livraisons/MG_1690.xml

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      <titleStmt>
        <title>Mercure Galant, 1690</title>
      </titleStmt>
      <editionStmt>
        <edition>OBVIL/IREMUS</edition>
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          <name>Anne Piéjus</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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        <respStmt>
          <name>Nathalie Berton-Blivet</name>
          <resp>Responsable d’édition</resp>
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      <publicationStmt>
        <publisher>Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL</publisher>
        <date when="2016"></date>
        <availability status="restricted">
          <licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
            <p>Copyright © 2016 Université Paris-Sorbonne, agissant pour le Laboratoire d’Excellence « Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
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          </licence>
        </availability>
      </publicationStmt>
      <sourceDesc>
        <bibl><title>Mercure Galant</title>, <publisher>Charles de Sercy</publisher>, <date>1690</date>.</bibl>
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        <date when="1690"></date>
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  <text>
    <body>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-01">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, janvier [tome 1], 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_007" resp="wordpro">
          <head>Clovis à Louis le Grand</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 7-30.</bibl>
          <p></p>
          <p>Nous entrons dans une Année, où il semble que l’on se prépare à voir les plus grands évenemens qui ayent jamais fait ouvrir les yeux à toute l’Europe. Ce n’est point à moy à raisonner sur ce qui fait aujourd’huy l’entretien des Politiques, mais je croy du moins qu’il me peut estre permis de vous faire part de ce que le premier Roy Chrestien des François a auguré en faveur du plus auguste &amp; du plus puissant de ses Successeurs. M<hi rend="sup">r</hi> Magnin, Conseiller Honoraire au Presidial de Mascon, &amp; l’un des Academiciens de l’Academie Royale d’Arles, est l’Auteur du petit Poëme que vous allez lire. Son zele ne doit point vous étonner. Vous sçavez qu’il n’a point trouvé d’occasions de donner au Roy les Eloges qu’il merite, sans faire voir qu’il n’y eut jamais Sujet plus touché que luy de la gloire de son Souverain.</p>
          <quote>
            <label>CLOVIS<lb />A LOUIS<lb />LE GRAND.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Heros, formé du sang le plus pur de mes veines,</l>
              <l rend="i">Pour servir de modelle aux grandeurs Souveraines.</l>
              <l rend="i">Monarque dont la gloire, en charmant l’Univers,</l>
              <l rend="i">Attire les regards de cent Peuples divers ;</l>
              <l rend="i">Tes travaux, tes vertus, &amp; tes Exploits de guerre,</l>
              <l rend="i">Ne t’ont pas seulement distingué sur la terre,</l>
              <l rend="i">Au bruit que fait ton Nom tes illustres Ayeux,</l>
              <l rend="i">Du celeste séjour, jettent sur toy les yeux.</l>
              <l rend="i">Tu ne l’ignores pas ; ma grandeur triomphante</l>
              <l rend="i">Fut comme le signal de ta grandeur presente.</l>
              <l rend="i">Aprés avoir fondé l’Empire des François,</l>
              <l rend="i">Veu ses destins divers rouler de Rois en Rois,</l>
              <l rend="i">Ses Guerriers, la terreur &amp; la gloire du monde,</l>
              <l rend="i">Du bruit de leurs Exploits remplir la Terre &amp; l’Onde,</l>
              <l rend="i">Craint par mille revers, frequens chez les mortels,</l>
              <l rend="i">La cheute de ton Trône, &amp; celle des Autels,</l>
              <l rend="i">Quand les armes en main la cruelle Heresie</l>
              <l rend="i">Signaloit par le sang sa noire frenesie ;</l>
              <l rend="i">Puis-je voir tes Etats heureux &amp; florissans,</l>
              <l rend="i">Braver de tes Rivaux les efforts impuissans,</l>
              <l rend="i">Tes Sujets, par tes soins &amp; par ta vigilance,</l>
              <l rend="i">Toûjours seurs de la paix, contens de l’abondance ;</l>
              <l rend="i">Ce repos immortel, dont le calme asseuré</l>
              <l rend="i">Sur celuy de ton ame est peint &amp; mesuré ?</l>
              <l rend="i">Puis-je voir ta sagesse immuable &amp; profonde,</l>
              <l rend="i">Balancer le destin des Puissances du monde,</l>
              <l rend="i">Répondre en un instant à mille soins divers,</l>
              <l rend="i">En reglant tes Etats, regler tout l’Univers,</l>
              <l rend="i">Entrer dans le secret de toutes les intrigues,</l>
              <l rend="i">Prevenir les desseins des plus puissantes ligues,</l>
              <l rend="i">Puis-je te voir enfin si grand, si genereux,</l>
              <l rend="i">A force de Vertus, estre toujours heureux,</l>
              <l rend="i">Sans parler des transports de ma juste allegresse</l>
              <l rend="i">Avecque les Mortels que ta gloire interesse ?</l>
              <l rend="i">Du Trône où tu te sieds Auguste fondateur,</l>
              <l rend="i">Je partage avec toy la dignité, l’honneur.</l>
              <l rend="i">Je vois avec plaisir par combien de miracles,</l>
              <l rend="i">Ton beau regne répond à tant d’heureux oracles ;</l>
              <l rend="i">Mais je ne trouve pas, lors qu’on te nomme Grand,</l>
              <l rend="i">Que l’on comprenne assez d’où ce surnom dépend.</l>
              <l rend="i">Foibles adorateurs des Puissances humaines,</l>
              <l rend="i">Vous ne leur donnerez que des loüanges vaines,</l>
              <l rend="i">Si vos Heros, jaloux des titres immortels,</l>
              <l rend="i">Ne les ont établis sur la foy des Autels,</l>
              <l rend="i">S’ils ne rapportent pas au Dieu qui les couronne,</l>
              <l rend="i">Les pompeuses grandeurs que le monde leur donne.</l>
              <l rend="i">Non, tous ces faux brillans ne leur servent de rien,</l>
              <l rend="i">Le veritable Grand doit estre tres-Chrestien ;</l>
              <l rend="i">Il vaut plus ce beau nom, que mille Exploits de Guerre ;</l>
              <l rend="i">Quand on me le donna, j’estois le seul en terre,</l>
              <l rend="i">De tant de Potentats dont on vantoit la foy,</l>
              <l rend="i">Il n’en estoit aucun de fidelle que moy.</l>
              <l rend="i">Du perfide Arius la coupable doctrine</l>
              <l rend="i">Ostant à l’homme-Dieu son essence divine,</l>
              <l rend="i">Son erreur triomphante, avoit en mesme temps,</l>
              <l rend="i">De la Religion sappé les fondemens,</l>
              <l rend="i">Quand brûlant d’un saint Zele en ce desordre extrême,</l>
              <l rend="i">Clotilde m’inspira le desir du Baptesme.</l>
              <l rend="i">Si le monde aujourd’huy n’a plus de ces erreurs,</l>
              <l rend="i">La vaine ambition a tant de Sectateurs,</l>
              <l rend="i">Qu’à force d’animer l’injuste jalousie,</l>
              <l rend="i">La Politique a fait ce que fit l’Heresie.</l>
              <l rend="i">Quand tout est soulevé, tout armé contre toy ;</l>
              <l rend="i">On voit que dans son centre on attaque la Foy.</l>
              <l rend="i">Qui se met en estat, hors toy, de la défendre ?</l>
              <l rend="i">A quel enchantement se laisse-t-on surprendre,</l>
              <l rend="i">En faisant une ligue avec des Ennemis,</l>
              <l rend="i">Moins que les Ottomans, à l’Eglise soûmis,</l>
              <l rend="i">Voulant faire éclipser le Soleil de la France</l>
              <l rend="i">Pour redonner l’éclat au Croissant de Bisance ?</l>
              <l rend="i">Ligue où Rome concourt, à faire détrôner</l>
              <l rend="i">Un Roy Saint, qu’elle doit, &amp; plaindre, &amp; couronner,</l>
              <l rend="i">Et de l’Vsurpateur secondant l’entreprise,</l>
              <l rend="i">Etonne l’Univers, &amp; fait gemir l’Eglise.</l>
              <l rend="i">Quand on vous instruira de cette verité,</l>
              <l rend="i">Vous ne la croirez pas, sage Posterité.</l>
              <l rend="i">Non, non, le champ est pur, l’erreur en est bannie,</l>
              <l rend="i">La main de l’Ennemi sema la Zizanie ;</l>
              <l><hi rend="i">Le Pontife Zelé, bon &amp; vieux à la fois,</hi></l>
              <l rend="i">Méconnut du serpent, &amp; la ruse &amp; la voix,</l>
              <l rend="i">Direz-vous ; mais LOVIS, par sa sagesse extrême,</l>
              <l rend="i">A sceu vous prévenir, il parle tout de mesme,</l>
              <l rend="i">Il voit &amp; plaint l’erreur, &amp; sans estre en courroux</l>
              <l rend="i">Il se met en défense, &amp; seul &amp; contre tous.</l>
              <l rend="i">C’est là de ta grandeur le chef-d’œuvre admirable,</l>
              <l rend="i">LOVIS, les autres Grands ne font rien de semblable,</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy mesme encore à leur ambition</l>
              <l rend="i">Ils font ceder les droits de la Religion.</l>
              <l rend="i">Ce Simbole de Paix, ce nom de Catholique,</l>
              <l rend="i">Aux dépens de l’Eglise arme la Politique,</l>
              <l rend="i">Mais plus ils font d’efforts, plus on voit ta grandeur,</l>
              <l rend="i">Ton calme les agite, il les met en fureur.</l>
              <l rend="i">Qu’ils viennent tous en foule attaquer ta frontiere,</l>
              <l rend="i">Elle ne fut jamais plus forte, plus entiere.</l>
              <l rend="i">Croyent-ils avoir à faire à des Turcs effraiez ?</l>
              <l rend="i">S’ils t’ont causé des frais, ils les ont bien payez.</l>
              <l rend="i">Foibles &amp; querelleux, que peuvent-ils pretendre ?</l>
              <l rend="i">Ce que tu leur as pris, ils sont à le reprendre,</l>
              <l rend="i">Et lors que tu voudras les en laisser joüir,</l>
              <l rend="i">Y pourront-ils trouver de quoy se réjoüir ?</l>
              <l rend="i">Ces peuples malheureux, ruinez sans ressource,</l>
              <l rend="i">Sçauront que de leurs maux ils sont l’unique source,</l>
              <l rend="i">Et de leur vain orgueil detestant la fureur,</l>
              <l rend="i">Ils ne les verront point sans haine, sans horreur.</l>
              <l rend="i">On la sçaura par tout, cette tragique Histoire,</l>
              <l rend="i">Qui les couvre de honte, &amp; te comble de gloire.</l>
              <l rend="i">Qu’ont-ils fait, dira-t-on, sinon de rehausser</l>
              <l rend="i">La grandeur du Heros, qu’ils pensoient abaisser ?</l>
              <l rend="i">L’Espagne, l’Angleterre ; &amp; le corps Germanique,</l>
              <l rend="i">Tout le Nord, la Hollande, heureuse Republique,</l>
              <l rend="i">Qui croiroit que la France eust deu ne perir pas,</l>
              <l rend="i">Avec tant d’ennemis, à la fois sur les bras ?</l>
              <l rend="i">Mais loin de l’affoiblir, sa force est redoublée,</l>
              <l rend="i">Une si grande attaque à peine l’a troublée,</l>
              <l rend="i">En vain de toutes parts le Tonnerre a grondé,</l>
              <l rend="i">LOVIS la défendoit, qu’a-t-elle apprehendé ?</l>
              <l rend="i">Tandis qu’on nous chassoit de nos Bourgs, de nos Villes,</l>
              <l rend="i">Son Peuple avoit des jours &amp; des nuits si tranquilles,</l>
              <l rend="i">Qu’il entendoit le bruit des guerres, des combats,</l>
              <l rend="i">Comme un évenement qui ne le touchoit pas.</l>
              <l rend="i">Mais, ajoûteront-ils, le moyen que la France</l>
              <l rend="i">N’eust pas de son bonheur une entiere assurance ?</l>
              <l rend="i">Le Roy, qui prenoit soin d’établir son repos</l>
              <l rend="i">Estoit né pour donner des leçons aux Heros.</l>
