieres, qui le rendoient propre, &amp; qui le déterminoient à de pareils effets, puis qu’on voyoit des choses approchantes en d’autres corps, qui n’estoient pas plus parfaits que celuy-là. Ces raisons, quoy que tres-peu solides, n’estoient pas sans quelque apparence ; car enfin il estoit assez malaisé de mettre une entiere disproportion entre l’effet &amp; la cause, &amp; on gardoit mesme quelque espece de regularité dans l’usage qu’on faisoit de ces Verges. Mais comme la Philosophie occulte ne s’arreste pas en si beau chemin, elle a trouvé de nouvelles naissances pour faire jour à la Physique, &amp; elle vient de donner une grande étenduë à un secret, qui n’est qu’à demy inventé. Ce n’est plus cela, Monsieur, l’effet n’est point attaché à la vertu du Coudrier, ny mesme aux Baguettes. Une verge si miraculeuse, que je pourrois appeller un present du Dieu des Larrons, contre lesquels on fait semblant de la lever, n’a plus la fatalité de Mercure ; elle se fait de tout bois, &amp; le bois mesme n’y est pas necessaire. On peut se servir d’une paille, d’un morceau de fer, &amp; de tout ce qu’on voudra, parce que ce qu’on prend a la main n’a pas plus d’efficace dans tous ces Phenomenes qu’on admire, que la matiere dont on fait le stile d’un Cadran, en a pour marquer les heures du jour.</hi></p>
            <p><hi rend="i">En bonne foy, Monsieur, n’est-ce pas nous traiter comme les Arracheurs de dents traitent les simples ? Tout leur est indifferent, disent ils, pour leur operation. Une paille, une aiguille, une épingle, un fer d’aiguillette, en un mot, ce qu’il vous plaira de leur donner, réussit également bien, parce que ces apparences ne leur servent qu’à ébloüir les yeux, &amp; qu’à dérober à leur veuë le veritable instrument dont ils se servent. Pareillement nos Physiciens Machinistes, qui démontrent tout méchaniquement, se contentent des choses les plus ordinaires pour les effets les plus surprenans, parce qu’ils n’ont besoin que des dehors pour cacher le ressort, qui fait jouër à plaisir tous leurs beaux Phenomenes. On s’estoit imaginé jusqu’à present, que les verges n’estoient bonnes qu’à découvrir les Sources d’eau &amp; les Mines d’or &amp; d’argent, encore les Sages jugeoient-ils qu’il n’y en avoit la que trop ; mais à present voicy les choses dans un tout autre point de veuë, &amp; à n’en juger que par ce qui s’est fait, on doit attendre une merveilleuse dilatation des objets de cette foy physique qu’on exige de nous. Sçachez donc, Monsieur, que la vertu des Verges s’étend à bien des choses découvertes de nos jours, qu’on n’avoit jamais imaginées du temps de nos Peres. Si vous voulez sçavoir qui sont les Larrons, les Voleurs, les Homicides &amp; les Meurtriers, qui ont fait quelque mauvais coup, dont on ne connoist point l’Auteur, vous avez dequoy vous contenter dans l’usage des verges. Si vous voulez trouver des Sources d’eau, des Mines d’or &amp; d’argent, de la monnoye de quelque espece &amp; de quelque coin qu’elle puisse estre, des hardes, des Bijoux, des Pierreries, &amp; des tresors cachez, les verges sont d’un secours admirable pour réussir dans cette recherche. Estes vous en peine de trouver des corps noyez, des corps de personnes assassinées, &amp; generalement toute sorte de corps enterrez ? Soyez en repos, vous les trouverez infailliblement avec la nouvelle machine du Devin de Lyon. Enfin, avez-vous la curiosité de sçavoir les Filles &amp; les Femmes, qui ont mal ménagé leur honneur, &amp; les veritables &amp; les fausses limites des heritages, des fiefs &amp; des terres sur lesquelles on entre si souvent en contestation, la verge de nos Connoisseurs peut vous aider à deviner sans faillir toutes ces choses ? Il est vray que cet art merveilleux n’en est venu à present que jusque là ; aussi n’est-il pas encore arrivé à sa perfection ; mais pour peu qu’on sçache ménager</hi> ce don de Dieu, <hi rend="i">avec le temps on découvrira par son moyen les Faussaires, les Sacrileges, les Parjures, les faux Témoins, les Nobles de nouvelle fabrique, les Titres veritables &amp; supposez, en un mot, une infinité d’autres choses pareilles, sur lesquelles on est en peine tous les jours, faute d’avoir bien penetré le secret de la Nature ; car enfin que ne peut-on pas faire avec le secours de ces verges miraculeuses, quand on connoistra leur force dans toute son étenduë</hi> ?</p>
            <p><hi rend="i">Raillerie à part, ne faut-il pas estre</hi> individuellement organisé, <hi rend="i">pour recevoir toutes sortes de nouveautez dés qu’elles se presentent, afin de s’estre persuadé</hi> analytiquement, <hi rend="i">que tous ces Phenomenes sont naturels ? Il n’est point d’homme de bon sens, qui les envisageant d’un premier regard, n’y soupçonne d’abord quelque chose de Magique ; car comme les Theologiens conviennent qu’il faut avoir l’esprit fort foible &amp; bien scrupuleux, pour craindre que tous les effets extraordinaires qu’on découvre tous les jours, ne soient des suites d’un mauvais commerce avec le Demon, c’est aussi une marque de libertinage en matiere de Religion, de vouloir soustenir qu’ils ont tous leurs causes dans la nature. Je pourrois justifier cela par mille impietez, qui ont esté avancées de nostre temps par de semblables</hi> Naturalistes, <hi rend="i">lesquels ayant prétendu rendre raison de tout, ont bien fait voir la verité de ce que Saint Augustin a dit, que la recherche des Sciences occultes est une vaste Forest pleine d’embusches &amp; de perils</hi>, Immensa sylva plena insidiarum &amp; periculorum. <hi rend="i">En effet, pour peu qu’on prenne la peine d’approfondir les effets prodigieux, que nous venons de dire &amp; qu’on attribuë à cette Verge, on trouvera, selon les regles que les Theologiens donnent pour distinguer les operations, qui sont veritablement naturelles, d’avec celles, où le Demon prend quelque part, on trouvera, dis-je, que l’art du Devin de Lyon doit estre suspect aux bonnes ames.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais rien ne me confirme davantage dans mes</hi> Scrupules <hi rend="i">sur le fait dont il s’agit, que les raisons mesmes dont se servent vos</hi> Naturalistes <hi rend="i">pour soustenir leur Hypothese, car on voit assez par les choses qu’ils ont écrites, que ce sont des gens d’esprit &amp; d’étude, qui font les derniers efforts pour deffendre une cause, qui dans le fond leur paroist insoutenable. Ils ont employé de foibles apparences prises de la Nature dans des choses fort obscures d’elles-mesmes, pour en conclure, que les Phenomenes qu’ils examinent, y ont aussi leurs principes cachez. Je vous prie pourtant de bien remarquer un point fort irregulier dans le procedé de ces Messieurs, sçavoir, qu’ils n’ont fait nulle attention, que pour venir à bout de leur dessein, il ne leur falloit pas seulement justifier la découverte particuliere du</hi> petit Bossu; <hi rend="i">mais encore donner une cause commune &amp; generale de toutes les autres, faites par la mesme personne &amp; par le moyen de la mesme Verge. C’est à quoy ils n’ont point songé, &amp; ce dont ils ne sçauroient venir à bout, puis qu’ils n’ont donné que des causes tres-insuffisantes pour produire tant d’effets si divers &amp; si surprenans. La chose paroistra évidente à ceux qui examineront serieusement leurs raisons, puis qu’elles portent par tout le caractere de cette Philosophie, qui fait, comme dit Tertullien, de ses opinions particulieres des Loix indispensables de la Nature</hi>, leges naturæ opiniones suas facit, <hi rend="i">car enfin elles ne prouvent pas ce qui est, mais ce qu’il leur plaist de nous faire accroire ; ou plustost ils nous donnent pour des preuves valables tout ce qu’ils peuvent s’imaginer pour vray. Ne paroist-il pas qu’ils sentent eux-mesmes le foible de leurs raisonnemens, puis qu’ils les abandonnent aprés tout malgré eux ; &amp; que quelques-uns sont forcez de recourir à</hi> l’Etoile <hi rend="i">du Devin, &amp; les autres à</hi> l’œuf <hi rend="i">de la mere qui l’a pondu &amp; au germe qui l’a rendu fecond ? En bonne verité, n’est-ce pas-là abuser de la credulité des Gens, que de nous debiter de semblables bagatelles pour des points de Physique ; &amp; ne peut-on pas dire que cette</hi> Etoile <hi rend="i">&amp; cet</hi> œuf <hi rend="i">sont</hi> le Vin Emetique <hi rend="i">que nos Naturalistes donnent à une cause dont ils desesperent ? On pourra par le mesme moyen justifier toutes sortes d’operations de Divination &amp; de Magie, qui sont generalement condamnées par tous les Casuistes. Il sera permis, selon cela, de chercher des Thresors avec un peloton de filet, de découvrir un Larron secret, en faisant tourner le Sas ; de deviner quelle heure il est, en faisant battre un anneau suspendu contre un verre plein d’eau, &amp; de pratiquer cent autres choses semblables, comme estant des effets, ou de la vertu specifique de</hi> l’œuf, <hi rend="i">ou de la force toute-puissante de</hi> l’Etoile <hi rend="i">de ceux qui s’en voudront mesler.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pour éclaircir à fond cette matiere, je voudrois bien que ces Messieurs nous dissent précisément à quoy sert dans cette découverte la Baguette dont on use pour la faire, puis que dans leur hypothese toute la vertu reside dans la personne du Devin, &amp; qu’il ne la doit qu’à la rare puissance de son</hi> Etoile, <hi rend="i">ou à la merveilleuse proprieté de son</hi> œuf. <hi rend="i">Ils ne seroient pas peu embarassez à nous dire d’où vient la diversité du mouvement de cette Baguette, qui gauchit, &amp; qui tourne selon les differentes routes qu’a tenuës celuy qu’on cherche. On nous obligeroit de nous apprendre d’où vient encore qu’un talent si admirable a demeuré si long-temps caché dans un homme, qui a déja quelques années. Comment est-ce que cet Habitant de Lyon, touché de la mort de ses Amis, s’est avisé luy seul d’aller déterrer un homme caché dans les Montagnes de Dauphiné, pour le produire sur un Theatre, &amp; pour découvrir son sçavoir-faire avec tant d’éclat ? Qui a donné la hardiesse à son Devin de se promettre sans balancer, qu’il pourroit suivre les Meurtriers sur le Rhône &amp; sur la Mediterranée, sans qu’il eust jamais experimenté auparavant rien d’approchant ? Pourquoy ne dirons-nous pas que ces agitations &amp; ces simptomes, qui le prennent dans cette action, ne sont point d’un homme qui a l’esprit de Divination</hi>, Habentem spiritum Pythonem, <hi rend="i">puis que nous lisons que ceux des Payens en sentoient presque toujours de semblables dans leurs operations ? Cela, Monsieur, à ne rien dissimuler, &amp; pour peu qu’on l’étudie, porte tout l’air qu’on y reconnoist, &amp; qu’on s’efforce de cacher ; ou pour le moins j’y trouve dequoy nourrir mes</hi> Scrupules ; <hi rend="i">&amp; je voudrois bien que Messieurs vos Medecins m’en guerissent par des remedes plus efficaces que ceux qu’y ont appliquez jusqu’icy ces prétendus</hi> Naturalistes.</p>
            <p><hi rend="i">Car en verité toutes les apparences qu’on trouve pour se persuader que cette operation est naturelle, bien loin d’estre de veritables demonstrations, sont plus capables de redoubler mes défiances, que de me détromper. En effet, je trouve que les Theologiens remarquent positivement, que c’est assez souvent un effet de la malice du Diable, de mesler à dessein des choses naturelles avec d’autres qui ne le sont pas, pour tromper par-là les simples &amp; les curieux, qui ne se laisseroient pas prendre sans cette ruse, par laquelle sous de vains dehors, il cache un Pacte criminel fait avec luy. Au reste, c’est une mauvaise défaite de vouloir tourner en ridicule la distinction de</hi> Pacte implicite &amp; explicite ; <hi rend="i">elle est connuë parmy les Canonistes &amp; les Theologiens, à qui il appartient de juger de ces choses &amp; de redresser les égaremens des Medecins &amp; des Philosophes, lors qu’il s’agit des points qui ont quelque rapport à la Religion. Le grand S. Augustin &amp; avec luy tous les Peres de l’Eglise, reconnoissent des engagemens &amp; des pactes faits avec les Demons, lesquels il appelle une amitié trompeuse &amp; infidelle faite entr’eux &amp; les hommes</hi>, quasi pacta infidelis &amp; dolosæ amicitiæ constituta, <hi rend="i">&amp; il ajoûte que quelquefois la seule présomption de l’esprit humain sert de langue pour lier &amp; pour entretenir ces dangereux commerces</hi>, præsumptione animorum quasi quadam lingua cum dæmonibus fæderata sunt. <hi rend="i">Son fidelle Disciple S. Thomas &amp; les Theologiens, qui les regardent &amp; l’un &amp; l’autre comme leurs Maistres, enseignent qu’il se fait bien des choses par les hommes en vertu d’un pacte, ou explicite, ou implicite, avec les Demons</hi> pacto cum dæmonibus inito tacito vel expresso. <hi rend="i">La Faculté de Theologie de Paris, qui n’est pas moins fameuse dans le monde, que la Faculté de Medecine de Montpellier, a condamné autrefois des Doctrines, qui vouloient autoriser dans de pareils cas des pactes exprés ou tacites faits avec l’Enfer</hi>, pactum cum dæmonibus tacitum vel expressum. <hi rend="i">Je ne vois donc pas que nos</hi> Naturalistes <hi rend="i">ajoûtent rien à la bonté de leur cause, en mettant les rieurs ignorans de leur costé contre les Docteurs qui examinent serieusement les choses, ny qu’il leur siée bien de badiner dans une matiere aussi grave &amp; aussi importante que l’est en effet l’observation du premier Commandement de Dieu. Tout ce qui leur en peut arriver de plus seur, c’est qu’ils feront ressouvenir les gens de bien de ce qu’a dit Tertullien ; qu’en connoissant assez la bonne intelligence qu’il y a eu de tout temps, entre les Heretiques, les Magiciens, les Charlatans, les Astrologues &amp; les Philosophes amateurs des Sciences occultes</hi>, &amp; cum Philosophis curiositati deditis, <hi rend="i">il ne seroit pas malaisé de deviner au vray ce qui entretient cette parfaite correspondance qu’on a observée dans tous les siecles, ny quel est le nœud qui joint ces sortes de gens ensemble.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il me suffit que vous voyiez à quel prix je suis du nombre des</hi> Scrupuleux ; <hi rend="i">&amp; je ne craindray point de vous dire aprés cela, que si j’en suis, c’est parce que je n’ay jamais essayé, graces à Dieu, de me défaire des sentimens de Religion J’espere de vous faire voir au plûtost que je ne puis estre</hi> Naturaliste <hi rend="i">dans cette rencontre-cy, parce que l’amour sincere que j’ay pour la verité, y forme un obstacle insurmontable, &amp; que j’aime trop mes prejugez pour m’efforcer de donner le dessus à la nouveauté au prejudice de ce que j’ay appris de plus sages que moy. Je ne manqueray pas, Monsieur, de m’acquitter au premier jour de l’engagement que je viens de prendre avec vous, &amp; ce sera moins dans l’esperance de détromper vos Amis que pour vous donner par là une preuve sensible que je suis, Vostre, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_289" resp="wordpro">
          <head>A Cephise</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 289-290.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye des Vers de M<hi rend="sup">r</hi> de Boissimon d’Angers, qui ont esté donnez au commencement de cette année, en façon d’Etreines.</p>
          <quote>
            <label>A CEPHISE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Un petit rendez-vous est un joly present.</l>
              <l rend="i"> Donnez-m’en un, je vous en prie.</l>
              <l rend="i">Cela n’appauvrit point, &amp; dans toute ma vie</l>
              <l rend="i"> Vous m’en verrez reconnoissant.</l>
              <l> <hi rend="i">Retiré du fracas du monde,</hi></l>
              <l rend="i">Cephise, mon amour sur cet espoir se fonde.</l>
              <l rend="i"> Permettez donc que par ce Billet doux,</l>
              <l rend="i"> Au lieu de vous conter mes peines,</l>
              <l rend="i"> Je vous demande pour Etreines</l>
              <l rend="i">  Un petit rendez-vous.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_294" resp="wordpro">
          <head>[Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 294-300.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy les noms de quelques autres Personnes considerables de l’un &amp; de l’autre Sexe qui sont mortes depuis peu. M<hi rend="sup">r</hi> Chassebras du Breau, Chevalier de l’Ordre du Roy. Il s’estoit acquis une parfaite connoissance dans l’intelligence des Monnoyes, &amp; de l’Histoire, &amp; il connoissoit à fond les principales Familles de l’Europe. Il avoit une memoire heureuse, &amp; joignoit à ces beaux talens une si grande probité &amp; une telle integrité de mœurs, que plusieurs personnes le faisoient volontairement l’arbitre de leurs differends. Il tenoit Academie chez luy tous les Samedis, &amp; l’on y discouroit sur toutes sortes de sujets. Il a esté inhumé en l’Eglise des Carmes de la Place Maubert, dans la sepulture de ses Ancestres. Il avoit épousé Dame Gabrielle Collet, dont il ne laisse point d’Enfans. Il luy reste un Frere unique, M<hi rend="sup">r</hi> Chassebras de Cramailles, qui s’adonne à la connoissance des belles Lettres, &amp; dont je vous ay fait voir de temps en temps plusieurs Relations curieuses &amp; sçavantes. Il se trouve aujourd’huy le seul de la branche aînée de sa Famille. Je vous en ay parlé en diverses occasions, &amp; vous pouvez en apprendre davantage dans les Ouvrages de M<hi rend="sup">rs</hi> du Chesne, le Laboureur, &amp; de la Roque. Il portoit pour armes, <hi rend="i">coupé de pourpre sur or, à deux Soleils, &amp; une ombre de Soleil de l’un en l’autre, écartelé de Melun.</hi></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Cocquelin, Docteur de la Maison &amp; Societé de Sorbonne, Chanoine &amp; Chancelier de l’Eglise de Paris, &amp; ancien Curé de Saint Mederic. Il avoit un merite distingué, &amp; a fait paroistre la force de son éloquence par differentes Predications. M<hi rend="sup">r</hi> le Chancelier l’avoit choisi pour un des Censeurs &amp; Examinateurs des Livres qui s’impriment. Il nous a donné plusieurs Ouvrages, parmy lesquels sont la Morale d’Epictete, l’Interpretation des Pseaumes, le Traité des Puissances, &amp; un Recueil de diverses Pieces qui regardent la dignité de Chancelier de l’Université. Il a esté enterré en l’Eglise de Nostre-Dame. Il laisse un Neveu, M<hi rend="sup">r</hi> de Bonigale, Maistre des Comptes, qui a aussi beaucoup de merite. M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris a donné la dignité de Chancelier de Nostre-Dame, à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Pirot, Docteur de la Maison &amp; Societé de Sorbonne, Professeur &amp; Sindic de la Faculté de Theologie, qui est aussi un des Censeurs &amp; Examinateurs des Livres qui se doivent imprimer.</p>
          <p>Madame de la Sabliere. Elle estoit Veuve de M<hi rend="sup">r</hi> de la Sabliere Ramboüillet. Son merite n’est ignoré de personne. Elle s’estoit fait dans le monde une grande réputation d’esprit, &amp; on ne croit pas qu’il reste encore dans Paris trois personnes de son Sexe qui en ayent une pareille. Aussi avoit-elle un charme particulier dans la conversation, &amp; un don de plaire qu’on ne sçauroit exprimer. Elle avoit pour Amis les gens de la plus grande qualité, &amp; du goût se plus exquis. Quelques années avant sa mort, elle avoit entierement rompu avec le monde, &amp; elle s’estoit fait aux Incurables une espece de retraite, &amp; de solitude, où elle ne s’occupoit qu’à des œuvres de pieté.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_300" resp="wordpro">
          <head>[A propos du siège de Charleroy]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 300-310.</bibl>
          <p/>
          <p>Il s’en faut encore beaucoup que l’hiver ne soit finy, &amp; depuis que cette rigoureuse saison est commencée, non-seulement nous avons bombardé Charleroy, que nous tenons resserré par plusieurs Postes fortifiez, &amp; remplis de Troupes ; mais nous avons pris un Fort considerable, &amp; deux Places importantes par leur situation, &amp; par les avantages que les Ennemis en pouvoient tirer. Nous avons levé un Siege, il est vray, mais qui manque à gagner ne perd pas. D’ailleurs on n’avoit resolu que de faire une tentative, &amp; ce Siege n’avoit pas esté entrepris comme ceux qui ayant esté concertez par le Roy, font dire d’abord que le succés en est infaillible. Si cette entreprise avoit esté formée de la sorte, l’évenement en auroit esté plus heureux. On n’a esté forcé de se retirer de devant Reinfelz, que par la mauvaise saison. Ainsi on n’a rien laissé dans le Camp. Ceux qui abandonnent un Siege, sont ordinairement allarmez en le levant, mais au contraire nous avons inquieté les Ennemis qui n’ont osé se montrer, &amp; qui tremblent encore presentement pour leurs autres Places. Leurs Ecrivains qui ne sont jamais occupez à publier leurs avantages, mais toujours à pallier leurs disgraces, ont esté ravis de trouver cette occasion de parler beaucoup, mais sans avoir pourtant rien à dire qui leur fust avantageux, puis que tout leur bonheur consiste à se voir encore Maistres de Reinfelz, &amp; que ce n’est pas gagner que de ne pas perdre. Ils ont fait neanmoins beaucoup de bruit, pour empescher les Peuples de prester l’oreille aux nouvelles de la prise de Furnes &amp; de Dixmude, d’autant plus étonnante que les Alliez croyoient avoir reparé par là la perte de Namur, &amp; de la Bataille de Steinkerque, &amp; que toutes leurs Troupes, le Prince d’Orange à leur teste, avoient couvert pendant trois mois ces deux Places, tandis qu’on travailloit aux fortifications, esperant par ce moyen resserrer Dunquerque &amp; en faire le Siege au commencement de la Campagne prochaine. Le Prince d’Orange l’a si hautement publié que je puis assurer en le disant, que je n’allegue que des faits. Cependant Furnes n’a tenu que seize heures de Tranchée ouverte, &amp; la prise de cette Place a tellement fait trembler Dixmude, que la Garnison s’en est retirée sans attendre qu’on eust assiegé la Place. Ainsi s’il y avoit quelque description à faire touchant la prise de l’une &amp; de l’autre, la frayeur des Ennemis en fourniroit plus de matiere que les Combats qu’ils ont soutenus. Le Comte de Horne, General de l’Artillerie Hollandoise qui commandoit dans Furnes, estant venu trouver l’Electeur de Baviere aprés la reddition de cette Place, cet Electeur le receut fort froidement, &amp; luy dit, <hi rend="i">Monsieur le Comte, je ne dois pas vous entretenir long temps, &amp; vous entendre sur vostre deffence. Nous avons besoin de repos aprés tant de travaux ; allez vous reposer, on en parlera plus à loisir quand vous serez délassé</hi>. Quant au Prince d’Orange, il n’a pas sujet de se plaindre de la manœuvre que l’Electeur de Baviere a faite. Ce Prince a assemblé le plus qu’il a pû de Troupes ; il a marché ; il s’est campé à portée de donner Bataille ; il a vû prendre Furnes, il est revenu. Je croy qu’il seroit bien difficile de mieux imiter le Prince d’Orange.</p>
          <p>La prise de Furnes n’auroit pas cousté un homme au Roy, sans la perte de M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Vilacerf, Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de Vilacerf, Surintendant des Bâtimens de Sa Majesté. Il fut emporté à un Bioüac de Cavalerie, auprés de M<hi rend="sup">r</hi> de Bouflers, d’un coup de Canon, tiré de Nieuport. Il avoit commencé de si bonne heure à faire connoistre son merite, qu’il avoit eu des Emplois de distinction dans un âge, où les autres ont pû à peine se faire remarquer dans le service. On ne peut avoir plus d’application, plus de vigilance, &amp; plus de valeur qu’il en avoit. Ce sont des qualitez qui estoient si bien connuës de Sa Majesté, qu’Elle avoit eu souvent la bonté de loüer. La beauté extraordinaire de son Regiment de Cavalerie, dont Monseigneur le Dauphin fut témoin à Philisbourg, le fit devenir Regiment Royal, sous le nom de Berry. Ce Colonel faisoit paroistre une telle vivacité, qu’en 1691. on luy donna l’Employ de Commandant des Carabiniers d’Allemagne, &amp; l’Hiver suivant, il fut nommé Inspecteur de Cavalerie. Il estoit aimé, &amp; estimé de toute l’Armée, &amp; l’on trouvoit en luy l’affabilité, la droiture, &amp; la fidelité de M<hi rend="sup">r</hi> de Vilacerf son Pere, qui depuis quarante-cinq ans qu’il sert, a fait connoître avec combien d’avantage il possede toutes ces qualitez. C’est le second de ses Fils qui a répandu son sang pour le service du Roy Il en a un troisiéme Capitaine de Vaisseau, tous ayant cherché à marquer leur zele à Sa Majesté, à l’imitation d’un si digne Pere. Le Roy a donné le Regiment de Berry à M<hi rend="sup">r</hi> de Vilacerf, pour en disposer comme il voudroit.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_321" resp="wordpro">
          <head>[Sur la traduction du premier chapitre du Livre de Job]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 321-324.</bibl>
          <p/>
          <p>En vous envoyant le mois passé la traduction du premier Chapitre du Livre de Job, je vous marquay que l’Auteur, pour y travailler avec plus de confiance, auroit obligation aux Curieux qui voudroient bien me faire connoistre leur sentiment sur son dessein, &amp; sur la maniere dont ils croiroient qu’il faudroit l’executer. Voicy ce qui m’a esté écrit là-dessus d’un lieu où le goust est fin, &amp; où l’on juge fort solidement des plus beaux Ouvrages.</p>
          <p><hi rend="i">On a trouvé icy le dessein du jeune Provençal fort raisonnable. Le Livre de Job qu’il prétend de nous faire voir en Vers, est assez susceptible des ornemens de la Poësie. Il est des Auteurs qui nous l’ont donné en Vers Latins, comme Jean de Sousa, Conseiller du Roy à Paris. Il en est d’autres qui nous l’ont paraphrasé, comme a fait le P. Senault de l’Oratoire. On ne pense pas qu’il y ait encore personne qui l’ait bien tourné en Vers François. On peut dire cependant que ce que nous a déja montré le jeune Provençal, nous fait desirer avec ardeur le reste de cet Ouvrage. Ses Vers sont beaux, naturels, cadentieux, expressifs, &amp; font tres-bien sentir les beautez du Texte Latin. On peut mesme dire qu’il a bien fait de choisir, quand il faut simplement narrer, ce stile libre de la Poësie, qui dans cette rencontre est d’autant plus agreable, qu’il est moins gêné. On voudroit, si l’Auteur le peut faire sans se contraindre beaucoup, que lors qu’il s’agira de faire parler Job luy-mesme, il se servist de Vers mesurez sur la Strophe ou la Stance ; sur tout, quand il luy faudra mettre en Vers ces neuf belles Leçons qu’on recite à l’Office des Morts.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-01_324" resp="mercure">
          <head>[Article contenant plusieurs choses touchant le Prince de Dannemark]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier 1693 [tome 1], p. 324-331.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay déja parlé plusieurs fois du sejour que Monsieur le Prince Royal de Danemark a fait en quelques Villes de France. Quoy qu’<hi rend="i">incognito</hi> il y a par tout paru en Fils de Roy, par ses manieres genereuses, &amp; par sa magnificence. Il est galant, honneste, &amp; ce n’est que par-là qu’il a voulu se distinguer avec les Dames. Il a demeuré prés de trois mois à Angers, dans l’Académie de Mr de Pignerolle, qu’on luy a cedée toute entiere. Le Roy de Dannemark son Pere, voyageant en France en 1663. fit ses exercices dans la mesme Ville d’Angers. Ce Prince marchant sur les traces de ce Monarque, y a fait les siens, avec toute l’adresse &amp; toute la vigueur imaginable, &amp; a beaucoup réussi aux courses des testes. Quoy que le sejour qu’il a fait à Angers, ait esté long, il n’a pas laissé d’y tenir une table de douze couverts, matin &amp; soir, à laquelle il invitoit tour à tour les personnes les plus qualifiées de la Ville. Il tenoit appartement trois fois la semaine. Il y avoit Symphonie, on y joüoit, &amp; les Dames y estoient regalées. Comme en apprenant ses exercices il cherchoit à s’instuire à toutes choses, ayant sçu que Mr le Fevre Chamboureau, qui demeure à Angers, avoit acquis de grandes connoissances de la Marine, pendant qu’il avoit servy sur les Vaisseaux du Roy, il fit prier ce Gentilhomme de venir manger à sa table, &amp; fut si satisfait des entretiens qu’il eut avec luy, qu’en partant d’Angers il luy fit present d’une tres-belle épée, &amp; luy marqua par des paroles fort obligeantes la satisfaction que sa conversation luy avoit donnée. Ce Prince estant party d’Angers pour se rendre à Paris, passa le 7. de ce mois par Saumur. Le Chasteau le salua de vingt-sept coups de Canon, &amp; son Altesse fut complimentée par les Corps. Mr de Meyercron, Envoyé extraordinaire de Dannemark en France, regala ce Prince aussi-tost après son arrivée à Paris, &amp; luy donna un magnifique souper. Il y eut plusieurs tables, remplies des personnes de distinction, qui y furent invitées. La table du Prince fut servie en vermeil doré. Il y eut Bal apré le soupé, &amp; l’affluence des masques y fut grande. Quelques jours aprés, ce Prince alla à Versailles, &amp; continuant toujours d’estre <hi rend="i">incognito</hi>, il y vit le Roy, Monseigneur le Dauphin, Monseigneur le Duc de Bourgogne, Monseigneur le Duc d’Anjou, &amp; Monseigneur le Duc de Berry. Il revint à Paris le mesme jour, &amp; alla au Palais Royal voir Monsieur &amp; Madame. Le 24. de ce mois, ce Prince se trouva à un Bal donné par Monsieur dans le mesme lieu. Il y avoit cent soixante Dames priées, &amp; la plupart y allerent en habit de velours noir couvert de pierreries. Il y avoit autant de Seigneurs pour les mener. Ils estoient tous magnifiquement vestus. Monseigneur le Dauphin, &amp; toute la Maison Royale se trouva à ce Bal. Monsieur le Prince Royal de Dannemark y alla <hi rend="i">incognito</hi>, avec un habit des plus superbes, accompagné de dix ou douze Seigneurs Danois, ayant aussi des habits fort magnifiques. Il y dança quatre fois. Madame la Duchesse de Chartres, &amp; Madame la Princesse de Conty, dancerent avec ce Prince. Il ne fut permis aux Masques d’entrer à ce Bal, que lors que toutes les Dames eurent dancé chacune une fois, de sorte qu’il estoit deux heures aprés minuit quand il y entrerent. La foule en fut extraordinaire, &amp; quoi que l’enfilade du grand appartement de Monsieur soit de huit ou neuf pieces, avec une grande gallerie, toutes ces pieces se trouverent tellement remplies, qu’il en demeura encore beaucoup dans la Salle des Gardes, sur les degrez, &amp; dans les cours. Monseigneur le Dauphin y parut sous deux habits, &amp; Monsieur le prince Royal de Dannemark s’y trouva vestu en Maure avec les Seigneurs de sa suite. Cette feste fut digne de la magnificence de Monsieur, &amp; se passa avec autant d’ordre qu’il est possible, quand la multitude est aussi grande.</p>
          <p>Mardy dernier, 27 de ce mois, ce mesme Prince alla à Versailles pour la seconde fois. Le Roy achevoit de s’habiller lors qu’il arriva avec plusieurs Seigneurs de sa suite. Comme il continuë de paroistre <hi rend="i">incognito</hi>, il se mit au premier rang du Cercle, que forment ceux qui ont l’honneur d’estre au levé du Roy, &amp; dés qu’il eut pris place, S.M. luy parla. Le levé finy, le Roy entra au Conseil, &amp; le Prince Royal alla voir ce qu’il y a de plus curieux à Versailles. Le Roy le trouva à son retour de la Messe, &amp; luy dit encore plusieurs choses obligeantes. Ce Prince alla ensuite dîner chez Mr de Croissy, où il fut magnifiquement traité, &amp; retourna à Paris. Sa livrée est nombreuse &amp; riche, &amp; tout marque en ce Prince ce que l’usage de paroistre <hi rend="i">incognito</hi>, pour éviter l’embarras des ceremonies, oblige à cacher. Il y eut encore le mesme jour Bal au Palais Royal.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-02a" resp="mercure">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, février 1693 [tome 2]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_007" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 7-8.</bibl>
          <p/>
          <p>Voulez-vous, Madame, voir un Eloge du Roy, qui convienne parfaitement à ce Grand Monarque ? Vous le trouverez dans le Madrigal que vous allez lire. C’est un Ouvrage d’une petite étenduë, mais il dit beaucoup en peu de mots, &amp; il ne faut pas un grand nombre de paroles pour faire entrer vivement dans tout ce qu’on peut penser des merveilleuses qualitez d’un Prince qui est né pour estre l’admiration de toute la terre.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> LOUIS est sage &amp; genereux.</l>
              <l rend="i"> En ses desseins il est heureux ;</l>
              <l rend="i"> A ses Amis il est fidelle.</l>
              <l rend="i">Les Souverains de sa gloire jaloux,</l>
              <l rend="i"> Voudroient le prendre pour modelle,</l>
              <l rend="i"> S’il alloit moins souvent aux coups.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_009" resp="mercure">
          <head>[Reception de Mr d’Angers à Tours]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 9-19.</bibl>
          <p/>
          <p>Il se trouvera tant d’occasions de revenir sur cette matiere avant que je finisse ma Lettre que je la quitte maintenant pour vous apprendre ce qui s’est passé à Tours au voyage qu’y a fait M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque d’Angers. Ce Prelat, qui comme vous sçavez, est le Fils aîné de M <hi rend="sup">r</hi> le Pelletier, Ministre d’Etat, y vint le Lundi 5. du mois dernier, à dessein de visiter le Tombeau de Saint Martin, &amp; de se faire recevoir en qualité d’Evêque d’Angers en la fameuse Eglise où reposent les cendres de ce saint Pontife. M<hi rend="sup">rs</hi> du Chapitre qui en avoient esté avertis, envoyerent au devant de luy M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé le Loyer, Chanoine &amp; ancien Chantre de cette Eglise, pour le convier à prendre le logement qu’ils luy avoient fait préparer chez M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Collin, aussi Chanoine &amp; Prevost de Valieres dans la mesme Eglise, tant pour luy, que pour M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de S. Aubin, son Frere, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Flamanville, &amp; toute sa suite. M<hi rend="sup">r</hi> d’Angers estant arrivé à Tours fut complimenté par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Saicher, aussi Chanoine &amp; Dignité, avec sept Dignitez, Prevosts &amp; Chanoines députez du Chapitre, &amp; regalé magnifiquement le soir aux dépens du même Chapitre. Le lendemain, Feste des Rois, sur les sept heures du matin, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé le Loyer, &amp; les autres Commissaires du Chapitre, le conduisirent à l’Eglise, où M<hi rend="sup">rs</hi> du Chapitre, &amp; leur Clergé, qui est fort nombreux, le receurent à la porte, &amp; d’où, après luy avoir presenté l’eau benite, &amp; ensuite de la vraye Croix à baiser, ils le menerent au grand Autel en chantant un Répons de Saint Martin, à la fin duquel M<hi rend="sup">r</hi> l’Evêque d’Angers ayant chanté le Verset &amp; l’Oraison du mesme Saint, donna la benediction solemnelle au Peuple, selon ce qui se pratique à la reception des Evéques qui sont Chanoines honoraires de cette Eglise. Cela estant fait, ce Prelat fut conduit solemnellement par tout le Clergé, au lieu où se tient le Chapitre, &amp; où M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Guedier, Chanoine &amp; sous-Doyen, luy ayant, en l’absence du Doyen, presenté un ancien Livre couvert de velours rouge, où sont contenus les Statuts de cette Eglise, avec le saint Evangile, &amp; le serment des Evesques Chanoines de Saint Martin de Tours, M<hi rend="sup">r</hi> d’Angers prêta ce serment à haute voix, en Latin. [...]</p>
          <p>Aprés avoir prété ce serment, il remercia M<hi rend="sup">rs</hi> du Chapitre de l’honneur qu’ils lui faisoient, les assurant qu’il le regardoit comme un des plus nobles avantages de l’Evêché d’Angers, parce qu’il luy donnoit lieu d’esperer une protection particuliere de S. Martin, &amp; le droit de demander l’amitié d’une Compagnie qui tient un si haut rang dans l’Eglise, &amp; ayant prononcé les éloges <hi rend="i">d’homme comparable aux Apôtres</hi>, &amp; de <hi rend="i">premier des Confesseurs</hi> qu’on ait honoré publiquement dans l’Eglise, que l’antiquité a donnez à S. Martin, il ajoûta qu’il esperoit qu’avec le secours de leurs prieres qu’il leur demandoit dans l’esprit d’une veritable fraternité, il obtiendroit de ce grand Evêque, leur Pere commun, dont ils conservoient les cendres &amp; le Tombeau dans leur Eglise, &amp; l’esprit dans leurs mœurs, toute l’assistance dont il avoit besoin pour gouverner un Diocese qui avoit autrefois ressenty tant d’effets du grand zele de ce même Pontife. Puis il quitta le Camail d’Evêque, &amp; s’estant revestu des habits de Chanoine, il fut conduit au Choeur, où M<hi rend="sup">r</hi> le Sous-Doyen, en l’absence du Chantre, l’installa dans la premiere place du costé droit prés le grand Autel. Il celebra ensuite la Messe au grand Autel, pendant laquelle on chanta un excellent Motet, de la composition de M<hi rend="sup">r</hi> Thierry, Maistre de Musique ; après quoy, M<hi rend="sup">r</hi> d’Angers revint à la place du Choeur, &amp; entendit la Messe solemnelle du jour des Rois, dont il admira les ceremonies majestueuses, &amp; propres à cette grande &amp; ancienne Eglise. On la commença au Tombeau de Saint Martin derriere le grand Autel, où M. le Sous Doyen, qui estoit de semaine à l’Autel pour le Doyen, ne vint de ce Tombeau que pour l’<hi rend="i">Introite</hi>, accompagné de vingt Officiers qui l’avoient précedé dans toute la marche, qui est longue, puis qu’on fait le tour du Choeur, &amp; qu’y estant entré, on passe à costé gauche du grand Autel pour aller au Tombeau de Saint Martin, d’où on vient ensuite par le costé droit au grand Autel. Après la Messe, M<hi rend="sup">r</hi> d’Angers fut reconduit comme auparavant à son logis, &amp; y ayant dîné, &amp; toute sa compagnie, avec M<hi rend="sup">r</hi> de Miromenil, Intendant de la Generalité de Tours, &amp; un grand nombre de M<hi rend="sup">rs</hi> du Chapitre, qui avoient esté avec Mr l’Intendant au souper du soir précedent, il partit pour Angers, où il fut receu aux acclamations publiques de tout son Diocese. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_085" resp="wordpro">
          <head>L’Alliance de l’Academie de Nismes, Avec l’Academie Françoise. Ode.</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 85-96.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay mandé dans l’une de mes dernieres Lettres, que M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie Royale de Nismes, ayant demandé à estre receus de temps en temps dans les Assemblées de l’Academie Françoise, cette Illustre Compagnie avoit consenty avec plaisir à cette espece d’association qui avoit esté proposée par M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Nismes, Protecteur de cette premiere Academie. C’est ce qui a donné lieu à M<hi rend="sup">r</hi> de Guintrandy d’Avignon de faire l’ouvrage que je vous envoye.</p>
          <quote>
            <label>L’ALLIANCE<lb />DE L’ACADEMIE<lb />DE NISMES,<lb />Avec l’Academie Françoise.<lb /><hi rend="i">ODE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est assez garder le silence.</l>
              <l rend="i">Tâchons par de nouveaux efforts</l>
              <l rend="i">De chanter l’heureuse alliance</l>
              <l rend="i">Que jurent deux illustres Corps.</l>
              <l rend="i">Une celebre Academie</l>
              <l rend="i">Reçoit en qualité d’Amie</l>
              <l rend="i">Celle que Nismes voit fleurir ;</l>
              <l rend="i">La Feste s’en fait au Parnasse.</l>
              <l rend="i">Afin d’en parler avec grace</l>
              <l rend="i">Daigne, Apollon, me secourir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Dans le sein d’une belle Ville.</l>
              <l rend="i">Dont Nemause est le Fondateur,</l>
              <l rend="i">S’élevoit une Ecole habile</l>
              <l rend="i">Par les soins d’un grand Orateur.</l>
              <l rend="i">Sous l’appuy de ce beau Genie,</l>
              <l rend="i">Dont l’éloquence est infinie,</l>
              <l rend="i">Elle estoit des Muses l’amour ;</l>
              <l rend="i">Et par l’aveu mesme du Prince</l>
              <l rend="i">Que revere cette Province,</l>
              <l rend="i">Elle croissoit de jour en jour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Là cent illustres Personnages</l>
              <l rend="i">Charmez des douceurs des beaux Arts,</l>
              <l rend="i">Consacroient mille beaux Ouvrages</l>
              <l rend="i">A la gloire d’un autre Mars.</l>
              <l rend="i">LOUIS que l’Univers admire,</l>
              <l rend="i">Dont la France est l’heureux Empire,</l>
              <l rend="i">De tous leurs chants estoit l’objet.</l>
              <l rend="i">Rien que sa valeur, sa prudence,</l>
              <l rend="i">Sa sagesse &amp; sa vigilance,</l>
              <l rend="i">N’en estoit l’auguste sujet.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quand les Muses, ces neuf Pucelles,</l>
              <l rend="i">Admirant leurs doctes Ecrits ;</l>
              <l rend="i">Ces beaux Ouvrages, dirent-elles,</l>
              <l rend="i">Meritent bien d’aussi beaux prix.</l>
              <l rend="i">Nostre devoir nous sollicite</l>
              <l rend="i">A tenir toujours au merite</l>
              <l rend="i">Nos plus rares tresors ouverts ;</l>
              <l rend="i">Mais enfin quelle récompense</l>
              <l rend="i">Peut couronner tant d’éloquence !</l>
              <l rend="i">Quels Lauriers assez beaux &amp; verds ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mes Sœurs, ne soyons plus en peine</l>
              <l rend="i">Dit Thalie en haussant la voix.</l>
              <l rend="i">Je m’ouvre une route certaine</l>
              <l rend="i">Qui m’offre un prix digne de choix.</l>
              <l rend="i">Je médite avec confiance</l>
              <l rend="i">Une riche &amp; noble Alliance</l>
              <l rend="i">En faveur de nos Nourrissons,</l>
              <l rend="i">Et cette union ravissante,</l>
              <l rend="i">Que nous sçaurons rendre constante,</l>
              <l rend="i">Sera le prix de leurs Chansons.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Dans une Ville spatieuse,</hi></l>
              <l rend="i">Vous sçavez aussi-bien que moy</l>
              <l rend="i">Qu’une Assemblée ingenieuse</l>
              <l rend="i">A pour Protecteur un grand Roy.</l>
              <l rend="i">Par le seul merite affermie,</l>
              <l rend="i">Du beau titre d’Academie</l>
              <l rend="i">Elle joüit éminemment ;</l>
              <l rend="i">Et tout ce qu’eut Rome &amp; la Grece</l>
              <l rend="i">De sçavoir &amp; de politesse,</l>
              <l rend="i">Elle le possede amplement.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Faisons nos soins d’unir ensemble</hi></l>
              <l rend="i">Par de forts &amp; durables nœuds,</l>
              <l rend="i">Ces deux Corps dont chacun rassemble</l>
              <l rend="i">Ce qu’il faut pour remplir nos vœux.</l>
              <l><hi rend="i">Ils ont tous deux en habitude</hi></l>
              <l rend="i">Du panchant pour la même étude,</l>
              <l rend="i">Le mesme Roy pour leur objet.</l>
              <l rend="i">Leurs humeurs n’ont rien de contraire,</l>
              <l rend="i">Et pour peu que nous voulions faire,</l>
              <l rend="i">Tout répond à nostre projet.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Les autres Filles de Memoire</l>
              <l rend="i">Loüant le dessein de leur Sœur,</l>
              <l rend="i">Veulent avoir part à la gloire</l>
              <l rend="i">De le conduire avec honneur.</l>
              <l rend="i">Mais pour mieux regler nostre zele,</l>
              <l rend="i">Il faut, reprit nostre Pucelle,</l>
              <l rend="i">Que Phœbus en soit le garant.</l>
              <l rend="i">Allons le trouver au plus viste.</l>
              <l rend="i">Il est à l’écart qui médite</l>
              <l><hi rend="i">Les beaux faits de</hi> Loüis le Grand.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Aussi-tost la Troupe divine</l>
              <l rend="i">Se rend à l’endroit du vallon,</l>
              <l rend="i">Où proche d’une eau cristalline</l>
              <l rend="i">Resvoit doucement Apollon.</l>
              <l rend="i">Il gravoit, au defaut du marbre,</l>
              <l rend="i">Ces mots sur le tronc d’un gros arbre,</l>
              <l rend="i">Mots, dont les yeux sont ébloüis.</l>
              <l>Tu cours, Ligue, aprés un Fantôme,</l>
              <l>Ton Guillaume est toujours Guillaume,</l>
              <l>Et <hi rend="sc">Louis</hi> toujours plus <hi rend="sc">Louis.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> La Troupe en même temps s’avance,</l>
              <l rend="i">Et se rangeant autour du Dieu,</l>
              <l rend="i">Elle chasse loin le silence</l>
              <l rend="i">Qui regnoit dans ce charmant lieu.</l>
              <l rend="i">Thalie alors dont la voix forte</l>
              <l rend="i">Sur toutes les autres l’emporte,</l>
              <l rend="i">Dit d’abord au long son dessein ;</l>
              <l rend="i">Puis prie avec un doux sourire</l>
              <l rend="i">Phœbus qui l’écoute &amp; l’admire,</l>
              <l rend="i">D’y prêter le feu de son sein.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Illustres Nymphes de Permesse,</l>
              <l rend="i">Leur dit ce Dieu, leur doux soutien,</l>
              <l rend="i">Le zele qui vous interesse</l>
              <l rend="i">Me plaist autant qu’il vous sied bien.</l>
              <l rend="i">Je donne dans vostre pensée,</l>
              <l rend="i">Elle ne peut qu’estre embrasée</l>
              <l rend="i">Puis que Fléchier sera pour vous.</l>
              <l rend="i">Ouy, Fléchier, maistre en l’art de plaire,</l>
              <l rend="i">Conduira luy seul cette affaire</l>
              <l rend="i">Selon vos souhaits les plus doux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> En effet, rien n’est plus facile.</l>
              <l rend="i">N’avez-vous pas ensemble en luy</l>
              <l rend="i">Du premier Corps un Membre habile,</l>
              <l rend="i">Du second un illustre appuy ?</l>
              <l rend="i">Que differez-vous davantage</l>
              <l rend="i">D’employer ce grand Personnage</l>
              <l rend="i">Qui peut tout sur tous les esprits ?</l>
              <l rend="i">Sus donc, Muse, partez sur l’heure,</l>
              <l rend="i">Pour l’informer dans sa demeure</l>
              <l rend="i">Du dessein que nous avons pris.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Comme le trait qu’une main ferme</l>
              <l rend="i">Décoche avec un air aisé,</l>
              <l rend="i">Court en volant marquer le terme</l>
              <l rend="i">Que l’Archer s’estoit proposé ;</l>
              <l rend="i">Ainsi la Nymphe toute preste,</l>
              <l rend="i">Sans qu’aucun autre soin l’arreste,</l>
              <l rend="i">Fend les vents sur l’aislé Coursier ;</l>
              <l rend="i">Et par une vistesse extrême</l>
              <l rend="i">Elle arrive enfin le jour mesme</l>
              <l rend="i">Au Palais du fameux Fléchier.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ayant laissé dans l’écurie</l>
              <l rend="i">Pegase au plus gras ratelier,</l>
              <l rend="i">La Muse dans sa rêverie</l>
              <l rend="i">Monte hardiment l’escalier :</l>
              <l rend="i">Et sans trouver aucun obstacle,</l>
              <l rend="i">Elle va consulter l’Oracle</l>
              <l rend="i">Dont l’esprit est si juste &amp; net,</l>
              <l rend="i">Et prenant la plus courte voye,</l>
              <l rend="i">Elle le rencontre avec joye</l>
              <l rend="i">A l’étude du Cabinet.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Elle entre, non sans le surprendre</l>
              <l rend="i">D’un agreable étonnement.</l>
              <l rend="i">Ensuite elle luy fait entendre</l>
              <l rend="i">Son dessein par son compliment.</l>
              <l rend="i">Ce grand homme aussi-tost s’engage</l>
              <l rend="i">A prester ses soins à l’ouvrage,</l>
              <l rend="i">Puis qu’Apollon le commandoit.</l>
              <l rend="i">En ayant donc receu parole,</l>
              <l rend="i">La Muse derechef s’envole</l>
              <l rend="i">Sur Pegase qui l’attendoit.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Alors Fléchier devoit au Prince</l>
              <l rend="i">Porter au nom des trois Etats</l>
              <l rend="i">Le Cahier de cette Province</l>
              <l rend="i">Si fertile en vins delicats.</l>
              <l rend="i">Il part plein de cette éloquence</l>
              <l rend="i">Dont tout reconnoist la puissance,</l>
              <l rend="i">Et qui peut à soy tout gagner.</l>
              <l rend="i">Il vient, il arrive, on admire</l>
              <l rend="i">Qu’il soit tel en l’art de bien dire,</l>
              <l rend="i">Que LOUIS en l’art de regner.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cet Office considerable</l>
              <l rend="i">Qui le fait paroistre à la Cour,</l>
              <l rend="i">Est l’occasion favorable</l>
              <l rend="i">Qui met enfin son œuvre au jour.</l>
              <l rend="i">Il parle, &amp; tout suit son beau zele.</l>
              <l><hi rend="i">D’abord cette union fidelle</hi></l>
              <l rend="i">Se contracte au gré des neuf Sœurs,</l>
              <l rend="i">La Feste s’en fait au Parnasse ;</l>
              <l rend="i">Tout y chante &amp; danse avec grace,</l>
              <l rend="i">Mesme les plus graves Censeurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Les arbres sur l’écorce dure</l>
              <l rend="i">Font voir, déployant leurs tresors,</l>
              <l rend="i">En chiffres, en fleurs, en peinture,</l>
              <l rend="i">Les noms des deux illustres Corps.</l>
              <l rend="i">La claire &amp; la pure Fontaine</l>
              <l rend="i">Se laisse boire à tasse pleine.</l>
              <l rend="i">Phœbus tient ses coffres ouverts :</l>
              <l rend="i">Chacun de Laurier se couronne,</l>
              <l rend="i">Et tout le Pinde ne resonne</l>
              <l rend="i">Que de Ris, de Chants, &amp; de Vers.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_096" resp="mercure">
          <head>[Tout ce qui s’est passé au transport du corps de feu Mr le Prince de Mekelbourg, &amp; à ses funerailles]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 96-111.</bibl>
          <p/>
          <p>Ma Lettre du mois d’Octobre dernier vous apprit la mort de Mr le Duc de Mekelbourg, Prince des Wandales. Il faut aujourd’huy vous faire sçavoir de quelle maniere on a transporté son corps dans ses Etats, &amp; les ceremonies qui se sont faites à ses funerailles. Voicy un Extrait de plusieurs Relations qui en ont esté envoyées par differentes personnes à Madame la Duchesse Douairiere de Mekelbourg [...] Ce Prince mourut à la Haye le 29. de Juin dernier. Le 15 du mois de Juillet suivant Mrs de Lutzau, de Varnsted, Desperlin &amp; de Drisberg y arriverent en qualité de Deputez de la Regence de Mekelbourg &amp; de Maréchaux de cette Cour, pour prendre le soin d’y transporter son corps, de le garder &amp; de l’accompagner dans tout le voyage. Mr S l’Espagnol, premieur Aumônier du défunt Prince, ayant fait les Prieres ordinaires pour les Morts, le 17 à trois heures du matin Mrs les Deputez &amp; les premiers Officers de son Altesse S. porterent son corps jusqu’au plus proche Canal, où estoit une Barque magnifiquement tenduë de deüil, pour le transporter à Amsterdam. Elle y arriva sur les sept heures du soir, &amp; la maison de Mr de Vicquefort, Resident du Prince, donnant sur le Canal, il y attendit les Députez au passage, &amp; leur ayant fait son compliment de condoleance, il leur offrit ses services &amp; son logis. La Barque y demeura attachée pendant toute la nuit, portant le pavillon de Deüil aux armes de Mekelbourg, ce qui attira dans ce quartier-là une foule extraordinaire de Peuple. [...]</p>
          <p>Le 19. au soir , on mit à la voile pour gagner l’embouchure de la Mer d’Amsterdam. L’on y arriva le 22. &amp; l’on y resta jusqu’au 28. n’ayant pas de vent propre pour en sortir &amp; pour entrer dans la grande Mer. Le 29. au matin on mit à la voile avec un bon vent, &amp; l’on arriva le 31 dans l’embouchure de l’Elbe.</p>
          <p>Le 1. jour d’Aoust l’on moüilla l’ancre devant Altena. Le 4. on transporta le corps sur une Barque de Hambourg, tenduë de deüil dedans &amp; dehors &amp; dont tous les gens de l’équipage estoient aussi vestus de deüil. Sur les huit heures du matin, la Fregate ayant fait une décharge de tout son Canon, fit voile du costé de Hollande, &amp; la Barque alla du costé de Hambourg, où l’on sonna toutes les Cloches lorsqu’elle passa devant la Ville.</p>
          <p>Le 16. on arriva devant Lawembourg, qui est sur le bord de l’Elbe. Plusieurs Officiers s’y trouverent avec des Carrosses de deüil, tout prests pour transporter le Corps, &amp; pour luy servir de cortege jusqu’au Château de Swrin. On y arriva le 8. &amp; plusieurs Ecclesiastiques, parmy lesquels estoit le Chapelain du Château, allerent avec la Croix &amp; l’Eau benite le recevoir à la premiere porte du Jardin. Ils estoient suivis des premiers Officiers de la Cour, d’un grand nombre de gens qui portoient des Flambeaux, &amp; qui accompagnerent le Corps jusqu’à la Chapelle du Chasteau, où l’on avoit préparé un Mausolée, appellé en ce pays-là Castrum doloris, aussi propre &amp; aussi magnifique, que la disposition du lieu pouvoit le permettre. Depuis ce jour-là jusqu’à celuy qui estoit destiné pour faire les Obseques, on celebra tous les matins plusieurs Messes dans cette Chapelle ardente, &amp; jour &amp; nuit il y avoit quatre Gentilshommes, quatre Pages, six Trompettes, six Valets de Chambre, douze Hallebardiers, souvent d’autres personnes, &amp; toujours quelques Prestres qui faisoient la garde.</p>
          <p>Le Mardy 2. de Septembre, jour choisi pour les Obseques, on les commença le matin par un Service de trois Messes consecutives, dont le premier Aumônier dit la derniere, aprés laquelle il fit les prieres &amp; les aspersions accoutumées. Sur les dix heures, le Curé ou Chapelain dit la messe des Morts, qui fut chantée en Musique, aprés laquelle il fit l’Oraison Funebre en haut Allemand, [...].</p>
          <p>Un Ministre Lutherien faisoit aussi en même temps l’oraison Funebre, dans une Salle du Chasteau, en presence du nouveau Duc, des Princes &amp; Princesse de la Cour. Elle avoit ordonné qu’on fist la mesme chose dans toutes les Eglises des Etats du Mekelbourg ; &amp; aprés l’Oraison finie, l’on devoit lire la Genealogie &amp; les Alliances des Princes défunts, &amp; recommander aux prieres des Asssitans les Princes &amp; Princesses de cette Serenissime Maison, qui sont encore en vie.</p>
          <p>Le Mercredy, jour destiné pour transporter le Corps du Prince défunt dans l’Abbaye de Daubren, sepulture des Rois &amp; Princes des Wandales ses Predecesseurs, on dit toujours les Messes du matin ; &amp; ensuite on mit le Cercueil qui estoit venu de la Haye, dans un autre de cuivre doré, magnifiquement travaillé, &amp; sur lequel il y avoit un Crucifix avec la Couronne fermée, ses Supposts &amp; ornemens necessaires, le tout d’argent massif. Tout estant prest pour le départ, vingt-quatre Gentilshommes, précedez de quatre Maréchaux de la Cour, &amp; de plusieurs Officiers, tous en grand deüil, transporterent le Corps sur un Chariot, qui estoit au milieu de la court du Chasteau, escorté de vingt-quatre Hallebardiers, &amp; d’un détachement des Gardes du Corps.</p>
          <p>Les Trompettes qui estoient à leur teste, ayant sonné la marche d’un air fort lugubre, le grand Ecuyer qui la regloit fit avancer les quatre Maréchaux de la Cour, les fit suivre de vingt-quatre Gentilshommes, fit marcher le chariot avec son escorte, &amp; ensuite le premier Ministre d’Etat, le General Major, plusieurs Conseillers d’Etat, &amp; quantité d’autres Officiers suivirent le Corps, faisant une espece de procession dans la Cour du Chasteau. On en sortit dans cet ordre, [...].</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_134" resp="wordpro">
          <head>Epistre</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 134-139.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye un Ouvrage de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Maumenet, que vous sçavez avoir remporté le Prix des Vers en plusieurs Academies. C’est une preuve du talent qu’il a pour les bien tourner. Ceux-cy sont adressez à un homme qui en peut juger parfaitement bien, puis que l’on en voit de temps en temps de sa façon, qui sont approuvez de tout le monde. C’est à M<hi rend="sup">r</hi> le President de Montforan, Frere de M<hi rend="sup">r</hi> Brunet, Garde du Tresor Royal. La delicatesse de son esprit répond à la penetration qu’il a pour les affaires. Outre sa Charge de President en la Chambre des Comptes, il est Chef du Conseil de Son Altesse Royale Monsieur, &amp; Conseiller honoraire au Parlement de Paris.</p>
          <quote>
            <label>EPISTRE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Favory des neuf Sœurs, dont l’excellent genie</l>
              <l rend="i">Connoist de leurs accords la parfaite harmonie,</l>
              <l><hi rend="i">Et qui sçais dérober à tes Emplois divers,</hi></l>
              <l rend="i">Des momens consacrez à l’amour des beaux Vers,</l>
              <l rend="i">Montforan, aujourd’huy que l’An se renouvelle,</l>
              <l rend="i">Je te viens par ces Vers renouveller mon zele.</l>
              <l rend="i">L’Interest, qui seduit le cœur des Courtisans,</l>
              <l rend="i">N’a point de son poison corrompu mon encens ;</l>
              <l rend="i">Il est pur, &amp; jamais mon cœur qui te revere</l>
              <l><hi rend="i">N’offrit’à la vertu d’hommage plus sincere.</hi></l>
              <l rend="i"> Mais quoy ! t’offrir des Vers, quand les biens de l’esprit</l>
              <l rend="i">N’ont plus aux yeux des Grands d’éclat ny de credit,</l>
              <l rend="i">Qu’on n’estime plus rien que train &amp; qu’équipage,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’on songe à s’enrichir plus qu’à devenir sage,</hi></l>
              <l rend="i">Et qu’on croit trop payer les plus brillans Ecrits,</l>
              <l rend="i">S’il en coûte un seul mot, un clin d’œil, un soûris !</l>
              <l rend="i">N’est-ce point se flater d’un espoir témeraire,</l>
              <l rend="i">D’aspirer par des Vers à l’honneur de te plaire,</l>
              <l rend="i">Et de croire qu’un Don si méprisé des Grands,</l>
              <l rend="i">Peut paroistre à tes yeux un Don plein d’agrémens ?</l>
              <l rend="i">Non sans doute. Cheri du Ciel, de la Fortune,</l>
              <l rend="i">Ton cœur ne marche point dans la route commune ;</l>
              <l rend="i">Il préfere à l’éclat des fragiles grandeurs</l>
              <l rend="i">La solide beauté du genie &amp; des mœurs.</l>
              <l rend="i">Sans elle, à ses desirs l’homme toujours en proye</l>
              <l rend="i">Ne ressentit jamais de veritable joye.</l>
              <l rend="i">Indigent au milieu de tous ses vains tresors</l>
              <l rend="i">Il n’a de l’homme heureux que de pompeux dehors.</l>
              <l rend="i">Moy, qui content du sort où le Ciel m’a fait naistre,</l>
              <l rend="i">Borne tous mes desirs à m’en rendre le maistre,</l>
              <l rend="i">Je ne vais point du Riche, ennemy des beaux Arts,</l>
              <l rend="i">En servile Client consulter les regards,</l>
              <l rend="i">Et de ses feux divins la docte Melpomene</l>
              <l><hi rend="i">Pour de lâches Mortels n’échauffe point ma veine.</hi></l>
              <l rend="i">Mais pour toy, qui tranquille à l’ombre de tes bois</l>
              <l rend="i">De mille tendres airs fais resonner Brunois,</l>
              <l rend="i">Et qui vangeant du sort l’infortuné Titire, *</l>
              <l rend="i">Fus l’objet de ses chants &amp; le Dieu de sa Lyre,</l>
              <l rend="i">Tant que mes yeux verront la lumiere du jour,</l>
              <l rend="i">Montforan, je sçauray signaler mon amour.</l>
              <l rend="i">Je viens te le jurer cette nouvelle année,</l>
              <l rend="i">Et si de tes beaux ans l’heureuse destinée</l>
              <l rend="i">En mesuroit le cours au gré de mes souhaits,</l>
              <l rend="i">Ainsi que ta candeur tu ne mourrois jamais.</l>
            </lg>
            <note><p>* c’est M. Perrin, qui a traduit en Vers François les Eglogues de Virgile.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_140" resp="wordpro">
          <head>Imitation de l’Ode d’Horace, qui commence par Quantum distat ab Inacho</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 140-143.</bibl>
          <p/>
          <p>J’ajoûte deux Odes d’Horace, que M<hi rend="sup">r</hi> Faydit de Saint-Bonnet a renduës en nostre Langue.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">IMITATION DE L’ODE</hi><lb /><hi rend="i">d’Horace, qui commence par</hi>, Quantum distat ab Inacho.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Telephe, que te sert d’appliquer tous tes soins</l>
              <l rend="i"> A chercher en vain dans l’Histoire</l>
              <l rend="i"> Le Prince qui regna le moins,</l>
              <l rend="i">Ou celuy qui vécut le plus long-temps en gloire ?</l>
              <l rend="i">Pourquoy te fatiguer de mettre en ta memoire</l>
              <l rend="i">Le nom de tous les Rois qui depuis Inachus</l>
              <l rend="i">Ont regné tour à tour jusqu’aux Antiochus,</l>
              <l rend="i">Et le moindre détail de leur moindre victoire ?</l>
              <l rend="i"> Tu sçais combien depuis Belus</l>
              <l rend="i"> Ont coulé d’ans jusqu’à Cyrus,</l>
              <l rend="i">Et tu peux de nos jours passer pour la merveille.</l>
              <l rend="i">J’y consens ; mais répons, combien vaut la bouteille</l>
              <l rend="i"> De ce bon vin qu’on vante tant ?</l>
              <l rend="i">Telephe, tu te tais ! tu n’es qu’un innocent.</l>
              <l rend="i">La plus belle science est de sçavoir bien boire,</l>
              <l rend="i"> Je ne fais du reste aucun cas.</l>
              <l rend="i">Ne vante plus Codrus ; &amp; si tu veux m’en croire,</l>
              <l rend="i">Jette au feu tes écrits, &amp; brûle ton Grimoire,</l>
              <l rend="i"> Et commençons nostre repas.</l>
              <l rend="i">Ça, Laquais, qu’on nous serve, &amp; que chacun s’empresse</l>
              <l rend="i"> A nous verser de ce bon vin ;</l>
              <l rend="i"> Car je sens que la soif me presse.</l>
              <l rend="i"> Allons, Telephe, &amp; beuvons plein</l>
              <l rend="i"> De ce divin jus de la Treille.</l>
              <l rend="i"> Dans ces neuf verres que tu vois,</l>
              <l rend="i"> C’est aux Muses à qui je bois.</l>
              <l rend="i">Une semblable ardeur pour les Graces m’éveille ?</l>
              <l rend="i"> Ajoûtons-en encore trois.</l>
              <l rend="i"> C’est maintenant que je veux rire.</l>
              <l rend="i"> Telephe, va prendre ta Lyre,</l>
              <l rend="i">Le vin &amp; les chansons s’accordent toujours bien.</l>
              <l rend="i"> Ie hay les gens qui ne font rien.</l>
              <l rend="i"> Mais pour mieux celebrer la Feste,</l>
              <l rend="i">De ces bouquets de fleurs couronnons-nous la teste.</l>
              <l rend="i"> Rions, chantons, que de nos chants</l>
              <l rend="i"> Le voisinage retentisse ;</l>
              <l rend="i">Que l’envieux Lycus de colere en pâlisse.</l>
              <l rend="i"> Amy, vivons toujours contens.</l>
              <l rend="i">Du vin &amp; de l’amour faisons nostre partage,</l>
              <l rend="i">Des severes vieillards negligeons les avis.</l>
              <l rend="i">La sagesse des Grecs est un pur badinage.</l>
              <l rend="i"> Qui boit le mieux est le plus sage.</l>
              <l rend="i">Vivons parmy les jeux, les plaisirs, &amp; les ris.</l>
              <l rend="i"> Profitons de la fleur de l’âge</l>
              <l rend="i">Aime toujours Chloé, j’aimeray Glyceris.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_144" resp="wordpro">
          <head>Autre Imitation d’une autre Ode d’Horace, qui commence par, O nata mecum Consule Manlio</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 144-145.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label><hi rend="i">AUTRE IMITATION</hi><lb /><hi rend="i">d’une autre Ode d’Horace, qui commence par</hi>, O nata mecum Consule Manlio.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Mere des ris &amp; des querelles,</l>
              <l rend="i"> Dispensatrice du repos,</l>
              <l> <hi rend="i">Source de jeux, d’amours nouvelles,</hi></l>
              <l rend="i"> Viens, Bouteille, il est à propos.</l>
              <l rend="i"> Corvin pour ton doux jus soupire.</l>
              <l rend="i">Haste-toy d’obeir à ses justes desirs.</l>
              <l rend="i">Si de Caton en luy la vertu l’on admire,</l>
              <l rend="i"> Il aime à goûter les plaisirs ;</l>
              <l rend="i"> Et comme luy le bon vin me fait rire.</l>
              <l rend="i">De ton divin Nectar viens assoupir nos sens.</l>
              <l rend="i"> La vertu sans toy ne peut plaire.</l>
              <l rend="i"> L’on voit souvent le plus severe</l>
              <l><hi rend="i">Venir prendre en ton jus des plaisirs innocens.</hi></l>
              <l rend="i">Bacchus au plus grossier donne de l’éloquence ;</l>
              <l rend="i"> Au timide de l’assurance.</l>
              <l rend="i"> Ce Dieu souvent au plus discret,</l>
              <l rend="i">Sans user de contrainte, arrache le secret.</l>
              <l rend="i">Il peut, quand il luy plaist, dissiper nos tristesses ;</l>
              <l rend="i"> Il donne aux malheureux l’espoir,</l>
              <l rend="i">Il éleve le pauvre au comble des richesses,</l>
              <l rend="i"> Rien ne résiste à son pouvoir.</l>
              <l rend="i"> Viens, Bacchus, amene à ta suite</l>
              <l rend="i"> Les Ris, les Jeux, les Plaisirs &amp; l’Amour.</l>
              <l rend="i"> Passons la nuit sous ta conduite,</l>
              <l rend="i">  Attendant le retour</l>
              <l rend="i">  Du bel Astre du jour.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_146" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 146-181.</bibl>
          <p/>
          <p>Il ne faut qu’aimer veritablement pour venir à bout de tout ce qu’on veut. Les entreprises les plus difficiles que le cœur conduit, sont presque toujours suivies d’un succés heureux, &amp; quelques obstacles qu’on y puisse rencontrer, il y en a peu qu’on ne surmente avec le secours du temps. Un Cavalier, né avec de grands avantages du costé de la Fortune, puisque la mort de sa Mere luy avoit assuré du moins quinze mille livres de rente, outre le bien que son Pere, qui estoit d’ailleurs fort riche, luy devoit laisser, avoit cependant sujet de se tenir malheureux, par l’avarice de ce mesme Pere, qui devant joüir de ce revenu suivant la Coustume de Normandie, tant qu’il ne se remarieroit pas, ne luy en faisoit qu’une fort legere part. Ainsi il auroit manqué de beaucoup de choses, s’il n’eust pas eu un Amy qui estant en possession de deux belles Terres en usoit pour luy sans nulle reserve. Le Cavalier n’en abusoit pas, &amp; pour ne point incommoder son Amy, il moderoit le penchant qu’il avoir pour la dépense, se contentant de pouvoir fournir à celle qu’un honneste homme qui est seur d’avoir du bien, se trouve obligé de faire. L’étroite amitié qui l’unissoit avec cet Amy s’augmentoit de jour en jour, &amp; par les nouveaux secours qu’il en recevoit, &amp; par les sentimens de reconnoissance qui portoient jusqu’à l’excés l’attachement qu’il avoit pour luy. Il le voyoit fort souvent, &amp; ses frequentes visites luy ayant donné un accés fort familier auprés de sa Mere, qui estoit une Femme estimée de tout le monde, &amp; d’une vertu à servir d’exemple à toutes les autres, il se plaisoit aussi à luy rendre d’assez grands devoirs. Elle avoit esté fort belle, &amp; quoy qu’elle eust plus de cinquante ans, elle auroit encore passé pour une jeune Personne, si son Fils qui en avoit plus de trente, n’eust fourny un témoin contr’elle pour prouver son âge. Tous ses soins alloient à bien élever une Fille qu’elle avoit, &amp; en qui elle vouloit que la bonne éducation suppléast par le merite au peu de bien que les Loix de la Province où elle estoit née, luy permettoient d’esperer. Il est vray que si la beauté peut estre comptée pour quelque chose, elle estoit fort riche de ce costé-là, puis qu’elle estoit née avec les Graces, &amp; que les leçons qu’on luy donnoit, &amp; dont elle profitoit avec beaucoup d’avantage, la rendoient de plus en plus une personne accomplie. Sa douceur, son esprit aisé, simple &amp; naturel, &amp; ses manieres toutes engageantes, furent des charmes ausquels le Cavalier ne put resister. L’humeur interessée de son Pere luy faisoit connoistre qu’il ne s’accommoderoit pas d’une Belle Fille dont la fortune estoit des plus mediocres, mais le plaisir de satisfaire son cœur l’emporta sur sa raison, &amp; quand sa passion l’auroit entraîné avec moins de violence, les extrêmes obligations qu’il avoit au Frere, sembloient demander ce qu’il sentoit pour la Sœur. Flatté des raisons qu’il se donnoit à luy-mesme pour autoriser l’engagement qu’il prenoit, à quelques traverses que cet amour le dust exposer, il crut qu’il y alloit de sa gloire de ne le combattre pas, &amp; qu’en s’y abandonnant il remplissoit les devoirs de parfait Amy. A peine eut-il formé ce dessein, qu’il le fit paroistre aux yeux des Interessez. La Mere &amp; la Fille s’en apperceurent d’abord, &amp; l’agrément avec lequel elles répondirent aux premieres marques qu’il leur en donna, l’enflamma de telle sorte, qu’il mit bientost son secret dans les mains du Frere, Il n’eut pas de peine à estre écouté sur les instantes prieres qu’il luy fit, de mettre la chose en état de reussir. La Mere &amp; la Fille estoient toutes disposées à luy accorder le consentement qu’il demandoit, mais ce qu’il y avoit de plus important, c’estoit d’obtenir celuy de son Pere, qui ayant esté instruit de ses assiduitez dans cette maison, luy fit de rudes menaces s’il osoit penser au mariage. Le Cavalier répondit qu’il ne devoit pas estre surpris qu’il vist souvent un Amy qui l’obligeoit en toutes rencontres, &amp; que ne pouvant se dispenser de voir quelquefois sa Mere &amp; sa Sœur, il se croiroit indigne d’estre né ce qu’il estoit s’il manquoit d’honnesteté pour l’une &amp; pour l’autre, mais qu’il bornoit cette honnesteté à des devoirs si indifferens, qu’on n’avoit pas lieu de s’en alarmer, outre qu’en l’estat où il se trouvoit, il s’offriroit inutilement, puis qu’il n’y avoit personne qui le voulust accepter. Son Pere luy dit, qu’il se chargeoit volontiers de son établissement, mais qu’il prist garde à ne le pas obliger à des resolutions qui luy seroient desavantageuses ; qu’il chercheroit un party qui luy feroit faire une agreable figure, &amp; que quand il verroit les choses proportionnées à ce qu’il pouvoit prétendre, il luy remettroit le bien de sa Mere. Cela fut dit d’un ton si imperieux que le Cavalier vit bien qu’il falloit dissimuler, &amp; attendre un temps plus favorable pour voir si son Pere ne changeroit point de sentimens. Il rendit compte de tout à la Belle, à laquelle il fit de nouveaux sermens de mourir plustost que de rien souffrir qui nuisist à son amour. Il voulut mesme que son Amy fust témoin de ces protestations, &amp; comme ils estoient inseparables, il avoit du moins le plaisir de luy parler de la charmante personne qu’il aimoit, quand il n’avoit pas celuy de la voir. Il en eut la liberté toute entiere, par un long voyage que fit son Pere à Paris, pour une affaire qui luy estoit d’une extrême consequence. Il y demeura plus de six mois, &amp; pendant ce temps, les deux Amans qui se voyoient à toute heure, prirent l’un pour l’autre un si fort attachement, qu’il n’y eut plus rien qui pust y donner atteinte. Ils songerent à tous les moyens qu’on pouvoit imaginer, pour gagner l’esprit du Pere, qu’il y alloit de leur interest de ménager, puisque non seulement il étoit en droit de joüir jusqu’à sa mort du revenu de tout le bien de son Fils, mais qu’il pouvoit luy faire grand tort, touchant sa succession, s’il se marioit contre son gré. Cela l’obligeoit à estre plus retenu dans la declaration de ses sentimens, mais si cette contrainte luy estoit fascheuse, il se trouva dans un embarras extraordinaire, lors que son Pere estant revenu, luy fit sçavoir qu’il avoit donné parole pour luy, en le mariant avec une jeune Demoiselle qui luy apportoit cinquante mille écus en argent comptant, outre ce qu’elle pouvoit encore esperer, lors que son Pere viendroit à mourir. Elle estoit Fille d’un homme qui l’avoit servy tres-utilement dans son affaire, &amp; avec lequel il avoit renouvellé une ancienne amitié, contractée par eux dans leur jeunesse. Les Articles estoient arrestez de bouche. Il renonçoit en faveur du Cavalier, à la joüissance du bien de sa Mere, &amp; s’obligeoit, quand ils seroient mariez, à les recevoir chez luy, sans qu’il leur coustast aucune chose. Le Cavalier étourdy du coup, se contenta de luy dire froidement, que l’union des esprits estant necessaire dans le mariage, il devoit apprehender de ne plaire pas à celle qu’il avoit voulu luy choisir pour Femme, &amp; qu’il seroit mieux qu’ils se fussent veus un peu de temps, pour sçavoir, avant que de rien conclure, s’ils se pouvoient assurer d’estre le fait l’un de l’autre. Son Pere luy ferma la bouche, en luy disant, que sur le portrait qu’il avoit fait de son esprit &amp; de son humeur, la Demoiselle estoit fort contente, &amp; que comme elle estoit jolie &amp; fort aimable, il se tenoit seur qu’il ne le seroit pas moins du choix qu’il avoit fait d’elle, qu’ainsi il falloit qu’il se préparast à terminer une affaire qui luy devoit estre si avantageuse, &amp; qu’ils partiroient ensemble un mois aprés pour dégager sa promesse. Dans quel desespoir le Cavalier ne se vit-il pas reduit par un ordre si cruel ? Il fut cent fois tenté d’éclater, &amp; de ne plus cacher à son Pere, que rien au monde ne seroit capable de le détacher de l’amour qu’il avoit pris, mais dans la crainte de fâcher ce qu’il aimoit, il crut ne devoir rien faire que de son consentement. Il alla luy dire tout ce qu’il venoit d’apprendre, &amp; il parut à ses yeux dans un état à faire pitié. La Belle touchée de l’accablement où il estoit, ne pouvoit se par donner d’en estre la cause, &amp; par un pur excés de tendresse, elle vouloit qu’il acceptast un party, qui devoit luy faire une agreable fortune, au lieu que les sentimens qu’il avoit pour elle, s’il osoit les soûtenir, ne feroient que l’exposer au ressentiment d’un Pere, qui estant le Maistre de son bien, le laisseroit toujours malheureux. Il regarda ce conseil comme un outrage qu’on faisoit à sa constance, &amp; se plaignit fortement de l’indifference de la Belle. La Mere &amp; le Frere furent appellez pour regler leur démeslé, &amp; ayant appris l’engagement où son Pere l’avoit mis, ils se trouverent fort embarassez sur les ressorts qu’il falloit faire jouër pour parer ce coup. Le Cavalier, à qui leurs raisonnemens paroissoient ne rien produire, prit sa resolution sans balancer. Ce fut, si son Pere s’obstinoit à le vouloir contraindre à partir, de se dérober de luy, &amp; d’aller passer quelque temps en Italie, pendant quoy il employeroit ses Amis pour luy faire entendre qu’il se resoudroit plûtost à ne revenir jamais, qu’à se soumettre à un mariage où il sentiroit son cœur opposé. Il fut jugé à propos de ne consentir qu’à l’extrémité à l’éloignement dont il formoit le dessein ; mais loin qu’il pust reculer l’affaire qui l’obligeoit à le prendre, les nouvelles qu’on receut furent un sujet de l’avancer. Le Gentilhomme qui luy promettoit sa Fille, manda à son Pere, qu’il estoit tout prest de faire le mariage où il s’estoit engagé, mais qu’il ne vouloit point de retardement, ny demeurer plus longtemps dans l’incertitude, parce qu’il s’offroit un homme fort considerable pour qui on le pressoit d’entrer en parole. Le Pere craignant qu’un party si riche ne luy échapast, répondit sur l’heure qu’il partoit incessamment, &amp; en effet il arresta le jour du voyage, mais il le fit inutilement, puis que dés lendemain il fut surpris d’une attaque de goute fort violente, qui le prenoit assez rarement, mais qui luy duroit quelquefois deux mois entiers. Le Cavalier ravi de cet incident, crut gagner beaucoup en gagnant du temps ; mais son Pere qui ne vouloit point hazarder la chose, envoya chercher son Notaire, qui dressa un acte, par lequel il donnoit un plein pouvoir à son Fils pour se marier, en specifiant toutes les clauses dont il estoit convenu avec le Pere de la Demoiselle. Il accompagna cela d’une Lettre qui portoit l’excuse de son incommodité, &amp; en donnant le tout à son Fils, il luy ordonna de partir le jour suivant, Le Cavalier fort content de faire seul le voyage, alla faire ses adieux, &amp; dit à la Fille devant sa Mere &amp; son Frere, qu’elle n’avoit rien à craindre, puis qu’assurément il se feroit refuser, quand il faudroit pour cela declarer l’amour qui le rendoit incapable d’en avoir jamais pour aucune autre, &amp; qu’afin qu’il eust un conseil sincere pour en trouver les moyens, il croyoit que son Amy voudroit bien l’accompagner. Le Frere y consentit avec joye, &amp; tout d’un coup il luy tomba dans l’esprit un expedient auquel ils donnerent tous les mains. On avoit peint la Demoiselle jolie, &amp; cinquante mille écus qu’on luy donnoit en argent comptant accommodoient extrémement ses affaires. Il proposa d’aller l’épouser sous le nom du Cavalier. La Lettre &amp; la procuration du Pere rendoient la chose facile. Sa naissance estoit des meilleures de la Province. Il avoit plus de bien que le Cavalier, à regarder seulement celuy de sa Mere, dont son Pere luy cedoit la joüissance, &amp; il avoit l’esprit si bien fait &amp; l’humeur si complaisante, qu’il se tenoit seur, quand il seroit marié, de gagner assez le Pere &amp; la Fille, pour leur pouvoir découvrir la tromperie, sans qu’ils eussent lieu d’en estre fâchez. Le Cavalier qui embrassa son Amy cent &amp; cent fois dans le transport de sa joye, le crut inspiré du Ciel. Il n’avoit en veuë que le plaisir d’estre dégagé de cette affaire, &amp; s’étant donné rendez-vous sur le chemin, ils se rejoignirent au lieu marqué, sans que l’on sceust qu’ils alloient ensemble. Lors qu’ils furent arrivez, l’Amy seul du Cavalier parut chez la Demoiselle. Ils estoient tous deux de la même taille, tous deux en perruque brune, &amp; on ne pouvoit avoir assez bien marqué les traits du Cavalier, pour craindre qu’on les trouvast differens de ce qu’on avoit pû dire. Ainsi son Amy passa aisément pour luy, &amp; il eut d’autant moins de peine à jouër ce personnage, que la Lettre &amp; l’Acte dont il estoit le porteur, le faisoient paroistre ce qu’il vouloit qu’on le crust. Il se montra si galant, &amp; attaqua le cœur de la Demoiselle par des manieres si vives &amp; si engageantes, que s’en estant fait aimer d’abord, on se rendit avec beaucoup de plaisir à l’empressement qu’il témoigna de conclurre promptement le mariage. Il fit des presens de Noces dont on eut lieu d’estre satisfait, &amp; en prenant la qualité de Mary, il ne quitta point celle d’Amant. Le Pere du Cavalier ayant eu nouvelles que son Fils estoit marié, ne pouvoit assez louër sa soumission à ses volontez, qui luy avoit fait sacrifier une passion dont il avoit eu sujet de craindre les suittes. Ce qu’il y eut de remarquable dans le Cavalier, c’est qu’apprenant tous les jours par son Amy, qu’il devenoit vrayment amoureux, il ne voulut voir la Demoiselle qu’aprés qu’il l’eut épousée ; encore ne la vit il qu’à l’Eglise, se reservant à luy aller faire compliment sur son changement d’état, quand son Amy auroit trouvé à propos de se découvrir pour ce qu’il estoit. Deux mois se passerent dans tout l’agrément que peut avoir le mariage le mieux assorty, &amp; pendant ce temps le Marié fit paroître une humeur si accommodante, &amp; des qualitez si peu communes, que se voyant seur du cœur de sa Femme, &amp; de l’amitié de son Beau-pere, il crut que pour se mettre à couvert de ce qu’il avoit à craindre de quelques personnes qui le connoissoient, &amp; que le hazard luy avoit fait rencontrer, il estoit temps de leur declarer à l’un &amp; à l’autre la tromperie qu’il leur avoit faite. Il tourna la chose si adroitement, que leur ayant parlé d’abord de luy-même, comme d’une personne étrangere, dont il vouloit leur faire connoistre le bien, la naissance, &amp; tout ce qui auroit pû le rendre digne d’obtenir sous son vray nom, ce qui luy avoit esté accordé sous celuy d’un autre, on luy pardonna sans peine ce qu’il avoit fait en faveur de l’amour tendre &amp; constant que son Amy avoit pour sa Sœur. On souhaitta de voir un Amant qui sçavoit si bien aimer, &amp; quoy qu’on luy trouvast beaucoup de merite, on ne fut point fâché de l’avoir perdu, puis que sa perte estoit reparée d’une maniere si avantageuse. On luy promit, non seulement le secret entier auprés de son Pere, mais encore tous les bons offices qu’on pourroit luy rendre pour le faire consentir à son mariage, quand on luy auroit appris qu’il étoit encore en état de le conclure. Cependant par un incident qu’on n’auroit jamais prévû, il n’eut pas besoin de leur secours. Son Pere qui le croyoit marié, &amp; que la crainte de perdre le revenu du bien de ce Fils, s’il se marioit luy-même, ne retenoit plus, eut envie de voir la belle personne à qui il croyoit l’avoir dérobé. Il la trouva tout à-fait aimable, mais comme il ne la put voir qu’il ne vit sa Mere en même-temps, il fut tellement frappé de son merite, qu’il se resolut à l’épouser. Elle convenoit assez à son age, &amp; avoit encore de grands restes de beauté. D’ailleurs, elle s’estoit acquis une si grande réputation par son esprit, sa vertu, &amp; sa sagesse, qu’il regardoit cette affaire, comme la chose du monde qui pouvoit le plus contribuer à luy asseurer une vie douce, &amp; degagée de tous soins. Il fit proposer ce mariage, &amp; la Dame qui comprit d’abord qu’il pourroit faciliter celuy de sa Fille, en écrivit sur l’heure à son Fils, pour en avertir le Cavalier. On tint conseil, &amp; rien ne parut plus avantageux. Ce Mariage asseurant du bien au Cavalier, luy donnoit moyen de tenir parole à ce qu’il aimoit, quand mesme son Pere n’y voudroit pas consentir. On termina la chose en fort peu de temps, &amp; elle ne fut pas si tost concluë, que le Cavalier partit pour aller feliciter son Pere sur cette alliance. Il en fut reçu en Fils dont il avoit tout sujet de se louër, &amp; par son obeissance, &amp; par l’interest qu’il prenoit à son bonheur. Ce fut pour ce Fils un plaisir sensible de trouver chez luy l’aimable personne qui possedoit tout son cœur, &amp; de luy pouvoir parler presque à tous momens. Comme son merite, qui se découvroit tout entier de jour en jour aux yeux de son Pere, avoit fait sur luy de grandes impressions, &amp; que l’amour de son Fils luy paroissoit se renouveller en la revoyant, il ne se put empêcher de dire à sa Mere, soit pour la flater, soit qu’il le pensast ainsi, que s’il eust crû que sa Fille eust esté aussi accomplie qu’il la trouvoit, malgré son peu de fortune, il n’auroit eu nulle repugnance à la recevoir pour sa Belle-Fille. Cette occasion estoit trop belle pour la laisser échaper. La Dame luy demanda, si supposé que son Fils devinst en état de disposer de luy-même, elle pouvoit s’assurer qu’il luy laisseroit épouser sa Fille. Il luy protesta avec un serment si solemnel, qu’il n’y mettroit point obstacle, qu’elle crut devoir luy découvrir tout ce qui s’estoit passé entre son Fils &amp; le sien. Il en demeura surpris, &amp; rêva un peu de temps, mais ayant songé que quand il feroit le difficile, il se broüilleroit avec sa Femme, sans qu’il en tirast aucun avantage, il s’écria tout d’un coup, qu’il voyoit bien que les mariages se faisoient au Ciel. Ainsi il consentit de fort bonne grace à celuy de son Fils avec la Belle, &amp; vous pouvez juger de leur joye aprés les traverses que son opposition leur avoit fait essuyer.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_181" resp="wordpro">
          <head>A Monsieur le Pelletier de Souzi</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 181-190.</bibl>
          <p/>
          <p>Je ne vous diray point, pour vous engager à lire l’Ouvrage qui suit, sur quelle matiere il a esté fait. Je vous diray seulement qu’il est de l’Illustre Madame des Houlieres. Pourriez-vous aprés cela n’avoir pas d’empressement pour cette lecture ?</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR<lb />LE PELLETIER<lb />DE SOUZI.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Je ne sçaurois m’en empêcher,</l>
              <l rend="i"> Il faut, Seigneur, que je vous gronde.</l>
              <l rend="i">Je vous cherche avec soin, mais j’ay beau vous chercher,</l>
              <l rend="i"> Je ne sçaurois vous approcher,</l>
              <l rend="i"> Que lors que vostre porte ouverte à tout le monde</l>
              <l rend="i">Me mesle avec les gens qu’on aime à dépescher.</l>
              <l rend="i"> Quelque reflexion profonde</l>
              <l rend="i">Que fasse là-dessus mon esprit alarmé,</l>
              <l rend="i">Je ne devine point sur quoy cela se fonde,</l>
              <l rend="i"> Et je n’ay pas accoutumé</l>
              <l rend="i"> Que dans la foule on me confonde.</l>
              <l rend="i">Si vous pouviez sçavoir les affligeans discours</l>
              <l rend="i">Que me tient en secret le plus insurmontable,</l>
              <l rend="i"> Le plus dangereux des amours,</l>
              <l rend="i"> Vous seriez moins impraticable.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Vous estes étonné, Seigneur,</l>
              <l rend="i"> Mais que vostre esprit se rassure.</l>
              <l rend="i"> Je n’aspire point à l’honneur</l>
              <l> <hi rend="i">D’aucune galante avanture.</hi></l>
              <l rend="i">L’amour dont je vous parle à luy-mesme est borné ;</l>
              <l rend="i">Il fait d’un peu d’encens toute sa nourriture.</l>
              <l rend="i">La raison, la sagesse, en vain l’ont condamné,</l>
              <l rend="i"> Avec nous cet amour est né,</l>
              <l rend="i"> Autant que nous cet amour dure.</l>
              <l rend="i">C’est un foible, il est vray, mais tout examiné,</l>
              <l rend="i"> C’est un foible que la Nature</l>
              <l rend="i"> Aux plus grands hommes a donné.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Personne n’est assez sincere</l>
              <l rend="i"> Pour avoüer, comme je fais,</l>
              <l rend="i">Tout ce que fait souffrir l’amour propre en colere.</l>
              <l rend="i">L’un dit, je n’en ay point, l’autre, je n’en ay guere.</l>
              <l rend="i"> Si de tels discours estoient vrais,</l>
              <l rend="i">Les Dames craindroient moins qu’on les vist negligées,</l>
              <l rend="i">De n’avoir pas dormy seroient moins affligées,</l>
              <l rend="i"> Et n’emprunteroient point d’attraits.</l>