              <l rend="i">Sa sagesse reglant sa grandeur de courage,</l>
              <l rend="i">Il en faisoit toûjours un équitable usage.</l>
              <l rend="i">Seur de vaincre à la guerre, il ne manquoit jamais,</l>
              <l rend="i">Et de prendre, &amp; d’offrir le parti de la Paix.</l>
              <l rend="i">Des yeux de sa justice envisageant sa gloire,</l>
              <l rend="i">Ses desseins l’ont conduit de victoire en victoire.</l>
              <l rend="i">Pacifique, ou guerrier, également vainqueur,</l>
              <l rend="i">Fier à ses Ennemis, &amp; maistre de son cœur,</l>
              <l rend="i">S’il ne les domtoit pas par la force des armes,</l>
              <l rend="i">Il se domtoit luy-mesme &amp; calmoit leurs alarmes.</l>
              <l rend="i">Pressez par l’Ottoman, les vit-il aux abois,</l>
              <l rend="i">De nulle ambition il n’écouta la voix ;</l>
              <l rend="i">Sa moderation, inconnuë à l’Histoire,</l>
              <l rend="i">Propre à donner exemple aux jaloux de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Servit tout au contraire à leur persuader</l>
              <l rend="i">Que leurs efforts unis alloient l’intimider.</l>
              <l rend="i">Mais diront-ils encor, le Ciel comme en colere,</l>
              <l rend="i">Regarda le projet qu’ils avoient osé faire.</l>
              <l rend="i">LOVIS prit un parti si saint, si genereux,</l>
              <l rend="i">Qu’il en devoit attendre un succés tres-heureux.</l>
              <l rend="i">Pouvoit-il voir un Roy, par l’ardeur de son zele,</l>
              <l rend="i">Rétabli dans l’Eglise, &amp; détrôné pour elle,</l>
              <l rend="i">Un Monarque, à l’horreur de tous les Potentats,</l>
              <l rend="i">Par ses propres enfans chassé de ses Estats,</l>
              <l rend="i">Le Tiran, protecteur de l’impie Heretique,</l>
              <l rend="i">Aidé dans ses desseins, d’un parti Catholique,</l>
              <l rend="i">Sans offrir un asile au Prince infortuné</l>
              <l rend="i">Qui voyoit contre luy tout l’Enfer déchaisné,</l>
              <l rend="i">Sans faire en sa faveur agir dans ces alarmes,</l>
              <l rend="i">Le secours des conseils, la puissance des Armes,</l>
              <l rend="i">Et partageant sa peine en ce triste revers,</l>
              <l rend="i">Paroistre encor plus grand aux yeux de l’Univers ?</l>
              <l rend="i">Mais sans aller chercher ces loüanges futures,</l>
              <l rend="i">On t’en donne aujourd’huy de si justes, si pures</l>
              <l><hi rend="i">Qu’à tes Ennemis mesme on le fait avoüer,</hi></l>
              <l rend="i">On ne sçauroit assez dignement te loüer.</l>
              <l rend="i">Tes soins si glorieux, ta sagesse profonde,</l>
              <l rend="i">Sont dans l’art de regner la merveille du monde.</l>
              <l rend="i">Ces Heros si fameux dans les siecles passez,</l>
              <l rend="i">Par tes moindres travaux tu les as effacez.</l>
              <l rend="i">Ceux mesme dont ta gloire a fait la jalousie,</l>
              <l rend="i">Pour modelle à la leur ne l’ont-ils pas choisie ?</l>
              <l rend="i">Mais en cela leur art a beau s’étudier,</l>
              <l rend="i">C’est un original qu’on ne peut copier.</l>
              <l rend="i">On verra ce Loüis, comme un chef-d’œuvre unique ;</l>
              <l rend="i">Il ne la doit qu’à luy sa grandeur heroïque,</l>
              <l rend="i">Et pour comble de gloire &amp; de felicité,</l>
              <l rend="i">Il est inimitable, &amp; n’a rien imité.</l>
              <l rend="i">Mais cette vive foy qui t’attache à l’Eglise</l>
              <l rend="i">Lors que tout s’en separe, ou que tout la divise,</l>
              <l rend="i">Fait de cette Grandeur qu’on admire aujourd’huy,</l>
              <l rend="i">Le fondement sacré, l’inviolable appuy.</l>
              <l rend="i">On ne le sçait que trop ; cette Mere immortelle,</l>
              <l rend="i">Hors toy qui la soutiens, n’a plus d’Enfant fidelle.</l>
              <l><hi rend="i">La voilà par l’effet, d’un retour obstiné,</hi></l>
              <l rend="i">En l’estat qu’elle estoit quand je fus couronné,</l>
              <l rend="i">Les graces que ma foy me donna lieu d’attendre,</l>
              <l rend="i">Sur ta posterité le Ciel les va répandre,</l>
              <l rend="i">Tes dignes Successeurs sur ton Trône affermis,</l>
              <l rend="i">Braveront comme toy leurs plus fiers Ennemis ;</l>
              <l rend="i">Le Dieu de ces Autels dont tu prens la défense,</l>
              <l rend="i">Fera de leur Empire adorer la puissance.</l>
              <l rend="i">Dans tes Estats heureux, tes fortunez Sujets</l>
              <l rend="i">Verront toujours regner l’abondance &amp; la Paix,</l>
              <l rend="i">A l’ombre des lauriers qui couronnent ta teste,</l>
              <l rend="i">Jamais ils ne craindront ny foudre, ny tempeste.</l>
              <l rend="i">Les rayons du Soleil qui brilleront sur eux,</l>
              <l rend="i">Sembleront ne briller que pour les rendre heureux ;</l>
              <l><hi rend="i">Des jours doux &amp; sereins, suivis de nuits tranquilles,</hi></l>
              <l rend="i">Ne leur annonceront que des travaux faciles.</l>
              <l rend="i">Quand le bruit de la Guerre aura tout alarmé,</l>
              <l><hi rend="i">A peine sçauront-ils pourquoy l’on est armé.</hi></l>
              <l rend="i">Attendant sans effroy le succés des querelles,</l>
              <l><hi rend="i">Ils n’en seront instruits qu’en lisant les nouvelles,</hi></l>
              <l rend="i">Si charmez, si contens de leur prosperité,</l>
              <l rend="i">Ils voyent comme elle passe à la posterité,</l>
              <l rend="i">Ils la voyent bien avant dans les races futures</l>
              <l rend="i">Former un long tissu d’heureuses avantures ;</l>
              <l><hi rend="i">Ton Dauphin, les Enfans de ce Fils genereux,</hi></l>
              <l rend="i">En previennent déja les desirs, &amp; les vœux.</l>
              <l rend="i">Voy dans ces Rejettons que le Seigneur te donne,</l>
              <l rend="i">Ses regards de faveurs briller sur ta Couronne,</l>
              <l rend="i">Jusqu’à la fin des temps dans leurs faits inoüis,</l>
              <l rend="i">Mille Peuples charmez verront toujours LOVIS.</l>
              <l rend="i">Formez par ta sagesse, &amp; couverts de ta gloire,</l>
              <l rend="i">Ce seront leurs vertus qui feront ton Histoire,</l>
              <l rend="i">Les Peuples éclairez par de nouveaux Soleils,</l>
              <l rend="i">Dans une course égale, &amp; des regards pareils,</l>
              <l rend="i">Les envisageront comme tes Parelies,</l>
              <l rend="i">Et leurs felicitez par là seront remplies.</l>
              <l rend="i">Que l’Aigle Imperiale avec des yeux jaloux,</l>
              <l rend="i">En fuyant ta lumiere imite les Hiboux,</l>
              <l rend="i">Un jour, des partisans de sa haine cruelle</l>
              <l rend="i">Il se fera peut-estre une ligue contre elle.</l>
              <l rend="i">Rome à tes interests si contraire aujourd’huy,</l>
              <l rend="i">Connoistra que la France est son plus seur appuy.</l>
              <l rend="i">Elle se souviendra par qui la tirannie</l>
              <l rend="i">Du Burbare Lombard fut autrefois punie,</l>
              <l rend="i">Et de ces Protestans dont elle enfle le cœur,</l>
              <l rend="i">Elle détestera l’orgueil &amp; la fureur,</l>
              <l rend="i">Lors voyant ta grandeur, sans en estre offensée</l>
              <l rend="i">La foy du Fils Aisné sera récompensée.</l>
              <l rend="i">Enfin, l’on avoüera ce que ma voix t’apprend,</l>
              <l rend="i">Qu’un Prince Tres-Chrestien, est un Prince tres-grand.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_030" resp="mercure">
          <head>[Ouverture du jubilé]</head>
          <bibl><title>Mercure galant,</title> janvier [tome 1], 1690, p. 30-32.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 7. du mois passé, le Pape fit l'ouverture du Jubilé en l'Eglise de Sainte Marie Majeure. La Cavalcade fut fort solemnelle. Tous les Corps Reguliers &amp; Seculiers avec les Basiliques y assisterent en Procession. Le rendez-vous estoit à l'Eglise des Chartreux &amp; de là la marche se fit par la Vigne Montale. Sa Sainteté estoit portée en Litiere avec les marques les plus éclatantes de la majesté des Souverains Pontifes. Toute sa Maison estoit montée sur des mules. Un Prelat portoit la Croix à cheval, suivi d'un Carosse vuide à six chevaux blancs. Il y avoit aussi deux Litieres vuides, &amp; l'on menoit à la main deux Mules ou Haquenées richement harnachées. Ensuite marchoient les Chevaux-legers, &amp; les Cuirassiers le Sabre nud à la main, &amp; des Trompettes &amp; Timbales. Le Pape fut receu par le Sacré College à la grande porte de Sainte Marie Majeure. Il donna ensuite la Benediction au Peuple, &amp; permit à tous les Religieux de luy baiser les pieds.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_032" resp="wordpro">
          <head>Maximes galantes</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 32-70.</bibl>
          <p></p>
          <p>Comme il me paroist que les Maximes sont assez en vogue, je croy que vous ne serez pas fachée de voir celles-cy, dont le hazard m’a fait tomber une copie entre les mains. Elles sont de M<hi rend="sup">r</hi> de Templery, Gentilhomme d’Aix en Provence. C’est un nom qui ne vous sçauroit estre inconnu, puis que je vous ay déja envoyé divers Ouvrages tant en Vers qu’en Prose, que vous avez toujours leus avec plaisir.</p>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">e</hi> LA MARQUISE<lb />D’OPPEDE.<lb />A LA VERDIERE.</label>
            <p><hi rend="i">Madame,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Comme la principale de mes Maximes a toujours esté de chercher de quoy vous divertir, je vous envoye celles que mon loisir m’a permis de faire pendant mon dernier sejour à la campagne, en attendant que je les accompagne d’autres qui soient morales &amp; Chrestiennes. Je sçay que le plus grand defaut des Maximes, est quand elles sont contraires à la verité ; mais pour celles-cy, qui roulent presque toutes sur l’amour, je puis vous assurer qu’elles sont veritables ; car j’y ay travaillé d’aprés nature, &amp; il y en a peu dont je n’aye fait, pour mes pechez, une malheureuse experience. Aprés tout, Madame, quand mesme je me serois trompé, &amp; qu’il y en auroit quelqu’une qui seroit fausse, vous devez l’excuser par cette autre, que tout homme est menteur. Cependant je vous répons que je ne le seray jamais envers vous dans les protestations de mes services, &amp; que toutes les fois que je vous en feray quelqu’une, vous pourrez croire assurément que je suis,</hi></p>
            <p>Vostre tres humble &amp; tres-obeissant Serviteur, TEMPLERY.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label><hi rend="i">MAXIMES GALANTES.</hi></label>
            <label>I.</label>
            <p>L’amour naissant est un Roy mineur, &amp; alors la raison est une Reine Regente. Tant que ce Roy est jeune, cette Reine commande, mais lors qu’il est grand, elle devient sa sujete &amp; luy obeït.</p>
            <label>II.</label>
            <p>En amitié on ne commence jamais d’aimer qu’on n’y pense bien, mais en amour on commence toujours sans y penser. Tous les commencemens de l’amour sont semblables : les suites sont differentes.</p>
            <label>III.</label>
            <p>Le premier plaisir de voir un bel objet n’est pas encore amour : ce n’est qu’une approche vers cette passion, &amp; un éloignement de l’indolence.</p>
            <label>IV.</label>
            <p>Une des marques qu’on est amoureux, c’est quand on commence à faire des Vers. On dit, que la nature seule fait les Poëtes, mais je vois que l’amour s’en mêle aussi.</p>
            <label>V.</label>
            <p>Une Fille peut agir librement avec un Amy, mais dés que cet Amy devient Amant, elle doit prendre une conduite plus retenuë. Ce qui n’est que familiarité pour l’Amy, devient faveur pour l’Amant.</p>
            <label>VI.</label>
            <p>La Badinerie spirituelle est souvent le plus court chemin du cœur : ceux qui paroissent les plus foux, sont d’ordinaire les plus sages. Aprés tout, si l’on n’a de quoy plaire, qu’on ait au moins de quoy divertir.</p>
            <label>VII.</label>
            <p>Autrefois on faisoit l’amour dans les formes. Les soins &amp; les yeux parloient longtemps avant que la bouche s’expliquast. On portoit le Roman jusqu’au dixiéme tome. Aujourd’huy l’on ne fait que des historietes qui sont concluës au premier chapitre.</p>
            <label>VIII.</label>
            <p>Les hommes ne se font point trop presser pour avoüer leur engagement. Il y en a mesme qui crient, &amp; se plaignent de leurs blessures avant que l’amour ait tendu son arc ; mais les Femmes sont toujours sur la negative. Elles se sauvent du changement de leur humeur sur des vapeurs, ou sur des démêlez domestiques. Enfin le mesme feu qui les brûle, les fait rougir.</p>
            <label>IX.</label>
            <p>Qu’une Femme est à plaindre quand elle a tout ensemble de l’amour &amp; de la vertu !</p>
            <label>X.</label>
            <p>Il y a de faux Amans aussi-bien que de faux devots. L’amour a ses hipocrites, comme la devotion, &amp; il y a plus de fausse monnoye en soupirs &amp; en grimaces, qu’il n’y en a en or &amp; en argent : mais quand on feint de joüer le personnage d’Amant, il est bien difficile de soûtenir longtemps son rôle sans se démentir. Les ruses réussissent souvent en la guerre, mais en l’amour, jamais.</p>
            <label>XI.</label>
            <p>Ce qu’on appelle constance, n’est quelquefois qu’une paresse de changer.</p>
            <label>XII.</label>
            <p>Pour ne se pas trop aimer, il faut se trop voir. Il n’est point d’amour à l’épreuve d’une trop grande frequentation, &amp; bien que les roses soient les plus aimables fleurs, qui ne verroit autre chose, ne les trouveroit plus belles.</p>
            <label>XIII.</label>
            <p>Les longues chaisnes s’usent, &amp; sont quelquefois les plus aisées à rompre. Lors que depuis un fort longtemps on dit à une personne, <hi rend="i">je vous aime</hi>, on se dit à soy-mesme, <hi rend="i">je ne l’aime plus.</hi></p>
            <label>XIV.</label>
            <p>C’est une politique en amour de se broüiller quelquefois. Une amour paisible est d’un goust fade. Le trouble en est l’assaisonnement. Cette sorte d’interregne fait goûter plus de douceur dans les raccommodemens.</p>
            <label>XV.</label>
            <p>Les retours de l’amitié sont difficiles. Ceux de l’amour sont aisez.</p>
            <label>XVI.</label>
            <p>Quelquefois il ne dépend non plus de nous d’aimer, ou de n’aimer pas, que d’estre Noble, ou d’estre Roturier.</p>
            <label>XVII.</label>
            <p>Les Rivaux aimables sont ceux qu’un Amant aime le moins. Il ne les hait que parce qu’ils ne meritent pas d’estre haïs, mais bien qu’il leur refuse son amitié, il n’est pas en son pouvoir de leur refuser son estime quand elle est fondée sur le merite.</p>
            <label>XVIII.</label>
            <p>Suivant l’ordre naturel les premiers vont devant, mais en fait d’amour les premiers vont souvent aprés les autres. Nous voyons tous les jours qu’un Doyen est la duppe d’un nouveau venu.</p>
            <label>XIX.</label>
            <p>Les Amans voyent les trahisons de leurs Rivaux avant mesme qu’elles soient executées, mais ils ne voyent les defauts de leurs Maistresses qu’aprés que leur enchantement est finy.</p>
            <label>XX.</label>
            <p>Amour est un mal contagieux. En voulant enflâmer un cœur on s’enflâme soy-mesme. Il n’y a que le Soleil qui brûle sans se brûler.</p>
            <label>XXI.</label>
            <p>L’amour va d’ordinaire par accés, comme la fiévre. Tantost on est tout en feu, &amp; tantost on est tout de glace. Il y a des jours où l’on se croit gueri, &amp; d’autres où l’on se croit mort.</p>
            <label>XXII.</label>
            <p>C’est une fausse maxime de dire que ceux qui n’ont qu’une Maistresse sont comme les Borgnes, qui n’ayant qu’un œil, courent risque de perdre leur bien par le moindre accident. Il faut ou n’aimer en nul endroit, on n’aimer qu’en un seul. Quand on aime plusieurs personnes à la fois, on n’en aime pas une. Un vray Amant n’a des yeux que pour sa Maistresse, ou s’il regarde d’autres Belles, c’est de la maniere qu’on regarde les belles Statuës : on les admire, mais on ne les aime pas.</p>
            <label>XXIII.</label>
            <p>Le commencement de l’amour dépend plus de nous que la fin. Les prisons de l’Empire amoureux ont plusieurs portes pour y entrer, mais quelquefois on n’en trouve point pour ensortir.</p>
            <label>XXIV.</label>
            <p>Amour est un commerce qui ne peut estre sans correspondant, ou pour mieux dire, c’est un de ces Métiers qu’on ne peut faire seul, il faut estre deux. Une personne s’ennuye d’aimer toute seule : si on ne luy tient Compagnie, elle se retire.</p>
            <label>XXV.</label>
            <p>L’esprit en un galant est presque toujours suspect : il fait souvent des Comediens, mais de sinceres Amans, fort peu.</p>
            <label>XXVI.</label>
            <p>L’amour aiguise l’esprit : il donne des lumieres aux gens qui en ont le moins. Il en est comme d’un Fuzil, qui fait étinceler un rocher froid de sa nature.</p>
            <label>XXVII.</label>
            <p>Pour s’empescher d’aimer jamais rien, il faut une force d’esprit au dessus de l’homme, ou une foiblesse au dessous de la Bête. L’amour est un des principaux ingrediens qui entrent en la composition d’un honnête homme, &amp; il n’en est aucun qui ne se fist une honte de ne pas porter une chaîne, pour le moins, une fois en sa vie.</p>
            <label>XXVIII.</label>
            <p>Il y a certaines galanteries qui aquierent de l’honneur aux hommes, aussi bien que les armes ; &amp; il y a des Belles d’une si grande reputation, &amp; d’un si haut merite, qu’il est plus glorieux d’en recevoir de l’amour, que d’en donner aux autres.</p>
            <label>XXIX.</label>
            <p>Quand une Fille est trop coquette, un dégoût pour la Maîtresse rompt le dessein d’en faire sa Femme.</p>
            <label>XXX.</label>
            <p>Le plaisir d’estre aimé n’a de douceur qu’autant qu’il a coûté de peine. L’or ne seroit pas si estimé, s’il ne faloit par de longs travaux creuser des mines pour le trouver.</p>
            <label>XXXI.</label>
            <p>Les faveurs trop multipliées perdent leur goût. Il est d’elles comme de la manne, qui devint insipide dés qu’elle tomba trop abondamment.</p>
            <label>XXXII.</label>
            <p>L’amitié s’augmente à chaque service d’un amy, quand même il a déja rendu les plus grands ; mais l’amour au contraire diminuë à chaque faveur d’une maîtresse quand elle a accordé les plus grandes. Toutes les démarches d’un Amant heureux sont autant de pas vers l’indifference. Tel a eu assez de resolution pour supporter sa disgrace, qui n’a pas assez de force pour soûtenir son bonheur.</p>
            <label>XXXIII.</label>
            <p>Il y a peu d’engagemens qui puissent tenir contre un long dédain. En la fiévre d’amour un cruel mépris est le Quinquina, &amp; tire d’affaire un pauvre cœur.</p>
            <label>XXXIV.</label>
            <p>Quand on ne peut par ses soins se faire aimer d’une ingrate, il est permis de s’en faire haïr. Quelque amitié qu’ait un Pilote pour une plage agreable, il ne l’aime plus s’il y échoüe. Enfin deserter est un crime à un Soldat quand on l’auroit maltraité, mais deserter n’est pas un crime à un Amant quand on en use de mesme, &amp; comme toutes les resistances ne sont pas honnestes, toutes les fuites ne sont pas honteuses.</p>
            <label>XXXV.</label>
            <p>Comme les Femmes ne veulent jamais diminuer leur triomphe, elles sont chagrines de perdre un Amant, quand mesme elles ne l’aiment point, car c’est toujours un Esclave &amp; un trophée de moins à leur Char.</p>
            <label>XXXVI.</label>
            <p>Le repos d’un Amant ne s’accommode guere du repos d’une Maistresse. Elle est tranquille, il en est au desespoir : elle est agitée, il en est ravy.</p>
            <label>XXXVII.</label>
            <p>La prudence &amp; l’amour ne sont pas faits l’un pour l’autre. Tandis que l’amour croist, la prudence diminuë.</p>
            <label>XXXVIII.</label>
            <p>Vouloir estre amoureux avec mesure, c’est vouloir estre fou avec raison.</p>
            <label>XXXIX.</label>
            <p>On se lasse bien-tost de plaindre un Amant qui se plaint toujours. Si vous écoutez ses folies, il sera vostre importun ; si vous ne les contentez pas, il sera vostre ennemy.</p>
            <label>XL.</label>
            <p>Il n’est pas aisé à un Amant de se moderer quand il conte ses peines à une Belle. La peur de n’en dire pas assez pour la persuader, fait que souvent il en dit trop pour estre cru.</p>
            <label>XLI.</label>
            <p>Une ame bien amoureuse est difficile à se contenter. Elle trouve son bonheur trop petit, &amp; son malheur trop grand.</p>
            <label>XLII.</label>
            <p>Les Amans ont des gousts si bizares, qu’ils sentent quelquefois de la volupté dans la douleur, &amp; croyent que leurs chaînes, bien loin de les charger, les chatoüillent.</p>
            <label>XLIII.</label>
            <p>La contrainte de ne pas declarer son tourment, en est un autre. Il est de l’amour comme de la poudre, qui plus elle est serrée, plus elle fait d’effet.</p>
            <label>XLIV.</label>
            <p>Les yeux ont cet avantage sur la bouche, qu’ils peuvent parler malgré mesme la défense d’une Cruelle.</p>
            <label>XLV.</label>
            <p>Le Mariage moissonne en un jour toutes les fleuretes que l’amour a produites en plusieurs années.</p>
            <label>XLVI.</label>
            <p>Un homme qui en se mariant a sacrifié sa fortune à son inclination, a d’ordinaire autant d’aversion pour la Femme, qu’il a eu d’amour pour la Maistresse : le calme qu’il a creu trouver est un orage, &amp; il regarde comme son écueil le port où il a voulu aborder.</p>
            <label>XLVII.</label>
            <p>Il est quelquefois agreable à un Mary d’avoir une Femme jalouse, il entend toujours parler de la personne qu’il aime.</p>
            <label>XLVIII.</label>
            <p>La beauté est une fleur qui a sa racine dans la jeunesse. Une Belle doit profiter de ses roses avant qu’elles soient fanées. La beauté qui n’est plus, est comme la beauté qui ne fut jamais, &amp; il n’est pas des Femmes comme des pommes dont les plus meures sont de meilleur goust.</p>
            <label>XLIX.</label>
            <p>Quand les Femmes ne sont plus aimables, pourquoy veulent-elles estre toujours aimées ? Quand elles ne plaisent plus au monde pourquoy luy veulent-elles plaire ? Lors qu’on a joüé son rôle ; que la Comedie est finie, &amp; que les lumieres sont éteintes, quelle folie de vouloir fournir encore une Scene !</p>
            <label>L.</label>
            <p>Il y a certaines qualitez, comme la science &amp; le courage, qui ne sont loüables qu’aux hommes. Quand une Femme sort des vertus de son Sexe pour passer à celles d’un autre, elle devient ridicule.</p>
            <label>LI.</label>
            <p>Lors qu’on est entierement à une Maistresse, on n’est guere à ses Amis. On perd auprés d’eux ce que l’on gagne auprés d’elle.</p>
            <label>LII.</label>
            <p>L’amour est un petit trompeur. Il prend souvent le masque de l’amitié, &amp; se déguisant sous le nom de complaisance, ou d’estime, il entre <hi rend="i">incognito</hi> dans un cœur.</p>
            <label>LIII.</label>
            <p>L’amitié &amp; l’amour sont si proches l’un de l’autre, qu’il n’y a entre deux qu’une feüille de papier, encore est-ce du papier qui boit.</p>
            <label>LIV.</label>