              <l rend="i">Les Amans, les Guerriers ne romproient point la teste</l>
              <l rend="i">De leur bonne fortune, &amp; de tous leurs hauts faits.</l>
              <l rend="i">Messieurs les beaux esprits se feroient moins de feste,</l>
              <l rend="i"> Et quand ce qu’ils font est mauvais,</l>
              <l rend="i"> Ils souffriroient du moins en paix</l>
              <l rend="i">Qu’on fist de leur ouvrage une critique honneste.</l>
              <l rend="i">Mais que fais-je, &amp; pourquoy dans ma Lettre entasser</l>
              <l rend="i"> Bagatelle sur bagatelle ?</l>
              <l rend="i">Seigneur, en la lisant vous pouvez les passer,</l>
              <l rend="i"> Revenons à nostre querelle.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Comme vostre bonté jointe à vostre pouvoir</l>
              <l rend="i">A beaucoup d’importuns tous les jours vous expose,</l>
              <l rend="i">Peut-estre croyez-vous que je ne veux vous voir,</l>
              <l rend="i"> Que pour demander quelque chose.</l>
              <l rend="i">En ce cas, c’est bien fait d’avoir sa porte close.</l>
              <l><hi rend="i">Dans un temps de besoins &amp; d’embaras tissu,</hi></l>
              <l rend="i">Demandeur, quel qu’il soit, doit estre mal receu.</l>
              <l rend="i">Mais, Seigneur, un Portier doit-il estre barbare,</l>
              <l rend="i"> Quand on vient pour remercier,</l>
              <l rend="i"> Et d’un compliment aussi rare</l>
              <l rend="i"> Doit-on si peu se soucier ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ne diroit-on pas à m’entendre</l>
              <l rend="i">Que le malheur du temps fixe vostre bonté,</l>
              <l rend="i">Que pour les maux d’autruy vous devenez moins tendre,</l>
              <l><hi rend="i">Et qu’un remerciment doit par sa rareté</hi></l>
              <l rend="i"> Agreablement vous surprendre ?</l>
              <l rend="i">Ah ! si comme chacun a de differens gousts,</l>
              <l rend="i"> Les raretez pouvoient vous plaire,</l>
              <l rend="i"> Il faudroit pour vous satisfaire,</l>
              <l rend="i">Vous faire voir des gens qui se plaignent de vous.</l>
              <l rend="i">Mais où les rencontrer, quand chacun vous honore,</l>
              <l rend="i"> Quand de tous costez on n’entend</l>
              <l><hi rend="i">Que des gens que l’excés de vos bontez surprend,</hi></l>
              <l rend="i">Qui se disent, personne en vain ne les implore,</l>
              <l rend="i">Par tout il fait de cœurs une riche moisson ;</l>
              <l rend="i">Et quoy qu’il serve bien, on ne voit point encore</l>
              <l rend="i"> De malheureux de sa façon ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que cet éloge est grand, Seigneur ! toute la gloire</l>
              <l rend="i"> Qu’au milieu des sanglans combats</l>
              <l rend="i"> Donne une celebre victoire,</l>
              <l rend="i"> A beaucoup prés ne le vaut pas.</l>
              <l rend="i"> D’un si precieux caractere</l>
              <l rend="i">On a vû la nature avare en tous les temps,</l>
              <l rend="i">Et mesme dans le cours des emplois éclatans,</l>
              <l rend="i">Un si beau naturel ne se conserve guere.</l>
              <l rend="i"> Cependant, moy qu’on ne verra,</l>
              <l rend="i">Ny juger brusquement d’une chose future,</l>
              <l rend="i">Ny mettre volontiers mon bien à l’avanture,</l>
              <l rend="i"> Je gageray ce qu’on voudra,</l>
              <l rend="i">Que lors que de LOUIS l’équité toute pure</l>
              <l><hi rend="i">Vous placera, Seigneur, au gré de mes souhaits,</hi></l>
              <l rend="i"> L’abondance de ses bienfaits,</l>
              <l rend="i">Dont le parfait merite est toujours la mesure,</l>
              <l rend="i"> En vous ne corrompra jamais</l>
              <l rend="i"> Ce qu’a mis de bon la nature,</l>
              <l rend="i"> Et je gagneray ma gageure.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> En attendant cet heureux jour,</l>
              <l rend="i">Où par une conduite habile, juste &amp; sage,</l>
              <l rend="i"> Vous ramenerez ce bel âge</l>
              <l rend="i">Où le monde naissant, du bien &amp; de l’amour</l>
              <l rend="i"> Faisoit un innocent usage,</l>
              <l rend="i">Donnez ordre, Seigneur, qu’on ne me dise plus</l>
              <l rend="i"> Ce qu’on s’accoutume à me dire.</l>
              <l rend="i">Souffrez que j’aille enfin dans vos momens perdus</l>
              <l rend="i">Délasser vostre esprit de tout l’ennuy qu’attire</l>
              <l rend="i">Un penible travail &amp; des soins assidus.</l>
              <l rend="i">Je ne m’en fieray point à moy seule, &amp; je pense,</l>
              <l rend="i"> Qu’avec moy je vous meneray</l>
              <l rend="i"> Des gens de vostre connoissance,</l>
              <l rend="i"> Horace, Virgile, Terence ;</l>
              <l rend="i">Et peut-estre avec eux je vous amuseray.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_196" resp="wordpro">
          <head>[Vers au sujet du Mariage de Madame de Saliez]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 196-199.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy des Vers qui ont esté faits sur ce Mariage.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Venez, Plaisirs, venez dans ces heureux moment,</l>
              <l rend="i"> Venez regner tranquillement</l>
              <l rend="i"> Dans ces cœurs que le Ciel assemble.</l>
              <l rend="i"> Et ce que l’on voit rarement,</l>
              <l rend="i">Amour, &amp; vous, Hymen, soyez toujours ensemble.</l>
              <l rend="i">Faites goûter à ces jeunes Epoux</l>
              <l rend="i">Tout ce que vous avez de sensible &amp; de doux.</l>
              <l rend="i"> Que leurs ardeurs soient mutuelles,</l>
              <l rend="i"> Vives, égales, éternelles.</l>
              <l rend="i"> Prévenez leurs soins &amp; leurs vœux ;</l>
              <l rend="i"> Entretenez leurs desirs amoureux ;</l>
              <l rend="i">Faites que vos douceurs leur soient toujours nouvelles,</l>
              <l rend="i"> Et que dans leurs plus doux momens,</l>
              <l rend="i">Ils soient longtemps Epoux sans cesser d’estre Amans.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Sur les rives du Tar l’Amour &amp; l’Hymenée,</l>
              <l rend="i">Ont rassemblé les Jeux, les Ris, &amp; les Plaisirs.</l>
              <l rend="i">L’Union la plus douce &amp; la plus fortunée,</l>
              <l rend="i">De deux Amans parfaits va combler les desirs.</l>
              <l rend="i">Le Berger est charmant, la Bergere est si belle,</l>
              <l rend="i">Que les moins tendres cœurs ont soupiré pour elle ;</l>
              <l rend="i">Mais son choix est si beau, qu’il fait dire aux Jaloux,</l>
              <l rend="i">Qu’elle a gardé son cœur pour le plus digne Epoux.</l>
              <l rend="i">C’est le Fils de Sapho, cette Nymphe immortelle,</l>
              <l rend="i">Fameuse par ses Vers avoüez d’Apollon.</l>
              <l rend="i">Elle forma sa voix dans le sacré vallon,</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy ses Chansons y servent de modelle.</l>
              <l rend="i">Elle a sceu ménager cet Hymen plein d’appas ;</l>
              <l rend="i">On dit qu’à le chanter le Parnasse s’appreste.</l>
              <l rend="i"> Si Sapho ne le chante pas,</l>
              <l rend="i">Il manquera par là quelque chose à la Feste.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Madame de Saliez, qui n’est pas moins estimée par les soins qu’elle a pris de sa Famille, que par ses Ouvrages en Vers &amp; en Prose, qui luy ont fait meriter une place dans l’Academie des <hi rend="i">Ricovrati</hi> de Padouë, a fait ce qui fuit sur ce même Mariage.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Dans ce jour fortuné qui m’est si précieux,</l>
              <l rend="i">Oseray-je chanter l’agreable Hymenée</l>
              <l rend="i"> De deux Amans favorisez des Cieux,</l>
              <l rend="i">Où la main du Seigneur grava leur destinée ?</l>
              <l rend="i">D’un Fils qui m’est plus cher que la clarté du jour,</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy couronné par l’Hymen, par l’Amour,</l>
              <l rend="i">Je vante seulement la passion extrême,</l>
              <l rend="i">Et chante les appas de la Beauté qu’il aime.</l>
              <l rend="i">On voit en la voyant cent vertus à la fois.</l>
              <l rend="i"> Elle est bonne, douce, prudente,</l>
              <l rend="i">Et l’on voit éclater cette douceur charmante</l>
              <l rend="i">Dans ses yeux, dans ses airs, dans le son de sa voix.</l>
              <l rend="i"> Que j’aime en eux ces rares sympaties</l>
              <l rend="i"> Par qui l’on voit les ames assorties,</l>
              <l rend="i"> Et cette heureuse égalité</l>
              <l rend="i"> D’âge, de mœurs, de caracteres,</l>
              <l rend="i"> Qui des Amans &amp; tendres &amp; sinceres</l>
              <l rend="i"> Asseurent la felicité !</l>
              <l rend="i"> Sur cette union fortunée.</l>
              <l rend="i">Seigneur, daignez verser de durables faveurs.</l>
              <l rend="i">C’est tout ce que je veux ; cette seule journée</l>
              <l rend="i">Me dédommage enfin de vingt ans de malheurs.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_233" resp="wordpro">
          <head>[Continuation du démêlé à la mode]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 233-235.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous me demandez des nouvelles du grand démêlé qui est entre les Auteurs qui prennent le party des Anciens &amp; celuy des Modernes. Je ne vous en diray rien, sinon que ce démêlé dure toujours, &amp; que l’on voit force Epigrammes de part &amp; d’autre. Si je vous en disois davantage, chacun interpretant à sa maniere ce que je dirois soutiendroit que je serois pour les uns ou pour les autres, comme on a déja fait lors que j’ay parlé du Livre de M<hi rend="sup">r</hi> Perrault. Cependant je n’ay jamais eu dessein de me declarer, &amp; mesme je ne le doy pas faire dans la situation où je me trouve, qui ne me permet autre chose, que de rapporter tout ce qui se passe sans faire paroistre mes sentimens. J’aurois à tous momens à juger, &amp; il sembleroit que je m’attribüerois un droit de decider, auquel je ne prétens point. Il est vray que je mets quelquefois dans mes Lettres des Dissertations contre quelques Ouvrages, mais outre que ce n’est point moy qui parle, le champ est ouvert à ceux qui veulent faire des réponses, &amp; il m’est souvent arrivé qu’aprés avoir mis dans un mois une Dissertation contre l’un de ces Ouvrages, je vous ay fait voir une Réponse le mois suivant.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_280" resp="wordpro">
          <head>[Mort de M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson Fontanier]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 280-295.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 7. de ce mois, l’Academie Françoise fit une perte tres considerable en la personne de M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson Fontanier, Maistre des Requestes, &amp; l’un des quarante dont est composée cette illustre Compagnie. Il estoit né à Castres en 1624. &amp; sa naissance répondoit à son merite. Son Pere estoit Conseiller en la Chambre de l’Edit de Languedoc ; son Grand pere Conseiller au Parlement de Toulouse, &amp; son Bisayeul, Premier President au Parlement de Chambery, auparavant Maistre des Requestes, Ambassadeur en Portugal, &amp; Commandant pour le Roy en Savoye, quand François I. s’en rendit le maistre. N’ayant pas encore plus de treize ans, il prit des degrez en l’Université de Cahors, où il se fit distinguer d’une maniere si fort au dessus de son âge, qu’il fut receu avec des applaudissemens extraordinaires. Il fut Secretaire du Roy en 1652. premier Commis de M<hi rend="sup">r</hi> Fouquet en 1657. &amp; deux ans aprés on le receut Maistre des Comptes à Montpellier, aprés qu’il eut negocié le rétablissement de la Compagnie qui avoit esté interdite. En 1670. il abjura à Chartres la Religion Protestante. L’année suivante il fut Maistre des Requestes, en 1674. Oeconome de Cluny ; en 1675. Oeconome de Saint Germain des Prez ; en 1676. Preposé pour l’administration du tiers des Oeconomats, &amp; en <hi rend="i">1679</hi>. Oeconome de Saint Denis. Sur le progrés des conversions par l’employ des deniers des Oeconomats qu’il fit voir au Roy en <hi rend="i">1681</hi>. il porta Sa Majesté à augmenter le fond de ces deniers, de ceux mesme de son Epargne. On peut dire de luy, à le regarder par rapport au monde, qu’il a esté bon Parent, Maistre liberal, Ami fidelle, Serviteur incorruptible, Courtisan droit, Sujet zelé. Sa fortune changea plusieurs fois, mais son cœur demeura toujours le mesme. Ce qui peut abattre, ce qui peut corrompre, luy laissa toute sa fermeté, toute sa droiture. Il avoit de la complaisance sans flaterie. Il sçavoit obliger, mais il ne sçavoit point nuire, incapable de s’avancer aux dépens de son honneur, &amp; d’abaisser les autres pour s’élever sur leurs ruines. Celebrer dignement les grandes actions de son Prince, aimer sa personne d’une tendresse vive &amp; respectueuse, le servir autant par inclination que par devoir, c’estoit sa passion dominante, &amp; son occupation la plus chere aprés l’affaire importante du salut. Si on le considere du costé des belles Lettres, combien d’esprits differens luy trouvera-t-on ? Le Droit, la Poësie, l’Eloquence, l’Histoire, les Langues, tout luy estoit familier. Il avoit en un mesme degré le don de bien parler, &amp; celuy de bien écrire. Il aimoit le travail, il en inspiroit l’amour aux autres, sur tout quand ce travail regardoit la gloire du Roy. Les Prix de Poësie de l’Academie Françoise, dont il faisoit la dépense, en sont une preuve, aussi-bien que l’établissement de l’Academie de Soissons, auquel il contribua autant que personne. Pour les affaires une application forte aux dépens de sa santé même, beaucoup de netteté, de desinteressement, de penetration ; une équité parfaite, un abord facile, des manieres honnestes, nulle prevention, nulle préference des Personnes ; voila son portrait.</p>
          <p>A l’égard de la Religion, il refusa d’entrer dans la voye du Ciel par des veuës terres-tres, quelque éclatantes que fussent celles qu’on cherchoit à luy donner. Il ferma l’oreille aux tentations de la fortune, &amp; il ouvrit son cœur aux inspirations de la Grace. Les suites de sa conversion, qui fut le fruit d’une étude longue &amp; appliquée de l’Ecriture &amp; des Peres, qu’il fit durant sa détention à la Bastille, ne démentirent point les commencemens. Il quitta tout-à-fait la Poësie, &amp; n’écrivit plus que pour Dieu, &amp; pour le Roy, qu’il avoit loüez dans tous les temps, &amp; dans tous les états de sa vie. Il orna les Temples du Seigneur, &amp; il y alla souvent marquer sa foy pour le Mistere qui en avoit esté longtemps le plus grand obstacle. Tous les ans il celebroit le jour de sa réunion à l’Eglise, en s’approchant des Sacremens. Il les recevoit aussi d’ordinaire à toutes les grandes Festes, &amp; faisoit des retraites frequentes. Modeste, recueilly, prosterné, il assistoit chaque jour au saint Sacrifice avec la simplicité de la Colombe, &amp; non pas avec la prudence du Serpent. Au milieu mesme de ses infirmitez, il ne se dispensa point de ce devoir. Sa charité pour le Prochain égaloit sa fidelité pour Dieu. Depuis sa sortie de la Bastille, il ne laissa point passer d’année sans delivrer quelques Prisonniers. Il estoit le Pere des Orphelins, le soutien des foibles, le protecteur du merite oublié ou inconnu, l’azile assuré de tous les malheureux. Eclairé par la verité, il ne cacha point la lumiere sous le boisseau, il la mit sur le chandelier. Il tâcha de faire pour les hommes ce que le Seigneur avoit fait pour luy. Il écrivit, il sollicita, il redoubla la force de ses sollicitations &amp; de ses écrits par ses pieuses liberalitez.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson ayant tant de belles qualitez, n’eut pas de peine à s’attirer l’estime glorieuse &amp; les precieuses bontez du plus grand des Rois, ny à acquerir pour Amis l’élite de la Cour, &amp; ce que la Ville, la Province, le monde sçavant, eut de plus poly, de plus raisonnable, de plus éclairé. Ses Ouvrages de Poësie sont quantité de pieces excellentes, dont il y a peu d’imprimées, toutes, ou galantes, ou morales &amp; chrestiennes, ou heroïques, Entre ces dernieres, le Poëme d’Eurimedon de plus de treize cens vers, où le Roy en un petit nombre est loué d’une maniere digne de luy, tient le premier rang. Le mesme homme qui divertit &amp; qui plaist, instruit, édifie, &amp; ne sçait pas moins surprendre &amp; enlever. Ses Ouvrages de Prose sont la Paraphrase des Institutes de Justinien, qu’il fit à l’âge de dix sept ans, où les Sçavans trouvent à apprendre, &amp; les Dames à se divertir en s’instruisant ; l’Histoire de l’Academie Françoise, qui luy procura l’entrée dans cette illustre Compagnie lors qu’il n’y avoit point de place vacante ; le Panegyrique du Roy, prononcé dans la mesme Academie, qui fut si generalement estimé, qu’il a esté traduit en Latin, en Espagnol, en Italien, en Anglois, &amp; mesme en Arabe par le Patriarche du mont Liban, dont l’Original est dans le Cabinet de Sa Majesté ; l’admirable Preface des Oeuvres de feu M<hi rend="sup">r</hi> Sarrasin son intime Amy, &amp; plusieurs pieces détachées qui ne sont pas d’un moindre goust ; les Reflexions sur les Differens de la Religion en quatre Volumes, où la Controverse est traitée sans emportement, sans secheresse, &amp; où l’on voit des éloges du Roy si parfaits, qu’étant charmé de tous, on a peine à convenir lequel merite la préference ; les courtes prieres durant la sainte Messe, où l’on trouve une onction qui ne peut venir que du fond d’un cœur penetré de la foy la plus vive ; quelques Ouvrages à la gloire du Roy qui ne sont pas finis, &amp; un Traité de l’Eucharistie qu’il achevoit, lors qu’au milieu de quelques incommoditez, qui ne l’empêchoient ny de se lever ny d’agir, &amp; qu’il ne croyoit pas dangereuses, il fut surpris d’une mort qu’on appelleroit subite, s’il ne s’y estoit pas disposé depuis longtemps par l’exercice de la plus parfaite charité, par une pieté sincere, par un attachement inviolable à ses devoirs, &amp; par un zele ardent &amp; infatigable pour la vraye Religion. Cet éloge qui convient parfaitement à feu M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson, est d’une illustre Amie, celebre par ses Ecrits, qui n’a pu refuser à un Amy si plein de merite, la justice qu’elle rend à sa memoire.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_297" resp="mercure">
          <head>[Divertissemens du Carnaval, ensemble plusieurs Articles concernant le Prince Royal de Dannemark]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 297-303.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Mardy 3. de ce mesme mois, dernier jour du Carnaval, il y eut assemblée de Masques dans le grand Appartement du Roy à Versailles. Le Roy &amp; la Reine d’Angleterre y vinrent, &amp; il ne se trouva dans cette assemblée que ce Prince, cette Princesse, le Roy &amp; Monsieur sans estre déguisez. L’invention, la galanterie &amp; la magnificence se firent remarquer dans tous les habits, dont le nombre alloit à l’infiny, &amp; il seroit mal-aisé de voir rien de plus brillant. Le Roy se retira entre minuit &amp; une heure, &amp; ce ne fut qu’aprés que Sa Majesté fut sortie qu’on permit d’entrer aux personnes masquées, qui n’estoient pas de la Cour. Le Bal dura jusques à cinq heures du matin, que Monseigneur le Dauphin se retira, aprés avoir changé plusieurs fois d’habit. Le Prince Royal de Dannemarck, s’y trouva aussi déguisé. Le jour précedent, ce Prince avoit vû <hi rend="i">incognito</hi>, recevoir Monsieur le Comte de Toulouse Chevalier du Saint Esprit. Il a vû ce qu’il y a de plus remarquable à Paris, &amp; remarqué tout ce que l’Observatoire a de plus curieux &amp; de plus sçavant. Ce Prince &amp; esté pareillement aux Invalides, &amp; n’a pû s’empêcher de paroistre surpris de la grandeur &amp; de la magnificence du Bastiment, du nombre de personnes qui y sont entretenuës, &amp; du bon ordre qui s’y observe. Un Soldat Invalide luy ayant dit qu’il avoit servy dans les Troupes de Dannemarck, &amp; luy en ayant montré un certificat, ce Prince luy fit aussi-tost sentir des marques de sa liberalité. Il alla à la Reveuë que le Roy fit le quatriéme de ce mois dans la plaine d’Oüille, des Regimens des Gardes Françoises &amp; Suisses, à laquelle le Roy &amp; la Reine d’Angleterre se trouverent aussi. Il seroit difficile de voir ensemble encore autant d’hommes d’une grande taille, &amp; aussi bien faits. Le Roy passa dans les rangs, leur fit faire l’exercice, aprés quoy ils défilerent. Le Prince de Dannemarck partit le 21. de ce mois pour s’en retourner par le chemin le plus court. Il devoit aller en Angleterre, &amp; visiter ensuite toute la Hollande &amp; l’Allemagne, &amp; il auroit même fait un plus long sejour en France, mais le Roy son Pere le rappelle auprés de sa personne pour des affaires importantes. Quoy qu’il luy restât encore beaucoup de choses à voir dans les Etats de Sa Majesté, il estoit si remply de tout ce qu’il a vû, qu’il dit avant son départ, <hi rend="i">que lors que quelque Voyageur racontoit en son Pays toutes les merveilles de France, on ne le croyoit pas ; qu’il alloit confirmer ce qu’on en avoit souvent rapporté, &amp; qu’on ne le croiroit pas luy-même</hi>. Ce Prince en s’en retournant a passé par Saint Denis, pour en voir le Tresor &amp; les Tombeaux de nos Rois, &amp; a pris ensuite sa route par Chantilly, où il devoit estre receu par Monsieur le Prince; c’est tout dire.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_303" resp="mercure">
          <head>[Ouverture du Senat de Nice]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 303-304.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 15. du mois passé, M. de la Porte, Premier President du Senat de Nice, se rendit au Palais pour la Ceremonie de l’ouverture, suivant l’usage, qui est de la faire en ce temps-là, au lieu de la Saint Martin. Aprés avoir entendu la Messe à la teste de la Compagnie, il fit chanter l’<hi rend="i">Exaudiat</hi> pour le Roy, qu’on n’avoit point accoutumé de chanter auparavant. Il avoit fait élever dans la Sale destinée à cette fonction, un Trône pour Sa Majesté, au dessus duquel estoit sous un Dais le portrait de ce Monarque. Le lieu estoit encore orné des armes de France en plusieurs endroist, de fleurs de Lys, &amp; de Devises. M. le Chevalier de la Fare, Gouverneur du Comté de Nice, M. l’Evesque, M. de Vauban, les Officiers du Chasteau, les Gouverneurs des Places voisines, &amp; les plus considerables de la Noblesse s’y trouverent. M. de la Porte ayant monté à sa place accoutumée, prononça un discours en Latin, remply de beaucoup d’éloquence, &amp; d’érudition. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-02a_313" resp="mercure">
          <head>[Grandes Festes &amp; Divertissemens donnez à Cazal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février 1693 [tome 2], p. 313-318.</bibl>
          <p/>
          <p>Un Blocus de quatre mois pendant la Campagne passée, &amp; les courses continuelles des Allemans jusques aux portes de Casal depuis le commencement de l’hiver, n’ont osté aux François ny l’envie de se divertir, ny les commoditez de la vie. La Feste que Mr le Marquis de Crenan donna aux Dames de la Ville, le Samedy, dernier jour de Janvier, dans le Palais du Duc de Mantouë, en est une preuve. Les appartemens bas furent choisis pour la danse, comme estant plus grands, &amp; plus à portée de ceux qui entroient &amp; sortoient à tous momens, &amp; ceux d’en haut pour le repas, comme plus commodes &amp; éloignez de la multitude. Les Dames s’estant renduës dans la Salle du bas à l’entrée de la nuit, magnifiquement parées, furent rangées sur des échafauts couverts de tapis de Turquie. Le premier rang, élevé de plus d’un pied, laissoit des places libres aux plus galans Cavaliers, pour s’asseoir au dessous d’elles. Mr le Marquis de Crenan commença le Bal avec la Marquise <hi rend="i">Ludovico</hi>, &amp; les Menuets succederent à la Courante. Aprés plus de deux heures de danse, une entrée de quelques Masques surprit toute l’Assemblée. Ce fut un spectacle qu’on n’auroit osé donner en France, mais il est permis en Italie de se masquer sous toutes sortes de figures. Une Squelette qui representoit la mort parut la premiere ; ensuite le Diable tel que les Peintres le dépeignent pour en donner de l’horreur ; &amp; comme il n’y a point en ce pays-là de Mascarade qui plaise si l’on n’y mesle des Arlequins, on ne manqua point d’en mettre dans celle-cy. La Mort &amp; le Diable commencerent une danse en postures ridicules, mais la plupart des Dames en paroissant effrayées, quelques-unes plus foibles s’écrierent que c’estoient un <hi rend="i">Cattivo augurio</hi>, Ainsi l’on congedia ces Masques lugubres, pour faire place à d’autres plus agreables, où il y avoit du dessein. Ce fut Apollon au milieu des neuf Muses. Pendant que la Troupe faisoit le tour de la Salle, l’on porta un Clavessin dans le centre, &amp; d’autres Instrumens avec des sieges autour. Le Dieu &amp; les Muses estant assis, la danse cessa, &amp; un Concert d’une excellente Musique, meslée de Voix &amp; d’Instrumens, divertit fort agreablement l’Assemblée, par des Chansons faites à la loüange du Roy. Aprés que la Musique eut duré une heure, la danse recommença, &amp; pendant ce temps, les appartemens joignant la Salle du Bal, estoient occupez par ceux qui préferoient les plaisirs du Jeu à ceux du Bal. Cependant, le Chocolat &amp; le Café furent prodiguez avec abondance, tant aux Danseurs qu’aux Joüeurs, ainsi que des liqueurs glacées de toutes sortes. Sur le minuit, le Bal fut interrompu par un repas magnifique. On mena les Dames priées à l’appartement d’en haut, où l’on avoit préparé une table longue ; c’estoient les plus belles &amp; les plus jeunes. Elles y furent placées, &amp; ce fut pendant deux heures un spectacle singulier, de voir soixante fontanges haut élevées, &amp; artistement dressées avec des plumes, des aigrettes, des fleurs naturelles, des Perles, &amp; de toutes sortes de Pierreries, se mouvoir dans un alignement de proportion, sans qu’il y eust rien qui les troublast, n’y ayant que les Dames à table avec Mr de Crenan, &amp; quelques-uns des principaux Officiers à l’un des bouts. Le repas fut somptueux, &amp; pendant qu’il se faisoit, deux cens Officiers François, &amp; autant de Gentilshommes Italiens, mangeoient à d’autres tables, grandes ou petites, suivant qu’ils se trouverent de societé. Les plus galans servirent les Dames, &amp; après cela on retourna à la Salle de Bal, qu’on trouva éclairée tout de nouveau, &amp; qu’on l’on dansa jusques jour.</p>
        </div>
      </div>
      
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-03">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mars 1693 [tome 4]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_007" resp="wordpro">
          <head>Sonnet</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 7-9.</bibl>
          <p/>
          <p>Quand le Sonnet que je vous envoye au commencement de cette Lettre, ne seroit pas aussi beau qu’il l’est par luy-mesme, la matiere en est si noble, que vous le liriez avec plaisir. Le Pere Mourgues, Jesuite, en est l’Auteur. Vous sçavez combien l’entreprise &amp; la conduite du superbe Canal qui joint les deux Mers, l’ont fait estimer.</p>
          <quote>
            <label>SONNET.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Un Roy de son Empire extermine l’Erreur,</l>
              <l rend="i">Elle arme contre luy le reste de la terre ;</l>
              <l rend="i">Et les bras qu’elle employe à servir sa fureur</l>
              <l rend="i">Devoient estre employez à luy faire la guerre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tout se prête &amp; se livre au fier Vsurpateur,</l>
              <l rend="i">Qui ravage à son gré la perfide Angleterre.</l>
              <l rend="i">Tant d’Ennemis faisoient craindre un commun malheur</l>
              <l rend="i">Pour le Trône François, &amp; le Siege de Pierre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais de tant de succés le Ciel comble nos vœux,</l>
              <l rend="i">Qu’ils passeroient pour fable auprés de nos Neveux,</l>
              <l rend="i">S’ils ne sçavoient se dire en leur juste surprise ;</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">LOUIS regnoit alors dans l’Empire des Lis ;</l>
              <l rend="i">PIGNATELLI menoit le Vaisseau de l’Eglise,</l>
              <l rend="i">Et les deux plus grands Cœurs estoient les plus unis.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_094" resp="wordpro">
          <head>Le Sermon</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 94-103.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Titre de l’Ouvrage qui suit vous fera connoistre, qu’il est de saison. M<hi rend="sup">r</hi> de Vin qui en est l’Auteur, auroit travaillé fort utilement, si la profane &amp; scandaleuse habitude qu’on a de causer dans nos Eglises, sans aucun respect pour les saints Mysteres, pouvoit estre réprimée par la crainte de trouver derriere soy quelque Uranie qui fist le conte des choses ridicules dont on s’y entretient la plûpart du temps.</p>
          <quote>
            <label>LE SERMON.</label>
            <lg>
              <l rend="i">S’Accommoder au temps est un trait politique.</l>
              <l rend="i"> Pendant le cours du Carnaval,</l>
              <l rend="i"> Chacun sans scrupule s’applique</l>
              <l rend="i"> Aux douceurs des Jeux &amp; du Bal,</l>
              <l rend="i">Et dans cette saison qui leur est consacrée.</l>
              <l rend="i"> Tous les cœurs ouverts aux plaisirs</l>
              <l><hi rend="i">S’étonnent du Carême, &amp; s’en font une idée,</hi></l>
              <l rend="i">Qui, mesme en les goûtant, leur coute des soupirs.</l>
              <l rend="i">Un sombre &amp; noir chagrin, une douleur profonde</l>
              <l rend="i">Saisit à son aspect les Amateurs du Monde ;</l>
              <l rend="i"> Ils tremblent à le voir de prés.</l>
              <l rend="i">La frayeur qu’ils en ont leur presche par avance</l>
              <l rend="i"> La retraite, la penitence,</l>
              <l rend="i">Et tout ce qui combat leurs coupables excés.</l>
              <l rend="i"> Plus il approche, plus leur trouble</l>
              <l rend="i">Les agite en secret, plus leur crainte redouble,</l>
              <l rend="i">Plus ce Chasse-plaisirs leur devient odieux,</l>
              <l rend="i"> Et plus leurs alarmes terribles</l>
              <l rend="i"> Servent, quoy qu’entraisnez vers eux,</l>
              <l rend="i"> A les y rendre moins sensibles.</l>
              <l rend="i"> Cependant dés qu’il est venu,</l>
              <l rend="i"> La coutume &amp; la bien-seance,</l>
              <l rend="i"> Veulent qu’on sauve l’apparence</l>
              <l rend="i"> Et que dans l’Eglise on soit vû.</l>
              <l rend="i">On s’empresse à s’y rendre, on s’y pare d’un zele</l>
              <l rend="i">Qui du vray, quoy que faux, prend les airs &amp; le nom ;</l>
              <l rend="i">Et, la cloche tintante, il n’est pas une Belle</l>
              <l rend="i"> Qui du lit ne coure au Sermon.</l>
              <l rend="i"> Ce n’est pas que l’on ait envie</l>
              <l rend="i">D’abandonner si-tost les plaisirs de la Vie ;</l>
              <l rend="i">Il en couteroit trop par un tel abandon,</l>
              <l rend="i"> Mais y manquer, qu’en diroit-on ?</l>
              <l rend="i"> Ce seroit fournir aux Critiques</l>
              <l rend="i">Des armes &amp; des traits pour insulter sa foy,</l>
              <l rend="i">Et sur tout dans un temps funeste aux Heretiques,</l>
              <l rend="i">On ne veut point du tout faire parler de soy.</l>
              <l rend="i"> Un jour, suivant cette methode,</l>
              <l rend="i">Iris, sans nul égard pour le Prédicateur,</l>
              <l rend="i"> Qu’elle interrompt, qu’elle incommode,</l>
              <l rend="i"> Et moins encor pour l’Auditeur,</l>
              <l rend="i"> Dont sa paresse fatigante</l>
              <l rend="i">Irrite à contre-temps l’humeur impatiente ;</l>
              <l> <hi rend="i">Un jour, dis-je, aprés l’</hi>Avé <hi rend="i">dit,</hi></l>
              <l rend="i"> Iris arrive, &amp; s’applaudit</l>
              <l rend="i"> Des regards qu’on jette sur elle,</l>
              <l rend="i">Et qui, quoy qu’irritez, luy disent qu’elle est belle.</l>
              <l rend="i"> Quel plaisir pour sa vanité !</l>
              <l rend="i">A la fin sur sa chaise ayant pris sa posture,</l>
              <l rend="i">Le silence revient aprés quelque murmure,</l>
              <l rend="i"> Et l’Orateur est écouté.</l>
              <l rend="i"> Dans un endroit fort pathetique.</l>
              <l rend="i"> Où sa pieuse gravité</l>
              <l rend="i"> S’étendoit d’un style emphatique</l>
              <l rend="i"> Sur le peu de solidité</l>
              <l rend="i"> Des biens que nous offre le monde,</l>
              <l rend="i"> Et sur l’immense quantité</l>
              <l rend="i"> Des maux cuisans dont il abonde ;</l>
              <l rend="i"> Helas ! ma chere, il est bien vray,</l>
              <l rend="i"> Dit tout bas Iris à Climene,</l>
              <l rend="i">L’imposteur n’a pour nous que traverses, que peine,</l>
              <l rend="i"> Et je viens d’en faire l’essay.</l>
              <l rend="i"> Quelque bonheur qu’il nous promette,</l>
              <l rend="i"> Malheur à qui s’y fie ! helas !</l>
              <l><hi rend="i">J’avois peu de raison d’en estre satisfaite,</hi></l>
              <l rend="i"> Et j’ignorois ses faux appas.</l>
              <l rend="i"> Mais, graces à Dieu, détrompée,</l>
              <l rend="i"> C’en est fait, &amp; dés aujourd’huy</l>
              <l rend="i"> Je romps pour toujours avec luy,</l>
              <l rend="i"> Et je n’en seray plus dupée.</l>
              <l rend="i">Le traistre ! le perfide ? Aurois-je crû jamais</l>
              <l rend="i">Devoir sentir ainsi la pointe de ses traits ?</l>
              <l rend="i"> O Ciel ! quel ton de Jeremie</l>
              <l rend="i"> Prens-tu là, répond son Amie ?</l>
              <l rend="i">Qui t’afflige ? qu’as-tu ? pourroit-on le sçavoir ?</l>
              <l rend="i"> Tircis seroit-il infidelle ?</l>
              <l>I. <hi rend="i">Non, mesme ce matin son ardeur m’a fait voir</hi></l>
              <l rend="i">Que j’avois tout sujet de la croire éternelle.</l>
              <l>C. <hi rend="i">Peut-estre un motif plus chrestien</hi></l>
              <l rend="i">Te donne-t-il du monde un dégoust salutaire,</l>
              <l rend="i">Et t’en a-t-il fait voir le néant, la misere ?</l>
              <l rend="i"> Tant mieux, mais non, il n’en est rien,</l>
              <l rend="i"> Je me trompe, &amp; dans ta jeunesse</l>
              <l rend="i">On ne se pique point d’une telle sagesse.</l>
              <l rend="i">Tu gemis cependant, toy née avec du bien,</l>
              <l rend="i">Et tout ce que l’esprit &amp; le corps ont de charmes.</l>
              <l rend="i">Quoy, le vieux Lycidas t’osteroit il le sien ?</l>
              <l>I. <hi rend="i">Non, je suis là-dessus sans trouble, sans alarmes ;</hi></l>
              <l rend="i">Mon Oncle, je le sçais, m’aime trop, il est bon,</l>
              <l><hi rend="i">Et j’ay lieu de compter sur sa succession.</hi></l>
              <l>C. <hi rend="i">De quoy pourrois-tu donc te plaindre ?</hi></l>
              <l rend="i">Te trouverois-tu mal, &amp; que me fais-tu craindre ?</l>
              <l rend="i">Parle, ou me laisse enfin entendre le Sermon.</l>
              <l>I. <hi rend="i">Helas ! ma chere, helas ! ma pauvre Chienne est morte,</hi></l>
              <l rend="i">J’en suis inconsolable, &amp; ce Prédicateur</l>
              <l rend="i">A raison.… Ouy ce Monde est un fourbe, un trompeur.</l>
              <l rend="i"> Perdre Bichonne de la sorte !</l>
              <l rend="i"> Quelle douleur ? quel desespoir !</l>
              <l rend="i">A ces mots un soupir luy tranche la parole,</l>
              <l rend="i">Elle verse des pleurs, elle prend son mouchoir ;</l>
              <l rend="i"> Et d’une perte si frivole</l>
              <l rend="i">Climene en souriant de son mieux la console.</l>
              <l rend="i">Ce Dialogue estoit trop plaisant, trop bouffon,</l>
              <l rend="i">Pour ne pas l’écouter, &amp; la sage Vranie,</l>
              <l rend="i"> Derriere Iris &amp; son Amie,</l>
              <l rend="i">Ne put, quoy qu’elle fist, s’appliquer au Sermon.</l>
              <l rend="i">Le respect que l’on doit à la sainte Eloquence</l>
              <l rend="i">Retint seul les éclats que cette extravagance</l>
              <l rend="i"> Meritoit d’attirer sur soy,</l>
              <l rend="i"> Et j’avoüeray de bonne foy</l>
              <l rend="i">Que j’aurois à sa place oublié ma prudence.</l>
              <l rend="i">Autant qu’elle fit lors il faut se posseder,</l>
              <l rend="i">Et tout autre sur soy n’eust pas eu tant de force :</l>
              <l rend="i">Mais d’en rire tout haut resistant à l’amorce,</l>
              <l rend="i">Elle serra les dents, &amp; bien loin d’y ceder,</l>
              <l rend="i"> Ne le fit qu’entre cuir &amp; chair.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_210" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 210-240.</bibl>
          <p/>
          <p>Le vray merite a des charmes ausquels il est mal aisé de résister. L’impression qu’en reçoit un cœur bien fait, a quelquefois tant de force, qu’elle engage les personnes les plus raisonnables à des résolutions dont on les croit entierement éloignées, &amp; c’est ce qui a paru dans l’avanture dont je vais vous apprendre le détail. Une Dame d’un esprit solide &amp; d’une conduite estimée par tout, s’estoit attiré beaucoup de loüanges par l’entiere application qu’elle avoit toujours montrée à ne rien faire qui pust faire tort à sa réputation, ou estre contraire à quelqu’un de ses devoirs. Elle estoit demeurée Veuve depuis huit ou dix années ; &amp; comme elle avoit encore assez de jeunesse &amp; beaucoup de bien, il s’estoit offert divers Partis, qui auroient sans doute engagé toute autre qu’elle à un second mariage, mais la maniere dont elle avoit toujours répondu sur les propositions de cette nature, avoit fait assez connoistre, que l’état de Veuve luy paroissoit un estat heureux, &amp; qu’on auroit peine à l’y faire renoncer. Il est vray que le dessein de bien marier une Fille unique qui luy estoit demeurée de son mariage, pouvoit y avoir contribué. Elle avoit donné des soins tres-particuliers à son éducation, mais les dispositions ne s’étant pas trouvées favorables, elle n’avoit pû la rendre aussi accomplie qu’elle auroit esté si elle eust voulu profiter de ses leçons. C’estoit un esprit imperieux &amp; bizarre, qui se révoltoit dés la moindre violence qu’on tâchoit de faire à ses inclinations. Ses fantaisies luy servoient de regle, &amp; quand on l’avoit une fois choquée, il falloit du temps pour la faire revenir. Ce qu’il y avoit de plus fâcheux, c’est qu’elle avoit insensiblement atteint l’âge de seize ans, &amp; que son humeur devenoit de plus en plus difficile &amp; violente. Quant à sa personne, elle estoit d’une taille fine &amp; grande, assez agreable, mais moins belle que bien faite. Sa Mere que sa tendresse n’ébloüissoit point, n’oublioit rien pour la corriger de ses defauts, &amp; luy faisoit voir qu’ayant bien-tost à se marier, elle ne pouvoit ny estre heureuse, ny rendre un Mary heureux, si elle n’avoit mille complaisances, qu’on voyoit qui luy manquoient, &amp; qu’elle devoit tâcher d’avoir pour estre aimée, &amp; se faire des Amis. Ces sortes d’avis estoient bien ou mal receus, selon l’humeur fiere qui la dominoit, &amp; si elle se domptoit assez quelquefois pour y faire attention, elle retournoit presque aussi-tost dans ses inégalitez. Il vous est facile de juger que le bien que son Pere luy avoit laissé, &amp; celuy qu’elle attendoit encore de sa Mere, luy donnoit beaucoup d’Amans. Leur nombre flattoit sa vanité, mais elle estoit dédaigneuse, &amp; dans la pensée qu’elle en auroit toujours assez pour choisir, elle se plaisoit à n’en ménager aucun, laissant agir ses bizarreries, sans se mettre en peine si ses manieres trop dures, &amp; quelquefois méprisantes, les obligeoient à se retirer. La Dame qui avoit pitié de sa foiblesse, s’attacha fortement en bonne Mere, à luy trouver un Mary qui luy fust propre, c’est-à-dire un homme sage, capable de manier son esprit, &amp; de refrener par sa douceur les saillies impetueuses qui luy échapoient de temps en temps. Elle jetta les yeux pour cela sur un Cavalier un peu âgé, dont le bien &amp; la naissance répondoient assez aux avantages qu’il devoit trouver dans le Mariage de sa Fille. Elle l’avoit veu dans quelques rencontres, &amp; l’estime generale où il estoit, luy ayant fait souhaiter d’en faire son Gendre, elle pria un de ses Amis, de vouloir bien l’amener chez elle. Le Cavalier ne fut pas fâché qu’on luy procurast cette connoissance. La réputation de la Dame l’avoit frappé. Il connoissoit sa vertu, &amp; c’étoit un agreable commerce qu’il s’établissoit en la voyant. Quelque prevenu qu’il fust pour elle, il trouva encore dans son esprit, &amp; plus de delicatesse, &amp; plus de solidité qu’il n’avoit crû. Il avoit beaucoup d’égards pour sa Fille qu’il traitoit avec une grande honnesteté, mais il ne cherchoit aucun entretien particulier avec elle, &amp; n’ayant nulle pensée pour le Mariage, il se contentoit de ce qui pouvoit satisfaire son esprit, sans que son cœur prist part aux visites, qu’il ne laissoit pas de rendre avec beaucoup de plaisir. Elles devinrent insensiblement fort assiduës, &amp; comme il connut à fond le merite de la Dame, la Dame de son costé fut fort penetrée de ses belles qualitez ; mais plus le Cavalier luy paroissoit digne de ce qu’elle avoit resolu de faire pour luy, plus il luy estoit fâcheux qu’il ne songeast qu’à estre de ses Amis, sans faire voir aucun panchant pour sa Fille, qui sur ses conseils s’estoit assez bien contrainte pour luy cacher ses defauts. Cela l’obligea enfin à luy parler sans déguisement. Elle établit pour maxime generale que la bienseance obligeoit chacun de rendre compte au Public de sa conduite, &amp; aprés luy avoir dit, qu’on venoit de toutes parts la feliciter sur ce qu’il alloit épouser sa Fille, elle ajousta, que ses assiduitez ayant donné lieu de le penser, il luy seroit bien desagreable d’avoir à se priver du plaisir qu’elle prenoit à le voir souvent, s’il estoit vray qu’il se trouvast incapable d’aucun sentiment d’amour ; qu’elle se croyoit assez de ses Amies pour luy pouvoir dire que le party luy seroit avantageux, puis qu’outre le bien que sa Fille avoit par elle-même, elle consentiroit volontiers à luy faire en sa faveur telles avances qu’il pourroit luy demander, &amp; qu’il devoit songer serieusement à la proposition qu’elle luy faisoit. Le Cavalier que la declaration embarassa, ne put cacher à la Dame qu’il trouvoit tant d’avantage à estre de ses Amis, qu’il n’avoit envisagé rien de plus en s’attachant à la voir. Il luy dit ensuite qu’il n’aimoit pas naturellement les jeunes personnes, qui n’ayant rien de solide, dégoûtoient souvent au lieu de plaire, &amp; que si sa Fille avoit vingt-cinq ans, elle luy conviendroit mieux ; que cependant les bontez qu’elle luy faisoit paroistre l’engageoient à des sentimens si forts de reconnoissance, que pour la douceur de faire avec elle une union que le temps ne pust détruire, il se vaincroit sur ce qu’il sentoit de répugnance, &amp; regarderoit sa Fille à l’avenir avec d’autres yeux qu’il n’avoit eus jusque-là, mais que s’agissant d’un engagement qui devoit durer autant que leur vie, il falloit voir si leurs humeurs simpatiseroient assez pour leur laisser esperer qu’ils vivroient heureux ensemble. Ce qu’il demandoit estoit trop juste, pour n’en pas tomber d’accord. Il fit l’Amant de la Demoiselle, &amp; luy dit beaucoup de choses flateuses qu’elle écouta gracieusement. L’honnesteté qu’elle luy marqua, luy en attira bientost de plus fortes, &amp; l’amour commençant veritablement à naistre dans le cœur du Cavalier, il fut fort content pendant un mois, &amp; de son esprit, &amp; de ses manieres. Il luy procura tous les plaisirs qu’il se put imaginer par des parties agreables, &amp; l’éclat qu’il fit par-là ne permit plus de douter que ce mariage ne se dust conclurre. Sa Mere qui luy vantant à toute heure le merite distingué du Cavalier, luy donnoit aussi incessamment des conseils, sur le soin qu’elle devoit prendre de ne luy faire paroistre aucune inégalité d’humeur, crut enfin qu’elle s’estoit renduë raisonnable, &amp; avoit connu le tort que luy pouvoient faire ses bizarreries, mais elle estoit bien éloignée de penetrer par quel motif cette bizarre personne avoit cherché à toucher le Cavalier, &amp; s’estoit fait violence pour luy donner de l’amour. Elle avoit esté blessée cruellement de ce qu’il s’estoit d’abord attaché à voir sa Mere, sans luy parler qu’assez indifferemment. Cette injure luy avoit esté sensible, &amp; elle ne s’estoit pû imaginer un meilleur moyen d’en avoir raison, que de le faire devenir amoureux d’elle, pour luy faire ensuite sentir ses mépris avec plus de force. En effet, elle ne crut pas plustost avoir du pouvoir sur luy, qu’elle suivit ses caprices, en luy donnant mille sujets de se plaindre. La Dame qui ne douta pas que le Cavalier ne se dégoutast, luy representa fort vivement qu’elle n’avoit qu’à continuer si elle vouloit le perdre ; toute la réponse qu’elle en eut, ce fut, que c’étoit assez qu’il fût aimé de la Mere, &amp; que s’il l’estoit autant de la Fille, il se trouveroit accablé d’amour. Un reproche si piquant luy fit connoître combien son esprit étoit indocile, &amp; le peu qu’elle devoit garder d’esperance de la voir jamais capable de se rendre à la raison. Le Cavalier rebuté dit à la Dame, qu’il la connoissoit trop juste pour luy demander un plus long engagement ; qu’il estoit fâché de l’avoir fait éclater, puis qu’il sembloit qu’aprés la rupture il ne luy devoit plus estre permis de la voir ; que cependant il y avoit un moyen certain de rendre éternel l’attachement qu’il luy promettoit, si elle avoit assez d’estime pour luy, pour se résoudre elle-même à l’épouser. La Dame rougit, &amp; luy ayant dit en termes embarassez, qu’elle croyoit que sa gloire l’obligeoit de renoncer pour toujours au mariage, elle le pria de se contraindre encore quelque temps, pour voir si ses soins ne changeroient point l’esprit de sa Fille. Le Cavalier, qui estoit habile, tira avantage de cette rougeur, &amp; jugeant à cette marque qu’il pourroit toucher le cœur de la Dame, il consentit à tout ce qu’elle voulut. Il continua de faire auprés de la Fille le personnage d’Amant, &amp; feignant que ses froideurs, quelque dures qu’elles fussent, ne le pouvoient détacher, il luy assuroit un faux triomphe dont elle s’applaudissoit. Ces froideurs, loin de luy estre sensibles luy donnoient un vrai plaisir, puis que marquant à la Mere que c’étoit pour elle qu’il se contraignoit à les souffrir, il entroit de plus en plus dans son cœur. Ainsi il poussa si loin les choses, qu’il l’engagea enfin à luy dire qu’elle pourroit consentir à l’épouser, mais qu’elle sentoit qu’il luy seroit impossible d’executer ce dessein tant que sa Fille ne seroit point mariée. Aprés une pareille declaration, il n’y avoit plus que des mesures à prendre pour bien conduire l’affaire selon le projet qui fut formé. La Dame dit à sa Fille qu’elle voyoit bien que le Cavalier ne luy plaisoit pas, &amp; qu’elle estoit resoluë de ne plus parler pour luy, mais que s’ennuyant de la garder, &amp; d’avoir toujours à essuyer sa méchante humeur, elle vouloit qu’elle fist un choix parmy tant d’autres Amans qui se presentoient pour elle. La Fille luy répondit que si elle l’aimoit veritablement, elle avoüeroit qu’elle avoit raison de haïr le Cavalier ; que s’il luy avoit rendu quelques soins, ce n’avoit point esté de son mouvement ; que c’estoit elle qui l’y avoit engagé, &amp; qu’elle trouvoit en cela un si grand outrage, que pour s’en vanger avec plus d’éclat, elle consentoit à se donner à celuy de ses Amans qu’elle luy conseilleroit de choisir, pourveu que que le mariage se fist en secret, afin que ce jour-là même elle pust obliger le Cavalier à luy donner une Feste, aprés laquelle elle se feroit un triomphe de luy pouvoir dire, qu’il ne devoit plus rien esperer, &amp; qu’elle avoit épousé un de ses Rivaux. Il n’y avoit rien de si bizarre que ce qu’elle proposoit, mais elle ouvroit à sa Mere une voye seure de venir à bout de ses desseins. Elle avoüa à sa Fille que le Cavalier n’eust jamais pensé à elle, si jugeant qu’elle seroit heureuse avec luy, elle ne luy avoit en quelque façon mis dans le cœur tous les sentimens qu’il luy avoit expliquez. Elle loüa sa delicatesse sur ce que cette conduite luy avoit donné de l’aversion pour luy, &amp; feignant d’entrer dans les raisons qu’elle prétendoit avoir de s’en vanger, elle la détermina à épouser un fort honneste homme qui luy parut le plus propre à supporter ses bizarreries. On traita l’affaire fort secrettement, &amp; afin que le Cavalier n’en soupçonnast rien, la Dame conseilla à sa fille de moderer un peu son aigreur, &amp; d’avoir pour luy plus de complaisance qu’elle n’en avoit depuis long temps. On agissoit contre luy en apparence, &amp; c’estoit travailler à son bonheur. La Dame qui l’avoit averty de tout luy promit sans peine de l’indemniser de la vangeance que sa Fille méditoit. Ils convinrent des moyens qu’il falloit mettre en pratique pour un double mariage, &amp; il fut aisé de ménager celuy de la Fille avec tout le mistere qu’elle y demandoit, puis que le Cavalier fermoit les yeux volontairement sur beaucoup de choses, qui luy auroient fait découvrir la verité s’il n’eust pas esté besoin qu’il eust feint de l’ignorer. La Demoiselle, ayant affecté d’avoir avec luy des manieres moins hautaines &amp; plus raisonnables, fut persuadée qu’il estoit la dupe de sa tromperie, tant il témoignoit estre charmé d’un changement qu’il ne devoit pas attendre. Ainsi quand elle exigea de luy une grande Feste, rien n’approche de la joye qu’elle eut de l’empressement qu’il fit paroistre à la satisfaire. Cette Feste fut un Bal où il l’asseura qu’il auroit soin de ne laisser rien manquer afin de luy faire plus d’honneur. Ce divertissement estoit un de ceux de la saison. Il luy demanda son jour, &amp; elle choisit celuy qu’elle avoit pris avec son Amant pour se marier, ce qui fut fait de fort grand matin, &amp; avec tant de secret que personne ne le sceut. Il alla la voir l’aprésdînée, &amp; elle luy dit mille choses obligeantes. Il parut le soir avec un habit fort magnifique, &amp; commença le Bal avec elle. Les Masques y vinrent en confusion, &amp; pour leur laisser la liberté de danser, on entra une heure aprés dans une chambre où une superbe collation se trouva servie pour des Dames conviées. Tandis que chacun estoit occupé aux plaisirs de cette Feste, dont la Demoiselle faisoit les honneurs, sa Mere &amp; le Cavalier n’eurent pas de peine à disparoistre. Il estoit plus de minuit, &amp; on les attendoit à l’Eglise, où ayant esté mariez, ils revinrent se montrer dans l’Assemblée. La Feste finie, la Demoiselle appella le Cavalier, qu’elle remercia du regale qu’il avoit bien voulu luy donner, l’asseurant que ce seroit le dernier qu’elle recevroit de luy, puis qu’elle s’estoit mariée ce jour-là-même, avec un fort honneste Homme, dont elle préferoit la tendresse à toutes choses Elle luy dit, comme en l’insultant, les raisons qu’elle avoit euës de luy en faire un secret jusqu’à ce moment, &amp; choisit pour s’expliquer les termes les plus fâcheux qui pouvoient la satisfaire. Le Cavalier la-laissa parler tant qu’elle voulut sans l’interrompre, &amp; luy dit ensuite, qu’il vouloit luy rendre confidence pour confidence, en luy apprenant que son bonheur estoit tel, que depuis une heure il avoit épousé sa Mere, dont le merite, l’esprit, la sagesse &amp; la vertu luy tenoient lieu de tous les tresors du monde. Elle écouta d’abord ce qu’il luy apprit, comme une chose qui ne pouvoit être, mais ce qui suivit ne luy ayant pas permis d’en douter, elle fut au desespoir qu’on luy eust fait perdre si cruellement la gloire de son triomphe. Outre une espece d’affront que ce mariage luy faisoit, elle avoit plusieurs raisons de n’en estre pas contente. Sa Mere estoit encore assez jeune pour pouvoir avoir d’autres enfans, &amp; il falloit, si elle n’en avoit pas, que pour ménager ses interests, elle fust en quelque sorte dans la dépendance du Cavalier qu’elle avoit cru braver en se mariant, mais il n’y avoit aucun remede à la chose, &amp; le meilleur party qu’elle pouvoit prendre, c’estoit de cacher le chagrin qu’elle en avoit.</p>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_240" resp="wordpro">
          <head>Idille</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 240-243.</bibl>
          <p/>
          <p>Si vous avez des Amies qui n’ayent point encore connu l’amour, elles en trouveront une agreable description dans le petit Ouvrage que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>IDILLE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Livrée à la douleur amere</l>
              <l rend="i">Venus vient de perdre son Fils ;</l>
              <l rend="i">Qui voudra le rendre à sa Mere,</l>
              <l rend="i">Doit s’assurer d’un rare prix.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Venus le declare ; elle est preste</l>
              <l rend="i">A combler ses vœux les plus doux.</l>
              <l rend="i">Jeune Iris, mettez-vous en queste,</l>
              <l rend="i">Mais ce Fils, le connoissez-vous ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est un Enfant simple &amp; timide,</l>
              <l rend="i">Mais fidelle jusqu’au trépas ;</l>
              <l rend="i">La Beauté l’attire &amp; le guide,</l>
              <l rend="i">La douceur arreste ses pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Il s’insinuë, il plaist, il touche,</l>
              <l rend="i">En trouble aujourd’huy, demain mieux ;</l>
              <l rend="i">Tous les charmes sont dans sa bouche,</l>
              <l rend="i">Toutes les graces dans ses yeux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Il est discret, il est sincere,</l>
              <l rend="i">C’est la foy sur tout qui luy plaist.</l>
              <l rend="i">Hé ! quel mal voudroit-on luy faire,</l>
              <l rend="i">Tendre &amp; delicat comme il est ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Il se blesse assez de ses armes,</l>
              <l rend="i">Mais on l’outrage tous les jours,</l>
              <l rend="i">Et ce n’est qu’aux soupirs, aux larmes,</l>
              <l rend="i">Qu’en ses chagrins il a recours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Dans l’offense la plus cruelle,</l>
              <l rend="i">Soumis, puis qu’on veut le punir,</l>
              <l rend="i">Il attend que l’on le rappelle,</l>
              <l rend="i">Toujours tout prest à revenir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cherchons ce Dieu, mais loin des Villes,</l>
              <l rend="i">Loin de leur tumulte confus,</l>
              <l rend="i">Tous nos soins seroient inutiles,</l>
              <l rend="i">L’Amour ne s’y retrouve plus.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_267" resp="wordpro">
          <head>A Mademoiselle Ro<hi rend="sup">***</hi>. Imagination galante</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 267-284.</bibl>
          <p/>
          <p>Tout ce que je viens de vous conter a dû vous donner des idées si tristes, qu’il me paroist qu’il n’y a qu’une matiere galante qui soit capable de vous en tirer. C’est ce qui m’oblige à vous faire part de la piece que vous allez lire. Elle est d’un jeune Cavalier de Riom, qui l’envoya à une fort aimable personne de Province, le jour de sa Feste.</p>
          <quote>
            <label>A<lb />MADEMOISELLE RO***<lb /><hi rend="i">Imagination galante.</hi></label>
            <quote>
              <lg>
                <l>Le Sommeil dont les dons nous sont si precieux,</l>
                <l>A peine cette nuit m’avoit fermé les yeux,</l>
                <l>Que je crus traverser de riantes Prairies,</l>
                <l>Et je me figuray, marchant d’un pas compté,</l>
                <l>Que je m’abandonnois en pleine liberté</l>
                <l> A d’agreables rêveries.</l>
                <l>Belle Philis, vous en estiez l’objet ;</l>
                <l> Je me representois vos charmes,</l>
                <l>Et me livrois à de douces alarmes,</l>
                <l>En m’occupant d’un si tendre sujet.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">J’en estois donc, Mademoiselle, à des reflexions sur vos agrémens, &amp; sur ces manieres aisées &amp; naturelles ausquelles seules j’attribuë presque la perte entiere de mon cœur, lors qu’insensiblement je me trouvay à l’entrée d’un petit bois. Le Soleil qui me sembloit déja fort élevé, l’épaisseur des arbres qui rendoient ce lieu des plus sombres, le silence qui me paroissoit y regner, les idées dont pour lors estoit remplie mon imagination, tout me determina à y aller passer quelques heures. J’y choisis d’abord les routes les plus écartées, &amp; là, hors du bruit, &amp; entraîné par les douceurs innocentes d’un repos champestre, j’examinois l’état de mon cœur. Je me rendois compte à moy-mesme de ses sentimens, &amp; ravy de les trouver à mon gré, déja se formoient mille projets d’un attachement éternel, quand je me vis à l’extremité de la Forest.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Là s’élevoit un Temple à demy ruiné,</l>
                <l> Qui jadis estoit destiné</l>
                <l>Pour faire tous les ans les Festes de Minerve,</l>
                <l> Dont la figure encore s’y conserve.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">A mesure que je m’en approchois pour considerer de prés les anciens restes de ce superbe édifice, que vous eussiez mieux merité que cette Deesse de la Sagesse, j’entendois comme des gemissemens d’enfant, &amp; ma curiosité m’ayant porté vers l’endroit d’où ils me sembloient venir, j’y vis l’Amour, &amp; je le vis dans la derniere desolation, abbatu par un excés de douleur. Il estoit appuyé contre un vieux Mirthe. Son bandeau tout moüillé de larmes me fit juger qu’il avoit pleuré long-temps ; mais quelque tristesse qui parust dans ses yeux, tant de douceur s’y mesloit, que je regarday ces petits desespoirs comme les suites d’une tendresse contrariée, &amp; par certaines plaintes qui luy echaperent, j’entrevis que son cœur irrité cherchoit à se revolter contre un joug incommode &amp; opposé à tous les pas que commençoit à luy faire faire sa passion. Voyez, je vous prie, si je me trompois dans mes conjectures. Le pauvre Enfant ! Il m’avoüa ingenuëment, qu’il avoit esté fort maltraité de sa Mere ; que cette Deesse, poussée par les mouvemens de sa jalousie ordinaire, menaçoit de l’abandonner s’il ne brisoit tout-à-fait ses chaînes, &amp; que dans l’aveugle prevention où il la sçavoit, que hors ses charmes rien au monde n’estoit digne d’estre aimé, une obstination d’attachement pour une Philis dont elle ne pouvoit souffrir ny la beauté ny le merite, ne manqueroit pas de la rendre plus furieuse, &amp; de le perdre pour toujours. Ces dernieres paroles furent suivies de quelques soupirs, &amp; d’un moment de rêverie où l’entraînerent ses diverses reflexions. Puis revenant tout à coup comme d’un profond assoupissement, il s’écria.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>J’aime bien mieux renoncer à mes droits</l>
                <l> Que d’abandonner ce que j’aime,</l>
                <l>Je ne vois rien que de doux dans mes loix,</l>
                <l> Et je veux les subir moy-même.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Il se plaignit ensuite de l’injustice &amp; de l’entestement présomptueux de Venus, &amp; pour se justifier revenant toujours au merite de sa Philis, il luy donnoit dans ses manieres, des airs de grandeur ; dans son esprit, du bon goust, &amp; de la delicatesse ; dans sa conduite, une égalité d’humeur, &amp; des actions des plus reglées ; dans la tendresse, du rafinement, &amp; de la circonspection. Il la representoit reservée sans singularité, &amp; enjoüée sans dissipation. Il la montroit autant remplie de douceur que de politesse, &amp; d’un ton d’Oracle il ajoûtoit, que si le cœur de cette belle Personne venoit un jour à se laisser toucher, on le trouveroit aimable par sa nouveauté, assuré par sa bonne foy, inébranlable par sa constance, tendre sans passion, &amp; delicat sans jalousie ; &amp; pour me faire voir qu’à toutes ces qualitez se joignoient encore une beauté des plus touchantes, &amp; un je ne sçay quoy dans l’exterieur qui interessoit d’abord, ce petit Dieu tira de son Carquois une boëte, &amp; l’ouvrit. Eh ! qui vis je ? Vous-même, Mademoiselle, &amp; peinte par les mains de l’Amour. Je fus interdit à cette veuë, mais heureux alors, pour ne point paroistre suspect, d’avoir pû trouver dans l’admiration que s’attiroit cette peinture, un prétexte à mon étonnement. Tous vos traits estoient vivans. Ce Peintre habile vous avoit donné une parure de Déesse qui vous sied parfaitement ; vous paroissiez dans les airs sur une espece de char à la Romaine, traîné par des Cignes. A ce char étoit enchaîné l’Amour, qui bien loin d’estre honteux de sa défaite, n’en faisoit, ce semble, que rire, &amp; son arc, ses fléches &amp; son bandeau, qu’on vous voyoit entre les mains, vous servoient plûtost de joüet que de trophées. Sur la bordure estoient écrits ces mots</hi>, Triomphe de la belle Ro… sur l’Amour.</p>
            <p><hi rend="i">Et au bas ces Vers.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Venus n’eut jamais tant de charmes,</l>
                <l>Aussi jamais Venus ne triompha si bien.</l>
                <l>Ce Dieu, Maistre des cœurs, par l’effort de ses armes,</l>
                <l> N’a donc pû garantir le sien.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Pour montrer ensuite que l’Amour, tout Amour qu’il est, ne peut estre à l’épreuve de ses propres coups, &amp; qu’aprés avoir inspiré de la tendresse aux autres, il n’est pas impossible qu’il en ressente enfin à son tour, sur le revers de cette mesme Boëte estoit un emblême dont le corps representoit un Cupidon pleurant, &amp; ses larmes venoient d’une douleur causée par une blessure qu’il s’estoit faite en tirant de son arc, avec ces mots pour ame.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Je ne suis point invulnerable.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Au dessous estoient gravez ces Vers.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Je puis aimer, &amp; j’aime un objet tout aimable.</l>
                <l> Je suis sensible â ses appas,</l>
                <l> Et par un sort inévitable,</l>
                <l> Mes fléches ne m’épargnent pas.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Ce revers de boëte estoit bordé de mille petits ornemens. J’y admiray sur tout vostre chifre, &amp; celuy de l’Amour, qui entrelacez ingenieusement par des branches de Mirthe, embellissoient, &amp; donnoient du prix à tout le reste.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Comme je songeois à me retirer pour rêver à mon aise à ce que je venois de voir, tant cette avanture me surprenoit, Zephire arriva, qui de la part de Flore portoit à ce petit Dieu une corbeille de fleurs. Je pris garde qu’il les reçut avec un vray plaisir. Je connus mesme par sa maniere de remercier, que ce present avoit esté demandé, &amp; justement ces fleurs vous estoient destinées ; mais l’Amour ne sçavoit comment vous les envoyer. Je le vis là-dessus dans de petites inquietudes. Il sentoit qu’il ne pouvoit disposer de qui que ce soit, parce que Venus irritée avoit déja donné ses ordres. Ainsi les Ris, les Graces, personne ne devoit agir pour luy. Le pauvre Enfant me toucha. Ces manieres me parurent trop dures, je le previns ; je m’engagea y à vous faire rendre les liberalitez, ou plûtost le tribut de cette Deesse du Printemps : &amp; soit que veritablement il me crust dans ses interests, ou qu’un je ne sçay quoy m’eust attiré sa confiance, mes offres furent acceptées, il m’embrassa mille fois, tant il m’en sceut bon gré, &amp; enfin nous nous separâmes, aprés que des remercimens faits de la meilleure grace du monde eurent succedé à ces témoignages de gratitude.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je profite donc de la conjoncture des temps ; je veux dire Mademoiselle, de la belle Feste d’aujourd’huy, pour m’acquitter d’une commission dont mon cœur fait son affaire. Convaincuë de la force de mes sentimens, &amp; par consequent de la justice que je rens à vos charmes, qui sçait si vous ne me trouverez point trop peu de delicatesse, &amp; si vous approuverez le personnage que je fais à l’heure qu’il est ? On pourroit rafiner dans d’autres rencontres, je le sçay, mais icy, songez que la tendresse que l’Amour inspire ne se fixe pas ordinairement sur luy, que de ses progrés dépendent peut-estre les miens, &amp; que toutes les démarches que luy fera faire dans la suite son penchant, peuvent ne tendre qu’à m’asseurer quelque jour l’entiere possession d’un bien qui est l’objet de tous mes desirs.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_330" resp="wordpro">
          <head>[Maladie de Mademoiselle d’Orleans]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 330-332.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez sçeu la maladie de Mademoiselle d’Orleans, Fille de feu Monsieur le Duc d’Orleans, &amp; Cousine germaine du Roy. Cette maladie a esté plus dangereuse que longue, &amp; il a falu cinq prises d’Emetique, dont la derniere a esté donnée sans preparation, pour sauver cette Princesse. Aprés cela la vigueur de son bon temperament ayant paru, sa santé a commencé à se rétablir, &amp; la Cour &amp; la Ville à en témoigner sa joye. L’affluence a été grande au Palais de Luxembourg pour sçavoir des nouvelles de la santé de cette Princesse. Toute la Cour, &amp; tous les Princes y sont venus plusieurs fois, &amp; le Roy luy a fait l’honneur d’y venir luy-même. Monsieur &amp; Madame y ont esté tous les jours. Je vous envoye des Vers qui ont esté faits sur cette maladie par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Grenet. Quoy qu’il parle en Vers, ce qu’il dit n’est point une fiction.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Toy, dans qui toute chose abonde,</l>
              <l rend="i"> Sejour des plus grands Rois du monde,</l>
              <l rend="i"> Paris, agreable Cité,</l>
              <l rend="i"> Il ne faut plus verser de larmes,</l>
              <l rend="i"> Tu peux sortir de tes alarmes,</l>
              <l rend="i">Et reprendre ton calme &amp; ta tranquillité.</l>
              <l rend="i"> La Princesse n’est plus en proye</l>
              <l rend="i"> A l’impitoyable douleur ;</l>
              <l rend="i"> Le Ciel veut encor qu’on la voye ;</l>
              <l rend="i"> Ce qui causoit nostre malheur</l>
              <l rend="i"> Est le sujet de nostre joye.</l>
              <l rend="i"> Que cette Cour dans la tristesse.</l>
              <l> <hi rend="i">Presentoit un spectacle affreux !</hi></l>
              <l rend="i"> L’une vangeoit sur ses chevaux</l>
              <l rend="i"> Le mal que souffroit la Princesse.</l>
              <l rend="i"> L’autre plus belle que le jour,</l>
              <l rend="i"> Faite par les mains de l’Amour,</l>
              <l rend="i"> D’un ongle qu’animoit la rage,</l>
              <l rend="i"> Pour mieux exprimer son malheur,</l>
              <l rend="i"> En se déchirant le visage</l>
              <l rend="i"> Vouloit y graver sa douleur.</l>
              <l rend="i"> Loin d’icy ces tristes images,</l>
              <l rend="i"> Le nuage s’est écarté,</l>
              <l rend="i"> Et desormais pour sa santé</l>
              <l rend="i"> Nous n’avons que d’heureux présages.</l>
              <l rend="i">Chacun dans peu, Princesse, espere de te voir,</l>
              <l rend="i"> Alors ma voix mieux arrangée,</l>
              <l rend="i">Sans se sentir du trouble où ton mal l’a plongée,</l>
              <l rend="i"> S’acquitera de son devoir.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-03_337" resp="wordpro">
          <head>[Retour au monde de Mr l’Abbé Boileau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1693 [tome 4], p. 337.</bibl>
          <p/>
          <p>Au lieu de faire l’Eloge de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Boileau, comme je m’y estois préparé, en vous écrivant sa mort le mois passé, j’ay la joye de vous apprendre que cet illustre Abbé se porte fort bien. Si j’en disois davantage, je blesserois sa modestie. Il vit, &amp; ses doctes Predications vous feront souvent son Eloge.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-04">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, avril 1693 [tome 5]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_007" resp="wordpro">
          <head>[Prélude contenant ce qui s’est passé à l’Academie Françoise, à la reception de Mr l’Abbé de la Motte-Fenelon]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 7-16.</bibl>
          <p/>
          <p>Quel plaisir pour vous, Madame, si je vous pouvois rapporter fidellement toutes les belles choses qui furent dites à l’honneur du Roy, le Mardy 31. du mois passé, dans la Seance publique de l’Academie Françoise, où M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Mote. Fenelon fut receu à la place de feu M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson ! Son merite qui l’a fait choisir pour Précepteur de Monseigneur le Duc de Bourgogne, estoit trop connu de tout le monde, pour n’attirer pas une assemblée tres-nombreuse. Non seulement elle fut remarquable par la foule qui fit trouver le lieu trop petit, mais par la presence de quantité de personnes d’un rang distingué. M<hi rend="sup">r</hi> de la Mote-Fenelon fut écouté de la maniere du monde la plus favorable, &amp; son Discours répondit parfaitement à ce qu’on avoit attendu de luy. Avec quelle finesse d’esprit, &amp; quelle delicatesse d’expression ne parla-t-il pas de la sagesse de nostre Auguste Monarque, qui sçait toujours si bien préparer ses grands desseins, que le succés de tout ce qu’il entreprend, quelque difficile qu’il paroisse, peut estre regardé comme infaillible, sitost qu’il l’a resolu ! Il n’oublia, ny la fureur des Duels heureusement reprimée, ny l’Heresie étoufée entierement dans tous ses Etats, ny les efforts impuissans de tant d’Ennemis liguez, qui par leurs pertes continuelles apprennent de jour en jour combien il est dangereux de prendre les armes contre un Prince, qui si l’Univers ne devoit avoir qu’un Maistre, seroit trouvé digne seul de commander à toute la terre. N’attendez point que pour vous donner quelque foible idée de ce qui luy fit meriter l’applaudissement de tous ceux qui l’entendirent, j’entre dans aucun détail particulier. Tous ces termes dont il se servit pour exprimer ses pensées, leur étoient si propres, que le moindre changement leur feroit perdre beaucoup de leur grace, &amp; il vaut mieux differer à satisfaire vôtre curiosité, jusqu’à ce qu’il ait donné au Public une Piece d’Eloquence si universellement souhaitée, que d’en faire des Extraits qui ne pourroient vous en marquer les beautez que tres-imparfaitement.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Bergeret, Secretaire du Cabinet, &amp; de M<hi rend="sup">r</hi> Colbert de Croissy, Secretaire &amp; Ministre d’Etat, alors Directeur de l’Academie, fit entrer aussi l’éloge du Roy dans sa réponse. Vous sçavez que cette grande matiere est toujours traitée noblement par ceux qui composent cette illustre Compagnie, &amp; les Discours éloquens que M<hi rend="sup">r</hi> Bergeret y a déja faits en plusieurs occasions, vous doivent estre des preuves de la justice qui luy fut renduë en celle-cy. Ensuite M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Vau, dont vous connoissez le zele pour tout ce qui regarde la gloire de Sa Majesté, fit part à l’Assemblée d’une Devise de sa façon que vous trouverez fort juste. J’attens à vous en parler que je vous l’envoye gravée. L’explication de cette Devise fut précedée d’un petit Discours, dans lequel il fit connoistre avec combien de raison les surprenantes actions du Roy sont admirées dans les climats les plus éloignez, aprés quoy il eut un Ouvrage en Vers de M<hi rend="sup">r</hi> Boyer sur la delicatesse des caracteres, remply de Peintures delicates, qui meriterent l’approbation des plus Critiques. Cette Piece parut digne de son Auteur, qui n’a pas manqué d’y mesler adroitement le Portrait du Prince. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Choisy ferma la Seance par la lecture qu’il fit d’un autre Ouvrage de Poësie de M<hi rend="sup">r</hi> Perrault qui se voyant accusé d’avoir peu d’estime pour les Anciens, &amp; de les traiter d’Auteurs steriles, &amp; qui manquent d’invention, fut bien-aise de détromper le Public, en luy faisant voir qu’il est entierement éloigné de ces sentimens, &amp; que s’il trouve dans Homere &amp; dans Virgile quelques endroits qui semblent n’estre pas dignes de ces grands Genies, il y admire en même temps une infinité de belles choses, que l’on doit se proposer comme d’excellens modelles pour arriver, s’il se peut, à la perfection où les Modernes s’efforcent d’atteindre. Cet Ouvrage est la traduction d’un endroit du sixiéme Livre de l’Iliade, où Homere fait representer à Hector par Andromaque sa Femme, l’état déplorable où la laissera sa mort, qu’elle tient certaine, si continuant toujours à s’exposer, il songe si peu à ce qu’elle deviendra quand elle l’aura perdu. Le petit Astianax qu’il veut prendre entre ses bras, &amp; qui effrayé de son armure ne veut point quitter ceux de sa Nourrice, est une peinture fort vive &amp; fort naturelle de ce qu’un âge si tendre fait ressentir aux enfans.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_036" resp="wordpro">
          <head>Reflexions chrétiennes</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 36-41.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous vous souvenez, Madame, que Madem<hi rend="sup">elle</hi> des Houlieres, Fille de l’Illustre Madame des Houlieres dont vous avez vû tant de beaux Ouvrages, remporta le Prix de Poësie il y a quelques années, par le jugement de l’Academie Françoise. La beauté de cette Piece vous a fait souvent souhaiter d’en voir d’autres de sa façon, &amp; c’est ce qui m’oblige aujourd’huy à vous envoyer celle que vous allez lire. La perte qu’elle a faite depuis quelques mois par la mort de M<hi rend="sup">r</hi> son Pere, &amp; la patience dont elle a besoin dans une santé fort chancelante, luy ont inspiré les sentimens qui font la matiere de ses Vers.</p>
          <quote>
            <label>REFLEXIONS<lb />CHRÉTIENNES.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Au milieu des ennuis, au milieu des alarmes,</hi></l>
              <l rend="i">Où de nouveaux malheurs me plongent tous les jours,</l>
              <l rend="i">Quelle puissante main par d’invisibles charmes</l>
              <l rend="i">Des pleurs que je répans vient suspendre le cours ?</l>
              <l rend="i">Où suis-je ? &amp; dans mon cœur quel calme vient de naistre</l>
              <l rend="i">Qui me rappelle enfin à la tranquillité ?</l>
              <l rend="i">Helas ! c’est toy, Seigneur, dont l’extrême bonté</l>
              <l rend="i">M’arrache au desespoir qui fait te méconnoistre</l>
              <l rend="i"> Dans l’excés de l’adversité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Daigne achever ce grand Ouvrage,</l>
              <l rend="i"> Ou, si je dois toujours souffrir,</l>
              <l rend="i">Fais que de mon salut mes peines soient le gage ;</l>
              <l rend="i">Ne m’accable de maux que pour te les offrir.</l>
              <l rend="i"> Affermis si bien mon courage,</l>
              <l rend="i">Qu’au milieu des perils, qu’au plus fort de l’orage,</l>
              <l rend="i">Je conserve la paix que je viens d’acquerir.</l>
              <l rend="i">La raison qui de l’homme est le plus beau partage,</l>
              <l rend="i"> Et dont il se pare toujours,</l>
              <l rend="i"> Est quelquefois chez le plus sage</l>
              <l rend="i">Dans les vives douleurs d’un difficile usage,</l>
              <l rend="i"> Si tu ne viens à son secours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Etablis dans mon ame une vertu constante ;</l>
              <l rend="i">Epargne-moy, Seigneur, les douloureux remords</l>
              <l rend="i">Que me donnent souvent les coupables transports</l>
              <l rend="i"> D’une douleur impatiente.</l>
              <l rend="i">Je suis foible, &amp; je sens que je ne puis sans toy</l>
              <l rend="i">Soutenir tout le poids du malheur qui m’accable.</l>
              <l rend="i">Tout ce qu’il a d’affreux, de plus insupportable,</l>
              <l rend="i"> Se presente sans cesse à moy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Sans cesse le cœur plein d’une crainte mortelle,</l>
              <l rend="i">Le cœur déja percé des plus funestes coups,</l>
              <l rend="i">Je croy te voir armé d’un rigoureux couroux,</l>
              <l rend="i"> Et quoy qu’à tes ordres fidelle,</l>
              <l rend="i">Je croy toujours me voir traiter en criminelle.</l>
              <l rend="i">Eh ! qui ne le croiroit ? Par de nouveaux malheurs</l>
              <l rend="i">La fortune &amp; la mort à me nuire obstinées,</l>
              <l rend="i">Ont sur moy sans relâche exercé leurs fureurs ;</l>
              <l rend="i">Et je n’ay pû trouver au milieu des douceurs</l>
              <l rend="i"> Qu’offrent les plus belles années,</l>
              <l rend="i"> Le loisir d’essuyer mes pleurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tristes reflexions qui revenez sans cesse,</l>
              <l rend="i">Faut-il qu’à vos horreurs mon cœur soit immolé !</l>
              <l rend="i">Eloignez-vous de moy, devorante tristesse,</l>
              <l rend="i">Laissez-moy le repos que le Seigneur me laisse,</l>
              <l rend="i">Et cessez d’accabler mon esprit désolé.</l>
              <l rend="i">Mais quoy, vous redoublez ! Je sens que je frissonne.</l>
              <l rend="i">Quel abîme de maux à mes yeux se fait voir ?</l>
              <l rend="i"> Ah ! si ta grace m’abandonne,</l>
              <l rend="i">Je suis encor, Seigneur, en proye au desespoir.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_076" resp="wordpro">
          <head>A la Belle et Indifferente Iris</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 76-82.</bibl>
          <p/>
          <p>On a beau vouloir se defendre de l’amour. Il vient un temps où l’on est forcé de luy ceder, &amp; malheur aux Belles qui cedent trop tard. Elles doivent craindre la menace que leur fait M<hi rend="sup">r</hi> de Calvy, dans les Vers qui suivent.</p>
          <quote>
            <label>A LA BELLE ET INDIFFERENTE<lb />IRIS.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce qu’on disoit de vostre humeur,</l>
              <l rend="i"> A la fin mon propre malheur,</l>
              <l rend="i"> Aimable Iris, me le fait croire.</l>
              <l rend="i"> A la honte de tant d’Amans,</l>
              <l rend="i"> Qui vous suivent à tous momens,</l>
              <l rend="i">Vous estes insensible, &amp; vous en faites gloire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Je le sentis bien l’autre jour,</l>
              <l rend="i"> Quand j’osay vous parler d’amour,</l>
              <l rend="i"> J’en pensay mourir de tristesse.</l>
              <l rend="i"> On n’a jamais eu tant d’ardeur,</l>
              <l rend="i"> Et je vous vis d’un air mocqueur</l>
              <l rend="i">Rire de mes soupirs, &amp; railler ma tendresse.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quoy ! vous m’aimez, me dites-vous ?</l>
              <l rend="i"> Ah ! je n’ay pas l’air assez doux</l>
              <l rend="i"> Pour prendre un cœur comme le vostre.</l>
              <l rend="i"> Mais si vous m’aimez, croyez-moy,</l>
              <l rend="i">Allez offrir ailleurs vos vœux &amp; vôtre foy,</l>
              <l rend="i">Rien ne me peut toucher, vous toucherez une autre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ainsi les plus tendres amours</l>
              <l rend="i"> Sont rebutez par ces discours,</l>
              <l rend="i"> Desespoir d’un Amant fidelle ;</l>
              <l rend="i"> Mais tost ou tard, charmante Iris,</l>
              <l rend="i"> L’Amour vangera ce mépris,</l>
              <l rend="i">Et vous fera souffrir une peine cruelle.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Avoir des appas si charmans,</l>
              <l rend="i"> Et mépriser tous vos Amans !</l>
              <l rend="i"> Vous en souffrirez davantage,</l>
              <l rend="i"> Lors que l’Amour, juste vainqueur,</l>
              <l rend="i"> Viendra punir vostre froideur,</l>
              <l rend="i">Et l’inutile abus du plus beau de vôtre âge.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Pour vous accabler de ses coups</l>
              <l rend="i"> Il ne viendra fondre sur vous</l>
              <l rend="i"> Que quand vous n’aurez plus de charmes.</l>
              <l rend="i"> Quels seront vos tristes desirs !</l>
              <l rend="i"> Vous vous moquez de nos soûpirs,</l>
              <l rend="i">Ceux que vous aimerez se riront de vos larmes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Vous penserez à ces appas,</l>
              <l rend="i"> Qui font icy tant de fracas,</l>
              <l rend="i"> Mais vous ne serez plus la mesme.</l>
              <l rend="i"> Ce teint si brillant changera.</l>
              <l rend="i"> Alors, Iris, tout vous fuira,</l>
              <l rend="i">Comme aujourd’huy tout vous suit &amp; vous aime.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ne croyez pas que mon malheur</l>
              <l rend="i"> M’ait fait prédire à vostre cœur</l>
              <l rend="i"> Une si funeste avanture ;</l>
              <l rend="i"> C’est un tribut qu’au Dieu d’Amour</l>
              <l rend="i"> Chaque Mortel paye à son tour,</l>
              <l rend="i">Ainsi que le tribut qu’on paye à la Nature.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Heureux, qui dans ses premiers ans</l>
              <l rend="i"> Peut sentir ses feux bienfaisans !</l>
              <l rend="i"> Ils font le bonheur de sa vie.</l>
              <l rend="i"> Qui resiste en cette saison,</l>
              <l rend="i">Aimant dans ses vieux ans, perd repos &amp; raison,</l>
              <l rend="i">Et de mille tourmens voit sa flâme suivie.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Du plus tendre de vos Amans</l>
              <l rend="i"> Couronnez donc les sentimens,</l>
              <l rend="i"> Faites son bonheur &amp; le vostre.</l>
              <l rend="i"> Mais, belle Iris, choisissez bien.</l>
              <l rend="i"> Quel desespoir seroit le mien,</l>
              <l rend="i">Si vous aimant si fort, vous en aimiez un autre !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais l’amour seul vous reglera</l>
              <l rend="i"> Ce beau prix ne se donnera</l>
              <l rend="i"> Qu’à la passion la plus tendre,</l>
              <l rend="i"> Et si l’amour doit l’emporter,</l>
              <l rend="i"> Belle Iris, je puis m’en flater,</l>
              <l rend="i">Quels que soient mes Rivaux, j’ay seul droit d’y prétendre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Je sçay qu’on oppose à mes feux</l>
              <l rend="i"> Du merite &amp; des noms fameux,</l>
              <l rend="i"> Mais en vain on me le conteste.</l>
              <l rend="i"> Quoy qu’ils étalent tour à tour,</l>
              <l rend="i"> Aucun n’égale mon amour,</l>
              <l rend="i">Et l’amour, belle Iris, vaut mieux que tout le reste.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_082" resp="wordpro">
          <head>L’Affaire Embarassante</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 82-83.</bibl>
          <p/>
          <p>C’est un grand malheur pour un cœur qui s’offre, que de ne pouvoir se faire accepter. Jugez en par ce Madrigal de M<hi rend="sup">r</hi> de Vin.</p>
          <quote>
            <label>L’AFFAIRE EMBARASSANTE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Je voulus l’autre jour donner en bonne Etrenne</l>
              <l rend="i"> Mon cœur à la jeune Climene,</l>
              <l rend="i"> Qui froidement le refusa.</l>
              <l rend="i"> La fiere Iris le méprisa ;</l>
              <l rend="i">Ce refus, ce mépris dégoûterent Lisette.</l>
              <l rend="i">Je l’offris trop tard à Nanette,</l>
              <l rend="i">La Belle s’en scandalisa.</l>
              <l rend="i">Enfin j’eus beau vanter ses feux &amp; sa constance.</l>
              <l rend="i">On le traita par tout avec indifference.</l>
              <l rend="i"> Amarante n’en voulut pas,</l>
              <l rend="i"> Et Philis n’en fit pas grand cas.</l>
              <l rend="i"> O Dieux ! l’embarassante affaire</l>
              <l rend="i"> Qu’un cœur dont on ne sçait que faire !</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_115" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 115-144.</bibl>
          <p/>