            <p>L’amitié est discrette, &amp; s’introduit avec retenuë, &amp; du consentement des parties ; mais l’amour a des manieres bien effrontées. Il ne se contente pas d’entrer dans un cœur contre la volonté d’une personne, il a encore l’impudence d’y demeurer malgré elle, &amp; de brûler la maison où il habite.</p>
            <label>LV.</label>
            <p>Ceux qui n’aiment pas n’ont jamais de grandes joyes ; ceux qui aiment, ont souvent de grandes tristesses.</p>
            <label>LVI.</label>
            <p>Une jeune Fille a autant de plaisir d’entendre un premier <hi rend="i">je vous aime</hi>, qu’une pauvre Veuve un second <hi rend="i">oüy.</hi></p>
            <label>LVII.</label>
            <p>La perseverance est un grand art pour gagner le cœur d’une Belle. Combien voyons-nous d’esclaves en amour, qui deviennent conquerans ? Souvent un Berger danse au son de sa musette aprés y avoir longtemps soûpiré ; &amp; telle Femme rit au commencement pour se moquer d’un homme, qui à la fin rit pour luy plaire.</p>
            <label>LVIII.</label>
            <p>Un vray Amant doit croire n’avoir encore rien fait, tant qu’il luy reste quelque chose à faire.</p>
            <label>LIX.</label>
            <p>Qui demande plus, merite moins. La grande retenuë est le caractere d’un parfait Amant. On en voit plusieurs copies, mais des originaux fort peu.</p>
            <label>LX.</label>
            <p>Les hommes ne sont jamais entreprenans auprés des Dames tandis qu’elles sont serieuses, mais souvent elles ne sont point trop fachées qu’on sorte un peu de son devoir, &amp; elles aiment mieux qu’on leur manque de respect, que si l’on en avoit trop.</p>
            <label>LXI.</label>
            <p>L’intrigue en amour est de toutes les choses celle qui demande le plus de conduite, &amp; qui d’ordinaire en a le moins.</p>
            <label>LXII.</label>
            <p>Une Femme enjoüée aime avec plus de facilité, mais une mélancolique aime avec plus d’ardeur.</p>
            <label>LXIII.</label>
            <p>La pluspart des Dames sont si entestées de passer pour belles, qu’elles souffriront plûtost une raillerie sur leur conduite, que sur leur beauté.</p>
            <label>LXIV.</label>
            <p>Un visage fardé rend une Femme méprisable, mais une ame fardée la rend odieuse.</p>
            <label>LXV.</label>
            <p>La beauté est souvent un ennemy qui ne paroît illustre que pour causer des ruines éclatantes. C’est un Astre dont les influences ne sont pas toûjours favorables, &amp; dont la clarté n’éclaire quelquefois que pour conduire plus seurement en de mauvais pas. Et d’ailleurs si c’est un bien, il est moins pour la personne qui le possede, que pour celle qui le regarde.</p>
            <label>LXVI.</label>
            <p>La beauté sans esprit, est un appas sans ameçon. Elle attire les cœurs mais elle ne les arreste point.</p>
            <label>LXVII.</label>
            <p>Il y a des beautez si engageantes, que si l’on ne fuit avant que de les avoir veuës, on ne fuit pas loin. On ne peut aller au plus, que de la longueur de ses chaînes. Tant de force d’esprit qu’il vous plaira, tant de resolutions que vous voudrez, tout cela ne fait que blanchir.</p>
            <label>LXVIII.</label>
            <p>Moins on a de peine à aimer une aimable personne, plus il en coûte à ne l’aimer plus.</p>
            <label>LXIX.</label>
            <p>Quand on commence à plaire, on a déja fait un grand pas. Si l’on n’est aimé, on est en passe de l’estre. Le trajet de l’œil au cœur est si petit, que ce qui entre agreablement en l’un, ne tarde guere d’entrer en l’autre.</p>
            <label>LXX.</label>
            <p>Quand pour se guerir, on ne s’éloigne que pour quelques jours de ce qu’on aime, le remede devient un poison. Une grande absence éteint l’amour, une petite le rallume.</p>
            <label>LXXI.</label>
            <p>L’amour est veritablement une maladie, mais elle n’est jamais mortelle. Ce n’est que dans les Romans que les gens meurent d’une langueur amoureuse. Par tout ailleurs on ne meurt d’amour que par metaphore.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_070" resp="wordpro">
          <head>[Lettre en Prose et en Vers à une Dame affligée de ce que sa Soeur se faisoit religieuse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 70-77.</bibl>
          <p></p>
          <p>Je vous envoye deux Ouvrages galans, dont l’Auteur m’est inconnu. Je voudrois avoir pû découvrir son nom, pour luy rendre la justice qui luy est deuë.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE A UNE DAME<lb />affligée de ce que sa Sœur<lb />se faisoit Religieuse.</label>
            <p><hi rend="i">Quoy, parce que Mademoiselle vostre Sœur se fait Religieuse, faut-il que vous soyez au desespoir ? Ne peut-on vivre contente dans le monde sans avoir une Sœur ? Est-ce un si grand malheur de perdre l’esperance d’avoir un Beaufrere, &amp; le plaisir de partager avec luy la succession paternelle ? Il n’est pas permis, Madame ? d’assister à l’Autel en habit de deuil, &amp; de pleurer sur la victime.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Pleine de l’espoir d’un Chrestien</l>
                <l> Elle suit un Dieu qui l’appelle,</l>
                <l> Vos pleurs ne serviront de rien.</l>
                <l>De quoy vous plaignez-vous, &amp; quel tort vous fait-elle ?</l>
                <l> Vous aurez beaucoup plus de bien,</l>
                <l> Et vous n’en serez pas moins belle.</l>
                <l>Etouffez au plûtost d’inutiles soupirs,</l>
                <l>De ses dons entre vous le Ciel fait un partage ;</l>
                <l>Elle bannit le monde en fuyant ses plaisirs,</l>
                <l>Et de ce monde en reglant vos desirs,</l>
                <l> Vous en ferez un bon usage.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Mademoiselle vostre Sœur n’est n’est pas tant à plaindre que vous pensez. Elle est morte à la verité pour sa Famille, mais c’est d’une mort volontaire à son égard, precieuse devant Dieu, &amp; que les hommes ont appellée civile, peut-estre parce qu’on ne sçauroit rien faire de plus honneste &amp; de plus obligeant pour ceux qui restent.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Consentez que l’Epoux dont son ame est charmée,</l>
                <l> Jaloux de cette bien-aimée,</l>
                <l>Pour la mieux posseder l’a conduise à l’écart,</l>
                <l>Et souffrez que sa foy plus vive que la nostre</l>
                <l> Choisisse la meilleure part,</l>
                <l> Et qu’elle grossisse la vostre.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Comme une disgrace n’arrive jamais seule, le Ciel vient de mettre vostre patience à une épreuve bien plus rude ; vous venez de perdre ce que vous aimez le mieux au monde. Le diray-je, Madame, vous n’avez plus de Perroquet.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Ce petit animal plein de sens &amp; d’esprit,</l>
                <l> N’entendoit rien qu’il ne comprit,</l>
                <l>Parla si bien François tout le temps de sa vie,</l>
                <l>Que si tout son merite avoit esté connu,</l>
                <l> Assurément il auroit eu</l>
                <l> Une place à l’Academie.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Parmy ceux qui ont connoissance de cette avanture, la plus commune &amp; la plus saine opinion veut pourtant qu’il ne soit pas mort, mais qu’ayant trouvé la commodité d’une fenestre ouverte, il a pris le temps de vostre absence pour aller voir ses Parrens à l’Amerique.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>De tous les Perroquets c’estoit le plus charmant,</l>
                <l>Mesme à mordre il avoit une grace infinie,</l>
                <l> Rongeoit les meubles proprement,</l>
                <l> Entretenoit la Compagnie,</l>
                <l> Et ne crioit que rarement.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Depuis ce malheur, vostre Maison est si triste &amp; si affligée, que je n’oserois vous conseiller de revenir.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Aussi-bien que trouverez-vous,</l>
                <l>Madame Anne perduë, une cage deserte,</l>
                <l>Des Valets desolez qui pleurent vostre perte,</l>
                <l>Fuyez loin de ces lieux le celeste courroux,</l>
                <l>Quand pour se consoler d’un mal qui desespere,</l>
                <l> Il ne reste plus qu’un Epoux,</l>
                <l> Un Epoux ne console guere.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Vous auriez le chagrin de remarquer sur le visage de tous vos Amis une maligne joye de se voir enfin delivrez d’un Rival si chery. Eh, Madame, n’ont-ils pas raison</hi> ?</p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Pour luy vous avez fait mille &amp; mille injustices,</l>
                <l>De tant d’honnestes gens à vous plaire empressez,</l>
                <l>On ne connoist que luy dont les heureux services</l>
                <l> Ayent esté récompensez.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_077" resp="wordpro">
          <head>Autre lettre à la mesme Dame</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 77-82.</bibl>
          <p></p>
          <quote>
            <label>AUTRE LETTRE<lb />à la mesme Dame.</label>
            <p><hi rend="i">Vous avez une tres-juste idée de la foiblesse humaine, nous ne sommes ordinairement émeus que par les objets qui nous touchent. Nostre cœur ne se prend que par nos yeux, &amp; comme presque rien ne se conserve que par les mesmes causes qui l’ont fait naistre, nous courons risque de perdre nos Amis quand ils nous perdent de veuë.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Vous avez raison, je me rends,</l>
                <l>On oublie aisément, &amp; malheur aux absens ;</l>
                <l>C’est un destin commun, rarement on l’évite,</l>
                <l>Mais qu’il soit fait pour nous, je n’en suis pas d’accord,</l>
                <l> Les absens n’auront jamais tort.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Il est vray que nous sommes nez dans un siecle fort ingrat &amp; fort infidelle ; tous les Amis s’en plaignent, tous les Amans s’en desesperent ; mais à l’égard des premiers, ils sont si rares à present, que ce malheur ne tombe presque plus sur personne. Pour les derniers, rien n’est si aisé que d’y remedier.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Qu’il se gouvernent comme au jeu,</l>
                <l>Quand on leur coupe cul, qu’ils moderent leur feu,</l>
                <l>Et sans examiner si la chose est permise,</l>
                <l>Que celuy que l’on quitte au lieu de s’offenser</l>
                <l>Ne songe qu’à recommencer</l>
                <l>Avec une autre une reprise.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Vous ne sçauriez comprendre la vertu de ce remede si vous ne l’avez éprouvé.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Ceux qui le connoissoient le mieux</l>
                <l>Ne trouvent rien de comparable,</l>
                <l>L’usage en est delicieux,</l>
                <l>Et le succés indubitable.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Pour des nouvelles je n’en ay point à vous mander. Vous sçavez les changemens qui sont arrivez, &amp; que de grands hommes de la Robe ont abdiqué, ce qui est tres-rare, &amp; que Sa Majesté a choisi des Sujets dignes de leur succeder, ce qui est tres-difficile.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Il semble que le Roy dans ce choix d’importance</l>
                <l> Ait daigné tous nous consulter,</l>
                <l> Et sans user de sa puissance,</l>
                <l> N’ait pensé qu’à nous contenter.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Peut-estre que cette Lettre vous paroistra courte ; je souhaite que ce soit là la seule chose que vous y trouviez à dire ; mais j’ay de bonnes raisons pour ne la faire pas plus longue,</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Il falloit vous répondre, &amp; d’une telle affaire</l>
                <l> C’est ainsi que j’ay dû sortir,</l>
                <l> Quand on ne sçauroit divertir,</l>
                <l> Il faut du moins n’ennuyer guere.</l>
              </lg>
            </quote>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_083" resp="wordpro">
          <head>[Prix proposez par l’Académie d’Angers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 83-86.</bibl>
          <p></p>
          <p>L’Academie Royale d’Angers continuë à distribuer tous les ans deux Prix, dont l’un est pour l’Eloquence, &amp; l’autre pour la Poësie. Voicy l’Ecrit qu’ils ont donné au Public cette année sur ce sujet.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">L’Academie d’Angers propose deux Prix ; l’un pour celuy qui aura le mieux réüssi dans la composition d’un discours, dont le sujet sera</hi> ; Le discernement du Roy dans le choix des Personnes à qui Sa Majesté confie l’Education de Monseigneur le Duc de Bourgogne : <hi rend="i">l’autre pour la Poësie Françoise, dont le sujet sera</hi> ; La protection que le Roy donne au Roy d’Angleterre.</p>
            <p><hi rend="i">Ces deux Prix qui sont deux Médailles d’or données par Monsieur le Comte de Serrant, Directeur de l’Academie d’Angers, seront distribuez le quatorziéme May de l’année presente 1690.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Le Discours ne sera au plus que de demi-heure de lecture. Les Vers n’excederont point le nombre de cent. On laisse aux Auteurs le choix de la mesure des Vers. Le Discours &amp; les Vers finiront par une Priere pour le Roy.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Auteurs observeront de mettre à leurs pieces une sentence avec un paraphe, ou quelque autre marque, qui servira à distinguer le Discours &amp; les Vers, qui auront remporté le Prix, sans y mettre leur nom.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Toutes personnes seront receuës à pretendre à ces Prix, à la reserve des trente Academiciens, qui en seront les Juges.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Les Pieces seront mises dans le 15. d’Avril de cette année 1690. entre les mains de Monsieur Gourreau, ancien Conseiller au Presidial d’Angers, l’un des deux Secretaires de l’Academie, demeurant à Angers, il en donnera son receu à ceux qui le souhaiteront : On n’en recevra plus passé le temps marqué cy-dessus. Les Pieces seront envoyées affranchies de port.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_086" resp="wordpro">
          <head>De la Vanité des Songes, &amp; sur l’apparition des Esprits</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 86-135.</bibl>
          <p></p>
          <p>Je vous envoye une Lettre du Berger de Flore à la Bergere Pomone, que je suis asseuré qui vous plaira. Elle est sur une matiere que je sçay que vous avez agitée plus d’une fois, &amp; vous y trouverez quantité de choses dont vostre curiosité sera satisfaite.</p>
          <quote>
            <label>DE LA VANITÉ DES<lb />Songes, &amp; sur l’apparition<lb />des Esprits.</label>
            <p><hi rend="i">La meilleure preuve que je puisse donner de la vanité des Songes, c’est, aimable Berger, la vie qui me reste aprés celuy que je fis le 22. de Septembre 1679. Je m’éveillay ce jour-là à cinq heures du matin, &amp; m’estant endormy une demy-heure aprés, je songeay que j’estois dans mon lit, &amp; que le rideau en estoit ouvert du costé des pieds (deux circonstances veritables) &amp; que je voyois entrer dans ma chambre une de mes Parentes morte depuis quelques années, le visage pâle &amp; défait, l’air triste autant qu’elle l’avoit eu enjoué, &amp; vestue d’une cimare de satin cendré &amp; gris de perle, que je luy avois vû porter la derniere année de sa vie. Elle vint s’asseoir sur le pied de mon lit, &amp; me regardoit avec pitié. Comme je la sçavois morte dans le Songe aussi bien que dans la verité, je jugeay à cette connoissance, &amp; à la tristesse de ses regards, qu’elle venoit m’annoncer quelque mauvaise nouvelle, &amp; apparemment la mort ; &amp; la prevenant avec assez d’indifference pour ma destinée</hi> : Eh bien, <hi rend="i">luy dis-je</hi>, il faut mourir, <hi rend="i">Elle me répondit</hi>, Il est vray. Et quand, <hi rend="i">luy demanday-je aussi-tost</hi> ? Aujourd’huy, <hi rend="i">repliqua-t-elle. Je vous avouë que le terme me parut un peu pressant, neanmoins ne m’en étonnant pas trop, je l’interrogeay encore, &amp; je luy demanday</hi> de quelle maniere. <hi rend="i">Et il me sembla pour lors la voir grommeler quelques paroles entre ses dents pour me répondre ; mais je ne les entendis pas, &amp; dans ce moment je m’éveillay. L’importance d’un Songe si précis, &amp; si peu embroüillé contre l’ordinaire, me fit observer ma situation, &amp; je remarquay que j’estois couché sur mon costé droit, le corps étendu, &amp; les deux mains appuyées contre mon estomach. Je me jettay hors du lit aprés cette reflexion pour écrire mon Songe, de peur d’en rien oublier ; &amp; le trouvant accompagné de toutes les circonstances qu’on attribue aux misterieux &amp; aux divins, je ne fus pas plûtost habillé que j’allay dire à ma Belle-sœur, que si les Songes en bonne forme estoient des avertissemens infaillibles, elle n’auroit plus de Beau-frere dans vingt-quatre heures, Je luy racontay ensuite celuy que j’avois fait, &amp; je l’appris aussi à quelques-uns de mes Amis, n’estant pas à Flore en ce temps-là, mais dans la Ville voisine. Ce fut pourtant sans en prendre l’alarme, &amp; sans rien changer à ma conduite ordinaire, me rapportant à la Providence de tout ce qu’il luy plairoit d’ordonner de moy. Si j’eusse esté assez foible pour me mettre dans l’esprit que j’allois mourir, peut-estre que je serois mort ; &amp; qu’il me seroit arrivé comme à ces hommes, dont parle un Historien que je vous ay veu lire, (c’est Procope au deuxiéme Livre de la Guerre de Perse) lesquels dans un temps de peste furent frappez de ce fleau de Dieu, pour avoir seulement songé que les Demons les touchoient, ou leur disoient qu’ils seroient bien-tost dans le tombeau ; &amp; que j’eusse ainsi payé par la diminution de mes jours, la peine que meritent les Personnes, qui donnant créance à ces resveries, violent la Loy de Dieu qui le défend. Du moins est-il seur qu’un Canadois n’en eust pas échappé, quand mesme il auroit deu employer les precipices, ou mesme ses propres mains à rendre son songe veritable ; parce que les Peuples de ce Pays-là sont absolument persuadez qu’ils ne songent rien qui ne doive arriver. Je ne croy pas, sage Bergere que vous soyez de cette humeur, &amp; que vous voulussiez comme eux, faire effectivement du bien ou du mal à une personne, à cause seulement que vous luy en auriez fait en songe, ou que vous en auriez receu d’elle de cette maniere. L’un ne tire pas à consequence pour l’autre. L’ame, selon moy, est si irritée de voir que le sommeil la tient prisonniere dans l’obscurité de nostre masse terrestre, en luy fermant par son pouvoir toutes les portes des sens, qu’elle en devient comme folle, &amp; ne fait qu’extravaguer tant que cette captivité dure ; &amp; il y a bien loin de cet estat à celuy de sa pleine raison &amp; de sa vive lumiere ; ainsi, belle Bergere, point de créance aux Songes, s’il vous plaist. Il vous a semblé que vostre cher Epoux environné de flâmes brillantes vous demandoit des prieres, vous ne devez pas croire pour cela, que le Ciel vous l’ait osté. Cette figure d’une ame en Purgatoire n’est qu’un amusement de la vostre, qui ne se repose pas mesme la nuit, de la pensée d’un objet à quoy elle s’attache tout le jour ; qui vous le represente parmy les feux &amp; les flâmes, dont elle sçait qu’il brûle pour vous, &amp; qui vous demande mal-à-propos pour luy, ce que vous ne luy accordez que trop souvent ; mais ce seroit encore une plus grande erreur, si vous vous imaginez que c’est son ame mesme, qui est venuë à vous pendant que vous dormiez, pour ne vous pas faire peur, comme il seroit arrivé si elle vous avoit apparu hors du sommeil. Les ames ne se separent point des corps pour y retourner ; le giste est trop mauvais pour elles, quoy que beau dans les jeunes &amp; les charmantes personnes comme vous. S’il en estoit autrement, j’aurois veu Plusside depuis sa mort. Cette Belle dont vous avez tant oüy parler, m’avoit juré dans le fort de nos affections, un jour de Pasques, non seulement au pied des Autels, mais au retour de la sainte Table, que si elle mouroit avant moy, elle viendroit me voir, &amp; me dire de ses nouvelles ; &amp; je luy avois fait aussi la mesme promesse avec serment ; &amp; neanmoins il y a plusieurs années qu’elle a payé le tribut à la Nature, sans avoir accompli ce qu’elle devoit à l’amour, &amp; à sa parole. Jugez aprés cela s’il faut prendre pour une verité, ce qu’on lit du Comte de Bouchain, dans le premier Tome des Croisades, page 279</hi>. Ce Comte, <hi rend="i">dit l’Auteur de ce Livre, sur le rapport d’un autre qu’il cite</hi>, estant un soir sur le point de se coucher, aprés avoir bien combattu durant le jour, vit entrer dans sa Tente le jeune Engelram son Amy, Fils du Comte de Saint Pol, lequel avoit esté tué peu auparavant, au Siege d’une Ville, appellée Marra, prise d’assaut par les Chrétiens sur les Sarrazins. Comme ce Comte avoit l’ame intrepide, &amp; d’ailleurs pleine de joye de voir son Amy, il luy demanda sans s’étonner, comment il estoit alors en vie, luy qu’il avoit veu mort à Marra. Engelram luy répondit que cela venoit de ce que ceux qui finissoient leur vie pour le service de Jesus-Christ, ne mouroient point. Ce Comte satisfait de cette réponse, &amp; trouvant Engelram beaucoup plus beau qu’il n’estoit auparavant, luy demanda encore d’où luy venoit ce nouvel éclat. Engelram luy montra dans le Ciel une admirable Maison, &amp; luy en faisant remarquer la beauté, luy répartit que c’estoit delà, que venoit celle qu’il trouvoit en luy ; &amp; comme le Comte demeura ravi d’admiration à la veuë de ce Palais celeste, Engelram luy dit encore ; je vous apprens qu’on vous en prepare un beaucoup plus beau ; adieu jusqu’à demain, puis il disparut. <hi rend="i">Jugez, dis-je, Madame, si ce recit est veritable, aprés celuy que je vous ay fait. Comment une personne reviendroit-elle sans l’avoir promis, si une autre ne revient pas, aprés l’avoir solemnellement juré ? car enfin l’Auteur des Croisades, ny celuy dont il a tiré l’apparition d’Engelram, ne disputent point qu’il se fust engagé de retourner aprés sa mort auprés du Comte son Amy, &amp; bien des gens certifieront que Plusside m’avoit donné parole de revenir aprés la sienne auprés de moy, &amp; parole</hi> sacramentale, <hi rend="i">si ce mot se peut employer. Vous me répondrez peut-estre que Dieu ne luy en a pas accordé la permission. Ah pour cela je n’en doute pas. Nostre pacte n’étoit fait que sous cette condition, sans quoy rien ne se doit entreprendre &amp; ne se peut executer ; mais je croy aussi que Dieu ne l’accorda jamais à personne, si nous en exceptons Samuel qui apparut à Saul, &amp; quelques-uns de ceux qui ressuscitant avec Nostre-Seigneur, se montrerent à des Personnes devotes de Jerusalem. Hors ce peu d’exemples, l’Histoire, ce me semble, n’a rien d’asseuré sur ces retours de l’autre monde. Euridice, dans la Fable, fit bien quelques pas pour revenir en celuy-cy, mais ils ne furent pas en grand nombre, &amp; l’attrait du centre &amp; du repos éternel l’emporta bien viste sur l’inclination qu’elle avoit pour la lumiere. Je vous ay déja raconté un de mes songes, il faut que je vous en aprenne encore un autre, avant que de vous expliquer plus clairement mes pensées sur tant de pretendues aparitions d’ames &amp; d’esprits, qu’on trouve dans les bons Auteurs, aussi-bien que dans les mauvais. On m’envoya fort jeune dans une Ville éloignée de sept lieues de ma Terre natale pour me dépayser, &amp; pour m’apprendre à écrire ; &amp; estant retiré de là, aprés cinq ou six mois on me fit passer chez un de mes Parens, où mon Pere nouvellement revenu de l’Armée, s’estoit rendu, &amp; m’avoit mandé. Il vit mes exemples, &amp; les trouvant assez bonnes, il ne laissa pas de témoigner qu’il doutoit si elles estoient de ma façon ; &amp; sortant une aprésdînée pour aller faire une visite dans le voisinage, avec la Dame du lieu où nous estions, il me recommanda d’écrire dix ou douze lignes pour le relever de ses doutes. Mon devoir me fit donc aussi-tost aprés son depart monter dans la chambre qu’on nous avoit donnée ; &amp; y ayant cherché mes commoditez pour écrire à mon