          <p>Si l’amour se fait souvent condamner par les fâcheux effets qu’il produit, on n’en doit rien craindre quand il est fondé sur beaucoup d’estime, &amp; qu’il prend pour regle les conseils de la raison. Un jeune Marquis, d’une naissance des plus distinguées, &amp; que les grands biens qui luy estoient assurez aprés la mort de son Pere, pouvoient faire parvenir à tous les emplois qui sont capables de flater l’ambition, fut mené un jour chez une Dame, où le commerce du jeu attiroit toujours assez bonne compagnie. Elle n’estoit que de gens choisis, &amp; de la maniere que les choses se passoient, on peut dire que sa maison estoit une école d’honnesteté &amp; de politesse. Comme la Dame avoit peu de bien, ces petites assemblées luy estoient avantageuses, puis qu’elle en tiroit d’assez grands-profits pour vivre commodement, &amp; sans avoir besoin de personne. Avant que les tables pour le jeu se pûssent trouver remplies, on joüissoit du plaisir d’une agreable conversation, &amp; si la Dame y brilloit par son esprit, une aimable Fille qu’elle avoit faisoit admirer sa sagesse &amp; sa conduite. Elle parloit peu, parce qu’elle étoit persuadée que la retenuë est ce qui convient le mieux à une jeune personne ; mais quand quelqu’un luy adressoit le discours, ce qui arrivoit assez ordinairement, toutes ses réponses estoient vives, &amp; le tour aisé qu’elle leur donnoit, faisoit aisément connoistre que le silence qu’elle affectoit de garder, estoit un effet de sa modestie. Quoy qu’elle n’eust pas les traits reguliers à les examiner tous separément, il en résultoit un je ne sçay quoy qui saisissoit les yeux &amp; le cœur, &amp; qui l’emportoit de beaucoup sur la beauté. Elle chantoit d’ailleurs agréablement, &amp; joüoit du Lut &amp; du Clavessin d’une maniere touchante. C’estoient de grands charmes pour beaucoup de jeunes gens qui estoient receus dans cette maison. Cependant cette aimable Fille s’observoit si bien, que les douceurs les plus recherchées qu’ils luy disoient, n’avoient rien qui l’entestast. Ils estoient tous écoutez de la mesme sorte, &amp; quoy qu’elle les traitast fort civilement, il n’y en avoit aucun qui fust en droit de s’imaginer qu’il l’emportast sur ses Concurrens. Le jeune Marquis ne put resister longtemps à tant de merite. Il sentit son cœur touché, &amp; aprés beaucoup de soins rendus sans se declarer, il trouva enfin l’occasion d’expliquer ses sentimens. La Belle qui estoit presque sans bien, &amp; d’une naissance fort au dessous de la sienne, quoy que de bonne Famille, luy répondit fort obligeamment, &amp; d’un air modeste, qu’ayant remarqué en luy les plus belles qualitez qu’on pust souhaiter dans un honneste homme, elle recevroit avec plaisir les marques d’estime qu’il luy donnoit par sa declaration, si elle pouvoit oublier ce qu’il estoit, mais que l’inégalité que la fortune avoit mise entre eux, luy faisant envisager que l’attachement qu’il prendroit pour elle ne pourroit servir qu’à donner lieu à de mauvais contes, elle le prioit de s’abstenir de la voir, ou s’étouffer ce qu’elle avoit mis malgré elle dans son cœur, s’il estoit vray qu’il l’aimast autant qu’il vouloit le faire croire. Une si sage réponse ne put qu’enflâmer plus fortement le jeune Marquis. Cette resistance piqua ses desirs, &amp; l’obstacle qu’elle voulut mettre à sa passion le fit s’attacher avec plus d’ardeur à luy en donner des marques. Tout ce qu’il tenta fut inutile. Le soin qu’elle prenoit d’éviter qu’il n’eust avec elle aucun entretien particulier, luy laissoit à peine le plaisir de luy découvrir par ses regards, combien il estoit vivement touché. Si tost qu’il les tenoit attachez sur elle, comme elle y voyoit beaucoup d’amour, elle détournoit ou baissoit la veuë de peur de les enhardir à luy dire trop, &amp; hors l’incivilité qui n’estoit pas de son caractere, elle employoit tout pour le guerir. Le jeune Marquis, se trouvant charmé de plus en plus, suivit les mouvemens de son cœur, &amp; prit enfin une resolution, qui luy devoit asseurer l’heureux triomphe où il aspiroit. Ce fut de s’adresser à la Mere. Il demanda à l’entretenir, &amp; aprés luy avoir exageré sa passion pour sa Fille, il se plaignit de l’outrage qu’elle luy faisoit en refusant d’accepter ses soins, comme s’il avoit des sentimens qui fussent contre sa gloire. Il luy protesta qu’il n’avoit eu en l’aimant que des veuës tres-legitimes, &amp; pour n’en convaincre, il s’offrit de l’épouser, si l’on vouloit bien tenir le Mariage secret. La condition estoit indispensable pour luy, à cause qu’il dépendoit d’un Pere puissant &amp; imperieux, qui non seulement ne luy accorderoit point son consentement s’il le demandoit, mais qui obtiendroit des ordres pour l’éloigner, &amp; le mettroit dans l’impossibilité d’executer son dessein. La Mere ébloüie des avantages d’une si haute alliance, entra dans les raisons du Marquis, &amp; consentant avec joye à la proposition qu’il luy faisoit, elle luy promit de ménager si bien l’esprit de sa Fille, qu’il trouveroit dans son cœur les sentimens qu’il y souhaitoit. En effet, elle se servit de toute son éloquence, pour luy faire voir que ce seroit estre ennemie de son bonheur, que de balancer un seul moment sur une affaire qui luy devoit estre si avantageuse ; mais la Belle qui vouloit peser les choses, &amp; qui n’alloit pas si viste qu’elle, luy demanda quelques jours pour y penser. Cependant la Mere qui appuyoit fortement le jeune Marquis, luy facilita l’occasion de s’expliquer pleinement avec sa Fille, &amp; de luy dire luy-mesme ce qu’il vouloit faire en sa faveur. La Belle n’épargna point la force des termes pour luy en marquer sa reconnoissance, mais quant au Mariage secret, il fut impossible de l’y faire consentir. Outre qu’il n’avoit point l’age que les Loix demandent, elle luy dit, que l’épousant seulement par la violence d’une passion dont il ne pouvoit estre le Maistre, il seroit presque impossible que quand il auroit ouvert les yeux sur ses avantages qu’elle luy auroit fait perdre, il ne se repentist en fort peu de temps de s’y estre abandonné, &amp; que de l’humeur dont le Ciel l’avoit fait naistre, ce repentir suffiroit pour ne luy laisser aucun repos. Elle ajousta à cela que le Mariage qu’on luy proposoit de faire secrettement, pourroit avoir de certaines suittes qui l’exposeroient à des bruits fâcheux, dont la seule idée l’épouvantoit, &amp; que comme pour les arrester il ne luy seroit pas permis de faire connoistre la verité, cette contrainte luy osteroit toute la douceur qu’elle trouveroit à posseder le cœur du Marquis, si elle pouvoit en estre aimée sans mistere. La Mere eut beau chercher des raisons pour combattre ses scrupules, la Belle demeura ferme dans sa resolution, &amp; quoy que le jeune Marquis luy fist paroître un vray desespoir de ce que ses sentimens d’estime, de respect &amp; de tendresse estoient si mal reconnus, tout ce qu’il put obtenir, ce fut qu’il seroit non seulement du nombre de ses Amis, mais son Amy de distinction, s’il vouloit bien luy promettre qu’il supprimeroit à l’avenir tout ce qui pouvoit sentir l’amour. La loy estoit dure, mais il s’y fallut accommoder. Ses manieres aussi tendres que soumises le rendirent digne de toute sa confiance, &amp; ce luy estoit quelque consolation dans ce que la severité de sa vertu luy faisoit souffrir, de remarquer qu’elle prenoit plaisir à le voir. Quand quelque fois il s’échapoit à luy dire quelque chose de trop vif &amp; de trop passionné, il craignoit si fort de luy déplaire, qu’elle n’avoit besoin que d’un regard un peu fier pour le faire rentrer dans les bornes qu’elle luy avoit prescrites. Si cette contrainte n’affoiblissoit point les sentimens qu’il avoit pour elle, peut estre se flattoit-il que le temps y apporteroit du changement, mais ce qui arriva trois ou quatre mois aprés, ne luy permit plus de l’esperer. Il y avoit une vieille haine entre sa Famille &amp; celle d’un Gentilhomme qui avoit esté causée par des differens, qu’avoient suscitez des terres voisines, &amp; meslées en quelque façon l’une dans l’autre. Ces differens avoient fait souvent répandre du sang, &amp; on avoit inutilement cherché jusque là à remedier à ces desordres. Des Amis communs qui s’interessoient à les finir, n’en purent trouver d’autre moyen que celuy d’un Mariage. Le Gentilhomme avoit une Fille fort bien faite, &amp; qui estant sa seule heritiere estoit un Party tres-considerable. On proposa de la marier au jeune Marquis, &amp; son Pere ayant donné les mains à la chose, le Gentilhomme se laissa gagner. Il n’y avoit rien de mieux assorty, soit pour le bien, soit pour la naissance. On prevenoit par là les malheurs qui estoient à craindre si la Demoiselle prenoit une autre alliance, puis que les Enfans qui en naistroient, pourroient perpetuer la division qui n’avoit déja que trop duré. Ainsi on donna parole de part &amp; d’autre, &amp; ce fut un coup de foudre pour le Marquis, qui ne pouvoit se résoudre à la tenir. Quoy que l’on gardast assez le secret sur la résistance qu’il y apporta, la Belle en fut avertie, &amp; ce qu’on n’auroit peut-estre pas attendu d’elle, l’affaire luy parut si importante, qu’elle entreprit de la faire reussir. Aprés avoir representé au jeune Marquis toutes les raisons qui le devoient obliger à n’y estre pas contraire, soit pour sa fortune &amp; son établissement, soit parce qu’elle luy ostoit des Ennemis qui pouvoient luy attirer de fort grands malheurs, elle luy dit qu’il y alloit de sa gloire à elle-même qu’il n’y mist aucun obstacle, puisque s’il osoit s’obstiner à un refus, on l’imputeroit à la passion qu’on croyoit qu’il eust pour elle, ce qui feroit éclat dans le monde, &amp; luy seroit desavantageux. Tout ce qu’il luy allegua pour obtenir qu’elle luy laissast la liberté de demeurer maistre de luy mesme, ne servit de rien. Elle resta toûjours ferme à dire qu’elle devoit compte de sa conduite au public, &amp; que s’il continuoit à s’opposer à un Mariage qu’il devoit luy-même rechercher, le seul party qu’elle avoit à prendre c’estoit de cesser entierement de le voir, afin qu’on ne la pust rendre responsable de l’injuste entestement qui le faisoit résister à ce qui devoit réconcilier deux Maisons considerables. Elle parla si absolument, que le Marquis ne doutant point de sa fermeté s’il falloit qu’elle entreprist d’executer sa menace, fut contraint de luy promettre qu’il tâcheroit de le vaincre pour la satisfaire. Elle avoit trop de droiture dans ses sentimens, pour se contenter de cette promesse. Elle en voulut voir l’effet, &amp; ne luy laissa aucun repos jusqu’à ce qu’elle eust appris qu’il avoit signé le traité qui assoupissoit la vieille querelle. La joye en fut grande dans les deux Familles, &amp; les complimens de réjoüissance y estoient receus de toutes parts, quand la mort du Pere du jeune Marquis interrompit les apprests qu’on faisoit déja pour le mariage. Cet Amant charmé des manieres genereuses de la Belle, ne put se voir maistre de ses volontez sans reprendre tout l’amour qu’elle avoit voulu qu’il étouffast. Il s’en expliqua avec la Mere, à qui il ne cacha point qu’il estoit résolu de rompre l’engagement où il s’estoit mis, pour se donner entierement à sa Fille. La Belle n’eut pas plustost sceu cet emportement de sa passion, qu’elle prit l’air fier qui luy estoit naturel, &amp; luy demanda avec hauteur par où elle pouvoit avoir merité, qu’il luy crust l’ame assez basse pour pouvoir souffrir, non seulement qu’il manquast pour elle à son honneur en manquant à sa parole, mais qu’il s’exposast au juste ressentiment d’un Ennemy, qui ayant déja le cœur remply d’une vieille haine, chercheroit à se vanger de toutes manieres de l’affront qu’il luy feroit par cette rupture. Il eut beau dire qu’il regardoit le plaisir de luy marquer sa tendresse preferablement à toutes choses, elle persista toujours à le refuser pour son Amant, &amp; luy dit mesme avec assez de colere, qu’elle renonçoit à estre de ses Amies, s’il ne se montroit digne de son amitié, en se mettant au dessus des foiblesses de l’amour. Ce differend ne finit qu’aprés qu’il l’eut assurée qu’il acheveroit le mariage. Il le recula seulement d’un mois, pour avoir le temps de terminer les affaires que luy avoit suscitées le changement d’état où il se trouvoit. Cependant il continuoit à voir la Belle sur le même pied d’Amy, &amp; se souvenant d’avoir entendu dire à la Mere, que l’appartement qu’elle occupoit ne luy plaisoit pas, il luy dit qu’il en sçavoit un où il croyoit qu’elle seroit logée plus commodement. Il se chargea du soin de l’examiner, &amp; la mena quinze jours aprés dans une maison, où il y avoit &amp; pour elle &amp; pour sa Fille tout ce qui pouvoit les accommoder. Elles admirerent l’une &amp; l’autre la beauté &amp; la propreté des meubles de ceux qui quitoient cette maison, &amp; ce qui deut les surprendre, c’est que tout y étoit neuf. Il les tira de cette surprise, en leur disant que ces meubles estoient de l’appartement, &amp; que puis qu’on le privoit du plaisir de passer sa vie avec la Belle, on ne devoit pas luy oster celuy de luy donner par un present de cette nature une foible marque de la parfaite estime qu’il avoit pour elle. Il leur dit cela dans un Cabinet où il y avoit une grande armoire fort propre, qu’il ouvrit. Elle estoit pleine d’Etoffes de toute sorte, de Linge, de Dentelles, &amp; de tout ce qui qui peut estre à l’usage d’une Fille, &amp; aprés avoir regardé la Belle comme pour la conjurer de ne les refuser pas, il en tira un Contrat d’une somme fort considerable qu’il avoit fait faire à son profit, &amp; qu’il remit entre les mains de sa Mere. Le Marquis estoit si riche, que cette dépense, quoy que grande pour un autre, ne pouvoit l’incommoder. La Belle n’avoit presque point d’autre bien que son merite, &amp; sa conduite avec luy avoit toujours esté si sage &amp; si reguliere, que n’ayant rien à se reprocher, elle pouvoit accepter sans honte ce qui devoit la mettre en estat de se plaindre moins des rigueurs de la fortune. Je supprime les loüanges que donna la Mere à la generosité du jeune Marquis, &amp; ne vous dis rien de l’embarras où se vit la Belle, qui ne put luy faire ses remercimens sans l’assurer que s’ils avoient pû changer d’état l’un &amp; l’autre, le connoissant comme elle faisoit, elle luy auroit fait voir qu’elle n’estoit pas moins genereuse que luy Il avoit tout lieu d’en estre persuadé par le procedé qu’elle avoit eu dés la premiere declaration qu’il luy avoit faite, &amp; qu’elle avoit depuis soutenu d’une maniere si noble &amp; si desinteressée. Aussi luy jura-t-il mille fois qu’elle pouvoit faire fond sur luy toute sa vie, comme sur le plus sincere &amp; le plus essentiel de tous ses Amis.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_194" resp="wordpro">
          <head>[Morts]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 194-196.</bibl>
          <p/>
          <p>On a eu nouvelles que Messire Roger de Rabutin, Comte de Bussy, estoit mort d’Apoplexie à Autun le 9. de ce mois. Son merite luy avoit attiré de grands avantages. Il estoit Mestre de Camp General de la Cavalerie, &amp; Lieutenant General des Armées du Roy. Il ne s’estoit pas moins distingué par son esprit, que par son courage, &amp; la place qu’il a laissée vacante à l’Academie Françoise, est une preuve de l’estime que l’on en faisoit. Il avoit beaucoup de politesse, &amp; parloit toûjours juste sur la vraye signification &amp; sur le bon usage des mots. On peut dire mesme que si on pouvoit luy faire quelque reproche, c’estoit d’avoir trop d’esprit. Ce qu’il y a de plus fin dans l’Empire de l’Amour, luy estoit connu, &amp; il l’a fait voir par le grand nombre de maximes qu’il a faites.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_208" resp="mercure">
          <head>[Lettre écrite à la Reine de Suede]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 208-246.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Nouvelles publiques ont tant parlé des divertissemens du Carnaval de Hannover, que vous ne serez pas fachée de voir une Relation envoyée sur ce sujet à une grande Princesse.</p>
          <p/>
          <p>A LA REINE</p>
          <p>DE SUEDE</p>
          <p/>
          <p>Je ne puis trouver une meilleure occasion de poursuivre les relations dont V.M. a daigné souhaiter la continuation, que celle que m’offre le Carnaval de Hannover. Quoy que les plaisirs d’un temps que l’on a coutume d’y destiner, ne soient pas peut-estre ce qui attire la curiosité de Vostre M. l’occupation &amp; les divertissemens des personnes en qui Elle prend autant d’interest qu’en celles de leurs Altesses de Hannover auront de quoy luy plaire plus qu’aucune autre chose de cette nature. La presence de plusieurs grands Princes &amp; de plusieurs Princesses d’un merite distingué &amp; d’une beauté achevée, jointe à ce que contient cette Cour, la rendit tres-belle &amp; tres-magnifique. Pour faire comprendre cette verité, il suffit de dire que Mr l’Electeur de Brandebourg, Mr le Duc d’Eysenach, Mr le Duc de Zell, &amp; Mr le Duc d’Ostfrise s’y trouverent avec les Duchesses leurs Epouses. Vostre M. s’est cent fois fait faire le Portrait de Madame l’Electrice de Brandebourg. Elle est informée de ses belles qualitez, dont j’avois moy-mesme entendu parler avec admiration, mais j’avouë qu’elles surpassent encore de beaucoup tout ce que l’on en peut dire. Sa personne est toute remplie de charmes qu’on ne sçauroit exprimer. Elle est parfaitement belle, spirituelle, bonne, &amp; de la meilleure humeur du monde. Madame la Duchesse de Hannover ne merite pas un moindre éloge. Quoy que d’une beauté differente, elle est parfaitement belle. Son esprit est grand &amp; solide ; toutes ses manieres nobles ; son humeur un peu serieuse &amp; reservée, mais douce &amp; égale. Elle a de la grandeur d’ame &amp; de la bonté, &amp; rien ne luy manque de tout ce qui fait la perfection du vray merite. Celuy qui auroit à se déclarer entre ces deux Princesses, se trouveroient fort embarassé. On ne laisse pas de voir tous les jours des disputes là-dessus, mais on ne les décide presque jamais. On peut dire avec le Marquis de Spinola, que l’une est une beauté charmante, &amp; l’autre une beauté tyranne. En effet, l’une charme, &amp; l’autre fait violence. Madame la Princesse d’Eysenach, &amp; Madame la Princesse d’Ostfrise sont deux Beautez blondes, dont le meilleur Pinceau ne pourroit imiter que foiblement la blancheur &amp; la delicatesse du teint. Elles ont avec cela d’admirables qualitez ; &amp; si Madame la Princesse d’Ostfrise a une modestie serieuse qui plaist generalement, la jeune Princesse d’Eysenach a de certaines manieres enjoüées qui la rendent toute aimable.</p>
          <p>Je n’entreprendray point de parler à V.M. des grandes qualitez de Mr le Duc &amp; de Madame la Duchesse de Hannover. Elle les connoist par elle-mesme ; Elle les estime &amp; les aime, c’est tout dire. Je n’ose non plus toucher au merite de Mr le Duc de Zell, quoy que mon inclination m’y porte. C’est un charmant Prince, s’il m’est permis de le dire ; plus on le voit, plus on l’aime. C’est vostre Sang, Madame, &amp; son coeur est tout remply de vos propres sentimens. Madame la Duchesse de Zell se distinguera toûjours par une vertu solide, &amp; par un esprit infiniment éclairé. Elle est heureuse digne de l’estime que l’on a pour elle, &amp; merite toute la fortune dont elle jouit. Madame la Duchesse d’Ostfrise qui s’est aussi trouvée aux plaisirs du Carnaval, a de la beauté, &amp; a toûjours esté une Princesse si magnifique, que sa presence n’a pas peu contribué à l’éclat d’une Cour, où l’on n’a veu rien que de brillant &amp; d’illustre. Mille autres personnes d’un rang fort considerable, dont il ne m’est pas possible de parler en particulier, se trouverent là en foule, des Marquis d’Italie, des Comtes &amp; des Comtesses d’Allemagne, des Ministres, des Cavaliers, &amp; des Dames de toutes les Cours de l’Europe, moins attirez par la beauté des spectacles, que par l’admiration pour le grand Prince qui les a donnez. Il est vray que l’honnesteté avec laquelle les Etrangers sont reçeus en sa Cour, est extraordinaire. On les comble d’honneur, on les traite, on les regale, &amp; outre dix tables toujours delicatement servies en Cour, les maisons de plusieurs où la magnificence &amp; la bonne-chere regnent, leur sont ouvertes. La beauté des spectacles a de quoy les étonner, leur diversité les charme, &amp; il y a tous les jours un plaisir nouveau.</p>
          <p>Les divertissemens dont j’ay à faire le recit à V.M. commencerent par un grand Wirtschaff, où les personnes furent assorties par Billets, ainsi qu’on a coustume de faire dans les Festes de cette nature. On estoit convenu de la maniere dont chacun s’habilleroit, &amp; les modes antiques servirent de dessein à la Mascarade. Les Fraises, les Panaches &amp; les Gardes-Infants furent mis en usage. On ne peut rien voir de mieux deguisé que les Dames le furent ce soir-là. Elles ne laisserent pas d’estre plus belles ainsi deguisées, que dans leurs habillemens accoustumez. Madame la Duchesse de Hanover sur tout y parut d’une beauté &amp; d’une magnificence merveilleuse. Aprés ce jour, on continua les plaisirs dans cet ordre, un jour l’Opera, un jour la Redoute, un jour la Comedie Françoise, &amp; de temps en temps un grand Bal, ou un jour de Gala. Entre tant de differens plaisirs, ceux qui estoient touchez de la Musique donnerent la preference à l’Opera. Il est certain qu’il y avoit dequoy charmer les oreilles &amp; les yeux. Le lieu où il se represente pourroit s’appeler, la Maison d’or. Les Loges où la Cour se place, sont toutes en sculpture &amp; en or bruny, relevé par de riches tapis d’un drap d’or rayé par barre de Velours couleur de feu. Quand toutes les Loges sont illuminées par des bougies blanches, &amp; remplies de belles Princesses &amp; d’autres Dames bien faites, toutes couvertes de Pierreries, c’est un spectacle qui n’a point d’égal. Celuy qui y est opposé, ne contribue pas peu au plaisir des Spectateurs. C’est un Theatre d’une tres-belle Architecture. La Perspective est merveilleuse, les habits sont magnifiques &amp; bien entendus, &amp; la beauté des voix n’a rien qu’on leur puisse comparer. Il suffit de dire que Clementino, Ferdinando, Nicolini, Motosini, Botini, Salvatore, &amp; Landini ont joué ensemble un Opera, pour faire connoistre qu’on ne pouvoit rien entendre de plus touchant ny de plus harmonieux. La Comedie Françoise se joüe dans un autre endroit du Chasteau, sur un Theatre tout different ou d’excellens Acteurs, &amp; de tres bonnes Actrices ont le talent de faire paroistre veritables, les passions feintes qu’ils expriment, tant ils les imitent bien. La Redoute n’est pas un divertissement moins agreable. Ce sont de grands appartemens à la Cour fort éclairez, où les Masques ont permission d’entrer à de certaines heures. Ceux qui aiment à danser y ont le champ libre pour faire voir leur adresse. Ceux qui se font un plaisir du Jeu, y trouvent vingt tables de Bassette, &amp; ceux qui cherchent la conversation, ne peuvent manquer de se satisfaire dans un lieu où l’on rencontre tant de personnes differentes, qui sous la faveur du Masque ont une entiere liberté de dire tout ce qu’elles pensent.</p>
          <p>Ces divers plaisirs continuez pendant six semaines, finirent le Mardy Gars, par un wirtschaff, dont le dessein ny les habillemens n’avoient rien qui fust semblable au premier. C’estoient quatre Quadrilles, dont les apprests furent differens. Elles avoient avoient chacune leur Chef, sçavoir, Madame l’Electrice de Brandebourg, Madame la Duchesse de Hannover, Madame la Princesse de Hannover, &amp; Madame la Duchesse Dauricq. Chacune d’elles fit un si grand secret du dessein de sa Quadrille, que l’on n’en put rien apprendre qu’au moment que la chose devoit estre executée. Cependant on voyoit Madame l’Electrice de Brandebourg, &amp; Madame la Princesse de Hannover mettre de leurs Quadrilles autant de personnes qu’elles pouvoient, se les disputant, &amp; se les enlevant l’une à l’autre. C’estoit à qui les pourroit engager le mieux, ou de la Beauté charmante, ou de la Beauté tyranne, &amp; il n’y avoit rien de plus aimable que le different de ces deux Princesses, qui tâchoient de gagner des Partisans, briguant l’une contre l’autre. Enfin tous les Italiens se mirent de la Quadrille de Madame l’Electrice de Brandebourg, &amp; tous les Allemans se rangerent du party de Madame la Princesse de Hannover. Ceux qui ne voulurent point se determiner entre les deux, ne se masquerent point, ce qui arriva au Marquis Monasteral Envoyé de Mr l’Electeur de Baviere, &amp; au Marquis Ariberti qui ne furent point au wirtschaff, par cette raison. Le jour de la Feste estant venu, la marche des Quadrilles commença sur les sept heures du soir, passant par toutes les Galeries du Chasteau. Elle avoient pour rendez-vous une grande Salle, où la Quadrille de Madame l’Electrice de Brandebourg parut la premiere, &amp; repassant dans la Galerie, pour rencontrer celle de Madame la Princesse de Hannover, elle marcha dans cet ordre.</p>
          <p>Une troupe de Haut-bois, suivie d’Orphée, representé par Mr le Prince de Nassau.</p>
          <p>Le Comte Palmieri, representant la Musique.</p>
          <p>Mr de la Citardie, representant la Poësie.</p>
          <p>Bacchus, Mr Orlandi.</p>
          <p>Troupe de Satyres, le Marquis Spinola, le Baron Spars, le Baron Lielmansecq, Mr Furech &amp; plusieurs autres.</p>
          <p>Nymphes, Nourricieres de Bacchus, Madame Fimk, Mademoiselle Bernatre, Mademoiselle Pelins &amp; Mademoiselle Oren.</p>
          <p>Silene, monté sur un Asne, le Comte Bernardi</p>
          <p>Troupe de Bacchantes qui fermerent la marche, Madame l’Electrice de Brandebourg, Madame la Comtesse de Lip, Mademoiselle la Comtesse Wolkemtein, Mademoiselle Kroscah, Mr le Prince de Hanover, Mr le Prince Ernest Auguste, Mr le Comte Wirbit, Mr de Lescours.</p>
          <p>Toutes les Bacchantes jouoient des Tambours de Basque. Leurs habits estoient couverts de Sonnettes, &amp; leur troupe si enjouée, qu’elle pensa par son abord deconcerter la gravité de l’autre Quadrille, qui representoit la Nation Turque, &amp; qui au son des Cornemuses, Hautbois, Trompettes &amp; Tymballes, marchoit dans l’ordre suivant.</p>
          <p>Troupe de Musiciens Turcs jouant de plusieurs Instrumens Barbaresques, suivies d’une Troupe de Jannissaires, d’une Troupe de Mores, &amp; d’un grand nombre de Turcs le Sabre à la main, representez par plusieurs Officiers &amp; Gentilshommes.</p>
          <p>Le grand Bacha de Hongrie, le Colonel Weik.</p>
          <p>Un autre Bacha, le Comte de Lewenhaupt.</p>
          <p>Le Grand Visir, le Comte de Konismark, precedé d’une Troupe de Hautbois, de petites Timballes à la Turque, &amp; d’un Bacha portant la queuë de Cheval.</p>
          <p>Le Grand Prophete, le Colonel Gohr.</p>
          <p>Le Grand Sultan, Mr le Duc d’Eysenach, precedé par les Trompettes &amp; par les Timballes.</p>
          <p>Le Beglierbey de la Grece, Mr le Prince d’Ostrfrise.</p>
          <p>Le Begleirbey de l’Asie, Mr Obeng.</p>
          <p>Troupe d’Esclaves enchaînez.</p>
          <p>La Femme du Grand Prophete, Mademoiselle M.A. Konigsmark.</p>
          <p>Trois Sultanes, Madame la Princesse de Hannover, Madame la Duchesse d’Eseynach, Madame la Duchesse d’Ostfrise.</p>
          <p>La Femme du grand Visir, la Comtesse Levenhaupt.</p>
          <p>Plusieurs Femmes de Bachas, Mademoiselle Rauchgrefin la Cadette, la Marquise d’Albereuse, Madame Wangenhein, Madame de Beauregard, Madame Esch, &amp; Madame Recchaû.</p>
          <p>Troupe d’Esclaves qui finirent la marche, Madame Sesensenbourg, Madame Korremberg, Mademoiselle Offen, Mademoiselle Kneesberg, Mademoiselle Lescours, Mademoiselle Charia, Mademoiselle la Mothe, Mademoiselle Leuk, &amp; plusieurs autres.</p>
          <p>Il n’y avoit rien de plus magnifique &amp; de plus fier que cette Quadrille. Si celle de Madame l’Electrice de Brandebourg parut galante, gaye, &amp; pleine de gentillesse, celle-cy estoit si majestueuse &amp; si brillante par l’éclat d’une quantité prodigieuse de Pierreries, &amp; par l’ordre de la marche, qu’on ne pouvoit la voir sans surprise. Ces deux Quadrilles estant passées, en se donnant l’une à l’autre beaucoup de louänges, celle des Turcs se rendit la premiere à la grande Salle, où elle fut receüe par trois autres Quadrilles.</p>
          <p>Mr le Duc de Hannover, suivi des premiers de sa Cour, &amp; de plusieurs Dames, tous habillez en Paysans &amp; en Paysanes, estoit Chef de la premiere, &amp; comme sa personne est toujours la mesme en quelque estat qu’il se montre, cette Troupe ne manqua ny de lustre ny de majesté, quoy que dans des habits fort simples. Elle estoit de plus ornée de Bergers &amp; de Bergeres d’un air fort galant &amp; propre, entre lesquels Mr Girrini, &amp; Mademoiselle Kaukgrefin se distinguerent.</p>
          <p>Madame la Duchesse de Hannover, Chef de la seconde Quadrille, menoit une bande de Scaramouches, Hommes &amp; Femmes. Ces habillemens, quoy que plaisans, ne laissent pas d’estre avantageux pour des Dames, &amp; même modestes avec des juppes allant à terre. Quelques-unes allerent jusqu’à la magnificence, portant des ceintures de Diamans, &amp; des boucles de mesme bordées de Pierreries. Mr le Prince Maximilien fut de cette Quadrille ; mais Mr le Prince Christien ayant choisi un habillement à son gré qui luy seioit parfaitement bien, ne se mit d’aucune.</p>
          <p>La troisième Quadrille avoit pour Chef Madame la Duchesse Dauricq. Le sujet en estoit fort singulier, mais comme il donna occasion à de fort beaux habits, il ne laissa pas de plaire. C’estoient des Vestales &amp; des Sacrificateurs. Madame la Duchesse estoit si bien mise &amp; si belle, qu’apparemment les victimes ne luy manquerent point. Mr le Duc de Zell estoit de cette Quadrille, mais n’ayant pas voulu s’embarasser d’un habit de Sacerdoce, il en prit un autre, dont la difference fit un agreable effet. Tandis que ces quatre Quadrilles se rangerent, celle de Madame l’Electrice de Brandebourg eut le temps de faire son entrée. Il arriva un petit desordre qui ne servit qu’à divertir davantage. Les Turcs ayant fait traîner une machine qu’ils appellent un Oracle, le Prophete avoit formé de grands desseins sur cette machine. Il prétendoit détruire l’Oracle, &amp; faire d’autres miracles plus grands, pour montrer à Bacchus qu’il estoit un Prophete digne de l’amitié d’un Dieu comme luy, ne menant pas moins de Beautez de son Empire, pour s’unir à celles de Bacchus, &amp; ne faire plus qu’une Troupe ensemble. Tous ces projets obligeans furent troublez par l’Asne du vieux Silene. Cet Animal se trouvant auprés de la machine quand l’Oracle se mit à parler au travers d’une Trompe, il en fut épouvanté, &amp; donna de grands coups de pied par derriere, mettant toute la Quadrille en confusion ; dequoy les Bacchantes firent grand bruit, demandant aux Turcs pourquoy on les embarassoit d’un Oracle. Les Turcs répondirent en riant, que c’estoit pour divertir leur Asne. Le Tumulte fut grand, &amp; ne cessa qu’aprés que l’on eut fait retirer l’Asne &amp; la machine, dont le Grand Prophete fut au desespoir, voyant tous ses desseins avortez. Enfin tout ce bruit estant appaisé, Orphée commença à chanter l’histoire d’Euridice, &amp; sa funeste avanture. Mr le Prince de Nassau a la voix tres-agreable, &amp; chante avec beaucoup de methode. Le Comte Palmieri qui representoit la musique qu’ils sçavent tous deux, l’accompagna d’un Clavessin, &amp; ils s’accorderent fort bien ensemble. Mr le prince de Nassau chanta mesme d’autant mieux, que l’Histoire d’Euridice avoit quelque chose qui ressembloit à la sienne propre. Il avoit perdu depuis deux ans Madame Princesse de Nassau sa Femme qu’il aimoit beaucoup, &amp; quoy qu’il tâchast de n’y point songer, il s’en souvint à propos dans ce moment pour rendre la Musique plus touchante. Cependant on distribua des Vers qui expliquerent le dessein de cette Quadrille. Ils portoient pour titre.</p>
          <p>ORFEO Prigioniero dimanda la libertà alle Bellissime Sultane.</p>
          <p>Les Vers Italiens estoient du Comte Palmieri, à la loüange des Sultanes, &amp; les François sur le mesme sujet, de Mr de la Citardie. On ne peut mieux réussir qu’ils avoient fait chacun dans sa Langue. Les Turcs reconnurent l’honnesteté qu’ils avoient pour les Sultanes, par d’autres Vers qu’ils donnerent à leur tour, &amp; la Femme du Grand Prophete, à laquelle on demanda des Propheties, distribua celles-cy.</p>
          <p>A MADAME L’ELECTRICE</p>
          <p>de Brandebourg.</p>
          <p/>
          <p>Rare Beauté, Ménade sans pareille,</p>
          <p>Vous suivez le Dieu de la Treille,</p>
          <p>Et vous faites regner l’Amour.</p>
          <p>On diroit que vous estes née</p>
          <p>Pour troubler la raison de ce qui voit le jour,</p>
          <p>Mais ce n’est pas à quoy vous estes destinée.</p>
          <p>Vous éclairez l’esprit par un divin pouvoir,</p>
          <p>Et par vous la raison sera toujours suivie,</p>
          <p>En faisant concevoir</p>
          <p>Qu’il faut vous adorer tout le temps de sa vie.</p>
          <p/>
          <p>A M. L’ELECTEUR</p>
          <p>de Brandebourg.</p>
          <p/>
          <p>Vous faites reüssir de glorieux projets.</p>
          <p>Vous estes adoré de vos heureux Sujets,</p>
          <p>On ne voit point de coeur plus noble que le vostre.</p>
          <p>Par vos grands sentimens préferables à tout autre,</p>
          <p>C’est au dessus du Sort que vous vous élevez.</p>
          <p>Que voulez-vous de plus que ce que vous avez ?</p>
          <p/>
          <p>A MADAME LA DUCHESSE</p>
          <p>de Hannover</p>
          <p/>
          <p>vous avez sur vous mesme un souverain empire.</p>
          <p>Un esprit aussi fort d’un mal sçait faire un bien,</p>
          <p>Du secret avenir que reste-t-il à dire ?</p>
          <p>Vous pouvez tout, &amp; vous n’ignorez rien.</p>
          <p/>
          <p>A M. LE PRINCE</p>
          <p>de Hannover</p>
          <p/>
          <p>Un merite solide, une gloire parfaite</p>
          <p>Sont de dignes garants d’un sort heureux &amp; doux.</p>
          <p>Prince, contentez-vous ;</p>
          <p>Vostre fortune est faite.</p>
          <p/>
          <p>A M. LE DUC DE ZELL.</p>
          <p/>
          <p>Voicy des Souverains un illustre modelle,</p>
          <p>Un Heros, dont le nom ne peut estre effacé.</p>
          <p>Pere de ses sujets, &amp; défenseurs fidelle</p>
          <p>Parmy les immortels il se verra placé.</p>
          <p>N’eust-il que son grand coeur pour tout bien de la vie,</p>
          <p>Sans les vastes Estats qui font tant d’envieux,</p>
          <p>Son sort seroit toujours un sort digne d’envie,</p>
          <p>Par luy seul estimé, par luy seul glorieux.</p>
          <p/>
          <p>Madame la Duchesse de Zell qui aime tendrement Madame la Princesse de Hannover sa Fille, se joignit à sa Troupe, habillée en Sultane, en luy faisant une surprise bien agreable. On luy presenta cette Prophetie.</p>
          <p/>
          <p>A MADAME LA DUCHESSE</p>
          <p>de Zell.</p>
          <p/>
          <p>Le bel Astre qui vous brille</p>
          <p>Avec vos vertus est d’accord.</p>
          <p>Un Epoux, une illustre Fille,</p>
          <p>Beniront toujours vostre sort.</p>
          <p>Du Destin l’ordre irrevocable</p>
          <p>Prouve vostre fidelité.</p>
          <p>Une fortune veritable,</p>
          <p>C’est le bien qu’on a merité.</p>
          <p/>
          <p>Quoy que Madame la Princesse de Hannover ne demandast point de Prophetie à la Femme du Prohpete, parce qu’elle estoit de sa Quadrille, &amp; peut estre, parce qu’elle sçavoit qu’elle n’avoit pas l’esprit devin, cette Prophetesse ne laissa pas de luy donner celle-cy.</p>
          <p/>
          <p>A MADAME LA PRINCESSE</p>
          <p>de Hannover.</p>
          <p/>
          <p>Reine des coeurs &amp; des Sultanes,</p>
          <p>Tout cede à vos attraits divers.</p>
          <p>Jamais les forces Othomanes</p>
          <p>N’ont veu tant d’Esclaves aux fers,</p>
          <p>Vous gouvernez en Souveraine,</p>
          <p>Vous obligez chacun d’aimer.</p>
          <p>Ne faire que vaincre &amp; charmer,</p>
          <p>Voir des Rois porter vostre chaine,</p>
          <p>Donner ou la vie ou la mort,</p>
          <p>Sultane, c’est là vostre sort.</p>
          <p/>
          <p>Plusieurs Nations tomberent d’accord de cette Prophetie, &amp; les Turcs finirent par une entrée de Balet, qui fut dancée à la Turque, après quoy la marche des Quadrilles recommença pour se rendre dans une autre Salle, où un Soupé magnifique les attendoit, &amp; où toutes les personnes du Wirtschaff se placerent à des tables de differentes figures. Pendant le repas, les Hautbois, les Trompettes &amp; les Timbales se firent entendre alternativement avec la Musique. Les tables levées, le Bal commença, &amp; dura jusques à quatre heures du matin. Le lendemain ne fut employé qu’à faire des adieux, &amp; pour mesler un trait de morale à ces divertissemens, je diray qu’ils finirent comme la plupart des plaisirs du monde, c’est à dire, par des larmes. Pour moy, qui me faisoit une joye secrete d’en faire le rapport à V.M. je fus moins affligée que les autres, trop heureuse si Elle daigne jetter les yeux sur cette Relation, faite pour luy marquer mon obeissance, &amp; la soumission profonde avec laquelle je suis,</p>
          <p/>
          <p>MADAME</p>
          <p>De Vostre Majesté,</p>
          <p>La plus humble, la plus</p>
          <p>soumise, &amp; la plus fidelle</p>
          <p>Servante &amp; Sujette,</p>
          <p>M.A.K.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-04_253" resp="wordpro">
          <head>[Autre mort]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1693 [tome 5], p. 253-254.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Seigneur Loüis Pompée, cet habile Professeur des Langues Italienne &amp; Espagnole, est mort depuis peu de jours, âgé seulement de trente-cinq ans. Son dernier Ouvrage, donné au Public il y a deux ou trois mois, avoit pour titre, <hi rend="i">Les Fables diverses de Leon Alberti en Italien</hi>, qu’il a traduites en François, &amp; que debitent les S<hi rend="sup">rs</hi> de Sercy &amp; d’Houry, Libraires. Il a fait encore d’autres Traductions fort estimées &amp; tres-utiles, pour ceux qui sont curieux d’apprendre l’Italien &amp; l’Espagnol. Ce sont <hi rend="i">Les Contes de Guichardin</hi>, &amp; <hi rend="i">les Fables d’Esope</hi>. A l’égard de celles d’Alberti, il y a des sens moraux &amp; politiques au bas de chacune. M<hi rend="sup">r</hi> de Vertron Academicien d’Arles, qui les a trouvez, a fait une Epitre à la teste de ce Livre, dans laquelle il montre l’excellence de la Fable.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-05">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mai 1693 [tome 6]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_007" resp="wordpro">
          <head>Au Roy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 7-10.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Roy est si cher à tous ses Sujets, &amp; sa Personne sacrée leur est si considerable, que si-tost qu’ils entendent dire que ce Prince se prépare à faire quelque voyage, ils en prennent de l’inquietude, par la crainte que les fatigues où il continuë à s’exposer pour mettre ses Peuples à couvert des menaces de la Ligue, n’alterent cette santé prétieuse, qui fait la felicité de ses Etats. C’est par ce motif de crainte, qui est un sentiment general, que fait naistre dans tous les cœurs le zele respectueux que l’on a pour ce Monarque, que M<hi rend="sup">r</hi> Roubin, de l’Academie Royale d’Arles, a fait le Sonnet que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Donne un peu de relâche aux Filles de Memoire,</l>
              <l rend="i">Le Parnasse pour toy n’a pas assez d’Ouvriers,</l>
              <l rend="i">Et le nombre étonnant de tant d’exploits guerriers</l>
              <l rend="i">Lasse les doctes mains qui tracent ton Histoire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Content d’avoir cent fois remporté la victoire</l>
              <l rend="i">Contre tant d’Ennemis si puissans &amp; si fiers,</l>
              <l rend="i">Grand Prince, aprés avoir cueilly tant de Lauriers,</l>
              <l rend="i">Passe en repos tes jours dans le sein de la gloire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Laisse agir desormais la valeur de ton Fils.</l>
              <l rend="i">Par tout ce jeune Mars vaincra comme tu fis ;</l>
              <l rend="i">Ses fameux coups d’essay l’ont déja fait connoistre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tu ne dois plus chercher à signaler ton bras,</l>
              <l rend="i">Ta gloire est à son comble, &amp; si rien peut l’accroistre,</l>
              <l rend="i">C’est que ce Fils te suive, &amp; marche sur tes pas.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_010" resp="wordpro">
          <head>A Mademoiselle de Scudery</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 10-22.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous serez bien-aise, sans doute, d’entendre encore parler du Roy dans une Epistre en Vers qui a esté écrite sur la mort de M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson, dont les grandes qualitez vous estoient connuës. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> Betoulaud, qui a esté approuvé de tout le monde dans la justice qu’il a renduë à cet illustre Défunt.</p>
          <quote>
            <label>A MADEMOISELLE<lb />DE SCUDERY.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que ne puis-je au lieu d’ancre écrire avec des pleurs !</hi></l>
              <l rend="i">Mes larmes vous peindroient mes sensibles douleurs,</l>
              <l rend="i">Et vous verriez, SAPHO, ma tristesse mortelle</l>
              <l rend="i">Meslée avec le nom de nostre Amy fidelle.</l>
              <l rend="i">Helas ! nous le perdons, &amp; Pelisson n’est plus.</l>
              <l rend="i">Vos regrets &amp; les miens maintenant superflus</l>
              <l rend="i">Ne sçauroient l’arracher à la Parque inflexible,</l>
              <l rend="i">Et c’est le seul miracle à vos mains impossible.</l>
              <l rend="i">Si la Religion, si l’Honneur, si Themis ;</l>
              <l rend="i">Si la rare Vertu qui luy fit tant d’Amis ;</l>
              <l rend="i">Si la Cour d’Apollon, si l’Esprit, si la Gloire,</l>
              <l rend="i">Qui suit les Favoris des Filles de Memoire</l>
              <l rend="i">Pouvoient se joindre à nous pour luy rendre le jour,</l>
              <l rend="i">Et d’une Ombre qui fuit procurer le retour,</l>
              <l rend="i">Vainqueur des froids Cyprés qui couvrirent sa biére</l>
              <l rend="i">Bien-tost ce cher Amy reverroit la lumiere.</l>
              <l><hi rend="i">Mais que nous sert l’ardeur de ces vœux impuissans,</hi></l>
              <l rend="i">Et qu’avez-vous pour luy qu’un peu de foible encens,</l>
              <l rend="i">Qui se meslant au bruit que fait la Renommée,</l>
              <l rend="i">Exhale aprés les Morts un reste de fumée ?</l>
              <l rend="i">C’est par là seulement que nous pouvons guerir</l>
              <l rend="i">La blessure du cœur toujours preste à s’ouvrir,</l>
              <l rend="i">Quand d’un Amy qui fut l’ornement de nostre âge</l>
              <l rend="i">Nous nous traçons encor une lugubre Image.</l>
              <l rend="i">Les Muses dont il fut si tendrement chery,</l>
              <l rend="i">De leur plus pur Nectar l’avoient d’abord nourry.</l>
              <l rend="i">Pindare, Anacreon dans vostre Cour galante</l>
              <l rend="i">Brillerent tour à tour sous l’heureux nom d’Acante.</l>
              <l rend="i">Homere en sa faveur reprenant le pinceau</l>
              <l rend="i">Y vint d’Eurimedon * achever le Tableau.</l>
              <l rend="i">Mais des Cygnes fameux abandonnant la place,</l>
              <l rend="i">Et s’élevant depuis plus haut que le Parnasse,</l>
              <l rend="i">En Aigle qui voloit dans le sein du Soleil,</l>
              <l rend="i">Et qui s’y remplissoit de son feu sans pareil,</l>
              <l rend="i">Il joignoit seulement à son culte fidelle</l>
              <l rend="i">De nos sacrez Autels la défense immortelle.</l>
              <l><hi rend="i">Ce n’estoit plus l’Erreur sucée avec le lait ;</hi></l>
              <l rend="i">Ce monstre en son esprit sincerement défait,</l>
              <l rend="i">Estoit, grace à la Foy, grace au sçavoir sublime,</l>
              <l rend="i">Des saintes Veritez devenu la victime.</l>
              <l rend="i">Sapho, vous le sçavez, &amp; vous sçavez encor,</l>
              <l rend="i">Vous qui de son esprit vistes le noble essor,</l>
              <l rend="i">Qu’aprés Dieu qu’il servoit d’une ardeur si constante,</l>
              <l rend="i">LOUIS seul fut l’objet de sa plume éloquente.</l>
              <l rend="i">Veiller pour le montrer aux siecles à venir,</l>
              <l rend="i">Tel qu’à peine nos yeux le peuvent soûtenir ;</l>
              <l rend="i">Unir tous les rayons qui composent sa gloire</l>
              <l rend="i">Pour la mettre en dépost au Temple de Memoire ;</l>
              <l rend="i">Le peindre environné d’heroïques vertus,</l>
              <l rend="i">D’Ennemis subjuguez, de Monstres abattus,</l>
              <l rend="i">Et démêler enfin cette sagesse immense</l>
              <l rend="i">Qui de tout l’Univers fait triompher la France,</l>
              <l rend="i">Furent les dignes soins de nostre illustre Amy,</l>
              <l rend="i">Qui pour ce grand Tableau qu’il n’a fait qu’à demy,</l>
              <l rend="i">Et dont la seule ébauche étonnera l’Envie,</l>
              <l rend="i">Helas ! devoit encor avoir mille ans de vie.</l>
              <l rend="i">Mais son esprit formé de tant d’esprits divers,</l>
              <l rend="i">Admirable en Histoire, en Eloges, en Vers,</l>
              <l rend="i">En Lettres, en Morale épurée &amp; choisie,</l>
              <l rend="i">En foudres pleins d’éclairs qui frapoient l’Heresie,</l>
              <l rend="i">Pouvoit-il égaler son cœur si genereux ;</l>
              <l rend="i">Si grand pour ses Amis heureux ou malheureux,</l>
              <l rend="i">Si plein de probité, d’égalité constante,</l>
              <l rend="i">D’équité, de candeur, de bonté bien-faisante ?</l>
              <l rend="i">Homme du siecle d’Or qui vivoit parmy nous,</l>
              <l rend="i">On ne voyoit chez luy ny l’indigne couroux,</l>
              <l rend="i">Ny l’attrait des plaisirs, ny l’amour des richesses,</l>
              <l rend="i">Ny l’oubly des bienfaits, ny les lâches adresse,</l>
              <l rend="i">Ny la secrete envie à l’œil plein de poison</l>
              <l rend="i">D’un venin dangereux infecter sa raison.</l>
              <l rend="i">Il sembloit que le Ciel, pour former sa belle Ame,</l>
              <l rend="i">De quelque Astre brillant eust emprunté sa flame ;</l>
              <l rend="i">Mais cet Astre, Sapho, s’est éteint à nos yeux,</l>
              <l rend="i">Il s’est perdu pour nous dans l’espace des Cieux.</l>
              <l rend="i">Comme on peut toutefois jusque dans l’Empyrée,</l>
              <l rend="i">Et dans les vastes champs de la voûte azurée,</l>
              <l rend="i">Conserver de la terre un souvenir charmant,</l>
              <l rend="i">L’Image de LOUIS l’y suit incessamment.</l>
              <l rend="i">Il s’y retrace encor ce Heros magnanime</l>
              <l><hi rend="i">Le comblant de bontez, luy donnant son estime,</hi></l>
              <l rend="i">Honneur qu’il préferoit aux plus riches trésors,</l>
              <l rend="i">Et qui sçait le toucher même au sejour des Morts.</l>
              <l rend="i">Ah ! s’il pouvoit aussi, malgré la loy prescrite,</l>
              <l rend="i">Revenir sur la terre honorer le merite,</l>
              <l rend="i">Sapho, bien-tost son Ombre errante autour de vous</l>
              <l rend="i">Revoleroit aux soins qui luy furent si doux.</l>
              <l rend="i">Il reviendroit bientost environné de gloire</l>
              <l rend="i">Louër vostre courage à sauver sa memoire ;</l>
              <l><hi rend="i">A le défendre encor jusqu’au sein du tombeau,</hi></l>
              <l rend="i">Et de la verité luy prestant le flambeau</l>
              <l rend="i">Dissiper l’imposture &amp; ses noires tenebres,</l>
              <l rend="i">Qui vouloient offusquer des vertus si celebres.</l>
              <l rend="i">Illustres Successeurs † des Sçavans qu’il a peints,</l>
              <l rend="i">Et qui semblent toujours animez par ses mains,</l>
              <l rend="i">Vous, genereux Rivaux, dont l’art noble &amp; sublime</l>
              <l rend="i">Sçait graver en traits d’or vostre éclatante estime,</l>
              <l rend="i">Luy refuserez-vous ces marbres éternels,</l>
              <l rend="i">Où vous sauvez les noms des plus fameux Mortels ?</l>
              <l rend="i">Pour moy, si je pouvois avec la main des Graces</l>
              <l><hi rend="i">De vostre heureux burin suivre à mon tour les traces,</hi></l>
              <l rend="i">Au lieu de me livrer en proye à mes douleurs,</l>
              <l rend="i">Si je pouvois tarir les sources de mes pleurs,</l>
              <l rend="i">Vous me verriez bien-tost, dans l’ardeur de mon zele,</l>
              <l rend="i">Essayer d’imiter vostre adresse immortelle.</l>
              <l rend="i">Mais qui pourra, Sapho, vous égaler jamais,</l>
              <l rend="i">Dés que vous suspendrez le cours de vos regrets ?</l>
              <l rend="i">Pellisson paroistra vivant &amp; plein de gloire,</l>
              <l rend="i">Sous les plus verts lauriers des Filles de Memoire,</l>
              <l rend="i">Quand vous rassemblerez par vostre art sans pareil</l>
              <l rend="i">Mille rayons plus purs que tous ceux du Soleil,</l>
              <l rend="i">Pour peindre cet Amy, qui brillant de lumiere</l>
              <l rend="i">D’une trace d’éclairs a remply sa carriere.</l>
            </lg>
            <note><p>* Poëme fait dans la Bastille.</p></note>
            <note><p>† Messieurs de l’Academie Françoise.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_044" resp="wordpro">
          <head>[Embarras d’une Belle, Fragment d’histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 44-58.</bibl>
          <p/>
          <p>Je suis prié, Madame, de vous demander vostre sentiment &amp; celuy de vos Amies sur l’embarras ou se trouve une fort aimable Demoiselle, dont je vais vous faire le Portrait fort au naturel. Elle est passablement bien faite, &amp; quoy qu’elle n’ait rien de laid dans ses traits, les avantages de la beauté l’ont toujours si peu touchée, qu’on peut dire qu’elle ne s’est jamais mise en peine de paroistre belle. Elle s’est donnée tout à l’esprit, &amp; elle en est idolatre. Aussi l’a-t-elle extraordinaire, &amp; de la derniere vivacité. On n’en vit jamais de plus solide avec autant de jeunesse qu’elle en a, ny de plus fecond avec si peu d’estude. Elle ne dit rien qui ne soit nouveau, tout ce qu’elle fait est distingué, &amp; cependant elle n’affecte, ny de se faire distinguer par la nouveauté, ny de se faire admirer par la distinction que peut luy faire donner la superiorité de son esprit. Les sages sont persuadez de sa sagesse. Ceux qui ne le sont point, souhaiteroient fort qu’elle voulust bien leur ressembler, &amp; c’est ce qui fait que quelquefois ils se laissent surprendre à l’envie, qui tâche inutilement de luy porter quelque atteinte. Sa conduite la met au dessus de sa malice, &amp; tout le monde confesse qu’elle n’en doit rien apprehender. Cette Demoiselle, telle que je vous la peins, a souffert depuis deux ans les soins &amp; l’attachement d’un Cavalier fort aimable, &amp; c’est assez vous en dire pour vous marquer qu’elle l’aime. Il est d’une douceur &amp; d’une civilité charmante. Quoy qu’il ait tout l’esprit qu’on peut avoir, il a encore plus de modestie. Tous ceux qui le connoissent l’estiment, chacun demeurant d’accord de la sagesse qui est comme née avec luy, de la bonté de son cœur, &amp; des avantages qu’une tres-belle taille, &amp; des traits assez regulierement formez peuvent donner à un jeune Cavalier. La Belle, en luy accordant toute son estime, fut approuvée des plus rigides censeurs, &amp; de son costé, il s’accoutuma à la voir, sans songer qu’il deust l’aimer. C’estoit un cœur neuf fort peu sçavant en affaires tendres, &amp; quand il auroit voulu prendre des precautions contre elle, elles luy auroient servy de peu de chose, tant les charmes de son esprit l’attachoient. Il ne pouvoit voir venir la tendresse, parce qu’il ne la connoissoit pas encore, quoy que peut estre il la sentist quelquefois, mais elle n’avoit pour luy que les apparences de l’estime, tout au plus de l’amitié, &amp; ainsi il la laissa entrer dans son cœur sans s’en defier. Enfin il connut veritablement qu’il aimoit la Belle, &amp; la Belle en fut ravie. Tous deux se communiquoient leurs plus secrets sentimens, comme sans en avoir le dessein, &amp; d’une maniere qui ne servit qu’à serrer leur chaîne plus étroitement. Ce qu’il y a de fort singulier, c’est que l’amour de la Demoiselle se purifia de jour en jour, &amp; se dégagea pour ainsi dire de toute matiere, devenant un amour tout à fait spirituel, &amp; fort semblable à celuy des Intelligences. Elle n’aima le Cavalier que pour la plus belle partie de luy mesme, c’est à dire pour son esprit, &amp; pour la droiture de son cœur. Elle ne pensa plus du tout à sa fortune, ny à d’autres avantages, qui avoient contribué à l’engagement qu’elle avoit esté bien-aise de prendre pour luy. Les qualitez admirables qu’il faisoit paroistre par ses sentimens &amp; par la beauté de son genie, furent l’unique objet de sa passion. Elle les étudia plus que jamais, &amp; y fit des découvertes qui l’ébloüirent, &amp; qui la charmerent de nouveau. Dans ces exactes recherches elle reconnut mille vertus, sans s’appercevoir d’aucun défaut. Elle s’interrogea plusieurs fois sur l’amour qu’elle sentoit pour le Cavalier, &amp; estant convaincuë de sa pureté, elle resolut de le conserver toute sa vie, quelque chose qui pust arriver du costé du Ciel ou des hommes. Ne l’aimant que pour luy-mesme, &amp; luy ne changeant jamais en luy mesme, disoit-elle, je seray toujours la même, &amp; je verray avec joye tout ce qui pourra contribuer à le rendre heureux, fust-ce la ruine de tous mes interests &amp; ma perte mesme. Et plust au Ciel que je pusse moy-mesme faire son bonheur, j’en chercherois tous les moyens que me permettroit ma gloire, sans examiner si j’y trouverois le mien, ou du moins en l’y cherchant je n’aurois en veuë que sa seule satisfaction. Voilà quels estoient les sentimens de cette aimable Personne, lors qu’un jour dans une conversation qu’ils eurent ensemble, elle dit au Cavalier quelque chose dont il se facha, quoy que ce fust sans aucune intention de luy déplaire. Il faut vous dire ce qui a suivi ce differend. Le Cavalier, ou pour se vanger, ou pour mieux connoistre les sentimens de la Demoiselle, n’a eu des yeux depuis quelque temps que pour une fort jolie personne, dont il est connu il y a plusieurs années, &amp; pour laquelle il paroist avoir naturellement quelque panchant. Elle est de bonne maison, bien-faite, tres-civile, douce &amp; engageante, &amp; a quelques avantages pour les agrémens du corps, qui ne se rencontrent point dans celle qui a eu ses premiers soins. Quant à l’esprit, elle l’a d’une maniere à ne déplaire à personne, &amp; de toutes les Filles de la Ville, c’est une de celles que la Demoiselle dont j’ay l’embarras à vous expliquer, estime le plus. Cependant on peut dire qu’elle n’a qu’une douceur affectée, &amp; qu’une muette civilité. Le reste n’a rien de solide, &amp; à tout prendre, ce n’est qu’une Fille d’un genie borné, &amp; que rien n’éleve au dessus des autres. Dans le fond, elle n’a peut estre envie que de l’emporter sur sa Rivale, en luy dérobant le Cavalier dont la conversation luy fait passer d’agreables heures, &amp; quand ce seroit une alliance qui pourroit l’accommoder, je vous demande pour cette aimable personne, dont je vous ay peint l’amour si pur &amp; si desinteressé, si voyant une si grande inégalité entre les deux partis, dont l’un a beaucoup plus de merite que l’autre, il ne doit pas luy estre permis de faire tous ses efforts pour empêcher que ce mariage ne se fasse. Elle a chagriné le Cavalier à qui ce nouvel engagement paroist estre cher &amp; agreable. Comme elle n’a point d’autre plaisir que le sien, doit-elle soufrir, sans y mettre obstacle, qu’il s’engage entierement ? Ce que vous deciderez là-dessus sera sa regle, puis qu’elle proteste que si l’on trouve, que pour ne point dementir son caractere, qui est d’aimer sans aucune veuë pour elle-mesme, elle doit cesser entierement de le voir, elle se sent l’esprit assez fort pour s’y resoudre, voulant luy prouver que sa satisfaction &amp; son interest prévaudront toûjours en elle sur tout ce qui la pourroit porter à souhaiter de ne le pas perdre. La demande qu’elle fait sur la resolution qu’elle doit prendre, est fort serieuse. Quand le changement que luy a marqué le Cavalier, ne seroit qu’en apparence, elle le prend pour ce qu’il paroist, &amp; se croit en droit de borner sa penetration, lors qu’il borne sa sincerité.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_058" resp="wordpro">
          <head>Vers allegoriques</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 58-62.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye des Vers, où quoy qu’il y ait beaucoup d’esprit, vous connoistrez aisément que l’Illustre Madame des Houlieres qui les a faits, n’a écouté que les mouvemens du cœur. Je vous en laisse faire l’application.</p>
          <quote>
            <label>VERS ALLEGORIQUES.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Dans ces prez fleuris</l>
              <l rend="i">Qu’arrose la Seine,</l>
              <l rend="i">Cherchez qui vous mene,</l>
              <l rend="i">Mes cheres Brebis.</l>
              <l rend="i">J’ay fait pour vous rendre</l>
              <l rend="i">Le destin plus doux,</l>
              <l rend="i">Ce qu’on peut attendre</l>
              <l rend="i">D’une amitié tendre,</l>
              <l rend="i">Mais son long couroux</l>
              <l rend="i">Détruit, empoisonne</l>
              <l rend="i">Tous mes soins pour vous,</l>
              <l rend="i">Et vous abandonne</l>
              <l rend="i">Aux fureurs des Loups.</l>
              <l rend="i">Seriez-vous leur proye,</l>
              <l rend="i">Aimable Troupeau,</l>
              <l rend="i">Vous de ce hameau</l>
              <l rend="i">L’honneur &amp; la joye,</l>
              <l rend="i">Vous qui gras &amp; beau</l>
              <l rend="i">Me donniez sans cesse</l>
              <l rend="i">Sur l’herbette épaisse</l>
              <l rend="i">Un plaisir nouveau ?</l>
              <l rend="i">Que je vous regrette !</l>
              <l rend="i">Mais il faut ceder.</l>
              <l rend="i">Sans chien, sans houlette,</l>
              <l rend="i">Puis-je vous garder ?</l>
              <l rend="i">L’injuste fortune</l>
              <l rend="i">Me les a ravis.</l>
              <l rend="i">En vain j’importune</l>
              <l rend="i">Le Ciel par mes cris ;</l>
              <l rend="i">Il rit de mes craintes,</l>
              <l rend="i">Et sourd à mes plaintes,</l>
              <l rend="i">Houlette, ny chien,</l>
              <l rend="i">Il ne me rend rien.</l>
              <l rend="i">Puissiez-vous contentes,</l>
              <l rend="i">Et sans mon secours,</l>
              <l rend="i">Passer d’heureux jours,</l>
              <l rend="i">Brebis innocentes,</l>
              <l rend="i">Brebis, mes amours !</l>
              <l rend="i">Que Pan vous défende,</l>
              <l rend="i">Helas ! il le sçait.</l>
              <l rend="i">Je ne luy demande</l>
              <l rend="i">Que ce seul bienfait.</l>
              <l rend="i">Ouy, Brebis cheries,</l>
              <l rend="i">Qu’avec tant de soin</l>
              <l rend="i">J’ay toujours nourries,</l>
              <l rend="i">Je prens à témoin</l>
              <l rend="i">Ces bois, ces prairies,</l>
              <l rend="i">Que si les faveurs</l>
              <l rend="i">Du Dieu des Pasteurs</l>
              <l rend="i">Vous gardent d’outrages,</l>
              <l rend="i">Et vous font avoir</l>
              <l><hi rend="i">Du matin au soir</hi></l>
              <l rend="i">De gras pasturages,</l>
              <l rend="i">J’en conserveray</l>
              <l rend="i">Tant que je vivray</l>
              <l rend="i">La douce memoire,</l>
              <l rend="i">Et que mes Chansons</l>
              <l rend="i">En mille façons</l>
              <l rend="i">Porteront sa gloire,</l>
              <l rend="i">Du rivage heureux,</l>
              <l rend="i">Où vif &amp; pompeux,</l>
              <l rend="i">L’Astre qui mesure</l>
              <l rend="i">Les nuits, &amp; les jours</l>
              <l><hi rend="i">Commençant son cours,</hi></l>
              <l rend="i">Rend à la Nature</l>
              <l rend="i">Toute sa parure,</l>
              <l rend="i">Iusqu’en ces climats,</l>
              <l rend="i">Où sans doute las</l>
              <l rend="i">D’éclairer le monde,</l>
              <l rend="i">Il va chez Thetis</l>
              <l rend="i">Rallumer dans l’onde</l>
              <l rend="i">Ses feux amortis.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_062" resp="wordpro">
          <head>[Article fort extraordinaire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 62-69.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez peut estre entendu déja parler d’une chose fort extraordinaire qui se trouve en Pologne, &amp; principalement en Russie. Ce sont des Corps morts que l’on appelle en latin <hi rend="i">Striges</hi>, &amp; en langue du Pays <hi rend="i">Vpierz</hi>, &amp; qui ont une certaine humeur que le commun peuple &amp; plusieurs personnes sçavantes asseurent estre du sang. On dit que le Demon tire ce sang du corps d’une personne vivante, ou de quelques bestiaux, &amp; qu’il le porte dans un corps mort, parce qu’on prétend que le Demon sort de ce Cadavre en de certains temps, depuis midy jusques à minuit, aprés quoy il y retourne &amp; y met le sang qu’il a amassé. Il s’y trouve avec le temps en telle abondance, qu’il sort par la bouche, par le nez, &amp; sur tout par les oreilles du Mort, en sorte que le Cadavre nage dans son Cercueil. Il y a plus. Ce même Cadavre ressent une faim qui luy fait manger les linges où il est ensevely, &amp; en effet on les trouve dans sa bouche. Le Demon qui sort du Cadavre, va troubler la nuit ceux avec qui le Mort a eu le plus de familiarité pendant sa vie, &amp; leur fait beaucoup de peine dans le temps qu’ils dorment. Il les embrasse, les serre, en leur representant la figure de leur Parent, ou de leur Amy, &amp; les affoiblit de telle sorte en suçant leur sang pour le porter au Cadavre, qu’en s’éveillant sans connoistre ce qu’ils sentent, ils appellent au secours. Ils deviennent maigres, &amp; attenuez, &amp; le Demon ne les quitte point, que tous ceux de la Famille ne meurent l’un aprés l’autre. Il y a de deux sortes de ces Esprits ou Demons. Les uns vont aux hommes, &amp; d’autres aux Bestes qu’ils font mourir de la mesme sorte en suçant leur sang. Le ravage seroit grand sans le remede que l’on y apporte. Il consiste à manger du pain fait, pétry &amp; cuit avec le sang qu’on recueille de ces sortes de Cadavres. On les trouve dans leurs Cercueils, mols, flexibles, enflez, &amp; rubiconds, &amp; non pas secs &amp; arides comme les autres Cadavres, quelque temps qui puisse s’estre écoulé depuis qu’ils ont esté mis en terre. Quand on les trouve de cette sorte, ayant la figure de ceux qui ont apparu en songe, on leur coupe la teste, &amp; on leur ouvre le cœur, &amp; il en sort quantité de sang. On le ramasse, &amp; on le mêle avec de la farine pour la pétrir, &amp; en faire ce pain, qui est un remede seur pour se garantir d’une vexation si terrible. Aprés qu’on leur a coupé la teste, ceux que l’Esprit tourmentoit la nuit, n’en sont plus troublez, &amp; se portent bien en suite. Depuis peu de temps une jeune Fille en a fait l’épreuve. La douleur qu’elle a sentie en dormant l’ayant éveillée pour demander du secours, elle a dit qu’elle avoit veu la figure de sa Mere qui estoit morte il y avoit déja fort long-temps. Cette Fille deperissoit tous les jours, devenant maigre &amp; sans force. On a déterré le Corps de sa Mere qu’on a trouvé mol, enflé &amp; rubicond. On luy a coupé la teste &amp; ouvert le cœur, d’où il est sorty grande abondance de sang, aprés quoy la langueur où elle estoit, a cessé, &amp; elle est entierement revenuë de sa maladie. Des Prestres dignes de foy, qui ont veu faire ces sortes d’executions, attestent la verité de tout ce que je vous dis, &amp; cela est ordinaire dans la Province de Russie.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_069" resp="wordpro">
          <head>[Prodige]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 69-70.</bibl>
          <p/>
          <p>Tandis que je suis sur les Prodiges, il faut que je vous fasse part de ce qui a esté veu depuis peu de temps dans le Cabinet d’un Religieux, qui entre plusieurs curiositez, conserve dans une grande Phiole un petit Chien qui a deux corps, &amp; n’a qu’une teste. On luy voit sept pieds, dont l’un est un pied de Taupe. Il y a grande apparence que le huitiéme est dans le corps de cet Animal, car ces deux corps s’embrassent Il a aussi deux queuës. On asseure que ce Chien a eu vie quelque temps. Il est d’un beau poil noir &amp; blanc, &amp; est venu d’une fort belle Chienne, qu’une Dame à qui elle appartenoit, portoit ordinairement dans son manchon. Ceux qui étudient les productions bizarres de la nature, feroient plaisir à beaucoup de Curieux, s’ils leur apprenoient, pourquoy ce pied de Taupe se rencontre dans un Chien.</p>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_071" resp="wordpro">
          <head>[Dialogue]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 71-73.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Vers du Dialogue qui suit, sont faits pour estre mis en Musique. Vous leur trouverez le tour qu’il faut pour cela.</p>
          <quote>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TIRSIS.</hi></label>
              <l rend="i">Ah, qu’il m’est doux de vous aimer !</l>
              <l rend="i">Mon seul bonheur est de vous plaire.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">SILVIE.</hi></label>
              <l rend="i">Si cet amour estoit sincere,</l>
              <l rend="i">Il auroit de quoy me charmer.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TIRSIS.</hi></label>
              <l rend="i">Ciel, doutez-vous encor de mon amour extrême ?</l>
              <l rend="i"> N’en croyez-vous pas mes sermens ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">SILVIE.</hi></label>
              <l rend="i">Les Dieux permettent aux Amans</l>
              <l rend="i">D’attester vainement leur puissance suprême.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TIRSIS.</hi></label>
              <l rend="i">Croyez-en mes soupirs.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">SILVIE.</hi></label>
              <l rend="i">Ne me trompent-ils pas ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TIRSIS.</hi></label>
              <l rend="i">Du moins croyez-en vos appas.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">SILVIE.</hi></label>
              <l rend="i">Mes yeux n’ont point assez de charmes</l>
              <l rend="i"> Pour captiver vostre cœur.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TIRSIS.</hi></label>
              <l rend="i">Ils peuvent arracher les armes</l>
              <l rend="i"> Au plus superbe Vainqueur.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">SILVIE.</hi></label>
              <l rend="i">Ah, plust au Ciel que vous fussiez fidelle !</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TIRSIS.</hi></label>
              <l rend="i">Ie vous fais à jamais maistresse de mon cœur.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">TOUS DEUX.</hi></label>
              <l rend="i">Heureux, qui peut jusqu’à la mort</l>
              <l rend="i"> Brûler d’une ardeur mutuelle.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_073" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 73-74.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Sonnet qui suit est du mesme Auteur qui a fait ce Dialogue. Il peint le desespoir d’un Amant qui est sur le point de se separer de ce qu’il aime.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Il faut donc m’arracher de ce sejour aimable,</l>
              <l rend="i">Où mon cœur a goûté tant de plaisirs charmans ;</l>
              <l rend="i">Il faut que j’abandonne un objet adorable,</l>
              <l rend="i">Qui faisoit que mes jours n’estoient que des momens.</l>
              <l rend="i">Aprés avoir joüy d’un destin favorable,</l>
              <l rend="i">Qu’il est dur de sortir de ces enchantemens !</l>
              <l rend="i">Les plaisirs que nous offre un bonheur peu durable,</l>
              <l rend="i">Quand on s’en voit priver, augmentent nos tourmens.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Enfin il faut partir ; un devoir trop barbare</l>
              <l rend="i">De tout ce que j’aimois aujourd’huy me separe.</l>
              <l rend="i">Que ce cruel départ doit affliger mon cœur !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Si les maux qui suivront cette absence terrible</hi></l>
              <l rend="i">Egalent les plaisirs où je fus si sensible,</l>
              <l rend="i">Qui pourra concevoir l’excés de ma douleur ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_075" resp="wordpro">
          <head>[Lettre écrite de Saumur concernant la Baguette]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 75-106.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye la copie d’une Lettre sur la Baguette. Elle estoit entre mes mains dés la fin du dernier mois, ce qui est une preuve que celuy qui l’a écrite sçavoit ce qui s’est passé chez Monsieur le Prince avant qu’il fust connu du Public, par toutes les circonstances que je vous en ay mandées. La matiere qui avoit esté trop longtemps uniforme, commençoit à ennuyer, quoy que merveilleuse, mais les contestations vont la rendre plus divertissante, &amp; par ce moyen on pourra apprendre &amp; déveloper la verité ; estant difficile que l’on soit bien instruit d’une cause, tant que l’on n’entend parler qu’un seul Avocat.</p>
          <quote>
            <p>A Saumur, le 18. Avril 1693.</p>
            <p><hi rend="i">J’ay lû avec plaisir le livre de M<hi rend="sup">r</hi> de Valmont sur la Baguette Divinatoire. Il est remply d’experiences curieuses &amp; agreablement raportées, &amp; son Auteur merite beaucoup de loüanges d’avoir ramassé en si peu de temps tant de faits surprenants des Allemans, des Danois, des Anglois, des Italiens, &amp; des François. Il peut passer pour un sçavant Historien des effets merveilleux de la Nature. Il luy manque cependant, à mon avis, quelques degrez d’incredulité. Il prend aisément pour vray sur la foy d’un homme des faits qui sont si rares, &amp; si éloignez de ce que nous avons coûtume de voir, qu’ils meriteroient bien d’estre rapportez par un grand nombre de témoins exacts &amp; judicieux, car il en faut revenir à proportionner le nombre &amp; la qualité des témoignages aux degrez de surprenant &amp; d’extraordinaire dont est le fait. Quand on ne s’attache point à cette proportion, il ne faut pas s’attendre d’estre cru, ny des bons esprits, ny de ceux qui font les bons esprits, en affectant de ne rien croire de surprenant, quelques témoignages qu’on leur apporte.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Si le fait estoit de nature que le Lecteur pust luy-même commodément s’en convaincre par son experience, l’Auteur n’auroit pas besoin de témoins pour se faire croire, mais quand la chose se trouve autrement, il faut, si l’Auteur a eu de bonnes raisons de croire, qu’il se donne la patience de marquer par quels degrez il est venu à croire, &amp; qu’il n’oublie pas la moindre des preuves qui l’ont peu à peu engagé dans l’opinion qu’il a embrassée. Or je ne vois pas que M<hi rend="sup">r</hi> de Valmont se soit attaché à cette precaution, sur tout dans le fait de la Baguette. Il est persuadé, qu’ayant pris toutes les mesures qui luy sont venuës en l’esprit pour s’assurer de la verité du fait, il est en estat de se presenter comme témoin croyable, sans nous rendre compte de ses mesures, &amp; il ne songe pas que si luy-même n’avoit de preuves que le témoignage de trois personnes comme luy, qui ne luy diroient point comment ils en ont usé pour se garantir de l’imposture de Jacques Aimar, s’il est vray que ce soit un Imposteur, il ne croiroit pas le fait ; car enfin il est plus aisé de croire que trois ou quatre témoins, d’ailleurs gens d’esprit, ont esté trompez, &amp; seduits par un bruit populaire, qui fait toûjours impression, même sur les gens les plus sensez, par un jeu de main devenu imperceptible, par un long usage, par un hazard favorable qui est en droit de surprendre quand on devine juste &amp; de suitte plusieurs choses ; enfin par un peu d’art à remarquer &amp; à profiter du foible des gens surpris, qui ne sçauroient s’empêcher d’aider à découvrir ce qu’ils veulent tenir caché, soit par des marques d’une grande crainte, s’ils sont coupables, soit par des marques de joye, s’ils souhaitent que le merveilleux qu’ils commencent à croire avec plaisir se trouve vray ; il est plus aisé, dis-je, de croire que les témoins se sont eux-mesmes laissé tromper, que non pas de croire des effets aussi étranges que ceux que l’on attribue au talent naturel de Jacques Aimar. S’il est vray que M<hi rend="sup">r</hi> de Valmont en useroit de cette maniere, il ne doit pas estre surpris qu’on en use pour luy, comme il en useroit pour les autres, &amp; qu’on ne s’embarque pas à croire des choses qui ont si peu de vrai-semblance, sur son seul témoignage, lors qu’il n’est pas accompagné de toutes les mesures qu’il a prises pour ne pas croire legerement. Je ne parle point de la maniere dont il explique les effets de la Baguette. Je n’aime pas à examiner l’explication du Phenomene avant que d’estre seur qu’il soit vray, &amp; non pas supposé, de peur de tomber dans le ridicule des Physiciens à la dent d’or, dont il rapporte agreablement l’Histoire au commencement de son Livre. Je ne diray sur cela qu’une chose ; c’est que sa maniere d’expliquer n’est point pour moy assez nette, assez claire, assez convaincante, pour faire disparoistre la difficulté que j’ay à croire le fait, car c’est une preuve qui aide à croire les faits quand l’explication en est si claire &amp; si facile, qu’on commence à voir qu’il est tres-aisé, ou tres-possible qu’ils soient arrivez de la maniere dont on le dit, comme c’en est une que le fait est faux, quand plusieurs Physiciens, aprés avoir pensé, n’imaginent rien qui les contente sur la maniere dont le fait pourroit estre arrivé. Je veux seulement vous mettre devant les yeux les raisons de croire &amp; de ne pas croire le fait, &amp; vous dire la situation où je suis sur cela, afin que si quelqu’un veut prendre la peine de lever mes doutes, je me mette en suite à examiner les raisonnemens que les Physiciens font sur ce prétendu talent. Il y a plusieurs faits dans l’histoire de Jacques Aimar qui ne sont pas également incroyables, &amp; qui ont chacun leurs soupçons &amp; leurs preuves de vray &amp; de faux, il est à propos de les examiner en détail. On dit qu’il devine le chemin des eaux qui coulent sous terre. Ce qui est pour luy, c’est qu’il a deviné juste en quelques endroits à Chantilly. Plusieurs personnes disent encore qu’ils ont senti tourner la Baguette entre leurs mains, quand ils se sont trouvez sur la voye des Canaux, &amp; que cette Baguette ne tournoit point &amp; ne faisoit point d’effort pour tourner, quand ils estoient hors de la voye.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est contre, c’est que la Baguette n’a point tourné à Chantilly sur des endroits où il y avoit des Canaux, &amp; elle a tourné sur d’autres où il n’y en avoit point. De cela on peut conclure que si sa Baguette tourne sur des Canaux cachez sous terre, c’est ou par la volonté de Jacques Aimar, ou par hazard. Si c’est par sa volonté, c’est imposture ; si c’est par hazard, cela vient autant du ressort de la Baguette ou de toute autre cause, que des eaux coulantes. Ceux qui disent qu’ils ont senti la Baguette tourner entre leurs mains, ne disent pas qu’elle ait tournoyé, c’est-à-dire, qu’elle ait fait plusieurs tours comme elle fait entre les mains d’Aimar, &amp; c’est un soupçon d’adresse, &amp; d’imposture de sa part, que ceux qui ont le mesme talent ne fassent pas comme luy. D’ailleurs, sa Baguette tourne sur une pierre, sur un lieu voûté, sur des ossemens, sur du metal aussi bien que sur l’eau. Or il est visible qu’il est assez difficile que sous terre à une distance de quinze pieds il ne se trouve de l’eau, ou quelqu’une de ces choses.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit aussi qu’Aimar a le talent de deviner où l’on a caché de l’argent, ou de l’or.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est pour luy, c’est que plusieurs personnes rapportent, qu’aprés avoir caché sous du pavé &amp; dans des fentes d’un parquet à Lyon, des pieces d’or ou d’argent, il a deviné en mettant le pied dessus, qu’elles estoient sous son pied. C’est une opinion receuë de plusieurs Physiciens, que la Baguette de Coudrier tourne sur des Mines de metaux.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est contre Aimar, c’est qu’on ne dit point combien de fois il a réiteré ces experiences, s’il avoit les yeux bandez, &amp; s’il n’a pas quelquefois manqué ; car en ce cas il a pû estre aidé de ses yeux, &amp; favorisé du hazard. D’ailleurs, il a fait une experience dans le jardin de l’Hostel de Condé, en presence de Monsieur le Prince, &amp; de quantité de personnes, où il fit tourner sa Baguette sur un trou recouvert de terre, où il y avoit un sac de cailloux, &amp; il passa sur un autre trou, où il y avoit un sac d’argent, sur lequel sa Baguette ne tourna point, preuve constante qu’il y a de l’imposture de la part d’Aimar, &amp; qu’il fait tourner la Baguette quand il luy plaist. Il a avoué mesme qu’il n’avoit plus cette vertu à Paris pour l’or, &amp; pour l’argent, quoy qu’il l’ait euë à Lyon, &amp; qu’il ne sçait pas la raison de ce changement ; mais la raison la plus vrai-semblable de ce succés different de la Baguette à Lyon ou à Paris, c’est que l’on est moins credule, &amp; qu’on a de meilleurs yeux à Paris qu’à Lyon. On dit encore qu’il devine seurement où l’on a volé, &amp; qu’il suit le Voleur à la piste, mesme deux ans aprés le vol fait.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est pour luy, c’est ce que l’on conte qu’il a fait à Lyon sur des vols domestiques, &amp; dont on a imprimé des Relations, &amp; ce qu’il a fait à l’Hostel de Condé, où l’on avoit volé il y a deux ans, deux petits flambeaux d’argent de toilette. Il mena droit ceux qui l’accompagnoient à la maison de l’Orphévre chez qui on avoit porté les flambeaux, &amp; le Voleur rendit l’argent à M<hi rend="sup">r</hi> le Curé de Saint Sulpice, qui l’apporta à Madame la Princesse deux jours aprés cette perquisition d’Aimar. Il a aussi deviné chez le Chirurgien de l’Hostel de Condé, en quel coffre, &amp; en quel lieu du coffre estoit l’or qu’on luy avoit dérobé.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On peut répondre aux faits de Lyon, que ce qu’il a deviné de certain, luy a esté indiqué par la frayeur des coupables, &amp; que le reste n’a pû estre verifié comme certain. Quant à l’Orphévre, qu’il y a esté conduit par un homme de l’Hostel de Condé, qui l’avoit pris en sa protection, &amp; qui pouvoit avoir quelque soupçon que les flambeaux avoient esté portez chez cet Orphévre, parce qu’il en avoit fait peut-estre perquisition dans le temps du vol, &amp; que le Voleur intimidé de la perquisition, la voulut faire cesser en rendant l’argent. Pour ce qui concerne le Chirurgien, Aimar pour deviner juste, n’avoit qu’à bien observer où les yeux du Chirurgien se portoient le plus.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais ce qui est décisif contre Aimar, &amp; qui le convainc d’imposture, c’est que par ordre de Monsieur le Prince, un Secretaire de la Maison feignant d’avoir esté volé, &amp; qu’on luy avoit pris plusieurs papiers, pria Jacques Aimar en secret de venir pour luy aider à decouvrir la route que le Voleur avoit prise. On avoit rompu exprés une armoire, &amp; quelques carreaux de verre d’une croisée. Aimar vient, &amp; dit qu’il est sur la piste. Sa Baguette tournoye, &amp; il marche jusque bien avant dans la ruë, disant qu’il estoit seurement sur la voye. Le Secretaire l’arresta sur quelque prétexte, &amp; luy dit qu’il acheveroit une autre fois. Il alla aussi-tost rapporter le tout à Monsieur le Prince, qui fit venir Aimar, &amp; aprés l’avoir traité d’imposteur, S. A. S. l’obligea enfin d’avoüer qu’il faisoit tourner sa Baguette quand il luy plaisoit. Aimar dit que sa Baguette ne tourne plus sur la voye des Criminels qui ont avoüé le vol, mais cela mesme est une preuve d’imposture, puis que tandis que le Voleur est inconnu, Aimar peut dire tout ce qu’il veut sans pouvoir estre contredit, &amp; que la raison pourquoy sa Baguette ne tourne point quand le Voleur est connu, c’est qu’il craint d’estre dementi par le Voleur mesme sur les circonstances du vol. Et puis, quel rapport de l’aveu d’un criminel qui est à vingt ou trente lieuës, aux causes naturelles, telles que sont les petits corpuscules qu’on prétend qui sont transpirez du Criminel, &amp; qui sont demeurez dans l’air &amp; sur les meubles qu’il a touchez, comme si dans le moment de cet aveu, tous ces petits corpuscules devoient estre aneantis, ou que leur mouvement dust estre détruit ? Je ne parle icy qu’a M<hi rend="sup">r</hi> de Valmont, qui a le bon esprit, de ne point faire venir le Diable à son secours.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il est donc certain qu’il y a de l’imposture. Il reste à sçavoir si tout est imposture, ce qui est tres-vray semblable. Cependant si M<hi rend="sup">r</hi> de Valmont à de nouvelles preuves, &amp; de nouveaux témoins, qu’il les montre, &amp; on les pesera.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On dit qu’entre plusieurs hommes Aimar devine les Meurtriers, &amp; le chemin qu’ont tenu ceux qui ont commis quelque meurtre, ainsi que les meubles qu’ils ont touchez ; &amp; sur cela on conte l’histoire des Assassins de Lyon de la maniere que l’ont rapportée M<hi rend="sup">r</hi> de Valmont, &amp; deux autres Auteurs de la mesme Ville, dans ce qu’ils ont fait imprimer.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est pour Aimar, c’est que plusieurs personnes de bon esprit de Lyon, ont creu cette histoire, &amp; à dire la verité, c’est l’argument le plus apparent ; mais on peut répondre qu’Aimar a pû rencontrer ces Meurtriers sur le chemin, &amp; se douter de quelque chose par leur air &amp; leur maniere ; qu’il a soupçonné que ces mesmes Meurtriers auroient esté à la Foire de Beaucaire, pour faire quelque nouveau vol, &amp; que quelqu’un d’eux ayant esté arresté, auroit esté mis en prison, ce qui luy a fait reconnoistre le jeune Bossu, &amp; faire semblant que la Baguette tournoit sur luy. A l’égard des chambres &amp; des lits des Cabarets qu’Aimar a prétendu reconnoistre, il peut en avoir deviné une partie par convenance, l’autre par hazard, &amp; n’avoir point rencontré de témoins &amp; de contradicteurs en ce qu’il n’a pas deviné juste ; &amp; mesme s’il a manqué en quelque chose, il peut n’avoir pas esté accusé par ceux qui l’accompagnoient, qui estant déja seduits par la surprise, n’ont osé rien dire contre l’opinion qu’ils avoient du talent d’Aimar. Au reste, ces témoins n’estoient que trois, ce me semble, gens de peu d’esprit sur ces matieres, &amp; qui n’avoient pas ordre d’examiner à la rigueur tout ce qu’il disoit.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est pour Aimar, c’est que dans le lieu de l’assassinat il suë, &amp; son pouls s’éleve. A cela on peut répondre qu’il est tres-naturel que certaines personnes suent, changent de pouls, &amp; tombent en defaillance dans des lieux où il y a certaines odeurs, &amp; le sang versé &amp; corrompu dans la cave où s’estoit commis l’assassinat peut avoir produit ce mesme effet, &amp; à l’égard du tournoyement de sa Baguette, on a vû qu’elle tournoit quand il vouloit ; ainsi ce tournoyement ne fait pas de foy. Ce qui fait encore pour Aimar, c’est que plusieurs personnes ont eu dans la cave les mesmes symptome qu’Aimar avoit. A cela, c’est la mesme raison, mais à l’égard du tournoyement de la Baguette qui se fait entre leurs mains, c’est que la Baguette ou ressort comme on la tient, tend à en sortir, &amp; pour cela tourne, afin de se debander un peu, mais si c’estoit du bois sans ressort, il n’y a nulle apparence qu’elle tournast.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ce qui est contre Aimar, c’est l’experience qu’on luy a fait faire à Paris, sur le lieu où il y avoit eu un meurtre commis. Il passa &amp; repassa par dessus sans s’en appercevoir, &amp; quand on luy eut dit la chose, il mena où les Meurtriers n’avoient point esté, disant pourtant que la Baguette tournoit, &amp; cela, en presence d’un grand Prince, de plusieurs Seigneurs, &amp; de M<hi rend="sup">r</hi> le Procureur du Roy du Chastelet.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On a dit pour sa deffense que le Meurtre estoit avoüé, mais il est visible que cet aveu ne change rien à une demi-lieüe de là, où cet aveu se fait. On a encore dit que ce n’estoit pas un assassinat pour voler de guet à pens ; mais que c’estoit un meurtre &amp; non un combat. D’ailleurs, le Meurtri &amp; les Meurtrisseurs n’ont-ils pas toutes les passions de la crainte &amp; de la colere, comme les Assassins &amp; l’Assassiné, qu’on tue pour avoir son argent ? Ainsi la mesme transpiration de corpuscules ne se fait-elle pas également ? Enfin on a dit pour la deffense d’Aimar, &amp; c’est son dernier retranchement, qu’il n’étoit pas toujours disposé de la mesme maniere, &amp; que par consequent les mesmes causes n’agissoient pas sur luy de la mesme sorte. A cela on peut répondre que c’est une porte commode pour échaper, car quand par hazard il devinera, on dira que ce sera par un talent naturel, &amp; quand il ne devinera point, on dira qu’il ne se porte pas aujourd’huy comme hier, à Paris comme à Lyon. En verité, quoy qu’il puisse y avoir du vray, cela est porté trop loin, &amp; avec une pareille deffense, il n’est point de Charlatan, point d’Imposteur qu’on ne justifie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">J’oubliois à répondre à un fait qui est pour luy. C’est celuy de la Serpe meurtriere qui étoit ensanglantée. M<hi rend="sup">r</hi> le Chevalier de Montgivraut, homme de bon esprit, &amp; grand Physicien, la cacha trois fois, &amp; deux autres Serpes, &amp; toutes les trois fois Aimar devina les yeux bandez qu’il marchoit sur la Serpe ensanglantée, &amp; ce que rapporte M<hi rend="sup">r</hi> le Chevalier de Montgivraut, n’est pas moins considerable, que trois hommes de sa connoissance de Lyon avoient deviné pareillement à l’aide de sa Baguette, laquelle de ces Serpes cachées dans terre étoit la meurtriere.</hi></p>
            <p><hi rend="i">On répond que le seul hazard peut avoir causé cet effet, &amp; qu’il y a à parier cent contre un, que pourveu que l’on prenne bien ses mesures, on n’y reussira point dix fois de suite, ce qui devroit toujours reussir si c’étoit une cause naturelle.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Voila mes raisons de douter, &amp; même de pancher à croire que ceux qui ont cru à la Baguette, y ont cru un peu trop legerement par rapport au fait qui est tout extraordinaire. Je ne demande pas mieux que de croire du merveilleux ; j’y ay du plaisir comme le reste des hommes, mais je ne le veux croire qu’à bonnes enseignes.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_106" resp="wordpro">
          <head>Le Vin et l’Eau</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 106-120.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez toujours aimé les Vers de M<hi rend="sup">r</hi> de Vin, &amp; vous sçavez que lors qu’il veut representer quelque chose, il le peint fort bien. C’est ce qui m’oblige à vous envoyer ce nouvel Ouvrage de sa façon. Il est fait sur une These qui fut soûtenuë il y a quelques années dans l’Ecole de Medecine de Paris, en faveur de l’Eau contre le Vin.</p>
          <quote>
            <label>LE VIN ET L’EAU.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Le Vin fier de son vaste Empire,</l>
              <l rend="i">Et de la belle humeur qu’en tous lieux il inspire,</l>
              <l rend="i"> Le Vin qui de tous les chagrins</l>
              <l rend="i"> Fait perdre la triste memoire,</l>
              <l rend="i">Et qui dans un instant dompte les plus mutins ;</l>
              <l rend="i"> Le Vin, dis-je, enflé de la gloire</l>
              <l rend="i">Que s’acquit autrefois le Dieu * son Protecteur,</l>
              <l rend="i">Insultoit l’Eau par tout en superbe Vainqueur.</l>