aise, je me mis, petit garçon que j’estois, à genoux devant un fauteüil, sur lequel je plaçay mon papier &amp; mon encre. Pendant que j’écrivois, j’entendis sur l’escalier, des gens qui portoient du bled aux greniers ; &amp; m’estant levé de ma place je détournay un pan de tapisserie, &amp; je vis une petite Salle ouverte, où mon Pere s’entretenoit avec la Dame du lieu, assis auprés d’elle. Comme i’avois vû l’un &amp; l’autre monter en Carosse &amp; sortir du Chasteau, ie fus fort surpris de les appercevoir dans cette Salle. La frayeur se joignit à l’étonnement. Je laissay aller la tapisserie, &amp; quitant la chambre, ie descendis l’escalier au plus viste, &amp; entray tout effaré dans l’Office qui estoit au bas. Une Femme de Charge qui remarqua quelque alteration sur mon visage, me demanda ce que i’avois. Je luy en fis le recit. Elle me dit honnestement que ie rêvois, &amp; que Madame la Marquise &amp; mon Pere ne reviendroient de plus d’une heure. Je n’en voulus rien croire, &amp; ie demeuray vers la porte de l’Office iusqu’à ce qu’enfin ie les visse arriver. Ma peine ne se redoubla pas peu à cette veuë ; ie n’en dis pourtant rien à mon Pere, mais quand il me voulut envoyer coucher avant luy, quelque temps aprés le soupé, tout ce que ie pus gagner sur moy, fut de me laisser conduire hors de sa presence. Je l’attendis pour aller dans nostre chambre, &amp; ie n’y voulus rentrer qu’avec luy. Etonné de me trouver encore lors qu’il se retira, il ne manqua pas de me demander ce qui m’avoit retenu ; &amp; aprés quelques vaines excuses, ie luy avouay que j’avois peur, parce qu’il revenoit des Esprits dans cette chambre. Il se moqua de ma crainte, &amp; s’informa de moy à qui j’avois ouy tenir ce sot discours. Je luy racontay alors mon avanture : &amp; il ne la sceut pas plûtost que prenant soin de me détromper, il me fit conduire aux greniers, &amp; pour mieux dire, au galetas où aboutissoit l’escalier. On m’y donna à connoistre qu’ils n’estoient pas propres à recevoir du Bled, qu’il n’y en avoit point, &amp; qu’il n’y en avoit jamais eu : &amp; comme à mon retour auprés de luy il me demanda l’endroit où j’avois levé la tapisserie, &amp; vû la Salle ouverte, je le cherchay de tous les costez pour le luy montrer, mais ce fut en vain, je ne trouvay point d’autre porte dans les quatre murailles de nostre chambre, que celle de l’escalier. Des choses si opposées à ce que j’avois crû tres-veritable, m’alarmerent encore plus qu’auparavant, &amp; je m’imaginay sur le recit que j’avois ouy faire des Esprits Follets, que quelqu’un d’eux m’avoit causé ces illusions pour se joüer de moy. Mon Pere me remontra que ces amusemens d’Esprits à la bagatelle, qu’on m’avoit racontez, n’étoient que des Fables, &amp; encore plus Fables que celles d’Esope &amp; de Phedre. Puis il ajoûta que la verité estoit que je m’estois endormi en écrivant ; que i’avois songé pendant mon sommeil tout ce que i’avois cru oüir &amp; voir ; &amp; que la surprise &amp; la crainte s’estant iointes, &amp; tout à coup emparées de mon imagination, y avoient causé le mesme effet, qu’y auroit pu produire la verité mesme. J’eus de la peine en ce temps-là à goûter ce raisonnement, mais il a bien fallu m’y rendre dans la suite, comme tres-iuste. Observez pourtant, aimable Bergere, combien l’impression de ce songe estoit forte. Je pense de bonne foy que s’il n’eust esté dementi par toutes les circonstances que ie viens de dire, ie le prendrois encore aujourd’huy pour une verité, &amp; ie ne m’étonne pas si tant de gens ont eu la mesme opinion de quelques-uns des leurs, quelque avancez en âge, en experience, &amp; en raison qu’ils fussent, parce qu’ils auront pû se les imaginer aussi fortement que i’avois conceu le mien, sans avoir rien trouvé qui les ait desabusez de leurs fausses persuasions ; en cela contraires comme moy, à certain Medecin appellé Belon, qui parlant de luy-mesme dans un Livre qu’il a composé, dit que s’estant une fois éveillé en sursaut d’assez bon matin, dans une Hostellerie où il logeoit, au bruit de quelques personnes qui se lamentoient dans la ruë, &amp; s’estant levé en chemise, &amp; mis à la fenestre pour satisfaire sa curiosité, il avoit aperçeu des femmes échevelées &amp; à demy-nuës, qui passoient en pleurant &amp; en criant ; puis s’estant recouché &amp; rendormy, il avoit en suite raporté à son hoste, comme un songe, ce qui estoit arrivé, ne voulant pas croire cet hoste quand il l’assura qu’il n’y avoit point de songe en ce qu’il racontroit, qu’on l’avoit ouy se relever ; qu’on l’avoit vû à la fenestre, &amp; qu’il avoit esté témoin d’une desolation qui n’estoit que trop vraye pour le repos des miserables qui la souffroient. A quoy ie puis encore ajoûter l’exemple de ce maistre yvrogne, qu’un Duc de Bourgogne ayant vû vers le soir endormi sur un fumier, au milieu d’une ruë, fit par divertissement porter dans son Palais, deshabiller, mettre en beau linge à point, &amp; coucher dans une chambre dorée &amp; dans un lit magnifique, sans qu’il s’éveillast ; &amp; qui le lendemain matin estant éveillé fut vestu en Prince, loüé, flaté, servi, regalé &amp; traité de mesme iusqu’à la fin du jour, que s’estant renyvré &amp; rendormi, il fut recouvert de ses guenilles, &amp; reporté à l’endroit où il avoit esté pris. Aprés quoy ayant cuvé son vin, &amp; se trouvant sur le fumier, il crut qu’il n’en estoit pas sorti, &amp; recita comme un Songe, dont la durée ne luy auroit pas deplu, l’heureux jour qu’il avoit veritablement passé dans un Palais, avec toute sorte d’honneurs, de pompes &amp; de delices. Voilà, gentille Bergere, quelles sont les Erreurs de l’imagination. Le Medecin &amp; l’Yvrogne prenoient l’original pour la copie, &amp; le corps pour l’ombre ; &amp; moy au contraire, ie prenois l’illusion pour l’effet, &amp; le mensonge pour la verité. Justes fondemens de la Sceptique. Mais ie n’ay pas esté le seul qui ait esté deceu de cette maniere. Dion &amp; Brutus, ces deux grands Capitaines, &amp; ces deux sages Philosophes, que Plutarque compare l’un à l’autre, &amp; que je vous ay ouy loüer tant de fois, furent sans doute trompez comme moy, dans ces fameuses apparitions d’esprits que cet Auteur leur attribue. Voicy ce qu’il dit du premier</hi>. Comme il estoit par hazard un soir tout seul, assis à l’entrée d’une Galerie de son Palais, pensant profondement en luy-mesme à quelque chose, il oüit tout à coup du bruit ; de sorte que jettant la veuë sur l’autre bout de la Galerie, il y vit à la faveur du jour qui s’abaissoit, une grande &amp; hideuse Femme, tout à fait semblable d’habit &amp; de visage aux Furies, de la maniere dont on les represente sur les Theatres, laquelle avoit un balay à la main, dont elle nettoyoit la Maison. Cette vision l’étonna, &amp; il en fut si fort effrayé, qu’il envoya querir ses Amis pour la leur raconter ; &amp; estant comme hors de luy-mesme, il les pria de ne le point quitter cette nuit, dans la crainte qu’il avoit que ce Spectre ne se presentast encore à luy, lors qu’il seroit seul, ce qui n’arriva pourtant pas. <hi rend="i">Voilà le recit de Plutarque, par où il est aisé de juger que Dion avoit songé ce qu’il croyoit avoir veu. Toutes les circonstances concourent à cette pensée. Il estoit seul, il estoit assis, &amp; c’étoit sur le soir. Fatigué sans doute du travail de la journée, travail de corps ou d’esprit, ou de tous les deux, qui ne croira pas aisément que dans cet estat il s’endormit pensant à ce qui le faisoit resver ; que durant son sommeil, il se representa la Furie dans l’action qu’il la vit ; &amp; que la surprise &amp; la crainte s’estant tout a coup emparées de son ame à cet aspect, comme elles s’emparerent de la mienne, elles le firent passer comme moy, du sommeil au réveil, sans qu’il s’en apperceust. Je croy qu’il n’y a pas lieu d’en douter, &amp; ie le croy avec d’autant plus de raison que les mesmes effets s’ensuivirent, Dion ayant esté effaré &amp; épouvanté de son songe, comme ie le fus du mien. Quant à Brutus, Plutarque rapporte qu’estant une nuit bien tard dans sa Tente, avec un peu de lumiere, s’entretenant dans ses pensées, tandis que tout reposoit dans son Camp, il luy sembla qu’il entendoit quelqu’un entrer dans sa Tente ; si bien que iettant la veuë du costé de la porte, il apperceut la monstrueuse figure d’un corps de taille énorme &amp; épouvantable, qui se vint presenter à luy sans luy rien dire. Brutus plus étonné du silence du Spectre que de son apparition, eut l’assurance de luy demander qui il estoit, s’il estoit Dieu ou Homme, &amp; quel estoit le sujet qui l’amenoit là</hi>. Je suis ton mauvais Genie, <hi rend="i">luy répondit le Spectre</hi>, &amp; tu me reverras auprés de la Ville de Philippe. Eh bien, je t’y reverray, <hi rend="i">luy répondit Brutus, sans s’alarmer de cette espece de menace. Le Spectre disparut aprés ces paroles, &amp; Brutus ayant aussi-tost appellé ses Domestiques, leur demanda s’ils n’avoient rien ouy, ny rien vû. Ils luy répondirent que non ; aprés quoy il se remit à veiller &amp; à penser comme auparavant ; mais dés qu’il fut jour il alla trouver Cassius son Ami, pour luy conter la vision qu’il avoit euë. Plutarque ajoûte à ce recit, dans la suite de la vie de Brutus, ces mots</hi>. On dit que ce mesme Spectre qui s’estoit déja apparu à luy, s’y presenta une seconde fois en la mesme forme &amp; figure, &amp; disparut sans luy rien dire ; mais Publius Volumnius, homme sçavant en Philosophie, qui fut toujours avec Brutus dés le commencement de cette guerre, ne fait aucune mention de ce Spectre. <hi rend="i">Supposons pourtant qu’il luy apparut une seconde fois auprés de la Ville de Philippe, comme il l’avoit promis, cela ne doit pas empescher de croire que ces deux apparitions n’ayent esté de purs Songes. A l’égard de la premiere, tout contribue à le persuader. Brutus couché, quoy que Plutarque ne l’explique pas ; la nuit qui estoit extrémement avancée, il le remarque ; ses Domestiques qui ne virent &amp; qui n’entendirent rien, quoy qu’ils fussent proche de luy, &amp; mesme dans sa Tente, puis qu’il ne leur demanda pas seulement s’ils n’avoient rien ouy, mais encore s’ils n’avoient rien vû ; &amp; qui auroient pourtant deu aussi-bien l’entendre parler au Spectre, s’il luy avoit veritablement parlé, qu’ils l’entendirent quand il les appella ; &amp; enfin la voix du Spectre qui devoit estre bien forte, à en juger par la grandeur de son corps, dont le bruit n’auroit pas manqué d’estre ouy de ses Domestiques, &amp; mesme de les éveiller, eussent-ils esté profondement assoupis, puis que le Spectre n’avoit nul interest à se contraindre &amp; à parler bas. Tout cela, dis-je, nous apprend que Brutus, qui avoit cru veiller dans ces momens-là, avoit du moins sommeillé, &amp; que si le songe de la figure terrible &amp; menaçante ne luy causa pas de la crainte, il luy causa du moins de la surprise, &amp; que cette impression agissant fortement sur son esprit qu’il avoit naturellement mélancolique, luy fit ouvrir les yeux, sans penser qu’il les eust fermez, je veux dire, sans penser qu’il eust dormi. Quant à la seconde apparition, ce ne fut qu’un effet de la premiere, dont l’impression se réveilla aprés la défaite &amp; la mort de Cassius, lors que se voyant à la veille d’une deuxiéme Bataille, il vint à se representer qu’il pourroit bien avoir le mesme sort que son Ami, comme il arriva, &amp; il ne faut pas penser que les mêmes songes ne retournent pas, puis que l’experience apprend le contraire, &amp; qu’il est peu de personnes qui n’ayent songé diverses fois qu’elles tombent dans des puits, ou qu’elles volent proche de terre ; ou qu’on les appelle par leurs noms, &amp; qui s’estant mesme reveillées à ces diverses sortes de songes, ne les ayent pas pris pour des veritez. Vous direz peut estre, spirituelle Bergere, que les évenemens funestes qui suivirent les visions que j’ay rapportées, vous persuadent qu’elles estoient veritables, &amp; que l’histoire du Comte de Bouchain ne marque pas qu’il fust assis comme Dion, ny couché comme Brutus ; ny qu’il resvast comme l’un &amp; comme l’autre, pour le pouvoir accuser de sommeil &amp; de songe, aussi-bien qu’eux. J’avouë que l’Histoire de ce Comte dit seulement qu’il estoit sur le point de se coucher ; mais comme elle