              <l rend="i"> Elle en estoit si mal-traitée,</l>
              <l rend="i">Qu’elle se vit contrainte à luy faire sentir</l>
              <l rend="i">Ce que peuvent ses coups lors qu’elle est irritée.</l>
              <l rend="i">De son repos pourtant elle eut peine à sortir,</l>
              <l rend="i">Et comme sa fraîcheur benigne &amp; salutaire</l>
              <l rend="i">Ne s’accommode pas des feux de la colere,</l>
              <l rend="i">Contre cet Orgueilleux avant que d’éclater,</l>
              <l rend="i">Sa douceur trouva bon de luy representer</l>
              <l rend="i">Que de ce Dieu fameux elle éleva † l’enfance,</l>
              <l rend="i"> Et qu’un peu de reconnoissance</l>
              <l rend="i"> L’obligeoit à la mieux traiter ;</l>
              <l rend="i">Qu’elle n’égaloit pas sa suprême puissance,</l>
              <l rend="i"> Il est vray, mais qu’en recompense</l>
              <l rend="i">La feconde Hippocrene excitoit une ardeur</l>
              <l rend="i">Qui des plus froids esprits fondoit toute la glace ;</l>
              <l rend="i">Que si chacun vantoit sa divine liqueur,</l>
              <l rend="i">On se louoit aussi de celle du Parnasse,</l>
              <l rend="i"> Et que Barrege avoit des Bains,</l>
              <l rend="i">Qui pour beaucoup de maux utiles, souverains,</l>
              <l rend="i">Offroient aux malheureux leur chaleur efficace.</l>
              <l rend="i"> Cette espece d’égalité</l>
              <l rend="i">Où par ce peu de mots elle sembloit prétendre,</l>
              <l rend="i">Ne fit qu’aigrir du Vin l’orgueil &amp; la fierté.</l>
              <l rend="i">Enfin voyant par là qu’elle devoit s’attendre</l>
              <l rend="i">A toutes ses rigueurs, &amp; lasse d’en souffrir,</l>
              <l rend="i"> Elle s’echauffe, &amp; plus émeuë,</l>
              <l rend="i"> A sa colere suspenduë</l>
              <l rend="i">Lasche toute la bride, &amp; commence à blanchir.</l>
              <l rend="i">Que ne fit-elle point dans l’excés de sa rage ?</l>
              <l rend="i">Elle confondit tout, elle franchit ses bords ;</l>
              <l rend="i">Tout fut lors Vin pour elle, &amp; l’innocent rivage</l>
              <l rend="i"> En sentit les premiers efforts.</l>
              <l rend="i">A la voir s’élever jusqu’au plus haut des nuës,</l>
              <l rend="i">Et courir en tous lieux à vagues épanduës,</l>
              <l rend="i"> Qui n’eust pas dit, pour se vanger,</l>
              <l rend="i"> Que trop sensible à cette injure,</l>
              <l rend="i">Dans ses flots écumeux elle alloit submerger</l>
              <l rend="i"> Avec luy toute la Nature.</l>
              <l rend="i">Cependant elle a beau menacer &amp; grossir,</l>
              <l rend="i">La Seine a beau s’enfler pour le faire perir,</l>
              <l rend="i">Un seul Bateau de Vin souffre de sa colere ;</l>
              <l rend="i">L’ancre rompt, il se perd au dessus de Paris,</l>
              <l rend="i"> Et ne pouvant lors faire pis,</l>
              <l rend="i">Elle abaissa ses flots, &amp; tranquille Riviere,</l>
              <l rend="i">Reprit &amp; sa douceur, &amp; sa route ordinaire.</l>
              <l rend="i">Trop foible pour pouvoir en ses hardis desseins</l>
              <l rend="i">Reussir par la force ouverte,</l>
              <l rend="i">Elle n’en fut pas moins animée à sa perte,</l>
              <l rend="i"> Et gagnant quelques Medecins, ‡</l>
              <l rend="i"> De ceux que l’on nomme d’eau douce,</l>
              <l rend="i">A la vanger de luy les excite &amp; les pousse.</l>
              <l rend="i"> Les ravages qu’elle avoit faits</l>
              <l rend="i"> N’avoient point eu les grands succés</l>
              <l rend="i">Qu’elle se promettoit de leur adroit suffrage.</l>
              <l rend="i">Se trompoit elle ? Non, ses partisans nouveaux</l>
              <l rend="i">Contre luy déchaisnez en blâmerent l’usage,</l>
              <l rend="i">Et le faisant auteur de tant de divers maux</l>
              <l rend="i"> Qui rendent la vie incommode,</l>
              <l rend="i">Peu s’en fallut par là que l’Eau mise à la mode,</l>
              <l rend="i"> Ne vist au gré de ses souhaits,</l>
              <l rend="i">Cet orgueilleux réduit à la laisser en paix.</l>
              <l rend="i"> L’un d’eux, homme plein de sagesse, §</l>
              <l rend="i"> Et d’une insigne probité,</l>
              <l rend="i">Ne fut pas satisfait de l’ordonner sans cesse ;</l>
              <l rend="i">Il se servit encor de son autorité,</l>
              <l rend="i">Pour obliger l’Amant de sa charmante Niece</l>
              <l rend="i"> A soutenir en sa faveur</l>
              <l rend="i">La These qu’on impose à qui se fait Docteur.</l>
              <l rend="i">Ce Candidat qui sçait plus que la Medecine,</l>
              <l rend="i"> Et qui sur des sujets divers,</l>
              <l rend="i"> Peut, soit en Prose, soit en Vers,</l>
              <l rend="i">Signaler son esprit, son bon goust, sa doctrine ;</l>
              <l rend="i">Tirsis, dis-je, ravy de trouver ce moyen</l>
              <l rend="i">De montrer à la fois &amp; son ardeur pour elle,</l>
              <l rend="i">Et ce qu’il sent pour luy de respect &amp; de zele,</l>
              <l rend="i">Soutient l’Acte en vainqueur, &amp; s’en tire si bien,</l>
              <l rend="i">Que des Amis du Vin malgré toute l’adresse,</l>
              <l rend="i">L’Eau joyeuse en vit lors triompher sa foiblesse.</l>
              <l rend="i">Du plaisir qu’elle en eut les savoureux transports</l>
              <l rend="i">Furent d’autant plus doux que contre leurs efforts</l>
              <l rend="i">Elle avoit craint de voir eschoüer sa vangeance.</l>
              <l rend="i">Cependant ce plaisir, contre son esperance,</l>
              <l rend="i">Comme ces feux de l’air que dissipent les vents,</l>
              <l rend="i"> Ne dura qu’autant de momens</l>
              <l rend="i">Que du tendre Tirsis dura la complaisance.</l>
              <l rend="i">Elle seule l’avoit jetté dans son party,</l>
              <l rend="i">Et du Vin qu’à ses pieds son bras venoit d’abattre</l>
              <l rend="i">On sçait qu’il n’estoit pas à tel point Ennemy</l>
              <l rend="i">Qu’il voulust en tous lieux, &amp; toujours le combattre.</l>
              <l rend="i">En effet à grand’ peine est-il receu Docteur,</l>
              <l rend="i"> Que dans le repas magnifique</l>
              <l rend="i"> Qui suivit cet Acte authentique,</l>
              <l rend="i"> Il en devient le protecteur,</l>
              <l rend="i">Et de le boire pur luy fait même l’honneur.</l>
              <l rend="i">Il eut pourtant d’abord la plaisante malice</l>
              <l rend="i"> De ne faire servir à ceux</l>
              <l rend="i">Qui de le condamner luy faisoient l’injustice,</l>
              <l rend="i"> Que de l’Eau ; la plus-part d’entre eux</l>
              <l rend="i"> Jettoient de temps en temps sur elle</l>
              <l rend="i">De plus tristes regards que n’exigeoit leur zele,</l>
              <l rend="i"> Et quoique prests en d’autres lieux</l>
              <l rend="i"> D’en loüer l’utile recette,</l>
              <l rend="i">Ils luy portoient à table une haine secrette.</l>
              <l rend="i">Tirsis du coin de l’œil les observoit. Messieurs,</l>
              <l><hi rend="i">Leur dit-il en riant, cette liqueur est saine ;</hi></l>
              <l rend="i">Elle étanche la soif, elle abbat les Vapeurs,</l>
              <l rend="i">Et vous en connoissez la vertu souveraine.</l>
              <l rend="i"> Ainsi consacrons luy ce jour,</l>
              <l rend="i">Par le plaisir d’en boire animons cette feste.</l>
              <l> <hi rend="i">Ça, Laquais, verse tour à tour.</hi></l>
              <l rend="i">Mais quoy, qui vous retient ! non, non, pour vostre teste</l>
              <l rend="i">J’en répons, &amp; sans risque on peut en faire excez ;</l>
              <l rend="i">N’en craignez rien, Messieurs, qu’elle est claire ! ah, jamais</l>
              <l rend="i"> Source de roche, ny fontaine</l>
              <l rend="i"> N’approcha de cette eau de Seine.</l>
              <l rend="i">Rien de plus ravissant. Depesche donc, Laquais,</l>
              <l rend="i"> Et d’un air moins mélancolique</l>
              <l rend="i"> Que chacun, trinquant à longs traits,</l>
              <l rend="i"> Acheve son panegyrique.</l>
              <l rend="i">A ces mots un frisson les saisit tous ; enfin</l>
              <l rend="i"> Las de jouir de leur chagrin</l>
              <l rend="i">Il leur fit par pitié paroistre vingt bouteilles</l>
              <l rend="i"> D’un Vin couleur d’œil de Perdrix,</l>
              <l rend="i"> Et le meilleur qui dans Paris</l>
              <l rend="i"> Fust venu des Remoises Treilles.</l>
              <l rend="i">Ce qu’ils avoient de sombre aussitost disparut ;</l>
              <l rend="i">Cet agreable aspect dissipa leur tristesse,</l>
              <l rend="i">Et tous, reprenant lors leur premiere allegresse,</l>
              <l rend="i">Se jetterent dessus, &amp; l’Oncle même en bût.</l>
              <l rend="i">L’Eau voulut, mais en vain, leur remettre en memoire</l>
              <l rend="i">La These que Tirsis venoit de soutenir ;</l>
              <l> <hi rend="i">Loin d’aimer à s’en souvenir</hi></l>
              <l rend="i"> Nul ne s’avisa plus d’en boire,</l>
              <l rend="i"> Et, tant que dura le festin,</l>
              <l rend="i">Charmé de la douceur de cet excellent Vin</l>
              <l rend="i"> Le plus sage mesme, à sa gloire,</l>
              <l rend="i"> Oublia, le Verre à la main,</l>
              <l rend="i"> Qu’il estoit sobre &amp; Medecin.</l>
              <l rend="i">Elle vit bien par là que si dans leur Ecole</l>
              <l rend="i">Quelques-uns d’eux pour elle osoient se déclarer,</l>
              <l rend="i"> Elle n’en pouvoit esperer</l>
              <l rend="i"> Qu’un triomphe &amp; court, &amp; frivole,</l>
              <l rend="i">Et que le Vin ailleurs par ses attraits puissans</l>
              <l rend="i">Regagnoit sans retour ses foibles Partisans.</l>
              <l rend="i"> Il fallut prendre patience,</l>
              <l rend="i"> Et sur cet Acte sans compter,</l>
              <l rend="i"> Se soumettre, &amp; se contenter</l>
              <l rend="i"> De cette petite vangeance.</l>
              <l rend="i">Enfin d’une plus grande elle a beau se flatter,</l>
              <l rend="i">La Cabale du Vin plus forte &amp; plus fidelle</l>
              <l rend="i"> L’emportera toûjours sur elle,</l>
              <l rend="i"> Et quoi qu’encor les Medecins</l>
              <l rend="i">L’ordonnent quelque fois à ceux qui sont mal sains,</l>
              <l rend="i"> Eux-mêmes, dés qu’ils sont à table,</l>
              <l rend="i">S’en deffont, &amp; contens de s’en laver les mains,</l>
              <l rend="i">Jettent sur la Bouteille un regard favorable.</l>
            </lg>
            <note><p>* Bacchus.</p></note>
            <note><p>† Les Nymphes des Fontaines.</p></note>
            <note><p>‡ A cause qu’ils en boivent.</p></note>
            <note><p>§ M<hi rend="sup">r</hi> Perreau.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_120" resp="wordpro">
          <head>[Eloge funebre de Mr Pelisson, prononcé à l’Academie de Toulouse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 120-140.</bibl>
          <p/>
          <p>Je croy, Madame, vous avoir marqué dans quelqu’une de mes Lettres, qu’il s’est fait une Academie de gens de Lettres dans la Ville de Toulouse. Comme M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson en estoit le Fondateur, ceux qui composent cette Academie, ont voulu faire connoistre l’estime particulier qu’ils avoient pour luy, en luy rendant aprés sa mort tous les honneurs qu’il pouvoit attendre, &amp; de leur zele, &amp; de leur reconnoissance. Aprés avoir choisi pour Interprete de leurs sentimens, M<hi rend="sup">r</hi> de Rocoles, ancien Chanoine de S. Benoist de Paris, qui est de leur Corps, &amp; fort connu parmy les Sçavans par ses Ouvrages, ils se trouverent le Jeudy 9. du mois passé au lieu de leurs Assemblées ordinaires, où il prononça l’Eloge funebre de cet Illustre Défunt, en presence d’une infinité de personnes distinguées, &amp; par leur sçavoir, &amp; par leurs Charges. Son discours qui fut latin, dura une heure, &amp; fut divisé en trois parties. Il prit pour texte ces paroles de l’Ecclesiastique. <hi rend="i">In Thesauris sapientiæ intellectus, &amp; scientiæ religiositas</hi>. Dans la premiere partie il parla de sa naissance, illustre dans la Robe, puis qu’il estoit Fils &amp; petit Fils de deux Conseillers en la Chambre de l’Edit, &amp; arriere Fils d’un Premier President de Chambery. Il parla aussi du lieu de sa naissance qui estoit la ville de Beziers, quoy qu’il fust censé estre de Castres, &amp; de l’année qu’il vint au monde, sçavoir le 30. Octobre 1628. année remarquable par la prise de la Rochelle. Il y appliqua un bon augure pour ce grand homme, &amp; fit fort valoir son attachement pour les Lettres, &amp; le progrez qu’il y fit dés sa premiere jeunesse, sous la conduite de Morus, Ecossois si distingué par son érudition. De-là il passa à Toulouse, où il fit admirer la vivacité de son esprit, en surpassant tout le reste des jeunes gens qui prenoient des Leçons des mêmes Maistres ; &amp; comme si ce n’eust pas esté assez qu’il eust employé à l’étude le temps ordinaire que les autres y consacrent, il les continua toûjours sans que cette passion que l’âge ralentit ordinairement, diminuast en aucune sorte. L’Academie qu’il forma à Toulouse il y a trente cinq ou quarante ans en est une preuve. Il dit que M<hi rend="sup">r</hi> de Malapeire, dont il loüa la vertu &amp; le merite, se joignit avec cet Illustre Défunt, &amp; que son zele à remplir divers exercices, faisoit l’admiration de la Ville, &amp; l’étonnement de ses Collegues. Dans la seconde partie, il mit en avant sa vie publique, c’est-à-dire le temps qu’il a vécu à la Cour, &amp; la joye avec laquelle l’Academie Françoise le reçut pour un de ses Membres. Il parla ensuite de la confiance que feu M<hi rend="sup">r</hi> Fouquet avoit euë en luy, des malheurs dans lesquels s’estoit trouvé ce Ministre d’Estat, de la generosité avec laquelle M<hi rend="sup">r</hi> Pellisson l’avoit deffendu, &amp; il particularisa tout ce qu’il avoit fait pour sauver la vie &amp; l’honneur de ce Ministre. Il montra que la Prison qu’il souffrit, malgré l’obscurité qui l’accompagne, l’avoit delivré des tenebres de l’erreur, en luy inspirant l’envie de lire les Peres. Comme cette lecture l’avoit éclaircy entierement des doutes que les prejugez &amp; la naissance, ou une éducation contraire à celle de nostre Religion avoit pû luy faire sucer avec le lait, M<hi rend="sup">r</hi> de Rocoles fit valoir son juste discernement, d’avoir connu par des raisons qui ne peuvent estre contestées, que la Religion Catholique est la veritable. Enfin il parla de la faveur que le Roy, tout juste estimateur qu’il est du merite, ne luy accorda qu’aprés qu’il eut abjuré l’Erreur, comme si le Fils aîné de l’Eglise eust deû trouver indignes de ses bienfaits, tous ceux qui sont hors de sa croyance. Il fit mention des graces dont Sa Majesté l’avoit comblé en luy donnant les Abbayes de Benevent, de Gimont, &amp; en le faisant l’Oeconome &amp; le dispensateur de ses faveurs pour les nouveaux Convertis. Ce fut là, où il marqua sa prudence &amp; sa sagesse dans cette dispensation. Il dit que ne se contentant pas de leur donner les alimens temporels, il avoit fourni à plusieurs la nourriture spirituelle de l’ame, où en refutant les erreurs de leurs faux Pasteurs, ou en éclaircissant leurs doutes, lors qu’il avoit connu qu’il leur en restoit, ou en les consolant des Etablissemens considerables qu’ils avoient quittez dans les Pays Etrangers. Il leur remontroit avec combien d’avantage, l’esperance &amp; la durée des biens celestes qu’ils ne pouvoient attendre que dans nostre Religion, les indemniseroit à la fin de leur vie, du mépris qu’ils en avoient fait, &amp; que la gloire de vivre sous l’obeissance de nostre Auguste Monarque, surpassoit le plaisir de vivre par tout ailleurs. Enfin dans la troisiéme partie de ce discours, M<hi rend="sup">r</hi> de Rocoles fit voir combien M<hi rend="sup">r</hi> Pellisson avoit esté estimé de presque toutes les personnes de l’Europe, distinguées par leur élevation, par leur merite, par leur profonde litterature, &amp; par leur pieté, &amp; combien il avoit merité de l’estre par les Tresors de Science &amp; de Sagesse qu’il avoit possedez dans un degré tres-éminent. Ce fut en cet endroit qu’il fit un dénombrement de presque tous les Sçavans de l’Europe, qui avoient eu relation avec luy. Il commença par Alexandre-Morus, qui dans les derniers momens de sa vie, &amp; par testament, luy laissa un legs. Il parla de l’estime qu’en faisoient le premier Ministre d’Estat de Brandebourg, Othon de Schwerin, Baron de l’Empire, Prevost de l’Eglise Cathedrale de la Ville de Brandebourg ; François Curretin, &amp; Estienne le Moine, premiers Professeurs, l’un de Geneve, &amp; l’autre de Leide. Ce fut alors que M<hi rend="sup">r</hi> de Rocoles dit fort à propos, que puis qu’on faisoit tant de cas des alliances que la naissance donnoit, on en devoit encore faire beaucoup plus de celles que les belles Lettres procuroient. Il nomma les Alliez de M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson en cette maniere, c’est à dire, ceux des gens de Lettres, qui avoient esté ses meilleurs Amis, M<hi rend="sup">rs</hi> de Malapeire, Voiture, Vaugelas, Brebeuf, Godeau, Chapelain, Corneille, Scudery, Conrart, Menage, Gombaud, Segrais, &amp; autres. Il parla ensuite du R. Pere de la Chaize avec grand éloge, de mesme que de M<hi rend="sup">rs</hi> Bossuet &amp; Huet, Evesques de Meaux &amp; d’Avranches. Il n’oublia pas les contestations qu’il avoit euës avec le Ministre Pierre Jurieu, Professeur à Rotterdam, qu’il particularisa, &amp; ce fut sur ce sujet qu’il dit, que les debats des Sçavans ne servent bien souvent qu’à produire une estime mutuelle, &amp; à découvrir les erreurs &amp; les beveuës dans lesquelles l’un d’eux a donné. Il loüa les Ouvrages de Controverse de M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson, &amp; dit que malgré la nature de ces sortes d’Ouvrages Polemiques, il les écrivoit avec autant d’élegance que de pureté, &amp; que non seulement la charité chrestienne n’y estoit point offensée, mais qu’il avoit soin d’y observer toutes les regles de la bien-seance. Il dit encore combien dans la dispensation des Oeconomats il avoit distingué ceux qui estoient recommandables par leur érudition, ou qui avoient quelque attachement pour les belles Lettres, ajoûtant que l’esperance de ces Sçavans Convertis, qui sembloit comme éteinte par sa mort, venoit d’estre rallumée par la bonté que le Roy avoit euë de nommer pour dispensateur de ces mesmes bienfaits &amp; pensions, M<hi rend="sup">r</hi> Daguesseau, Conseiller d’Estat ordinaire, qui outre une naissance distinguée dans la Robe, comme estant Fils d’un premier President du Parlement de Guienne, &amp; descendant des personnes les plus considerables, possede encore une integrité admirable dans ses jugemens, beaucoup de politesse dans son langage, de la delicatesse dans ses expressions, &amp; une profonde érudition. Il dit qu’il parloit dans une Ville limitrophe de la Guienne, où son Pere &amp; luy successivement avoient vécu, &amp; dont les principaux Membres pouvoient porter un fidelle témoignage de toutes ses vertus &amp; de son éloquence, qu’il avoit souvent fait paroistre en l’Assemblée des Etats. Retournant ensuite à feu M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson, il parla de la gloire que l’Academie de Toulouse avoit euë d’avoir un tel Eleve, qui avoit donné des idées si avantageuses du reste de ses Membres, &amp; s’étendant sur les liaisons étroites que M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson avoit euës avec plusieurs autres personnes, il dit que pour faire voir sa solide pieté, il suffisoit de remarquer les sentimens qu’avoient toujours eus pour luy les deux hommes du Royaume en qui le Roy a témoigné avoir le plus de confiance, en leur donnant la conduite de ce qu’il a de plus cher au monde. M<hi rend="sup">r</hi> de Rocoles parla particulierement du R. Pere de la Chaize, en qui l’on voit également briller les avantages d’une naissance illustre, &amp; d’une pieté solide. L’autre Personne dont il fit aussi l’éloge, fut M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Meaux. La part qu’il a eue à l’éducation de Monseigneur le Dauphin, fait que la France admirera toujours en son digne chef-d-œuvre, ses vertus &amp; son érudition, dont ses Ouvrages sont les plus dignes Panegyristes. Enfin il parla du Livre posthume que M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson a laissé sur l’Eucharistie, &amp; dont il découvrit les particularitez ; &amp; comme la fin de toutes les loüanges que l’on peut attendre sur la terre, est empruntée de celles de nostre grand Monarque, il parla de son Histoire, dont la composition luy avoit esté confiée. Enfin il finit en disant qu’il n’y avoit personne qui ne fust convaincu que par toutes ses actions, M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson avoit entierement remply le caractere dont il l’avoit marqué revestu, lors qu’il avoit montré dans son discours qu’il avoit possedé des Tresors de sagesse, de discernement, &amp; de science, par lesquels il s’estoit rendu recommandable à la posterité, un miroir de vertu consommée aux personnes qui frequentent la Cour, un exemple aux Sçavans qui aspirent à la plus grande perfection, &amp; un parfait modelle aux Membres de l’Academie dont il avoit esté l’un des Fondateurs.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_204" resp="mercure">
          <head>Actions de graces rendues à Dieu par les Chevaliers Hospitaliers du Saint Esprit</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 204-207.</bibl>
          <p/>
          <p>La grace que le Roy a faite aux Chevaliers Hospitaliers du Saint Esprit, en desunissant leurs biens qui avoient esté unis à l’Ordre de Saint Lazare, est un effet trop éclatant de sa justice &amp; de sa bonté, pour ne pas les engager à rendre publics les témoignages de leur reconnoissance. C’est pourquoy, aussi tost que Mr Granvoinet de Salins, Prestre Religieux Profez de l’Ordre Hospitalier du Saint Esprit, Commandeur de Stephanspheld en Alsace, &amp; Deputé de ses Superieurs pour les affaires de son Ordre, eut appris que l’Edit de Sa Majesté estoit enregistré au Grand Conseil, &amp; qu’il alloit estre publié, il écrivit des Lettres Circulaires à tous les Confreres dans les maisons de son Ordre, qui s’estoient soustenuës, &amp; n’avoient point esté unies à celuy de Saint Lazare, tant pour leur donner avis de cette bonne nouvelle, que pour les inviter à remercier Dieu d’une grace si particuliere, &amp; à faire des Prieres pour la Santé, &amp; Prosperité du Roy, &amp; de toute la Famille Royale. Cela fut executé peu de jours après, avec toute la solemnité, &amp; toute la devotion possible, particulierement à Besançon &amp; à Dole en Franche Comté, ainsi qu’à Stephanspheld, où l’on chanta le Te Deum avec une grande Messe, &amp; les Prieres pour le Roy. Depuis ce temps-là, le mesme Commandeur deputé, eut l’honneur de remercier Sa Majesté au nom de tout son Ordre. Il fut presenté par Mr le Maréchal Duc de Duras, Gouverneur de la Franche-Comté.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_207" resp="wordpro">
          <head>[Eloge du Roy, prononcé à S. Germain en Laye]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 207-214.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Vendredy 15. de ce mois, M<hi rend="sup">r</hi> le Maire, Professeur en Humanitez à Saint Germain en Laye, fit le Panegyrique de Sa Majesté. C’estoit le jour où Elle entroit dans la cinquante &amp; uniéme année de son Regne, sur quoy l’on peut dire qu’un Regne si long, marque une abondance de Benedictions du Ciel sur ce Prince. Aprés avoir dit qu’on ne devoit pas estre surpris que dans un temps où il n’y avoit presque personne qui ne parlast de ses grandes actions, &amp; qui n’admirast sa Pieté, sa Valeur, sa Sagesse, &amp; sa Justice, il fist paroistre le zele qui est naturel à de fidelles Sujets, en prenant part à la joye publique, &amp; à l’hommage annuel que la Ville &amp; l’Université de Paris, ne manquoient pas de luy rendre ce jour, il fit connoistre qu’il n’ignoroit pas que le dessein de traiter une si noble matiere, surpassoit d’autant plus ses forces, que les personnes les plus éloquentes estoient incapables d’y reussir, mais qu’au moins il se flattoit qu’on ne condamneroit point ses foibles efforts à vouloir donner des marques, &amp; de sa fidelité, &amp; de sa reconnoissance. Le Portrait du Roy suivit cet Exorde. Il le peignit pour le corps <hi rend="i">Os humerosque Deo similis</hi>, &amp; dit ensuite que <hi rend="i">ce Monarque avoit le cœur noble, l’ame belle &amp; genereuse, l’esprit net, solide &amp; vif, qu’il estoit plein d’honneur &amp; de probité, estimant ceux qui en ont, haïssant ceux qui en manquent, gardant sa parole avec une fidelité extreme, reconnoissant, constant dans le but qu’il s’est proposé, liberal par la seule vuë de faire du bien, pieux sans timidité, modeste sans affectation, sage sans inégalité, magnifique sans faste, juste sans severité, tendre &amp; bon sans foiblesse, ferme sans dureté : ayant toûjours la mesme conduite, toujours la mesme grandeur d’ame, toujours cette douce Majesté qui inspire également l’amour &amp; le respect ; qu’il estoit affable aux Etrangers, qu’il aimoit tendrement ses Sujets, qui de leur costé le regardoient comme leur veritable Pere ; que lors qu’un honneste homme, de quelque condition ou profession qu’il fust, estoit assez heureux pour l’approcher, son merite luy estoit une recommandation assurée pour parvenir à la fortune, mais qu’il aimoit que l’on s’attachast à son devoir ; qu’on le trompoit rarement deux fois, &amp; qu’on pouvoit dire sans exagerer, que c’estoit le Prince de l’Univers qui se connoissoit le mieux en physionomie, &amp; qui penetroit plus avant dans le cœur de ceux qui luy parloient ; qu’il joignoit à cette grande penetration, un discernement admirable, une memoire prodigieuse, &amp; qu’il sçavoit la portée de l’esprit de ceux qui l’approchoient. Qu’il estoit outre cela grand Capitaine, brave, ayant le courage d’un Soldat &amp; l’ame d’un Prince, intrepide dans le peril, infatigable &amp; laborieux à tout entreprendre, inépuisable dans les ressources, impenetrable dans ses desseins, tres-clair-voyant dans ceux d’autruy, agissant lors qu’il paroissoit le plus en repos, &amp; d’une prévoyance incroyable pour l’avenir ; qu’il donnoit les ordres aussi bien dans les Armées, que dans les Conseils ; qu’il disposoit tout, assistoit à tout, animoit tout par son autorité, par ses soins, &amp; par ses exemples, &amp; que son Genie seul estant capable de suffire à tout, la source de ses Conseils estoit en luy-mesme ; qu’il soutenoit seul le poids des affaires ; que c’estoit à son cœur &amp; à son esprit que nous devions tant de grands succez, &amp; qu’ayant tout ensemble la gloire du dessein, &amp; celle de l’execution, ce qu’il pensoit n’avoit pas moins de grandeur, que ce qu’il faisoit.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_214" resp="mercure">
          <head>[Pompe funebre de Mademoiselle d’Orleans, faite à Saint Denis, avec l’invitation faite aux Compagnies Superieures, &amp; autres, &amp; la description du Mausolée</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 214-231.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 6. de ce mois, les Herauts &amp; le Roy d’Armes allerent au Parlement, à la Chambre des Comptes, &amp; à la Cour des Aides, avec Mr le Marquis de Blainville, Grand-Maistre des Ceremonies ; à la Cour des Monnoyes, à l’Election, à l’Université, au Chastelet, &amp; à l’Hostel de Ville, avec Mr des Granges, Maistre des Ceremonies, pour faire faire par les Jurez Crieurs qui les suivoient, les proclamations de la Pompe funebre de Mademoiselle d’Orleans. Cette ceremonie commence toujours par le Parlement, &amp; se fait ainsi. Les Herauts entrent d’abord dans la Grand’-Chambre, vestus d’une grande robe de drap noir avec leur cotte d’armes, &amp; s’approchent prés du Barreau, puis ayant fait leurs reverences accoutumées, ils passent au Barreau, où ils se tiennent debout, mais couverts. le Grand-Maistre des Ceremonies entre, &amp; après avoir rendu la Lettre de Cachet du Roy, il prend seance avec les Conseillers. Un Commissaire de la Cour fait lecture de la Lettre ; puis la Cour ayant répondu, un Heraut dit aux Jurez Crieurs qui suivent, de faire la proclamation ; &amp; aprés que les Crieurs ont sonné leurs clochettes, l’un d’eux s’avance proche du Barreau &amp; dit, <hi rend="i">Messieurs, priez Dieu pour l’ame de tres haute &amp; tres puissante Princesse, &amp;c</hi>. Il dit le nom &amp; toutes les qualitez, puis il repete encore, <hi rend="i">priez Dieu pour l’ame, &amp;c</hi>. &amp; ajoûte, <hi rend="i">pour le repos de l’ame de laquelle le Roy fait faire un Service solemnel en l’Eglise Royale de Saint Denis en France, un tel jour &amp; à telle heure</hi>. Cette proclamation faite, les Herauts &amp; le Grand Maistre des Ceremonies se retirent, &amp; en font autant aux autres Compagnies. Quand ces proclamations eurent été faites pour Mademoiselle d’Orleans, les Herauts se transporterent à Saint Denis en France, pour assister aux Vespres des Morts qui y furent chantées le même jour sur les quatre heures après midy, par les Religieux de cette Abbaye. Les Herauts furent posez par le Roy d’Armes aux quatre coins &amp; au devant du Corps, &amp; tous les Officiers &amp; toutes les Officieres de cette Princesse assisterent à ces Vespres. Le lendemain matin, les Herauts ayant esté posez comme le jour précedent, les Officiers &amp; Officieres de la Maison de Mademoiselle d’Orleans furent placez dans le Choeur par M<hi rend="sup">r</hi> des Granges ; &amp; sur les dix heures du matin, les Compagnies que le Roy avoit fait inviter estant arrivées jusques à onze heures &amp; demie, furent aussi placées par M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Blainville, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> des Granges. Puis les Heauts s’estant levez d’auprés le Corps, aprés avoir fait leurs reverences, s’en allerent avec le Roy d’Armes prendre Monsieur le Duc de Chartres, &amp; Madame la Duchesse de Chartres, Monsieur le Duc, &amp; Mademoiselle, Monsieur le Prince de Conty, &amp; Madame de Guise, dans une maison qui est au dehors de l’Abbaye, où ils trouverent Mr le Marquis de Blainville, M<hi rend="sup">r</hi> des Granges &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Martinet, ce dernier Aide des Ceremonies. Ils firent marcher devant eux tous les Pauvres mandians avec chacun un flambeau de cire blanche à la main. Ensuite marcherent les Jurez Crieurs avec leurs robes de drap noir, un Ecusson des Armes de la Princesse Défunte devant &amp; derriere, puis les Herauts, le Roy d’Armes, l’Aide, le Maistre, &amp; le Grand Maistre des Ceremonies ; Monsieur le Duc &amp; Madame la Duchesse de Chartres, Monsieur le Duc &amp; Mademoiselle, Monsieur le Prince de Conti, &amp; Madame de Guise. Ils entrerent en cet ordre par la grande porte de l’Eglise. [...]</p>
          <p>[...] Tout ce qui regarde [la] Pompe funebre [dressée dans l’église] estoit du dessein de M<hi rend="sup">r</hi> Berrin, Dessinateur du Cabinet du Roy, qui avoit pris soin de le faire executer luy mesme. Il estoit difficile de faire quelque chose qui parust beaucoup avec une Tenture blanche ; cependant il avoit trouvé moyen de l’enrichir d’ornemens, qui faisant un contraste avec le blanc, la faisoient beaucoup paroistre.</p>
          <p>Les Mandians furent rangez des deux costez de la Nef, jusques au Choeur, &amp; les Crieurs estant restez dans la Nef, les Heraults reprirent leurs places. Les Princes &amp; les Princesse furent conduits aux leurs par Mr le Marquis de Blainville, &amp; Mr l’Archevesque d’Auche qui officia, estant allé à l’Autel avec le Clergé, les Religieux commencerent au Choeur le Libera ; il fut repris par la Musique du Roy, qui acheva de chanter pendant la Messe. A l’Offerte, les Reverences accoûtumées furent faites par le Roy d’Armes, les Heraults, l’Aide, le Maistre, le grand Maistre des Ceremonies, les Princes &amp; les Princesses ; puis l’Oraison Funebre fut prononcée par Mr l’Abbé Anselme. La Messe estant achevée, l’aspersion &amp; les encensemens se firent par les Evesques &amp; les Archevesques, apres quoy le Roy d’Armes se leva de sa place, &amp; alla audevant du Corps, où ayant appellé les Officiers de la Chambre de feu Mademoiselle d’Orleans, il leur dit de rendre les derniers devoirs à leur Maistresse. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_235" resp="mercure">
          <head>[Service fait à Honfleur pour la mesme Princesse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 235-236.</bibl>
          <p/>
          <p>On a écrit de Honfleur, que les Echevins y avoient fait sonner toutes les Cloches, sitost qu’ils eurent appris la mort de Mademoiselle d’Orleans, qui estoit Dame de leur Ville. Cela fut continué jusqu’au 6. de ce Mois qu’ils luy firent faire un Service solemnel dans la principale Eglise. Elle estoit tenduë à double rang, ornée d’Ecussons, &amp; dans le Choeur un superbe Mausolée. Le Pere Pascal Capucin, l’un des plus celebres Predicateurs de la Province, prononça l’Oraison Funebre de cette Princesse avec beaucoup d’applaudissement.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_237" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 237-242.</bibl>
          <p/>
          <p>Il est rare de trouver un merite aussi generalement reconnu, que celuy de M<hi rend="sup">r</hi> de Catinat. Les promptes fortunes attirent presque toujours des Jaloux, bien que ceux à qui elles arrivent en soient trouvez dignes, mais M<hi rend="sup">r</hi> de Catinat a l’avantage d’avoir les suffrages de tout le Public, &amp; de voir qu’on luy rend tout d’une voix la justice que l’on ne rend quelque fois qu’avec peine à d’autres, quoy qu’elle leur soit legitimement duë. Sa modestie est si grande, que lors qu’il alla à Pignerol, aprés avoir esté honoré du Baston de Marechal de France, loin de permettre qu’on luy fist une Entrée, il ne voulut pas mesme souffrir que l’on tirast le Canon. Je vous envoye un Sonnet que M<hi rend="sup">r</hi> de Launay, Officier d’Artillerie à Chamberry, a fait à la gloire de ce General.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Illustre Catinat, dont la gloire est certaine</l>
              <l><hi rend="i">Par l’estime d’un Roy plus grand que les Cesars ;</hi></l>
              <l rend="i">Heros, dont on entend dire de toutes parts</l>
              <l rend="i">Que Rome n’eut jamais un plus grand Capitaine.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ton bras qui rend par tout la resistance vaine,</l>
              <l rend="i">Sur Nice &amp; Montmeillan planta nos Etendarts.</l>
              <l><hi rend="i">A Stafarde on te vit dans les plus grands hazards,</hi></l>
              <l rend="i">Vaillant comme un Condé, sage comme un Turenne.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais pourquoy m’engager en des soin superflus,</l>
              <l rend="i">En loüant dans ces Vers tes sublime vertus ?</l>
              <l><hi rend="i">L’équité de LOUIS le fait mieux que personne.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Pour prouver tes exploits à la Posterité,</l>
              <l rend="i">Ne te suffit-il pas que ce grand Roy te donne</l>
              <l rend="i">Un Baston qui te porte à l’immortalité ?</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Quoy que la médisance n’épargne personne, il sera difficile qu’elle attaque ce General, du moins n’a-t-on pas vû que jusques-icy elle ait osé l’entreprendre. C’est ce qui doit paroistre fort rare, si on examine que la médisance est une peste qui a de coutume de s’attacher au merite. Ceux qui s’y sentent portez, &amp; qui souhaitant de s’en corriger n’en sçauroient venir à bout, aussi bien que ceux qui craignent de tomber dans un vice si honteux, doivent lire un Livre nouveau contre la Médisance, qui se vend chez le S<hi rend="sup">r</hi> Dhoury, ruë S. Jacques, au Saint Esprit. Je croy que pour peu qu’ils y veuillent faire d’attention, ce defaut leur paroistra si condamnable, &amp; si indigne d’un honneste homme, qu’ils en auront de l’horreur. Ils trouveront à la fin du mesme Livre une description du Médisant, selon l’Ecriture Sainte, qui achevera de les engager à rendre justice à leur Prochain, &amp; les empêchera de le déchirer.</p>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_242" resp="wordpro">
          <head>[Service fait à Soissons]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 242-245.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 22. du mois passé, l’Academie de Soissons, qui est en partie redevable de son établissement aux bons offices de feu M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson, voulant témoigner sa reconnoissance envers un Ami si plein de merite &amp; de generosité, fit faire dans la Chapelle de l’Evesché un Service solemnel pour le repos de l’ame de ce grand homme. La Messe fut celebrée par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Hericourt, Directeur de la Compagnie, &amp; chantée par le Clergé du Seminaire, composé de plus de quarante Ecclesiastiques. Tous les Academiciens qui estoient alors à la Ville se trouverent à cette lugubre Ceremonie. S’il n’y eut point d’Oraison funebre, ce que vous allez lire de M<hi rend="sup">r</hi> de Bonnecorse en pourra servir.</p>
          <quote>
            <label>A MADEMOISELLE<lb />DE SCUDERY.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">D’un heroïque Ami ne plaignez plus le sort,</hi></l>
              <l rend="i">Consolez-vous, Sapho, la raison le demande.</l>
              <l rend="i">Vous perdez Pelisson, &amp; cette perte est grande ;</l>
              <l rend="i"> Mais qui ne perd pas en sa mort ?</l>
              <l rend="i"> Le Roy perd un Sujet fidelle,</l>
              <l rend="i">La Robe un Magistrat exact, juste &amp; prudent,</l>
              <l rend="i"> L’Eglise, un Défenseur ardent,</l>
              <l rend="i">Rempli de pieté, de doctrine &amp; de zele.</l>
              <l rend="i"> Pour chanter les fameux Exploits</l>
              <l rend="i">De LOUIS redouté sur ce vaste Hemisphere,</l>
              <l rend="i"> De LOUIS le plus grand des Rois,</l>
              <l rend="i"> Pelisson valoit un Homere.</l>
              <l rend="i">Il fut des doctes Sœurs le plus cher Nourrisson,</l>
              <l rend="i"> Et la France seroit sans cesse</l>
              <l rend="i">La Mere du Sçavoir &amp; de la Politesse,</l>
              <l rend="i"> Si chaque siecle avoit un Pelisson.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_281" resp="wordpro">
          <head>[Election de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon et de M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyère à l’Académié française]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 281-287.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Jeudy 14. de ce mois, Messieurs de l’Academie Françoise chosirent M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere, Auteur du Livre intitulé, <hi rend="i">Caracteres de Theophraste</hi>, comme le dignes Sujets, pour estre proposez à Sa Majesté, si Elle les agréoit pour remplir les places de M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Bussi Rabutin, &amp; de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Chambre. Le Roy ayant témoigné qu’ils luy estoient agreables, la Compagnie passe au second scrutin le Samedi 23. &amp; ils furent admis par tous les suffrages. Je vous en parleray plus amplement le mois prochain, aprés qu’ils auront esté receus. L’Academie Françoise a beaucoup perdu dans les quatre premiers mois de cette année. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Mothe-Fenelon a succedé à M<hi rend="sup">r</hi> Pelisson depuis deux mois, comme je vous l’ay mandé, &amp; outre les deux autres places qui viennent d’estre remplies, il y en a une quatriéme vacante par la mort de Messire François Tallemant, Abbé du Val-Chrestien, arrivée le 6. de ce mois. C’estoit un homme zelé &amp; officieux pour ses Amis, d’un commercé aisé, &amp; qui joignoit à une grande Litterature beaucoup de douceur &amp; de politesse. Il avoit esté vingt quatre ans Aumônier du Roy, &amp; il fut ensuite premier Aumônier de Madame. La parfaite connoissance qu’il avoit de la Langue Grecque luy fit entreprendre la Traduction des Vies des Hommes Illustres de Plutarque. Cet Ouvrage a eu l’approbation de tous les Sçavans, &amp; vous n’en douterez point quand vous sçaurez qu’il s’en est fait sept Editions. Il a aussi traduit de l’Italien l’Histoire de Venise du Procurateur Nani, qui luy en a témoigné beaucoup de satisfaction, par des Lettres pleines d’estime &amp; de reconnoissance. Il sçavoit encore parfaitement l’Espagnol &amp; l’Anglois, &amp; sa grande érudition attiroit chez luy toutes les semaines à certains jours quantité de gens de Lettres, qui apprenoient toujours quelque chose dans sa Conversation. Il estoit Frere de M<hi rend="sup">r</hi> Derreaux, qui mourut sur la fin de l’année derniere, &amp; de Madame la Comtesse de Ruvigni. Il estoit aussi Cousin germain de feu Madame d’Harambure, si estimée, tant qu’elle a vescu, de toutes les personnes d’esprit, Sœur de feu M<hi rend="sup">r</hi> Tallemand Maistre des Requestes, qui s’est acquité avec tant d’éclat &amp; de satisfaction du Roy &amp; des Peuples, des Intendances qui luy ont esté données. C’estoit le Pere de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Tallemant, Intendant des Devises &amp; Inscriptions des Edifices Royaux, qui remplit si bien sa place dans l’Academie Françoise. Celuy dont je vous parle en est mort le Sous Doyen. L’Abbaye du Val Chrestien, dont il joüissoit, estant dans l’appanage de Monsieur, ce Prince l’a donnée à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Magenville, Chantre de Saint Honoré, Docteur de Sorbonne, &amp; Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de Magenville, Tresorier des Bastimens du Roy, &amp; de la Maison de Son Altesse Royale.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_291" resp="wordpro">
          <head>[Traduction en vers des Satyres de Juvenal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 291-293.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous m’avez marqué que vous aviez leû avec plaisir la Traduction en Vers des Satyres de Juvenal, qui nous a esté donnée depuis deux ans avec des Notes aussi curieuses que sçavantes. M<hi rend="sup">r</hi> de Silvecane, President en la Cour des Monnoyes, qui en est l’Auteur, n’a pas voulu priver le public de voir les Satyres de Perse, traduites aussi en Vers, &amp; enrichies de semblables Notes. Cette fecondité dans un Magistrat, qui au milieu de ses grandes occupations, trouve encore du temps à donner à la Poësie, fait bien connoistre que ce talent luy est naturel, &amp; que ce qui seroit un travail penible pour un autre, n’est qu’un simple divertissement pour luy. Cette nouvelle <hi rend="i">Traduction en Vers</hi> des Satyres de Perse a esté imprimée à Lyon, &amp; se vend chez le S<hi rend="sup">r</hi> Michel Brunet, Libraire au Palais, qui debite aussi une Historiette du temps, intitulée <hi rend="i">la Princesse Agathonice.</hi></p>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_309" resp="wordpro">
          <head>[Printemps nouveau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 309-310.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous aurez sans doute attendu un Printemps de moy, mais cette agreable saison a esté si retardée, qu’il y a grande apparence que nous aurons l’Esté tout d’un coup aprés l’Hiver. C’est ce qui a donné lieu aux Vers suivans.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Vos concerts autrefois, aimable Philomele,</l>
              <l rend="i">Annonçoient les plaisirs de la saison nouvelle,</l>
              <l rend="i">Et préparoient nos cœurs au retour du beau temps.</l>
              <l rend="i"> Tout est changé ; les Tambours, les Trompettes,</l>
              <l rend="i">  Par leurs bruits éclatans</l>
              <l rend="i"> Vous font taire dans vos retraites,</l>
              <l rend="i">Et LOUIS seul qui part vous marque le Printemps.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Voicy d’autres Vers sur le retardement de cette saison.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Sçavez-vous que le Printemps,</l>
              <l rend="i">Las de sejourner en France,</l>
              <l rend="i">Soit chagrin, soit inconstance,</l>
              <l rend="i">Voyage depuis deux ans ?</l>
              <l rend="i">Il a trouvé que la guerre</l>
              <l rend="i">Troubloit icy les Amours.</l>
              <l rend="i">Il cherche quelque autre terre</l>
              <l rend="i">Qui profite des beaux jours.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-05_310" resp="mercure">
          <head>[Recueil des Motets de Mr. de Lorenzani]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1693 [tome 6], p. 310-313.</bibl>
          <p/>
          <p>Bien que la Musique soit aujourd’huy fort à la mode, &amp; qu’il y ait un tres-grand nombre de Compositeurs, il est certain que les Maistres excellens &amp; originaux sont rares. C’est ce qui fait croire que les vrais Connoisseurs ne seront pas fachez d’estre avertis, que Mr Lorenzani a fait imprimer depuis peu, à la sollicitation de ses Amis, par le Sr Christophe Ballard, un Recueil de plusieurs de ses Motets à une, deux trois, quatre, cinq &amp; six parties, avec les simphonies, le tout en onze volumes dediez au Roy. Mr de Lorenzani remplissoit à Rome avec éclat la place de Maistre de Musique des Jesuites, lorsqu’on luy vint offrir celle de la Cathedrale de Messine, bien plus importante par sa reputation, &amp; par ses revenus, qu’aucune autre d’Italie. Mr le Maréchal de Vivonne, aussi distingué par son esprit &amp; par son bon goust que par ses grands Emplois &amp; par sa naissance, qui commandoit pour lors en Sicile, l’honora bien-tost de son estime &amp; de sa bienveillance, &amp; lors que ce Seigneur revint en France, aprés les revolutions de Messine, il engagea Mr de Lorenzani à le suivre jusqu’à Paris, avant que de retourner à Rome, où la Maistrise de S. Pierre luy estoit offerte. Il le conduisit à la Cour, &amp; le presenta au Roy, auquel il fit entendre des Motets &amp; des Airs Italiens de sa composition, dont Sa Majesté parut si contente, qu’Elle eut la bonté de luy faire dire, que s’il vouloit demeurer en France, Elle auroit soin de sa fortune. Ces paroles furent bientost suivies d’un Present considerable, pour luy faire acheter de Mr Boisset la Charge de Maistre de Musique de la feuë Reine, qu’il a exercée jusqu’à la mort de cette Princesse.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-06">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juin 1693 [tome 7]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-06_007" resp="wordpro">
          <head>Prière pour le Roy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1693 [tome 7], p. 7-16.</bibl>
          <p/>
          <p>Ie ne puis mieux commencer ma Lettre de ce mois-cy, que par un Ouvrage de la nature de celuy que vous allez lire. Non seulement il est de saison, mais il fait voir jusqu’où va l’ardeur du zele des Sujets du Roy, pour un Prince si digne de leur admiration, de leurs vœux, &amp; de leur amour.</p>
          <quote>
            <label>PRIERE POUR LE ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Souverain des Mortels, qui d’une voix feconde,</l>
              <l rend="i">As tiré du néant les merveilles du monde,</l>
              <l rend="i">Toy qui tiens dans ses bords l’Ocean limité,</l>
              <l rend="i">Et guides du Soleil le Char précipité,</l>
              <l rend="i">Si ton bras, pour sauver une infidelle Race,</l>
              <l rend="i">Des Peuples du Jourdain dompta jadis l’audace,</l>
              <l rend="i">Et si les vœux ardens que poussoit un Mortel,</l>
              <l rend="i">Livrerent Amalec au glaive d’Israël ;</l>
              <l rend="i">Grand Dieu, pour proteger le Heros de la France,</l>
              <l rend="i">Arme ce mesme bras de ta toute-puissance,</l>
              <l rend="i">Et ne rejette pas les vœux réiterez</l>
              <l rend="i">Qui s’élevent à toy de nos Temples sacrez.</l>
              <l rend="i"> Ce pieux Conquerant que hait la pâle Envie,</l>
              <l rend="i">Et qui contre sa rage en toy seul se confie,</l>
              <l rend="i">A détruit pour jamais l’Empire du Demon,</l>
              <l rend="i">Et forcé l’Heretique à réverer ton nom.</l>
              <l rend="i">Tandis que nos Voisins demasquant leur faux zele,</l>
              <l rend="i">Adorent le Veau d’or à leur honte éternelle,</l>
              <l rend="i">Ces lâches deserteurs de la cause des Rois,</l>
              <l rend="i">Sans craindre ta colere, insultent à tes Loix.</l>
              <l rend="i">A ces nouveaux Titans fais donc mordre la poudre ;</l>
              <l rend="i">Plonge-les sous les eaux, brûle-les de ta foudre.</l>
              <l rend="i">Assez &amp; trop longtemps un Prince audacieux</l>
              <l rend="i">A violé les droits de la terre &amp; des Cieux.</l>
              <l rend="i">Cesse de separer le crime du supplice,</l>
              <l rend="i">Et sur les Criminels signale ta justice.</l>
              <l rend="i"> Mais si tant de Combats qu’il t’a plû de benir,</l>
              <l rend="i">Peuvent estre garans d’un heureux avenir,</l>
              <l rend="i">Quel espoir trop flateur, pour finir nos alarmes,</l>
              <l rend="i">Doit la France attaquée interdire à ses armes ?</l>
              <l rend="i">Qu’a produit jusqu’icy ce redoutable amas</l>
              <l rend="i">De Guerriers assemblez de cent divers climats ?</l>
              <l rend="i">Poussé du vain desir d’envahir nos rivages,</l>
              <l rend="i">Le Batave a quitté ses bourbeux marécages.</l>
              <l rend="i">L’Ibere bazané, bien que cent fois battu,</l>
              <l rend="i">Ranime contre nous sa mourante vertu.</l>
              <l rend="i">Le belliqueux Germain, l’effroy des Janissaires,</l>
              <l rend="i">Fait luire aux bords du Rhin ses glaives sanguinaires.</l>
              <l rend="i">Le fier Vsurpateur qui commande aux Anglois,</l>
              <l rend="i">Médite jour &amp; nuit de tragiques exploits ;</l>
              <l rend="i">Et des sommets neigeux de ses froides montagnes</l>
              <l rend="i">L’Allobroge descend dans nos riches campagnes.</l>
              <l rend="i">Mais malgré leurs efforts tes foudroyantes mains</l>
              <l rend="i">Ont toujours renversé des projets fort hautains.</l>
              <l rend="i">Ces fieres Nations contre nous soulevées,</l>
              <l rend="i">Ont vû de jour en jour leurs Place enlevées ;</l>
              <l rend="i">Et Staffarde &amp; Fleurus blancs de leur ossemens,</l>
              <l rend="i">Sont de nostre valeur d’éternels monumens.</l>
              <l rend="i">Ainsi, que l’Ennemy fasse autour de nos testes</l>
              <l rend="i">Tonner le bruit affreux des plus noires tempestes,</l>
              <l rend="i">Sur ton secours la France établit son espoir,</l>
              <l rend="i">Et l’Univers armé ne sçauroit l’émouvoir.</l>
              <l rend="i">Tel un ferme rocher, au milieu de l’orage,</l>
              <l rend="i">Des Autans &amp; des flots dompte l’aveugle rage.</l>
              <l rend="i"> Tandis que dans les yeux de nos braves Guerriers</l>
              <l><hi rend="i">Brille un noble desir de cueillir des Lauriers,</hi></l>
              <l rend="i">On voit nos champs couverts des Laboureurs tranquilles ;</l>
              <l rend="i">Le commerce entretient l’abondance en nos Villes.</l>
              <l rend="i">Le Roy d’un front égal trace de grands desseins,</l>
              <l rend="i">Et la guerre en fureur ne nuit qu’à nos Voisins.</l>
              <l rend="i">Nous les verrons bien-tost, ces cohortes si fieres,</l>
              <l rend="i">Loin de nous attaquer, trembler pour leurs frontieres.</l>
              <l rend="i">L’hiver fuit, &amp; déja j’apperçois dans les airs</l>
              <l rend="i">Un terrible appareil de foudres &amp; d’éclairs.</l>
              <l rend="i">Où fondra cet orage, &amp; quel de tant de Princes</l>
              <l rend="i">Doit voir ses Etats mis au rang de nos Provinces ?</l>
              <l rend="i">De l’une à l’autre Mer tout est remply d’effroy ;</l>
              <l rend="i">Et la pâle terreur donne par tout la loy.</l>
              <l rend="i">Le Savoyard glacé sur les Alpes chenuës</l>
              <l rend="i">Croit voir à tous momens crever le sein des nuës.</l>
              <l rend="i">Puissant Dieu des Combats, quelque part que LOUIS</l>
              <l rend="i">Aille se faire craindre, &amp; replanter ses Lis,</l>
              <l rend="i">Pour le bien de la France &amp; l’honneur de l’Eglise,</l>
              <l rend="i">Donne une fin heureuse à sa haute entreprise.</l>
              <l rend="i">Fais que ses Ennemis gemissent dans les fers,</l>
              <l rend="i">Et confons leur audace aux yeux de l’Univers.</l>
              <l rend="i">Sur tout dans ce long cours d’une guerre inhumaine,</l>
              <l rend="i">Sauve-le des perils où sa valeur l’entraisne.</l>
              <l rend="i">Que les Anges armez suivent ses Etendarts,</l>
              <l rend="i">Et gardent sa personne au milieu des hazards.</l>
              <l rend="i">Cependant, puis qu’ainsi ta sagesse l’ordonne</l>
              <l rend="i">Que toujours le Combat précede la Couronne</l>
              <l rend="i">Les travaux glorieux de ce sage Heros</l>
              <l rend="i">Conduiront ses Sujets dans un heureux repos.</l>
              <l rend="i">Alors nous sentirons l’effet de tes paroles.</l>
              <l rend="i">Tu chasseras la guerre au de-là des deux Pôles.</l>
              <l rend="i">Le fer ne servira qu’à tendre nos moutons,</l>
              <l rend="i">A fendre nos guerets, à couper nos moissons.</l>
              <l rend="i">Du métier de combattre on perdra la memoire ;</l>
              <l><hi rend="i">Les hommes chercheront une plus juste gloire ;</hi></l>
              <l rend="i">Et leurs esprits charmez par une longue Paix,</l>
              <l rend="i">S’uniront pour benir l’Auteur de ces bienfaits.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-06_037" resp="wordpro">
          <head>Sur le Printemps</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1693 [tome 7], p. 37-42.</bibl>
          <p/>
          <p>Nous avons eu le Printemps si tard, que vous ne devez pas estre étonnée de la Piece que je vous envoye quand l’Esté commence.</p>
          <quote>
            <label>SUR LE PRINTEMPS.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Ma Muse, du Printemps ressens-tu le pouvoir ?</l>
              <l rend="i">Quoy, cette saison si feconde</l>
              <l rend="i">Qui redonne la vie au monde</l>
              <l rend="i">Ne sçauroit-elle t’émouvoir ?</l>
              <l rend="i">Pendant que l’Hiver dans ses glaces</l>
              <l rend="i">Tenoit la Nature en prison,</l>
              <l rend="i">Pour justifier tes disgraces</l>
              <l rend="i">Je m’en faisois une raison.</l>
              <l rend="i"> Le grand froid par sa violence</l>
              <l rend="i"> Rendoit perclus chaque Element.</l>
              <l rend="i">Tout paroissoit muet, &amp; dans ce changement</l>
              <l rend="i"> J’excusois pour lors ton silence ;</l>
              <l rend="i"> Mais le Printemps est de retour,</l>
              <l rend="i">Cette belle saison sollicite ta Veine,</l>
              <l rend="i">Elle te fournira cent sujets chaque jour.</l>
              <l rend="i">Serois-tu plus longtemps sans force &amp; sans haleine ?</l>
              <l rend="i">Peins-nous de ces beaux jours l’enchantement nouveau,</l>
              <l rend="i">Le doux bruit des ruisseaux, les fleurs &amp; la verdure :</l>
              <l rend="i"> Muse, fais-nous un fidelle Tableau</l>
              <l rend="i">Des embellissemens qui parent la Nature.</l>
              <l rend="i"> Loin de la neige &amp; des glaçons,</l>
              <l rend="i">Dis-nous comment la rose est sur le point d’éclore,</l>
              <l rend="i">Comme quoy les Zephirs se joignant avec Flore,</l>
              <l rend="i">Echauffent à l’envi les naissantes moissons.</l>
              <l rend="i"> Voy les Oiseaux dans ce bocage</l>
              <l rend="i"> Qui chantent leurs tendres ardeurs.</l>
              <l rend="i"> Leurs chants n’auroient point ces douceurs,</l>
              <l rend="i">Si l’aimable Printemps ne formoit leur langage.</l>
              <l rend="i">Apprens-nous le bonheur des hostes de ces bois.</l>
              <l rend="i"> L’amour n’a point de dures loix</l>
              <l rend="i"> Pour leurs cœurs quand il les enchaîne.</l>
              <l rend="i"> Rien ne s’oppose à leurs desirs,</l>
              <l rend="i"> Le seul panchant qui les entraîne</l>
              <l rend="i"> Sert de mesure à leurs plaisirs.</l>
              <l rend="i">Entens-tu ce Berger assis sous ce vieux chesne ?</l>
              <l rend="i">Que ses accens sont doux ! qu’il chante tendrement !</l>
              <l rend="i"> L’eau qui sort de cette fontaine</l>
              <l rend="i">Semble pour l’écouter couler plus lentement.</l>
              <l rend="i"> L’Hiver avoit interdit sa Musette,</l>
              <l rend="i"> Le seul Printemps a sceu le ranimer.</l>
              <l rend="i"> Muse, à ton tour cesse d’estre muette,</l>
              <l rend="i"> Ne sçaurois tu te résoudre à rimer ?</l>
              <l rend="i">Pour vanter le Printemps, ah, si rien ne t’excite,</l>
              <l rend="i">  Parmy tant de sujets divers,</l>
              <l rend="i">Ecoute celuy-cy, je suis seur qu’il merite</l>
              <l rend="i">  Tout l’encens de tes Vers.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">L’invincible LOUIS, qui fixe la Victoire,</l>
              <l rend="i">Qui fait depuis long-temps trembler le monde entier,</l>
              <l rend="i"> Quoy que l’hiver par un nouveau sentier</l>
              <l rend="i"> Souvent le conduise à la gloire,</l>
              <l rend="i"> De ce grand &amp; fameux Heros</l>
              <l rend="i">C’est toujours au Printemps que la valeur commence</l>
              <l rend="i">A porter la terreur, à troubler le repos</l>
              <l rend="i"> Chez les Ennemis de la France.</l>
              <l rend="i"> Peuples liguez, dont l’aveugle fureur</l>
              <l rend="i"> Pretend en vain nous donner des alarmes,</l>
              <l rend="i">Le retour des Zephirs vous cause autant d’horreur,</l>
              <l rend="i">Qu’il ramene chez nous de plaisirs &amp; de charmes.</l>
              <l rend="i"> C’est dans ce temps que nos Guerriers,</l>
              <l rend="i"> Superbes de mille conquestes,</l>
              <l rend="i"> Vont se couronner de Lauriers</l>
              <l rend="i"> Dont la Gloire ceindra leurs testes.</l>
              <l rend="i"> La Meuse, l’Escaut &amp; le Rhin</l>
              <l rend="i">Ne sçauroient arrêter leur courage intrepide,</l>
              <l rend="i"> Animez par le Souverain</l>
              <l rend="i"> Qui les commande &amp; qui les guide,</l>
              <l rend="i"> On leur resisteroit en vain.</l>
              <l rend="i">A mes brûlans desirs fais que ton feu réponde,</l>
              <l rend="i">Muse, toy que l’on vit m’obeir autrefois ;</l>
              <l rend="i"> Aujourd’huy prêtre-moy ta voix</l>
              <l rend="i"> Pour celebrer le plus grand Roy du monde.</l>
              <l rend="i">Mais, helas ! où m’emporte un projet insensé ?</l>
              <l rend="i">A mes vœux trop hardis garde-toy de te rendre,</l>
              <l rend="i"> Regle-toy sur le temps passé,</l>
              <l rend="i">Où le seul Appellés pouvoit peindre Alexandre.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-06_119" resp="thomas">
          <head>[Détail de l’Entrée de Mr de Bonrepaux à Copenhague]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1693 [tome 7], p. 119-145.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Bonrepaux, Ambassadeur Extraordinaire de Sa Majesté en Dannemark, fit son Entrée publique à Copenhague le Lundy 18. du mois passé, avec toutes les ceremonies qui se pratiquent en cette Cour là dans ces sortes de receptions. En voicy un détail exact où je puis dire que rien n’est obmis. Ce jour-là, sur les deux heures aprés midy, M<hi rend="sup">r</hi> l’Ambassadeur sortit de sa Maison de Copenhague, pour se rendre dans une autre, éloignée de la Ville, qui avoit esté preparée pour cela, &amp; d’où toute la Marche devoit commencer. Il s’y rendit dans l’ordre suivant. Son Ecuyer suivi de ses quatre Pages à cheval, &amp; aprés ceux cy, de deux Palefreniers qui conduisoient deux chevaux de main, estoit à cheval à la teste de tout le Cortege. Douze de ses Valets de pied marchoient ensuite deux à deux devant son premier Carrosse, qui estoit couvert d’une Housse de Velours Cramoisi, avec une Crepine d’or. M<hi rend="sup">r</hi> de Bonrepaux estoit dedans avec M<hi rend="sup">r</hi> de Pradals, Gentilhomme François, &amp; son troisiéme Carrosse venoient aprés ce premier, remplis de ses Gentilshommes, Secretaire &amp; autres. [...]</p>
          <p>Dans la premiere place qui estoit sur sa route dans la Ville, on avoit posté un Bataillon Tambour battant, Enseignes deployées, presentant les Armes, &amp; les Officiers saluant M<hi rend="sup">r</hi> l’Ambassadeur avec la Pique. [...]</p>
          <p>Deux Pages du Roy de Dannemarck servirent M<hi rend="sup">r</hi> l’Ambassadeur en son absence pendant tout le reste du repas, qui fut accompagné de Trompettes, de Violons &amp; d’autres Instrumens de la Musique du Roy &amp; du Prince Royal. [...]</p>
          <p>Tout le Regiment des Gardes estoit rangé en forme de Croissant dans la place du Chasteau, Tambours battans, Enseignes déployées, presentant les armes, &amp; les Officiers salüant M<hi rend="sup">r</hi> l’Ambassadeur avec la pique. Sur le pont qui est entre la premiere porte du Chasteau, &amp; celle de la Cour du mesme Chasteau, on avoit posté un double rang de Gardes à pied, Tambours battans, Enseignes déployées, &amp; dans la court du Chasteau, une double haye de Gardes du Corps à cheval, en bottes, avec leurs Carabines. [...]</p>
            
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-06_259" resp="wordpro">
          <head>[Détail de ce qui s’est passé à l’Academie Françoise, le jour de la reception de Mr de l’Abbé Bignon &amp; de Mr de la Bruyere]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1693 [tome 7], p. 259-284.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Lundy 15. de ce mois, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere furent receus à l’Academie Françoise. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon parla le premier, &amp; fit un Discours, où l’on n’admira pas moins l’ordre, &amp; la liaison ingenieuse de chaque matiere, que la beauté de l’expression, &amp; le tour agreable des pensées. Il remercia M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie, selon la coustume, de ce qu’ils l’avoient admis dans leur corps, &amp; par une modestie digne d’un homme, qui dans un âge fort peu avancé, possede avec beaucoup de distinction tout ce qu’il y a dans les belles Lettres qui puisse contribuer à polir &amp; à élever l’esprit, ne se voulant pas croire digne de ce choix, il dit qu’il ne doutoit point que la consideration qu’on avoit pour sa Famille, n’y eust eu beaucoup de part, &amp; qu’on n’eust voulu faire grace à la personne en faveur du nom. Quoy que l’Eloquence regnast dans tout son discours, elle n’eut aucun pouvoir à l’égard de cet article, &amp; ne persuada point. Avec combien de delicatesse entra-t-il dans les loüanges de M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Bussi, dont il remplissoit la place, &amp; avec quelle finesse fit-il sentir que si l’Ouvrage qui avoit causé tous ses malheurs, avoit merité la censure de tous les gens sages, on ne pouvoit au moins donner assez de loüanges au repentir qu’il avoit marqué de l’avoir fait. Il fit ensuite l’Eloge de M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal de Richelieu, Fondateur de l’Academie, d’où il passa à celuy du Roy, qu’il loüa tres-dignement, si ce grand Monarque peut jamais estre assez dignement loüé. Ce Discours, prononcé fort noblement, charma toute l’Assemblée, &amp; ce qui vous convaincra, que les applaudissemens furent sinceres, c’est que M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris estant arrivé quand M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon estoit tout prest de finir, on le pria de ne le pas priver de la satisfaction d’entendre, ce qui venoit d’avoir une approbation generale. Ce grand Prelat joignit ses prieres à l’empressement que chacun faisoit paroistre de joüir encore du mesme plaisir, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon ne luy pouvant refuser ce qu’il demandoit si obligeamment, recommença son Discours. L’applaudissement fut encore plus fort qu’il n’avoit esté la premiere fois, &amp; l’on n’y trouva pour tout defaut, que celuy d’estre trop court.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere y parla ensuite, &amp; quand j’ay à vous rendre compte du succez qu’eut le Compliment qu’il fit à l’Academie, vostre surprise sera grande de me voir sortir de mon caractere, mais j’espere que vous voudrez bien me faire la grace de suspendre vostre jugement, jusques à la fin de cet article. M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere a fait une Traduction des caracteres de Theophraste, &amp; il y a joint un recueil de Portraits satyriques, dont la pluspart sont faux, &amp; les autres tellement outrez, qu’il a esté aisé de connoistre qu’il a voulu faire reussir son Livre à force de dire du mal de son Prochain. Cette voye est en effet plus seure que celle de la moderation, &amp; des loüanges, pour le debit d’un Ouvrage. On court acheter en foule ces sortes de Livres, non pas qu’on les trouve ny beaux ny solides, mais par le desir empressé qu’on a de voir le mal que l’on dit d’une infinité de personnes distinguées. Je me trouvay à la Cour le premier jour que les Caracteres parurent, &amp; je remarquay de tous costez des pelotons où l’on éclatoit de rire. Les uns disoient, <hi rend="i">Ce Portrait est outré</hi>, les autres, <hi rend="i">en voila un qui l’est encore davantage. On dit telle chose de Madame une telle</hi>, disoit un autre, <hi rend="i">&amp; Monsieur un tel, quoy que le plus honneste homme du monde, est tres-mal traité dans un autre endroit</hi>. Enfin la conclusion estoit qu’il faloit acheter au plustost ce Livre, pour voir les Portraits dont il est remply, de crainte que le Libraire n’eust ordre d’en retrancher la meilleure partie. Voila les effets que la Satyre produit. Les Auteurs en sont souvent ébloüis, &amp; attribuent à la beauté de leurs ouvrages, ce qui n’est deû qu’au mal qu’ils disent de quantité de personnes. Un des Illustres de ce temps, homme de naissance &amp; d’érudition, &amp; qui a l’honneur d’estre auprés d’un Prince du Sang Royal en qualité d’homme de Lettres, ayant traité serieusement un ouvrage intitulé <hi rend="i">Discours sur les Anciens</hi>, qu’il pouvoit égayer de quelques traits de Satyre, dit page 115. <hi rend="i">Je sçay tous les avantages que j’aurois trouvez à donner un tour plus gay à ce discours. Je sçay combien la raillerie a de charmes pour les Lecteurs les plus chagrins ; combien il est agreable de rire, &amp; de faire rire aux dépens d’autruy, combien de feu, de vie, &amp; d’agrément un pareil tour répand dans tout un ouvrage. Je sçay que le ridicule est souvent plus capable de persuader, &amp; de tirer d’un pas glissant, que les raisonnements les plus forts, &amp;c.</hi> … Le mesme dit page <hi rend="i">231. En réjoüissant le public, on est toûjours seur du succez de sa cause. On chatouille le cœur, on attache, on plaist infailliblement. La plaisanterie donne un air aux choses qui fait tout passer, &amp; souvent en faveur d’un bon mot, un Lecteur ne voit pas, ou ne veut pas voir le défaut d’exactitude, plus sensible à son plaisir, qu’à son utilité ; mais quand on parle d’un ton serieux, les choses changent bien de face. Point d’égard, point de grace, point d’indulgence, il faut toujours fraper au but, toujours faire sentir la droite raison, &amp; toujours faire briller la verité</hi>. Ces derniers mots font assez connoistre que la verité ne regne guere dans les Satyres, &amp; l’on voit en general dans ces deux endroits, les privileges de ce genre d’écrire, &amp; qu’il est aisé d’y reussir, parce que la medisance grossit toûjours les objets, mais comme ce party couste fort cher à la gloire, à l’honneste homme, &amp; aux bonnes mœurs, il se trouve peu d’Auteurs qui le veuillent embrasser. Je ne prétens attaquer icy personne en particulier, je parle de la Satyre en general. Ceux qui s’attachent à ce genre d’écrire, devroient estre persuadez qu’elle fait souffrir la Pieté du Roy, &amp; faire reflexion que l’on n’a jamais ouy ce Monarque rien dire de desobligeant à personne. La Satyre n’estoit pas du goust de feuë Madame la Dauphine ; &amp; j’avois commencé une réponse aux Caracteres des mœurs du vivant de cette Princesse, qu’elle avoit fort approuvée, &amp; qu’elle devoit prendre sous sa protection, parce qu’elle repoussoit la Médisance. L’ouvrage de M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere ne peut estre appellé Livre, que parce qu’il a une couverture, &amp; qu’il est relié comme les autres Livres. Ce n’est qu’un amas de pieces détachées, qui ne peut faire connoistre si celuy qui les a faites, auroit assez de genie &amp; de lumieres, pour bien conduire un ouvrage qui seroit suivi. Rien n’est plus aisé, que de faire trois ou quatre pages d’un Portrait qui ne demande point d’ordre, &amp; il n’y a point de genie si borné, qui ne soit capable de coudre ensemble quelques medisances de son Prochain, &amp; d’y ajoûter ce qui luy paroist capable de faire rire. Ainsi, il n’y a pas lieu de croire qu’un pareil recueil, qui choque les bonnes mœurs, ait fait obtenir à M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere, la place qu’il a dans l’Academie. Il a peint les autres dans son amas d’Invectives, &amp; dans le Discours qu’il a prononcé, il s’est peint luy mesme, &amp; aprés avoir tâché de prouver que les places de l’Academie ne se donnoient qu’au merite, il a dit que la sienne ne luy avoit couté aucunes sollicitations, aucune démarche, quoy qu’il soit constant qu’il ne l’a obtenuë que par les plus fortes brigues qui ayent jamais été faites. Quelle difference des deux Discours qui ont esté prononcez en mesme jour, &amp; des manieres des deux nouveaux Academiciens ! M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon témoigne beaucoup de reconnoissance pour la place qu’on luy donne ; M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere se croit si digne du choix qu’on a fait de luy, par la haute réputation qu’il prétend que ses caracteres luy ont acquise, qu’il n’a daigné faire nul remerciement. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon, aussi modeste qu’il est distingué par son sçavoir, ne veut point devoir sa place à son merite, mais à la consideration que l’Academie a pour sa Famille M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere, fier de sept Editions que ses Portraits satyriques ont fait faire de son merveilleux Ouvrage, exagere son merite, &amp; fait entendre que c’est à ce seul merite qu’il doit la place où il est receu. Je n’entre point dans le détail du reste de son Discours, puis que toute l’Assemblée a jugé <hi rend="i">qu’il estoit directement au dessous de rien</hi>. Il auroit tort de se plaindre de la maniere dont j’en parle. Je me sers des propres termes dont il s’est servi, quand il luy a pleu de se divertir à parler hors de propos du Mercure Galant, &amp; je veux bien mettre icy le mesme galimatias, pour ne dire ny plus ny moins. Il n’y a dans ces paroles que l’intention qui m’offence, car elles ne me regardent pas, &amp; je n’aurois jamais cherché à les relever, si j’estois seul offencé. Le Mercure n’est point composé de mes Ouvrages, &amp; l’on ne me doit regarder que comme une Bouquetiere qui lie les Fleurs des autres, qui sont leurs Ouvrages. Ils consistent dans ce que font de plus beau les plus illustres Orateurs de France, &amp; les Poëtes les plus distinguez. On n’y voit que des Harangues faites au Roy, ou à l’ouverture des Parlemens, ou à la reception des Academiciens François, des Fragmens des plus beaux Sermons, ou des Oraisons Funebres, les Relations de guerre faites souvent par des Generaux de l’Armées mesme, des Ouvrages d’éloquence, &amp; des Dissertations sur tout ce que le hazard fait naistre de plus curieux &amp; de plus beau. On ne peut dire que tant de beaux Ouvrages soient <hi rend="i">directement au Dessous de rien</hi>, à moins que de vouloir faire entendre qu’il n’y a pas un seul homme en France capable de bien écrire, &amp; comme le contraire paroist visiblement, il suffit d’exposer le fait, pour faire voir que M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere n’a pû mettre le Mercure au dessous de rien, sans y mettre en mesme temps tout ce qu’il contient c’est à dire, une infinité de belles Pieces, tant en Vers qu’en Prose. Il n’a pas crû ce qu’il a écrit, &amp; s’il n’avoit trouvé de la réputation à ce recueil de tant d’admirables Ouvrages, il l’auroit jugé indigne de sa colere. C’est la maniere de tous les nouveaux Auteurs. Ils s’imaginent qu’ils brilleront seuls quand ils auront porté des coups qu’ils croyent mortels à ce qu’ils trouvent étably. Il y a dix-sept ans que le Mercure est au goust du Public, il est un peu tard pour l’attaquer. Le Public voit clair, vous le sçavez ; il à de bons yeux, &amp; en grand nombre, &amp; s’il se laisse quelquefois surprendre, ce n’est jamais pour longtemps. Je suis fâché du chagrin que cet article pourra donner à M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere. Cependant, je le repete, il aura tort s’il se plaint, puis que c’est luy qui est l’agresseur. Quand il calomnie toute la terre, il ne doit pas vouloir empêcher une legere ébauche de ce qu’on luy répondra, s’il replique, ou s’il ajoûte le moindre mot dans son Livre, à ce que sa vanité luy a fait dire de gayeté de cœur contre moy, qui ne me suis rendu digne par aucun endroit des plaisanteries qui l’ont réjoüy. Quand on insulte les autres, il faut estre préparé à tout, &amp; ne pas donner la Comedie au Public en se fachant comme les Enfans, qui ont souvent peur, quoy qu’on ne fasse que les regarder. S’il se plaint, j’ay la justice pour moy. Il m’a attaqué sans nulle raison, je suis offencé, &amp; je défens une infinité de personnes cruellement outragées dans les Caracteres des mœurs. Un Ancien, recommandable dans l’Eglise, ordonne d’attaquer ces sortes d’Ouvrages, de crainte que les Auteurs ne s’enorgueillissent, dans la pensée que le merite de leurs Ecrits les fait acheter, quoy que le debit n’en soit dû qu’à la médisance, qui excite une curiosité à laquelle la foiblesse humaine ne peut resister.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Charpentier répondit aux Discours de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Bignon &amp; de M<hi rend="sup">r</hi> de la Bruyere, en qualité de Doyen de l’Academie, en l’absence du Directeur &amp; du Chancelier. Tant d’Ouvrages de cette nature que vous avez veus de luy, vous ont persuadée de son éloquence &amp; de sa profonde érudition, que je n’ay rien à vous en dire aujourd’huy, sinon qu’il remplit fort dignement l’avantage qu’il a d’estre à la teste de ce Corps illustre. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Vau leut ensuite trois Pieces de Vers qui donnerent beaucoup de plaisir aux Auditeurs, chacune en son genre. La premiere fut la Paraphrase du <hi rend="i">Dies iræ, dies illa</hi>, de M<hi rend="sup">r</hi> de la Fontaine ; la seconde, une suite des Caracteres de l’Amour, dont M<hi rend="sup">r</hi> Boyer avoit fait voir le commencement dans la derniere Assemblée publique, &amp; la troisiéme, le second Chant du Poëme que M<hi rend="sup">r</hi> Perrault a fait de la Creation du Monde. Tout y soûtint avec avantage la gloire de leurs Auteurs, à qui les applaudissemens ne furent point épargnez.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-06_316" resp="mercure">
          <head>[Suite du Voyage de Monsieur]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1693 [tome 7], p. 316-318.</bibl>
          <p/>
          <p>La prise de Heidelberg estant d’autant plus importante, qu’elle n’a presque point couté de sang aux Troupes du Roy, on en a rendu graces à Dieu dans toutes les Villes du Royaume. Son A.R. Monsieur fit chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi> dans l’Eglise de Nostre-Dame de Vitré, le 21. de ce mois. Ce Prince s’y rendit au travers de la Bourgeoise, qui estoit en armes depuis le Chasteau où il logeoit, jusques à l’Eglise. Monsieur monta ensuite à cheval avec toute sa Cour, qui estoit magnifique &amp; nombreuse, &amp; se rendit au Camp qui est aux environs de cette Ville-là, où il trouva les Troupes en bataille sur une Ligne, &amp; se mit à leur teste. Il visita ensuite le parc de l’artillerie, &amp; revint voir les Troupes. La Cavalerie fut admirée pour sa beauté. Il y avoit douze Bataillons, dont les Officiers saluérent Son A.R. avec l’Epée. Toutes les Troupes firent trois salves en répondant au Canon qui leur servoit de signal ; elles marquent beaucoup de chagrin de voir que le Prince d’Orange les rend inutiles en manquant à sa parole, &amp; la Cour de Monsieur, qui en est encore plus chagrine, employe au jeu le loisir que ce mesme Prince luy laisse. Il y eut le soir des feux par toute la Ville, &amp; un grand Bal, où l’on dansa jusques à cinq heures du matin.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-07">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juillet 1693 [tome 8]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-07_007" resp="wordpro">
          <head>Epistre sur la Pieté du Roy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1693 [tome 8], p. 7-26.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous avez raison, Madame, d’aimer les Ouvrages qui se font continuellement pour le Roy. Non seulement tout ce qui regarde ce Monarque doit faire plaisir aux veritables François, mais ceux qui les entreprennent ayant la pluspart un heureux genie, il est impossible qu’une si belle matiere ne leur fasse produire des choses dignes de la curiosité publique. C’est ce qui m’engage à vous envoyer l’Epistre en Vers que vous allez lire. Elle est adressée au R. Pere de la Chaise, &amp; sur un sujet qui n’a pas besoin de fictions pour estre traité.</p>
          <quote>
            <label>EPISTRE<lb />Sur la Pieté du Roy.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Des projets les plus saints digne Dépositaire,</l>
              <l rend="i">Elevé par ton zele à ce haut Ministere,</l>
              <l rend="i">La Chaise, admire icy les plus augustes traits</l>
              <l rend="i">Du cœur d’un Roy Chrestien, que tu vois de si prés,</l>
              <l rend="i">Et secondant l’ardeur que sa vertu m’inspire,</l>
              <l rend="i">Viens prendre part aux Chants que t’adresse ma Lyre,</l>
              <l rend="i">Puisque sa pieté, dont il répand l’éclat,</l>
              <l rend="i">Couronne les travaux de ton Apostolat,</l>
              <l rend="i">Et que ta Compagnie aujourd’huy plus illustre</l>
              <l rend="i">Du succés de ton zele emprunte un nouveau lustre.</l>
              <l rend="i"> Dés longtemps occupée à de sacrez emplois,</l>
              <l rend="i">Elle a sceu seconder la ferveur de nos Rois,</l>
              <l rend="i">Leur dicter des projets que le Ciel favorise,</l>
              <l rend="i">S’attacher à la Cour, pour mieux servir l’Eglise,</l>
              <l rend="i">Ouy, dés que loin des mers, plus d’un siecle avant toy,</l>
              <l rend="i">Les Disciples d’Ignace eurent planté la Foy ;</l>
              <l rend="i">Dés qu’ils eurent au Christ, malgré cent Dieux frivoles,</l>
              <l rend="i">Elevé des Autels du débris des Idoles,</l>
              <l><hi rend="i">Du Japon sur nos bords, cette divine ardeur,</hi> <ref>2. Cor. 2.</ref></l>
              <l rend="i">De leur Apostolat porta la sainte odeur,</l>
              <l rend="i">Et l’on vit, dans des temps à l’Eglise contraires,</l>
              <l rend="i">Des Monarques Chrestiens ces Guides tutelaires</l>
              <l rend="i">Acquerir par un zele aussi saint que leurs noms,</l>
              <l rend="i">L’estime des Valois, &amp; le cœur des Bourbons.</l>
              <l rend="i"> De ces Guides, la Chaise, imitateur fidelle,</l>
              <l rend="i">Qui cherchois un objet aussi grand que ton zele,</l>
              <l rend="i">LOUIS dés le berceau dans le bien cultivé,</l>
              <l rend="i">Pour la paix de l’Eglise à l’Empire élevé,</l>
              <l rend="i">T’a choisi dans ces temps, où tes soins &amp; tes veilles</l>
              <l rend="i">Ont servi d’instrument à ces hautes merveilles.</l>
              <l rend="i">Aussi le Ciel en toy dût réunir ses dons,</l>
              <l rend="i">Sagement partagez aux Sirmonds, aux Cotons,</l>
              <l rend="i">S’il t’a commis un Roy, dont le grand cœur rassemble</l>
              <l rend="i">Ce qu’ont eu de vertus tous les Bourbons ensemble.</l>
              <l rend="i"> Ce fut dans l’heureux cours de tant de beaux exploits,</l>
              <l><hi rend="i">Quand, du Lis jusqu’au Rhin, tout trembloit sous ses loix,</hi> <ref>En 1675.</ref></l>
              <l rend="i">Qu’il se fit voir à toy chery de la Victoire.</l>
              <l rend="i">Ne pressentis-tu pas, ébloüy de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Que son bras aspirant à de plus beaux Lauriers,</l>
              <l rend="i">Alloit vanger l’Auteur de ses succés guerriers,</l>
              <l rend="i">Et cherchant à son zele une digne matiere,</l>
              <l rend="i">Dans le champ de l’Eglise ouvriroit sa carriere.</l>
              <l> <hi rend="i">Mais dés qu’aux mains de Dieu ce grand cœur déposé</hi> <ref>Prov. 21.</ref></l>
              <l rend="i">Fut sans voile &amp; sans ombre à tes yeux exposé,</l>
              <l rend="i">Et que sa majesté, qui pour toy se tempere,</l>
              <l rend="i">T’en laissa penetrer le plus secret mistere,</l>
              <l rend="i">De quel espoir plus doux te sentis-tu flaté ?</l>
              <l rend="i">Tu vis à découvert ce fond de probité,</l>
              <l rend="i">Où regne la douceur, la bonté, la droiture,</l>
              <l rend="i">Où la Grace a comblé les dons de la Nature,</l>
              <l rend="i">Le centre de sa gloire, &amp; de mille vertus,</l>
              <l rend="i">Que tu dois dans leur source admirer encor plus.</l>
              <l rend="i"> C’est là que prés des Rois la Verité timide</l>
              <l rend="i">Empruntant de ta bouche une voix intrepide,</l>
              <l rend="i">Luy suggeroit qu’en vain, sans le nom de pieux,</l>
              <l><hi rend="i">Un Prince se promet un regne glorieux ;</hi> <ref>Sap. 7.</ref></l>
              <l rend="i">Que d’un grand Roy l’Eglise attend de grands exemples,</l>
              <l rend="i">Le soutien de ses Loix, &amp; l’appuy de ses Temples,</l>
              <l rend="i">Et qu’un Heros Chrestien ne se fait admirer</l>
              <l rend="i">Qu’en servant mieux le Dieu qu’il veut faire adorer.</l>
              <l rend="i"> A ces divins conseils LOUIS ouvrant l’oreille,</l>
              <l rend="i">Sent qu’une sainte ardeur &amp; l’anime, &amp; l’éveille.</l>
              <l rend="i">Ennemy du flateur qui fuit la verité,</l>
              <l rend="i">Toute austere qu’elle est, il en est enchanté.</l>
              <l rend="i">Celle qui le reprend est celle qu’il avoüe,</l>
              <l rend="i">Luy qui veut qu’on l’instruise, &amp; défend qu’on le louë,</l>
              <l rend="i">Dans les saints Orateurs trouve-t-il moins d’attraits,</l>
              <l rend="i">Soit qu’ils fassent trembler le vice sous le dais,</l>
              <l rend="i">Soit qu’ils portent son cœur par leur vive éloquence,</l>
              <l rend="i">Aux vertus qu’en secret luy dicte ta prudence.</l>
              <l rend="i"> Sous ce regne où renaist le siecle des Pepins,</l>
              <l rend="i">Des Charles, des Clovis, l’age des Constantins,</l>
              <l rend="i">A ton esprit content souffre que je rappelle</l>
              <l rend="i">De tant d’exploits pieux la memoire immortelle,</l>
              <l rend="i">Les effets éclatans de ses nouveaux Edits,</l>
              <l rend="i">Les excés de l’usure &amp; du luxe proscrits ;</l>
              <l rend="i">Tant de sacrez Hostels, de pompeux Edifices,</l>
              <l rend="i">Où les Pauvres heureux vivent sous ses auspices ;</l>
              <l rend="i">Un magnifique asile, où le Guerrier blessé</l>
              <l rend="i">Reçoit le juste prix du sang qu’il a versé.</l>
              <l rend="i">Un Temple consacré pour les jeunes Vestales,</l>
              <l rend="i">Mille autres monumens de ses mains liberales.</l>
              <l rend="i"> Tu reconnois LOUIS à tant de saints travaux,</l>
              <l rend="i">Mais distingue-le mieux aux traits d’un vray Heros.</l>
              <l><hi rend="i">Quand Ministre du Dieu, dont luy mesme est l’image,</hi> <ref>Rom. 13.</ref></l>
              <l rend="i">Dans une Cour Chrestienne il en prescrit l’hommage,</l>
              <l rend="i">Cette Cour, où le vice a peu de partisans,</l>
              <l rend="i">Où l’amour du vray bien fait les vrais Courtisans,</l>
              <l rend="i">Où LOUIS moins brillant par sa riche Couronne,</l>
              <l rend="i">Se distingue à l’éclat que la vertu luy donne,</l>
              <l rend="i">Qui des spectacles vains fuyant le faux plaisir,</l>
              <l rend="i">A luy-mesme se rend compte de son loisir,</l>
              <l rend="i">Et des devoirs Chrestiens empruntant son merite,</l>
              <l rend="i">Fait de la pieté sa vertu favorite.</l>
              <l rend="i">Tous les jours on le voit aux pieds de nos Autels</l>
              <l rend="i">Se rendre en s’abaissant le plus grand des mortels,</l>
              <l rend="i">Et par un cours reglé d’actions exemplaires</l>
              <l rend="i">Nous marquer tous les temps de nos divins Misteres.</l>
              <l rend="i">C’est à toy, qui fidelle à ton illustre employ,</l>
              <l rend="i">Excites sa ferveur, &amp; ranimes sa foy,</l>
              <l rend="i">De nous vanter le prix d’un si grand sacrifice,</l>
              <l rend="i">Où s’offrant au Seigneur il nous le rend propice,</l>
              <l rend="i">Et suivi de sa Cour en cet auguste lieu,</l>
              <l rend="i">De son ame fervente il forme un Trône à Dieu.</l>
              <l rend="i">C’est à toy qui l’admets au sacré Tabernacle,</l>
              <l rend="i">De relever l’éclat de ce frequent miracle,</l>