remarque que c’estoit sur le soir, &amp; qu’il avoit combatu durant le jour, la fatigue avoit pû l’abattre &amp; l’endormir avant qu’il se mist au lit, soit en priant Dieu, soit en pensant à d’autres choses. J’avouë mesme que Raymond d’Agiles, que cite le nouvel Auteur des Croisades sur l’histoire de ce Comte, luy fait seulement dire</hi>. J’ay veu la nuit, non pas en Songe, mais en veillant, le Seigneur Engelram de S. Pol, qui a esté tué à Marra, &amp;c. <hi rend="i">&amp; qu’ainsi le premier Auteur ne remarque pas que le Comte eust cette vision</hi>, le soir sur le point de se coucher, ayant combattu durant le jour, <hi rend="i">comme l’avance le second qui l’a pu tirer d’ailleurs, sans citation. Mais soit qu’il eust eu cette vision avant que de se mettre au lit, ou aprés s’y estre mis ; avant que de dormir, ou aprés avoir dormi &amp; s’estre éveillé ; je dis que comme Engelram estoit mort depuis peu de jours, le Comte que pensoit souvent à cet Ami en veillant, put aisément se le mettre dans l’esprit, pendant une surprise du sommeil, ou mesme pendant un sommeil profond ; &amp; puis se réveiller imperceptiblement dans le transport de son admiration pour la beauté du Palais celeste qu’il s’estoit representé ; &amp; dans l’ardeur du desir qu’il avoit de suivre ce cher Ami, en un si bel endroit : en sorte que ces impressions l’emportant sur celle du sommeil, il auroit cru voir éveillé, ce qu’il n’auroit veu qu’en dormi. C’est ainsi, belle Bergere, qu’un million d’autres ont fait des songes dont ils ne se sont pas apperceus, parce qu’ils en ont esté empeschez par la force de quelque mouvement qui s’estoit rendu maistre de leurs esprits &amp; de leurs reflexions, &amp; qui les préoccupoit trop pour leur donner lieu de douter, si leur imagination n’avoit point trompé leurs sens. Il est vray que le Comte de Bouchain fut tué dans une attaque, par une pierre tirée d’une machine des Ennemis, le lendemain de la vûë d’Engelram ; que le Fils unique de Dion se precipita de colere du haut d’un plancher en bas, quelques jours aprés la vision de la Furie ; &amp; que Brutus se donna luy-mesme la mort, de déplaisir d’avoir perdu la seconde Bataille de Philippe, aprés le retour de son mauvais genie ; &amp; qu’il semble qu’on doive conclure avec tous les Auteurs, dont aucun que je sçache, n’a soupçonné que ces trois personnes dormissent, non plus qu’elles mesmes, que les apparitions estoient les avertissemens des maux qui leur devoient arriver ; mais sans vous remontrer que Dieu, &amp; la Nature ne font rien en vain, &amp; que de tels avertissemens de maux seroient fort inutiles, puis qu’ils ne les detournent, ny ne les reculent, je vous representeray seulement que la prudence ne permet pas qu’on juge des choses accidentelles par l’évenement, d’autant qu’il releve de la fortune. Elle veut qu’on en juge par le principe qui les fait agir, qui n’estant icy qu’une cause obscure &amp; incertaine, ne peut rien produire de seur &amp; de reglé. On a veu des millions de Songes de cette nature, &amp; mesme beaucoup plus precis &amp; plus positifs que ceux-là. Le mien en est une petite preuve ; mais comme ils n’ont point eu de suites qui y répondissent on les a ensevelis dans le silence, au lieu que le pur hazard en ayant donné à ces trois-là, on ne les a pas seulement publiez, &amp; consacrez à la posterité, on en a encore voulu tirer des consequences pour les autres, en les proposant pour exemples, comme si trois fléches qui portent dans le noir, entre cent mille qui le manquent, devoient faire passer pour seure &amp; pour infaillible, la main qui les auroit tirées. Croyez-moy donc, aimable Bergere, ne vous amusez non plus aux Songes qu’aux figures qu’on voit dans les nuées, &amp; persuadez-vous que les Morts ne reviennent non plus que le Temps qui est passé, &amp; qu’ils ne reviendront qu’au son des trompettes celestes, lors qu’elles nous annonceront les grands Jours du Seigneur. Voila ce que je vous puis dire sur ce sujet. Vous avez Plutarque &amp; Maimbourg dans vostre charmante Bibliotheque, vous pouvez les consulter, si vous doutez que j’aye ajoûté, ou retranché aux extraits que j’en ay rapportez, mais assurez-vous qu’ils sont fidelles, &amp; qu’ils ne dementent point le caractere de vostre Serviteur</hi>, Le Berger de Flore.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_135" resp="mercure">
          <head>[Monsieur se rend aux Théatins la veille de Noël]*</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 135-138.</bibl>
          <p></p>
          <p>Vous sçavez sans doute, Madame, que les Peres Theatins ont accoûtumé de celebrer tous les ans une Neuvaine solemnelle dans les jours qui precedent la Feste de Noël, pour honorer l'attente des Couches de la Sainte Vierge. On y fait tous les jours la lecture d'une pieuse Meditation sur les Prieres de l'Eglise qu'on appelle communément les O, &amp; elle est precedée &amp; suivie d'une excellente Musique. Tant qu'a vescu la feuë Reine Mere Anne d'Austriche de glorieuse Memoire, elle n'a jamais manqué d'assister à cette solemnité, &amp; elle y venoit ordinairement accompagnée de ses Augustes Enfans. Pendant que le Roy faisoit sa residence à Paris, Sa Majesté y envoyoit toûjours sa Musique, &amp; ne manquoit point la veille de Noël de se trouver au Salut. Son A.R. Monsieur n'a pas oublié une si Sainte Coustume, dont la Reine sa Mere luy avoit donné l'exemple, &amp; à moins que quelque indisposition ne l'en empesche, ce Prince ne se dispense jamais de venir rendre ses hommages à la Créche du Sauveur naissant. Ainsi il a continué cette année ce pieux devoir, s'étant rendu dans l'Eglise des Peres Theatins le 24. du mois passé, accompagné de Madame &amp; de Mademoiselle.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_147" resp="mercure" copyOf="JLB_MG-1690-01_150">
          <head>[Eglise de Saint André dans la Ville de Niort, agrandie par les bienfaits du Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 147-152.</bibl>
          <p/>
          <p>Quelque soin qu'on prenne dans les Estats dont les Peuples sont de la Religion Pretenduë Reformée, de publier que tous les nouveaux Convertis de France n'ont qu'une apparence de Conversion, &amp; qu'ils ne font aucune des fonctions attachées à la Religion Catholique, on voit tous les jours mille choses qui convainquent du contraire. Il est vray qu'elles ne se remarquent pas tant à Paris, que dans les autres Villes du Royaume, non seulement parce qu'il y a toujours eu moins de Calvinistes dans cette Capitale, qu'en certaines Provinces, mais encore, parce que la grande quantité de peuples, fait qu'on y est pour ainsi dire, comme perdu dans la foule, &amp; que la vie des particuliers n'y est point connuë. Personne n'ignore qu'il y avoit un fort grand nombre de Protestans dans le Poitou, &amp; sur tout dans la Ville de Niort, &amp; il est si vray qu'ils assistent à l'Eglise avec autant de ferveur que les anciens Catholiques, que celle de Saint André s'estant trouvée trop petite pour contenir tous ceux qui ont abjuré le Calvinisme, le Roy qui ne laisse passer aucune occasion de signaler sa pieté, a donné dequoy travailler à l'agrandissement de cette Eglise. Mr le President de Fontmort dont le zele a toûjours paru fort grand pour tout ce qui regarde la veritable Religion, &amp; qui n'a épargné ny soins ny depenses pour la faire fleurir, a eu soin de l'employ des deniers que Sa Majesté a donnez pour cet Ouvrage, qui fut achevé la veille des Rois. Le lendemain, Mr de Fontmort fit poser la Croix sur le frontispice de cette Eglise, avec les Armes du Roy, &amp; l'on celebra une Messe solemnelle, où assisterent tous les Corps de Justice, &amp; tout ce qu'il y a de personnes de qualité &amp; de distinction dans la Ville, &amp; aux environs. Le Pere Mainard de l'Oratoire, qui est fort goûté des nouveaux Convertis de la Province, y prescha &amp; fit un Eloge du Roy qui répondit à la beauté de la matiere. Le Te Deum fut chanté ensuite, &amp; suivy de toute [sic] les démonstrations de la plus parfaite joye. La Mousqueterie &amp; les Cloches de la Ville se firent entendre aussi-bien qu'une infinité d'instrumens guerriers.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_152" resp="wordpro">
          <head>[Naissance d’un petit-fils de feu le duc de Saint-Aignan]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 152.</bibl>
          <p></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Beauvilliers, Fils de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Saint Aignan, &amp; le seul qui reste du premier lit, ayant eu huit Filles, commençoit à apprehender de n’avoir point de Garçons ; mais enfin, Madame, la Duchesse de Beauvilliers luy en vient de donner un, ce qui a causé beaucoup de joye dans toute cette Maison. Monseigneur le Duc de Bourgogne &amp; Madame la Duchesse de Chevreuse l’ont tenu sur les Fonts.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_155" resp="wordpro">
          <head>[Livres nouveaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 155-162.</bibl>
          <p></p>
          <p>On a mis depuis peu au jour un Livre, dont la dépense doit avoir esté grande, puis qu’il est tout gravé au burin. Il est intitulé, <hi rend="i">Reflexions sur quelques paroles de Jesus-Christ, particulierement sur les sept dernieres qu’il a prononcées sur la Croix, pour servir d’un saint Entretien à l’Ame Chrestienne pendant la Messe</hi>. Ce Livre est de M<hi rend="sup">r</hi> Nicolas, qui en a déja fait imprimer plusieurs autres, sans y avoir mis son nom. On le trouve à l’Aigle, ruë S. Jacques, chez M<hi rend="sup">r</hi> Bonnart, à qui le Public en doit la graveure. Comme elle est beaucoup plus belle &amp; plus nette que l’impression, les yeux sont aussi satisfaits que l’esprit de la lecture de ces sortes d’ouvrages.</p>
          <p>Il n’y a jamais eu personne qui ait porté si loin la Geographie que M<hi rend="sup">r</hi> Sanson d’Abbeville. Aussi peut-on dire que toute la France, ou plûtost toute la Terre luy est redevable, puis qu’il en a fait connoistre une infinité d’endroits dont on n’auroit jamais parlé sans luy, &amp; qu’il a donné une parfaite connoissance de ceux dont on n’avoit que des lumieres imparfaites. On vient de réimprimer son introduction à la Geographie, où sont indiquées <hi rend="i">les Sciences, dont la Geographie emprunte plusieurs principes, la description des differentes manieres dont cette science est representée, l’explication des termes de toutes les parties de la Geographie, une instruction des Cartes, la Geographie Astronomique, qui explique la correspondance du Globe terrestre avec la Sphere, la Geographie naturelle, qui donne les divisions de toutes les parties de la Terre &amp; de l’eau ; la Geographie historique qui considere la terre,</hi></p>
          <p><hi rend="i">Par les Etats Souverains.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Par l’étendue des Religions.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Par l’étendue des principales Langues.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Par les differentes especes ou races d’hommes.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Par leurs couleurs.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Et par la forme exterieure du corps.</hi></p>
          <p>Cette seconde Edition est beaucoup plus ample que la premiere. On peut juger de l’utilité d’un Volume qui contient tant de choses sans qu’il soit besoin d’en rien dire. Ce Livre se trouve chez l’Auteur aux Galleries du Louvre, vis à vis l’Eglise de Saint Nicolas.</p>
          <p>Vos Amies qui ont demandé <hi rend="i">le Napolitain</hi> avec tant d’empressement, seront bien-aises d’apprendre que le Sieur Guerout en a fait faire une Edition nouvelle. Les exemplaires de ce Livre n’ont si-tost manqué que par le grand succés qu’il a eu. On ne doit pas en estre étonné. Les sentimens s’y trouvent par tout si fort selon la nature, qu’il est impossible de ne demeurer pas persuadé des choses qu’on lit. Sur-tout les Lettres de Mademoiselle d’Ossanove ont un air de verité qui fait un plaisir inconcevable. Quelque vives qu’elles soient, il est aisé de connoistre que l’Auteur ne peut leur avoir presté que quelque arrangement dans les mots, puis qu’on ne sçauroit avoir écrit ce qu’elles contiennent sans l’avoir senty. Les Lettres Portugaises que l’on a tant admirées, sortoient hors du vraysemblable par la violence de la passion qui estoit outrée, mais celles-cy sont l’effet d’une tendresse, non seulement permise, mais ordonnée par un Pere, &amp; qui ayant un mariage arresté pour but, a pû obliger un jeune cœur de s’abandonner sans aucun scrupule à ce que l’amour a de plus sensible.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_162" resp="wordpro">