              <l rend="i">Où la Grace abondante infuse dans son sein,</l>
              <l><hi rend="i">Y répand la vertu du Dieu dont il est plein ;</hi></l>
              <l rend="i">Puis que d’un mal affreux domptant la violence,</l>
              <l rend="i">Aux corps que sa main touche il étend sa puissance.</l>
              <l rend="i"> Là sur les pas du Christ son humble pieté</l>
              <l rend="i">Par un divin éclat soutient sa majesté,</l>
              <l rend="i">Quand descendant du Trône il sert mesme &amp; revere</l>
              <l><hi rend="i">Le Pauvre, dont il est le Monarque &amp; le Pere.</hi> <ref>La Cene,</ref></l>
              <l rend="i">Là souvent son grand cœur occupé du vray bien</l>
              <l rend="i">Adresse au Ciel des vœux dignes d’un Roy Chrestien,</l>
              <l rend="i">Qu’il perpetuë en luy la sagesse suprême,</l>
              <l rend="i">Qu’il le fasse moins Roy des siens que de luy-mesme,</l>
              <l rend="i">Et que la pure Foy rassemblant ses Sujets</l>
              <l rend="i">L’Eglise goûte un jour une solide Paix.</l>
              <l rend="i"> Il est venu ce jour, &amp; l’Erreur étouffée</l>
              <l rend="i">Est de sa pieté le plus noble trophée,</l>
              <l rend="i">Depuis que par luy seul on voit executé</l>
              <l rend="i">Ce que sept de nos Rois avoient en vain tenté.</l>
              <l rend="i">Je sçay que sa bonté par de legeres peines,</l>
              <l rend="i">Pressa les Novateurs de rompre enfin leurs chaînes,</l>
              <l rend="i">Que par de justes loix s’efforçant de guerir</l>
              <l rend="i">La fureur d’une Secte obstinée à perir,</l>
              <l rend="i">De ses Sujets mutins il tenta la conqueste ;</l>
              <l><hi rend="i">Mais quand le Ciel vangeur qui menaçoit leur teste</hi> <ref>Deut. 13.</ref></l>
              <l rend="i">Contre ces faux Docteurs fit tonner son Arrest,</l>
              <l rend="i">Je sçay qu’à leur salut prenant plus d’interest,</l>
              <l rend="i">LOUIS sembloit ravir dans leurs Temples en poudre</l>
              <l rend="i">Leurs ames à l’Enfer, &amp; leur teste à la foudre,</l>
              <l rend="i">Quand leur offrant encor &amp; ses dons &amp; sa main,</l>
              <l rend="i">Il les força d’entrer au celeste chemin,</l>
              <l rend="i">Et par des Missions que seconda la Grace,</l>
              <l rend="i">Vit sur leurs cœurs changez son Edit efficace.</l>
              <l rend="i"> Dut-on moins esperer d’un Heros si Chrestien,</l>
              <l rend="i">Qui de l’honneur du Christ plus jaloux que du sien,</l>
              <l rend="i">Loin de l’Inde &amp; du Gange ordonne qu’on publie</l>
              <l rend="i">La Foy qu’en ses Etats son zele a rétablie,</l>
              <l rend="i">Qui chassant les faux Dieux des climats reculez,</l>
              <l rend="i">Affranchit de l’erreur tant de Rois aveuglez ;</l>
              <l rend="i">Et par ta Compagnie en Apostres feconde,</l>
              <l rend="i">Affermit le vray culte en l’un &amp; l’autre Monde ?</l>
              <l rend="i"> C’est à ce pieux Roy, le fleau des Novateurs,</l>
              <l rend="i">De confier encor l’Eglise aux vrais Pasteurs.</l>
              <l rend="i">Sa prudence pourtant timide &amp; scrupuleuse,</l>
              <l rend="i">Pour les Oingts du Seigneur toujours respectueuse,</l>
              <l rend="i">N’ose seule aux emplois à la sainteté dûs</l>
              <l rend="i">Elever des Sujets que le Ciel n’ait élûs</l>
              <l rend="i">Toy qui dans tes conseils suis l’austere Evangile,</l>
              <l rend="i">La Chaise, à ces projets tu n’es pas inutile.</l>
              <l><hi rend="i">Instruit que le Prelat au fidelle Troupeau</hi> <ref>Marth. 5.</ref></l>
              <l rend="i">Par d’innocentes mœurs doit servir de flambeau,</l>
              <l rend="i">Que des tresors sacrez l’Abbé dépositaire</l>
              <l><hi rend="i">Doit du triste indigent soulager la misere,</hi> <ref>2. Cor. 2.</ref></l>
              <l rend="i">Tu deviens, par attache au severe devoir,</l>
              <l rend="i">Protecteur du merite, &amp; Patron du sçavoir.</l>
              <l rend="i">Le Clergé fleurissant, par ces sages maximes</l>
              <l rend="i">Ne voit point sous Loüis de choix illegitimes,</l>
              <l rend="i">Ny d’indignes Prelats de Mitre couronnez,</l>
              <l rend="i">Ny d’Enfans avant l’âge aux Autels destinez,</l>
              <l><hi rend="i">Ny les humbles Pasteurs que pressoit l’indigence,</hi> <ref>Portions congruës.</ref></l>
              <l rend="i">Dans le champ du Seigneur gemir sans recompense.</l>
              <l rend="i"> Telle est sa pieté feconde en mille faits,</l>
              <l rend="i">Qui sanctifie encor tous ses autres projets.</l>
              <l rend="i">Ouy, tu l’as veu, témoin du bonheur de ses armes,</l>
              <l rend="i">N’esperer qu’en son Dieu dans le fort des alarmes ;</l>
              <l rend="i">Et lors qu’il soutient seul contre mille Ennemis,</l>
              <l rend="i">L’interest de l’Eglise à ta valeur commis,</l>
              <l rend="i">Du succés des Combats, du débris des murailles</l>
              <l rend="i">Redevable au grand nom du Seigneur Batailles,</l>
              <l rend="i">Par un fameux Cantique il en répand le bruit,</l>
              <l rend="i">Et de tous ses travaux luy consacre le fruit.</l>
              <l rend="i"> Il restoit à LOUIS de rendre hereditaire</l>
              <l rend="i">La haute pieté qui fait son caractere.</l>
              <l rend="i">Son exemple aux Bourbons est une douce loy,</l>
              <l rend="i">Qui pour aller à Dieu leur fait suivre leur Roy ;</l>
              <l rend="i">Mais joignant à ses soins ton zele apostolique,</l>
              <l rend="i">La Chaise, il t’a commis, par un choix authentique,</l>
              <l rend="i">Du cœur de son Dauphin le dépost précieux,</l>
              <l rend="i">Et trois augustes Fils formez sur leurs Ayeux,</l>
              <l rend="i">Qui prestant à ta voix une oreille docile,</l>
              <l rend="i">Trouvent dés le Berceau la pieté facile.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-07_063" resp="wordpro">
          <head>[Réjoüissances faites à Moulins]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1693 [tome 8], p. 63-71.</bibl>
          <p/>
          <p>J’ay à vous entretenir sur tant de matieres differentes, que ne pouvant vous parler dans cette Lettre de tous les feux de joye qui ont esté faits à l’occasion de la prise d’Heidelberg, je me contenteray de vous faire le détail de celuy que l’on a fait à Moulins, afin que vous jugiez par là des réjoüissances des autres Villes. Ce Feu, qui estoit du dessein de M<hi rend="sup">r</hi> Grolier Des-Maison, Procureur du Roy &amp; de la Ville, fut trouvé tout plein d’invention. La Victoire sous la forme de Pallas, tenoit d’une main une Couronne de Laurier, &amp; de l’autre un Etendard aux armes de France avec ces mots, <hi rend="i">Invictum haud invita sequor</hi>, qu’expliquoit ce Vers à la gloire du Roy.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Je me fais un plaisir de marcher sur ses pas.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Dans les quatre faces du Piedestal, sur lequel la figure estoit posée, il y avoit quatre Devises. Le corps de la premiere estoit un Soleil dans son midy, &amp; tout brillant de lumiere avec ces mots, <hi rend="i">Vt sol solus in orbe</hi>, pour faire connoistre que Louis le Grand ne se distingue pas moins entre tous les autres Souverains par les prodiges continuels de son regne, que le Soleil se distingue entre tous les autres Astres.</p>
          <p>La seconde estoit un Soleil faisant épanouir des Lis avec ces mots. <hi rend="i">Per te reviviscimus omnes</hi>, pour montrer que les François mettent toutes leurs esperances sur la vigilance &amp; la sagesse du Roy, qui resiste seul à un monde d’Ennemis liguez ensemble.</p>
          <p>Un Soleil sur le globe de la France, faisoit le corps de la troisiéme Devise avec ces paroles, <hi rend="i">Pacatum reget hic propriis virtutibus orbem</hi>, pour faire entendre que la France restera tranquille, tant qu’elle aura l’avantage d’estre gouvernée par un Prince aussi grand par sa valeur, que par sa pieté singuliere.</p>
          <p>La quatriéme estoit un Miroir ardent, exposé aux rayons du Soleil, &amp; qui brûle par sa reflexion tout ce qu’on luy oppose, &amp; ces mots pour ame, <hi rend="i">Cœlitus ardet</hi>, ce qui marquoit que l’ardeur avec laquelle le Roy soustient la guerre contre tous les Princes Alliez, luy vient du Ciel, dont il prend en main la cause.</p>
          <p>Dans les quatre Platebandes de l’Echafaut, on avoit peint quatre autres Devises dans des cartouches, expliquées chacune par autant de Vers François. Ces Devises estoient toutes sur la rapidité avec laquelle les Troupes du Roy ont pris Heidelberg.</p>
          <p>Dans le premier des Cartouches estoit peinte une Nuée épaisse, d’où sortoit la foudre qui tomboit sur une Ville avec ces paroles, <hi rend="i">Ante ferit quam flamma micat</hi> ; &amp; plus bas</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">En vain sur mes projets tous les yeux sont ouverts ;</l>
              <l rend="i">Ils portent avec eux le secret de la foudre.</l>
              <l rend="i">Heidelberg voit plustost ses murs reduits en poudre.</l>
              <l rend="i">Qu’il ne s’est apperçeu de son triste revers.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Dans le second estoit un autre Soleil, dont plusieurs nuages épais vouloient suspendre l’ardeur &amp; la lumiere, avec ces mots, <hi rend="i">Obstantia nubila solvit.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Pour pouvoir l’arrester dans sa noble carriere</l>
              <l rend="i">Des nuages épais font obstacle à ses pas ;</l>
              <l rend="i">Mais leurs efforts sont vains, &amp; n’empescheront pas</l>
              <l rend="i">Qu’il ne porte par tout l’éclat de sa lumiere.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le troisiéme representoit un Soleil, penetrant un gros nuage par ses rayons, dont il sortoit des éclairs, avec ces paroles, <hi rend="i">Vel solo lumine terret.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Au seul bruit des carreaux que va lancer LOUIS,</l>
              <l rend="i">Bade tremble de peur, &amp; plaint son infortune.</l>
              <l rend="i">De l’éclat du Soleil ses yeux sont ébloüis,</l>
              <l rend="i">Il ne peut soûtenir que celuy de la Lune.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Dans le quatriéme paroissoit un Soleil, peint sur un Bouclier aux Armes de France, produisant l’effet de la teste de Meduse, &amp; ces mots au bas, <hi rend="i">Vincit quem respicit hostem.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Ligue, de tes projets tu sens la décadence ;</l>
              <l rend="i">Malgré les bras armez de tous tes Potentats,</l>
              <l rend="i">Tu verras chaque jour démembrer tes Etats,</l>
              <l rend="i">Rien ne peut résister aux Armes de la France.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-07_195" resp="wordpro">
          <head>Sur la prise de Roses</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1693 [tome 8], p. 195-196.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Madrigal que vous allez lire est de M<hi rend="sup">r</hi> Robinet.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA PRISE DE ROSES.</label>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> En vain le Printemps &amp; l’Esté</l>
                <l rend="i">Reviendront desormais tous les ans chez l’Ibere ;</l>
                <l rend="i"> En vain Flore, pour luy plaire,</l>
                <l rend="i"> S’y montrera dans toute sa beauté,</l>
                <l rend="i">Sur un Trône de fleurs nouvellement écloses.</l>
                <l rend="i"> Ils seront tous pour luy sans Roses.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Le Pere Durand Jesuite, Professeur de Rhetorique du College d’Angoulesme, a fait Sur le mesme sujet cette Epigramme Latine.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Flere Rosam Hispano subreptam desine, Flora.</l>
                <l rend="i"> Par erat ut fierent Lilia mixta Rosis.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>En voicy une autre de M<hi rend="sup">r</hi> Leonard, Chanoine de l’Eglise Metropolitaine de Narbonne. Vous vous souviendrez en la lisant que M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Noailles s’appelle Anne-Jules.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Quam carpsit, LODOICEt, Rosam tibi Julius offert.</l>
                <l rend="i"> Lilia nunc tangens, emicat ipsa magis.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-07_196" resp="mercure">
          <head>[Réjoüissances faites à Grenoble]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1693 [tome 8], p. 196-203.</bibl>
          <p/>
          <p>J’ay oublié de vous dire que lors qu’on eut appris à Madrid la prise de Roses, on proposa au Roy d’Espagne d’aller à Valladolid, &amp; mesme plus loin, &amp; que la confusion fut si grande dans le Conseil, qu’il y eut presque autant d’avis que de testes. Tandis que la consternation regnoit dans ce Conseil, tout s’estoit en joye en France, &amp; on faisoit encore de grandes réjoüissances pour la prise de Heidelberg. M<hi rend="sup">r</hi> Roman Couppier, Consul de Grenoble, qui estoit chargé du soin de celles qui s’y devoient faire, les avoit préparées pour le 21. du mois passé. Le Parlement, la Chambre des Comptes, &amp; le Corps de Ville s’estant rendus dans la Cathedrale, M<hi rend="sup">r</hi> le Cardinal le Camus, Evesque &amp; Prince de Grenoble, entonna le <hi rend="i">Te Deum</hi>, qui fut chanté en Musique ; aprés quoy on alla dans la Place de Saint André, où estoit dressé le feu. Le Penonnage estoit sous les armes autour de la Place, &amp; bordoit la ruë qui conduit jusqu’à l’Hostel de M<hi rend="sup">r</hi> Pucelle, Premier President de Parlement de Dauphiné, qui alluma ce feu avec les ceremonies ordinaires, accompagné des Maire &amp; Consuls, qui estoient venus, précedez par les Drapeaux, &amp; par un Concert de Violons, de Hautbois, &amp; de Musettes. Le Bucher estoit orné de Peintures &amp; de Devises qui convenoient au sujet. [...] Toutes [l]es Devises estoient de M<hi rend="sup">r</hi> Didier, Avocat au Parlement de Grenoble. La Feste ne se termina par avec le jour, &amp; toute la nuit se passa en réjoüissances.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-07_203" resp="mercure">
          <head>[Service fait à la Ville d’Eu, pour feuë Mademoiselle d’Orleans, par l’ordre de Mr du Maine. Autres Services faits pour la mesme Princesse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1693 [tome 8], p. 203-209.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 26. du mois passé, on fit à la Ville d’Eu un Service solemnel pour feuë Mademoiselle d’Orleans ; &amp; pour vous faire comprendre d’abord jusques où l’on a porté la pompe de cette Ceremonie, il me suffira de dire qu’elle a esté faite par ordre de Monsieur le Duc du Maine, qui en avoit confié le soin à M<hi rend="sup">r</hi> de Malezieux son Intendant, Secretaire General des Galeres &amp; de ses Commandemens. [...]  [Mr de Malezieux] avoit choisy pour rendre les honneurs Funebres à cette Princesse, l’Eglise de Saint Laurens qui sert de Chapelle au superbe Chasteau de la Ville d’Eu. Cette Chapelle qui est desservie par les Chanoines Reguliers de Saint Augustin, êgale en grandeur, &amp; surpasse en beauté la plus-part des Eglises Cathedrales de France. [...] Plus de cent cinquante Ecclesiastiques du Comté d’Eu, tous en surplis, se rendirent dans l’Eglise de Saint Laurens à l’heure marquée pour le Service ; les Peres Jesuites &amp; Capucins y assisterent ; la meilleure partie de la Noblesse du Pays s’y trouva, Messieurs de la Justice du Comté d’Eu y vinrent en robes, &amp; il y eut une multitude presque infinie de peuple. La Messe fut chantée par les Chanoines Reguliers, &amp; l’Oraison Funebre fut prononçée par le Pere Fejacq, Prieur des Peres Jacobins d’Amiens. Je mettrois icy les Extraits que l’on m’en a envoyez, si on ne l’avoit engagé à la donner au public. On a point encore oublié le Panegyrique du Roy qu’il prononça à Caën, il y a quelques années. Toute la France le lut avec plaisir ; la Cour &amp; l’Academie luy donnerent de grands Eloges ; &amp; si la beauté de l’Oraison Funebre répond à celle du Panegyrique, le public aura sujet d’en estre content. La Ceremonie fut terminée par de grandes aumônes que Mr de Malezieux fit distribuer à plus de douze cens Pauvres. Il traita ensuite la plus grande partie du Clergé, de la Noblesse, &amp; de la Justice qui y avoit assisté, &amp; il le fit avec beaucoup de magnificence &amp; de politesse.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-07_227" resp="wordpro">
          <head>[Lettre touchant la Belle Education]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1693 [tome 8], p. 227-232.</bibl>
          <p/>
          <p>Puisque vous me témoignez que la Lecture du Livre de la Belle Education vous a fait tant de plaisir, vous serez sans doute bien-aise que je vous fasse part d’une Lettre écrite sur ce sujet, qui vous apprendra les effets avantageux qu’il produit.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR DE L.…</label>
            <p><hi rend="i">J’ay receu, Monsieur, le Livre de la belle éducation fait par M<hi rend="sup">r</hi> Bordelon, que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Je vous en fais mes remercimens comme du plus precieux present que vous pouviez me faire, parce que je fais beaucoup de cas de tout ce qui peut me donner quelque lumiere pour bien élever mon Fils, &amp; que j’estime particulierement cet Ouvrage, qui traite la matiere d’une maniere aussi agréable &amp; aussi insinuante que la pratique en est necessaire. J’en trouve la division admirable, &amp; je ne sçay laquelle des trois parties doit plaire le plus. Tous les Parens devroient faire ce qui est marqué dans la premiere, car si leurs enfans n’ont pas souvent l’éducation qu’ils souhaitent, c’est faute d’avoir une attention suffisante sur les Maistres qu’ils leur donnent. Les avis pour élever la jeunesse, qu’on trouve dans la seconde partie, ne peuvent estre assez estimez, &amp; ceux qui remplissent la troisiéme font qu’il n’y a personne pour qui ce Livre ne puisse estre d’une grande utilité. Ce que j’en estime sur tout, &amp; qui marque beaucoup de lecture &amp; d’érudition, c’est qu’on n’y voit presque rien qui ne soit orné ou appuyé de quelque trait de Poësie &amp; d’Histoire. Cela attache merveilleusement le Lecteur le plus habile, &amp; fait que celuy que l’on veut qui en profite, retient mieux les choses qu’on a dessein de luy faire apprendre, parce que les endroits citez luy font plaisir. Enfin il seroit à souhaiter que tous les Peres, tous les Enfans, &amp; tous ceux qui ont soin de les instruire, eussent toujours ce Livre à la main. Mon Fils ne le peut quitter. Envoyez m’en encore un, je vous prie, avec tous les Ouvrages du mesme Auteur, dont le Catalogue est à la fin de celuy-cy. On a beaucoup écrit sur ce sujet, il est vray, mais comme il y a certaines matieres qui ne s’épuisent jamais, ce nouvel Ouvrage est d’un caractere si instructif, qu’il ne laisse pas de meriter une approbation generale, quoy qu’il soit venu aprés plusieurs autres. Apprenez moy, s’il vous plaist, ce qui se passe à Paris dans la Republique des Lettres. Je suis, &amp;c.</hi></p>
            <p>A Toulouze le 10. Juillet 1693.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-08a">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, août 1693 [tome 9]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-08a_007" resp="wordpro">
          <head>Priere pour le Roy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1693 [tome 9], p. 7-11.</bibl>
          <p/>
          <p>L’Ardeur des Sujets du Roy, leur admiration pour ses merveilleuses qualitez, leurs vœux &amp; leur amour continuant dans les prieres qu’ils font au Ciel pour la prosperité de ce grand Monarque, je ne dois pas me lasser de vous envoyer leurs Ouvrages. En voicy encore un de la même nature, qui vous doit plaire, &amp; par sa matiere, &amp; par le tour que l’Auteur luy a donné.</p>
          <quote>
            <label>PRIERE POUR LE ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Seigneur, qui protegez les Rois,</l>
              <l rend="i">Contre vos Ennemis LOUIS défend vos droits.</l>
              <l rend="i">Conservez avec soin ce Heros indomptable ;</l>
              <l rend="i">Dans le fond de son cœur il a gravé vos Loix,</l>
              <l><hi rend="i">Son cœur est dans vos mains ; soyez-luy secourable ;</hi></l>
              <l rend="i"> Ses vœux n’ont pour objet que vous ;</l>
              <l rend="i"> Vous avez dans vostre couroux</l>
              <l rend="i">Fait sentir aux méchans son pouvoir redoutable.</l>
              <l rend="i"> Nous fremissons au recit des Combats,</l>
              <l rend="i">Où vous avez voulu vous servir de son bras.</l>
              <l rend="i">Vos Ennemis vaincus gemissent de leurs pertes,</l>
              <l rend="i">Nous avons vû leurs Tours sous la cendre couvertes ;</l>
              <l rend="i">Des plus audacieux il a puny l’orgueil,</l>
              <l rend="i">Leurs ramparts renversez leur servent de cercueil.</l>
              <l rend="i">Le reste des mutins flatent en vain leur rage.</l>
              <l rend="i">Peuvent-ils arrester un Roy victorieux,</l>
              <l rend="i"> Dont vous soutenez le courage,</l>
              <l rend="i"> Et qui combat pour la cause des Cieux ?</l>
              <l rend="i">Défendez un Heros qui défend vostre gloire ;</l>
              <l rend="i"> Qu’il soit par tout suivi de la victoire ;</l>
              <l><hi rend="i">Que son Trône fameux qui soutient vos Autels,</hi></l>
              <l rend="i">Ait toujours pour appuy vostre main immortelle.</l>
              <l rend="i">Montrez pour ce cher Fils une amour paternelle.</l>
              <l rend="i">Vous l’avez distingué du reste des Mortels.</l>
              <l rend="i"> Que sa posterité nombreuse</l>
              <l rend="i">Fleurisse comme un Lis que cherit le Soleil,</l>
              <l rend="i"> Et qu’avec un succés pareil</l>
              <l rend="i">Elle puisse à jamais rendre la France heureuse.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cet Ouvrage est de M<hi rend="sup">r</hi> Danchet, Professeur d’Eloquence à Chartres, qui en a fait plusieurs autres à la gloire de Sa Majesté.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-08a_011" resp="wordpro">
          <head>Sur la prise de Roses</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1693 [tome 9], p. 11-16.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Distique Latin fait sur la prise de Roses, par le Pere Durand Jesuite, Professeur de Rhetorique du College d’Angoulesme, que je vous ay envoyé dans ma Lettre de Juillet, vous doit préparer agreablement à la lecture des Vers qui suivent, &amp; qui sont du même Auteur.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA PRISE<lb />DE ROSES.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Roses, jadis l’honneur des champs Iberiens.</l>
              <l rend="i">Cesse de soûpirer si le sort de la guerre</l>
              <l rend="i"> Te transplante en une autre terre ;</l>
              <l rend="i"> C’est pour toy le plus grand des biens.</l>
              <l rend="i">Tes épines estoient de trop foibles barrieres ;</l>
              <l rend="i">Pour arrester l’effort de nos braves François.</l>
              <l rend="i"> De plus difficiles carrieres</l>
              <l rend="i">Ont servi de theatre à leurs fameux exploits ;</l>
              <l rend="i">Et quand mesme on eust joint le Dragon de la Fable</l>
              <l rend="i"> A ce Lion si redoutable,</l>
              <l rend="i">Qui te croyoit garantir de nos mains,</l>
              <l rend="i"> Ses efforts eussent esté vains ;</l>
              <l rend="i">Nous n’aurions pas manqué de Jasons intrepides,</l>
              <l rend="i">Qui n’auroient pris que leurs grands cœurs pour guides.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Si tu te vois dans les mains de Loüis,</l>
              <l rend="i"> Ne t’en crois pas infortunée ;</l>
              <l rend="i"> Il estoit de ta destinée,</l>
              <l rend="i">Que l’on te vist un jour fleurir entre nos Lis.</l>
              <l rend="i">Pouvois-tu desirer un sort plus favorable ?</l>
              <l rend="i">Ah, que de fleurs voudroient en avoir un semblable !</l>
              <l rend="i"> C’est là que tes vives couleurs,</l>
              <l rend="i">Du sang de l’Espagnol derechef empourprées,</l>
              <l rend="i"> En paroistront plus colorées,</l>
              <l rend="i">Et rendront sur nos mers de nouvelles splendeurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Au reste, ne crains pas qu’une main insolente</l>
              <l rend="i">Ose aller desormais toucher à tes Rosiers,</l>
              <l rend="i">Il n’appartient qu’à ceux qui cueillent des Lauriers,</l>
              <l rend="i">De te cueillir toy-mesme, &amp; te rendre éclatante.</l>
              <l rend="i">Au milieu de nos Lis tes boutons renaissans</l>
              <l rend="i"> Se verront plus en assurance,</l>
              <l rend="i">Qu’ils n’estoient sous la garde &amp; sous la vigilance</l>
              <l rend="i">De ce Lion qui fit des efforts impuissans,</l>
              <l rend="i"> Pour travailler à ta défense.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Incomparable Roy, le plus grand des Guerriers,</l>
              <l rend="i">Qui releves toujours l’éclat de ta fortune,</l>
              <l rend="i">Je le vois bien ; cueillir seulement des Lauriers,</l>
              <l rend="i">Te paroist une route aujourd’huy trop commune.</l>
              <l rend="i"> Il faut encor que leurs rameaux</l>
              <l rend="i">De Roses enlacez pour te couvrir de gloire,</l>
              <l rend="i"> Couronnent chez toy la victoire</l>
              <l rend="i"> Par des ornemens tout nouveaux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Et toy, Belge effrayé, qui nous parois en peine</l>
              <l rend="i">De ce que ce Heros quitte si-tost ta plaine,</l>
              <l rend="i">Sçache que s’il revient ainsi de tes marais,</l>
              <l rend="i">C’est pour goûter l’odeur que rend dans ses Palais</l>
              <l rend="i">Une Rose que Mars dans ses champs a cueillie,</l>
              <l rend="i">Et que pour luy la gloire a longtemps embellie.</l>
              <l rend="i">S’il est nommé par tout le plus grand des Heros,</l>
              <l rend="i"> C’est qu’en effet il l’est en toutes choses.</l>
              <l rend="i">Il fait toujours en tout ses exploits à propos.</l>
              <l rend="i">Pouvoit-il mieux choisir son temps pour prendre Roses,</l>
              <l rend="i"> Que celuy des Roses écloses ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-08a_016" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1693 [tome 9], p. 16-52.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye l’Histoire d’une illustre mal-heureuse, dans les mêmes termes qu’elle a esté faite par une personne que distinguent son esprit &amp; sa naissance, &amp; qui estant retirée avec elle dans un lieu où la seule vertu regne, a bien voulu se donner la peine de recueillir ses avantures, afin qu’estant connuës de tout le monde, elles fassent admirer les voyes incomprehensibles dont Dieu s’est servy pour operer le Salut d’un Ame choisie. Voicy sa Lettre.</p>
          <p>Il est vray, Madame, que nous avons icy une Chinoise, &amp; que malgré six mille lieuës qui separent son Pays du nostre, la Providence dont les secrets sont impenetrables, l’a choisie pour la conduire au Port de Salut. Je crois aussi que l’innocence de sa vie a pû contribuer à luy meriter cette grace, car si l’on doit juger de l’interieur par l’exterieur, elle est bonne &amp; douce, &amp; elle a toute la raison qu’il faut avoir pour corriger ce grand feu, &amp; cette vivacité qui est naturelle aux Asiatiques. Elle devoit estre une fort belle Personne en son Pays, puis qu’elle n’est ny laide ny des-agréable icy, &amp; que les Chinois pour la pluspart ont les yeux tres-petits, la peau fort brune, le nez plat, &amp; les levres grosses. Il est aisé de juger en voyant celle-cy qu’elle n’est pas Européenne. Son visage est étranger. Elle a les cheveux d’un noir qui n’est point lustré, assez-longs, fins &amp; frizez, les yeux enfoncez, mais brillans, le teint brun, uny &amp; coloré, les levres grosses sans estre choquantes, les dents belles, &amp; la physionomie modeste. Elle a presentement vingt quatre ans. Elle est civile, &amp; par ses manieres on peut juger qu’elle a esté bien élevée, &amp; qu’on luy a donné de la politesse. Elle comprend si facilement que ne sçachant pas un mot de François quand on l’amena aux Hospitalieres de Saint Marceau, en un mois de temps elle entendoit presque tout ce qu’on vouloit luy dire, &amp; elle le parloit un peu, mais il semble, quand elle parle, qu’elle chante tout bas. Sa voix est fort douce. Elle est adroite à tous les beaux Ouvrages de son Pays. Ina, c’est le nom qu’elle portoit estant Fille, est née à Pequin, Capitale du Royaume de Lachem, &amp; l’une des plus grandes Villes du monde. Son Pere estoit un homme de distinction, Tresorier des Armées du Roy. Il logeoit dans le Palais avec sa Famille. Il la maria à onze ans avec Inder qui n’en avoit que douze, car l’on est si avancé en ce Pays-là, qu’on se marie à sept ou huit ans, &amp; l’on a des enfans à douze, de sorte qu’à trente-cinq ans on commence à estre vieux. Inder estoit de Nanquin, fort riche, &amp; d’une Maison considerable. Il demeura avec sa Femme chez son Beaupere, lequel estant venu à mourir, le Roy luy donna la Charge qu’il avoit possedée, &amp; cette nouvelle Dignité luy apportant de grands biens &amp; de la faveur, il devint un des Premiers de la Cour du Roy de la Chine. Ina estoit la Favorite de sa Mere qui la préferoit toujours à ses autres Enfans, &amp; qui prenoit un soin extrême de luy inspirer une grande devotion pour leurs Pagodes, jusque-là qu’elle se donnoit la discipline devant elle. &amp; se mettoit toute en sang pour luy faire comprendre la ferveur avec laquelle il falloit servir leurs Dieux. Quel dommage, helas ! que ces malheureuses ames perissent dans les tenebres de l’ignorance ! Nostre Chinoise avoit tout sujet d’estre contente de sa fortune. Elle avoit un Fils âgé seulement de sept ans, il falloit luy acheter une Femme. C’est une de leurs Coutumes. Au lieu qu’icy nous donnons dot à nos Filles en les mariant, en ce Pays-là on donne de l’argent au Pere &amp; à la Mere pour les obtenir, &amp; quand on en a plusieurs, c’est la richesse de la Famille. Inder &amp; Ina jetterent les yeux sur une petite Fille de six ans, qui estoit à Nanquin ; car je dois encore vous dire que les personnes de qualité ne se marient pas dans la Ville où elles demeurent. Ils trouverent que l’alliance qu’ils alloient prendre leur convenoit. Inder en parla au Roy, qui luy accorda un de ses Vaisseaux pour faire le voyage. Tout y estoit magnifique. Les meubles d’argent ciselé &amp; de vermeil, les étofes de damas d’or Plusieurs Officiers du Palais voulurent accompagner Inder &amp; Ina. Ils menerent leur Fils avec eux, suivis d’un grand train, &amp; portant beaucoup d’argent. Ordinairement l’on alloit de Pequin à Nanquin par un Canal que le Roy de la Chine avoit fait faire avant l’invasion des Tartares. Il estoit à la verité plus long que le chemin de la mer, mais beaucoup moins perilleux, &amp; l’un des plus beaux qu’on ait jamais vûs. On ne connoissoit presque plus d’autre route, lors qu’il s’y est formé une maniere d’abisme, où l’eau rapide &amp; tournoyante entraîne les Barques qui vont dessus. La crainte de perir, comme plusieurs avoient eu le malheur de faire, les obligea de tenir la mer, &amp; leur prévoyance les jetta dans un long enchaînement d’infortunes, dont Dieu s’est servi pour conduire nostre Chinoise à la connoissance de la vraye Religion.</p>
          <p>Il y a prés de trois ans qu’estant partie de Pequin avec son Mary, son Fils, quelques-uns de leurs Amis, &amp; une grande suite de Domestiques, ils allerent s’embarquer sur le Vaisseau que le Roy leur avoit donné pour faire le voyage de Nanquin. Aprés quelques jours d’une navigation favorable, ils se trouverent surpris de la plus affreuse tempeste qu’on puisse jamais se representer. Elle dura plus de huit jours, &amp; leur avoit osté toute sorte d’esperance, lors qu’ils furent jettez proche d’une terre qui leur estoit inconnuë. Comme ils n’avoient plus de provisions, parce qu’ils en avoient déja consumé une partie, &amp; que l’autre avoit esté gastée de l’eau qui estoit entrée dans le Navire, ils jetterent promptement les ancres, aprés quoy ils descendirent, &amp; en acheterent dans cette Isle, où ils apprirent que les vents &amp; l’orage les avoient considerablement éloignez de leur route. Ils ne penserent plus qu’à la reprendre, &amp; il y avoit déja quelques jours qu’ils navigeoient heureusement, quand ils furent découverts &amp; abordez par un Vaisseau Hollandois bien armé, qui vint à toutes voiles sur eux. Inder comprenant que le malheur d’estre pris estoit le plus grand qui leur pust arriver, ne songea qu’à se défendre, &amp; malgré les larmes de sa Femme &amp; de son Fils, il encouragea ceux qui l’accompagnoient à bien combattre, &amp; à suivre son exemple, pendant qu’Ina avec toutes ses Femmes se tenoit prosternée devant leurs Pagodes, pour obtenir un heureux succés. Le combat fut long &amp; meurtrier. Il y eut beaucoup de monde tué de part &amp; d’autre. La pauvre Ina, inquiete de ce qui se passoit, monta sur le Tillac dans le moment que les Hollandois s’estoient jettez dans le Vaisseau. La premiere chose qu’elle apperceut, ce fut son Mary qui se défendoit contre plusieurs hommes. Son amitié luy cachant le peril auquel elle s’alloit exposer, l’obligea de se jetter au milieu d’eux pour tâcher de défendre Inder, mais il tomba percé de coups auprés d’elle, &amp; elle receut plusieurs blessures, dont elle a encore les cicatrices. La mort d’Inder assura la victoire aux Hollandois. Ils pillerent toutes les richesses qui estoient dans son Vaisseau, &amp; firent passer dans le leur sa Femme &amp; son Fils, avec les personnes qui n’avoient pas pery dans le combat. Il est aisé de juger de l’estat où se trouva Ina, devenuë prisonniere &amp; malheureuse, n’ayant plus d’Epoux, ny aucune consolation. Cependant les Hollandois la traiterent avec beaucoup d’humanité. Ils ne luy osterent ny ses riches habits, ny ses Pierreries. Ils luy laisserent même un sac d’une grandeur considerable tout plein d’or. Ils pensoient que puis qu’elle estoit dans leur Vaisseau, ils estoient toujours les maistres de ce qu’elle possedoit, &amp; que ses déplaisirs estoient assez grands sans y rien ajoûter. Ils se rendirent à Batavia, où ils vendirent une partie des raretez trouvées dans le Vaisseau d’Inder, &amp; comme ils ne faisoient pas une garde exacte sur les Chinois qui estoient toujours sur leur Bord, ceux-cy resolurent de se sauver. Ina en auroit bien voulu estre, mais il falloit se jetter à la mer pour gagner la terre. Elle ne sçavoit point nager, &amp; elle ne pouvoit se resoudre d’abandonner son Fils. Tout ce qu’elle demanda à ceux qui la quitterent, ce fut d’aller apprendre ses malheurs à sa Famille, &amp; de la prier de chercher quelques moyens de la retirer des mains des Hollandois. Il y eut plusieurs de ceux qui vouloient se sauver, &amp; particulierement des Femmes, qui se noyerent pendant l’obscurité de la nuit, &amp; les autres apparemment eurent un sort plus heureux, mais pour Ina, elle resta seulement avec son Fils, &amp; deux Femmes de chambre. Les Hollandois ayant trouvé leurs Prisonniers échapez, resserrerent plus étroitement la Chinoise. Ils mirent à la voile, &amp; il y avoit déja un an qu’ils estoient partis de Batavia, &amp; qu’ils couroient la mer, tantost livrant des combats, &amp; faisant des Prises, tantost abordant dans des Pays absolument inconnus à Ina, sans qu’elle prist aucune part à tout ce qui se passoit. Elle estoit toute abîmée dans la douleur que luy causoit la perte de son Fils unique, qui estant attaqué d’une fiévre maligne, fut jetté encore vivant dans la mer. Une de ses Femmes de chambre mourut de la mesme maladie, &amp; l’autre qui luy restoit ne survécut guere. Les fatigues horribles qu’elles avoient souffert, tant par les tempestes de la mer, que par les chaleurs excessives, car elles passerent deux fois sous la Ligne, les avoient enfin tuées. La seule Ina résistoit à tant de maux. Les Hollandois se flatoient d’arriver bien-tost dans leur Pays, mais ils en furent empêchez par un Armateur François, qui les rencontra, les combattit, &amp; les prit. Ina qui commençoit à s’accoutumer à ses Maistres, se trouva exposée au caprice de ceux-cy, qui la traiterent avec beaucoup moins de commiseration que les autres, soit que les premiers l’eussent vûë dans toute sa grandeur, &amp; en eussent conservé une idée, qui leur inspiroit du respect, ou qu’ils fussent moins cruels que les derniers. Ils acheverent de la piller, &amp; luy laisserent l’habit qu’elle avoit sur elle, mais ils luy arracherent toutes ses Pierreries, &amp; luy osterent son argent. Elle estoit dans un petit coin du Vaisseau sans pouvoir se faire entendre, ny entendre personne, toute abandonnée à sa douleur.</p>
          <p>Les Armateurs continuerent leur voyage, passerent dans les Pays froids, où elle souffrit extraordinairement, le climat du sien estant tout opposé à celuy-là. Ils mirent encore un an à leurs courses, au bout duquel ils entrerent dans un Port de France, dont je n’ay pû apprendre le nom, car Ina ne parlant ny n’entendant le François, elle ignore comment s’appelle cette Ville. Les Armateurs pendant quelques jours la donnerent en spectacle au Peuple. Tout le monde l’alloit voir, &amp; ils la faisoient promener dans les ruës avec ses habits étrangers, qui attiroient aprés elle une grande foule, dont elle estoit au desespoir ; car vous sçavez, Madame, que les Femmes en la Chine sont toujours enfermées chez elles, sans se laisser voir qu’à leurs Maris &amp; à leurs plus proches Parents, &amp; les Personnes de qualité, comme celle-cy, sont encore plus regulieres là-dessus que les autres ; mais ses larmes ne toucherent point ses conducteurs, &amp; vous allez juger de leur dureté par ce qu’il me reste à vous en dire. Ils luy osterent ses habits à la Chinoise, &amp; ce qu’elle avoit de linge. Ils la revestirent d’un juste au-corps &amp; d’une jupe courte de bure noire, &amp; deux d’entre-eux ayant payé trois places dans le Coche, ils partirent à la fin du mois de Novembre de l’année derniere, du Port de mer où ils estoient, &amp; amenerent Ina à Paris. Le Coche estant arrivé, ils prirent un Fiacre, &amp; sur les huit heures du soir ils monterent dedans avec la Chinoise, &amp; la firent descendre dans la ruë Saint Denis, où ils la laisserent seule.</p>
          <p>Comprenez, s’il vous plaist, dans quel desespoir une Femme qui est née avec du bien, qui a esté toujours heureuse, &amp; qui a de la naissance, se trouve reduite au milieu de la ruë, pendant la nuit, au cœur de l’hyver, dans une des plus grandes Villes du monde, sans argent, sans connoissance, sans pouvoir dire un seul mot de la Langue du Pays, à six mille lieuës du sien, &amp; sans pouvoir demander du secours au vray Dieu, qu’elle n’avoit pas encore le bonheur de connoistre. Cet estat me paroist si violent, que je ne puis pas m’imaginer que l’on y refuse quelques serieuses reflexions. Cette pauvre Creature estoit appuyée contre une borne, ne sçachant où aller, &amp; versant un ruisseau de larmes. Ses sanglots attirerent auprés d’elle une Femme qui demandoit l’aumône, &amp; qui voulut luy parler, mais elle connut bien aux signes que luy faisoit la Chinoise, qu’elle ne l’entendoit pas. Elle la prit par la main, &amp; la mena aux Filles de Sainte Catherine. C’est un Convent qui est dans la ruë Saint Denis, &amp; où les Religieuses exercent l’hospitalité sur tous les passans qui veulent y sejourner trois jours. Elles virent bien au visage, à l’air, &amp; à la Langue dont Ina se servoit pour leur exprimer ses déplaisirs, qu’elle estoit étrangere. Elles voulurent la faire manger, mais elle refusa tout ce qu’elles luy presenterent, ayant resolu de se laisser mourir de faim, &amp; de donner par ce moyen un terme à des disgraces que peu de Femmes, &amp; peut-estre aucunes n’ont éprouvées de cette nature. Les Religieuses de Sainte Catherine ne pouvant garder que trois jours les Passans qu’elles reçoivent, songerent à procurer quelque protection à la Chinoise ; &amp; un homme de leurs Amis ayant averty une Dame, dont le merite n’est pas moins distingué que sa naissance, qu’il se presentoit une occasion favorable d’exercer sa charité, il n’en fallut pas davantage pour l’attirer chez elles. Aussi-tost elles luy raconterent le peu qu’elles sçavoient de la fortune d’Ina, &amp; cette Dame sans hesiter l’emmena dans sa maison, où elle receut d’elle, &amp; de toute sa Famille, des secours infinis pour son ame, &amp; pour son corps. On s’apperceut qu’elle entendoit tant soit peu le Hollandois, &amp; l’on se servit de cette Langue pour luy donner les premieres impressions du Christianisme. Dieu luy a fait la grace de les recevoir, &amp; de comprendre tout ce qu’on luy a dit avec un discernement admirable. C’est une prédilection bien particuliere, qu’estant née avec des principes si éloignez de la vraye Religion, Dieu ait préparé tout d’un coup son ame pour recevoir la semence de l’Evangile. Le repos dont elle joüissoit chez la charitable personne qui la retenoit chez elle, luy estoit devenu si étranger depuis deux ans, qu’elle en tomba malade. Il luy prit de grands vomissemens de sang avec une grosse fiévre. Elle tenoit toujours un Crucifix dans ses mains qu’elle baisoit respectueusement, &amp; qu’elle prioit sans cesse. Comme on la vit en peril, on l’ondoya. Pendant qu’elle a esté chez cette Dame, &amp; même depuis qu’elle est dans les Hospitalieres de Saint Marceau, on l’a fait parler à plusieurs personnes qui sçavent les Langues Orientales, sans qu’aucun ait pû entendre la sienne. Vous remarquerez, Madame, que ce n’est pas une chose extraordinaire, parce qu’Ina est née dans le Palais du Roy de la Chine, où l’on parle une Langue qui n’est en usage qu’à la Cour. J’ajoûte à cela ce que dit Thomas Herber, Anglois, dans son Voyage des Indes, dont voicy les propres termes. <hi rend="i">La Chine est la partie de toute l’Asie la plus Orientale. C’est un grand &amp; tres-puissant Royaume fort celebre, mais jusques icy fort peu connu, &amp; cela, parce que les Chinois ont peu de civilité pour les Estrangers, ausquels ils permettent, quoy qu’avec peine, d’y entrer, mais ils ne souffrent point qu’ils en sortent, &amp; la seule Ville de Pequin a de tour trente lieuës d’Allemagne</hi>. Le Pere Kirker dans sa Chine illustrée, dit à peu prés la mesme chose, &amp; puisque les Estrangers n’ont pas la liberté de revenir, comment peut-on sçavoir à fond le Chinois, &amp; particulierement celuy dont on se sert dans le Palais, dont l’entrée est plus difficile que celle des Villes.</p>
          <p>La Dame qui avoit retiré Ina chez elle, estant venuë voir la R. Mere Prieure de cette Maison, luy demanda un lit dans l’Hospital pour la Chinoise qui continuoit d’être malade. Elle y fut receuë par nos charitables Hospitalieres avec cet esprit de bonté &amp; de douceur que l’on ne trouve que dans les veritables épouses du Sauveur. On n’a pas eu moins de soin de son ame que de sa santé. Elle a receu tous les jours de precieuses leçons pour son salut, d’un tres-vertueux Ecclesiastique, qui n’a rien negligé pour la mettre en estat de sentir &amp; de reconnoistre les graces que Dieu luy a faites, &amp; elle y correspond avec tant de foy, qu’elle dit sans cesse qu’elle ne se connoît plus elle-même ; qu’elle joüit d’un repos qu’elle n’avoit jamais gousté, &amp; qu’elle préfereroit la Religion Chrestienne à toutes les Couronnes de l’Asie si elles luy estoient offertes. Quand elle entend une Messe de <hi rend="i">Requiem</hi>, elle fond en larmes, &amp; lors qu’on luy en a demandé la raison, <hi rend="i">je pleure</hi>, dit elle, <hi rend="i">les malheurs de tous mes Parents qui ne peuvent profiter des prieres que l’on fait pour les Fidelles, &amp; je m’afflige de l’estat où ils sont à present</hi>. Sa douceur, sa modestie, son humilité &amp; sa bonne conduite sont si grandes qu’on l’a fait entrer dans le Convent. En verité, elle nous édifie toutes, &amp; si elle reçoit des exemples de vertu &amp; de pieté, je puis vous asseurer qu’elle a toutes les dispositions necessaires pour les suivre. Elle est à present entre les bras de la Providence, c’est elle qui l’a conduite parmy nous ; c’est-elle qui en prendra soin, &amp; qui inspirera aux bonnes ames ce qu’il est necessaire de faire pour cette pauvre Estrangere. Elle est bien heureuse, Madame, que ses avantures vous ayent donné quelque curiosité, &amp; je la suis beaucoup, que vous m’ayez choisie pour vous en rendre compte.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-08a_231" resp="mercure">
          <head>[Reception faire à Monsieur au Mont S. Michel]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1693 [tome 9], p. 231-333.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Lundy 20. du mois passé, S.A.R. Monsieur arriva au Mont Saint Michel, sur les dix à onze heures du matin, accompagné de ses Gardes du Corps, &amp; de plus de trois cens autres personnes à cheval. Il fut reçu au bruit du Canon de la Place, qui fit un grand feu. Les quatre Paroisses qui sont sujettes à la garder, avoient reçu ordre du Pere Prieur de l’Abbaye, de ne manquer pas à s’y trouver, ce qu’elles firent. Tous les Religieux revestus de Chapes descendirent jusque sur la Gréve hors la premiere Porte de la Ville, avec un Dais porté par quatre Curez des dépendances. Le Pere Prieur en qualitez de Commandant, presenta à ce Prince les Clefs de la Ville dans un Bassin de vermeil doré ; &amp; aprés qu’il luy eut répondu fort obligeamment, qu’elles ne pouvoit estre en meilleure main, les Chantres entonnerent le <hi rend="i">Te Deum</hi>, &amp; on monta processionnellement à l’Eglise, où l’on commença la Messe, apres laquelle Monsieur visita toutes les raretez de la Maison, puis s’estant reposé un peu de temps dans la Sale des Chevaliers, il s’en retourna disner à Pontorson, fort satisfait du Pere Prieur &amp; de ses Religieux.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-08a_235" resp="mercure">
          <head>[Reception faite à Nantes au General des Capucins, Grand d’Espagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1693 [tome 9], p. 235-237.</bibl>
          <p/>
          <p>On a fait à Nantes une reception magnifique au R.P. Bernardin d’Arrezzo, General de l’ordre des Capucins. Il est Grand d’Espagne, &amp; Allié de la Maison de Medicis. Il arriva le premier jour de ce mois dans la Galiote Royale, qui avoit esté le prendre à trois lieuës de la Ville, où il fut receu au bruit de l’Artillerie qu’on avoit dressée sur le Quay de la Fosse, par le Pere Clement Ploesnel, Provincial de Bretagne, à la teste de tout son Définitoire, &amp; de cent cinquante Religieux, qui pour marque de réjoüissance entonnerent le <hi rend="i">Te Deum</hi>, parmy une multitude presque infinie de Peuples, qui ne se lassoient point d’admirer la venerable &amp; respectable vieillesse de ce saint homme. Le lendemain, jour de la Feste de la Portioncule, il assista avec beaucoup de devotion à tous les Offices de l’Eglise, &amp; mesme au Sermon, qui fut fait sur le sujet du mistere, par le Pere Moteau, Vicaire des Peres Minimes de Nantes, qui ne receut pas moins de loüanges pour cette action, qu’il en a receu dans quantité d’autres lieux où il a fait éclater son Eloquence. [...]</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-09">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, septembre 1693 [tome 11]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_007" resp="wordpro">
          <head>[Prelude]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 7-10.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous demeurerez d’accord. Madame, que l’Auteur du petit Ouvrage que vous allez lire, a bien connu le caractere du Roy, dans ce qu’il écrit de cet Auguste Monarque. Si le Ciel répand tant de benedictions sur ses entreprises, c’est parce qu’il en a toujours soutenu la cause, &amp; qu’il n’a pris tant de Villes, &amp; donné tant de Combats que pour l’interest du Dieu des Armées. Tout le monde en est bien persuadé. Aussi quand tout le Royaume retentit des vœux ardens que l’on fait de tous costez pour la prosperité de son Regne, quoy qu’il n’y ait qu’un Particulier qui parle dans les Vers suivans, on peut assurer que c’est la France toute entiere qui s’écrie ;</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Grand Dieu, dont le soin adorable</l>
              <l rend="i">A veiller sur cet Univers,</l>
              <l rend="i">Te fait voir d’un œil favorable</l>
              <l rend="i">Ceux qui te vangent des pervers ;</l>
              <l rend="i">Tu sçais qu’aujourd’huy sur la terre</l>
              <l rend="i">Aucun Prince ne fait la guerre</l>
              <l rend="i">A ceux qui méprisent tes Loix,</l>
              <l rend="i">Comme LOUIS, ce grand Monarque,</l>
              <l rend="i">Au front de qui chacun remarque</l>
              <l rend="i">Le vray caractere des Rois.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quel autre avec un plus grand zele</l>
              <l><hi rend="i">Soutient les droits de tes Autels ?</hi></l>
              <l rend="i">Quel autre parmy les Mortels</l>
              <l rend="i">A te servir est plus fidelle ?</l>
              <l rend="i">Ce Prince à peine fut monté</l>
              <l rend="i">Sur le Trône de Majesté</l>
              <l rend="i">Qui de luy prend un nouveau lustre,</l>
              <l rend="i">Qu’il medita de saints combats,</l>
              <l rend="i">Pour mettre par un coup illustre</l>
              <l rend="i">Le crime &amp; l’Heresie à bas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Si jamais nos humbles prieres,</l>
              <l rend="i">Quoy que sans l’avoir merité,</l>
              <l rend="i">Ont obtenu de ta bonté</l>
              <l rend="i">Des graces vraiment singulieres ;</l>
              <l rend="i">Daigne nous conserver ce Roy,</l>
              <l rend="i">Qui faisant tout trembler d’effroy,</l>
              <l rend="i">N’a point d’autre but que ta gloire.</l>
              <l rend="i">S’il combat, c’est pour ta grandeur,</l>
              <l rend="i">Et s’il remporte la Victoire,</l>
              <l rend="i">Il t’en nomme aussi-tost l’Auteur.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_010" resp="mercure">
          <head>[Service fait aux Jesuites de Lyon, pour feu Mr l’Archevesque de Lyon]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 10-26.</bibl>
          <p/>
          <p>L’abondance de la matiere ne me permit pas le mois passé, de vous apprendre avec combien de somptuosité &amp; d’éclat les Peres Jesuites de Lyon ont fait paroistre au Public la reconnoissance qu’ils conservent pour feu Messire Camille de Neuville Villeroy, Archevesque de la mesme Ville, leur Bienfaiteur. Le 23. de Juillet dernier, ils luy firent faire des Obseques avec une magnificence digne de leur zele, &amp; de la personne pour qui ils se sont acquittez de ce devoir, ce Prelat ne s’estant pas contenté de les honorer pendant sa vie d’une protection toute particuliere, mais ayant bien voulu leur laisser encore sa Bibliotheque par son testament. [...] La Ceremonie commença par les Vespres des Morts, qui furent dites solemnellement le 22 de Juillet. Le lendemain, M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque d’Autun, Administrateur de l’Archevesché de Lyon pendant le Siege vacant, officia avec son Clergé. M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de Canaples, Commandant dans la Province, accompagné de toute la Noblesse se trouva dans cette grande Assemblée, aussi-bien que M<hi rend="sup">r</hi> de Berulle, Intendant de la Province, M<hi rend="sup">rs</hi> les Comtes de Lyon, M<hi rend="sup">rs</hi> du Presidial, les Officiers de la Ville avec les Exconsuls, les Elus, &amp; les Tresoriers de France, tous en Corps. L’Assemblée estoit encore composée de tout ce qu’il y avoit de personnes de merite &amp; de distinction dans la Ville. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Saint Antoine, &amp; Madame la Princesse de Wirtemberg furent de ce nombre. Le Pere de Colonia, l’un des deux Professeurs de Rhetorique, prononça l’Oraison Funebre, &amp; faisant trois points de son Discours, il prouva que feu M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevêque de Lyon avoit eu la fidelité d’un Sujet, le genie d’un grand Ministre, &amp; le zele d’un Saint Prélat. Tout éloquent &amp; tout délicat qu’estoit cet Eloge, il plut encore davantage par la sincerité des loüanges qu’il contenoit, que par les pensées brillantes &amp; les tours vifs qui le remplissoient. L’applaudissement qu’il a receu, &amp; l’empressement qu’on a marqué de le voir, ont obligé le Pere de Colonia à le donner au Public.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_042" resp="wordpro">
          <head>[Theses au Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 42-57.</bibl>
          <p/>
          <p>Ceux qui cherchent le délassement de leur esprit dans les plaisirs du Theatre, en auront beaucoup à lire le nouvel Ouvrage que je vous envoye de M<hi rend="sup">r</hi> de Vin. Il est fait contre les Sifflets, dont le mauvais usage s’est introduit depuis quelque temps à la Comedie avec une telle fureur, que les Acteurs sont souvent interrompus, &amp; mesme contraints quelquefois de quitter une Piece nouvelle dés le troisiéme Acte, pour en representer une des anciennes, selon qu’il plaist aux Siffleurs de la demander. Cette licence est d’autant plus dangereuse, que rebutant les Auteurs, elle étouffe en quelque façon les genies les plus heureux par le dégoust qu’elle leur inspire pour le Theatre ; outre qu’il ne faut qu’une Cabale contraire pour faire tomber, au moyen de ces Sifflets, une Piece, qui sans cela, pourroit meriter l’approbation des Connoisseurs. C’est le sujet de la Requeste que presente la Muse qui préside à la Comedie.</p>
          <quote>
            <label>THALIE<lb />AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Sire, à tes pieds tu vois Thalie,</l>
              <l rend="i">Le cœur gros de soupirs &amp; l’œil noyé de pleurs,</l>
              <l rend="i"> Implorer pour la Comedie</l>
              <l rend="i"> Ton secours contre les Siffleurs.</l>
              <l rend="i">Je te l’avois fait voir si belle &amp; si pompeuse,</l>
              <l rend="i"> Que depuis peu la France heureuse</l>
              <l rend="i"> Nenvioit plus aux vieux Romains</l>
              <l rend="i"> Ny leur Plaute ny leur Terence,</l>
              <l rend="i"> Et pouvoit de ses Pocquelins *</l>
              <l rend="i">Aux Menandres fameux opposer l’excellence.</l>
              <l rend="i"> Mais de mes insignes faveurs</l>
              <l rend="i">Que me sert-il, helas ! d’enrichir les Auteurs,</l>
              <l rend="i">Si, bien loin aujourd’huy d’accorder ses suffrages,</l>
              <l rend="i">Comme il fit autrefois, à leurs premiers Ouvrages,</l>
              <l rend="i"> Le Public veut que leur début</l>
              <l rend="i"> Ait autant de délicatesse,</l>
              <l rend="i">De traits brillans, d’esprit, de force &amp; de finesse,</l>
              <l rend="i">Que Moliere en fit voir dans le temps qu’il parut ?</l>
              <l rend="i">Accoutumé qu’il est à son charmant Avare</l>
              <l rend="i"> Et semblable au voluptueux,</l>
              <l rend="i">Qui sur un mets commun-jette un œil dédaigneux,</l>
              <l rend="i"> Son dégoust fantasque &amp; barbare</l>
              <l rend="i"> Ne peut se resoudre à souffrir</l>
              <l><hi rend="i">Tout ce qui de moins bon à ses yeux vient s’offrir.</hi></l>
              <l rend="i">Ainsi pour peu qu’un tour, un vers, un mot le blesse,</l>
              <l rend="i"> Aussi-tost sa delicatesse,</l>
              <l rend="i">Toute fausse qu’elle est, rebuttant les Auteurs,</l>
              <l rend="i">Au bruit de cent Sifflets demande une autre piece,</l>
              <l rend="i">Et sans aucun respect de Grandeur ny d’Altesse,</l>
              <l rend="i">Brusque &amp; mesme à leurs yeux fait taire les Acteurs.</l>
              <l rend="i">Que ne se donne-t-il un peu de patience ?</l>
              <l rend="i">Hé quoy, reussi-t-on d’abord que l’on commence,</l>
              <l rend="i">Et quel que soit l’encens que l’on doive à Cinna,</l>
              <l><hi rend="i">Le grand Corneille enfin debuta-t-il par là ?</hi></l>
              <l rend="i"> Melite, Clitandre, &amp; la Veuve</l>
              <l rend="i">Ne furent de son Cid que les foibles essais,</l>
              <l rend="i">Et son esprit naissant, par là mis à l’épreuve,</l>
              <l rend="i">De ce qu’il fit depuis ne dut l’heureux succés</l>
              <l rend="i"> Qu’à l’indulgence liberale</l>
              <l rend="i">Qu’eut alors tout Paris pour sa Place Royale.</l>
              <l rend="i"> Le moindre Sifflet l’eust glacé,</l>
              <l rend="i"> Et si, quand il a commencé,</l>
              <l rend="i">Sa timide jeunesse en eust senti l’audace,</l>
              <l rend="i"> Auroit-elle jamais pensé</l>
              <l rend="i">A produire au grand jour son merveilleux Horace ?</l>
              <l rend="i"> Moliere, dont en ton loisir</l>
              <l rend="i">Tu vis le Jeu comique avec tant de plaisir,</l>
              <l rend="i">Eust-il osé si loin porter son beau genie,</l>
              <l rend="i"> Si ses Auditeurs mécontens</l>
              <l><hi rend="i">Eussent fait essuyer à ses froids Contretemps</hi> <ref>ou l’Etourdy.</ref></l>
              <l rend="i">Des Siflets d’aujourd’huy la sauvage furie ?</l>
              <l> <hi rend="i">Son Hypocrite Scelerat ;</hi> <ref>Le Tartuffe.</ref></l>
              <l rend="i">Eust-il contre luy-mesme excité tant d’éclat ?</l>
              <l><hi rend="i">Non, &amp; content du Sac où Scapin s’envelope,</hi></l>
              <l rend="i">Son trop juste dégoust eust privé ton Etat</l>
              <l rend="i">De son Amphitrion, &amp; de son Misantrope.</l>
              <l><hi rend="i">De la Veuve d’Hector la constante douleur</hi> <ref>Andromaque</ref></l>
              <l rend="i">N’eust pas aussi peut-estre attendri ton grand cœur,</l>
              <l rend="i"> Si par un double Fratricide</l>
              <l rend="i"> Quelque impitoyable Sifleur</l>
              <l><hi rend="i">Eust de l’air qu’on s’y prend traité la Thebaïde.</hi> <ref>ou les Freres Ennemis.</ref></l>
              <l rend="i"> Sage par sa confusion,</l>
              <l rend="i"> Racine qui du grand Corneille</l>
              <l rend="i">Osa voir sans trembler la réputation,</l>
              <l><hi rend="i">Et que n’étonna point la gloire de son nom,</hi></l>
              <l rend="i">Eust-il, quoy qu’animé d’une Verve pareille,</l>
              <l rend="i">Passé, comme il a fait, de merveille en merveille ?</l>
              <l rend="i">Du farouche Neron jamais Britannicus</l>
              <l rend="i">N’eust tombé de nouveau sous la noire injustice.</l>
              <l rend="i"> Jamais eust-on vû Berenice</l>
              <l rend="i">Pleurer si tendrement les rigueurs de Titus,</l>
              <l rend="i">Et n’eust-on pas perdu sa belle Iphigenie,</l>
              <l><hi rend="i">Si ces Siflets alors par bonheur inconnus,</hi></l>
              <l rend="i">Eussent fait de son temps éclater leur manie ?</l>
              <l rend="i">Ces grands hommes par là honteux &amp; rebutez,</l>
              <l rend="i"> D’un mépris si plein d’indecence,</l>
              <l rend="i">Se fussent pour jamais imposé le silence.</l>
              <l rend="i">Je t’avoûray, grand Roy, qu’ils doivent leurs beautez</l>
              <l rend="i"> A l’Etoile qui les leur donne ;</l>
              <l rend="i"> Mais si leur heureux Ascendant</l>
              <l rend="i">Leur prodigue un esprit sublime, transcendant,</l>
              <l rend="i">Le temps seul les acheve &amp; les perfectionne.</l>
              <l rend="i">Ainsi ne doit-on pas leur donner le loisir</l>
              <l rend="i">Que tout Estre mortel demande pour meurir,</l>
              <l rend="i"> Et faut-il sans misericorde</l>
              <l rend="i"> Que ce temps leur soit refusé,</l>
              <l rend="i">Quand au moindre Farceur ce Public insensé</l>
              <l rend="i"> Aujourd’huy volontiers l’accorde ?</l>
              <l><hi rend="i">D’autres pourroient encor, instruits par mes leçons,</hi></l>
              <l rend="i">Te divertir un jour &amp; charmer tes oreilles,</l>
              <l rend="i"> Si de mes jeunes Nourrissons</l>
              <l rend="i">Tu voulois soutenir &amp; rassurer les veilles.</l>
              <l rend="i">J’en sçais qui pleins d’un feu qu’avoüeroit Apollon,</l>
              <l rend="i">Dans le monde bien-tost se feroient un grand nom ;</l>
              <l rend="i">Mais tout propres qu’ils sont à monter sur la Scene,</l>
              <l rend="i">La fureur des Siflets intimide leur Veine,</l>
              <l rend="i">Et du Fourbe tombé le surprenant malheur</l>
              <l rend="i">Etouffe dans leur sein toute leur noble ardeur.</l>
              <l rend="i">Ils sçavent qu’il ne faut que la moindre cabale.</l>
              <l rend="i">Pour faire succomber l’Ouvrage le plus beau,</l>
              <l rend="i">Et que l’on voit souvent contre un Auteur nouveau</l>
              <l rend="i"> L’Envie au Theatre fatale</l>
              <l rend="i">De Siflets ennemis armer toute sa Sale,</l>
              <l rend="i"> Cependant ce nouvel Auteur</l>
              <l rend="i">Défait de ses defauts par un peu d’indulgence,</l>
              <l rend="i">Porteroit ses efforts jusques à l’excellence</l>
              <l rend="i"> D’un Art qui me fait tant d’honneur.</l>
              <l rend="i">Arreste donc, grand Roy, cette fureur brutale ;</l>
              <l rend="i">Fais-luy sentir enfin l’accablante vigueur</l>
              <l rend="i"> De ton autorité royale</l>
              <l rend="i"> Et quand ta rapide valeur,</l>
              <l rend="i">Egalement terrible &amp; sur mer &amp; sur terre,</l>
              <l rend="i">De ton juste couroux fait gronder le tonnerre :</l>
              <l rend="i"> Quand prés de ce Détroit fameux</l>
              <l rend="i">Qui regardé jadis comme la fin du Monde,</l>
              <l><hi rend="i">Fixa d’un Demi-Dieu la course vagabonde,</hi> <ref>Hercule.</ref></l>
              <l rend="i">Tourville insultant Rooke, &amp; ses Vaisseaux nombreux,</l>
              <l rend="i">De ce foudre vangeur luy fait sentir les feux,</l>
              <l rend="i"> Et te rend le Maistre de l’Onde ;</l>
              <l rend="i">Quand, dis-je, Luxembourg, son illustre Rival,</l>
              <l rend="i">Passant sous ton grand nom de victoire en victoire,</l>
              <l rend="i">Sur ses pas triomphans éternise ta gloire,</l>
              <l rend="i">Et de tes Envieux confond l’orgueil fatal,</l>
              <l rend="i">Quoy, deviendrois-tu sourd aux plaintes du Parnasse ?</l>
              <l rend="i"> Non, non, sensible à ma douleur,</l>
              <l rend="i">Des insolens Siflets ne souffre pas l’audace,</l>
              <l rend="i">Et de tes Loix contre eux preste-moy la faveur.</l>
              <l rend="i">Haste-toy, qu’au plûtost ta bonté se declare ;</l>
              <l rend="i">Mais si de mon destin par un effet bizarre</l>
              <l rend="i">Je pouvois à tes pieds me plaindre sans succés,</l>
              <l rend="i">Soutiens, défens du moins tes propres interests,</l>
              <l rend="i">Car ton Peuple autrement redeviendroit barbare ;</l>
              <l rend="i">Et peut-estre toy-mesme un jour tu le verrois</l>
              <l rend="i"> Retomber dans cette ignorance</l>
              <l rend="i">Dont tu sçais que mes soins ont delivré la France.</l>
            </lg>
            <note><p>* Moliere.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_056" resp="mercure">
          <head>[Mort de Mr Raisin]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 56-57.</bibl>
          <p/>
          <p>On ne se contente pas de siffler les Pieces, on va quelquefois jusqu’à siffler les Acteurs, quand ils n’ont pas le bonheur de plaire. Les Comediens François viennent d’en perdre un qui n’avoit rien à appréhender de ce costé-là, puis qu’il estoit le charme de tout Paris dans le Comique. C’est vous faire entendre assez que je vous parle de M<hi rend="sup">r</hi> Raisin, mort dans une grande jeunesse, &amp; d’autant plus regretté de ceux qui aiment la Comedie, que c’est une perte difficile à réparer.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_057" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances faites en Champagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 57-67.</bibl>
          <p/>
          <p>La défaite des Ennemis à Neerwinde, a esté si grande &amp; si entiere, qu’on a fait des Feux de joye pour cette Victoire dans toutes les Villes du Royaume. Celle de Luzy en Champagne s’est distinguée dans ces marques de réjoüissance. Mr Naule de Tresillon, Maire perpetuel de la Ville, ayant donné ses ordres, on éleva dans la grande Place une Pyramide à quatre faces, qui se terminoit par le haut en maniere de couronne, au dessus de laquelle on voyoit un Soleil d’or, &amp; au bas sur la face qui regardoit la grande ruë, Mr le Maréchal Duc de Luxembourg estoit representé armé, tenant son Baston de Maréchal, avec lequel il montroit le Soleil. [...]</p>
          <p>On avoit remply la derniere face, de Lyons, &amp; de Leopards enchaisnez, &amp; d’une Aigle attachée par les pieds. Au dessus estoit un Coq chantant avec ces mots de Virgile, Tormenti genus, pour signifier que l’Aigle se voyant captive n’avoit point de plus facheux tourment que celuy de voir le Coq au dessus d’elle, &amp; de l’entendre chanter, de mesme que les Lyons &amp; les Leopards n’en avoient pas de plus cruel que la voix de cet Oiseau. [...] Sur les huit heures du soir, les Bourgeois en armes lestement vestus, &amp; commandez par Mrs Ballard &amp; Repoux, allerent prendre Mr le Maire chez luy, où s’estoient rendus Mrs de Ville. Le Corps de Justice, pour luy faire honneur, parce qu’il entroit dans l’exercice de la Magistrature perpetuelle, voulut aussi assister à cette Ceremonie. La porte de son Logis étoit ornée de quatre colomnes qui formoient un Dome par le dessus, où étoient les Armes du Roy en relief, celles de la Ville, &amp; au dessous les Armes de ce Magistrat. De chaque costé estoit une Fontaine de Vin. Mr le Maire sortit précedé par quatre Sergens, ayant des Manteaux rouges, sur lesquels les Armes de la Ville estoient mises en forme de broderie, &amp; par six Huissiers en robe. Chaque Sergent avoit une Halebarde. Après une décharge de Mousqueterie qui dura plus d’un quart d’heure, on commença à marcher dans un bel ordre, les Tambours, les Fifres &amp; les Hautbois inspirant la joye par la maniere dont ces instrumens retentissoient. Douze Violons avec des Basses de Viole suivoient la Soldatesque precedant le Magistrat, qui ne fut pas plutost arrivé à la Place où estoit dressé le Feu, que quatre Fontaines de Vin commençerent à couler aux quatre coins. On fit trois fois le tour de la Place, &amp; les Sergens de Ville s’estant arrestez, il se fit une double haye à travers laquelle Mr Coujard, Major, vint presenter un Flambeau à Mr le Maire, avec lequel il mit le Feu à une meche de Souffre, qui s’estant portée sur la Galerie, on vit en un moment toute la Piramide embrasée, ce qui fut suivy d’un si grand bruit de Mousquets, de Petards &amp; de Grenades, qu’il sembloit que toute la Ville alloit estre renversée. Ce Feu ayant duré prés d’une heure, il sortit du Baston de Commandement que Mr de Luxembourg tenoit en sa main, une espece de Feu de Foudre qui alla tomber sur les Lyons, sur les Leopards, &amp; sur l’Aigle qu’il consuma entierement ; presqage certain que l’Espagne, la Hollande &amp; l’Empereur chercheront inutilement à resister aux Armes du Roy. On reconduisit le Magistrat dans le mesme ordre qu’on estoit venu, &amp; il regala magnifiquement les Officiers de Ville &amp; de Justice, le Major &amp; les Capitaines des Quartiers. Les Particuliers firent tous des Feux devant leurs Maisons, &amp; ce fut pendant tout le reste de la nuit une rejoüissance generale. Le lendemain, Mr le Maire fit faire un Service solemnel pour le repos des ames de ceux qui avoient donné leur sang pour leur Patrie, &amp; signalé leur courage dans une Bataille aussi glorieuse à la France que celle-là.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_076" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 76-117.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme le Carnaval est le temps des Galanteries &amp; des Plaisirs, il ne faut pas s’étonner s’il s’y passe quelquefois des Avantures un peu extraordinaires par la liberté que donne le Masque. Celle dont je vais vous faire part peut-estre mise du nombre. Dans le mois de Janvier dernier, un Cavalier fort bien fait, &amp; d’un tour d’esprit aussi galant qu’agréable, fut prié d’un Bal chez une Personne de Qualité. Quelques raisons l’obligerent à s’en excuser. Cependant un commencement d’amour qu’il sentoit pour une jeune Personne qui y devoit estre, &amp; qu’il ne voyoit qu’avec beaucoup de precautions, luy fit prendre le dessein de se déguiser, dans l’esperance de la trouver à ce Bal, &amp; de luy expliquer ses sentimens sans contrainte. Il prit l’habit qui luy parut le plus propre à l’empescher d’estre reconnu, &amp; chercha avec un fort grand empressement la Demoiselle qu’il croyoit y rencontrer. Ne la trouvant point, il roula dans son esprit mille fâcheuses pensées, &amp; s’imagina qu’étant peu touchée des premieres marques qu’il luy avoit données de sa passion, elle auroit fait une partie de masquer avec quelque Amant qui luy plaisoit davantage. Tout penetré de ce mouvement de jalousie, il se retira dans un coin de la Salle ou l’on dansoit, pour entretenir son humeur resveuse, &amp; apperceut sur un Canapé deux Femmes masquées, dont il crut l’une la Personne qu’il cherchoit. Il eut d’autant plus de lieu d’en estre persuadé, qu’en se serrant pour luy faire place sur ce mesme Canapé, elle témoignoit le reconnoistre. Il receut cette faveur avec beaucoup de reconnoissance, &amp; aprés luy avoir marqué la crainte qu’il avoit euë que sa complaisance pour quelque Rival ne luy eust fait faire une partie agréable qui l’auroit privé de la satisfaction de l’entretenir, il fut fort surpris de sa réponse, qui fut qu’il n’avoit pû croire sans mal juger d’elle, qu’un autre que luy l’eust fait venir à cette Assemblée ; qu’il estoit temps qu’il examinast son cœur sur les veritables sentimens qu’il avoit pour elle ; qu’elle luy avoit parlé plusieurs fois de la situation où elle estoit ; que son Pere vouloit absolument, ou qu’il l’épousast, ou qu’il cessast de la voir, &amp; qu’elle seroit d’autant plus inexcusable de resister à ses volontez, qu’il s’offroit pour elle un autre party qui luy devoit estre avantageux, de sorte que c’estoit à luy à voir serieusement quelle resolution il avoit à prendre. Le Cavalier connoissant par ce discours qu’il s’estoit trompé, &amp; que la Personne à qui il parloit se trompoit aussi en le prenant pour celuy qu’elle souhaitoit qui s’expliquast, examina avec plus d’attention ce que le masque laissoit voir de son visage, &amp; n’y trouvant rien qui ne piquast ses desirs &amp; sa curiosité, il luy dit obligeamment qu’il voyoit bien qu’ils s’estoient mépris tous deux, mais qu’il y avoit souvent de la destinée dans ce qui faisoit l’union des cœurs, &amp; que s’il s’en rapportoit à ce qu’il sentoit naistre dans le sien tout d’un coup pour elle, il n’y avoit point pour luy de plus grand bonheur à esperer que la permission de prendre la place de celuy dont elle avoit sujet de se plaindre. La Belle détrompée par ces paroles, &amp; ne voulant pas demeurer muette à cette galanterie, luy répondit d’une maniere fort spirituelle qu’elle vouloit croire que le hazard se mesloit de bien des choses, &amp; que peut-estre l’erreur où il luy faisoit connoistre qu’elle estoit tombée par le rapport de sa taille avec celle d’un Amant qui la fuyoit depuis quelques jours, &amp; qu’elle estoit venuë chercher dans ce Bal, auroit des suites dont ils seroient contens l’un &amp; l’autre, mais que cependant elle n’alloit pas si viste quand il s’agissoit d’engager son cœur, non pas qu’il ne fust dans un estat assez libre pour en pouvoir disposer sans que l’on eust droit de luy faire aucun reproche, mais qu’elle avoit compris par la crainte qu’il luy avoit d’abord expliquée, qu’il n’estoit plus luy-mesme en pouvoir de donner le sien. Le Cavalier luy voulut bien avoüer qu’il avoit senty quelque disposition à l’amour pour une jeune Personne en qui il trouvoit beaucoup de merite, mais qu’il y avoit de si grands obstacles à surmonter pour la voir, &amp; qu’elle prenoit si peu de soin de luy en faciliter les moyens, que le sacrifice qu’il luy feroit en l’abandonnant, seroit peu considerable, s’il estoit vray qu’elle fust assez maistresse de ses sentimens pour le vouloir écouter favorablement. Cette conversation alla fort loin, &amp; ce qu’ils se dirent sur le pouvoir de l’Etoile fut accompagné de tant de delicatesse &amp; de finesse d’esprit, qu’ils demeurerent également convaincus qu’ils estoient nez avec des lumieres peu communes. Le Cavalier, par un mouvement qu’il luy estoit impossible de combattre, la rendoit déja maistresse de ses volontez, &amp; la Belle assez avantageusement prévenuë pour luy, voulut faire un premier essay de son pouvoir en le priant de se démasquer. Comme il estoit d’une physionomie heureuse, &amp; qu’il ne hazardoit rien à se montrer à l’égard de sa personne, il eut pour elle la complaisance qu’elle souhaitoit, &amp; elle en fut d’autant plus contente, que son visage luy estant connu, elle sçavoit par toutes les choses qui se disoient de luy dans le monde, que c’estoit un homme de naissance, que des qualitez fort estimables mettoient en passe d’estre bien receu par tout. On le luy avoit montré l’Esté dernier aux Tuileries, en parlant d’une avanture où il avoit eu la plus grande part, &amp; dont il s’estoit tiré en fort galant homme. Le Cavalier pressa la Belle à son tour de vouloir oster son masque, mais elle s’en défendit obstinément, &amp; luy dit, que quoy que peut-estre elle n’eust rien de desagreable dans les traits, si la force de l’Etoile luy devoit donner pour elle cette vive passion qui fait la felicité des cœurs bien unis, elle en vouloit estre redevable, non pas à un éclat de beauté qu’une maladie peut affoiblir, &amp; qu’il faut necessairement que le temps efface, mais à ce qui fait le merite essentiel, &amp; qui venant de l’esprit &amp; de la raison, n’est point sujet à ces sortes d’accidens. Ce refus l’embarassa. Il la pria de luy dire comment il pourroit la connoistre sans la voir. Elle luy marqua un lieu où le lendemain il y avoit Bal, l’assurant qu’elle s’y rendroit de fort bonne heure, &amp; le chargeant de s’informer de tous ceux qu’on donneroit le reste du Carnaval, afin qu’y venant tous deux dans le mesme habit pour se reconnoistre, ils eussent le temps de s’examiner sur ce qu’ils pourroient se promettre l’un à l’autre. Il eut beau se plaindre de la rigueur de la Belle, il n’en put rien obtenir de plus, &amp; malgré tous les soupçons que luy put donner l’obstination qu’elle eut à luy cacher son visage, cette résistance fut pour ses desirs une si puissante amorce, qu’il les sentit redoubler par cet obstacle. Ils se donnerent plusieurs rendez-vous de la mesme sorte dans des Assemblées publiques, &amp; l’exactitude avec laquelle chacun d’eux prit soin de s’y trouver, fit assez connoître qu’il y avoit quelque chose qui les entraînoit malgré eux-mesmes. Le Cavalier fut charmé de plus en plus du merite de la Belle. Il luy trouvoit tout l’esprit qu’on peut avoit, &amp; elle luy faisoit voir tant de droiture de cœur dans ce qu’il luy donnoit lieu de luy répondre, qu’il luy sembloit impossible que ce fussent des sentimens affectez pour l’ébloüir. Cependant elle refusoit toujours de se démasquer ; &amp; avec de belles mains &amp; de beaux bras, il estoit contraint de se contenter de voir des yeux fort vifs &amp; remplis de feu, &amp; un certain tour de visage, qui promettoit de la regularité dans tout le reste. La Belle de son costé trouvoit dans le Cavalier beaucoup plus encore qu’elle n’avoit oüy dire, &amp; elle luy avoüoit qu’elle s’en sentoit assez touchée pour se réjoüir de l’oubly de son Amant, qui avoit entierement cessé de la voir. Dans ce temps là, un Amy du Cavalier luy fit un Portrait assez desavantageux de la Demoiselle qui estoit si reservée à recevoir ses visites, &amp; luy apprit qu’elle n’en usoit de cette sorte, que pour favoriser un Rival qui en avoit de fort frequents rendez-vous. Le Cavalier témoigna ne s’en mettre point en peine, parce qu’il avoit le cœur pris ailleurs &amp; en mesme temps, il luy raconta son avanture. Cet Amy surpris d’une si bizarre passion, luy dit qu’il n’y avoit que les Dupes qui fussent capables de donner dans de semblables panneaux, &amp; qu’assurément un si long refus de se montrer, marquoit, ou de la laideur dans la Demoiselle, qui prétendoit le gagner par son esprit, ou quelque déreglement dans sa conduite, dont elle vouloit luy oster la connoissance, jusqu’à ce que son amour l’attachast assez pour l’obliger à passer par dessus les mauvais contes qu’on luy pourroit faire, mais que s’il estoit d’humeur à prendre un engagement qui luy feroit honneur dans le monde, &amp; dont il auroit toûjours sujet d’estre content, il luy donneroit accés chez une des plus aimables, &amp; des plus belles personnes qu’il eust jamais veuës, dans laquelle il trouveroit avec du bien &amp; de la naissance, beaucoup d’esprit, une sagesse achevée, &amp; une douceur qui le charmeroit. Le Cavalier répondit, que si tant de belles qualitez se rencontroient dans cette personne sans aucun defaut qui les affoiblist, il s’estonnoit fort que les connoissant si bien, il ne prenoit point le party pour luy. Son Amy luy protesta que son aversion pour le Mariage en estoit la seule cause, &amp; que s’il estoit capable de s’engager pour toûjours, il ne feroit point un autre choix ; mais qu’il sentoit bien qu’il la rendroit malheureuse, toute aimable qu’elle estoit, s’il se hazardoit à l’épouser, puis qu’aimant la liberté preferablement à toutes choses, il luy seroit impossible de ne s’en pas repentir. Il eut beau poursuivre l’Eloge de cette belle personne ; le Cavalier remply de l’idée de son aimable Inconneü, ne put se resoudre à la bannir. Il regarda comme une infidelité qu’il luy feroit, la visite qui luy estoit proposée, &amp; tout ce que son Amy put obtenir, ce fut qu’il iroit dans une Eglise, où tous les jours elle avoit coûtume d’entendre la Messe à certaine heure reglée, afin qu’examinant son visage, il pût luy dire si le Portrait qu’il en avoit fait estoit un Portrait flatté. Son Amy luy ayant donné quelques raisons pour se dispenser de l’accompagner dans cette Eglise, luy marqua la place où elle se mettoit ordinairement, suivie d’une Demoiselle avec un Laquais de telle Livrée. Le lendemain le Cavalier n’attendit pas fort long temps, sans voir arriver ce qu’il cherchoit. C’estoit une Fille d’un fort grand éclat, des traits assez reguliers, beaucoup de douceur dans le visage, &amp; je ne sçay quoy de vif, &amp; de fort piquant. Il la regarda avec une attention extraordinaire, &amp; la Belle qui s’en apperceut, ne put remarquer cet effet de sa beauté, sans baisser les yeux en rougissant. Cette rougeur qui répondoit de sa modestie, fut un grand charme pour le Cavalier, quoy qu’il opposast à ce qu’il voyoit d’aimable, tout ce que luy fournissoit son imagination en faveur de l’Inconnuë. La Messe finie, elle sortit sans jetter aucun regard vers le Cavalier, qui demeura d’accord avec son Amy qu’elle estoit capable d’inspirer une forte passion, mais cependant rien ne pouvoit approcher de celle qu’il aimoit sans la connoistre. Il luy mettoit dans les yeux une langueur qui penetroit jusqu’au fond de l’ame, &amp; quand elle n’auroit pas esté aussi belle qu’il se la representoit, il estoit persuadé que son esprit l’emportoit sur toutes les personnes de son Sexe. Son Amy, aprés avoir long-temps combatu cet aveugle amour, fut contraint de l’abandonner à son caprice. Ce qu’il y eut de fort singulier, c’est que presque tous les soirs il entretenoit la Belle masquée, &amp; qu’il la quittoit toûjours plus charmé de son esprit &amp; de ses manieres, &amp; que malgré cette favorable prevention, il ne pouvoit s’empêcher tous les matins d’aller dans l’Eglise contenter ses yeux, en regardant la belle Personne dont luy avoit parlé son Amy, sans qu’il eût pû l’obliger à luy rendre une visite. Ses regards produisoient toujours le même effet. S’il rencontroit par hazard ceux de la Belle, elle rougissoit, &amp; les détournoit dans le mesme instant. La fin du Carnaval approchoit, lors que l’aimable Inconnuë, qui continuoit toujours ses rendez vous, fit paroistre au Cavalier un trouble d’esprit qui ne luy étoit pas ordinaire ; il ne put s’en appercevoir sans en témoigner de l’inquietude. La Belle luy dit que comme elle estoit naturellement un peu défiante, elle faisoit observer toutes ses démarches par des Espions, qui luy avoient rapporté qu’il s’estoit trouvé en lieu où il avoit eu les yeux long temps attachez sur une jeune Personne, dont le visage &amp; le nom luy estoient connus ; que son assiduité à se trouver dans ce mesme lieu pour faire toujours la mesme chose, marquoit un dessein qu’elle ne comprenoit pas ; qu’il ne faloit point qu’il se contraignist ; que si c’estoit une passion naissante qui luy fist plaisir, il valoit mieux qu’elle apprist son changement plûtost que plus tard, n’estant pas juste, s’il estoit porté à l’inconstance, qu’il abusast plus longtemps de la foiblesse d’un cœur qui s’abandonnoit à son panchant. Le Cavalier étonné de la voir si bien instruite, luy fit de nouveaux sermens d’un attachement inébranlable ; &amp; pour la convaincre du veritable pouvoir qu’elle avoit sur luy, il luy conta tout ce qui s’étoit passé de la part de son Amy, pour la Personne dont elle montroit de la jalousie. Il ajoûta qu’ayant absolument refusé d’aller chez elle, il estoit vray qu’à la priere de ce mesme Amy, il avoit consenty enfin à la voir de loin, &amp; qu’une vaine curiosité l’avoit attiré plusieurs fois au mesme lieu, pour examiner avec plus d’attention tous les traits de son visage, mais avec si peu de dessein, que tenant les yeux attachez sur elle, il n’avoit pas mesme songé à la saluer, quoy que la civilité semblast l’exiger de luy, tant il estoit éloigné de rien souffrir dans son cœur qui fust contraire à l’amour dont il luy avoit donné de si fortes assurances. La Belle tres satisfaite de cet éclaircissement, voulut sçavoir le nom de l’Ami qui avoit tâché de le seduire, &amp; luy demanda ensuite ce qu’il pensoit de la Demoiselle, le priant avec instance de s’en expliquer sincerement. Il luy avoüa qu’il avoit trouvé beaucoup de douceur &amp; d’éclat dans son visage, &amp; qu’avant l’engagement dont il faisoit son bonheur, il n’auroit point refusé l’offre qu’on luy avoit faite de luy en donner la connoissance ; mais il l’assura en mesme temps qu’il étoit toujours fortement persuadé, voyant les bontez qu’elle avoit pour luy, qu’il n’y avoit rien qui pust égaler l’heureuse fortune qui luy estoit destinée. La Belle luy répondit d’un air engageant que peut-estre il donnoit trop à l’Etoile, mais qu’elle estoit resoluë de voir jusqu’où elle iroit, &amp; qu’il falloit pour cela qu’il rendist visite à sa Rivale afin qu’il en pust connoistre tout le merite ; que si aprés cette épreuve, il continuoit à pancher de son costé, elle pourroit s’asseurer d’en estre veritablement aimée ; qu’elle sçavoit bien que c’estoit trop hazarder ; mais que l’Etoile s’estant meslée de l’engagement qu’ils avoient tous deux commencé à prendre, il estoit juste de la laisser tout à fait maistresse de leur destinée. Le Cavalier resista long temps à ce que la Belle exigeoit de luy, non qu’il craignist, disoit-il, que le merite de sa prétenduë Rivale pust jamais rien sur son cœur, mais parce qu’il avoit peine à souffrir que sa fidelité fust suspecte, si on ne s’en asseuroit par un essay de cette nature. La Belle Inconnuë le contraignit de luy obeir en luy disant que quoy qu’il pust faire, il ne la verroit jamais qu’aprés qu’il luy auroit rendu compte de la visite qu’elle souhaittoit qu’il fist. Elle ajoûta, afin qu’il pust commencer à la connoistre, qu’à l’égard du bien &amp; de la naissance, elle n’avoit point à craindre que sa Rivale l’emportast sur elle ; que pour l’esprit il en jugeroit, &amp; que du costé de la beauté, cela dépendoit tellement du goust, qu’elle n’avoit rien à luy dire là dessus. Le Cavalier voyant que les Assemblées de Bal alloient finir, &amp; ayant tiré parole de cette aimable Inconnuë qu’elle se laisseroit voir si-tost qu’il auroit fait la visite qu’on luy demandoit, alla dés le lendemain trouver son Amy pour le prier de vouloir bien estre son introducteur. Cet Amy ravy de voir que la beauté de la Demoiselle l’eust assez touché pour luy faire souhaiter de la connoistre, le mena chez une Dame, leur Amie commune, à qui il conta ce qu’il avoir dans le cœur pour une Inconnuë, la priant de le mener chez la Belle en question, dont les yeux du Cavalier estoient déja tres-contens, afin que les charmes de son entretien pussent dissiper les idées flateuses qu’une imagination trop échauffée luy avoit fait prendre un peu chimeriquement. La Dame luy dit mille biens de la Demoiselle, à quoy le Cavalier répondit qu’il n’estoit pas question de son merite, mais seulement de la voir. La Dame le mena chez elle dés le mesme jour, &amp; il la trouva tout-à fait aimable. Sa modestie parut d’abord par quelque rougeur qu’elle ne put s’empêcher de laisser paroistre sur ce qu’il luy dit, que sa beauté luy attirant par tout des Admirateurs, il estoit du nombre depuis quelques jours. Elle parla peu, mais ce qu’elle dit fut juste, &amp; marqua mesme de la finesse d’esprit. La Dame dit quelque chose d’assez plaisant sur l’avanture du Cavalier, qu’elle fit connoistre, &amp; demanda à la Belle si elle croyoit qu’on pust aimer fortement, quand on n’aimoit qu’en idée. Elle répondit modestement qu’on la mettoit sur une matiere dont elle n’avoit nulle connoissance ; qu’un engagement pareil à celuy dont on luy parloit, luy sembloit bien hazardeux, mais qu’elle avoit oüy dire que le veritable amour sçavoit conduire au bonheur par toutes sortes de routes. Le Cavalier qui ne pouvoit demeurer muet sur une chose qui le touchoit de si prés, prit le party de l’Etoile avec tant d’esprit, qu’on fut obligé de luy applaudir sur son esperance. Il sortit de cette visite le cœur assez plein de ce que valoit la Belle, mais il ne pouvoit y faire une entiere attention. L’Inconnuë l’occupoit trop fortement, &amp; ce qu’il s’en figuroit ne luy laissoit pas la liberté d’un jugement équitable, Il ne put pourtant luy déguiser la premiere fois qu’il la vit, qu’il avoit trouvé beaucoup de mérite dans cette jeune Personne, &amp; qu’avec les belles qualitez qu’il luy avoit remarquées, il ne seroit pas surpris qu’elle eust tout l’attachement d’un fort honneste homme. L’Inconnuë ne blâma point sa sincerité, &amp; comme il n’y avoit plus que deux jours jusqu’au Mardy-gras, elle le pria d’estre ce jour-là dans une grande Assemblée qu’elle luy marqua, l’assurant qu’elle ne feroit plus de façon pour oster son masque, &amp; luy permettant de rendre une seconde visite à sa Rivale, pour se resoudre avec plus de fermeté au choix qu’il auroit à faire. Le retardement ne devoit pas estre long. Cependant le Cavalier ne laissa pas de s’en plaindre, &amp; fit ce qu’il put pour se l’épargner. Il n’en put venir à bout, &amp; enfin ce jour si souhaité arriva. Il se rendit à ce Bal de si bonne heure, que comme il attendit fort long-temps, il commença presqu’à desesperer d’y voir la Belle, &amp; en mesme temps à craindre qu’elle n’eust voulu se divertir de sa passion pendant tout le Carnaval, pour l’abandonner sans dénoüer l’avanture. Il estoit dans ces agitations quand il l’apperceut. Il la suivit dans le lieu le plus commode qu’elle put choisir pour l’entretenir en liberté. Elle s’excusa d’abord d’estre venuë un peu tard, sur ce que chacun estoit en societé le Mardy-gras, &amp; luy dit ensuite qu’elle sçavoit qu’il ne s’estoit point servi de la permission qu’elle luy avoit donnée de voir sa Rivale ; qu’elle luy en tenoit dans son cœur un fort grand compte, &amp; qu’elle ne pouvoit mieux l’en recompenser qu’en se faisant voir à luy. En mesme temps elle osta son masque, &amp; il reconnut avec autant de plaisir que de surprise, la mesme personne dont son Ami avoit souhaité le rendre Amant. Cet Ami estoit celuy qu’elle avoit eu dessein de faire expliquer, &amp; qui avoit cessé de la voir depuis quelque temps, n’ayant pû vaincre son aversion pour le Mariage. Vous pouvez facilement vous imaginer ce qu’ils se dirent ; &amp; si le Cavalier s’empressa à rendre des soins à cette aimable Personne. L’Etoile avoit commencé, ils s’y laisserent conduire. Le Pere donna son consentement à cet amour, &amp; les choses ayant esté arrestées entre eux, on n’attendit plus que l’arrivée de quelques Parens pour faire le Mariage.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_117" resp="wordpro">
          <head>Les Serins</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 117-122.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous sçavez par plusieurs Ouvrages que vous avez vûs de M<hi rend="sup">r</hi> Diereville, l’heureux talent qu’il a pour les Vers. En voicy de sa façon, dont la lecture vous fera plaisir.</p>
          <quote>
            <label>LES SERINS.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Lassé des amoureux commerces,</l>
              <l rend="i"> Où tous mes desirs estoient vains,</l>
              <l rend="i"> J’avois donné dans les Serins,</l>
              <l rend="i"> Mais je n’ay pas moins de traverses,</l>
              <l rend="i">Et je ne sçay quels sont mes plus cruels chagrins</l>
              <l rend="i"> Dans mes infortunes diverses.</l>
              <l rend="i"> Tout sembloit répondre à mes veux,</l>
              <l rend="i"> Tous mes Serins avoient des œufs,</l>
              <l rend="i">J’attendois de Petits une heureuse abondance,</l>
              <l rend="i"> Mais halas ! ainsi qu’en amour,</l>
              <l rend="i"> Je me flatois d’une vaine esperance.</l>
              <l rend="i"> Quelques uns n’ont point vû le jour,</l>
              <l rend="i">Et les autres sont morts au point de leur naissance.</l>
              <l rend="i"> D’autres par un plus rude sort,</l>
              <l rend="i">Bien beuvants, bien mangeants, drus comme Pere &amp; Mere,</l>
              <l rend="i"> N’ont pu s’exempter de la mort,</l>
              <l rend="i"> Et c’est ce qui me desespere.</l>
              <l rend="i"> Helas ! qui pourroit supporter</l>
              <l rend="i"> La rigueur d’un sort si contraire ?</l>
              <l> <hi rend="i">Je vois d’un seul coup emporter</hi></l>
              <l rend="i"> Une Famille toute entiere,</l>
              <l rend="i"> Sans sçavoir qui peut me l’ôter.</l>
              <l rend="i"> Ma douleur en est sans égale.</l>
              <l rend="i">Quand je voyois cette Troupe voler</l>
              <l rend="i"> D’un bout à l’autre de ma Sale,</l>
              <l rend="i"> Et commencer à gasouiller,</l>
              <l rend="i">Des autres j’oubliois la disgrace fatale.</l>
              <l rend="i"> Ce qui redouble mes chagrins,</l>
              <l rend="i"> Dans de si funestes outrages,</l>
              <l rend="i"> C’est de voir semblables Serins</l>
              <l rend="i">De l’heureux Licidas remplir toutes les Cages.</l>
              <l rend="i"> Helas ! ce qui détruit les miens,</l>
              <l rend="i"> Ne porte aucune atteinte aux siens,</l>
              <l rend="i"> Ils viennent tous au gré de son envie,</l>
              <l rend="i">On diroit à les voir qu’il leur souffle la vie.</l>
              <l rend="i"> Voila mon sort dans les Oiseaux :</l>
              <l rend="i">C’est ainsi qu’en amour je voyois mes Rivaux</l>
              <l rend="i"> Heureux &amp; contents dans leurs chaînes,</l>
              <l rend="i">Lorsque je ressentois les plus cruelles peines.</l>
              <l rend="i"> Quand je voy du fameux Damon</l>
              <l rend="i"> Les Volieres presque desertes,</l>
              <l rend="i"> Je devrois trouver dans ses pertes</l>
              <l rend="i"> Quelque sujet de consolation.</l>
              <l rend="i"> Il en fait toujours de nouvelles,</l>
              <l rend="i"> Et quand je perds des Serins gris,</l>
              <l rend="i">Je vois perir ses blancs, ses blonds, ses isabelles,</l>
              <l rend="i"> Dont le poids de l’or fuit le prix.</l>
              <l rend="i"> Mais par un long apprentissage,</l>
              <l rend="i">Damon dans les Serins présumant tout sçavoir,</l>
              <l rend="i"> Fait &amp; rompt chaque Mariage,</l>
              <l rend="i">Selon que dans sa teste il se forme l’espoir</l>
              <l rend="i"> De reussir dans ce concubinage.</l>
              <l rend="i"> Les Oiseaux veulent se pourvoir,</l>
              <l rend="i"> Il faut que l’Amour les engage ;</l>
              <l rend="i">Autrement, comme nous, ils font mauvais ménage.</l>
              <l rend="i"> S’il tâchoit moins d’en plus avoir,</l>
              <l rend="i"> Il en auroit peut-estre davantage :</l>
              <l rend="i"> Je laisse aux miens les tendres soins,</l>
              <l rend="i"> Ils sçavent mieux se satisfaire,</l>
              <l rend="i"> Et je ne touche à leur Voliere,</l>
              <l rend="i"> Que pour leur donner leurs besoins.</l>
              <l rend="i"> Dans mes malheurs que faut-il faire ?</l>
              <l rend="i"> Trouveray-je Iris moins severe ?</l>
              <l rend="i"> Retourneray-je sous ses loix ?</l>
              <l rend="i">Non, son cœur à mes vœux sera toujours contraire,</l>
              <l rend="i"> Je ne l’ay vu que trop de fois.</l>
              <l rend="i"> Poursuivons nostre destinée,</l>
              <l rend="i"> Il ne faut pas dans un commencement</l>
              <l rend="i"> Se rebuter d’une mauvaise année,</l>
              <l rend="i">Dans la suite j’auray plus de contentement ;</l>
              <l rend="i">Mais quand rien ne devroit répondre à mon envie</l>
              <l rend="i">J’aimerois encor mieux me voir toute ma vie</l>
              <l rend="i">Malheureux Oiseleur, que malheureux Amant.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_196" resp="wordpro">
          <head>[Vœu de Jephté]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 196-201.</bibl>
          <p/>
          <p>La guerre n’empesche point les Arts de se perfectionner en France, &amp; la Peinture y est dans un si haut point, qu’il faut aujourd’huy que toutes les Nations luy cedent. Je vous parlay il y a un an d’un Tableau, que tout ce qu’il y a de gens de bon goust à Paris, ont esté voir chez M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Richelieu. Il estoit de M<hi rend="sup">r</hi> Coypel le Fils. Le même en vient de faire un qui represente le Vœu de Jephté, &amp; que l’on va voir avec le mesme empressement, chez M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Testu à S. Victor. Je ne vous en fais point la description, qui ne pourroit estre que tres imparfaite, tant il me seroit difficile de bien peindre les passions que ce Tableau fait sentir. Je vous envoye un Sonnet qui les fait mieux connoistre que ce que je pourrois vous en dire. Il ne m’est pas permis de vous en nommer l’Auteur. Je vous diray seulement qu’il a la réputation de ne faire rien que d’achevé.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> COYPEL LE FILS,<lb />Sur son Tableau de Jephté.<lb /><hi rend="i">SONNET.</hi></label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quelles vives beautez brillent dans ton Ouvrage !</hi></l>
              <l rend="i">Que sagement tu sçais ménager tes couleurs !</l>
              <l rend="i">Quel Art, quel goust, quel feu, quel sçavant assemblage,</l>
              <l rend="i">Quelle diversité dans tes nobles douleurs !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Tu fais voir en Jephté la plus touchante Image</l>
              <l rend="i">Des tourments d’un Heros au comble des malheurs ;</l>
              <l rend="i">Pour saisir de pitié l’ame la plus sauvage</l>
              <l rend="i">Seyla n’a pas besoin du secours de ses pleurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Sa modeste vertu, sa grace naturelle,</l>
              <l rend="i">Le mortel desespoir de sa suite fidelle</l>
              <l rend="i">Sur les moins tendres cœurs font des impressions.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Dans ce triste sujet si tu mets tant de charmes</l>
              <l rend="i">Coypel, si tu ravis quand tu tires des larmes,</l>
              <l rend="i">Qu’on doit craindre de toy d’autres expressions !</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Les Dames ont aussi voulu faire des Vers sur ce mesme Tableau du Vœu de Jephté, &amp; ceux qui suivent vous feront connoistre qu’elles ne s’acquitent pas moins galamment que les hommes des choses dont elles se mêlent.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Que ce Tableau plaist à ma veuë !</hi></l>
              <l rend="i"> Ta Seyla me charme, &amp; me tuë,</l>
              <l rend="i">La mort qu’on luy prépare effraye tous mes sens.</l>
              <l rend="i">Pourquoy luy donnes-tu des appas si puissans,</l>
              <l rend="i">Coypel, puis qu’il faut qu’elle meure ?</l>
              <l rend="i">Tu pouvois luy donner un peu moins de beauté.</l>
              <l rend="i">Pour ton Jephté je veux qu’il pleure,</l>
              <l rend="i">Je trouve ce vainqueur trop plein de cruauté.</l>
              <l rend="i">Son vœu trop indiscret met mon ame en colere,</l>
              <l rend="i"> Ses larmes ne me touchent pas.</l>
              <l> <hi rend="i">Je voudrois par la mort du Pere</hi></l>
              <l rend="i"> Sauver la Fille du trépas.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_201" resp="wordpro">
          <head>[Modes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 201-211.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Saint Jean, Peintre, qui a donné au public tant de belles Figures habillées à la mode, en a fait graver six toutes nouvelles ; sçavoir, quatre Femmes &amp; deux Hommes. Tout le monde sçait que ce n’est que dans ses Ouvrages qu’on peut trouver l’exactitude de la mode &amp; l’élegance du dessein jointe à un certain air de Noblesse qui est particulier à tout ce qui sort de sa main, &amp; qui fait si bien distinguer ses pieces d’avec celles de quantité d’autres gens qui se meslent de le vouloir imiter. Il seroit à souhaiter pour luy que quelques Portraits qu’il a peints fussent aussi connus. Il y en a qui ne pourroient manquer de plaire beaucoup, estant historiez d’une maniere toute singuliere &amp; toute nouvelle, mais ce n’est pas à moy à déveloper ses secrets. J’ay crû estre obligé de luy rendre cette justice pour dissuader certaines personnes qui s’appliquent à publier qu’il ne fait autre chose que les desseins des modes. Pour croire cela, il ne faut ny le connoistre, ny sçavoir jusqu’où s’étend son genie.</p>
          <p>Vous ne serez pas fâchée sans doute, de trouver icy une exacte description de chacune de ces Figures. Celle qui a pour Titre, <hi rend="i">Femme de qualité en deshabillé negligé</hi>, est representée nonchalamment assise, n’ayant qu’un Jupon de tafetas, sur lequel il n’y a qu’une maniere de Point d’Espagne leger fait en portique. Sa Robe de Chambre est pendante sans ceinture ; la coiffure est convenable à l’habit, c’est-à-dire qu’elle n’est point haute, sans cheveux frisez, n’ayant dessus qu’un simple ruban noüé avec negligence. Elle a un Corset de Marseille fait à la mode, auquel on a donné le nom de <hi rend="i">Respirant</hi>, parce que ces sortes de Corsets sont entr’ouverts. Elle n’a que des Pantoufles aux pieds, &amp; pour donner occasion à faire paroistre cette espece d’habillement, il a feint que la Dame venoit de lire une Lettre chagrinante, ce qui se reconnoist par l’expression de la teste, &amp; par le reste de l’attitude.</p>
          <p>Celle qui a pour titre, <hi rend="i">Femme de qualité en Echarpe</hi>, est representée debout, paroissant marcher. Son Echarpe est toute de Dentelle, ornée d’un grand Ruban fort riche, auquel on a donné le nom d’<hi rend="i">Etole</hi>. Elle a un Corset entre-ouvert lassé d’un Ruban de couleur, au bout duquel il y a un Feret de Diamans qui sort par le haut du corps. Elle a un Tablier de Gaze blanche brodé d’or. La Jupe est ornée d’un grand Point d’Espagne d’or de la hauteur d’environ un tiers. La Coifure est convenable à l’habit, c’est-à-dire parée &amp; ornée de Fontanges.</p>
          <p>Celle qui a pour Titre, <hi rend="i">Dame de la plus haute qualité</hi>, est assise. Elle a une Robe de Chambre attachée avec des Glands d’or. La Jupe est toute garnie de grands Galons à jour &amp; de Frange alternativement, jusques dessous la Busquiere. Elle a des Rubans à son Corset en maniere d’Echelle, &amp; paroist dénoüer le Ruban d’un Portrait qu’elle porte en Brasselet. La Coiffure est des plus magnifiques, &amp; l’attitude exprime merveilleusement bien une Dame d’une éminente dignité.</p>
          <p>Celle qui a pour Titre, <hi rend="i">Femme de Qualité en Steinkerke &amp; en Falbala</hi>, est debout. La Robe de Chambre &amp; la Jupe sont de ces belles Estoffes des Indes. Le Falbala monte jusqu’aux Poches, orné d’une large Creste d’argent. La Steinkerke est aussi des Indes brodée d’or &amp; de soye, &amp; attachée avec une grande épingle de Diamant, qui sert aussi à attacher un Bouquet. La ceinture est large avec une grande Boucle de Diamans d’une nouvelle mode. Elle a un Croissant de Diamants dans les cheveux. Sa Coiffure est plus legere que celle des autres Figures. La Dame paroist badiner avec son Eventail qu’elle porte au coin de sa bouche.</p>
          <p>L’Homme qui a pour titre, <hi rend="i">Homme de Qualité en habit garny d’agrémens</hi>, est debout. Il a un Habit de ces Camelots gris blanc, tout garny d’agrémens d’or, des Bas blancs, une Plume blanche sur le chapeau, le Juste-au-corps deboutonné, &amp; la Cravatte passée dans les boutonnieres.</p>
          <p>Celuy qui a pour Titre, <hi rend="i">Homme de Qualité en habit galonné</hi>, est aussi debout. Il a un habit d’Ecarlate avec un large Galon sur toutes les coûtures. La manche est longue &amp; roulée avec trois galons dessus. On voit à son Epée un nœud magnifique. La Cravate est longue sans estre passée dans la Boutonniere, &amp; il a les mains dans son Manchon. Le tout est gravé avec beaucoup de delicatesse, les Testes paroissant estre peintes en miniature.</p>
          <p>Ces Modes qui se trouvent chez M<hi rend="sup">r</hi> de Saint Jean, logeant sur le Quay Pelletier, se trouvent aussi chez le S<hi rend="sup">r</hi> Langlois Libraire Imager ruë saint Jacques à la Victoire, qui en a composé un Recueil de plus de neuf cens de divers Graveurs, contenant les habillemens de la Cour &amp; de divers Estats. Ce Recueil est disposé par années, avec les Habillemens des Cours Etrangeres, &amp; les Portraits des Souverains, Princes &amp; Seigneurs, &amp; Dames de l’Europe, &amp; des autres parties du Monde, en sorte que l’on y peut voir avec plaisir les changemens d’Habits &amp; de Modes depuis plusieurs années.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_211" resp="mercure">
          <head>[Ce qui s’est passé à l’Academie le jour de la Feste de S. Louis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 211-225.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 25. du mois passé, la Feste de Saint Loüis fut celebrée, selon la coutume, dans la Chapelle du Louvre, par M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie Françoise. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Vau, l’un des quarante, dit la Messe, pendant laquelle il y eut un fort grand Choeur de Musique, qui chanta divers Motets de la composition de M<hi rend="sup">r</hi> Oudot. Ensuite M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Nolet prononça le Panegyrique du Saint, &amp; prit pour son texte ces paroles du quatriéme des Rois, <hi rend="i">Similis illi non fuit ante eum Rex</hi>, &amp; fit voir dans la premiere partie de son Discours, que Saint Loüis avoit toujours esté juste &amp; penitent ; &amp; dans la seconde, qu’il avoit sceu joindre la qualité de Heros avec celle de Chrestien. S’il est rare de trouver un homme juste, toujours appliqué à la penitence, il ne l’est pas moins de joindre beaucoup d’éloquence à une grande simplicité. Cependant c’est ce que fit M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Nolet, qui sans faire voir qu’il y eust de l’art dans la maniere dont il fit ses preuves, ne laissa pas d’y mesler tout ce qui pouvoit les rendres vives. Il n’y fit point entrer les loüanges qu’on a de coutume de donner au Roy dans les Panegyriques de cette nature, il les reserva pour une Priere ardente, adressée à Dieu sur la fin de son Discours, de conserver encore long temps à la France un Prince, si fidelle imitateur des vertus de S. Loüis, &amp; qui remplissant le mesme Trône, s’estoit montré digne de luy succeder par des actions d’un si grand éclat, que Messieurs de l’Academie Françoise, tout maistres qu’ils font des beautez de nostre Langue, estoient forcez d’avouër que les expressions les plus recherchées &amp; les plus fortes, n’égaloient point la riche matiere que leur fournissoit ce grand Monarque.</p>
          <p>L’aprésdînée de ce mesme jour, il y eut Seance publique à l’Academie, pour la reception de M<hi rend="sup">r</hi> de la Loubere, en la place de feu M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Tallemand, Premier Aumônier de Madame, &amp; pour la distribution des Prix qu’on donne tous les deux ans.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de la Loubere fit d’abord une tres-belle peinture de l’éloquence que Messieurs de l’Academie se sont proposée pour leur objet principal. Il dit qu’il estoit aussi difficile de la connoistre, que rare de la posseder, &amp; qu’il n’appartenoit qu’aux genies les plus sublimes, de bien dire ce qu’elle est ; <hi rend="i">de definir ce goust delicat &amp; seur qui fait que nostre esprit est touché des ornemens &amp; de l’élegance, mais qu’il ne se nourrit que d’une substance vraye &amp; solide, &amp; ne se laisse jamais surprendre par un son harmonieux de vaines paroles ; de prescrire les bornes au-delà desquelles le feu de l’imagination n’a que de fausses lueurs, &amp; en un mot de nous apprendre quel privilege portent avec eux les Ouvrages que le temps n’ose détruire</hi>. Il parla ensuite du Dictionnaire, &amp; dit que la seule explication des mots, quoy qu’elle ne fust qu’une partie de la Grammaire, étoit une entreprise sans bornes, puis qu’elle demandoit <hi rend="i">la connoissance d’une infinité de langues mortes ou vivantes, &amp; un goust exquis pour sentir les graces &amp; le pouvoir qu’un mot acquiert dans les differentes manieres de le placer</hi>. Il n’oublia pas que Cesar &amp; Charlemagne ont écrit de la Grammaire, &amp; cela luy donnant lieu de parler de la passion que le Cardinal de Richelieu avoit toujours témoignée pour l’éloquence, il dit que ce grand homme avoit creu ne travailler qu’imparfaitement pour la gloire de la Monarchie Françoise, si par l’establissement de l’Academie, il n’asseuroit pour jamais la beauté de nostre Langue, sçachant <hi rend="i">qu’un certain degré d’élegance dans le langage marque dans une Nation une superiorité de genie que les Estranger reverent, &amp; par où les vaincu mesme ont souvent captivé leurs fiers vainqueurs</hi>. Il passa delà à l’Eloge du Roy, qui a bien voulu prendre le Titre de Protecteur de l’Academie. &amp; dit que <hi rend="i">meritant plus que personne la loüange de bien parler, personne n’avoit plus d’interest que luy à proteger, non seulement l’éloquence, puis qu’elle luy est si naturelle, mais encore tous les autres Arts qu’on employe à conserver la memoire des grands Hommes</hi>. Il ajousta que lors qu’il regardoit ce grand Prince, portant au dehors &amp; de toutes-parts la terreur de ses Armes, &amp; gouvernant au dedans un grand Royaume comme une seule Famille, ou qu’il le consideroit en luy-mesme, <hi rend="i">juste, pieux, genereux, moderé, toujours prest à cesser de vaincre &amp; de conquerir pour embrasser une Paix équitable, toujours plus grand que sa fortune</hi>, il le perdoit aussi tost de veuë, &amp; que ne sçachant <hi rend="i">s’il devoit loüer en luy le Roy, le Capitaine, l’honneste homme, l’homme Religieux, ou ce tout ensemble qui fait le grand homme</hi>, il n’osoit tenter une entreprise dont il sentoit que sa foiblesse se trouveroit accablée, &amp; à laquelle l’éloquence de tous ceux dont l’Academie est composée, pourroit à peine suffire.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Dangeau, alors Directeur de la Compagnie, répondit à ce Discours d’une maniere qui luy attira l’applaudissement de tout le monde. Il loüa M<hi rend="sup">r</hi> de la Loubere sur son Histoire du Royaume de Siam, où il avoit esté executer les ordres du Roy en qualité d’Envoyé Extraordinaire, &amp; aprés avoir parlé de l’application particuliere qu’il avoit euë à discerner les manieres de penser des hommes, ce qui luy avoit fait approfondir leurs differentes manieres de parler afin d’y mieux reussir, il dit que l’Academie en l’associant s’approprioit tout ce qui pouvoit luy appartenir, &amp; regardoit les connoissances qu’il avoit acquises, comme des choses qui luy aideroient à se bien acquiter de ses devoirs. Il entra ensuite dans celles dont la Compagnie estoit chargée touchant l’art de la parole, &amp; aprés avoir marqué qu’elle demeuroit tranquille dans le Palais de son Auguste Protecteur, tandis que toute l’Europe estoit en armes, il fit voir que quelque justes mesures que le Prince ambitieux qui sçait réunir les interests les plus opposez, &amp; allier toutes les Religions, semblast avoir prises pour se soustenir, en faisant de nouveaux efforts cette campagne, le Roy les avoit bien-tost déconcertées ; que ce Monarque, aprés avoir fait par luy-mesme tant d’Heroïques actions, faisoit la guerre par ses Lieutenans, &amp; qu’il estoit dans le centre de son Estat pour donner le mouvement à un si grand corps, <hi rend="i">Semblable au Soleil, qui placé dans le centre du monde, selon la sage &amp; ingenieuse Philosophie des derniers siecles, sans se mouvoir, donne à tout ce qui l’environne le mouvement &amp; la vie.</hi></p>
          <p>Cette réponse, toute remplie de choses fort vives, finit trop tost pour les Auditeurs. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Dangeau declara ensuite que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Philibert avoit remporté le Prix d’Eloquence, &amp; Mademoiselle Bernard, celuy de Poësie. On leut les deux Pieces, &amp; on leur donna l’approbation qu’elles meritoient. Cette lecture fut suivie de celle d’une Ode de M<hi rend="sup">r</hi> Perrault, adressée au Roy, &amp; d’un Ouvrage de M<hi rend="sup">r</hi> Boyer, qui a pour titre, <hi rend="i">Caracteres de l’Amour saint</hi>. Les sentimens en sont nobles, &amp; les Vers tres-dignes de leur Auteur.</p>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_225" resp="wordpro">
          <head>Aux Dames sçavantes. Stances</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 225-231.</bibl>
          <p/>
          <p>Voicy ce qu’a fait un galant homme, à l’occasion du Prix qu’a remporté Mademoiselle Bernard. Il avoit travaillé sur le sujet que l’Academie avoit donné, &amp; se console par là d’avoir esté vaincu par une si digne Concurrente.</p>
          <quote>
            <label>AUX DAMES<lb />Sçavantes.<lb /><hi rend="i">STANCES.</hi></label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Quel vol ambitieux, quelle nouvelle audace</hi></l>
              <l rend="i"> Vous a fait à la fin passer</l>
              <l rend="i">Les bornes, qu’on a sceu de tout temps vous tracer ?</l>
              <l rend="i"> Quoy, dans les routes du Parnasse</l>
              <l rend="i">Vous prétendez nous suivre, &amp; bien loin nous laisser !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Si jamais Apollon ordonne qu’on travaille</l>
              <l rend="i"> Pour conquerir la pomme d’or.</l>
              <l rend="i">Une Dame, il est vray, doit l’emporter encor ;</l>
              <l rend="i"> Mais il s’agit d’une Medaille,</l>
              <l rend="i">C’est au plus bel esprit qu’appartient ce tresor.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Au pouvoir de vos yeux nous cedons la victoire ;</l>
              <l rend="i"> Nous voyons sans estre jaloux,</l>
              <l rend="i">Que le Ciel vous a fait plus charmantes que nous.</l>
              <l rend="i"> Il faudroit nous laisser la gloire</l>
              <l rend="i">D’avoir plus de solide &amp; plus d’esprit que vous.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Nous seuls jusques icy, dans un heureux Volume,</l>
              <l rend="i"> Par un privilege assez beau,</l>
              <l rend="i">Nous sçavons affranchir les Heros du tombeau ;</l>
              <l rend="i"> Nous estions maistres de la plume,</l>
              <l rend="i">On vous avoit laissé l’aiguille &amp; le fuseau.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les yeux sur un miroir, vous faisiez vostre étude</l>
              <l rend="i"> De tous les vains ajustemens,</l>
              <l rend="i">Qui font de la pluspart les plus seurs agrémens,</l>
              <l rend="i"> Et vostre seule inquietude</l>
              <l rend="i">Estoit d’inquieter de malheureux Amans.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vous sentez chaque jour decliner vostre empire ;</l>
              <l rend="i"> La beauté sans cesse périt,</l>
              <l rend="i">La plus parfaite encor a bien peu de credit.</l>
              <l rend="i"> Quel genie heureux vous inspire</l>
              <l rend="i">D’emprunter pour charmer le secours de l’esprit.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est là le vray secret de devenir aimables.</l>
              <l rend="i"> Assises parmy les Sçavans,</l>
              <l rend="i">Vos charmes ne sont plus des charmes decevans ;</l>
              <l rend="i"> Des Sçavantes si redoutables</l>
              <l rend="i">En ranimant les Morts, font mourir les Vivans.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vous n’avez donc pas lieu, beau Sexe, de vous plaindre,</l>
              <l rend="i"> Si d’abord les sages humains</l>
              <l rend="i">Vous osterent la plume &amp; les Livres des mains ;</l>
              <l rend="i"> L’esprit d’une Femme est à craindre ;</l>
              <l rend="i">Pour arriver au cœur il fait trop de chemins.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quel feu dans vos écrits, quel tour, quelle noblesse,</l>
              <l rend="i">Que d’esprit on y voit briller !</l>
              <l rend="i">Que de miel sous vos doigts le papier sent couler !</l>
              <l rend="i"> Avec cette delicatesse</l>
              <l rend="i">La Nature elle-mesme auroit peine à parler.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Aussi, lors que du prix les brillantes amorces</l>
              <l rend="i"> Invitent quelqu’une de vous</l>
              <l rend="i">A vouloir pour l’honneur concourir avec nous,</l>
              <l rend="i"> Nul ne se sent assez de forces</l>
              <l rend="i">Pour se promettre un bien si flateur &amp; si doux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est pourtant un bonheur pour la troupe choisie</l>
              <l rend="i"> De tous Messieurs les beaux Esprits,</l>
              <l rend="i">Qu’une Dame à leurs vœux vienne enlever le prix ;</l>
              <l rend="i"> On luy cede sans jalousie,</l>
              <l rend="i">On n’est d’estre vaincu, ny fâché, ny surpris,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais quoy que vos succés dans ce noble exercice</l>
              <l rend="i"> Ne vous fassent point de jaloux ;</l>
              <l rend="i">Quelque honneur que l’on trouve à tomber sous vos coups,</l>
              <l rend="i"> Il vaut mieux vous laisser la lice ;</l>
              <l rend="i">Il est trop dangereux de joûter avec vous.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_236" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances faites à Grenoble]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 236-242.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 23. du mois passé on fit à Grenoble de grandes rejouïssances pour la victoire remportée à Neervinde en Flandre par les Armes de Sa Majesté. Aprés que l’on eut chanté le <hi rend="i">Te Deum</hi> en action de graces, le Penonnage se rangea dans un bel ordre sur la place Saint André, où l’on avoit dressé le bucher, du dessein de M<hi rend="sup">r</hi> Roman Couppier, Assesseur &amp; Premier Consul de l’Hostel de Ville. Il estoit érigé sur quatre Portiques ou Arcs de triomphe d’une Architecture particuliere, puis qu’elle estoit de Verdure, ce qui faisoit un effet tres-agreable. Sur ces Portiques estoit le Bucher en forme de Tour accompagnée de quatre Donjons, &amp; couverte d’un Dome aussi de Verdure, le tout orné de Peintures du pinceau de M<hi rend="sup">r</hi> du Claux, l’un des plus habiles Peintres de Grenoble.</p>
          <p>Sur le premier Portique estoit l’inscription écrite sur une peau de Lyon, Blason de la Flandre. Elle contenoit le sujet de cette réjoüissance, &amp; au dessus on voyoit les Armes du Roy, ensuite celles de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de la Feuillade, Gouverneur du Dauphiné, &amp; en bas on avoit peint deux épées Flamboyantes en sautoir, surmontées par une Couronne de Lauriers, marquant la Bataille que Sa Majesté a gagnée à Neerwinde.</p>
          <p>Au dessus du second Portique paroissoit une Devise, ayant pour corps le Cornet d’azur enguiché, virolé &amp; lié de gueules, qui fait le blason des Armoiries du Prince d’Orange. Ce Cornet estoit sur un Bouclier simple d’or, panché &amp; lié à une pique mise de costé, &amp; ces paroles pour Ame, <hi rend="i">Alterius famam pervulgat</hi>. Les chiffres du nom Auguste du Roy estoient au dessus, ornez de l’Ordre Militaire de Saint Loüis, &amp; d’une Couronne fermée. Aprés étoient les Armes de M<hi rend="sup">r</hi> Pucelle, Premier President du Parlement de Grenoble, écartelées avec celles de M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Catinat son Oncle, &amp; en bas des trophées d’Armes de Cavalerie.</p>
          <p>La Devise du troisiéme Portique estoit le cor de Chasse des Armes du Prince d’Orange, avec ces mots, <hi rend="i">Venationi non prælio</hi>. Au dessus on voyoit paroistre un Soleil couronné, Devise du Roy ; ensuite les Armes de la Province, &amp; au dessous on avoit peint deux Sabres croisez &amp; entre-lassez de palmes &amp; de lauriers, Hieroglyphes de la Bataille gagnée.</p>
          <p>Un Cor de Chasse rompu faisoit la Devise du quatriéme Portique, avec ces paroles, <hi rend="i">Nec jam halitum excipit</hi>. Au dessus on avoit mis dans un Cartouche des <hi rend="i">Vive Loüis</hi> en grosses Lettres entrelassées &amp; couronnées. Les Armes de la Ville de Grenoble estoient au dessous, pour marquer les vœux que ses Citoyens faisoient pour la santé &amp; prosperité du Roy. Ces Devises étoient de la composition de M<hi rend="sup">r</hi> Didier, Avocat au Parlement, Beaufrere de M<hi rend="sup">r</hi> Roman Coupier. Il y eut des illuminations toute la nuit, &amp; l’on jeta un grand nombre de fusées sur la Place de Grenoble, où il y avoit une tres-belle Symphonie.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-09_250" resp="mercure">
          <head>[Marchandises trouvées sur les Vaisseaux de la Flote de Smirne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1693 [tome 11], p. 250-252.</bibl>
          <p/>
          <p>On a veu depuis fort peu de temps à Toulon cinq à six mille Officiers de Marine, tous magnifiques, avec M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Tourville. Vous pouvez juger par là quelle agréable confusion il y avoit de Soldats &amp; de Matelots. Ils estoient au nombre de soixante &amp; dix mille, répandus dans la ville &amp; aux environs. On trouvoit des Tables dressées dans toutes les ruës sous des Tentes &amp; des Pavillons. Le Bal, la Comedie &amp; les Promenades faisoient l’occupation de tant de gens. On voyoit cent quarante Voiles dans le Port. C’étoit le plus magnifique spectacle du monde. M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Tourville en partit le 15 de ce mois, avec soixante &amp; un Vaisseau pour revenir à Brest [...]</p>
        </div>
      </div>
      
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-10a">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, octobre 1693 [tome 12]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_007" resp="wordpro">
          <head>[La modestie de Louis le Grand]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 7-18.</bibl>
          <p/>
          <p>C’a esté un grand sujet d’admiration pour toute l’Europe il y a quelques années, de voir le Roy borner ses conquestes par le seul plaisir de luy donner le repos dont il connoissoit qu’elle avoit besoin, lors qu’il estoit en pouvoir d’assujettir tout ce qu’il auroit voulu attaquer. Cette moderation est un genre de vertu dont jusqu’à son regne on ne trouve point d’exemples ; mais c’est encore un sujet beaucoup plus grand de surprise, lors que tous ses Ennemis sont liguez contre luy seul, dans la pensée qu’ils affoibliront sa gloire, de voir ce Monarque confondre tous leurs projets, &amp; faire tout de nouveau les plus difficiles &amp; les plus grandes conquestes, sans en vouloir recevoir d’autres loüanges que celles qu’il ne sçauroit se refuser à luy-mesme, &amp; qu’il est contraint de se donner en secret, puis qu’il ne peut se cacher, que jamais Heros n’a triomphé tant de fois, ny d’une maniere si avantageuse. Lisez l’Ouvrage qui suit, &amp; vous connoistrez si j’ay raison de parler de cette sorte.</p>
          <quote>
            <label>LA MODESTIE<lb />DE<lb />LOUIS LE GRAND.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Sur les Rocs de Namur, la Discorde orgueilleuse</l>
              <l rend="i">S’applaudissoit de voir la Terre malheureuse,</l>
              <l rend="i">Quand son œil tout à coup autour de ses ramparts,</l>
              <l><hi rend="i">Voit floter des François les heureux Etendarts.</hi></l>
              <l rend="i">C’est, dit-elle, LOUIS ; la noble impatience</l>
              <l rend="i">Qui brille en ses Soldats m’annonce sa presence.</l>
              <l rend="i">Faut-il, quand tant de Rois me prodiguent l’encens,</l>
              <l rend="i">Voir icy mon pouvoir s’affoiblir tous les ans ?</l>
              <l rend="i">C’est trop peu que de Mons la conqueste facile</l>
              <l rend="i">En dix jours m’ait ôté mon plus fidelle azile ;</l>
              <l rend="i">Dans mes rocs, dans Namur, on voudroit me forcer.</l>
              <l rend="i">La Flandre est mon Pays, prétend-on m’en chasser ?</l>
              <l rend="i">N’espere pas, Loüis, une facile gloire,</l>
              <l rend="i">Le peril est certain, mais non pas la Victoire.</l>
              <l rend="i">Sur les rocs où tu veux moissonner des lauriers,</l>
              <l rend="i">Jamais n’en ont cueilly les plus braves Guerriers.</l>
              <l rend="i">Nassau l’aime, elle part pour exciter son zele ;</l>
              <l rend="i">Nassau de ses Autels l’appuy le plus fidelle,</l>
              <l rend="i">Qui dés ses premiers ans par d’illustres forfaits</l>
              <l rend="i">A toujours signalé sa haine pour la Paix.</l>
              <l rend="i">Allons, dit-elle, allons, Loüis veut nous surprendre.</l>
              <l rend="i">Il attaque Namur, cours, il faut le défendre :</l>
              <l rend="i">Viens, troublant ses desseins, signaler ta valeur,</l>
              <l rend="i">Et n’en sois pas toujours timide spectateur.</l>
              <l rend="i">Songe que Namur pris, nostre perte est certaine.</l>
              <l rend="i">Si je tombe, il faudra que ma cheute t’entraîne,</l>
              <l rend="i">Nos perils sont communs ; sans moy, sans mon secours,</l>
              <l rend="i">Pour te chasser du Trône, il ne faut que deux jours.</l>
              <l rend="i">Elle dit, &amp; luy soufle une jalouse rage.</l>
              <l rend="i">Le dépit chez Nassau fait l’effet du courage ;</l>
              <l rend="i">Il part, mais à l’aspect de son fier Ennemy,</l>
              <l rend="i">Il sent bien-tost trembler son cœur mal affermy.</l>
              <l rend="i">La peur glace le feu de sa rare vaillance,</l>
              <l rend="i">Et borne ses exploits à sa propre défense.</l>
              <l rend="i">Mais Loüis cependant acheve ses travaux.</l>
              <l rend="i">Sous ses yeux ses Soldats sont autant de Heros.</l>
              <l rend="i">En vain peines, dangers à l’envy semblent naistre,</l>
              <l rend="i">A l’aspect du peril on voit leur ardeur croistre,</l>
              <l rend="i">On les voit sans terreur affronter le trépas.</l>
              <l rend="i">Craindroit-on sous Louis, s’il ne s’exposoit pas ?</l>
              <l rend="i">Sa vertu force enfin la Victoire à le suivre,</l>
              <l rend="i">Nassau fuit, de sa peur sa honte le delivre.</l>
              <l rend="i">D’autres soins pour Louis ont de pressans appas.</l>
              <l rend="i">Namur pris, il revient au sein de ses Etats ;</l>
              <l rend="i">Ses Sujets à l’envy celebrent sa conqueste,</l>
              <l rend="i">Et son heureux retour en redouble la Feste.</l>
              <l rend="i">Ceux qu’un rang élevé, le sçavoir, ou l’employ,</l>
              <l rend="i">Approchent de plus prés de cet Auguste Roy,</l>
              <l rend="i">Veulent par des Discours dignes de sa Victoire,</l>
              <l rend="i">Etaler à ses yeux tout le prix de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Les plus fameux Heros sous son nom abbatus,</l>
              <l rend="i">Sans avoir leurs defauts, n’a-t-il pas leurs vertus ?</l>
              <l rend="i">Gardez pour d’autres temps ces beaux fruits de vos veilles.</l>
              <l rend="i">Louis à vos tributs refuse ses oreilles,</l>
              <l rend="i">Par un si bel encens son cœur n’est pas tenté,</l>
              <l rend="i">Louis est satisfait de l’avoir merité.</l>
              <l rend="i">Déja, quand sa valeur força Mons à se rendre,</l>
              <l rend="i">En vain à cet honneur vous osastes prétendre,</l>
              <l rend="i">Sa moderation refusa vos discours ;</l>
              <l rend="i">Ainsi que ses lauriers, elle augmente toujours.</l>
              <l rend="i">Quitte, quitte, grand Roy, ce dessein trop funeste ;</l>
              <l rend="i">Pour un si grand Vainqueur, c’est estre trop modeste,</l>
              <l rend="i">Et ta gloire jamais n’exigea ce refus ;</l>
              <l rend="i">Elle a pour se parer assez d’autres vertus.</l>
              <l rend="i">Ouy, si le Ciel pour nous moins remply de tendresse</l>
              <l rend="i">T’eust produit autrefois à Rome, ou dans la Grece,</l>
              <l rend="i">Tes yeux, tes propres yeux eussent veu les Mortels</l>
              <l rend="i">A tes moindres vertus ériger des Autels.</l>
              <l rend="i">Ne refuse donc plus un encens legitime,</l>
              <l rend="i">Tu peux le recevoir, nous, le rendre sans crime.</l>
              <l rend="i">Le Ciel qui conduisit, &amp; ton bras &amp; tes coups,</l>
              <l rend="i">Puis qu’on le louë en toy, n’en peut estre jaloux.</l>
              <l rend="i">Ces discours devant toy prononcez à ta gloire</l>
              <l rend="i">Doivent chez nos Neveux appuyer ton Histoire.</l>
              <l rend="i">Daigne les écouter ; ne sera-t-il permis</l>
              <l rend="i">De te louër present qu’à tes seuls Ennemis ?</l>
              <l rend="i">Le recit de tes faits, plus il est veritable,</l>
              <l rend="i">Plus ce recit, grand Roy, paroist estre une Fable.</l>
              <l rend="i">Il faut que ton aveu, prompt à le soutenir,</l>
              <l rend="i">Dépose en sa faveur aux siecles à venir.</l>
              <l rend="i">Alors, si des jaloux l’accusent de mensonge,</l>
              <l rend="i">S’ils traitent tes exploits de Romans &amp; de Songe,</l>
              <l rend="i">Louis, leur dira-t-on, dont la sincerité</l>
              <l rend="i">Ne souffrit jamais rien contre la verité,</l>
              <l rend="i">Ne put, oyant louër ses exploits admirables,</l>
              <l rend="i">Dire qu’on inventoit des faits si peu croyables.</l>
              <l rend="i">Ce grand Prince entendoit seulement raconter</l>
              <l rend="i">Ce que ses Ennemis ne pouvoient contester.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_018" resp="wordpro">
          <head>[Devise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 18-20.</bibl>
          <p/>
          <p>Avoüez, Madame, que les surprenans &amp; continuels triomphes du Roy l’élevent si fort au dessus des autres Princes, qu’on peut dire avec justice qu’il merite seul l’Empire de l’Univers. C’est dans cette pensée qu’on a fait une Devise, qui fait voir en quelque sorte l’estat glorieux où ce Monarque se trouve aujourd’huy. C’est un Soleil dans son midy, brillant de lumiere, &amp; éclairant seul toute la terre. Ces mots luy servent d’ame, <hi rend="i">Contenta sit uno</hi>, &amp; on les a expliquez par ces quatre Vers.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Louis par ses exploits de guerre</l>
              <l rend="i">Devient toujours plus glorieux,</l>
              <l rend="i">Et fait voir qu’il ne faut sur terre</l>
              <l rend="i">Qu’un Roy, comme un Soleil aux Cieux.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cependant le Roy, dont la moderation n’eut jamais d’égale, est bien éloigné de ces sentimens, puis que dans le temps qu’on le juge digne de commander à toute la terre, il ne veut pas ce qu’il peut, afin de donner encore une fois la Paix à l’Europe.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_024" resp="wordpro">
          <head>[Fragmens de Pétrone recouvrez par Mr Baudot]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 24-25.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Sçavans de vostre Province auront sans doute appris avec joye, que ce qui manquoit au fameux Petrone, a esté enfin recouvré pendant ces dernieres Guerres de Hongrie par les soins de M<hi rend="sup">r</hi> Naudot, &amp; qu’il a esté imprimé entier depuis quelques mois. Ceux qui iront au Palais acheter ce Livre, apprendront par une Lettre à M<hi rend="sup">r</hi> Charpentier, Doyen de l’Academie Françoise, qu’ils y liront au commencement, de quelle maniere on a trouvé les fragments qui remplissent les endroits qui estoient defectueux dans cet ouvrage. On peut dire que c’est un Tresor qui vient d’enrichir les belles Lettres, &amp; qu’il n’y a point de Curieux, qui ne doive y prendre part.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_025" resp="mercure">
          <head>[Ceremonies faites à Montargis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 25-38.</bibl>
          <p/>
          <p>Après la fameuse Bataille de Cassel, son Altesse Royale, Monsieur, fit bastir une Eglise au College des Barnabites de Montargis, Ville de son appanage, en action de graces de la Victoire qu’il avoit remportée. La premiere Pierre y avoit esté mise au nom de ce Prince, &amp; l’Edifice estant achevé, on en fit la Benediction le 24. du mois d’Aoust dernier, &amp; le lendemain, Feste de St Loüis, sous l’Invocation duquel cette Eglise est consacrée à Dieu, l’ouverture en fut faite avec beaucoup de magnificence. La Ceremonie commença par une Prossession du S. Sacrement, depuis l’ancienne Eglise du College jusqu’à la nouvelle, où l’on celebra ensuite solemnellement la premiere Messe en Musique. Les Vespres furent aussi chantées par la Musique, &amp; le Clergé, le Presidial, la Prevosté, &amp; l’Election y assiterent en Corps. Les Habitans se mirent sous les Armes, &amp; le Maire, les Echevins, &amp; les Capitaines des Quartiers qui s’y rendirent aussi avec leurs Compagnies, y tinrent leur rang de l’un &amp; de l’autre costé du Dais, sous lequel on avoit mis le Portrait de son Altesse Royale. Aprés Vespres le Pere Dom Eustache Bonnet, Barnabite, fit le Panegyrique de Saint Loüis, [...]</p>
          <p>Ce Discours estant achevé, on chanta le <hi rend="i">Te Deum</hi> ; il se fit plusieurs salves de Mousqueterie, &amp; les Feux de joye qu’on alluma dans la Ville terminerent toute cette Feste.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_038" resp="mercure">
          <head>[Autre Ceremonie faite à Paris]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 38-43.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 7. du mois passé M<hi rend="sup">r</hi> Bignon, Premier President au grand Conseil, aussi connu par son équité &amp; sa pieté, que pour sa capacité, &amp; la connoissance universelle qu’il a des belles Lettres, fut éleu tout d’une voix Doyen de la grande confrairie de Nostre Dame aux Seigneurs, Pretres &amp; Bourgeois de Paris, en la place de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Novion, cy-devant Premier President au Parlement de Paris. La Messe du St Esprit fut celebrée pontificalement par M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Bethléem à laquelle assisterent les Chanoines de l’Eglise de Paris, avec les Curez de cette Ville, &amp; plusieurs Magistrats &amp; Confreres Laïques. [...] Aprés le Serment presté [par M. Bigon], on chanta le <hi rend="i">Te Deum</hi>, qui fut suivi des Prieres pour le Roy &amp; pour la Paix. Ensuite on conduisit Mr Bignon au Bureau, où il fut installé en sa place de Doyen.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_049" resp="wordpro">
          <head>Allegorie</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 49-54.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Roy a accordé depuis peu de temps des Lettres Patentes à une Abbesse d’un fort grand merite, &amp; d’une naissance distinguée, pour quitter un lieu champestre, où son Convent estoit situé, &amp; se venir établir dans la Capitale d’une Province. C’est là-dessus qu’on a fait l’Ouvrage que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>ALLEGORIE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Des Abeilles, Filles du Ciel,</l>
              <l rend="i"> Depuis longtemps faisoient leur miel</l>
              <l rend="i">Dans un lieu desert &amp; sauvage.</l>
              <l rend="i">Une Reine discrete &amp; sage,</l>
              <l rend="i">Sans orgueil, sans faste &amp; sans fiel,</l>
              <l rend="i">Presidoit seule à tout l’Ouvrage.</l>
              <l rend="i">Chacune respectoit la loy</l>
              <l rend="i">D’une si douce Souveraine.</l>
              <l rend="i">Un autre l’appelleroit Roy ;</l>
              <l rend="i">Il est mieux de l’appeller Reine.</l>
              <l rend="i">A des Vierges, Filles des Cieux,</l>
              <l rend="i">Une Reine sied beaucoup mieux.</l>
              <l><hi rend="i">Sous cette Reine nompareille</hi></l>
              <l rend="i">On voyoit mainte &amp; mainte Abeille</l>
              <l rend="i">Accourir de tout l’Univers,</l>
              <l rend="i">Et dans un si charmant Empire</l>
              <l rend="i">Goûter des plaisirs que mes Vers</l>
              <l rend="i">Ne sçauroient dignement décrire.</l>
              <l rend="i">Pour comble de felicité,</l>
              <l rend="i">Auprés d’elle une jeune Abeille,</l>
              <l rend="i">Pleine de grace &amp; de beauté,</l>
              <l rend="i">Enfin, une jeune Merveille</l>
              <l><hi rend="i">Croissoit ainsi qu’un rejetton,</hi></l>
              <l rend="i">Ou d’une rose le bouton.</l>
              <l rend="i">L’or dont la Souveraine brille,</l>
              <l rend="i">Brilloit déja sur cette Fille,</l>
              <l rend="i">Et chacune la destinoit</l>
              <l rend="i">Au rang que la Tante tenoit.</l>
              <l rend="i">Un jour de la saison nouvelle,</l>
              <l rend="i">Jour, où sur les fleurs d’alentour</l>
              <l rend="i">Voloit la Troupe tour a tour,</l>
              <l rend="i">Du Ciel une Abeille immortelle</l>
              <l rend="i">S’éleve d’un rapide cours,</l>
              <l rend="i">Ainsi qu’un éclair dans la nuë,</l>
              <l rend="i">Et prés de la Reine venuë,</l>
              <l rend="i">Luy tient à peu prés ce discours.</l>
              <l rend="i">Dieu vous gard, aimable Princesse,</l>
              <l rend="i">J’ay pensé dire, aimable Abbesse,</l>
              <l rend="i">Digne de regner en des lieux</l>
              <l rend="i">Plus fleuris, plus delicieux,</l>
              <l rend="i">Digne enfin de regner aux Cieux,</l>
              <l rend="i">Ecoutez ce que vous commande</l>
              <l rend="i">Le Souverain de vostre bande,</l>
              <l rend="i">Et Souverain de l’Univers.</l>
              <l rend="i">Nimphe, abandonnez ces deserts,</l>
              <l rend="i">Allez chercher dans une Ville</l>
              <l rend="i">Un sejour qui soit plus tranquille,</l>
              <l rend="i">Qui soit plus commode &amp; plus doux,</l>
              <l rend="i">Digne des vostres &amp; de vous.</l>
              <l rend="i">C’est là que les destins propices</l>
              <l rend="i">Vous préparent tant de delices,</l>
              <l rend="i">Que vos vœux seront surpassez,</l>
              <l rend="i">C’est assez dit, obeissez.</l>
              <l rend="i">Aussi-tost d’une aile legere</l>
              <l rend="i">Cette charmante Messagere,</l>
              <l rend="i">Traçant un sillon radieux,</l>
              <l rend="i">S’envole par dessus les Cieux.</l>
              <l rend="i">Surprise de tant de merveilles,</l>
              <l rend="i">La Reine avecque ses Abeilles ;</l>
              <l rend="i">Nous obeissons à tes loix,</l>
              <l rend="i">Ciel, dit elle, &amp; suivons ta voix.</l>
              <l rend="i">Adorons cet heureux présage,</l>
              <l rend="i">Mes Sœurs, mettons-nous en voyage,</l>
              <l rend="i">Allons chercher ce beau sejour,</l>
              <l rend="i">Que le Ciel nous offre en ce jour.</l>
              <l rend="i">A ces mots la Troupe s’assemble,</l>
              <l rend="i">Tout l’Essain part &amp; vole ensemble.</l>
              <l rend="i">L’air brille d’un éclat nouveau,</l>
              <l rend="i">Et ravy d’un objet si beau,</l>
              <l rend="i">De nouveaux rayons de lumiere</l>
              <l rend="i">Le Soleil pare sa carriere.</l>
              <l rend="i">Zephir les regarde voler,</l>
              <l rend="i">Et tout charmé n’ose soufler.</l>
              <l rend="i">Chaque Abeille à l’envy s’empresse</l>
              <l rend="i">D’approcher de prés sa Maistresse.</l>
              <l rend="i">Si-tost que le sejour paroît,</l>
              <l rend="i">Que le destin luy préparoit,</l>
              <l rend="i">Non loin des rives de Garonne,</l>
              <l rend="i">La Princesse dispose, ordonne.</l>
              <l rend="i">Toute la Troupe arreste là,</l>
              <l><hi rend="i">Chante de joye,</hi> Alleluia.</l>
              <l rend="i">Chacune en l’ardeur qui la brûle</l>
              <l rend="i">Travaille à faire sa cellule,</l>
              <l rend="i">A remplir sa ruche de fleurs,</l>
              <l rend="i">A l’embaumer de mille odeurs.</l>
              <l rend="i">Les Abeilles du voisinage</l>
              <l rend="i">Cependant leur rendent hommage,</l>
              <l rend="i">Sortent de leur ruche à dessein</l>
              <l rend="i">D’admirer ce nouvel Essain,</l>
              <l rend="i">Le trouvent charmant à merveilles,</l>
              <l rend="i">Et le plus beau que les Abeilles</l>
              <l rend="i">Aient formé dans ce beau sejour,</l>
              <l rend="i">Et dans tous les lieux d’alentour,</l>
              <l rend="i">Parlent du doux air qu’on respire</l>
              <l rend="i">Dans ce doux &amp; charmant Empire,</l>
              <l rend="i">De sa douceur, de son plaisir,</l>
              <l rend="i">Que mes Vers diront à loisir.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_055" resp="mercure">
          <head>Eglogue</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 55-67.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye une Eglogue de Bergers, faite pour estre mise en Musique. Elle est de Mr de Guitrandi d’Avignon, dont vous avez déjà vû d’autres Ouvrages. Le commencement est tiré du premier Choeur de l’Hercules Furens de Seneque, ce qui suit de l’Ode d’Horace, Beatus ille, &amp; la fin est toute à luy, ainsi que l’invention de la Piece.</p>
          <p/>
          <p>EGLOGUE.</p>
          <p/>
          <p>TIRCIS, DAMON,</p>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p/>
          <p>Troupe de Bergers.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>La nuit cache ses feux errans,</p>
          <p>Et ses lampes déja commencent à s’éteindre ;</p>
          <p>Fuyez viste, fuyez, Astres petits &amp; grands,</p>
          <p>L’Aurore sur son char semble enfin vous contraindre</p>
          <p>A luy laisser remplir vos rangs.</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Je la vois qui fournit sa pompeuse carriere,</p>
          <p>Mais un feu plus puissant efface sa lumiere.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Levons-nous, Bergers, levons-nous</p>
          <p>Hastons-nous de joüir d’un Soleil aussi doux</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS</p>
          <p>Ah, quelle sera la journée</p>
          <p>D’une aussi belle matinée !</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS</p>
          <p>Voyez-vous le Char du Soleil ?</p>
          <p>Ses Chevaux vont courant les celestes campagnes</p>
          <p>Et déjà son éclat vermeil</p>
          <p>Dore le sommet des montagnes</p>
          <p/>
          <p>DAMON, DAPHNIS.</p>
          <p>La Nature s’éveille, &amp; nos Monts, &amp; nos Bois</p>
          <p>Semblent se réjoüir du jour qui les éclaire,</p>
          <p>Et la Lune aux derniers abois</p>
          <p>Cede l’horison à son Frere.</p>
          <p/>
          <p>Tous les Bergers.</p>
          <p>La Nature s’éveille &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Le dur travail se leve, &amp; les soins rebutans</p>
          <p>Exercent en tous lieux leur tirannique empire.</p>
          <p>Peu parmy les Mortels sçavent vivre contens.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Nous le sçaurions sans l’amoureux martire.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Ah, que le destin d’un Berger</p>
          <p>Qui peut voir sans brûler les yeux d’une Silvie,</p>
          <p>Et qui passe toute sa vie</p>
          <p>Content du doux repos qu’il peut se mènager,</p>
          <p>Est un destin digne d’envie !</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Comme les premiers des Mortels</p>
          <p>Cultivant les champs paternels,</p>
          <p>Il vit joyeux, il a ce qu’il souhaite.</p>
          <p>Le Tambour effrayant, la guerriere Trompette</p>
          <p>Ne l’éveillent jamais dans son lit en sursaut,</p>
          <p>Il ne redoute aucun assaut,</p>
          <p>Et tel qu’il est, il est dans son assiette.</p>
          <p/>
          <p>Tous les Bergers.</p>
          <p>Ah, qu’un Berger se rend heureux,</p>
          <p>Quand il sçait s’affranchir du tourment amoureux !</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Il voit, sans se troubler, les campagnes salées</p>
          <p>De l’humide Ocean par les vents agité,</p>
          <p>Et s’éloignant des grandes assemblées</p>
          <p>Il vit en pleine liberté.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Sans crainte il contemple du Port</p>
          <p>Les divers orages du fort ;</p>
          <p>Il voit comme des grands la Fortune se jouë,</p>
          <p>Et que tel qui paroist s’élever jusqu’aux Cieux,</p>
          <p>Tombe incontinent dans la bouë,</p>
          <p>Au gré de tous ses envieux.</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Ainsi donc il préfere aux Palais magnifiques,</p>
          <p>Où logent les Grands de la Cour,</p>
          <p>Son humble &amp; rustique sejour ;</p>
          <p>Et s’il n’y trouve point de si belles fabriques,</p>
          <p>Il y joüit d’un plus beau jour.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Il joüit des plaisirs que la saison nouvelle</p>
          <p>Ramene toujours avec elle,</p>
          <p>Quand les champs, les monts, les forests</p>
          <p>Reprendront leurs nouveaux attraits.</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Il a les fleurs, les fruits, ainsi que la Nature</p>
          <p>Les donne à ses justes souhaits.</p>
          <p>Lors que les Grands dans leurs Palais</p>
          <p>Les ont seulement en peinture.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Tantost nostre Berger heureux</p>
          <p>Assis sur le coupeau d’une verte colline,</p>
          <p>Ou bien à l’ombre au comble de ses voeux,</p>
          <p>Voit errer son troupeau dans la plaine voisine.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Coupant tantost les steriles rameaux</p>
          <p>De sa vigne feconde,</p>
          <p>Il en replante de nouveaux,</p>
          <p>Dont la jeunesse à son espoir réponde.</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Ou bien pressant l’heureux travail</p>
          <p>Que l’Abeille compose,</p>
          <p>Dans des pots purs comme l’émail</p>
          <p>Il renferme le suc du Thin &amp; de la Rose ;</p>
          <p>Ou faisant tondre ses Brebis,</p>
          <p>Il ramasse à main pleine</p>
          <p>La Laine</p>
          <p>Dont se font ses habits.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Mais quand la feconde Deesse,</p>
          <p>Qui fait l’espoir du Laboureur,</p>
          <p>Par ses riches dons s’interesse</p>
          <p>A recompenser son labeur,</p>
          <p>Quel plaisir, quelle allegresse,</p>
          <p>De voir le Moissonneur</p>
          <p>Qui s’empresse</p>
          <p>A recueillir le grain meur,</p>
          <p>Qui surpasse la promesse</p>
          <p>Du Bled dans sa fleur !</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Et lors que l’Automne</p>
          <p>A meuri les tresors</p>
          <p>De la riche Pomone,</p>
          <p>Quel plaisir alors,</p>
          <p>Quand il se promene</p>
          <p>Sur tant de costeaux,</p>
          <p>Dont les arbrisseaux</p>
          <p>Offrent à douzaine</p>
          <p>Mille fruits nouveaux !</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Mais tout cede à la joye</p>
          <p>Où son coeur se noye,</p>
          <p>Quand le divin jus</p>
          <p>De Bacchus</p>
          <p>Fait que le Vandangeur ploye</p>
          <p>Sous les paniers pleins</p>
          <p>De raisins.</p>
          <p/>
          <p>Tous les Bergers.</p>
          <p>Ah, que le destin d’un Berger,</p>
          <p>Qui peut voir sans brûler les yeux d’une Silvie,</p>
          <p>Et qui passe toute sa vie</p>
          <p>Content du doux repos qu’il sçait se ménager,</p>
          <p>Est un destin digne d’envie !</p>
          <p/>
          <p>Deux Bergers.</p>
          <p>Ah, qu’un Berger se rend heureux</p>
          <p>Quand il sçait s’affranchir des tourmens amoureux !</p>
          <p/>
          <p>DAMON, DAPHNIS.</p>
          <p>Ouy, l’amour gaste tout, resistons à ses charmes,</p>
          <p>L’amour seul par ses traits puissans,</p>
          <p>Peut nous donner des alarmes,</p>
          <p>Il peut luy seul troubler nos plaisirs innocens.</p>
          <p>Oüy, luy seul fait verser des larmes</p>
          <p>A ceux dont une fois il a ravy le sens.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>C’est un cruel Tiran dans le dehors aimable</p>
          <p>Cache tout ce qu’il a de fiel ;</p>
          <p>Avec une bouche de miel</p>
          <p>Il soufle un venin redoutable.</p>
          <p>Non, non, parmy les amoureux</p>
          <p>On ne voit point d’hommes heureux.</p>
          <p/>
          <p>Tous les Bergers.</p>
          <p>Non, non, parmy les amoureux</p>
          <p>On ne voit point d’hommes heureux.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Helas ! si la jeune Silvie</p>
          <p>N’eust point de Lyciscas troublé l’heureux repos,</p>
          <p>Lyciscas aujourd’huy frais, gaillard &amp; dispos,</p>
          <p>Jouiroit encor de la vie.</p>
          <p>Non, non, parmy les amoureux</p>
          <p>On ne voit point d’hommes heureux.</p>
          <p/>
          <p>DAPHNIS.</p>
          <p>Fuyons l’amour, ce tiran de la terre,</p>
          <p>Bannissons-le tous de nos coeurs.</p>
          <p>Resistons fortement à ses appas trompeurs,</p>
          <p>Et ne nous lassons point de luy faire la guerre.</p>
          <p>Heureux qui resiste à ses traits !</p>
          <p>Plus heureux mille fois qui ne les sent jamais !</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>Resistons à l’amour, détestons sa puissance,</p>
          <p>Tout dépend de la résistance.</p>
          <p>Tels qui déja croyoient en estre les vainqueurs,</p>
          <p>Peut avoir seulement trop tost quitté les armes,</p>
          <p>Ont payé ses douceurs</p>
          <p>Par un amer torrent de larmes,</p>
          <p>Non, non, parmy les amoureux</p>
          <p>On ne voit pas point d’hommes heureux.</p>
          <p/>
          <p>DAMON.</p>
          <p>Au plaisir de la chasse il n’est rien qui ne cede.</p>
          <p>Le travail à son tour</p>
          <p>Bien souvent nous aide</p>
          <p>A dompter l’amour,</p>
          <p>L’amour qui peut luy seul troubler le plus beau jour.</p>
          <p/>
          <p>TIRSIS.</p>
          <p>A la Chasse, au travail il n’est rien qui ne cede,</p>
          <p>A la Chasse, au travail employons donc ce jour,</p>
          <p>Et sans nous amuser à parler de l’amour,</p>
          <p>Allons tous contre luy nous servir de remede</p>
          <p>Que nos champs &amp; nos Bois nous offrent tour à tour.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_093" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 93-123.</bibl>
          <p/>
          <p>Si les cœurs tendres trouvent de la douceur à aimer, il arrive rarement que cette douceur ne soit pas suivie de quelque amertume, soit par les obstacles que les Amans trouvent à leur passion, soit par l’infidelité qui est presque toûjours inévitable, si tost que le temps commence à ralentir leur premiere ardeur. Une jeune Demoiselle, considerable par les agrémens de sa personne, &amp; par son esprit, &amp; d’une naissance assez distinguée pour autoriser les sentimens de fierté qui luy estoient naturels, menoit une vie tranquille auprés d’une Mere, qui voyoit avec plaisir l’heureux penchant qu’elle avoit pour la Vertu. La Coqueterie estoit son aversion, &amp; loin de chercher à s’attirer des Adorateurs par des complaisances qui ne fussent pas tout à fait dans l’ordre, la lecture &amp; les ouvrages ausquels les Filles ont accoutumé de s’occuper, étoient ses plus ordinaires divertissemens. Quoy que sa conduite fust fort reguliere &amp; accompagnée d’une tres grande reserve, ses manieres engageantes &amp; honnestes n’avoient pas laissé de luy donner une Amie d’un caractere entierement opposé, à qui elle faisoit souvent des reproches de ce qu’elle mettoit tous ses soins à plaire, sans songer à autre chose qu’à des parties de plaisir, &amp; à mandier en quelque sorte les douceurs qu’on luy disoit. Elle disoit mesme quelquefois qu’elle ne comprenoit pas comment il s’estoit formé de l’intelligence entre-elles puis que leurs humeurs avoient si peu de rapport, mais l’esprit de cette Amie estoit tellement insinuant, &amp; l’enjoüement qu’elle avoit sur toutes choses la faisoit toûjours trouver d’une conversation si agreable, que la Mere mesme, toute serieuse qu’elle estoit, ne pouvoit se passer d’elle. Il n’étoit pas pourtant aisé de l’avoir aussi souvent qu’elles l’auroient souhaitté, a cause que cherchant à se divertir par tout, elle se laissoit entraîner par les plaisirs. Tandis qu’elle s’y donnoit entierement, la Demoiselle demeuroit en solitude, ne voyant presque personne, à l’exception d’un Cavalier, qui depuis trois ans avoit un appartement dans la maison où elle logeoit. C’estoit un homme qui se piquoit de naissance, &amp; qui n’estant pas mal fait, présumoit beaucoup de son merite. Il debitoit assez bien les choses, &amp; son entretien n’estoit pas desagreable. Comme la maison leur estoit commune, il ne faut pas s’estonner si le Voisinage luy facilita un fort grand accés chez la Demoiselle. Il la voyoit tres-souvent, &amp; la Mere auroit eu mauvaise grace de refuser ses visites, qui quoy que frequentes, estoient tres-respectueuses, &amp; ne pouvoient donner à parler, puisque c’étoit un commerce ignoré de tout le monde. Sa Fille ayant beaucoup de merite, &amp; une figure des plus avenantes, elle se flata que le Cavalier en deviendroit amoureux. Ils avoient le temps de se connoistre l’un l’autre, &amp; c’est ainsi que se font la plus-part des Mariages. En effet, le Cavalier s’accoustumoit peu à peu à dire à la Demoiselle qu’on ne pouvoit la voir sans l’aimer, &amp; si la Demoiselle ne répondoit rien qui luy marquast qu’il pourroit toucher son cœur, au moins luy faisoit elle paroistre que ses visites luy faisoient plaisir. Les choses n’avoient pas encore esté plus avant, lorsque la Mere voulant se loger plus commodement changea de quartier, &amp; choisit une maison dans un autre qui estoit fort éloigné de celuy qu’elle quittoit. Ce changement chagrina le Cavalier, qui se voyoit par là privé du plaisir de voir à toute heure la personne qu’il aimoit. Cependant comme il se sentoit touché de ses belles qualitez, il ne laissa pas de luy rendre encore de tres-frequentes visites. La Mere souffrit les premieres, avec le mesme agrément qu’elle avoit souffert toutes les autres, mais voyant qu’il continuoit ses empressemens, elle eut enfin un entretien particulier avec luy, &amp; luy ayant dit que ses assiduitez, qui n’estoient pas remarquées lors qu’ils demeuroient dans une mesme maison, pouvoient alors donner sujet de parler au desavantage de sa Fille, elle le pria de s’expliquer sur les sentimens qu’il avoit pour elle. Le Cavalier ne balança point à luy répondre, qu’ayant connu dans sa Fille tout ce qui pouvoit luy attirer la parfaite estime du plus honneste homme, il ne s’estoit fait un plaisir de luy donner tous ses soins que dans le dessein de l’épouser, mais qu’il dépendoit d’une Mere imperieuse, qui ayant beaucoup de bien, pourroit luy en faire perdre la plus considerable partie, s’il faisoit ce Mariage sans avoir eu son consentement ; qu’il avoit déja mis en usage differens moyens pour tâcher de l’obtenir, &amp; qu’aussi-tost qu’il auroit pû gagner son esprit, il luy feroit voir qu’il ne pouvoit estre heureux que par l’honneur de son alliance. La Mere ne l’ayant pû obliger à se déclarer plus précisément, l’asseura que quand il se verroit en estat de disposer de luy-mesme, il seroit toûjours écouté avec plaisir, mais comme elle n’aimoit pas les mauvais contes, elle le pria de ne plus venir chez elle qu’une fois en quinze jours, &amp; cela fut dit d’une maniere si absoluë, que le Cavalier ne douta point qu’il ne fust tres-mal receu s’il en vouloit user autrement. Il se plaignit à la Belle des defenses rigoureuses de sa Mere, &amp; la Belle luy répondit un peu fierement, quoy qu’avec beaucoup d’honnesteté, que s’il l’aimoit veritablement, il prendroit des mesures assez promptes, pour ne laisser pas durer long-temps le chagrin qu’il luy marquoit d’estre obligé de diminuer le nombre de ses visites ; que l’interest de sa gloire devoit l’emporter sur toutes choses, &amp; valoit bien qu’il se contraignist jusqu’à ce qu’il fust en pouvoir de luy prouver qu’il n’avoit pour elle que des veuës tres-legitimes. Le Cavalier pria de nouveau, &amp; ce qu’il vouloit ne luy fut point accordé. On ne luy permit que trois visites par mois, &amp; il s’en écoula deux de cette sorte. La Belle qui ne s’estoit pas assez connuë jusque là, sentit qu’il luy manquoit quelque chose pour estre contente. Elle examina son cœur serieusement, &amp; aprés plusieurs reflexions, quoy que sa fierté s’efforçast de rejetter ce qu’elles luy apprenoient, elle ne put se cacher que l’amour du Cavalier avoit fait sur elle des impressions plus fortes qu’elle n’avoit cru. Les reproches qu’elle se fit là-dessus à elle-mesme, &amp; l’impuissance où elle se trouva de s’en détacher assez pour le pouvoir perdre, sans qu’elle en souffrist, la firent tomber dans un chagrin qui parut aux yeux de son Amie. Elle s’obstina en vain à luy vouloir faire croire qu’elle estoit toûjours dans la mesme situation d’esprit. Cette Amie qui avoit de fort bons yeux, tourna si habilement ses conjectures, qu’en gardant toûjours son enjoüement ordinaire, elle luy fit enfin avoüer que la solitude estoit trop forte pour elle depuis que sa Mere avoit éloigné le Cavalier. Elle n’eut pas si tost découvert le mal, qu’elle songea au remede. Elle fit voir à la Belle, que puisque le Cavalier avoit des intentions tres-legitimes, &amp; que ses chagrins luy faisoient sentir les favorables dispositions qu’elle avoit pour luy, c’estoit se rendre ennemie de son bonheur, que de se priver du plaisir sensible qu’elle trouvoit à le voir ; qu’il ne falloit pas aller contre l’ordre de sa Mere, qui mal à propos s’estoit fait un point d’honneur de n’en plus souffrir de visites assiduës, mais qu’elle pouvoit venir fort souvent chez elle, où elle estoit seure que le Cavalier se trouveroit toutes les fois qu’elle voudroit bien qu’on l’avertist. La Belle parut d’abord effrayée de la proposition, mais son Amie la traitant de prude à contretemps, luy leva si bien tous ses scrupules, que s’estant laissé persuader, elle consentit aux rendez-vous. Ce fut pour le Cavalier une joye inconcevable L’air de mistere qui entroit dans toutes leurs entreveuës, estoit un doux assaisonnement, qui en augmentoit le prix. Il l’assura mille fois qu’il viendroit à bout de cette Mere fâcheuse, qui luy vouloit choisir une Femme, &amp; comme il avoit une veritable estime pour la Demoiselle, il faisoit paroistre une veritable passion. Cependant les choses demeuroient toujours dans le mesme estat. Ils se voyoient fort souvent, sans que l’un ny l’autre en fust plus heureux. Le Cavalier ne surmontoit point l’obstacle qui l’arrestoit, &amp; la Belle qui estoit trop fiere pour se laisser seduire par son amour, continuoit de vivre avec luy dans une reserve qui luy défendoit toute sorte d’esperance, s’il n’obtenoit pas le consentement dont il se flatoit. Malheureusement pour cette aimable personne, son Amie, chez qui se donnoient ces rendez vous, ne put se contraindre plus longtemps, &amp; s’abandonna à son caractere, qui estoit d’enlever tous les Amans qu’elle voyoit jour à s’approprier. La trop austere vertu de la Demoiselle donna souvent lieu au Cavalier de s’en plaindre, &amp; l’Amie ne trouva point de meilleur moyen de l’en consoler, qu’en luy faisant voir qu’il trouveroit mieux son compte avec elle. Le Cavalier fut assez content de ne luy pas voir de si severes scrupules, &amp; les petites avances qui luy furent faites, l’eurent bien-tost engagé à tourner ses vœux de ce costé-là. L’Amie les receut agreablement, &amp; il ne luy rendit pas de bien longs services, sans estre récompensé. Son enjoûment estoit un grand charme, &amp; vous jugez bien qu’ayant commencé à vouloir plaire, elle ne manqua pas de le redoubler. La nouvelle passion qu’elle alluma dans le cœur du Cavalier, ne luy laissa presque plus sentir la premiere ; la Belle le remarqua, &amp; ne sçachant à quoy imputer ce changement, elle repassoit dans son esprit toutes ses manieres pour voir s’il avoit sujet d’en estre choqué. Elle consulta sa fausse Amie, qui luy avoüa qu’elle s’estoit apperçuë depuis longtemps de son refroidissement, sans avoir voulu luy en rien dire. Elle ajoûta que c’estoit l’ordinaire procedé des hommes ; qu’ils se dégoûtoient, ou par les faveurs, s’ils pouvoient en obtenir, ou par le refus qu’on leur en faisoit ; que puis que le Cavalier ne luy parloit plus de mariage, il estoit aisé de voir qu’il ne songeoit qu’à se dégager, &amp; que si elle croyoit son conseil, comme sa fierté le demandoit, elle romproit avec luy sans attendre qu’elle en fust abandonnée ; qu’il y alloit de sa gloire de le prévenir, n’y ayant aucun sujet de douter qu’il ne trouvast bien-tost des prétextes pour ne la plus voir. La Belle croyant son Amie entierement incapable de se détacher de ses interests, &amp; animée par toutes les choses qu’elle luy disoit, fit des reproches au Cavalier, sur lesquels il prit peu de soin de la satisfaire. Ce fut assez pour luy faire voir qu’elle n’avoit plus qu’un pouvoir bien foible sur son cœur. Cependant comme il n’y a que le temps qui nous fasse vaincre une forte passion, elle ne put tout d’un coup se resoudre à la rupture ; mais quelle fut sa surprise, quand la jalousie luy faisant examiner jusques aux moindres regards de son infidelle Amant, elle découvrit qu’il l’abandonnoit pour sa fausse Amie ! Elle eut la force de dissimuler, &amp; estant un jour venuë chez elle deux heures plûtost qu’à l’ordinaire, elle l’y trouva déja arrivé, &amp; tous les deux dans un embarras, qui luy disoit plus qu’elle ne vouloit sçavoir. Elle commença alors à se servir d’espions, &amp; elle apprit, non seulement qu’il venoit toujours au rendez-vous longtemps avant elle, mais qu’il ne manquoit jamais à rentrer chez son Amie, aprés qu’elles s’estoient separées. La lâcheté de l’un &amp; de l’autre contribua plus à la guerir, que tout l’effort qu’elle auroit pu faire pour obtenir ce triomphe. Il luy parut qu’il falloit manquer de cœur pour aimer une personne qu’il devoit croire indigne de luy, puis qu’elle avoit la bassesse de la trahir &amp; d’abuser de sa confiance, &amp; cela luy donna tant de mépris pour le Cavalier, que quand il auroit voulu revenir à elle, ce qu’elle devoit à sa gloire n’auroit pas permis qu’elle luy eust pardonné. Ainsi elle luy marqua une heure pour le dernier rendez vous qu’elle vouloit luy donner, &amp; dedaignant de luy reprocher sa perfidie, elle se contenta de luy dire qu’elle l’avoit appellé pour luy déclarer qu’il ne falloit plus qu’il se contraignît, qu’elle estoit trop éclairée pour n’avoir pas veu qu’il avoit le cœur touché pour son Amie ; qu’il pouvoit continuer cet attachement, sans apprehender qu’elle y apportast jamais aucun obstacle, &amp; qu’elle luy disoit adieu pour jamais, pleinement vangée de son inconstance, puis qu’il la quittoit pour une personne dont le temps luy découvriroit le vray merite. Elle sortit sans leur rien dire de plus, &amp; ils la laisserent aller l’un &amp; l’autre fort satisfaits de se voir dans l’entiere liberté de s’abandonner à leur passion. La fausse Amie ne laissa pas de se sentir vivement blessée du mépris que la Belle luy avoit marqué par ses dernieres paroles, &amp; pour s’en vanger, elle inventa les choses les plus fâcheuses qu’elle luy fit dire de plusieurs personnes, qui meritoient qu’on les épargnast. Les Parties interessées s’en plaignirent à la Belle, qui étant bien forte par son innocence, ne manqua pas de rejetter hautement la calomnie sur celle qui l’avoit faite, &amp; cette malicieuse personne, cherchant à mettre le Cavalier hors d’estat de renoüer jamais avec elle, asseura avec une effronterie qui ne se peut concevoir, qu’elle avoit fait devant luy les medisances dont on se plaignoit. Le Cavalier bien aise de plaire à sa nouvelle Maistresse, parla le mesme langage, &amp; la Belle outrée d’une telle lâcheté, l’ayant rencontré un jour dans une maison où elle alla, luy demanda en presence d’une grande Compagnie, s’il estoit vray qu’il luy eust entendu dire les choses qui se debitoient contre elle. Il eut la bassesse de le soustenir, &amp; la Belle, que l’interest de la verité, &amp; le souvenir de sa trahison portoient à ne pas souffrir l’injure qu’il luy osoit faire, la repoussa par un dementy qui fut accompagné d’un Souflet qu’elle luy donna de toute sa force. Le Cavalier demeura si interdit emportement si peu attendu, que tandis qu’il s’occupoit à songer de quelle maniere il s’en vangeroit, elle eut le temps de jetter la main sur son Epée qu’elle luy osta. Tous ceux qui estoient presens l’environnerent, dans la crainte qu’elle ne voulust aller au delà du soufflet donné. Le Cavalier revenu de son étourdissement, dit qu’il n’ignoroit pas comment on devoit agir avec une Femme, &amp; demanda son épée. La Belle luy répondit fierement qu’il estoit vaincu, puis qu’il s’estoit laissé desarmer, &amp; que les Vaincus estant obligez de demander la vie aux Vainqueurs, elle ne se dessaisiroit jamais de cette marque de sa Victoire, qu’il n’eust declaré que tout ce qu’il avoit dit d’elle estoit une Calomnie. On disputa fort long-temps sur cet accommodement, &amp; enfin, comme il devoit estre fort honteux au Cavalier, qu’on publiast dans le monde qu’il eust laissé son Epée entre les mains d’une Femme, il se resolut à faire une partie de la satisfaction qu’elle demandoit. La fausse Amie, qui n’est point encore revenuë de la Campagne où elle est depuis un mois, y a receu la nouvelle de cette avanture, &amp; on tient qu’elle fulmine de la bonne sorte contre la conduite du Cavalier, qui a donné tant d’avantage sur luy à sa Rivale. Cela produira peut-estre encore quelque Scene, dont j’auray soin de vous faire part.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_133" resp="wordpro">
          <head>Epistre</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 133-141.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye des Vers de Madame des Houlieres, &amp; non seulement ce sont des Vers dignes d’elle, ce qui doit vous en donner la plus grande idée, mais vous les admirerez d’autant plus, que quoy qu’ils soient faits sur une matiere qui semble sterile, elle y a meslé les pensées du monde les plus agreables, &amp; en fort grand nombre ; mais que ne peut pas un genie aussi élevé &amp; aussi beau que le sien ! Elle se plaignoit du mauvais Vin de l’année derniere, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Arnaud, Fermier General, toujours genereux pour ses Amis, &amp; ne negligeant aucune occasion de les obliger, luy en envoya un muid avec du Caffé. C’est pour l’en remercier que Madame des Houlieres a fait les Vers que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>EPISTRE.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Aprés que tous les Elemens,</l>
              <l rend="i"> Par d’horribles dereglemens,</l>
              <l rend="i"> Nous ont fait une longue guerre,</l>
              <l rend="i"> Lors qu’il semble que le Soleil</l>
              <l rend="i"> N’est plus amoureux de la Terre,</l>
              <l rend="i"> Par quel charme ay-je à mon réveil</l>
              <l rend="i"> Une piece de Vin pareil</l>
              <l rend="i">Au précieux Nectar du Maistre du Tonnerre ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quel genereux Mortel peut avoir pris ce soin,</l>
              <l rend="i"> Dont nos modernes Esculapes</l>
              <l rend="i">S’avisent de trouver que j’ay tant de besoin,</l>
              <l rend="i"> Quand on n’a tiré de nos grapes</l>
              <l rend="i">Qu’un Vin, qui froid &amp; vert du Verjus n’est pas loin ?</l>
              <l rend="i"> Ce ne peut estre que Timandre ;</l>
              <l rend="i"> A ce goust de n’épargner rien</l>
              <l rend="i"> Quand on trouve un service à tendre,</l>
              <l rend="i"> Et de faire toujours du bien,</l>
              <l rend="i"> On ne sçauroit pas se méprendre ;</l>
              <l rend="i">Peu de cœurs là-dessus sont faits comme le sien.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ouy, Timandre, c’est vous, &amp; de l’illustre Race</l>
              <l rend="i"> Dont le Ciel vous a fait sortir,</l>
              <l rend="i">Vous suivez pas à pas la glorieuse trace.</l>
              <l rend="i">On ne voit rien en vous qui puisse démentir</l>
              <l rend="i"> La pieté, la noble audace,</l>
              <l rend="i"> La generosité, l’éclat</l>
              <l rend="i"> De ces Arcs-boutans de l’Etat,</l>
              <l rend="i"> Ny de ces Heros de la Grace ;</l>
              <l rend="i"> Qui pour les Concerts du Parnasse</l>
              <l rend="i">Eurent toujours un goust si fin, si delicat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est à ce doux panchant qu’ils ont eu pour les Muses,</l>
              <l rend="i"> Qui d’eux a passé jusqu’à vous,</l>
              <l rend="i">Que je dois l’amitié qui se forme entre nous,</l>
              <l rend="i">Et qui vous fait chercher tant d’agreables ruses,</l>
              <l rend="i">Pour faire que chez moy l’on trouve tous les jours</l>
              <l rend="i">De Caffé, de liqueurs une pleine abondance ;</l>
              <l rend="i"> Et de ce vin dont l’excellence,</l>
              <l rend="i">Pour ma santé, dit-on, sera d’un grand secours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quoy que l’Histoire en puisse dire,</l>
              <l rend="i"> Le vin qui jadis dans Tibur</l>
              <l rend="i"> D’Horace égayoit la Satyre,</l>
              <l rend="i">Le vin qu’Anacreon celebroit sur sa Lyre,</l>
              <l rend="i"> N’estoit ny si beau, ny si pur.</l>
              <l rend="i">A des rubis fondus sa couleur est semblable,</l>
              <l rend="i">Il tient ce que promet sa brillante couleur.</l>
              <l> <hi rend="i">Vue utile &amp; douce chaleur</hi></l>
              <l rend="i"> Fait qu’on pense au sortir de table,</l>
              <l rend="i"> Avoir pris de cet Or potable,</l>
              <l rend="i">Qui triomphe des ans, qui chasse la douleur,</l>
              <l rend="i"> Qui fait tout, &amp; qui par malheur</l>
              <l rend="i"> N’a jamais esté qu’une Fable.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cependant quelque precieux</l>
              <l rend="i">Que soit un tel breuvage, un zele ardent &amp; tendre</l>
              <l rend="i"> Pour le Public le fait répandre,</l>
              <l rend="i"> Quand LOUIS est victorieux.</l>
              <l rend="i">Les muids sont défoncez dans les brillantes Festes,</l>
              <l rend="i"> Où pour luy l’on rend grace aux Cieux ;</l>
              <l rend="i">Et tandis que le bruit de ses grandes conquestes,</l>
              <l rend="i">Trouble ses Ennemis de sa gloire envieux,</l>
              <l rend="i"> Vostre excellent vin dans ces lieux</l>
              <l rend="i"> Trouble un nombre infini de testes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Qui l’auroit pu penser ! moy, qui dés le berceau</l>
              <l rend="i"> Suis en habitude de boire</l>
              <l rend="i"> Avec les Filles de Memoire,</l>
              <l rend="i"> Et de m’enyvrer de cette eau,</l>
              <l rend="i"> Qui des tenebres du tombeau</l>
              <l rend="i"> A le don de sauver la gloire,</l>
              <l> <hi rend="i">Enfin, moy, qui jusqu’aujourd’huy</hi></l>
              <l rend="i">N’avois avec Bacchus presque point de commerce,</l>
              <l rend="i"> J’ay fait connoissance avec luy.</l>
              <l rend="i">Heureuse si ce Dieu peut dissiper l’ennuy</l>
              <l rend="i"> Du maudit sort qui me traverse,</l>
              <l rend="i"> Et d’une santé foible estre le ferme appuy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quand je songe pourtant en personne sensée</l>
              <l rend="i"> A vostre present merveilleux,</l>
              <l rend="i">A ne vous rien cacher, il me vient en pensée</l>
              <l rend="i">Qu’il peut, tout beau qu’il est, estre un peu dangereux.</l>
              <l rend="i"> On ne pourroit pas mieux s’y prendre</l>
              <l rend="i">Pour faire une galante &amp; douce trahison.</l>
              <l> <hi rend="i">Quelque force qu’ait la raison,</hi></l>
              <l rend="i">Helas contre le Vin peut-elle se défendre ?</l>
              <l rend="i">Non, &amp; souvent l’Amour mesle pour nous surprendre,</l>
              <l rend="i"> Dans le vin son subtil poison ;</l>
              <l rend="i"> Mais par bonheur pour moy, Timandre,</l>
              <l rend="i"> Vous estes plus sage que tendre,</l>
              <l rend="i">Et d’ailleurs, je suis loin de la belle saison,</l>
              <l rend="i"> Où les pieges sont bons à tendre.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_144" resp="wordpro">
          <head>[Reflexions sur les defauts d’autruy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 144-145.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous fais plaisir sans doute, à vous qui aimez à reflechir sur vous mesme, en vous apprenant, qu’on a fait une nouvelle Edition des <hi rend="i">Reflexions sur les Defauts d’Autruy</hi> de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Villiers, &amp; qu’il l’a augmentée d’une seconde partie. Quoy que cet Ouvrage ne soit qu’un amusement par lequel il se délasse d’un travail plus serieux, on ne laisse pas d’y rencontrer tout ce qui peut le rendre agréable &amp; instructif. On y remarque surtout le caractere d’un parfaitement honneste homme, qui propose ses pensées sans entestement, &amp; sans partialité, chose rare dans les Auteurs des Livres de Critique.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_145" resp="wordpro">
          <head>Bouquet sans fleurs</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 145-148.</bibl>
          <p/>
          <p>Il l’est beaucoup qu’à douze ans on puisse faire des Vers aussi bien tournez que ceux que vous allez lire. Cependant ils sont d’un Enfant de qualité qui n’a que cet âge, &amp; ont esté faits pour une petite personne qui n’est de mesme que dans sa douziéme année. Ils luy furent envoyez avec une Corbeille fort galante remplie de tous les fruits que l’Automne peut donner.</p>
          <quote>
            <label>BOUQUET SANS FLEURS.</label>
            <lg>
              <label>DAPHNIS.</label>
              <l><hi rend="i">Puis que Flore n’a plus ny ses Lis ny ses Roses,</hi></l>
              <l rend="i"> Qu’elle a perdu ses brillantes couleurs,</l>
              <l rend="i">Qui sçavent peindre aux yeux les sentimens des cœurs,</l>
              <l rend="i">Qu’enfin elle a fait place à de plus belles choses,</l>
              <l rend="i"> Toy, dont les dons charment tout l’Univers,</l>
              <l rend="i">  Deesse de l’Automne,</l>
              <l rend="i">  Je t’invoque en ces Vers,</l>
              <l rend="i">  Abondante Pomone,</l>
              <l rend="i">  Aide-moy dans ce jour</l>
              <l rend="i">A marquer à Philis un innocent amour.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>POMONE.</label>
              <l rend="i">A marquer ton amour je seray toujours preste.</l>
              <l rend="i">Je sçay que de Philis c’est aujourd’huy la Feste ;</l>
              <l rend="i">Cette jeune Philis, dont la tendre beauté</l>
              <l rend="i">Par des charmes secrets tient ton cœur enchanté.</l>
              <l rend="i">Ouy, je connois, Daphnis, l’objet de ta tendresse,</l>
              <l rend="i">J’ay vû dans mes jardins ton aimable Maistresse,</l>
              <l rend="i">Flore dans ses beaux jours ne l’effaceroit pas,</l>
              <l rend="i">Et la fiere Diane envieroit ses appas.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>DAPHNIS.</label>
              <l rend="i">En vain, Pomone, en vain tu voudrois nous décrire</l>
              <l rend="i">Des charmes que l’on sent, &amp; que l’on ne peut dire,</l>
              <l rend="i">Laisse là ce dessein, fais moy faire un Bouquet.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label>POMONE.</label>
              <l rend="i">Ouy, je le veux, Daphnis. Pour cet aimable objet,</l>
              <l rend="i">Que les Raisins, la Pesche, &amp; les fruits que je donne,</l>
              <l rend="i">Prodiguez à l’envy forment une Couronne.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_148" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Mr de Vaumoriere]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 148-158.</bibl>
          <p/>
          <p>La Republique des Belles Lettres vient de faire une perte veritable, par la mort de M<hi rend="sup">r</hi> de Vaumoriere. C’estoit un Gentilhomme illustre par sa naissance, &amp; distingué par un grand nombre d’ouvrages estimez. Sa moindre qualité estoit son bel esprit. Il brilloit par tout, mais il estoit encore plus honneste homme qu’il n’estoit homme de Lettres. Il avoit l’esprit vif &amp; aisé, les sentimens naturels &amp; nobles, les idées justes &amp; distinguées, les expressions gayes &amp; hardies, les manieres douces &amp; engageantes, le cœur au dessus de son pouvoir &amp; de son état, genereux, empressé, noble, prévenant, ne connoissant d’autre interest que celuy de ses amis, &amp; d’autre plaisir que celuy d’en faire. Il n’avoit rien à luy, tous ceux qui le connoissoient estant plus maîtres de son bien que luy-mesme. Il disoit toujours que l’argent &amp; le cœur ne sont bons que lors qu’on les donne, à quoy il ajoûtoit que c’estoit un moindre mal d’être dupe que de craindre toujours d’estre dupé. Dans un âge fort avancé, il conservoit tout le feu d’une belle jeunesse. Il estoit enjoüé &amp; galant dans les ruelles, modeste avec les gens d’esprit, réjoüissant &amp; solide avec les jeunes gens, toujours doux, toujours poly, toujours agréable en toutes sortes de societez. Il portoit la joye &amp; le plaisir avec luy. Sa seule presence avoit l’art de reveiller une conversation assoupie ; il avoit &amp; des idées &amp; des termes que personne ne pourroit prevoir, &amp; c’estoit toujours chose nouvelle. Comme jamais homme n’a esté plus generalement approuvé, plus generalement aimé, &amp; plus generalement recherché, aussi jamais homme n’a esté plus generalement regretté. Sa maniere de vie estoit commune ; sa conduite égale sa morale douce, ses reflexions estoient utiles. Simple, familier, humain, sage, complaisant, éclairé, il instruisoit lors même qu’il amusoit davantage. Les graces ornoient tous ses discours, &amp; la douceur de son naturel se répandoit sur ses paroles. Il parloit bien, il écoutoit encore mieux, &amp; sa complaisance deterroit souvent dans les gens, certain merite &amp; certain tour d’esprit qu’ils ne se connoissoient pas eux mêmes. Le don de conversation n’a jamais esté prodigué avec plus d’avantage par la nature Sa facilité étoit soûtenuë d’un fond qu’on ne trouve guere. Il avoit une connoissance parfaite de l’antiquité. Il n’y a pas un nom connu dans l’Histoire, sur lequel il ne sceust un détail curieux, &amp; peu connu. Il sçavoit mettre entre l’Histoire &amp; la Fable un rapport vray-semblable, qui persuadoit agreablement. Il estoit vif &amp; précis dans ses narrations, surprenant dans ses peintures, sçavant dans ses remarques, ennemi des parentheses, enjoüé, naturel, éloquent, &amp; suivi par tout.</p>
          <p>Ce sont des reflexions faites par tous ceux qui l’ont connu, &amp; que feront toujours ceux qui liront ses Ouvrages. Le Scipion qu’il nous donna dans sa jeunesse, &amp; les cinq derniers Tomes de Pharamond, sont un Portrait naturel &amp; ressemblant de ce genie heureux qu’on luy a trouvé le reste de sa vie. Il a donné au Public un assez grand nombre d’autres Ouvrages d’Histoire &amp; de Galanterie, où il s’est toujours soutenu. On a lû avec plaisir Diane de France, la Galanterie des Anciens, Adelaïde de Champagne, Agiatis, l’Art de plaire dans la Conversation, &amp; deux Volumes de Harangues sur tous les genres d’Eloquence. On trouve du tour &amp; de l’art dans tout ce qui vient de luy. Il s’expliquoit sans peine, mais il pensoit en homme qui se plaisoit à écrire, c’est à dire, qu’il ne pensoit guere pour luy seul. Il nous a donné depuis peu de temps deux Volumes de Lettres sur toutes sortes de sujets. Il a donné à ces sujets un ordre, &amp; aux Lettres des regles pour ce genre d’écrire. Ouvrage utile hardy, necessaire, que personne n’avoit entrepris, &amp; qui manquoit à nostre Langue Rien ne luy coutoit que le choix des titres &amp; des matieres qu’il vouloit traiter, son imagination estoit vaste &amp; fertile. Il sçavoit beaucoup, &amp; sa memoire fournissoit avec choix &amp; avec fidelité à toutes ses idées. Il reste bien des choses à dire de son esprit &amp; de sa science. Un caractere aussi heureux &amp; aussi riche voudroit être un peu plus étendu. S’il faut parler de ce qu’on appelle l’homme du monde, on peut dire que jamais personne n’a eu tant de talens, tant de sortes d’esprits, &amp; tant de caracteres differens. Il prenoit celuy qu’il vouloit, &amp; passoit de l’un à l’autre sans emprunter ces transitions si dangereuses en mille gens de Lettres. C’estoit un Protée qui donnoit à son esprit mille formes differentes, &amp; qui toujours le mesme se ressembloit par tout, &amp; n’estoit inégal sur rien. Il sçavoit la pureté &amp; la finesse de nostre Langue, &amp; il écrivoit avec une justesse &amp; une facilité égale en Prose &amp; en Vers. De pareils hommes devroient toujours vivre, si la mort ne leur assuroit une vie plus douce &amp; plus tranquille.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_213" resp="wordpro">
          <head>Catalogue de quelques Livres curieux qui se trouvent dans la Bibliotheque de M<hi rend="sup">r</hi> de S.E. à Londres</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 213-219.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label>CATALOGUE<lb />De quelques Livres curieux qui se trouvent dans la Bibliotheque de M<hi rend="sup">r</hi> de S. E. à Londres.</label>
            <p><hi rend="i">Exploits memorables des Espagnols contre la France, sous le Regne de Loüis le Grand.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Commentaire sur ces paroles de Saint Pierre</hi>, Craignez Dieu, honorez le Roy, <hi rend="i">dédié au Parlement d’Angleterre, par le Comte de Nottingam.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Oraisons Funebres de la France, prononcées dans toutes les Cours de l’Europe, par les Emissaires des Princes liguez.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Compte du revenu de divers Fiefs de l’Empire, rendu aux Commissaires de l’Empereur, par les Sieurs de Parme, de Modene, &amp; autres, Fermiers generaux de Sa Majesté Imperiale en Italie.</hi></p>
            <p><hi rend="i">De la Castrametation, par le Prince d’Orange, Inspecteur general des Camps &amp; Armées de Sa Majesté T. C.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Lettre des Bourguemestres de Hollande, Commis au Bureau des Imposts du Prince d’Orange, aux Milords d’Angleterre, Tresoriers de l’Extraordinaire des Guerres de ce Prince.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Conquestes de la Ligue d’Ausbourg.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nouvelle maniere d’attaquer &amp; de prendre les Places, par M<hi rend="sup">r</hi> le Statouder de Hollande, commenté par M<hi rend="sup">r</hi> le Landgrave de Hesse-Cassel.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Commerce florissant, dédié aux Marchands de Londres &amp; d’Amsterdam, par les Armateurs François.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Reflexions morales &amp; politiques sur la generosité des Anglois, lesquels en quatre ou cinq ans ont donné liberalement au Prince d’Orange plus d’argent, que les quatre ou cinq derniers Rois d’Angleterre n’en avoient levé en un Siecle.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Etat abregé du profit que l’Angleterre a retiré de cette prodigieuse dépense.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Pensées diverses sur l’estat florissant des-Pays bas Espagnols, dediées au Magistrat de Brusselles, par un Bourgeois de Cambray.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Relation succincte des exploits du Prince d’Orange.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Constitutions de l’Empire, nouvelle Edition, dedié au College des Electeurs, par le Duc de Hanover.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Nouvelle préparation de l’Onguent pour la brûlure, par Diego del Fuego, cy-devant Apothicaire d’Alicante, puis de Barcelone, &amp; ensuite de Roses.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Republicain, Ouvrage utile, où l’on traite des moyens de mettre ordre aux affaires de la Republique de Hollande, pour l’empescher de faire banqueroute, dedié aux Etats Generaux des Provinces Unies.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les dits &amp; faits du Prince d’Orange, nouvelle Edition, augmentée de quelques discours hardis qu’il a faits au Parlement d’Angleterre, d’un recit du succés de sa descente en France, &amp; des divers mouvemens de son Armée dans les Pays-bas.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Jurieu Prophete, ou l’accomplissement de ses Propheties, justifié par l’Histoire du Temps, dedié aux François refugiez, pour les consoler dans leur exil.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Lettres Pastorales du Loup aux Brebis, par le mesme.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_222" resp="wordpro">
          <head>[Divers Ouvrages sur la défaite des Alliez en Piedmont]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 222-233.</bibl>
          <p/>
          <p>Cependant je vous envoye des Vers qui ont esté faits sur la derniere Bataille. Le premier Madrigal est de Mademoiselle de Scuderi.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA DEFAITE<lb />des Alliez en Piedmont.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Tous les Princes liguez sont prests de s’abismer.</l>
              <l rend="i">L’un veut passer le Pô, l’autre passe la mer.</l>
              <l rend="i">Malgré leurs mouvemens, leurs projets, leurs menaces,</l>
              <l rend="i">Nous sauvons Pignerol, nous leur prenons des Places ;</l>
              <l rend="i">Inspirez par Loüis comme par le Dieu Mars,</l>
              <l rend="i">Aux portes de Turin une grande Victoire</l>
              <l rend="i">Couvre encor les François d’une nouvelle gloire,</l>
              <l rend="i">Et nous voyons enfin vaincus de toutes parts</l>
              <l rend="i">Les Aigles, les Lions, &amp; les fiers Leopards.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Voicy un autre Madrigal sur cette mesme défaite. Il est de Madame des Houlieres.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">LOUIS, que vous imitez bien</hi></l>
              <l rend="i">Cet Estre indépendant dont vous estes l’Image !</l>
              <l rend="i"> Comme luy, des Rois qu’on outrage</l>
              <l rend="i">Vous estes le vangeur &amp; l’unique soutien.</l>
              <l rend="i"> Comme luy, vostre main foudroye</l>
              <l rend="i">Ces coupables Mortels, dont les noires fureurs</l>
              <l rend="i"> Ont mis toute l’Europe en proye,</l>
              <l rend="i"> A ce que la guerre a d’horreurs.</l>
              <l rend="i"> Comme luy, rempli de clemence,</l>
              <l rend="i"> Quelque douceur qu’ait la vangeance,</l>
              <l rend="i"> Vous estes prest à pardonner ;</l>
              <l rend="i">Et sur les bords du Pô, du Rhin, &amp; de la Meuse,</l>
              <l rend="i">Vous ne les accablez que pour les amener</l>
              <l rend="i">Par un prompt repentir, à cette Paix heureuse,</l>
              <l rend="i"> Que vous seul pouvez leur donner.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Il faut pour la gloire de vostre sexe joindre à ces Vers ceux que la Bataille donnée en Piémont a fait faire à une jeune Personne de Qualité, qui n’a que quinze ans.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">La Justice du Ciel se declare pour nous,</l>
              <l rend="i">Rien ne peut resister à l’effort de nos armes,</l>
              <l rend="i"> Et la Ligue aprés mille alarmes,</l>
              <l rend="i"> Expire par nos derniers coups.</l>
              <l rend="i">Peuples, ne craignez plus que sa rage mourante</l>
              <l rend="i">Trouble vostre repos, &amp; sa douceur charmante,</l>
              <l rend="i"> Dont vous joüirez desormais.</l>
              <l rend="i"> Aprés cette cheute mortelle,</l>
              <l rend="i"> Si nous entendons parler d’elle,</l>
              <l rend="i">Ce sera seulement pour demander la Paix.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Vous ne serez pas fâchée de voir ce qu’a fait M<hi rend="sup">r</hi> Diereville, sur la Campagne de Monsieur le Duc de Savoye.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Le fameux Conquerant d’Ambrun,</l>
              <l rend="i"> Tout fier d’une telle Victoire,</l>
              <l rend="i">Présumant qu’assieger &amp; prendre, ce n’est qu’un,</l>
              <l rend="i">Veut par un nouveau Siege éterniser sa gloire,</l>
              <l rend="i"> Et ne sçauroit se rebuter</l>
              <l rend="i">Par la difficulté des grandes entreprises.</l>
              <l rend="i">Son dessein est formé, ses mesures sont prises,</l>
              <l rend="i"> Il ne faut plus qu’executer.</l>
              <l rend="i">Il part ; cent mille bras suivent cet intrepide,</l>
              <l rend="i">Et se flatant d’avoir la Victoire pour guide,</l>
              <l rend="i">Il declare qu’il va soumettre Pignerol ;</l>
              <l rend="i"> Mais le Fort de Sainte Brigide</l>
              <l rend="i"> L’arreste dans un si beau vol.</l>
              <l><hi rend="i">Ce n’est pas là, dit-il, un obstacle invincible,</hi></l>
              <l rend="i">Il va bientost ceder à ma boüillante ardeur :</l>
              <l rend="i">Pour s’en rendre le maistre il fait un feu terrible,</l>
              <l rend="i">Et se sert, mais en vain, de toute sa valeur.</l>
              <l rend="i">Chaque jour sans succés autour de ses murailles</l>
              <l rend="i">Il voit de ses Soldats les tristes funerailles.</l>
              <l rend="i">Sous mille coups divers ils tombent par monceaux.</l>
              <l rend="i"> L’Astre brillant qui donne la lumiere,</l>
              <l rend="i"> Plus de vingt fois a rempli sa carriere</l>
              <l rend="i"> Sans voir avancer leurs travaux.</l>
              <l rend="i"> Tessé dont la noble vaillance</l>
              <l rend="i"> En défend si longtemps l’abord,</l>
              <l rend="i">Obtenant ce qu’il veut par tant de resistance,</l>
              <l rend="i">Ruine, &amp; quitte enfin cet imprenable Fort.</l>
              <l rend="i">Dés qu’il n’est plus gardé, mon Heros s’en empare,</l>
              <l rend="i">Et pour s’y maintenir il prend de nouveaux soins,</l>
              <l rend="i"> Il ordonne qu’on le repare,</l>
              <l rend="i">Il fait tout visiter, ses yeux en sont témoins ;</l>
              <l rend="i">Mais il voit par malheur qu’on a sceu tout détruire.</l>
              <l rend="i"> De desespoir il se retire</l>
              <l rend="i"> Avec dix mille bras de moins.</l>
              <l rend="i"> C’est pour le coup agir en homme habile ;</l>
              <l rend="i">Il connoist par ce Fort ce qu’eust fait une Ville.</l>
              <l rend="i">L’espoir de l’emporter peut estre decevant,</l>
              <l><hi rend="i">Il ne faut pas tousjours écouter son courage,</hi></l>
              <l rend="i"> Les François l’abattent souvent.</l>
              <l rend="i">S’il eust voulu porter ses armes plus avant,</l>
              <l rend="i"> Il auroit perdu davantage.</l>
              <l rend="i">Heureux ! mais plus heureux mille fois ses Soldats,</l>
              <l rend="i">S’il avoit fait alors une entiere retraite !</l>
              <l rend="i">Sans avoir trop perdu sa Campagne estoit faite,</l>
              <l rend="i">Mais des coups du destin on ne s’exempte pas.</l>
              <l rend="i"> Helas ! ou ne peut s’en défendre ;</l>
              <l rend="i"> De Pignerol il s’éloigne à regret,</l>
              <l rend="i">Il devoit l’assieger, &amp; qui plus est, le prendre.</l>
              <l rend="i">Il s’en va sans oser seulement l’entreprendre,</l>
              <l rend="i">Et s’en fait à luy-mesme un reproche secret.</l>
              <l rend="i">Il s’arreste, consulte, &amp; forme le projet</l>
              <l rend="i">De l’aller bombarder, &amp; le reduire en cendre.</l>
              <l rend="i"> Tout estant prest pour cet effet,</l>
              <l rend="i"> Devant la Place il va se rendre.</l>
              <l rend="i"> Quel appareil prodigieux</l>
              <l rend="i">De ces globes de feu plus craints que le Tonnerre,</l>
              <l rend="i"> Qui semblent menacer les Cieux,</l>
              <l rend="i"> Et ne foudroyent que la terre !</l>
              <l rend="i">On en jette par tout ; des milliers à la fois</l>
              <l rend="i"> Tombent &amp; crevent sur la Ville,</l>
              <l> <hi rend="i">Et n’abatent que quelques toits.</hi></l>
              <l rend="i">C’est ainsi que le Ciel protegeant les François,</l>
              <l rend="i">D’un nombre d’Ennemis rend la Ligue inutile.</l>
              <l rend="i">Cependant le Heros content de ses exploits,</l>
              <l rend="i"> S’en retourne plus fier qu’Achille.</l>
              <l rend="i">Mais il ne va pas loin sans se voir trop punir</l>
              <l rend="i"> Du peu de mal qu’il vient de faire,</l>
              <l rend="i">Le fameux Catinat l’engage en une affaire,</l>
              <l rend="i">Dont il conservera longtemps le souvenir.</l>
              <l rend="i">Il y perd ses Canons, ses Drapeaux, ses Timbales,</l>
              <l rend="i"> Des vaincus dépoüilles fatales,</l>
              <l rend="i"> Et ses plus braves Officiers</l>
              <l rend="i"> Trouvent par d’inconnus sentiers</l>
              <l rend="i">Sur les rives du Pôles rives infernales.</l>
              <l rend="i">Les François en tous lieux à vaincre accoutumez,</l>
              <l rend="i"> Jaloux d’un si grand avantage,</l>
              <l rend="i"> Comme des Lions animez,</l>
              <l rend="i">De ses meilleurs Soldats font un affreux carnage.</l>
              <l rend="i">A peine évite-t-il leur déplorable sort.</l>
              <l rend="i">Helas ! plus de neuf mille étendus sur la terre</l>
              <l rend="i"> Victimes d’une injuste guerre,</l>
              <l rend="i"> Semblent luy reprocher leur mort.</l>
              <l rend="i"> Les autres prennent l’épouvante,</l>
              <l rend="i"> Toute son Armée est errante,</l>
              <l rend="i"> Il ne sçauroit la rallier,</l>
              <l rend="i">Et luy-mesme il se trouve obligé de plier.</l>
              <l rend="i"> Enfin sa défaite est entiere ;</l>
              <l rend="i">A Nervvinde Nassau ne fut pas mieux battu.</l>
              <l rend="i"> S’il comptoit plus sur sa vertu,</l>
              <l rend="i"> Quel desespoir pour une ame si fiere !</l>
              <l rend="i"> Il eust évité ce chagrin,</l>
              <l rend="i"> Si de gloire un peu moins avide,</l>
              <l rend="i"> Au sortir de Sainte Brigide,</l>
              <l rend="i"> Il eust esté revoir Turin.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_266" resp="mercure">
          <head>[Suite du Siege de Charleroy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 266-269.</bibl>
          <p/>
          <p>[...] Voicy la Lettre écrite par le Roy à Mr l’Archevesque de Paris, pour faire chanter le <hi rend="i">Te Deum</hi>, en action de graces de cette Conqueste.</p>
          <p/>
          <p><hi rend="i">Mon Cousin. J’ay crû ne pouvoir finir la Campagne en Flandre plus utilement, que par la prise de Charleroy, qui acheve de fermer aux Ennemis l’entrée des Pays que j’ay conquis sur eux. Mon Cousin le Maréchal Duc de Luxembourg en a fait faire le Siege par mes ordres, la Place a esté investie le neuviéme du mois passé, &amp; s’est renduë l’onziéme de ce mois après vingt-six jours de Tranchée ouverte. Une si longue resistance est moins deuë à la valeur des Assiegez, qu’au soin que j’ay pris de diminuer à mes Troupes le peril &amp; la fatigue de ce Siege, dans la certitude où j’estois que les Ennemis battus à Sainte-Croix ou Neewinde, estoient hors d’estat d’entreprendre de secourir cette Place, &amp; qu’aux Fortifications qui y avoient esté faites par mes ordres, &amp; qui l’avoient renduë imprenable â tous autres qu’à des François. Aprés cette Conqueste je ne dois pas manquer de rendre graces à celuy qui envoye la Victoire où il luy plaist, &amp; qui a bien voulu jusques à présent l’attacher à la suite de mes Armes. C’est pourquoy je desire que vous fassiez chanter le</hi> Te Deum <hi rend="i">dans l’Eglise Cathedrale de ma bonne Ville de Paris, au jour &amp; à l’heure que le Grand Maistre ou le Maistre des Ceremonies vous dira de ma part, &amp; je donne ordre à mes Cours d’y assister en la maniere accoutumée. Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait, mon Cousin, en sa sainte &amp; digne garde. Ecrit à Fontainebleau le seiziéme Octobre mil six cens quatre-vingt-treize.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_270" resp="wordpro">
          <head>Burnet, au Prince d’Orange. Sur le Siege &amp; sur la Prise de Charleroy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 270-283.</bibl>
          <p/>
          <p>La prise de Charleroy a donné lieu à M<hi rend="sup">r</hi> de Vin de faire l’Ouvrage que vous allez lire,</p>
          <quote>
            <label>BURNET,<lb />AU PRINCE D’ORANGE.<lb />Sur le Siege &amp; sur la Prise de Charleroy.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Tout est prest pour te recevoir ;</l>
              <l rend="i"> Accoutumez à leur devoir,</l>
              <l rend="i"> Ou plûtost à leur servitude,</l>
              <l rend="i">Grand Prince, tes Sujets oubliant leur malheur,</l>
              <l rend="i"> Te verront sans inquietude,</l>
              <l rend="i"> Et mettront mesme leur étude</l>
              <l rend="i"> A te rendre icy tout l’honneur</l>
              <l rend="i"> Que te doit leur vielle habitude.</l>
              <l rend="i"> Mons &amp; Namur pris à tes yeux,</l>
              <l rend="i">Si tels, comme on le dit, que leur Mer inconstante,</l>
              <l><hi rend="i">Ils estoient d’une humeur &amp; volage &amp; changeante,</hi></l>
              <l rend="i"> Auroient dû te rendre odieux,</l>
              <l rend="i">Et te faire payer tout le sang que leur couste</l>
              <l rend="i">Du funeste Fleurus la sanglante déroute.</l>
              <l rend="i">Cependant ton adresse, ou plustost ton bonheur</l>
              <l rend="i"> Soutient encore en ta faveur</l>
              <l rend="i"> Leur attentat abominable ;</l>
              <l rend="i">Malgré ces coups de foüet rien ne branla chez eux,</l>
              <l rend="i">Et constans pour toy seul, tu vis ces factieux</l>
              <l rend="i">T’offrir à deux genoux un Encens honorable.</l>
              <l rend="i"> Ne crains donc rien, grand Prince ; asseuré de leur foy</l>
              <l rend="i">Du sort qui te poursuit reviens sur ce rivage</l>
              <l rend="i"> Oublier le nouvel outrage,</l>
              <l rend="i"> Et crois que ceux qui t’ont fait Roy</l>
              <l rend="i">Jusqu’au dernier soupir soutiendront leur ouvrage.</l>
              <l rend="i"> A faire tout ce qui te plaist</l>
              <l rend="i">Tu ne sçais que trop bien qu’ils ont grand interest,</l>
              <l rend="i"> Et que la crainte des supplices</l>
              <l rend="i">Sous tes severes loix retiendra tes complices.</l>
              <l rend="i"> Leur fructueux Commerce en vain est-il rompu ;</l>
              <l rend="i"> En vain aux colomnes d’Hercule</l>
              <l rend="i"> Voyent-ils leur Flotte qui brusle</l>
              <l rend="i">En vain, dis-je, à Nervinde es tu mesme battu ;</l>
              <l rend="i">Tout cela ne fait rien, &amp; faits à l’esclavage,</l>
              <l rend="i"> Ils te verront à ton retour</l>
              <l rend="i">Avec les mesmes yeux que dans cet heureux jour,</l>
              <l rend="i"> Qui t’offrit leur premier hommage.</l>
              <l rend="i">Mais, diras tu, LOUIS, attaque Charleroy ;</l>
              <l rend="i">Le laisseray-je faire, &amp; s’il alloit le prendre,</l>
              <l rend="i">Quelle confusion seroit-ce encor pour moy ?</l>
              <l rend="i">Tres-grande, j’en conviens, mais comment le deffendre ?</l>
              <l rend="i">As tu pû de ses mains sauver Namur &amp; Mons ?</l>
              <l rend="i"> Dequoy leur servit ta presence,</l>
              <l rend="i"> Et veux-tu par ton impuissance</l>
              <l rend="i"> Te couvrir de nouveaux affronts ?</l>
              <l rend="i">De cet Auguste Roy tout cede à la fortune,</l>
              <l rend="i">Des Places qu’il attaque il n’en échappe aucune</l>
              <l> <hi rend="i">A son bras tousjours triomphant,</hi></l>
              <l rend="i"> Et souvent tu l’as veu toy mesme,</l>
              <l> <hi rend="i">Au mépris de son diademe,</hi></l>
              <l rend="i">Affronter sans effroy le peril le plus grand.</l>
              <l rend="i">Ainsi, loin de tenter un effort inutile,</l>
              <l rend="i">De sa perte prochaine évite en Prince habile</l>
              <l rend="i"> De te rendre encor le témoin.</l>
              <l rend="i">Laisse crier Baviere, &amp; si sa jeune audace</l>
              <l rend="i">Veut courir au secours de cette forte Place,</l>
              <l rend="i">Que seul, à la bonne heure, il en prenne le soin,</l>
              <l rend="i"> Et par-là qu’il se satisfasse.</l>
              <l rend="i"> C’est son affaire, &amp; Charleroy</l>
              <l rend="i"> Le regarde bien plus que toy,</l>
              <l rend="i"> Qui, comme luy, pour sa deffence,</l>
              <l rend="i">N’as receu de Madrid ny troupes, ny finance.</l>
              <l rend="i">Que t’importe sa perte ? Il ne t’appartient pas ;</l>
              <l rend="i">Qu’il conserve son bien s’il croit le pouvoir faire,</l>
              <l rend="i"> Et s’il aime tant les combats,</l>
              <l rend="i">Luxembourg de pied ferme, attend ce témeraire ;</l>
              <l rend="i">Qu’il aille, j’y consens, mais, grand Prince, pour toy</l>
              <l rend="i">Ton unique interest est de faire le Roy,</l>
              <l rend="i"> Et de fomenter une guerre,</l>
              <l rend="i">Qui seule, en moins d’un mois, te livra l’Angleterre.</l>
              <l rend="i"> Ce n’est pas que de ta valeur</l>
              <l rend="i"> Elle soit un fruit legitime,</l>
              <l rend="i"> Non, tu ne la dois qu’a son crime,</l>
              <l rend="i">Et si de sa revolte elle eust eu quelque horreur,</l>
              <l rend="i"> Toute habile que soit ta teste,</l>
              <l rend="i">Jamais ton foible bras n’en eust fait la Conqueste.</l>
              <l rend="i"> Mais quoiqu’elle ait plus d’une fois</l>
              <l rend="i"> Veu tromper la douce esperance,</l>
              <l rend="i"> Qu’elle fondoit sur tes exploits,</l>
              <l rend="i"> N’importe, viens en diligence,</l>
              <l rend="i"> Te faire encor complimenter</l>
              <l rend="i"> Sur les perils que ta prudence</l>
              <l rend="i"> T’a si souvent fait éviter.</l>
              <l rend="i">Et, content des honneurs qu’icy l’on te prépare,</l>
              <l rend="i">Ne t’embarasse point si le plus grand des Rois,</l>
              <l rend="i"> Si LOUIS unit sous ses Loix</l>
              <l rend="i"> La Meuse &amp; la Sambre à la Sarre.</l>
              <l rend="i">Il est bon cependant de feindre que tu veux</l>
              <l rend="i">Des champs Nervindiens reparer la disgrace,</l>
              <l rend="i">Et de tes Alliez favorisant les vœux,</l>
              <l rend="i">Dégager Charleroy du sort qui le menace ;</l>
              <l rend="i">Mais c’est assez pour toy d’en répandre le bruit,</l>
              <l rend="i"> Car si trop ardent à combattre,</l>
              <l><hi rend="i">Pour la seconde fois tu t’allois faire battre,</hi></l>
              <l><hi rend="i">En quel funeste estat te verrois-tu réduit ?</hi></l>
              <l rend="i">Peut-estre que la Ligue à ta seule personne</l>
              <l rend="i"> Appliqueroit tout son malheur,</l>
              <l rend="i">Et s’imagineroit, en t’ostant ta Couronne,</l>
              <l rend="i">De le faire tomber sur son fatal Auteur.</l>
              <l rend="i">Ainsi de lascheté si Baviere t’accuse,</l>
              <l rend="i">Des plus vaillans Heros affecte les dehors,</l>
              <l rend="i">Mais pour ne point combattre invente quelque ruse,</l>
              <l rend="i">Et de ton esprit fin fais joüer les ressorts.</l>
              <l rend="i">Viens pendant cet hiver de ton peuple credule</l>
              <l rend="i"> Enlever les riches Toisons,</l>
              <l rend="i">Et le Printemps prochain muny de nouveaux fonds,</l>
              <l rend="i"> Reprens ton faux rôle d’Hercule.</l>
              <l rend="i">Mais, Burnet, diras-tu, c’est trop charlataner,</l>
              <l rend="i"> Et dans ce manege d’adresse,</l>
              <l rend="i">Quoique l’on m’ait instruit dés ma tendre jeunesse,</l>
              <l rend="i">Ma gloire ne veut pas .… Ta gloire est de regner ;</l>
              <l rend="i"> N’est pas Roy qui veut, &amp; pour l’estre,</l>
              <l rend="i"> Comme on ne t’avoit point veu naistre,</l>
              <l rend="i"> Puisqu’un capricieux destin</l>
              <l rend="i"> T’a mis trois Sceptres à la main,</l>
              <l rend="i">Crois-tu, pour en joüir, estre obligé d’attendre</l>
              <l rend="i">Que ce mesme destin te force de les rendre ?</l>
              <l rend="i">Est-ce-là raisonner ? Non, grand Prince, pour moy</l>
              <l rend="i"> Si jamais j’estois à ta place,</l>
              <l rend="i">De quelque vieux Guerrier me fiant à l’audace,</l>
              <l rend="i"> Et loin des perils qu’aprés soy</l>
              <l rend="i">Traisne d’un General le trop penible employ,</l>
              <l rend="i"> Je me livrerois sans grimace</l>
              <l><hi rend="i">A l’unique plaisir de faire icy le Roy.</hi></l>
              <l rend="i"> Aussi bien (car je suis sincere)</l>
              <l rend="i"> Soit de faut naturel de cœur,</l>
              <l rend="i"> Soit ignorance militaire,</l>
              <l rend="i"> Soit mesme, si l’on veut, malheur,</l>
              <l rend="i"> Jusqu’icy que t’a-t-on veu faire,</l>
              <l rend="i"> Qui t’ait acquis le moindre honneur ?</l>
              <l rend="i">Steinquerque, Saint Denis, Saint Omer &amp; Nervinde</l>
              <l rend="i">T’ont veu battre en personne, &amp; ta confusion</l>
              <l rend="i"> Betentit du Rhin jusqu’à l’Inde.</l>
              <l rend="i">D’assieger une Place as tu l’ambition,</l>
              <l rend="i"> Bien loin d’y faire mieux ton compte,</l>
              <l rend="i">Charleroy par deux fois fut témoin de ta honte,</l>
              <l rend="i">Et tu rougis encor d’avoir veu Limerik</l>
              <l><hi rend="i">Repousser tes efforts du mesme air que Mastrik.</hi></l>
              <l rend="i"> Car pour Beaumont, Furne, &amp; Dixmude,</l>
              <l> <hi rend="i">Ah ! grand Prince, si tu m’en crois</hi></l>
              <l rend="i">Ne va pas les compter pour de fameux exploits,</l>
              <l><hi rend="i">Ny de ces coups de main vanter la promptitude ;</hi></l>
              <l rend="i"> On t’en railleroit en tous lieux,</l>
              <l rend="i">Cependant de ton bras voila l’unique gloire ;</l>
              <l rend="i">Pour ta teste, on l’avoüe, elle est bonne, &amp; l’Histoire</l>
              <l rend="i"> Par ce costé, quoy qu’odieux,</l>
              <l><hi rend="i">
                peut-estre à tes braves Ayeux.</hi></l>
              <l rend="i"> Sers toy donc de ta politique,</l>
              <l rend="i"> C’est ton fort, &amp; que desormais</l>
              <l rend="i">Au seul soin de regner ta Majesté s’applique ;</l>
              <l rend="i">Feins toujours de combattre, &amp; ne combats jamais.</l>
              <l rend="i">Tes ordres ont voulu que je fusse sincere,</l>
              <l rend="i">Je ne le suis que trop, grand Prince, &amp; tu peus voir</l>
              <l rend="i">Que je t’en donne icy la preuve la plus claire.</l>
              <l rend="i">Comblé de tes bienfaits, j’ay crû que mon devoir</l>
              <l rend="i"> Vouloit que je te satisfisse ;</l>
              <l rend="i">Voila donc de mon cœur quel est le sentiment.</l>
              <l rend="i">S’il est trop libre, au moins est-il sans artifice,</l>
              <l rend="i"> Et j’obéis aveuglement.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">De ces avis receus consultant l’importance,</l>
              <l rend="i">A les suivre, Nassau se sentit du penchant,</l>
              <l rend="i"> Et peut-estre eust il sur le champ</l>
              <l rend="i">Contenté de Burnet la vive impatience,</l>
              <l rend="i"> Si des raisons de bien-séance</l>
              <l rend="i"> Ou plustost sa confusion,</l>
              <l rend="i">N’eust forcé pour huit jours son inclination.</l>
              <l rend="i">Enfin dans son retour comme il trouvoit son compte,</l>
              <l rend="i">Pour tous ses Alliez sans ardeur &amp; sans foy,</l>
              <l rend="i">Il se mit, en partant, au dessus de la honte,</l>
              <l rend="i"> Et laissa prendre Charleroy.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_283" resp="mercure">
          <head>[Autre sur le mesme sujet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 283.</bibl>
          <p/>
          <p>J’ajouste des Vers propres à estre mis en air, qui ont esté faits sur le mesme Siege.</p>
          <quote>
          <lg>
          <l rend="i">Loin des fureurs de Mars &amp; de Bellonne,</l>
          <l rend="i">Cherchons, cherchons un doux repos,</l>
          <l rend="i">Armons nous, chers Amis, de pintes &amp; de pots,</l>
          <l rend="i">Campons à l’ombre d’une Tonne.</l>
          <l rend="i">Laissons au Grand LOUIS &amp; le soin &amp; la gloire,</l>
          <l rend="i">De porter en tous lieux &amp; le trouble &amp; l’effroy ;</l>
          <l rend="i">Laissons luy prendre Charleroy,</l>
          <l rend="i">Tandis que nous prendrons à boire.</l>
          </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-10a_330" resp="wordpro">
          <head>[Nouveautez dans l’empire des Lettres]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1693 [tome 12], p. 330-333.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme vous avez lû avec plaisir les deux premieres parties de <hi rend="i">l’Histoire sommaire de Normandie</hi>, faite par M<hi rend="sup">r</hi> de Masseville, vous serez bien-aise sans doute d’apprendre que le Sieur Brunet, Libraire dans la grande Salle du Palais, au Mercure Galant, commence à debiter la troisiéme partie de la mesme Histoire, qui n’est pas moins curieuse que les deux autres, &amp; qui a esté imprimée à Roüen par le Sr Ferrant Libraire. Elle contient tout ce qui s’est passé de plus remarquable en cette Province depuis l’an 1270. jusqu’à l’an 1380. sous les Regnes de Philippe le Hardy, de Philippe le Bel, de Louis Hutin, de Philippe le Long, de Charles le Bel, de Philippe de Valois, de Jean, &amp; de Charles V. Rois de France, avec des Remarques, &amp; Additions fort recherchées.</p>
          <p>Le Sr Amaury, Libraire à Lyon, a achevé de donner au Public les Ouvrages de Michel Ettmuller, celebre Medecin, &amp; Professeur de l’Université de Leipsic, traduits en François, en faisant paroistre ses <hi rend="i">Nouveaux Instituts de Medecine</hi>, &amp; sa Nouvelle <hi rend="i">Chimie raisonnée</hi>, de qui avec la <hi rend="i">Pratique Generale de Medecine de tout le Corps humain</hi>, &amp; <hi rend="i">la Pratique speciale</hi> du mesme Auteur, <hi rend="i">sur les maladies propres des Hommes, des Femmes, &amp; des petits Enfans</hi>, qui ont paru en trois Volumes <hi rend="i">in octavo</hi> il y a déja deux ou trois années, forme un Corps entier de Medecine, que debite le Sr Brunet. Il y a aussi une <hi rend="i">Nouvelle Chirurgie Medicale &amp; raisonnée</hi>, du mesme Ettmuller, avec une Dissertation sur l’infusion des liqueurs dans les Vaisseaux.</p>
          <p>On trouve chez le même Libraire, un Jeu de Cartes du Blason tres-utile pour ceux qui veulent avoir quelque connoissance des Armoiries, avec un Livre qui explique tout ce qui regarde ce jeu. On a choisy quatre Nations differentes pour en composer les quatre parties, &amp; au lieu des marques ordinaires des quatre points, qui sont <hi rend="i">les Cœurs, les Piques, les Trefles &amp; les Carreaux</hi>, on s’est servy des Devises qui distinguent ces Nations, qui sont <hi rend="i">la Fleur de Lys</hi> pour la France, <hi rend="i">le Lyon</hi>, pour l’Espagne, <hi rend="i">l’Aigle</hi> pour l’Allemagne, &amp; <hi rend="i">la Rose</hi> pour l’Italie. Afin de faire une plus grande distinction, la Fleur de Lis est d’or en ce jeu, la Roze d’argent, le Lion de Gueules, &amp; l’Aigle de Sable, qui sont deux Métaux &amp; deux Couleurs, afin qu’en joüant on puisse distinguer quand on jouë de metal ou de couleur d’or, ou d’argent, de gueules ou de sable. Il y a plusieurs avantages à tirer de l’usage de ce jeu ; ils sont expliquez dans le petit Livre.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-11">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, novembre 1693 [tome 14]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_007" resp="wordpro">
          <head>Au Roy, Sur la Victoire de Piedmont</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 7-15.</bibl>
          <p/>
          <p>Rien n’est plus recherché que la gloire. Elle distingue les Sçavans, les Guerriers, &amp; generalement toutes les personnes en qui l’on reconnoist du merite. Cependant on peut dire qu’il n’y en a point de plus brillante que celle qui s’acquiert par les armes ; &amp; entre les Souverains qui s’en sont couverts par cette voye, jamais Monarque n’a fait des choses si surprenantes que le Roy pour s’en rendre digne. Comme on est persuadé que la tranquillité de l’Europe doit naistre de l’augmentation de cette gloire, &amp; que les triomphes du Roy sont autant de pas qui le font avancer dans une carriere, au bout de laquelle il doit imposer la Paix aux Princes assez aveuglez pour préferer, leur jalouse ambition, au repos de leurs Sujets, on voit peu de Vers aujourd’huy à la gloire de ce Prince, sur le sujet de ses Victoires, où cette Paix que la plus belle partie du monde n’attend que de sa moderation &amp; de sa bonté, n’ait la plus grande part, &amp; c’est ce qui a fourny à M<hi rend="sup">r</hi> de Monfort une partie des pensées dont il a enrichy l’Ouvrage que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY,<lb />Sur la Victoire de Piedmont</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quel spectacle pompeux attire nos regards ?</hi></l>
              <l rend="i">Quel amas de Drapeaux ! quel nombre d’Etendars !</l>
              <l rend="i"> Est-ce la Paix, ou la Victoire,</l>
              <l rend="i">Qui conduit ce Trophée au Temple de Memoire ?</l>
              <l rend="i">Non, c’est un don acquis au vray Dieu des Combats ;</l>
              <l rend="i">Au Dieu que nostre Mars fait Auteur de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Et que ses Ennemis ne reconnoissent pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ta pieté, Grand Roy, leur est d’un grand exemple.</l>
              <l rend="i">Dans tes plus grands succés on connoist tes Vertus ;</l>
              <l rend="i">Tes Ennemis par tout sont chassez, abatus,</l>
              <l rend="i">Et tu ne reconnois tes Victoires qu’au Temple.</l>
              <l rend="i">C’est là que tu conduis le prix de tes hauts faits ;</l>
              <l rend="i">Et refusant les fleurs qu’on t’offre dans nos Festes,</l>
              <l rend="i">C’est là que ta valeur rallumant tes souhaits,</l>
              <l rend="i">On te voit triomphant supplier pour la Paix,</l>
              <l rend="i">Et l’exiger du Ciel pour fruit de tes Conquestes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tu remplis l’Univers du bruit de tes exploits ;</l>
              <l rend="i">Ton nom fait tout fléchir sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i">Tu fais craindre ton bras, tu fais benir tes Loix ;</l>
              <l rend="i">Un sort heureux t’appelle à l’Empereur du Monde.</l>
              <l rend="i"> On ne trahit pas son destin,</l>
              <l rend="i"> Le tien s’explique &amp; se découvre ;</l>
              <l rend="i">L’Heresie &amp; sa Ligue auront bien-tost leur fin ;</l>
              <l rend="i">Le Ciel parle, obeis, suis le chemin qu’il t’ouvre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Plus d’un Oracle l’a prédit,</l>
              <l rend="i">Et du Ciel les desseins se font assez connoistre,</l>
              <l rend="i">De ce vaste Univers tu dois estre seul Maistre.</l>
              <l rend="i">La Justice le veut, la Victoire le dit.</l>
              <l rend="i">Eh, quel autre, grands Dieux, merite mieux de l’estre ?</l>
              <l rend="i">Mais ce zele t’offense, &amp; je t’entens grand Roy.</l>
              <l rend="i">Tu préferes la Paix aux progrés de tes armes.</l>
              <l rend="i"> La Paix ne fera rien pour toy,</l>
              <l rend="i">Mais de tes bons Sujets elle fera les charmes ;</l>
              <l rend="i"> La Paix rendra tes Ennemis heureux,</l>
              <l rend="i"> Elle sera le sujet de leurs Festes.</l>
              <l rend="i">Tu sçais qu’ils beniront, comme nous, tes conquestes,</l>
              <l rend="i">Et le bonheur du monde est l’objet de tes vœux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quel effort de vertu ! quel succés heroïque !</l>
              <l rend="i">Un Heros triomphant dans la prosperité,</l>
              <l rend="i">Fait taire sa valeur, ses droits, sa politique,</l>
              <l rend="i">Et soumet ses exploits dans leur rapidité,</l>
              <l rend="i"> A la tranquillité publique.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Grands Heros de l’Antiquité,</l>
              <l rend="i">Ce respect qu’on vous rend, l’avez vous merité ?</l>
              <l rend="i"> Vos vertus estoient des chimeres</l>
              <l rend="i">Si nous en dévoilons les coupable misteres,</l>
              <l rend="i">Nous ne vous trouverons qu’orgueil que vanité.</l>
              <l rend="i">Qu’on ne nous vante plus vos vertu magnanimes,</l>
              <l rend="i">Vos succés ne sont plus surprenans, inoüis,</l>
              <l rend="i"> Les grandes vertus de LOUIS</l>
              <l rend="i"> Dans les vostres font voir des crimes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les Heros autrefois ne les connoissoient pas,</l>
              <l rend="i"> Ces grandes vertus si nouvelles,</l>
              <l rend="i"> Les suites de tous leurs Combats</l>
              <l rend="i">Estoient pour les Vaincus, ou dures, ou cruelles ;</l>
              <l rend="i">Mais, pour toy, tu ne veux que combler de bienfaits</l>
              <l rend="i"> Tous les Ennemis de ta gloire.</l>
              <l rend="i"> Tu ne cherches dans la Victoire</l>
              <l rend="i"> Que le passage pour la Paix.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Fais-la regner, grand Roy, sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i"> Elle a de quoy te couronner,</l>
              <l rend="i"> Cette Paix durable &amp; profonde,</l>
              <l rend="i"> Que le monde ne peut donner,</l>
              <l rend="i">Et qu’aprés Dieu, toy seul peux redonner au monde.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_037" resp="wordpro">
          <head>Les Souhaits ridicules. Conte. A Mademoiselle de la C.</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 37-50.</bibl>
          <p/>
          <p>S’il estoit permis de se servir d’un Proverbe, je dirois, Madame, que toute cette grande &amp; importante entreprise que les Anglois avoient formée sur la Martinique &amp; sur d’autres lieux, s’en est allée en eau de boudin. Cette expression viendra pourtant assez à propos, ayant à vous faire part d’une Historiette, dont un morceau de Boudin a fourny la matiere à un excellent Ouvrier. Vous avez leu quantité d’ouvrages de M<hi rend="sup">r</hi> Perrault de l’Academie Françoise, qui vous on fait voir la beauté de son genie dans les Sujets serieux. En voicy un, dont la lecture vous fera connoistre qu’il sçait badiner agreablement quand il luy plaist.</p>
          <quote>
            <label>LES SOUHAITS<lb />RIDICULES.<lb /><hi rend="i">CONTE.</hi><lb />A Mademoiselle de la C.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Si vous estiez moins raisonnable,</l>
              <l rend="i">Je me garderois bien de venir vous conter</l>
              <l rend="i"> La folle &amp; peu galante Fable,</l>
              <l rend="i"> Que je m’en vais vous debiter.</l>
              <l rend="i">Une aune de Boudin en fournit la matiere.</l>
              <l rend="i"> Une aune de Boudin, ma chere !</l>
              <l rend="i"> Quelle pitié ! c’est une horreur,</l>
              <l rend="i"> S’écrieroit une Pretieuse,</l>
              <l rend="i"> Qui toujours tendre &amp; serieuse,</l>
              <l rend="i">Ne veut ouir parler que d’affaires de cœur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais vous, qui mieux’ qu’autre qui vive,</l>
              <l rend="i"> Sçavez charmer en racontant,</l>
              <l rend="i">Et dont l’expression est toujours si naïve,</l>
              <l rend="i"> Que l’on croit voir ce qu’on entend,</l>
              <l rend="i"> Qui sçavez que c’est la maniere</l>
              <l rend="i"> Dont quelque chose est inventé,</l>
              <l rend="i"> Qui beaucoup plus que la matiere</l>
              <l rend="i"> De tout recit fait la beauté,</l>
              <l rend="i">Vous aimerez ma Fable &amp; sa moralité ;</l>
              <l rend="i">J’en ay, j’ose le dire, une assurance entiere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Il estoit une fois un pauvre Bucheron,</l>
              <l rend="i"> Qui las de sa penible vie,</l>
              <l rend="i"> Avoit, disoit-il, grande envie</l>
              <l rend="i">De s’aller reposer aux bords de l’Acheron,</l>
              <l rend="i"> Representant dans sa douleur profonde,</l>
              <l rend="i"> Que depuis qu’il estoit au monde,</l>
              <l rend="i"> Le Ciel cruel n’avoit jamais</l>
              <l rend="i"> Voulu remplir un seul de ses souhaits.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Un jour que dans le bois il se mit à se plaindre,</hi></l>
              <l rend="i">A luy la foudre en main Jupiter s’apparut.</l>
              <l rend="i"> On auroit peine à bien dépeindre</l>
              <l rend="i"> La peur que le bon homme en eut.</l>
              <l rend="i">Je ne veux rien, dit-il, en se jettant par terre,</l>
              <l rend="i"> Point de souhaits, point de Tonnerre,</l>
              <l rend="i">Seigneur, demeurons but à but.</l>
              <l rend="i"> Cesse d’avoir aucune crainte,</l>
              <l rend="i">Je viens, dit Jupiter, touché de ta complainte,</l>
              <l rend="i"> Te faire voir le tort que tu me fais.</l>
              <l rend="i"> Ecoute donc, je te promets,</l>
              <l rend="i">Moy qui du monde entier suis le souverain Maistre,</l>
              <l rend="i">D’exaucer pleinement les trois premiers souhaits</l>
              <l rend="i">Que tu voudras former sur quoy que ce puisse estre.</l>
              <l rend="i"> Voy ce qui peut te rendre heureux,</l>
              <l rend="i"> Voy ce qui peut te satisfaire,</l>
              <l rend="i">Et comme ton bonheur dépend tout de tes vœux,</l>
              <l rend="i"> Songes y bien avant que de les faire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">A ces mots Jupiter dans les Cieux remonta,</l>
              <l><hi rend="i">Et le gay Bucheron embrassant sa falourde,</hi></l>
              <l rend="i">Pour retourner chez luy sur son dos la jetta.</l>
              <l rend="i">Cette charge jamais ne luy parut moins lourde.</l>
              <l> <hi rend="i">Il ne faut pas, disoit-il en trotant,</hi></l>
              <l rend="i"> De tout cecy rien faire à la legere.</l>
              <l rend="i"> Il faut, le cas est important,</l>
              <l rend="i"> En prendre avis de nostre Menagere.</l>
              <l rend="i">C’a, dit-il en entrant sous son toit de feugere,</l>
              <l rend="i"> Faisons, Fanchon, grand feu, grand’ chere,</l>
              <l rend="i"> Nous sommes riches desormais,</l>
              <l rend="i"> Et nous n’avons qu’à faire des souhaits.</l>
              <l rend="i">Là-dessus fort au long tout le fait il luy conte.</l>
              <l rend="i"> A ce recit, l’Epouse vive &amp; prompte,</l>
              <l rend="i">Forma dans son esprit mille vastes projets,</l>
              <l rend="i"> Mais considerant l’importance</l>
              <l rend="i"> De s’y conduire avec prudence,</l>
              <l rend="i">Blaise, mon cher Amy, dit-elle à son Epoux,</l>
              <l rend="i"> Ne gastons rien par nostre impatience,</l>
              <l rend="i"> Examinons bien entre nous</l>
              <l> <hi rend="i">Ce qu’il faut faire en pareille occurence.</hi></l>
              <l rend="i">Remettons à demain nostre premier souhait,</l>
              <l rend="i"> Et consultons nostre chevet.</l>
              <l rend="i">Je l’entens bien ainsi, dit le bon homme Blaise,</l>
              <l rend="i">Mais va tirer du vin derriere ces fagots.</l>
              <l rend="i">A son retour il but, &amp; goustant à son aise</l>
              <l rend="i"> Prés d’un grand feu la douceur du repos,</l>
              <l rend="i">Il dit, en s’appuyant sur le dos de sa chaise,</l>
              <l rend="i">Pendant que nous avons une si bonne braise,</l>
              <l rend="i">Une aune de Boudin viendroit bien à propos.</l>
              <l rend="i">A peine acheva-t-il de prononcer ces mots,</l>
              <l rend="i">Que sa Femme apperceut, grandement étonnée,</l>
              <l rend="i"> Un Boudin fort long, qui partant</l>
              <l rend="i"> D’un des coins de la cheminée,</l>
              <l rend="i"> S’approchoit d’elle en serpentant.</l>
              <l rend="i"> Elle fit un cry dans l’instant,</l>
              <l rend="i"> Mais jugeant que cette avanture</l>
              <l rend="i"> Avoit pour cause le souhait</l>
              <l rend="i"> Que par bestise toute pure</l>
              <l rend="i"> Son homme imprudent avoit fait,</l>
              <l rend="i"> Il n’est point de pouille, d’injure,</l>
              <l rend="i"> Que de dépit &amp; de couroux</l>
              <l rend="i"> Elle ne dist à son Epoux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quand on peut, disoit-elle, obtenir un Empire,</l>
              <l rend="i"> De l’Or, des Perles, des Rubis,</l>
              <l rend="i"> Des Diamans, de beaux Habits,</l>
              <l rend="i">Est-ce alors du Boudin qu’il faut que l’on desire ?</l>
              <l rend="i">Et bien, j’ay tort, dit-il, j’ay mal placé mon choix.</l>
              <l rend="i"> J’ay commis une faute énorme,</l>
              <l rend="i"> Je feray mieux une autre fois.</l>
              <l rend="i">Bon, bon, dit-elle, attendez-moy sous l’orme.</l>
              <l rend="i">Pour faire un tel souhait, il faut estre bien Bœuf.</l>
              <l rend="i">L’Epoux plus d’une fois emporté de colere</l>
              <l rend="i">Pensa faire tout bas le souhait d’estre Veuf,</l>
              <l rend="i">Et peut-estre entre nous ne pouvoit-il mieux faire.</l>
              <l rend="i">Les hommes, disoit-il, pour souffrir sont bien nez.</l>
              <l rend="i">Peste soit du Boudin, &amp; du Boudin encore.</l>
              <l rend="i"> Plust à Dieu, maudite Pecore,</l>
              <l rend="i"> Qu’il te pendist au bout du nez !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">La Priere aussitost du Ciel fut écoutée,</l>
              <l rend="i">Et dés que le Mary la parole lascha</l>
              <l rend="i"> Au nez de l’Epouse irritée</l>
              <l rend="i"> L’Aune de Boudin s’attacha.</l>
              <l rend="i">Ce prodige impreveu grandement le facha.</l>
              <l rend="i">La Femme estoit jolie, elle avoit bonne grace,</l>
              <l rend="i">Et pour dire sans fard la verité du fait,</l>
              <l rend="i"> Cet ornement en cette place</l>
              <l rend="i"> Ne faisoit pas un bon effet,</l>
              <l rend="i">Si ce n’est qu’en pendant sur le bas du visage</l>
              <l rend="i"> Et luy fermant la bouche à tout moment</l>
              <l rend="i"> Il l’empeschoit de parler aisément,</l>
              <l rend="i"> Pour un Epoux merveilleux avantage.</l>
              <l rend="i"> Je pourrois bien, disoit-il à part soy</l>
              <l rend="i">Pour me dédommager d’un malheur si funeste,</l>
              <l rend="i"> Avec le souhait qui me reste</l>
              <l rend="i"> Tout d’un plein saut me faire Roy,</l>
              <l rend="i">Rien n’égale, il est vray, la grandeur Souveraine,</l>
              <l rend="i"> Mais encore faut-il songer</l>
              <l rend="i"> Comment seroit faite la Reine,</l>
              <l rend="i">Et dans quelle douleur ce seroit la plonger,</l>
              <l rend="i"> De l’aller placer sur un Trône</l>
              <l rend="i"> Avec un nez plus long qu’une aune.</l>
              <l rend="i"> Il faut l’écouter sur cela ;</l>
              <l><hi rend="i">Et qu’elle-mesme elle soit la Maistresse</hi></l>
              <l rend="i">De devenir une grande Princesse,</l>
              <l rend="i">En conservant l’horrible nez qu’elle a,</l>
              <l rend="i"> Ou de demeurer Bucheronne,</l>
              <l rend="i">Avec un nez comme une autre personne,</l>
              <l rend="i">Et tel qu’elle l’avoit avant ce malheur-là.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> La chose bien examinée,</l>
              <l rend="i">Quoy qu’elle sceust d’un Sceptre &amp; le prix &amp; l’effet,</l>
              <l rend="i"> Et que quand on est couronnée</l>
              <l rend="i"> On a toujours le nez bien fait,</l>
              <l rend="i">Comme au desir de plaire il n’est rien qui ne cede,</l>
              <l rend="i"> Elle aima mieux garder son Bavolet,</l>
              <l rend="i"> Que d’estre Reine &amp; d’estre laide.</l>
              <l rend="i">Ainsi le Bucheron ne changea point d’estat ;</l>
              <l rend="i"> Il ne devint point Potentat,</l>
              <l rend="i"> D’écus il n’emplit point sa Bourse,</l>
              <l><hi rend="i">Trop heureux d’employer le desir qui restoit,</hi></l>
              <l rend="i"> Fraisle bonheur, pauvre ressource,</l>
              <l rend="i">A remettre sa Femme en l’estat qu’elle estoit ;</l>
              <l rend="i"> Tant il est vray qu’aux hommes miserables,</l>
              <l rend="i">Aveugles, imprudens, inquiets, variables,</l>
              <l rend="i"> Pas n’appartient de faire des souhaits,</l>
              <l rend="i"> Et que peu d’entre eux sont capables</l>
              <l rend="i">De bien user des dons que le Ciel leur a faits.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_086" resp="wordpro">
          <head>Reflexions morales de Madame des Houlieres</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 86-101.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous ne sçauriez voir assez souvent des ouvrages de l’Illustre Madame des Houlieres, à Mademoiselle Cheron dont tout Paris admire l’habileté pour la Peinture, ayant fait son Portrait depuis quelque temps, cela luy a donné lieu de faire des Reflexions que vous trouverez dignes d’elle, &amp; aussi noblement exprimées, qu’on le peut attendre de ce merveilleux genie, qui la rend l’ornement de son Sexe &amp; de son siecle.</p>
          <quote>
            <label>REFLEXIONS MORALES<lb />DE MADAME<lb />DES HOULIERRES<lb />Sur l’envie immoderée de faire passer son Nom à la Posterité.</label>
            <lg>
              <l rend="i">La sçavante CHERON par son divin pinceau</l>
              <l rend="i"> Me redonne un éclat nouveau.</l>
              <l rend="i"> Elle force aujourd’huy les Graces,</l>
              <l rend="i">Dont mes cruels ennuis &amp; mes longues douleurs,</l>
              <l rend="i">Laissent sur mon visage à peine quelques traces,</l>
              <l rend="i"> D’y venir reprendre leurs places.</l>
              <l rend="i">Elle me rend enfin mes premieres couleurs.</l>
              <l rend="i"> Par son art la race future</l>
              <l rend="i">Connoîtra les presens que me fit la Nature,</l>
              <l rend="i">Et je puis esperer qu’avec un tel secours,</l>
              <l rend="i">Tandis que j’erreray sur les sombres rivages,</l>
              <l rend="i">Je pourray faire encor quelque honneur à nos jours.</l>
              <l rend="i">Oüy, je puis m’en flater ; plaire &amp; durer toûjours</l>
              <l rend="i"> Est le destin de ses ouvrages.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Fol orgueil ! &amp; du cœur Humain</l>
              <l rend="i"> Aveugle &amp; fatale foiblesse !</l>
              <l rend="i"> Nous maîtriserez-vous sans cesse,</l>
              <l rend="i">Et n’aurons-nous jamais un genereux dédain</l>
              <l rend="i">Pour tout ce qui s’oppose aux loix de la sagesse ?</l>
              <l rend="i">Non ; l’amour propre en nous est toûjours le plus fort,</l>
              <l rend="i">Et malgré les combats que la sagesse livre,</l>
              <l rend="i">On croit se dérober en partie à la Mort</l>
              <l rend="i"> Quand dans quelque chose on peut vivre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cette agreable erreur est la source des soins</l>
              <l rend="i"> Qui devorent le cœur des Hommes.</l>
              <l rend="i">Loin de sçavoir jouir de l’état où nous sommes</l>
              <l rend="i"> C’est à quoy nous pensons le moins.</l>
              <l rend="i">Une gloire frivole &amp; jamais possedée,</l>
              <l rend="i"> Fait qu’en tous lieux, à tous momens,</l>
              <l rend="i"> L’avenir remplit nôtre idée.</l>
              <l rend="i">Il est l’unique but de nos empressemens.</l>
              <l rend="i">Pour obtenir qu’un jour nostre nom y parvienne,</l>
              <l rend="i">Et pour nous l’assurer durable &amp; glorieux,</l>
              <l rend="i">Nous perdons le present, ce temps si precieux,</l>
              <l> <hi rend="i">Le seul bien qui nous appartienent</hi></l>
              <l rend="i">Et qui tel qu’un éclair disparoist à nos yeux.</l>
              <l rend="i">Au bonheur des Humains leurs chimeres s’opposent.</l>
              <l rend="i"> Victimes de leur vanité,</l>
              <l rend="i">Il n’est chagrin, travail, danger, adversité,</l>
              <l rend="i"> A quoy les mortels ne s’exposent</l>
              <l rend="i">Pour transmettre leurs noms à la posterité !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> A quel dessein, dans quelles vuës,</l>
              <l rend="i"> Tant d’obelisques, de portraits,</l>
              <l rend="i"> D’Arcs, de Medailles, de Statuës,</l>
              <l rend="i">De Villes, de Tombeaux, de Temples, de Palais,</l>
              <l rend="i"> Par leur ordre ont-ils esté faits ?</l>
              <l rend="i">D’où vient que pour avoir un grand nom dans l’Histoire</l>
              <l rend="i">Ils ont à pleines mains répandu les bienfaits,</l>
              <l rend="i">Si ce n’est dans l’espoir de rendre leur memoire</l>
              <l rend="i"> Illustre &amp; durable à jamais ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Il est vray que ces esperances</l>
              <l rend="i">Ont quelque fois servy de frein aux passions ;</l>
              <l rend="i">Que par elles les loix, les beaux Arts, les Sciences,</l>
              <l rend="i">Ont formé les esprits, poly les Nations,</l>
              <l rend="i">Embelly l’univers par des travaux immenses,</l>
              <l rend="i">Et porté les Heros aux grandes actions.</l>
              <l rend="i"> Mais aussi combien d’impostures,</l>
              <l rend="i"> De Sacrileges, d’attentats,</l>
              <l rend="i">D’erreurs, de cruautez, de guerres, de parjures,</l>
              <l rend="i">A produit le desir d’estre aprés le trépas</l>
              <l rend="i"> L’entretien des races futures !</l>
              <l rend="i">Deux chemins differens &amp; presque aussi battus,</l>
              <l rend="i">Au Temple de Memoire également conduisent.</l>
              <l rend="i">Le nom de Penelope &amp; le nom de Titus</l>
              <l rend="i">Avec ceux de Medée &amp; de Neron s’y lisent.</l>
              <l rend="i"> Les grands crimes immortalisent</l>
              <l rend="i"> Autant que les grandes vertus.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Je sçay que la gloire est trop belle</l>
              <l rend="i">Pour ne pas inspirer de violens desirs.</l>
              <l> <hi rend="i">Chercher, l’acquerir, &amp; pouvoir joüir d’elle,</hi></l>
              <l rend="i"> Est le plus parfait des plaisirs.</l>
              <l rend="i">Oüy, ce bonheur pour l’Homme est le bonheur suprême,</l>
              <l rend="i"> Mais c’est là qu’il faut s’arrester.</l>
              <l rend="i">Tout charmé qu’il en est, à quelque point qu’il l’aime,</l>
              <l rend="i">Il a peu de bon sens quand il va s’entester</l>
              <l rend="i"> De la vanité de porter</l>
              <l rend="i"> Sa gloire au delà de luy mesme ;</l>
              <l rend="i">Et quand toûjours en proye à ce desir extrême</l>
              <l rend="i"> Il perd le temps de la goûter.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Encor si dans les champs que le Cocyte arrose</l>
              <l rend="i"> Dépouillé de toute autre chose,</l>
              <l rend="i"> Il estoit permis d’esperer</l>
              <l rend="i"> De joüir de sa Renommée,</l>
              <l rend="i"> Je serois bien moins animée</l>
              <l rend="i">Contre les soins qu’on prend pour la faire durer.</l>
              <l rend="i">Mais quand nous descendons dans ces demeures sombres,</l>
              <l rend="i"> La gloire ne suit point nos ombres,</l>
              <l rend="i">Nous perdons pour jamais tout ce qu’elle a de doux ;</l>
              <l rend="i"> Et quelque bruit que le merite</l>
              <l rend="i">La valeur, la beauté, puisse faire aprés nous,</l>
              <l rend="i">Helas ? on n’entend rien sur les bords du Cocyte !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par où donc ces grands noms d’illustres, de fameux,</l>
              <l rend="i">Aprés quoy les mortels courent toute leur vie,</l>
              <l rend="i">Avides de laisser un long souvenir d’eux,</l>
              <l rend="i"> Doivent-ils faire tant d’envie ?</l>
              <l rend="i">Est-ce par interest pour d’indignes Neveux</l>
              <l rend="i"> Qui seuls de ces grands noms joüissent,</l>
              <l rend="i">Qui ne les font valoir qu’en des discours pompeux,</l>
              <l rend="i">Et qui toûjours plongez dans un desordre affreux,</l>
              <l rend="i"> Par des lâchetez les flétrissent ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">De ces heureux Mortels qui n’ont point eû d’égaux</l>
              <l rend="i"> Tel est l’ordinaire partage.</l>
              <l rend="i">Traitez par la Nature avec moins d’avantage</l>
              <l rend="i"> Que la plûpart des Animaux,</l>
              <l rend="i">Leur Race dégénere, &amp; l’on voit d’âge en âge</l>
              <l rend="i">En elle s’effacer l’éclat de leurs travaux.</l>
              <l rend="i">Des choses d’icy-bas c’est le vray caractere ;</l>
              <l rend="i">Il est rare qu’un Fils marche dans le sentier</l>
              <l rend="i"> Que suivoit un illustre Pere.</l>
              <l rend="i">Des mœurs comme des biens on n’est pas heritier,</l>
              <l rend="i"> Et d’exemple on ne s’instruit guere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tandis que le Soleil se leve encor pour nous,</l>
              <l rend="i"> Je conviens que rien n’est plus doux</l>
              <l rend="i"> Que de pouvoir sûrement croire,</l>
              <l rend="i">Qu’aprés qu’un froid nuage aura couvert nos yeux,</l>
              <l rend="i"> Rien de lâche, rien d’odieux,</l>
              <l rend="i"> Ne souillera nostre memoire ;</l>
              <l rend="i"> Que regrettez par nos amis</l>
              <l rend="i"> Dans leur cœur nous vivrons encore ;</l>
              <l rend="i">Pour un tel avenir tous les soins sont permis.</l>
              <l rend="i">C’est par cet endroit seul que l’amour propre honore.</l>
              <l rend="i">Il faut laisser le reste entre les mains du sort ;</l>
              <l rend="i">Quand le merite est vray, mille fameux exemples</l>
              <l rend="i">Ont fait voir que le temps ne luy fait point de tort,</l>
              <l rend="i"> On refuse aux vivans des Temples</l>
              <l rend="i"> Qu’on leur éleve aprés leur Mort.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quoy, l’Homme, ce chef-d’œuvre à qui rien n’est semblable !</l>
              <l rend="i">Quoy, l’Homme pour qui seul on forma l’Univers !</l>
              <l rend="i">Luy, dont l’œil a percé le voile impenetrable</l>
              <l rend="i">Dont les arrangemens &amp; les ressorts divers</l>
              <l rend="i"> De la Nature sont couverts !</l>
              <l rend="i">Luy, des Loix &amp; des Arts l’inventeur admirable !</l>
              <l rend="i">Aveugle pour luy seul ne peut-il discerner,</l>
              <l rend="i">Quand il n’est question que de se gouverner,</l>
              <l rend="i"> Le faux bien du bien veritable ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vaine reflexion ! inutile discours !</l>
              <l rend="i"> L’Homme malgré vostre secours</l>
              <l rend="i">Du frivole avenir sera toûjours la dupe,</l>
              <l rend="i">Sur ses vrais interests il craint de voir trop clair,</l>
              <l rend="i">Et dans la vanité qui sans cesse l’occupe</l>
              <l rend="i">Ce nouvel Ixion n’embrasse que de l’air.</l>
              <l rend="i"> N’estre plus qu’un peu de poussiere</l>
              <l rend="i"> Blesse l’orgueil dont l’homme est plein.</l>
              <l rend="i">Il a beau faire voir un visage serein,</l>
              <l rend="i">Et traiter de sang froid une telle matiere.</l>
              <l rend="i">Tout dément ses dehors, tout sert à nous prouver,</l>
              <l rend="i">Que par un nom celebre il cherche à se sauver</l>
              <l rend="i"> D’une destruction entiere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais d’où vient qu’aujourd’huy mon esprit est si vain ?</l>
              <l rend="i">Que fais-je ! &amp; de quel droit est-ce que je censure</l>
              <l rend="i"> Le goût de tout le genre humain,</l>
              <l rend="i"> Ce goût favory qui luy dure</l>
              <l rend="i"> Depuis qu’une immortelle main</l>
              <l rend="i">Du tenebreux cahos a tiré la Nature ?</l>
              <l rend="i">Ay-je acquis dans le monde assez d’authorité</l>
              <l rend="i"> Pour rendre mes raisons utiles,</l>
              <l rend="i">Et pour détruire en luy ce fond de vanité</l>
              <l rend="i">Qui ne luy peut laisser aucuns momens tranquilles ?</l>
              <l rend="i"> Non, mais un esprit d’équité</l>
              <l rend="i">A combattre le faux incessamment m’attache,</l>
              <l rend="i">Et fait qu’à tout hazard j’écris ce que m’arrache</l>
              <l rend="i"> La force de la verité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Hé, comment pourrois-je prétendre</l>
              <l rend="i">De guerir les mortels de cette vieille erreur,</l>
              <l rend="i"> Qu’ils aiment jusqu’à la fureur,</l>
              <l rend="i">Si moy qui la condamne ay peine à m’en deffendre ?</l>
              <l><hi rend="i">Ce portrait dont Appelle auroit esté jaloux</hi></l>
              <l rend="i">Me remplit malgré moy de la flateuse attente</l>
              <l rend="i">Que je ne sçaurois voir dans autruy sans couroux.</l>
              <l rend="i"> Foible raison que l’Homme vante,</l>
              <l rend="i">Voilà quel est le fond qu’on peut faire sur vous.</l>
              <l rend="i">Toûjours vains, toûjours faux, toujours pleins d’injustices,</l>
              <l rend="i"> Nous crions dans tous nos discours</l>
              <l rend="i">Contre les passions, les foiblesses, les vices,</l>
              <l rend="i"> Où nous succombons tous les jours.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_118" resp="wordpro">
          <head>[Dialogue]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 118-120.</bibl>
          <p/>
          <p>Voila comme les services sont toujours recompensez. On ne s’employe jamais inutilement à faire triompher le Roy. Outre le plaisir de bien remplir les devoirs d’un bon Sujet, &amp; la gloire qui en est inseparable, il n’y a point d’actions d’éclat qui ne soient suivies de biens &amp; d’honneurs sous le regne de Louis le Grand. Comme la justice est de son costé, ses Victoires sont toujours certaines. Voicy un petit Dialogue qui exprime bien la verité de ce qui se passe aujourd’huy.</p>
          <quote>
            <label>LA RENOMMÉE<lb />traversant l’Allemagne.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Impuissans Ennemis du grand Roy que je sers,</l>
              <l rend="i"> Dont je porte par tout la gloire,</l>
              <l rend="i">De vos Princes liguez apprenez le revers ;</l>
              <l rend="i"> Je vais au bout de l’Univers</l>
              <l rend="i">De LOUIS sur Nassau publier la Victoire.</l>
              <l rend="i">De Rozes, d’Heydelberg à peine de retour,</l>
              <l rend="i">Hüy m’engage à faire une course nouvelle.</l>
              <l rend="i"> Nervvinde à son tour me rappelle,</l>
              <l rend="i">Louis pour le repos ne me laisse aucun jour.</l>
              <l rend="i">Assiegeant Charleroy sa conqueste est certaine,</l>
              <l rend="i">Je parts, le temps me presse, &amp; je n’auray qu’à peine</l>
              <l rend="i"> Le loisir d’achever mon tour.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>L’ENVIE.</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Qu’entens-je, cruelle Ennemie ?</hi></l>
              <l rend="i">Quel bruit fatal viens-tu répandre dans ces lieux ?</l>
              <l rend="i"> Quoy, Louis est victorieux,</l>
              <l rend="i"> Malgré l’Enfer, malgré l’Envie.</l>
              <l rend="i"> Nassau, qui m’avez mal servie,</l>
              <l rend="i">Que me sert-il d’avoir versé dans vostre cœur</l>
              <l rend="i"> Tant de haine &amp; tant de fureur ?</l>
              <l rend="i">Je n’auray donc formé vostre Ligue fatale,</l>
              <l rend="i"> Que pour mieux servir ma Rivale</l>
              <l rend="i"> Au triomphe de ce Vainqueur.</l>
              <l rend="i"> Objet d’une indigne memoire,</l>
              <l rend="i">Quand j’attaque Louis, mes coups tombent sous moy.</l>
              <l rend="i"> Ah, par quelle invincible loy</l>
              <l rend="i">Faut-il que ce soit moy qui le mene à la gloire ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_121" resp="wordpro">
          <head>Sur la Campagne du Prince Loüis de Bade</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 121-123.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye deux Madrigaux, dont on a trouvé les pensées d’autant plus agreables, qu’elles sont tout à fait justes. M<hi rend="sup">r</hi> Diereville en est l’Auteur.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA CAMPAGNE<lb />du Prince Loüis de Bade.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Bade, sur le Danube autrefois grand Heros,</l>
              <l rend="i">Cherchoit les Ennemis, &amp; leur faisoit la guerre ;</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy sur le Rhin dans un profond repos,</l>
              <l rend="i">Il évite les coups, &amp; se couvre de terre.</l>
              <l rend="i">On ne reconnoist point le bras de ce Vainqueur,</l>
              <l rend="i">Qui portoit chez les Turcs l’épouvante &amp; l’horreur.</l>
              <l rend="i">D’où vient ce changement dans cette ame guerriere ?</l>
              <l rend="i">En voicy la raison ; il aime les hazards ;</l>
              <l rend="i">Mais qui peut du Croissant approcher les regards,</l>
              <l rend="i">Ne sçauroit du Soleil supporter la lumiere.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>AU DUC DE CROY,<lb />sur la levée du Siege de Belgrade.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quoy ! tu viens de lever le Siege de Belgrade ?</hi></l>
              <l rend="i"> C’est mal débusé, Duc de Croy,</l>
              <l rend="i">Les Turcs se prévaudront d’une telle cacade,</l>
              <l rend="i">Ta valeur dans leurs cœurs causera peu d’effroy ;</l>
              <l rend="i"> On fera revenir de Bade,</l>
              <l rend="i">Aussi-bien sur le Rhin se tient-il clos &amp; coy.</l>
              <l rend="i">Ta gloire eust esté loin sans une telle digue ;</l>
              <l rend="i">Il faut t’en consoler, c’est une dure loy,</l>
              <l rend="i"> Mais tous les Heros de la Ligue</l>
              <l rend="i"> Ne sont pas plus heureux que toy.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_144" resp="wordpro">
          <head>[Cinquiéme partie des Forces de l’Europe]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 144-146.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous ay déja parlé des quatre parties des Forces de l’Europe, qui ont esté données au Public La cinquiéme vient de paroistre. On trouve d’abord une Table divisée en huit colomnes, dont les cinq premieres contiennent les noms des Plans qui y sont entrez. Ceux de la cinquiéme partie que l’on vient de mettre au jour, sont le Plan de Paris, trois feüilles du Canal de Maintenon, Lisle, Liege, Luxembourg, le Sas de Gand, Arras, les Forts de la Kenoque, François, &amp; Loüis, les environs de Francfort, Heydelberg, Hailbron, Rheinfels, le Plan de Fribourg, la veuë de Fribourg, Basle, le Combat de Leuze &amp; celuy de Steinkerke ; la Bataille de Neerwinde, Quebec assiegé par les Anglois, &amp; Charleroy. Le Plan de Paris, qui se trouve à la teste de cette mesme partie, quoy que petit, ne laisse pas d’estre aussi correct que le grand, &amp; il n’y manque ny ruës, ny ruelles, ny Culs de sac. Il est de la plus belle graveure qui ait jamais paru pour un Plan. Ces cinq parties se vendent à Paris chez l’Auteur, dans l’Isle du Palais, sur le Quay de l’Horloge, à la Sphere Royale. Il donnera d’année en année les trois parties qui restent pour achever ce grand Ouvrage.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_147" resp="wordpro">
          <head>[Tout ce qui s’est passé à l’Academie Françoise, le jour de la reception de Mr du Bois]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 147-174.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Jeudy 12. de ce mois, M<hi rend="sup">r</hi> du Bois, celebre par les excellentes Traductions qu’il nous a données des Lettres de Saint Augustin, &amp; de plusieurs Traitez de Ciceron, avec des Notes aussi curieuses que sçavantes, fut receu en l’Academie Françoise, à la place de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Novion, premiere President au Parlement de Paris. Son Discours receut de grands applaudissemens, &amp; il en estoit tres digne. Aprés avoir marqué avec beaucoup d’éloquence qu’il connoissoit tout le prix de l’honneur qu’on luy faisoit en l’admettant dans une Compagnie illustrée par les plus éminentes Dignitez de l’Eglise &amp; de l’Etat, receuë dés sa naissance dans le sein du grand Cardinal de Richelieu, dont elle avoit partagé les soins &amp; l’application, recueilie aprés sa mort par un Chancelier, d’un merite égal à sa dignité, &amp; enfin adoptée par le Roy mesme, qui a bien voulu s’en declarer le Protecteur, &amp; en établir le Siege jusque dans le Sanctuaire de la Majesté Royale, il dit que cet honneur estoit encore rehaussé par la place où il avoit peine à soutenir de se voir, quand il pensoit qu’on l’avoit veuë remplie par un Magistrat d’un merite qui l’avoit élevé jusqu’au faiste du plus auguste Tribunal de la Justice, d’un nom en possession des plus hautes dignitez de l’Epée aussi-bien que de la Robe, d’une fidelité hereditaire &amp; inviolable pour son Roy, dans les temps les plus difficiles ; d’un esprit aisé ; d’une éloquence vive &amp; concise ; &amp; d’une capacité proportionnée à la grandeur de ses emplois, &amp; dont les changemens de fortune n’avoient servi qu’à faire connoistre qu’il possedoit également, &amp; les vertus de la vie privée, &amp; celles de la Magistrature. Il ajoûta, en parlant de ce que Messieurs de l’Academie ont fait pour la Langue, en la fixant par le Dictionnaire qui est prest à voir le jour, que ce n’estoit que la moindre partie de ce que l’Eloquence leur devoit ; qu’ils en avoient banny ces affectations pueriles, qui estoient comme ses joüets dans l’enfance où ils l’avoient trouvée, &amp; tout ce faste d’érudition, qui n’estoit qu’un supplement à la disette des pensées ; qu’ils luy avoient osté cette vaine parure de grands mots qui entretenoient la fausse idée qu’on s’en estoit faite au commencement de ce Siecle, &amp; qu’ils l’avoient reduite à cette noble simplicité, qui sure de son prix &amp; de son merite, dédaigne tous les ornemens étrangers ; qu’enfin ils avoient appris au Public, que pour parler éloquemment il ne faut que sçavoir la Langue, &amp; bien penser, &amp; que le discours le plus parfait est celuy où la sublimité &amp; la continuité des pensées laisse le moins faire d’attention aux paroles, &amp; que la seule necessité de passer par les sens pour aller à l’esprit, rend different du langage des Anges. Il passa de là à l’Eloge de nostre Auguste Monarque, &amp; dit que bien loin de chercher à relever l’éclat de ses actions par les secours de l’Eloquence, on n’estoit en peine que de le temperer jusqu’à la portée de nos yeux. Et quels yeux, continua-t-il, ne seroient ébloüis de ce que le zele &amp; l’amour de la Religion, autant que le soin de sa gloire &amp; de son Estat, luy font faire pour rompre les efforts d’une Ligue, qui par une espece d’enchantement, a sceu réunir tant d’interests opposez, &amp; de Religions differentes, &amp; soulever contre luy presque toutes les Puissances de l’Europe ? Mais à quoy a-t-elle servi, qu’à tirer la valeur du Roy de la contrainte où sa moderation la tenoit depuis long-temps, &amp; à faire voir par les Conquestes qu’il fait sur tant d’Ennemis assemblez, ce qu’il pourroit contre chacun ? Combien de succez sur terre &amp; sur mer dans cette derniere Campagne ! Combien de Villes conquises ! Combien de Batailles gagnées ! Et quelle Victoire plus glorieuse &amp; plus complette que celle que le Roy vient de remporter en Piedmont ? En quel estat reduit-elle un Prince, qui fier d’une Puissance empruntée, a osé se mesurer à celle de nostre Maistre ? Heureux, si ses disgraces pouvoient luy faire comprendre qu’il n’y a de salut pour luy, que dans les bonnes graces du Roy ! Toute la vie de ce grand Monarque est pleine de pareils Miracles, mais j’ose dire que ce qui fait la gloire des autres Princes nuit à la sienne, &amp; qu’il y a toûjours à perdre pour luy, lors que par le bruit de ses Exploits, il détourna nostre attention de ses Vertus interieures. Quel spectacle offrent-elles aux yeux de l’esprit ? Quel prodige, que l’Alliance qu’il a sceu faire dés ses premieres années du Souverain pouvoir, &amp; de la souveraine moderation ! Quel spectacle encore une fois, qu’un pouvoir sans bornes sous le joug de la raison, &amp; si parfaitement assujetti aux Loix les plus severes, je ne dis pas de l’humanité, mais de l’honnesteté mesme &amp; de la politesse, que dans toute la vie du Roy, il ne luy est pas échapé une seule parole qui pust contrister le moindre de ceux qui ont l’honneur de l’approcher ! Voila ce qui acheve dans le Roy, le caractere d’un veritable Heros, &amp; qui le distingue si noblement de ces faux Heros, dont toute la vertu n’est que hauteur &amp; ferocité. Si l’on tient compte aux autres hommes de ce qu’il paroist de moderation en eux, quoy que ce ne soit dans la plus part que l’effet de leur foiblesse &amp; de leur impuissance, qui peut jamais assez admirer celle d’un Prince qui n’a qu’à vouloir, &amp; en qui elle n’a point d’autre frein que sa Sagesse ? Quelle autre Vertu se soûtiendroit si elle estoit mise à une telle épreuve, &amp; qui est ce qui ne succomberoit pas quelquefois à l’envie trop naturelle de faire sentir, aux dépens mesme de l’humanité, qu’on est le Maistre ? M<hi rend="sup">r</hi> du Bois finit en disant à M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie, qu’ils devoient à la posterité, le Portrait de cette grande Ame, &amp; que c’estoit à eux à luy transmettre pour l’instruction des Rois, ce que nous admirons le plus dans le nostre.</p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Testu de Mauroy, ancien Aumosnier de Madame, &amp; alors Directeur de l’Academie, répondit à ce discours d’une maniere qui fit connoistre qu’il estoit tres digne de l’avantage qu’il avoit de parler au nom de la Compagnie. Il dit d’abord à M<hi rend="sup">r</hi> du Bois, que l’Academie Françoise, également sensible à la perte &amp; à l’acquisition des Sujets qui la composent, ouvroit ce jour-là ses Portes, pour témoigner publiquement sa joye &amp; sa douleur, asseurée que soit qu’elle celebrast le merite du Défunt Illustre dont il remplissoit la place, soit qu’elle couronnast le sien, elle trouveroit autant d’approbateurs, qu’il y avoit de personnes distinguées dans la Republique des Lettres. Il ajoûta au Portrait qui avoit esté déja fait des rares qualitez de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Novion, l’Eloge qui estoit deu à la sagesse qui l’avoit fait descendre du haut degré où l’avoit élevé son merite, en le mettant à la teste du plus auguste Senat du monde. Il n’est pas ordinaire, dit-il, de trouver des personnes capables des grands Emplois. Il l’est moins encore de leur voir garder une juste moderation, lors qu’ils y sont une fois établis, mais il est surprenant qu’ils renoncent à l’autorité, aprés en avoir goûté les charmes. Le poids des années a beau survenir à celuy des grandes Affaires ; ils traînent les Liens d’Or &amp; de Pourpre qui les attachent, sans avoir la force de les rompre, &amp; si par un bonheur qui n’arrive presque jamais, ils entrevoyent l’Innocence &amp; la douceur de la vie privée, c’est toûjours si inutilement &amp; si tard, que la seduction de cette même autorité qui leur a fait tout entreprendre, ne leur sçauroit permettre de la quitter. Il passa de là à l’avantage que M<hi rend="sup">r</hi> du Bois avoit eu d’être Gouverneur de-feu M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Guise, Neveu de Mademoiselle de Guise, qui avoit bien voulu se servir de ses Conseils en toutes sortes d’occasions, &amp; en parlant des productions de son genie, il dit qu’elles n’estoient plus entierement à luy, &amp; que ces fidelles Traductions des Lettres, des Confessions, &amp; des autres Ouvrages de Saint Augustin que le Public a receus avec tant d’applaudissement, les Offices de Ciceron, ses beaux Traitez de l’Amitié, de la Vieillesse, &amp; des Paradoxes si ingenieusement enrichis de Remarques également pieuses &amp; sçavantes, estoient un bien que l’Academie avoit droit de partager avec luy. Il ajousta qu’il la trouveroit appliquée à composer une Grammaire de nostre Langue, &amp; sur le point de publier son Dictionnaire, mais que ce qui l’occupoit davantage, estoit le soin de travailler à la gloire du plus grand Roy du monde. Que le Prince ambitieux, poursuivit-il, qui a déja seduit la plus grande partie des Puissances de l’Europe, acheve de multiplier les forces de ses Alliez, Loüis le Grand a trois Puissances avec quoy il reduira toutes celles de la terre, sa Teste, le Bras de ses Generaux, &amp; le Cœur de ses Peuples. Avec cela, point de Conseils qu’il ne dissipe point de Forteresse qu’il ne foudroye, point de Victoire qu’il ne remporte. Roches escarpées que la situation rend audacieuses, vous n’estes plus imprenables Fameuses journées de Staffarde, de Steinkerque, de Neerwinde, de la Marsaille, vous serez éternellement memorables par la honte &amp; par la défaite entiere de ses Ennemis. Voiles innombrables, qui occupiez tout l’Ocean pendant cette derniere Campagne, &amp; qui menaçiez si fierement nos Costes, fuyez, rentrez dans vos Ports, le Frere de Loüis le Grand est trop prés de vous. Il finit en disant à M<hi rend="sup">r</hi> du Bois, qu’il devoit se souvenir qu’un Academicien est un homme consacré à la Gloire du Roy, &amp; que si ceux qui sont témoins de ses grandes Actions ont tant de peine à publier dignement le prodiges de son Regne, la Posterité n’en aura pas moins à les croire.</p>
          <p>Ces deux Discours ayant esté prononcez, M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Tallemant leut une suite du Poëme de la Creation du monde de M<hi rend="sup">r</hi> Perraut. C’estoit l’endroit du Deluge. On y trouva des descriptions tres-vives. Il leut ensuite les Vers que je vous envoye. Ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> Boyer, &amp; furent extremement applaudis.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> LE MARESCHAL<lb />DE CATINAT.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Trop foible pour pouvoir suffire</l>
              <l rend="i"> A chanter les fameux Exploits,</l>
              <l rend="i"> Par qui le Roy, vangeur des Rois,</l>
              <l rend="i">Voit croistre tous les jours son Nom &amp; son Empire,</l>
              <l rend="i">Ma Muse fatiguée estoit presque aux abois ;</l>
              <l rend="i">Cependant, Catinat, ta derniere Victoire</l>
              <l rend="i">Me force, malgré moy, de donner à ta gloire</l>
              <l rend="i">Le reste languissant d’une mourante voix.</l>
              <l rend="i"> Un Prince infidelle à la France,</l>
              <l rend="i"> Rompant une auguste Alliance,</l>
              <l rend="i">Pour s’unir à la Ligue expose ses Etats,</l>
              <l rend="i">Embrasse aveuglement son projet témeraire,</l>
              <l rend="i">Et sur une pompeuse &amp; brillante chimere,</l>
              <l rend="i">Se preste contre nous à tous ses attentats.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Esclave ambitieux des secours qu’on luy donne,</l>
              <l rend="i">Il laisse Amis, Sujets, &amp; sa propre personne,</l>
              <l rend="i"> Gemir sous un joug inhumain ;</l>
              <l rend="i"> Et voit avec indifference,</l>
              <l rend="i">Tous ses Voisins en proye à l’injuste licence,</l>
              <l rend="i">A toutes les fureurs du barbare Germain.</l>
              <l rend="i">LOUIS qui des Tirans aime à purger la terre,</l>
              <l rend="i">Choisit sans balancer, &amp; trouve en luy la main</l>
              <l rend="i">Qui pouvoit sagement gouverner son Tonnerre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ouy, c’est par toy, genereux Catinat,</l>
              <l rend="i">Que ton Roy veut forcer l’azile impenetrable,</l>
              <l rend="i">Où nous voyons l’orgueil d’un Prince ingrat</l>
              <l rend="i"> Oser braver sa foudre inévitable,</l>
              <l rend="i">Pour le combattre &amp; vaincre seurement,</l>
              <l rend="i">Il oppose ton zele à son ingratitude,</l>
              <l rend="i"> Ta patience à son inquietude,</l>
              <l rend="i"> Et ta sagesse à son emportement.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Avec ces armes invincibles</l>
              <l rend="i"> On te voit à chaque moment,</l>
              <l rend="i">Pour chercher l’Ennemy qui t’attend fierement,</l>
              <l rend="i"> Percer des lieux inaccessibles.</l>
              <l rend="i"> Tous les ans les plus beaux Lauriers</l>
              <l rend="i"> Cueillis sur des rochers horribles,</l>
              <l rend="i"> Couronnent tes exploits guerriers.</l>
              <l rend="i">Lors que de l’Ennemy les Troupes trop nombreuses,</l>
              <l rend="i"> De nos armes victorieuses</l>
              <l rend="i"> Bornant le cours précipité,</l>
              <l rend="i"> Te reduisent à la défense ;</l>
              <l rend="i"> L’infatigable vigilance,</l>
              <l rend="i"> Et la sage intrepidité,</l>
              <l rend="i">Font contre leurs efforts de puissantes barrieres,</l>
              <l rend="i"> Et redonnent à nos Frontieres</l>
              <l rend="i"> Leur premiere tranquillité.</l>
              <l rend="i">C’est alors que sçavant dans cet Art militaire,</l>
              <l rend="i">Qui sçait gagner du temps, &amp; semble ne rien faire,</l>
              <l rend="i"> Quand il agit avecque moins d’éclat,</l>
              <l rend="i"> Tu méditois ta derniere Victoire,</l>
              <l rend="i">Et préparois si bien le succés du Combat,</l>
              <l rend="i">Qu’elle t’a fait joüir de tout ce que la gloire</l>
              <l rend="i">A de plus precieux &amp; de plus delicat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">La Victoire jamais ne se montra si belle,</l>
              <l rend="i">Tu nous la fais paroistre avec tous ses appas.</l>
              <l rend="i">On la voit quelquefois aux deux partis cruelle,</l>
              <l rend="i">Balancer le succés, &amp; ne s’expliquer pas.</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy toute entiere à ton party fidelle,</l>
              <l rend="i">Elle sçait ménager le sang de nos Soldats ;</l>
              <l rend="i"> On ne murmure plus contre elle,</l>
              <l rend="i">Et ce n’est que pour toy, dés que ta voix l’appelle,</l>
              <l rend="i">Qu’elle suit d’un plein vol tes ordres &amp; tes pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Elle est entre tes mains juste, modeste, sage,</hi></l>
              <l rend="i"> Et de tant d’Ennemis défaits,</l>
              <l rend="i"> Ne veut tirer autre avantage,</l>
              <l rend="i"> Que d’estre enfin l’heureux passage</l>
              <l rend="i">Des fureurs de la Guerre aux douceurs de la Paix.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Pour remplir de Louis le destin heroïque,</l>
              <l rend="i">Songe qu’estre à la fois Roy, Conquerant, Vainqueur,</l>
              <l><hi rend="i">Que tout ce que ces noms ont de plus magnifiques,</hi></l>
              <l rend="i">N’égale point le nom de Pacificateur.</l>
              <l rend="i">Pour répondre à ses vœux ose tout entreprendre,</l>
              <l rend="i"> Il faut que ta teste ou ton bras</l>
              <l rend="i"> Forcent l’Ennemy de se rendre ;</l>
              <l rend="i">Que sa perte, ou la Paix, finissent nos Combats.</l>
              <l rend="i">Acheve, si l’ingrat ose encor se défendre,</l>
              <l rend="i"> La Paix se prépare à descendre.</l>
              <l><hi rend="i">Que l’Ennemy la voye, &amp; n’en joüisse pas.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ou plûtost secondant la grandeur de courage,</l>
              <l rend="i">Dont ton Roy fit toujours un si parfait usage,</l>
              <l rend="i">Quelque ardeur, quelque espoir qui presse ta valeur,</l>
              <l rend="i">Croy qu’entre ses vertus la bonté dans son cœur</l>
              <l rend="i"> Occupe la premiere place.</l>
              <l rend="i">Dans quelque extremité, dans quelque grand malheur</l>
              <l rend="i"> Que le Vaincu demande grace,</l>
              <l rend="i">Nostre puissant Monarque est prest à la donner ;</l>
              <l rend="i">En faveur de la Paix ménage sa Victoire.</l>
              <l rend="i">Vaincre pour ce Heros est une moindre gloire,</l>
              <l rend="i"> Que la gloire de pardonner</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_197" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 197-227.</bibl>
          <p/>
          <p>Quelque malheureux qu’on soit, il faut tascher de se mettre au dessus de ses malheurs sans s’en laisser trop abattre. Il vient souvent des ressources d’où l’on en doit esperer le moins, &amp; l’étoile qui nous a esté long-temps contraire, change tout à coup la malignité de ses influences. Un Cavalier né avec toutes les qualitez estimables qui font l’honneste homme, avoit fait de longs efforts pour vaincre l’injustice de la fortune, qui ne luy ayant donné aucun bien, sembloit obstinée à s’opposer à tous les moyens qu’il pouvoit tenter pour en acquerir. On l’estimoit à la Cour, mais il n’avoit pû y reussir dans ce qui luy estoit propre, &amp; beaucoup d’affaires où il avoit quelque part, s’estoient toujours terminées par de si mauvais succez, qu’on pouvoit dire que c’estoit assez qu’il eust interest à une chose pour croire qu’elle échoueroit. Comme sa naissance estoit fort considerable, &amp; qu’il avoit l’esprit doux, fin, aisé, &amp; insinuant, ses Amis, luy persuaderent qu’en faisant briller parmy le beau sexe les heureux talens qui le distinguoient de la pluspart de ceux de son âge, il se tireroit d’affaires par un mariage avantageux, &amp; trouveroit quelque Fille riche &amp; raisonnable, qui s’attachant au merite preferablement à tout, ne regarderoit en luy que sa personne. Son genie estoit assez porté de ce costé-là. Il se mit dans le commerce des Femmes, &amp; il en fut vû d’une maniere agréable. Il se faisoit peu de parties galantes &amp; de divertissement, où il ne fust appellé. Il estoit l’ame de la conversation, &amp; ces parties finissoient toujours trop tost par la joye qu’il répandoit dans tous les lieux où il vouloit se trouver. Grand agrément par tout à le recevoir, mais nulle foiblesse du costé du cœur. Toutes celles dont la fortune auroit pû l’accommoder se tenoient fort reservées sur les declarations qu’il leur pouvoit faire, &amp; les témoignages du plaisir qu’elles prenoient à le voir, ne passoient point certains obligeans dehors qui n’alloient jamais à l’essentiel. Ainsi il passoit d’agréables jours, mais ses affaires n’en estoient pas dans un meilleur ordre. Parmy les Dames qu’il voyoit souvent, il examina une aimable Brune qui parlant bien moins que toutes les autres, ne disoit rien que de juste quand il falloit qu’elle répondist. La Belle de son costé estoit pour luy dans la mesme attention, &amp; en faisant ses reflexions, elle luy trouvoit un genie si superieur à tous les autres, qu’il n’y avoit que luy seul à qui elle eust voulu donner toute son estime. Le Cavalier qui crut voir en elle quelque chose de solide qu’il ne voyoit point ailleurs, la voulut connoistre mieux, &amp; prenant plaisir à l’entretenir, il découvrit des sentimens si nobles &amp; si élevez, &amp; tant de droiture d’ame, qu’insensiblement son plus grand plaisir fut de luy marquer la vraye estime qu’il avoit pour elle. Il luy rendoit de plus frequentes visites qu’à toutes les autres, &amp; on ne manqua pas de dire bien-tôt qu’il en estoit amoureux. Il n’auroit pas eu de peine a le devenir si sa raison l’eust permis, mais quand la Belle auroit voulu écouter sa passion, le mariage n’auroit pû servir qu’à les rendre l’un &amp; l’autre malheureux, puisque n’ayant qu’un bien mediocre, qui ne suffisoit que pour elle seule, elle n’eust pû l’épouser, sans le mettre encore dans un estat plus fâcheux que celuy où il estoit. Elle estoit bien aise de s’en voir aimée, &amp; les soins qu’il luy rendoit avoient quelque chose qui flattoit sa vanité ; mais ne voulant en luy qu’un Amy, elle veilloit sur son cœur pour l’empêcher d’aller jusques à l’amour, &amp; en s’attirant sa confiance, elle ne cherchoit rien au delà. La conformité d’humeur ne pouvoit estre plus grande qu’elle se trouvoit entre eux, &amp; le Cavalier luy disoit sincerement que la connoissant comme il faisoit, il ne murmuroit de sa mauvaise fortune, que parce qu’il ne pouvoit luy offrir un rang qui luy seroit peut estre agreable, s’il avoit de quoy le luy faire soutenir. La Belle qui n’estoit pas moins genereuse, l’assuroit avec la mesme sincerité, que si elle avoit cent mille écus, elle l’en feroit le maistre, mais qu’il falloit qu’ils se contentassent d’estre Amis, c’est à dire, de ces Amis qui ne changent point, &amp; qui n’ont en veuë que les avantages de la personne qu’ils aiment. Ils s’en faisoient tous les jours d’assez forts sermens ; &amp; la Belle qui se fust fait une joye sensible de tirer le Cavalier de mille embarras que luy causoit son peu de fortune, fit ce qu’elle put pour luy faire épouser une assez riche Heritiere, des Parens de qui elle estoit Amie. La chose alla mesme assez avant, &amp; l’affaire estoit sur le point de se conclure, quand un Marquis vint à la traverse, &amp; renversa le projet qui avoit esté formé. Il fut préferé par l’Heritiere, qui se laissa ébloüir du titre, &amp; qui d’ailleurs trouvoit un Mary avec quinze mille livres de rente. Le Cavalier aussi obligé à l’aimable Brune, que si elle étoit venuë à bout de son entreprise, faisoit pour elle l’office d’un vray Amy en publiant son merite, &amp; tâchant mesme d’engager à sa recherche certaines personnes qui pouvoient luy faire de grands avantages. Elle ne put le sçavoir sans luy en faire des plaintes. Elle luy marqua obligeamment qu’en luy cherchant un party avantageux, il ne sçavoit pas jusqu’où alloit sa delicatesse ; qu’il l’avoit accoutumée à connoistre ce qui estoit digne de toucher un cœur bien fait, &amp; qu’à moins qu’elle ne trouvast quelqu’un qui luy ressemblast, ce seroit toujours inutilement que la fortune s’offriroit à elle. Des sentimens si honnestes avoient de grands charmes pour le Cavalier, qui estant toujours d’une humeur fort agreable, dit un jour dans une assez grande Compagnie, où l’enjoüement donnoit beaucoup de vivacité à la conversation, qu’il avertissoit qu’il alloit faire une Lotterie, dont le nombre des Billets n’estoit pas encore reglé. Chacun luy promit d’en prendre, &amp; on fut surpris d’entendre dire qu’il n’y en auroit que pour les Femmes, &amp; non pas pour toutes, parce qu’il y en avoit d’une espece à qui ce qu’il y avoit à gagner n’estoit pas propre. On raisonna fort longtemps sur ce que ce pouvoit estre, &amp; chacun en pensa ce qu’il voulut, sans qu’on le pust obliger à s’expliquer mieux. Quelques jours aprés s’estant trouvé seul avec plusieurs Femmes, elles luy parlerent de sa Lotterie. Il répondit qu’il l’avoit reglée ; qu’il y avoit dix mille Billets, chacun de cent francs, qu’il ne feroit qu’un seul lot, que s’il donnoit pour cent mille Francs, la chose qu’il livreroit à celle qui auroit ce lot, il l’estimoit beaucoup davantage, mais que dans la necessité des affaires il y avoit certains temps ou l’on trafiquoit de tout ; qu’ainsi elles n’avoient qu’à avertir leurs Amies, afin qu’elles envoyassent prendre des Billets, &amp; qu’il y auroit une fidelité entiere dans la distribution qui s’en feroit. Ce fut une nouvelle Enigme pour toutes Dames, &amp; aprés qu’il eut dit cent choses plaisantes sur sa Loterie, il leur declara que ce qu’il mettroit pour ce lot unique, estoit sa liberté qu’il estimoit beaucoup au de là de cent mille francs, &amp; qu’il promettoit d’épouser celle qui l’auroit gagné. On connut par cet éclaircissement pourquoy il n’y avoit qu’un nombre de Femmes à qui sa Loterie pouvoit convenir, puisque la pluspart en estoient excluës par le mariage. Cette imagination de faire un gros Lot de sa personne leur parût à toutes une chose si plaisante qu’elles demeurerent d’accord qu’il meritoit les cent mille francs, à quoy il avoit voulu en fixer le prix. La plaisanterie fit en peu de temps un fort grand bruit dans la Ville. Le Cavalier la soutint avec autant de galanterie qu’il montroit d’esprit, &amp; tout ce qui s’en disoit luy donnoit de plus en plus occasion de badiner agreablement sur sa Lotterie. On en parloit depuis quelques jours, lors qu’un Inconnu vint le trouver, &amp; luy demanda trente billets sous le nom de la Dame enchantée du vray merite. En mesme temps il tira une bourse, &amp; voulut compter mille écus au Cavalier, qui prenant la chose pour un jeu de quelque Dame de sa connoissance qui avoit dessein de se divertir, se contenta de répondre, qu’il mettroit son nom sur son registre, pour faire une boëte de trente billets, sur laquelle on écriroit Numero premier, &amp; que l’on distribueroit dans un certain temps avec les autres. L’Inconnu luy repliqua qu’il avoit ordre de laisser l’argent s’il ne trouvoit point les billets prests, &amp; qu’il reviendroit au premier jour demander sa boëte. En disant cela, il jetta la bourse sur une table, &amp; tandis que le Cavalier alla la prendre pour la luy remettre entre les mains, il s’échapa sans luy rien dire de plus. Le Cavalier surpris de cette avanture, crut que quelque personne officieuse, le sçachant dans l’embarras, avoit voulu l’en tirer par ce moyen, qui luy épargnoit la peine que cause toujours l’apprehension d’estre refusé quand on emprunte. Il alla conter à son Amie ce qui venoit de luy arriver, &amp; quelque raisonnement qu’ils fissent, ils ne sceurent l’un ny l’autre sur qui jetter leurs soupçons, ny convenir du motif qui luy avoit fait envoyer les mille écus. La Belle luy soutenoit qu’il y avoit de l’amour meslé là dedans, &amp; il ne vouloit pas assez présumer de luy pour en demeurer d’accord. Ce qu’ils penserent tous deux c’est que l’avanture auroit de la suite. Le Cavalier ne la cacha pas, &amp; se retranchant sur sa Lotterie, il ne voyoit aucune jolie personne à qui il ne dist d’un air enjoüé qu’elle devoit se haster de retenir des Billets, parce que le gros lot estoit couru. On prenoit cela pour une chose inventée qu’il disoit exprés pour soutenir la plaisanterie, mais huit jours aprés, le mesme Inconnu revint, &amp; luy dit qu’il n’estoit plus question de trente Billets, &amp; qu’il venoit prendre les dix mille, parce que la Dame dont il luy avoit parlé, vouloit estre seure d’emporter le Lot. Ces paroles avoient besoin d’explication, l’Inconnu la donna au Cavalier, en luy disant qu’une Veuve extremement riche, touchée de sa réputation &amp; de son merite, dont elle estoit particulierement informée, &amp; connoissant d’ailleurs sa personne, estoit résoluë de l’épouser, si son âge un peu avancé ne l’empêchoit point d’y consentir ; qu’elle passoit cinquante ans, quoy qu’elle ne parust pas les avoir ; que son humeur estoit douce, son esprit aisé &amp; sociable, &amp; que n’ayant point d’Enfans, ny aucun sujet de vouloir du bien à ses Heritiers, elle luy donneroit non seulement cinquante mille écus en argent comptant, mais encore tous ses meubles, qui estoient considerables, sans compter beaucoup d’autres avantages qu’il en pouvoit esperer, selon la conduire qu’il tiendroit. Le Cavalier pressa l’Inconnu de luy apprendre le nom de la Dame, &amp; il répondit qu’il ne le sçauroit que d’elle-mesme, &amp; que s’il vouloit penser serieusement à cette affaire, il viendroit le prendre le lendemain pour le conduire chez elle, où ils s’expliqueroient l’un à l’autre sur ce que chacun pourroit souhaiter. L’heure fut donnée pour cette visite &amp; le Cavalier alla consulter son Amie à l’ordinaire, sur le mariage qui luy estoit proposé. La Belle ne balança point à luy dire, que dans l’estat où il se trouvoit, il falloit, quelque repugnance qu’il sentist, s’atacher à la fortune, puis qu’elle s’offroit à luy d’une maniere si favorable, mais qu’il s’y falloit attacher en honneste homme, c’est à dire, que s’il épousoit la Veuve, il devoit tâcher à mettre pour elle dans son cœur plus que de l’estime &amp; de la reconnoissance. La vieillesse de la Dame, qu’il croyoit âgée de plus de soixante ans, luy faisoit beaucoup de peine, &amp; l’habitude qu’il avoit prise avec de jeunes personnes, luy rendoit tout autre commerce fort peu agreable, mais son Amie luy dit fortement qu’il ne falloit point écouter son goust ; &amp; elle ajoûta que comme les vieilles personnes sont fort susceptibles de jalousie, s’il arrivoit que la Veuve montrast de l’inquietude pour les marques d’amitié qu’il luy donnoit par ses soins, il faudroit, ou qu’il cessast de la voir, ou qu’il ne la vist que fort rarement. Le Cavalier ne put passer cet article, &amp; fut mené chez la Veuve, dont il se trouva beaucoup plus content qu’il ne l’avoit esperé. La Dame n’avoit rien de dégoustant, &amp; toutes ses manieres estoient d’une Femme qui meritoit une vraye estime. Elle dit au Cavalier, qu’aprés un Veuvage de quinze ans, pendant lequel on ne luy pouvoit reprocher la moindre affaire, il devoit estre surpris qu’elle voulust se remarier, mais que ceux qui attendoient sa succession, en avoient toujours si mal usé avec elle, qu’ils l’avoient forcée en quelque sorte à prendre cette résolution, &amp; qu’ayant à faire un choix, elle avoit crû ne pouvoir contribuer à la fortune d’un plus honneste homme ; que cependant il ne falloit point qu’il se contraignist, &amp; qu’il pouvoit prendre autant de temps qu’il voudroit pour se consulter sur ce mariage. Le Cavalier trouva tant d’honnêteté dans tout ce que la Veuve luy dit, qu’il parut que son cœur parla quand il l’assura qu’il vouloit tout tenir d’elle, &amp; qu’elle pouvoit dés ce moment, comme maistresse absoluë, ordonner du temps où elle souhaiteroit que l’affaire se conclust. Elle plaisanta sur la Lotterie qui luy avoit donné lieu de penser à luy, &amp; sans rien vouloir précipiter, afin qu’il eût le temps de la mieux connoître, elle le laissa un mois entrer dans la liberté d’examiner s’il pourroit vivre heureux avec elle. Ainsi ce fut luy qui la pressa aprés des visites assiduës où il témoignoit ne s’ennuyer pas. Enfin elle fit dresser le Contract avec tous les avantages qu’il luy estoit permis de luy faire. Les cinquante mille écus luy furent comptez, &amp; elle choisit le jour pour le Mariage, mais une fiévre qui la surprit tout à coup, le fit differer. Les accez en furent rudes, &amp; donnerent lieu d’apprehender pour sa vie. Le Cavalier ne la quittoit point, &amp; les soins qu’il prenoit d’elle luy furent si agreables, que comme il gagnoit beaucoup en l’épousant, s’estant trouvée avec un peu plus de tranquillité pendant quelques jours, elle fit faire la Ceremonie du Mariage dans sa Chambre, pour mourir au moins avec la satisfaction d’estre sa femme, si les remedes ne pouvoient faire cesser la langueur où son mal la reduisit. Le Cavalier devenu Mary, redoubla ses soins avec les marques les plus obligeantes du veritable interest qu’il prenoit en elle, mais ils ne purent la tirer d’affaire, &amp; tout l’Art des Medecins s’estant trouvé inutile, elle succomba à sa langueur aprés avoir resisté pendant trois mois. Les empressemens du Cavalier pendant cette maladie, furent assez bien recompensez. La Veuve luy donna encore une Cassette où il y avoit beaucoup d’argent &amp; des Diamans, &amp; avec les Meubles qu’on ne luy put disputer, il se trouva riche de cent mille écus. Vous jugez bien qu’aimant autant qu’il faisoit l’aimable Brune, il l’en rendit la maistresse. Il l’a épousée depuis quelque temps, &amp; fait pour elle ce qu’il estoit assuré qu’elle auroit fait pour luy avec joye, si la fortune luy avoit esté aussi favorable.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_251" resp="wordpro">
          <head>[Compliment fait au Roy par le Pere Alexandre, Jacobin]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 251-255.</bibl>
          <p/>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris, qui se fait un plaisir d’honorer les Gens de Lettres de sa bienveillance &amp; de sa protection, &amp; de faire connoistre à Sa Majesté ceux qui travaillent utilement pour l’Eglise, fit l’honneur au Pere Alexandre de le presenter au Roy. Ce Pere se servit de ces termes dans le compliment qu’il fit à Sa Majesté,</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">SIRE</hi></p>
            <p><hi rend="i">Un Ouvrage qui explique tous les Mysteres &amp; toutes les Veritez de nostre Religion, tous les points &amp; toutes les maximes de la Morale Chrestienne, devoit estre dedié à un Prince qui a toûjours protegé l’Eglise, qui a aimé la Justice &amp; hay l’iniquité, depuis que Dieu l’a sacré d’une huile miraculeuse, pour estre le plus Grand des Rois, le Defenseur de la Foy, le Conservateur de la France, &amp; le Vainqueur des Nations. Cet Ouvrage qui sera porte dans tout le monde Chrétien rempli de la grandeur de vostre Auguste Nom, étonné de vostre sagesse incomparable, de vostre valeur heroïque, &amp; du glorieux succez de vos Armes toûjours victorieuses &amp; toûjours invincibles, fera connoistre partout que j’ay fait mon devoir en le presentant au plus grand Monarque de la terre, qui unit en sa Personne Sacrée, la pieté &amp; le zele du Sacerdoce avec toutes les Vertus Royales. Ces Livres publieront en mesme temps le tres-profond respect que j’ay pour Elle, &amp; mon attachement tres-fidelle à son service, pendant que je continueray d’offrir mes Vœux à Dieu pour sa conservation si necessaire à l’Eglise &amp; à l’Etat, &amp; que je le prieray avec toute la ferveur qui me sera possible, de verser à pleines mains ses benedictions sur la Maison Royale, &amp; sur les Armes de Vostre Majesté, pour la mettre en état par une suite de Victoires, de donner la Paix à l’Europe, &amp; d’en faire goûter les fruits à vostre Peuple, selon les desirs que l’Esprit de Dieu forme dans vostre Cœur tres-Chrestien.</hi></p>
          </quote>
          <p>Le Roy luy fit l’honneur de luy répondre, qu’il souhaitoit que ce qu’il venoit de luy dire arrivast bien-tost ; que M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque l’avoit informé de l’utilité de ses Ouvrages, &amp; de sa conduite ; qu’il luy donneroit des marques de son estime, &amp; qu’il se recommandoit à ses Prieres.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_255" resp="mercure">
          <head>[Etat des Regimens de Carabiniers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 255-261.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous ne serez pas fachée d’apprendre ce qui suit touchant les Carabiniers du Roy, dont je vous ay déjà parlé. Le Régiment est composé de cent Compagnies de Carabiniers, de trente Maistres chaune, faisant en tout trois mille Carabiniers &amp; quatre cens Officiers, y compris le Mestre de Camp en pied, les cinq Mestres de Camp sous luy les cinq Lieutenans Colonels, les cinq Majors, &amp; les cinq Aides Majors. Ils feront vingt Escadrons de cinq Compagnies chacun, dont il y en aura deux des vieux Regimens &amp; trois des nouveaux .[...]</p>
          <p>A chaque quatre Escadrons il y aura un Timbalier à la Compagnie du Mestre de Camp, habillé de la Livrée du Roy, sans or ny argent, aussi-bien que les Trompettes de toutes les Compagnies.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-11_268" resp="wordpro">
          <head>[Caracteres des Femmes du Siecle]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1693 [tome 14], p. 268-270.</bibl>
          <p/>
          <p>Si quand les Dames se mêlent d’écrire, elles ont une finesse &amp; une delicatesse d’esprit qui leur est naturelle, &amp; que les hommes ont de la peine à imiter, elles réussissent encore mieux, lors qu’elles traitent des matieres dont elles ont une connoissance particuliere. C’est ce que vient de faire Madame de Pringy, en nous donnant les differens caracteres des Femmes du siecle, avec la description de l’Amour propre, contenant six caracteres, &amp; six perfections.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="sc">Caracteres.</hi></label>
            <p>Les Coquettes. Les Bigotes.</p>
            <p>Les Spirituelles. Les Oeconomes.</p>
            <p>Les Jalouses. Les Plaideuses.</p>
            <label><hi rend="sc">Perfections.</hi></label>
            <p>La Modestie. La Pieté.</p>
            <p>La Science. La Regle.</p>
            <p>L’Occupation. La Paix.</p>
          </quote>
          <p>Tout cela est traité avec beaucoup de finesse &amp; de naturel, &amp; remply de pensées neuves, quoy que tirées du sujet, en sorte que les Portraits des Caracteres qui y sont dépeints, remplissent agreablement la curiosité qu’ils excitent.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1693-12">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, décembre 1693 [tome 15]</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_023" resp="wordpro">
          <head>L’Avocat guerrier</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 23-33.</bibl>
          <p/>
          <p>C’est assez pour vous obliger à lire les Vers suivans avec plaisir, que de vous dire qu’ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Vin.</p>
          <quote>
            <label>L’AVOCAT GUERRIER.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> La Valeur d’un Prince Lorrain</l>
              <l rend="i">Avoit fait du Visir échouër l’entreprise ;</l>
              <l rend="i">De ses fers presentez sa redoutable main</l>
              <l rend="i">Venoit d’arracher Vienne, &amp; Bude par sa prise</l>
              <l rend="i">Jusques au Pont Euxin répandant la terreur,</l>
              <l rend="i">Dans son Trône ébranlé rassuroit l’Empereur.</l>
              <l rend="i">Un Avocat charmé de ce trait heroïque,</l>
              <l rend="i">De l’Empire Othoman décidoit du destin,</l>
              <l rend="i"> Et sa guerriere politique</l>
              <l rend="i">Osoit d’un ton d’Oracle en promettre la fin.</l>
              <l rend="i"> Il ne vouloit qu’une Campagne</l>
              <l rend="i">Pour en faire à nos yeux triompher l’Allemagne,</l>
              <l rend="i">Et de ce vaste Empire usurpé sur les Grecs</l>
              <l rend="i"> Ce témeraire &amp; faux Prophete</l>
              <l rend="i"> Disposoit comme d’un Procés,</l>
              <l rend="i">Que le verre à la main on juge à la Beuvette.</l>
              <l rend="i">Si, luy dis-je, on en croit ta promesse &amp; mes vœux,</l>
              <l><hi rend="i">Nous en verions bien-tost la cheute &amp; la déroute,</hi></l>
              <l rend="i"> Et cette affaire ira sans doute,</l>
              <l rend="i"> Aussi viste que tu le veux.</l>
              <l rend="i">Cependant, selon moy, Bizance est à détruire</l>
              <l rend="i"> Moins facile qu’on pourroit dire.</l>
              <l rend="i">Tout divisez entre eux que soient les Musulmans,</l>
              <l rend="i">Leur force est toujours grande, &amp; d’autant plus à craindre,</l>
              <l rend="i"> Que le feu de leurs differens</l>
              <l rend="i">A peine est allumé qu’il commence à s’éteindre.</l>
              <l rend="i">Tels qu’à l’aspect du Loup l’on voit deux braves Chiens</l>
              <l><hi rend="i">Sur l’Os qui les broüilloit oublier leur querelle,</hi></l>
              <l rend="i">Et tourner contre luy leur ardeur mutuelle ;</l>
              <l rend="i">Telles sont de tout temps, à l’égard des Chrestiens,</l>
              <l rend="i">Les vieilles factions, les jalouses coleres</l>
              <l rend="i"> Des Spahis &amp; des Janissaires.</l>
              <l rend="i"> Il ne faut pour les rallier,</l>
              <l rend="i">Que leur commun peril, ou qu’une sage Teste.</l>
              <l rend="i"> Enfin, sçache qu’un Plaidoyer</l>
              <l rend="i">Doit couster moins d’efforts qu’une telle conqueste.</l>
              <l rend="i">Ce mot de Plaidoyer fit rougir l’Avocat ;</l>
              <l rend="i">Quoy que né Satirique, un trait de raillerie</l>
              <l rend="i">Le démonte &amp; le choque ; ainsi ce maistre fat</l>
              <l rend="i"> Sur l’innocente Poësie</l>
              <l rend="i"> Qui seule est de mon doux loisir</l>
              <l rend="i"> L’amusement &amp; le plaisir,</l>
              <l rend="i"> Déchaisne toute sa furie.</l>
              <l rend="i">Comme, à son petit sens, c’estoit là de mon cœur</l>
              <l rend="i"> L’endroit de tous le plus sensible,</l>
              <l rend="i"> Tel qu’un rusé Gladiateur</l>
              <l rend="i">Il adresse sur luy sa plus fougueuse ardeur,</l>
              <l rend="i"> Et par un coup qu’il croit terrible</l>
              <l rend="i">Me traite avec mépris de Versificateur.</l>
              <l rend="i"> Prendre cela pour une offense</l>
              <l rend="i">Eust esté rencherir sur son extravagance,</l>
              <l rend="i"> Et peut-estre à mes seuls dépens</l>
              <l rend="i"> Donner la Comedie aux gens.</l>
              <l rend="i"> Ainsi toujours froid &amp; tranquille,</l>
              <l rend="i">Ouy, luy dis-je en riant, je veux bien avoüer</l>
              <l rend="i"> Que loin d’un effort inutile,</l>
              <l rend="i"> D’aller comme toy m’enrouër</l>
              <l rend="i">Au Barreau dont souvent ton vain babil te chasse</l>
              <l rend="i">Que loin, dis-je en un mot, d’imiter ton audace,</l>
              <l rend="i"> Je ne cherche qu’à me jouër</l>
              <l rend="i">Sur les sujets divers que m’offre le Parnasse.</l>
              <l rend="i">Mais si, pour son malheur, on n’y reussit pas,</l>
              <l rend="i">On se connoist du moins, &amp; mal propre aux combats,</l>
              <l rend="i"> Mes Vers du milieu de la France</l>
              <l rend="i">Ne vont point sur tes pas prendre en poste Bizance.</l>
              <l rend="i">Mon timide Apollon laisse le Turc en paix ;</l>
              <l rend="i">Aux dépens du Dieu Mars, content de sa Musette,</l>
              <l rend="i">Il ne se mesle pas d’emboucher la Trompette,</l>
              <l rend="i">Et rime bien ou mal un Conte, ou des Sonnets.</l>
              <l rend="i">D’ailleurs dans tous les Vers qu’il s’avise de faire,</l>
              <l rend="i">Comme il n’a pour seul but que de se divertir,</l>
              <l rend="i">Que le succés en soit ou mauvais, ou prospere,</l>
              <l rend="i"> De sa part je veux t’avertir</l>
              <l rend="i"> Qu’il ne s’en embarasse guere.</l>
              <l rend="i">Qu’on les critique, ou non je n’en seray jamais</l>
              <l rend="i">Plus gay, ny plus chagrin ; mais ravi des progrés</l>
              <l rend="i">Que l’heureux Leopold fait sur cet Infidelle,</l>
              <l rend="i">Toujours avec plaisir j’en apprens la nouvelle.</l>
              <l rend="i"> Fais-en de mesme, Picotin,</l>
              <l rend="i"> Et quoy que la Plume à la main</l>
              <l rend="i">Le Barreau que tu suis te connoisse intrepide,</l>
              <l rend="i">Un Sabre ne sied bien qu’en celles d’un Alcide.</l>
              <l rend="i"> Plaide, écris, voila ton employ,</l>
              <l rend="i"> Et ne t’avise plus, crois moy,</l>
              <l rend="i"> D’aller avec tant de vistesse</l>
              <l rend="i">Sans pitié, sans raison détrôner Sa Hautesse.</l>
              <l rend="i"> Etourdy de ces nouveaux traits,</l>
              <l rend="i"> Et dans la Salle du Palais</l>
              <l rend="i">Au desespoir enfin de voir qu’on le relegue,</l>
              <l rend="i"> Picotin, tel qu’un Dom Diegue,</l>
              <l rend="i">Relevant sa moustache, enfonçant son chapeau,</l>
              <l rend="i"> S’en fait un point d’honneur nouveau,</l>
              <l rend="i">Et se bridant le nez du bout de sa teignasse,</l>
              <l rend="i">Me devore des yeux, &amp; du doigt me menace.</l>
              <l rend="i"> On ne pouvoit le retenir,</l>
              <l rend="i">Jusques à degaisner il vouloit en venir,</l>
              <l rend="i"> Et la presence d’un bon Pere</l>
              <l rend="i"> Dont on le fit ressouvenir,</l>
              <l rend="i">Eut mesme de la peine à calmer sa colere.</l>
              <l rend="i"> Son équipage cavalier,</l>
              <l rend="i">Car nous estions aux champs, l’avoit rendu si fier,</l>
              <l rend="i">Qu’en Heros de Roman il soutint cette audace.</l>
              <l rend="i"> Qu’auroit fait un autre à ma place ?</l>
              <l rend="i">Se fust-il emporté ? De quel air eust il pris</l>
              <l rend="i"> Cette extravagante menace ?</l>
              <l><hi rend="i">Eust-il pour l’en punir tranché de l’Amadis ?</hi></l>
              <l><hi rend="i">Il en eust ry sans doute, &amp; c’est ce que je fis,</hi></l>
              <l rend="i">Ayant creu, pour le mieux confondre,</l>
              <l><hi rend="i">Que l’on ne devoit pas autrement y répondre.</hi></l>
              <l rend="i"> Cependant par cette douceur,</l>
              <l rend="i"> Bien loin de rentrer en luy-mesme,</l>
              <l rend="i">De rouge qu’il estoit ce fou devenu blesme,</l>
              <l rend="i">Fulmine, écume, bave, &amp; pousse sa fureur</l>
              <l rend="i">Jusqu’au point que sa main trompée</l>
              <l rend="i">Dans son bras gauche pris croit prendre son épée ;</l>
              <l rend="i">Mais un verre de vin qui parut à ses yeux,</l>
              <l rend="i">Quel prodige ! en agneau changea ce furieux,</l>
              <l rend="i"> Et ce remede salutaire</l>
              <l rend="i"> Opera tout d’un coup, &amp; mieux</l>
              <l rend="i"> Que tout ce qu’on auroit pû faire.</l>
              <l rend="i"> Il fut assez facile aprés</l>
              <l rend="i">De le faire avec moy consentir à la paix,</l>
              <l rend="i"> Mais avant que de la conclure</l>
              <l rend="i"> Il me fallut pourtant nier</l>
              <l rend="i"> Que par ce mot de Plaidoyer</l>
              <l rend="i">J’eusse malignement voulu luy faire injure,</l>
              <l rend="i">Et ce Fou radoucy jura de son costé,</l>
              <l rend="i">Que des Turcs en repos laissant le vaste Empire,</l>
              <l rend="i"> Il n’iroit plus pour le détruire,</l>
              <l> <hi rend="i">Si viste qu’il avoit esté.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_033" resp="wordpro">
          <head>[Epigrammes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 33-35.</bibl>
          <p/>
          <quote>
            <label>EPIGRAMME<lb />Sur le mesme sujet.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Quand Picotin me cite &amp; Bartole &amp; Cujas,</hi></l>
              <l rend="i"> Je le prens pour un habile homme,</l>
              <l rend="i">Et m’imagine enfin que l’Orateur de Rome</l>
              <l rend="i"> Luy cederoit icy le pas.</l>
              <l rend="i"> Mais quelle éclipse pour sa gloire</l>
              <l rend="i">Dés qu’il vient à parler de guerre &amp; de combats ?</l>
              <l rend="i"> Ces matieres qu’il n’entend pas</l>
              <l rend="i"> M’ouvrent les yeux, &amp; me font croire,</l>
              <l rend="i"> Que s’il en parle en Avocat,</l>
              <l rend="i">Il pourroit bien aussi plaider en vray Soldat.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Lors que chez Picotin je vais pour mon affaire,</hi></l>
              <l rend="i">Taciturne &amp; distrait il ne m’écoute pas ;</l>
              <l rend="i">Mais vient-on à parler de guerre &amp; de combats,</l>
              <l><hi rend="i">Aussi-tost il sourit, &amp; ne peut plus se taire.</hi></l>
              <l rend="i">Ah ! si pour mon malheur il entend le Palais</l>
              <l rend="i"> Aussi-mal que l’Art militaire,</l>
              <l rend="i"> C’en est fait, je perds mon Procés,</l>
              <l rend="i">Ou du moins peu s’en faut que je n’en desespere.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_072" resp="mercure">
          <head>[Ceremonies observées à Madrid à la reception du General des Capucins]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 72-80.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous ne serez pas fachée d’apprendre avec quelles ceremonies le General de l’Ordre des Carmes a esté receu en la Ville de Madrid, &amp; en sa premiere Audience de Leurs Majestez Catholiques. En voicy une Relation traduite de l’Espagnol. Le Roy Charles II. ayant bien voulu, aprés avoir pris l’avis de son Conseil Royal, continuer en la personne du Pere Jean Feyxoo de Villalobos, General de l’Ordre des Carmes, l’honneur de se couvrir en presence de leurs Majestez comme Grand d’Espagne, pour luy &amp; ses Successeurs dans la mesme Charge, en la maniere que les Rois Philippes II. &amp; Philippes III. L’avoient accordée ; le premier en l’an 1566. au Pere Jean Baptiste Rubeus, &amp; le second, au Pere Henry Silvius en l’an 1606. l’un &amp; l’autre Generaux de cet Ordre. Son Excellence le Marquis de Castenaga, s’offrit d’estre le Parrain de ce Pere General, tant pour les ceremonies de son Entrée dans Madrid, que pour celles de sa premiere audience de leurs Majestez Catholiques, où il devoit se couvrir en leur presence, comme Grand d’Espagne. Le premier d’Octobre dernier fut le jour marqué pour son Entrée à Madrid, qui fut des plus belles &amp; des plus magnifiques qu’on eust veuës depuis long-temps en cette Ville-là. Ce Pere s’estant transporté ce mesme jour de son Convent de Baldemore à la Maison de plaisance du Marquis de los Balbanés, éloignée d’environ un mille de Madrid, il en partit sur les quatre heures du soir, escorté de cent trente Carrosses à six, remplis de grand nombre des Grands &amp; des plus qualifiez Seigneurs de la Cour, des Envoyez des Princes &amp; premiers Ministres du Royaume. [...] En cet équipage, qu’on trouva des plus superbes &amp; des plus nombreux qu’on eust vûs en pareille occasion, ce General entra dans Madrid par la porte d’Essochia, où aboutit la belle ruë qui conduit en droiture au grand Convent des Carmes. Toute cette escorte s’arresta à la porte de l’Eglise, qui estoit superbement parée, &amp; tous ces Seigneurs estant descendus de leurs carrosses, se presenterent en bel ordre devant celuy du Pere General, qui descendit aussi-tost du sien, &amp; passa au milieu de tous ces Grands, qui luy formoient une haye jusques à la porte de l’Eglise, où il fut receu par la Communauté de ses Religieux au nombre de cent quarante, &amp; par celles des Jacobins, &amp; des Carmes Deschaussez ; &amp; aprés les ceremonies prescrites dans l’Ordre pour la reception de leurs Generaux, on entonna le <hi rend="i">Te Deum</hi>, qui fut chanté par differens Choeurs de Musique, accompagnez de toutes sortes d’Instrumens, tandis que le Pere General, sous un Dais magnifique, &amp; entouré de tous ces Grands d’Espagne, &amp; autres personnes qualifiées, s’avança vers le maistre Autel, qu’on ne pouvoit approcher à cause de la grande foule accouruë à cette ceremonie.</p>
          <p>Estant arrivé au lieu où on luy avoit préparé un Prie-Dieu, couvert d’un riche Tapis avec un carreau de même, il se mit à l’extremité du Tapis, &amp; y resta jusqu’à la fin du Te Deum, qui fut suivi des prieres ordonnées dans l’Ordre pour ces sortes de ceremonies ; aprés quoy le Pere Commissaire general, &amp; autres Religieux luy ayant donné la main pour le relever, il s’alla asseoir dans un fauteüil de velours cramoisi, où il entendit un Discours éloquent prononcé à sa gloire par le Pere Bernard de Serrada, Religieux du même Ordre, Professeur de Theologie en l’Université d’Alcala. Ce discours qui receut l’approbation de toute cette illustre Assemblée estant fini, les Religieux de l’Ordre vinrent deux à deux baiser la main &amp; le Scapulaire de leur Pere General. Les Communautez des Peres Jacobins &amp; Carmes Deschaussez qui avoient assisté à toute cette ceremonie voulurent, non sans étonnement du Pere General, luy rendre les mêmes respects &amp; actes d’obeïssance, ce qu’il ne put se deffendre d’accorder à leur pressantes instances. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_113" resp="wordpro">
          <head>Satyre</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 113-121.</bibl>
          <p/>
          <p>Rien n’est si fort que l’exemple, &amp; il est sur tout d’une tres-grande importance que les Peres &amp; les Meres en donnent de bons à leurs Enfans, s’ils veulent les mettre dans la voye qui conduit à la vertu. C’est le sujet des Vers que vous allez lire. Ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> Danchet.</p>
          <quote>
            <label>SATYRE.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Qu’il faut prendre de soins, qu’il faut avoir d’adresse,</hi></l>
              <l rend="i">Pour former, cher Damon, l’indocile Jeunesse !</l>
              <l rend="i">En aveugle elle cede à son panchant fatal,</l>
              <l rend="i">Qui l’éloigne du bien, &amp; qui l’entraîne au mal.</l>
              <l rend="i">Il faut pour l’arrester, une extrême prudence.</l>
              <l rend="i">On gaste un jeune esprit par trop de complaisance ;</l>
              <l rend="i">Trop de severité l’irrite en ses plaisirs,</l>
              <l rend="i">On doit avec adresse étouffer ses desirs ;</l>
              <l rend="i">On doit peindre à ses yeux le vice épouvantable,</l>
              <l rend="i">Luy tracer du vray bien une image agreable,</l>
              <l rend="i">Luy proposer les biens qui suivent la Vertu,</l>
              <l rend="i">Et la honte d’un cœur par le vice abatu.</l>
              <l rend="i">Qu’il sçache qu’un forfait n’est jamais sans supplices,</l>
              <l rend="i">Mais gardons-nous sur tout d’autoriser ses vices,</l>
              <l rend="i">Montrons en sa presence un esprit de candeur,</l>
              <l rend="i">Ne disons jamais rien qui choque sa pudeur.</l>
              <l rend="i">Songeons bien qu’un Enfant sans cesse nous contemple,</l>
              <l rend="i">Et croit ne pas broncher en suivant nostre exemple.</l>
              <l rend="i">Qui pourroit donc souffrir ces Peres vicieux,</l>
              <l><hi rend="i">Qui donnent à leurs Fils un exemple odieux ?</hi></l>
              <l rend="i">L’un d’eux faisant du jeu son importante affaire,</l>
              <l rend="i">Perd le bien qu’autrefois avoit gagné son Pere.</l>
              <l rend="i">Aussi son jeune Fils, qu’une Nourrice suit,</l>
              <l rend="i">Du cornet dangereux aime déja le bruit.</l>
              <l rend="i">Illustre &amp; digne employ qu’on donne à la jeunesse.</l>
              <l rend="i">Il apprend à rouler les Dez avec adresse,</l>
              <l rend="i">Bien-tost comme son Pere herissé, furieux,</l>
              <l rend="i">Vous le verrez confondre &amp; la terre, &amp; les Cieux,</l>
              <l rend="i">Quand à son adversaire un Dé trop favorable,</l>
              <l rend="i">De riche qu’il estoit, le rendra miserable.</l>
              <l rend="i">Quel espoir peut donner ce Marquis débauché,</l>
              <l rend="i">Qui toujours aux plaisirs en esclave attaché,</l>
              <l rend="i">Croit que le seul bonheur qu’on goûte en cette vie,</l>
              <l rend="i">Est d’avoir de bons mets une table servie ?</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy dans un Camp le harnois sur le dos,</l>
              <l rend="i">Il fuiroit les douceurs d’un trop honteux repos,</l>
              <l rend="i">Il iroit au milieu du sang &amp; du carnage</l>
              <l rend="i">Faire à l’Anglois perfide éprouver son courage,</l>
              <l rend="i">Les fatigues pour luy n’auroient plus rien d’affreux,</l>
              <l rend="i">Si son Pere autrefois de la gloire amoureux,</l>
              <l rend="i">N’eust pas dans les plaisirs d’une indigne mollesse,</l>
              <l rend="i">Trouvé loin des travaux une indigne vieillesse.</l>
              <l rend="i">Ah, que Lycas sçait bien, quand il est en fureur,</l>
              <l rend="i">Inspirer à son Fils un esprit de douceur !</l>
              <l rend="i">Un Valet a commis une legere offense,</l>
              <l rend="i">Vainement on s’empresse à prendre sa défense.</l>
              <l rend="i">C’est un traistre, un bourreau qu’il faut roüer de coups.</l>
              <l rend="i">Calmez, dit un Ami, cet injuste courroux ;</l>
              <l rend="i">Quelle aveugle fureur contre luy vous transporte ?</l>
              <l rend="i">Que tout meurtri de coups on le mette à ma porte.</l>
              <l rend="i">Mais pourquoy ? Ces discours ne sont pas de saison,</l>
              <l rend="i">Je le veux, mon vouloir me tient lieu de raison.</l>
              <l rend="i">Luy donner des avis, &amp; blasmer son caprice,</l>
              <l rend="i">C’est vouloir sans argent toucher le cœur d’un Suisse ;</l>
              <l rend="i">C’est à certain Abbé vouloir parler Latin,</l>
              <l rend="i">Ou pour aller au Chœur l’éveiller du matin ;</l>
              <l rend="i">C’est condamner Philisle à vivre en sa retraite,</l>
              <l><hi rend="i">Ou dire à la ** de n’estre plus coquette.</hi></l>
              <l rend="i">Laissons donc desormais ce Maistre rigoureux</l>
              <l rend="i">Se repaistre à loisir des pleurs d’un malheureux.</l>
              <l rend="i">Il est d’autres defauts que souvent la vieillesse</l>
              <l rend="i">Par un funeste exemple imprime à la jeunesse.</l>
              <l rend="i">Dont l’aimable poison sous de feintes douceurs</l>
              <l rend="i">Se coule adroitement au fond des jeunes cœurs.</l>
              <l rend="i">Pensez-vous que Climene un jour puisse estre sage,</l>
              <l rend="i">Elle qui voit sa Mere en l’hiver de son âge</l>
              <l><hi rend="i">Farder son front ridé, friser ses cheveux blancs,</hi></l>
              <l rend="i">Et vouloir plaire encor à de jeunes galans ?</l>
              <l rend="i">Un jour nous la verrons par ses folles parures</l>
              <l rend="i">De son Sexe envieux exciter les murmures,</l>
              <l rend="i">Et d’un air favorable attirant tous les cœurs,</l>
              <l rend="i">Faire suivre ses pas de mille Adorateurs.</l>
              <l rend="i">De quel front croyez-vous que la Mere coquette</l>
              <l rend="i">Puisse alors condamner sa conduite indiscrete ?</l>
              <l rend="i">Pourra-t-elle jamais la contraindre à quitter</l>
              <l rend="i">Un chemin qu’à son âge elle n’ose éviter ?</l>
              <l rend="i">L’on perd, comme Dorante, &amp; son temps &amp; sa peine,</l>
              <l rend="i">Quand on prétend, armé d’une éloquence vaine,</l>
              <l rend="i">Dans un cœur vicieux portant de foibles coups,</l>
              <l rend="i">Détruire les defauts que l’on remarque en nous.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_121" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 121-134.</bibl>
          <p/>
          <p>C’est une maxime generalement receuë, qu’un bienfait n’est jamais perdu. Aussi voit-on souvent arriver qu’on tire de grands avantages d’un foible service, quoy qu’il ait esté rendu sans aucune veuë d’en estre recompensé. L’avanture dont je vais vous faire part, &amp; qui est vraye dans toutes ses circonstances, vous prouvera cette verité. Un Officier d’Armée que quelques affaires avoient obligé de venir à la Cour, estant party un peu tard de Versailles pour s’en retourner au lieu où il avoit son quartier d’hiver, &amp; qui en estoit éloigné de neuf lieües, eut fait à peine la moitié de ce chemin, qu’il fut surpris d’un orage violent qui luy parut devoir être de durée. La pluye qui commença à tomber avec abondance, rendit la nuit si obscure, que ne pouvant plus discerner de route, il se resolut de s’arrester au premier Village qu’il rencontreroit. Une lumiere qu’il apperceut de fort loin, l’attira au lieu où il la voyoit. Il y arriva sans avoir tenu de sentier certain ; c’estoit une Ferme un peu éloignée des autres maisons. Il y frapa assez fort pour se faire entendre, &amp; une Servante qui luy vint ouvrir, &amp; à qui il demanda s’il y avoit encore loin jusques au lieu de sa Garnison, luy ayant dit qu’il avoit encore quatre grandes lieuës à faire, il la pria de sçavoir si on voudroit bien luy donner retraite dans cette Ferme jusqu’à ce que le jour parust, l’obscurité estant telle, qu’il seroit bien difficile qu’il ne s’égarast s’il alloit plus loin. La Servante estant allée dire au Fermier ce qu’on vouloit, il vint luy mesme à la porte, &amp; l’heureuse phisionomie de l’Officier l’ayant obligé à ne luy pas refuser ce qu’il demandoit, il le conduisit dans une Salle basse où il faisoit son ménage. D’abord il fit faire un tres-grand feu, afin que l’Officier, dont la pluye avoit percé les habits, pust les secher à loisir ; &amp; comme il ne manquoit pas d’esprit, il se mit sur les matieres du temps, en luy parlant de la guerre, pendant qu’on préparoit le souper. Il le regala de son mieux, &amp; l’Officier qui entendoit en repos gronder le vent, meslé toujours d’une forte pluye, se trouva touché si sensiblement des manieres du Fermier, qu’il joignit aux remerciemens qu’il luy en fit, les assurances de le servir avec joye, quand l’occasion s’en offriroit. S’il fut content du repas que le Fermier luy donna, il le fut bien encore davantage, lors qu’il le mena dans une chambre qu’il tenoit toujours propre pour le Maistre de la Ferme, qui y venoit passer quelques jours de temps en temps. L’Officier s’y estant enfermé, &amp; ayant mis ses pistolets sur la table, se coucha dans un fort bon lit, où il pouvoit passer la nuit à son aise. Il y avoit une heure ou deux qu’il estoit couché, lors qu’on frapa de nouveau à la porte de la Ferme. La Servante alla ouvrir, selon sa coutume, &amp; fut bien surprise de voir paroistre un homme masqué, qui la prenant par le bras, luy dit qu’il falloit qu’elle le menast où estoit son Maistre. Il estoit suivi de deux autres hommes masquez comme luy, &amp; vous pouvez vous representer quel triste spectacle ce fut pour le Fermier que cette petite troupe qu’il n’attendoit pas. L’un d’eux s’estant avancé, luy presenta un poignard en le menaçant de le tuer, s’il faisoit le moindre cry. Cela fut suivi d’un compliment fort fâcheux. C’estoit qu’il avoit fait porter du bled au marché ce mesme jour ; qu’il en avoit vendu pour huit cens livres, &amp; qu’ils venoient le décharger de cette somme, qu’il falloit qui leur fust remise entre les mains sans aucun retardement. Le Fermier vit la partie trop bien faite pour croire qu’ils fussent d’humeur à luy faire aucun quartier. Leurs menaces s’augmentant, à cause que la frayeur le rendit d’abord muet, il resolut de sauver sa vie aux dépens de son argent, &amp; leur dit avec toute la douceur que son déplaisir luy pouvoit permettre, qu’il alloit querir ce qu’ils demandoient. Il est aisé de juger qu’ils ne voulurent pas qu’il s’éloignast d’eux. Ils l’entourerent toujours, &amp; luy dirent qu’il n’avoit qu’à envoyer sa Servante, qui luy épargneroit la peine d’aller au lieu où il avoit mis ses huit cens francs. Comme il auroit esté inutile au Fermier de resister, il donna sa clef à la Servante, en luy disant qu’elle apportast un sac qu’elle trouveroit dans son Armoire qui estoit dans la grande chambre. C’estoit justement la chambre où il avoit fait coucher l’Officier. Le bruit qu’elle fit en frappant à la porte l’ayant éveillé, il demanda ce que l’on vouloit. La Servante eut la precaution de le prier de s’approcher de la porte, parce qu’il pouvoit estre dangereux qu’elle luy parlast tout haut, &amp; qu’il y avoit bien des affaires. Il se leva promptement, &amp; alors elle luy rendit compte d’une voix fort basse de tout ce qui se passoit. L’Officier luy ayant ouvert, &amp; tenant ses deux Pistolets pour se garantir de toute surprise, examina en luy-mesme, tandis que la Servante prenoit l’argent dans l’armoire, ce qu’il pouvoit faire pour empescher le Fermier d’estre volé. Pendant ce temps, il luy passa dans l’esprit un dessein des plus hardis, mais digne d’un homme de cœur, &amp; qui devoit servir à faire connoistre qu’il n’y a point d’entreprise, quelque difficile qu’elle soit, qu’on ne puisse executer quand on a l’ame intrepide. Il dit à cette Servante qu’elle déliast le sac où estoit l’argent, &amp; qu’en entrant dans le lieu où les trois hommes masquez l’attendoient, elle se laissast tomber comme ayant fait un faux pas, ce qui feroit que l’argent se répandroit dans la Salle. Elle profita de l’instruction, &amp; l’argent s’estant répandu de tous costez par sa cheute, les Voleurs qui creurent que cette Servante n’estoit tombée que par un effet de sa frayeur, ne manquerent pas de prendre le soin de ramasser l’argent dispersé. Pendant qu’ils étoient baissez, l’Officier qui avoit suivi la Servante d’un peu loin, tira ses deux pistolets si à propos, qu’ayant percé deux de ces Voleurs, il les empescha de se relever, &amp; courut en mesme temps sur le troisiéme que l’avanture avoit étourdi, &amp; le saisit au coller, le serrant si bien avec l’aide du Fermier, qu’il ne luy fut pas possible de se tirer de leurs mains. On appella du secours, &amp; les deux blessez, ainsi que celuy qui ne l’estoit pas, furent tenus en lieu seur jusqu’à ce qu’on eust fait venir les Juges des lieux, au pouvoir desquels ils furent laissez. Cette action est d’une grande bravoure, &amp; merite les loüanges que tout le monde donne à l’Officier. Ainsi le Fermier se trouva recompensé avec beaucoup d’avantage du plaisir qu’il luy avoit fait en le recevant chez luy pendant une nuit fâcheuse.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_160" resp="wordpro">
          <head>[Imitation de la troisiéme Scene du quatriéme Acte du Pastor Fide]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 160-165.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye une imitation de la troisiéme Scene du quatriéme Acte du Pastor Fide, qui commence par, <hi rend="i">O Mirtillo, Mirtillo, anima mia.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Cher &amp; digne Sujet de ma mourante ardeur,</l>
              <l rend="i">Mirtil, si tu voyois dans le fond de mon cœur,</l>
              <l rend="i">Si cette Amarilis, que tu nommes cruelle,</l>
              <l rend="i"> Des tourmens qu’elle sent en elle</l>
              <l rend="i">Pouvoit te découvrir seulement la moitié,</l>
              <l> <hi rend="i">Touché de sa douleur extrême,</hi></l>
              <l rend="i">Je croy que tu serois sensible à la pitié</l>
              <l rend="i"> Que tu demandes pour toy-mesme.</l>
              <l rend="i">Helas ! nostre malheur peut-il estre exprimé ?</l>
              <l rend="i">Et peut-on en amour, peut-on en voir un autre</l>
              <l rend="i"> Aussi rigoureux que le nostre ?</l>
              <l rend="i">Car enfin, cher Mirtil, que te sert d’estre aimé,</l>
              <l rend="i">Si tu ne peux sçavoir le secret de mon ame,</l>
              <l rend="i">Et que me sert à moy de t’avoir enflammé,</l>
              <l rend="i">Si tu ne puis répondre à l’ardeur de ta flame ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Sauvages animaux, que vous estes heureux,</l>
              <l rend="i">De n’avoir en aimant d’autres regles à suivre</l>
              <l rend="i">Que le seul mouvement de vos cœurs amoureux !</l>
              <l rend="i"> Ah, qu’il est rigoureux de vivre</l>
              <l rend="i">Sous cette dure loy qui condamne l’amour,</l>
              <l rend="i">Et qui punit nos feux par la perte du jour !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Que si c’est un panchant si doux,</l>
              <l rend="i"> D’aimer ce que l’on trouve aimable,</l>
              <l rend="i">Et si de n’aimer pas c’est une loy pour nous,</l>
              <l rend="i"> La Nature est peu raisonnable</l>
              <l rend="i">De nous faire sentir un panchant plein d’appas,</l>
              <l rend="i"> Que la loy n’autorise pas ;</l>
              <l rend="i">Ou la loy doit passer pour une loy severe,</l>
              <l rend="i"> De nous condamner au trépas</l>
              <l rend="i">Pour un mal que l’instinct a rendu necessaire.</l>
              <l rend="i">Ah, ce n’est pas aimer que de craindre la mort.</l>
              <l rend="i">Ah, plust au Ciel, Mirtil, qu’à ce prix une Amante</l>
              <l rend="i"> Pust montrer son ardent transport,</l>
              <l rend="i"> Tu me verrois mourir contente</l>
              <l rend="i"> Rigoureuse Divinité,</l>
              <l rend="i"> Seule regle de nostre vie,</l>
              <l rend="i"> Honneur, voy que je sacrifie</l>
              <l rend="i"> A ta sainte severité</l>
              <l rend="i"> Mon amoureuse volonté.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Et toy, mon cher Mirtil, pardonne à cette ingrate,</l>
              <l rend="i"> Le soin qu’elle a de cacher son ardeur.</l>
              <l rend="i">Le Destin ne veut pas que cette ardeur éclate ;</l>
              <l rend="i">En paroissant cruelle elle trahit son cœur.</l>
              <l rend="i"> Si de ma feinte indifference</l>
              <l rend="i"> Tu veux tirer quelque vangeance,</l>
              <l rend="i">Tu n’es que trop vangé par ma propre douleur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Car enfin, cher Amant, digne objet de ma flame,</l>
              <l rend="i">S’il est vray que tu sois &amp; mon cœur &amp; mon ame,</l>
              <l rend="i">Comme tu l’es malgré les hommes &amp; les Dieux,</l>
              <l rend="i"> Quand tu pleures, quand tu soupires,</l>
              <l rend="i">Tous ces pleurs, c’est mon sang qui coule de tes yeux,</l>
              <l rend="i">Par ces soupirs brûlans c’est moy que tu déchires.</l>
              <l rend="i"> Enfin, ces soupirs &amp; ces pleurs</l>
              <l rend="i">Ces feintes cruautez, ces mortelles douleurs,</l>
              <l rend="i">Dont le sort &amp; l’amour te font sentir la rage,</l>
              <l rend="i">Je sçay, je sçay, Mirtil, à quel point tu les sens,</l>
              <l rend="i">Mais sçache que des traits encore plus perçans</l>
              <l rend="i"> Me les font sentir davantage.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_167" resp="mercure">
          <head>[Essay de Pseaumes &amp; de Cant.]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 167-173.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous me demandez mon sentiment sur le Livre nouveau qui paroist sous le titre de, Essay de Pseaumes &amp; de Cantiques, mis en Vers par une personne de vostre Sexe, &amp; vous croyez qu’il ne me doit pas estre inconnu, puis que c’est le Sr Brunet, Libraire au Palais, qui le debite. Je vous répondray là-dessus, Madame, que je l’ay lû en effet, &amp; lû avec beaucoup de plaisir ; mais quand il ne seroit pas tombé entre mes mains, j’aurois toujours sujet de vous dire, que l’applaudissement qu’il a eu dans les lectures particulieres, est une marque assurée de son merite. Il n’y a personne qui ne convienne que rien n’est plus beau, ny plus remply d’onction. C’est un avantage pour nostre Nation, qu’elle voye de temps en temps des Femmes capables de réussir avec tant de gloire dans les Ouvrages d’esprit. Les Vers de celuy-cy sont aisez, forts &amp; pleins, non seulement de sens, mais de pieté &amp; de religion. David dans les differens Pseaumes traduits y paroist en divers estats ; mais soit qu’il admire la grandeur de Dieu, soit qu’il luy demande pardon de l’adultere commis avec Bensabée, &amp; du meurtre d’Urie, soit aussi qu’il se plaigne de son Fils Absalon, ou d’Achitophel, son Amy, il exprime ses sentimens avec tant de force, &amp; avec des paroles si pressantes, qu’on ne peut s’empêcher d’estre surpris qu’une femme soit entrée si juste dans le coeur de ce Roy penitent. On voit dans le mesme Livre plusieurs autres Pseaumes, composez par differens Prophetes pendant la captivité en Babylone. On y a ajoûté les Pseaumes de la penitence, &amp; le Lecteur trouve en tout cela une éloquence vive, &amp; une pieté qui le persuade, qui le touche, &amp; qui le remplit de sentimens de vertu. Les Cantiques ne sont pas moins admirables. On en sera mieux persuadé par soy-mesme en les lisant, que par tout ce que j’en pourrois dire. J’ajoûteray seulement qu’on ne peut lire rien de plus énergique, &amp; de plus touchant que le Cantique où Moyse predit aux Juifs leur cheute dans l’Idolatrie, lors qu’ils seront Possesseurs de la Terre promise, &amp; les maux qu’il s’attireront par leur infidelité. Il est à souhaiter que la mesme personne nous donne tous les autres Pseaumes de la mesme Version. Elle nous cache son nom, mais si le bruit commun est veritable, c’est une Demoiselle qui a plusieurs talens, &amp; qui excelle dans d’autres aussi-bien qu’en ceux de Poësie. J’oubliois de vous dire que le sujet des Pseaumes est parfaitement exprimé dans de belles Estampes, qui par avance font connoistre au Lecteur ce qu’il va lire. Le Public luy doit sçavoir bon gré d’un Ouvrage qui fait honneur à nostre Langue &amp; à nostre Nation, &amp; qui luy donnera tout ensemble de l’utilité &amp; du plaisir.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_173" resp="wordpro">
          <head>Stances</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 173-176.</bibl>
          <p/>
          <p>Nous sommes sur une matiere de Vers, &amp; elle me fait souvenir de vous envoyer ceux-cy, dont la maladie d’une fort aimable personne fait le sujet.</p>
          <quote>
            <label>STANCES.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Amour, peux-tu voir sans douleur</hi></l>
              <l rend="i">Qu’une maladie insolente</l>
              <l rend="i">Ose accabler de sa rigueur</l>
              <l rend="i">Cloris, dont la beauté naissante</l>
              <l rend="i">T’a rendu maistre de mon cœur ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Peux-tu voir obscurcir ces yeux</l>
              <l rend="i">Pleins de douceur &amp; de tendresse,</l>
              <l rend="i">Plus brillans que l’Astre des Cieux,</l>
              <l rend="i">Qui te faisoient par la Jeunesse</l>
              <l rend="i">Dresser des Autels en tous lieux ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Peux-tu voir, insensible Amour,</l>
              <l rend="i">Ternir l’éclat de ce visage,</l>
              <l rend="i">Pour qui chacun te fait la cour,</l>
              <l rend="i">Et qui paroist la vive image</l>
              <l rend="i">De celle qui t’a mis au jour ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Haste-toy de la secourir,</l>
              <l rend="i">Si tu veux défendre ta gloire.</l>
              <l rend="i">En la laissant longtemps souffrir,</l>
              <l rend="i">Renonce enfin à la Victoire,</l>
              <l rend="i">Tu n’as plus rien à conquerir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais si tu défens ses appas</l>
              <l rend="i">De toutes les douleurs cruelles</l>
              <l rend="i">Qui nous conduisent au trépas,</l>
              <l rend="i">Devant toy les ames rebelles</l>
              <l><hi rend="i">Mettront toujours les armes bas.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cloris a droit de tout charmer,</l>
              <l rend="i">Jadis Helene si vantée,</l>
              <l rend="i">Dont les attraits firent armer</l>
              <l rend="i">Toute l’Asie épouvantée,</l>
              <l rend="i">Ne se faisoit pas tant aimer.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> On ne sçauroit blâmer Pâris</l>
              <l rend="i">D’avoir toujours gardé sa proye,</l>
              <l rend="i">Quoy que sa mort en fust le prix,</l>
              <l rend="i">Mais il estoit plus beau que Troye</l>
              <l rend="i">Perist pour défendre Cloris.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Viens donc luy donner un secours,</l>
              <l rend="i">Où ma tendresse te convie ;</l>
              <l rend="i">La mort ne peut finir le cours</l>
              <l rend="i">De sa belle &amp; charmante vie,</l>
              <l rend="i">Sans terminer aussi mes jours.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_176" resp="wordpro">
          <head>Le Noble Exercice de la Tabatiere</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 176-180.</bibl>
          <p/>
          <p>Il s’est passé depuis peu de jours une galanterie fort ingenieuse qui merite que je vous en fasse part. Quelques Officiers de retour de la Campagne, estant allez rendre visite à une Dame qui n’est pas moins spirituelle qu’elle a d’agrément dans sa personne, elle remarqua que l’un d’entr’eux prenoit du Tabac avec toutes les petites façons qui sont ordinaires aux jeunes gens, ce qui luy donna occasion de luy dire d’une maniere enjoüée qu’elle n’avoit encore veu personne qui fist mieux que suy l’exercice de la Tabatiere. Cette façon de parler l’ayant surpris, il pria la Dame de luy vouloir expliquer en quoy consistoit cet exercice. Elle répondit qu’il s’apprenoit de la mesme sorte que celuy du Mousquet &amp; de la Pique, &amp; qu’il y avoit une Academie que l’on avoit établie depuis peu de temps pour l’enseigner. Afin de le confirmer dans cette croyance, elle demanda qu’on luy permist d’entrer dans son Cabinet, où ayant composé sur l’heure les quatorze Articles qui suivent, elle les vint lire à la Compagnie.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">LE NOBLE EXERCICE</hi><lb /><hi rend="i">de la Tabatiere.</hi></label>
            <p>Prenez la Tabatiere de la main droite.</p>
            <p>Passez la Tabatiere dans la main gauche.</p>
            <p>Frapez sur la Tabatiere.</p>
            <p>Ouvrez la Tabatiere.</p>
            <p>Presentez la Tabatiere à la Compagnie.</p>
            <p>Retirez à vous la Tabatiere.</p>
            <p>Tenez toujours la Tabatiere ouverte.</p>
            <p>Rassemblez le Tabac dans la Tabatiere, en frapant la Tabatiere à costé.</p>
            <p>Pincez le Tabac proprement de la main droite.</p>
            <p>Tenez quelque temps le Tabac dans les doigts avant que de le porter au nez.</p>
            <p>Portez le Tabac au nez.</p>
            <p>Reniflez avec justesse des deux narines, &amp; sans grimace.</p>
            <p>Eternuez, toussez, crachez.</p>
            <p>Fermez la Tabatiere.</p>
          </quote>
          <p>Tout le monde donna de grandes loüanges à cette galanterie, &amp; la justesse des termes que la Dame avoit employez pour le prétendu exercice de la Tabatiere, par rapport à celuy des armes, réjoüit fort tous ceux qui les entendirent.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_188" resp="wordpro">
          <head>Le Caractere de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Ménage. A Madame de ***</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 188-204.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy qu’il y ait déja quelque temps que l’illustre M<hi rend="sup">r</hi> Menage est mort, &amp; que je vous en aye parlé assez amplement, je croy devoir vous faire part de l’Ouvrage que vous allez lire, &amp; qui m’est tombé depuis peu de jours entre les mains. Il seroit à souhaiter que chacun écrivist ainsi sur tous les Grands Hommes.</p>
          <quote>
            <label>LE CARACTERE<lb />de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Menage.<lb /><hi rend="i">A MADAME DE</hi> ***</label>
            <p><hi rend="i">J’avois satisfait, Madame, à la promesse que je vous fis lors que je quittay la Province, de vous mander la mort des Sçavans, &amp; ce que la Renommée publioit à leur avantage, en vous écrivant celle de M<hi rend="sup">r</hi> Menage ; mais comme vous m’avez marqué que vous souhaitiez des instructions plus particulieres que celles que je vous ay données sur cet illustre Auteur, j’ay consenti, Madame, à me dérober pour quelque temps aux obligations de mon employ, pour vous donner une idée moins confuse du merite de M<hi rend="sup">r</hi> Menage, &amp; vous apprendre en quoy consistoit veritablement son caractere. C’est avec justice qu’on l’appelle en vostre Province, le Varron de nostre siecle, &amp; quoy que j’aye peu de foy à la justesse des jugemens de vos Provinciaux, je ne laisse pas de confirmer en cette occasion leur sentiment. Ma complaisance n’ira pas cependant assez loin pour croire avec vous que M<hi rend="sup">r</hi> de … soit autheur de cette pensée, il a fait ce jugement sur la foy publique, &amp; le peu de commerce qu’il a eu avec Varron, m’empesche de donner dans votre sentiment. Nous n’avons presque plus rien de cet illustre Ancien. Les temps nous ont enlevé ces tresors de litterature, &amp; nous ne connoissons guere ce grand homme que par les citations des Anciens, &amp; les éloges que luy ont donnez les Auteurs qui nous restent aujourd’huy,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vous voyez, Madame, comme un petit particulier s’attribuë les jugemens du public ; &amp; comme il est aisé, dés que l’on vit éloigné de l’empire des Lettres, de faire passer pour pensées neuves, des pensées usées, &amp; dont les Auteurs sont souvent ensevelis depuis plusieurs siecles.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais quoy qu’il en soit, Madame, celuy qui a comparé le premier M<hi rend="sup">r</hi> Menage à Varron, a parfaitement bien pensé. M<hi rend="sup">r</hi> Menage estoit universel aussi bien que cet Ancien. Il possedoit à fond une infinité de sciences, dont une seule auroit suffi pour luy faire une réputation considerable. Il estoit comme Varron bon Grammairien, Historien exact, excellent Critique, Philosophe, Juris-Consulte, grand Poëte, &amp; avoit comme luy une connoissance parfaite des Langues les plus estimées. Enfin M<hi rend="sup">r</hi> Menage a sceu tout ce que sçavoit Varron, &amp; les découvertes de ces derniers temps ont appris bien des choses à M<hi rend="sup">r</hi> Menage que l’on peut croire avec fondement avoir esté inconnuës à Varron. Vous n’auriez jamais crû que j’eusse enchery sur les jugemens du public ; &amp; vous me connoissez si reservé dans mes sentimens, que je suis persuadé que la préference que je fais de M<hi rend="sup">r</hi> Menage à Varron, vous paroistra quelque chose de nouveau ; mais vous avez trop de connoissance de l’estat où les sciences estoient dans l’antiquité, pour ignorer qu’elles ont esté perfectionnées depuis ce temps-là, &amp; que l’avantage qu’a eu M<hi rend="sup">r</hi> Menage de vivre dans ces derniers temps, l’a mis en estat d’apprendre une infinité de choses que Varron a pû ignorer sans s’exposer à la critique de sa posterité.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais je ne m’apperçois pas que je fais insensiblement le paralelle de ces deux grands hommes, &amp; qu’en voulant vous faire connoistre Varron, j’oublirois la priere que vous m’avez faite de vous faire connoistre M<hi rend="sup">r</hi> Menage.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je vous ay dit, Madame, que que M<hi rend="sup">r</hi> Menage estoit bon Grammairien. Tout le monde convient, qu’il excelloit dans sa langue, &amp; qu’il est un de ceux qui ont le plus contribué à la mettre dans la perfection où elle est aujourd’huy. Il avoit outre cela un talent particulier pour découvrir les origines des mots ; il sembloit même avoir l’esprit fait pour cette sorte de science, &amp; l’on peut assurer sans injustice qu’il estoit le premier homme du Royaume pour les étimologies.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il avoit une connoissance parfaite de l’Histoire. On ne le voyioit point confondre les faits ny l’ordre des temps, il faisoit des réflexions sur les grandes actions, &amp; sçavoit-tirer une morale generale d’un fait particulier. J’ay toûjours regardé comme une chose rare que l’étenduë de sa memoire n’eust point gasté la solidité de son jugement, &amp; qu’il sceust également rapporter un fait, &amp; en découvrir les motifs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">M<hi rend="sup">r</hi> Menage n’a pas moins excellé dans la Critique, que dans une infinité d’autres connoissances qui immortaliseront son nom dans l’empire des Lettres. Ses observations sur Diogene-Laerce &amp; sur M<hi rend="sup">r</hi> Malherbe, sont des preuves convaincantes de son bon goust dans tous les genres de litterature les plus opposez. Sa fameuse requeste des Dictionaires à Messieurs de l’Academie Françoise, est un ouvrage plein de feu, d’esprit &amp; de pensées vives, &amp; dont je ne sçaurois vous faire un éloge plus complet, qu’en vous assurant que l’Academie Françoise luy en a témoigné pendant tout le cours de sa vie un profond ressentiment. Le dernier Ouvrage de Critique que M<hi rend="sup">r</hi> Menage a donné au public, est une espece de défense de ses œuvres &amp; de ses mœurs, qu’un Autheur peu scrupuleux avoit attaquées ; on y voit, comme dans tous ses ouvrages, des raisons solides, &amp; un fond de Christianisme à l’épreuve des duretez de son adversaire.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Quoy que M<hi rend="sup">r</hi> Menage n’ignorast point les opinions des Anciens, la nouvelle Philosophie estoit le sujet le plus ordinaire de ses méditations. Il avoit une passion extrême pour les experiences de Physique, &amp; se plaisoit particulierement à découvrir les operations de la nature.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il parloit de la Religion en vray sçavant, sans y mesler les subtilitez de l’Ecole, ou l’affectation des termes extraordinaires &amp; peu connus.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Il sçavoit assez de Juris-prudence pour faire croire à ceux qui n’estoient pas parfaitement instruits de l’estenduë de son merite, qu’il en avoit toûjours fait son capital, &amp; parloit avec tant de facilité, qu’on eust crû que l’éloquence estoit son unique occupation.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Entre tant de grandes qualitez qui rendoient M<hi rend="sup">r</hi> Menage l’homme le plus accomply de son siecle, il a paru dans tous les genres de Poësie comme un homme singulier. Il est ordinaire de trouver des Poëtes qui reusissent parfaitement dans certains sujets &amp; qui ne sortant jamais des bornes de leur caractere, soûtiennent toûjours sur un mesme pied la réputation qu’ils ont acquise, &amp; s’attirent encore dans un âge avancé les mesmes applaudissements qu’avoient merité leurs premiers Ouvrages, mais de trouver un Poëte qui sçache également plaire dans le serieux, &amp; l’enjoüement, la delicatesse &amp; le merveilleux, c’est l’ouvrage de plusieurs siecles, &amp; un de ces presens rares de la nature que l’on peut dire qu’elle ne confie qu’à ses favoris. Ce talent particulier pour la Poësie qu’avoit M<hi rend="sup">r</hi> Menage, n’estoit pas renfermé dans les termes de sa langue ; il s’estendoit aussi sur celles qui ont le plus de cours dans l’empire des Lettres ; il n’estoit pas moins bon Poëte Latin que François, ny Poëte Grec qu’Italien ; il connoissoit parfaitement les beautez de toutes les Langues, &amp; sçavoit employer dans ses Poësies tout ce que chaque langue a de force, &amp; de graces particulieres.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Ainsi, Madame, vous voyez que M<hi rend="sup">r</hi> Menage estoit un de ces hommes peu communs, &amp; que leur rare capacité met également au dessus des éloges qu’on peut leur donner, &amp; à couvert des traits de l’envie. Je me disposois à finir, &amp; je croyois avoir entierement satisfait à ce que vous avez exigé de moy ; mais je viens de me souvenir que je vous ay promis dans le commencement de ma Lettre, de vous apprendre quel estoit le vray caractere de M<hi rend="sup">r</hi> Menage. Je m’apperçoy déja que vous vous defiez de mes lumieres, &amp; que vous estes persuadée que j’auray de la peine à trouver le caractere d’un homme qui réunissoit en sa personne, tant de qualitez qui paroissent incompatibles. Vous avez veu, Madame, que M<hi rend="sup">r</hi> Menage joignoit à beaucoup de justesse, tout ce que l’imagination a de plus vif &amp; de plus brillant, qu’il avoit autant de solide que d’enjoûment, &amp; qu’il n’estoit pas moins heureux à concevoir les sciences qu’à produire de luy-mesme. Vous me croyez embarassé, Madame, à decider laquelle de toutes ces qualitez luy estoit la plus essentielle. Vous tremblez pour moy, &amp; vous voudriez pour mon honneur que j’eusse fermé ma Lettre, dans la crainte où vous estes que j’aye de la peine à la bien finir, mais vous n’en aurez pas à revenir de l’embarras où vous estes, quand je vous auray dit que le vray caractere de M<hi rend="sup">r</hi> Menage estoit d’estre universel.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_221" resp="wordpro">
          <head>[Sonnets]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 221-226.</bibl>
          <p/>
          <p>Aprés vous avoir parlé des Morts, il est juste de vous parler des Vivans. La Victoire que nous avons remportée à la Marsaille, a esté si glorieuse &amp; si avantageuse à la France, qu’il n’y a personne qui se taise là dessus, &amp; qui ne cherche à donner à M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Catinat les loüanges qu’il merite. Vous ne serez pas fâchée de voir ce que M<hi rend="sup">r</hi> Moreau, Avocat General de la Chambre des Comptes de Dijon, a fait sur cette Victoire. Son heureux talent pour la Poësie vous est connu par beaucoup d’autres Ouvrages.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> LE MARESCHAL<lb />de Catinat.<lb /><hi rend="i">SONNET.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">Commander en Vainqueur &amp; combattre en Soldat,</l>
              <l rend="i">Intrepide aux dangers, invincible à la peine,</l>
              <l rend="i">Prompt, vif, cherchant par tout &amp; la gloire &amp; l’éclat,</l>
              <l rend="i">Par là Condé parut un vaillant Capitaine.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vaincre les Ennemis sans leur donner combat ;</l>
              <l rend="i">Détruire leur Armée en conservant la sienne,</l>
              <l rend="i">Attaquer à propos, n’agir que pour l’Etat,</l>
              <l rend="i">Sage, tranquille, égal, c’est ce que fit Turenne.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">De leurs illustres faits l’éternel souvenir</hi></l>
              <l rend="i">Rendra leurs noms fameux aux siecles à venir ;</l>
              <l rend="i">Mais pour toy, Catinat, si vanté dans le nostre,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que ne dira-t-on pas en lisant tes exploits,</l>
              <l rend="i">Où tu fais seul renaistre &amp; briller à la fois</l>
              <l rend="i">La sagesse de l’un, &amp; la valeur de l’autre ?</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cet autre Sonnet est aussi adressé à M<hi rend="sup">r</hi> le Marechal de Catinat, &amp; fait par M<hi rend="sup">r</hi> Jourdain, Professeur d’Eloquence au College du Cardinal le Moine.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA BATAILLE<lb />de la Marsaille, gagnée sur les Italiens, les Espagnols, &amp; les Allemans.</label>
            <lg>
              <l rend="i">De trois Illustres Chefs l’adroite vigilance</l>
              <l rend="i">Observoit en tous lieux tes pas, tes campemens,</l>
              <l rend="i">Et sans bien penetrer tous tes ménagemens,</l>
              <l rend="i">Se flatoit, Catinat, d’insulter nostre France.</l>
              <l rend="i">Mais par ce nouveau coup de ta rare prudence,</l>
              <l rend="i">De ta valeur si sage en tous ses mouvemens,</l>
              <l rend="i">Tu viens de leur apprendre en tres-peu de momens</l>
              <l rend="i">Ce que peut d’un Guerrier la plus haute science.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par là l’Italien voit sa ruse avorter,</l>
              <l rend="i">L’intrepide Germain son courage dompter,</l>
              <l rend="i">Et le fier Espagnol son arrogance vaine.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">On te doit, grand Heros, double prix, double honneur</l>
              <l rend="i">Pour ce coup où tu fais en parfait Capitaine,</l>
              <l rend="i">Triompher ta sagesse ainsi que ta valeur.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_227" resp="wordpro">
          <head>A M<hi rend="sup">r</hi> Fagon</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 227-228.</bibl>
          <p/>
          <p>La Madrigal qui suit vous fera connoistre qu’en vous parlant la derniere fois avec éloge de M<hi rend="sup">r</hi> Fagon, sur ce qu’il a plû à Sa Majesté de le choisir pour son premier Medecin, je n’ay fait que m’accommoder à la voix publique. M<hi rend="sup">r</hi> Diereville en est l’Auteur.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> FAGON.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Enfin, docte Fagon, nos vœux sont accomplis ;</l>
              <l rend="i"> Le puissant Monarque des Lis</l>
              <l rend="i"> Vient de contenter nostre envie,</l>
              <l rend="i">Il a remis sur vous le soin de sa santé.</l>
              <l> <hi rend="i">Quel autre auroit mieux merité</hi></l>
              <l rend="i">L’honneur de conserver une si belle vie ?</l>
              <l rend="i">Cet invincible Roy ne pouvoit faire un choix</l>
              <l> <hi rend="i">Plus judicieux, ny plus sage ;</hi></l>
              <l rend="i"> S’il eust fallu nostre suffrage,</l>
              <l rend="i"> Vous eussiez eu toutes nos voix.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_253" resp="wordpro">
          <head>[Pratique curieuse, ou les Oracles des Sybilles sur chaque question proposée]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 253-255.</bibl>
          <p/>
          <p>Si vos Amies veulent passer agreablement quelques momens aprés le repas, qui est le temps qu’on donne ordinairement à la conversation dans les Familles, elles feront bien de faire acheter <hi rend="i">La Pratique curieuse</hi>, ou <hi rend="i">les Oracles des Sybilles sur chaque question proposée</hi>, que commence à debiter le S<hi rend="sup">r</hi> Brunet, Libraire au Palais. C’est un Livre tiré des Manuscrits de la Bibliotheque de feu M<hi rend="sup">r</hi> Comiers, qui ne peut manquer de donner beaucoup de plaisir à ceux qui s’an serviront, puis que l’on y trouve la réponse à des questions sur toutes les choses qui excitent la curiosité de ceux qui souhaitent d’estre éclaircis sur mille affaires ou entreprises qui les regardent, ou ausquelles ils prennent quelque interest. Ce n’est pas que l’on doive ajoûter foy aux décisions qu’on y rencontre, mais la pluspart donnent lieu à dire des choses qui divertissent, soit pour les promesses agreables dont on est flaté, soit pour les fâcheux évenemens dont on reçoit la menace. Chaque réponse sur ce qu’on a envie de sçavoir, &amp; que l’on tire au hazard, est renfermée en quatre Vers, qui ont un tour fort aisé.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1693-12_331" resp="mercure">
          <head>[Opera nouveau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1693 [tome 15], p. 331-335.</bibl>
          <p/>
          <p>On jouë un Opera nouveau intitulé <hi rend="i">Medée</hi>. C’est un sujet consacré par l’antiquité, &amp; qui a reçu l’approbation de tous les siecles. Ainsi on ne peut rien trouver à redire au fond de son sujet, ny aux caracteres que les Anciens nous en ont donnez. Quoy qu’il soit fort difficile de traiter dans un Opera une matiere aussi ample que dans une Tragedie ordinaire, parce qu’un Opera contient moins de Vers qu’il n’en faudroit pour deux Actes d’une Tragedie qui ne seroit pas en musique, on peut dire que l’opera de Medée &amp; celuy de Bellerophon du mesme Auteur, sont aussi remplis de sujet qu’aucune autre piece de Theatre que nous ayons. Les passions y sont si vives, &amp; sur tout dans Medée, que quand ce rôle ne seroit que recité, il ne laisseroit pas de faire beaucoup d’impression sur l’esprit des auditeurs. Jugez si ayant donné lieu à faire de belle Musique, Mademoiselle Rochois, l’une des meilleures Actrices du monde, &amp; qui jouë avec chaleur, finesse &amp; intelligence, brille dans ce personnage &amp; en fait bien valoir les beautez. Tout Paris est charmé, de la maniere dont cette excellente Actrice le jouë, &amp; on ne peut se lasser de l’admirer. Cet Opera a esté mis en Musique par Mr. Charpentier, dont depuis vingt ans on a vû mille endroits de sa Musique qui ont ravy dans diverses pieces de Theatre. Le Mariage forcé, le Malade Imaginaire, Circé, &amp; l’Inconnu en font foy. Il y a dans ces premieres deux Airs Italiens qui charment, de mesme que celuy de l’Opera de Medée. On ne doit pas en estre surpris, Mr Charpentier ayant appris la Musique en Italie, sous le <hi rend="i">Charissimi</hi>, dont Mr de Lulli a esté aussi disciple. Ainsi l’on ne peut nier qu’ils ayent puisé l’un &amp; l’autre dans la mesme source. Les veritables Connoisseurs trouvent quantité d’endroits admirables dans l’Opera de Medée. Mr Charpentier qui l’a fait graver, eut l’honneur de le presenter au Roy il y a quelques jours, &amp; Sa Majesté luy dit <hi rend="i">qu’Elle estoit persuadée qu’il estoit un habile homme, &amp; qu’Elle sçavoit qu’il y avoit de tres-belles choses dans son Opera</hi>. Quoy que l’on n’en ait encore donné que neuf ou dix representations, Monseigneur le Dauphin y est déjà venu deux fois ; &amp; Son Altesse Royale Monsieur l’a vû quatre fois. Il a eu la destinée des beaux Ouvrages, contre lesquels l’envie se declare d’abord ; mais ils en brillent aprés davantage. C’est ce qui est arrivé à plusieurs Opera de Mr de Lulli, qui ont esté ensuite l’admiration de tout Paris. On ne voit jamais l’envie s’attacher aux Ouvrages mediocres, &amp; ils ont leurs cours sans que l’on pense à en dire ny bien, ny mal. Les décorations &amp; les habits de l’Opera de Medée sont de Mr Berin. Sa reputation &amp; son sçavoir sont si confirmez sur ces deux articles, que je ne pourrois vous en dire davantage sans luy faire tort.</p>
        </div>
      </div>
    </body>
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</TEI>