          <head>[Origine des Troubadours en Provence]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 162-170.</bibl>
          <p></p>
          <p>Madame la Comtesse de Grignan ayant voulu sçavoir ce qu’estoient autrefois en Provence les Troubadours &amp; la Cour d’Amour, M<hi rend="sup">r</hi> de Calvy ressuscita Guillaume Adheimar, un des Ancestres de M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Grignan, pour luy en porter des nouvelles. Ce Gentilhomme fut un Troubadour celebre, qui composa d’excellens Ouvrages, &amp; qui mourut d’amour pour la Comtesse de Die. Dans ce temps-là, les Gentils-hommes les plus distinguez de la Provence s’appliquoient à la Poësie. Les Comtes de Provence en faisoient eux-mesmes ; &amp; les Princes Etrangers avoient chez eux des Troubadours qui leur apprenoient cette Langue, &amp; la maniere de faire des Vers Provençaux. Alors les Dames tenoient Cour d’amour pleniere en quelques endroits de la Provence, où elles prononçoient des Arrests sur les questions qu’on leur envoyoit. C’est de là qu’on a tiré les Arrests d’amour compilez par un Procureur du Parlement de Paris. <hi rend="i">Troubadour</hi> signifie <hi rend="i">Inventeur</hi>, du mot Provençal <hi rend="i">troubar</hi>, qui veut dire <hi rend="i">trouver, inventer.</hi></p>
          <quote>
            <label>LE TROUBADOUR<lb />ADHEIMAR.<lb />A Madame la Comtesse<lb />de Grignan.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Voicy, belle Comtesse, un fameux Troubadour,</l>
              <l rend="i">Sorti pour vous du tenebreux sejour.</l>
              <l rend="i"> Le Provençal comblé de gloire</l>
              <l rend="i">Suivoit jadis les Loix de l’Empire amoureux.</l>
              <l rend="i">Vous voulez les sçavoir. Né dans ce temps heureux,</l>
              <l rend="i">Je viens avec plaisir vous en faire l’histoire.</l>
              <l rend="i">Moy que l’on voit briller parmy les grands Ayeux,</l>
              <l rend="i">De vostre illustre Epoux, l’honneur de mes Neveux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> La Cour d’amour fut une Cour pleniere,</l>
              <l rend="i">Le beau Sexe y gardoit une puissance entiere,</l>
              <l rend="i">Des Dames dont l’esprit égaloit les attraits,</l>
              <l rend="i"> Y prononçoient ces beaux Arrests,</l>
              <l rend="i"> Que l’Amour leur dictoit luy-mesme,</l>
              <l rend="i">Il parloit par leur bouche, &amp; regnoit dans leurs cœurs.</l>
              <l rend="i">Tout en reconnoissoit l’autorité suprême,</l>
              <l rend="i"> Barons, Princes, Rois, Empereurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Les doctes Filles du Parnasse,</l>
              <l rend="i">Delices autrefois du Grec &amp; du Romain,</l>
              <l rend="i"> Dans cette Cour prenoient leur place.</l>
              <l rend="i">Alors un Troubadour par un transport divin</l>
              <l rend="i">Sceut donner à sa Muse une nouvelle grace.</l>
              <l rend="i">C’est luy qui le premier soûmis à la raison,</l>
              <l rend="i">Fit au bout de deux Vers sentir le mesme son,</l>
              <l rend="i"> Et variant cette harmonie,</l>
              <l rend="i"> Rendit leur douceur infinie.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cet ornement nouveau charma tout l’Univers ;</l>
              <l rend="i">Les Poëtes d’abord en parerent leurs Vers,</l>
              <l rend="i"> Ces Vers dont la delicatesse</l>
              <l rend="i"> Egaloit ceux de Rome &amp; de la Grece.</l>
              <l rend="i"> C’est là qu’ils chantoient leur amour,</l>
              <l rend="i">Ou proposoient des questions galantes,</l>
              <l rend="i"> A ces Dames sçavantes</l>
              <l rend="i">Qui presidoient dans cette Cour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Durant ces siecles d’innocence</l>
              <l rend="i">Qu’on voyoit peu d’infidelles Amans !</l>
              <l rend="i">Dans les plaisirs, ou parmy les tourmens</l>
              <l rend="i"> Nous avions la mesme constance.</l>
              <l rend="i">Quelles Dames aussi vid-on regner sur nous ?</l>
              <l rend="i">Leur vertu, leur beauté, leur air, leur politesse,</l>
              <l rend="i"> Nous faisoient voir, grande Comtesse,</l>
              <l rend="i">Ce qu’aujourd’huy le monde admire en vous.</l>
              <l rend="i"> On les voyoit fierement se défendre</l>
              <l rend="i"> Des premiers soupirs d’un cœur tendre ;</l>
              <l rend="i">Elles ne se rendoient qu’à de longues amours,</l>
              <l rend="i">Et quand elles aimoient, elles aimoient toujours.</l>
              <l rend="i">Pour moy, jusqu’au trépas Adorateur fidelle</l>
              <l rend="i">  Des yeux qui m’avoient charmé.</l>
              <l rend="i">  J’expiray devant ma Belle,</l>
              <l rend="i"> Constant, &amp; constamment aimé.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Une mort si digne d’envie</l>
              <l rend="i"> Fut admirée, &amp; ne fut pas suivie.</l>
              <l rend="i">Par vous on l’a veu suivre. Un Peintre audacieux</l>
              <l> <hi rend="i">Fut consumé du feu de vos beaux yeux.</hi></l>
              <l rend="i"> Il n’est pas seul ; plus d’une Ombre plaintive,</l>
              <l rend="i"> M’a dit sur nostre sombre rive,</l>
              <l rend="i">Les charmes de Grignan ont causé mon trépas.</l>
              <l><hi rend="i">Je n’en suis point surpris quand je vois vos appas.</hi></l>
              <l rend="i"> Moy-mesme Ombre antique &amp; glacée,</l>
              <l><hi rend="i">Si la nuit du tombeau ne me venoit couvrir,</hi></l>
              <l rend="i">Je souffrirois pour vous ce que me fit souffrir,</l>
              <l rend="i"> L’ardeur de mon amour passée,</l>
              <l rend="i">Et je mourrois encor si je pouvois mourir.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_170" resp="wordpro">
          <head>L’Asne-Lion</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 170-173.</bibl>
          <p></p>
          <p>La Fable qui suit est du mesme M<hi rend="sup">r</hi> de Calvy, qui a fait parler si galamment le Troubadour Adheimar.</p>
          <quote>
            <label>L’ASNE-LION.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Un Asne un jour broutant l’herbe d’une Prairie</l>
              <l rend="i">Vit la peau d’un Lion ; il en trembla de peur ;</l>
              <l rend="i">Il le crut à l’instant vray Lion de Lybie ;</l>
              <l rend="i">Mais ensuite ses yeux rasseurerent son cœur.</l>
              <l rend="i">Ne craignons rien, ce n’est que la peau de la Beste ;</l>
              <l rend="i"> Allons, dit-il. Il s’en saisit,</l>
              <l> <hi rend="i">S’en couvre &amp; marche avec grand bruit,</hi></l>
              <l rend="i"> Battant les flancs, levant la teste.</l>
              <l rend="i">Devant l’Asne-Lion tout tremble, tout s’enfuit ;</l>
              <l rend="i">L’Animal s’applaudit &amp; rit de leur foiblesse :</l>
              <l rend="i">Mais son Maistre effrayé fuyant avec vîtesse,</l>
              <l rend="i">L’Asne pour l’arrester luy fait oüir sa voix.</l>
              <l rend="i"> Le rugissement ridicule</l>
              <l rend="i"> Rassure le Maistre, il recule,</l>
              <l rend="i">Et d’un coup de bâton luy fait sentir le poids.</l>
              <l rend="i"> Honteux de sa frayeur extrême,</l>
              <l rend="i"> Il dit plein d’indignation,</l>
              <l rend="i"> Un Asne, la lâcheté mesme,</l>
              <l rend="i"> S’ose couvrir de la peau d’un Lion !</l>
              <l rend="i">Ainsi mille faquins dans le siecle où nous sommes</l>
              <l rend="i">Cachent leurs noms obscurs sous des noms glorieux ;</l>
              <l rend="i">Leur puissance, leur train ébloüissent les yeux,</l>
              <l rend="i">Mais les voit-on de prés, à peine sont-ils hommes.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_173" resp="wordpro">
          <head>[Avanture]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 173-179.</bibl>
          <p></p>
          <p>Les engagemens de tendresse ont leur agrément, mais il faut toujours en craindre la fin, &amp; elle arrive quelquefois d’une maniere facheuse, qui fait qu’on regrette tout le temps qu’on a donné à ce que l’on jugeoit digne de l’estime la plus forte. Un jeune homme de qualité &amp; assez bien fait, recommandable d’ailleurs par ses belles qualitez, avoit pris de l’attachement pour une Veuve, dont je n’entreprendray point de vous expliquer le caractere ; vous en jugerez par l’évenement dont je vais vous faire part en peu de paroles. Quelque empressé qu’il parust pour elle, il ne luy rendoit jamais visite que l’aprésdînée, parce qu’un employ considerable dont il s’acquittoit avec honneur, l’occupoit tous les matins. Il est vray que de temps en temps elle venoit l’attendre chez luy un moment avant qu’il y rentrast, estant bien-aise de luy témoigner par ces petits soins, combien ceux qu’il luy rendoit la touchoient sensiblement. Il faisoit une dépense proportionnée au bien qu’il avoit, &amp; il affectoit sur tout d’avoir des Laquais bien faits, &amp; d’une tres-grande propreté. Il en avoit un entre les autres de fort bonne mine qui avoit sa confiance. Il s’en servoit pour les Messages qu’il faisoit faire à la Veuve, ou pour les Billets qu’il luy écrivoit, &amp; ce privilege luy avoit donné un air de fierté qu’il laissoit paroistre dans toutes ses actions. Le jeune Amant de la Dame s’estant un jour trouvé d’assez bon matin dans son quartier, resolut de profiter de l’occasion, en entrant chez elle. Il ne parla à personne, parce que la porte de la ruë estoit ouverte, aussi-bien que celle de l’antichambre, où il monta sans estre apperceu. Apparemment la Femme de Chambre qui avoit le secret de sa Maistresse, &amp; qui entra presque en mesme temps, avoit cru ne risquer rien en s’éloignant un moment sans avoir fermé la porte. Le jeune Amant ne fut pas faché de pouvoir porter luy-mesme à la Veuve l’avis de son arrivée. Il ouvrit sa chambre tout d’un coup, &amp; la vit à sa toilette. Elle n’auroit pas manqué de l’y recevoir agreablement si elle eust esté sans compagnie ; mais elle avoit auprés d’elle un jeune homme qui devoit l’embarasser. Il estoit en Robe de Chambre de brocard d’or, &amp; avoit une chemise d’une toile de Hollande fort fine, garnie de Point d’Espagne, un peu entr’ouverte, &amp; attachée negligemment d’un ruban couleur de feu. Il avoit aussi un bonnet de nuit piqueure de Marseille, chamarré de dentelle, avec une coife garnie de Point de France. Trois ou quatre mouches placées en divers endroits de son visage relevoient son teint qu’il avoit fort beau. Ils se regarderent tous avec beaucoup de surprise, &amp; celle du jeune Amant alla jusques à l’excés, lors qu’ayant envisagé fixement le Cavalier à robe de chambre, il le reconnut pour celuy de ses Laquais en qui il se confioit le plus. Il prit son party sur l’heure, &amp; aprés avoir fait une grande reverence, il se retira en disant d’un ton assez tranquille à la Dame, qu’il se réjoüissoit avec elle de son illustre conqueste, &amp; qu’il se garderoit bien d’avoir jamais des pretentions avec un Rival si dangereux. Il n’a point vû la Dame depuis ce temps-là, &amp; l’histoire ne dit point ce que le Laquais est devenu.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_199" resp="mercure">
          <head>[Ceremonies faites à Avignon pour l'Exaltation du cardinal Ottoboni au pontificat]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 199-203.</bibl>
          <p/>
          <p>Le soir du 3. du mois passé Mr. Cenci, Vicelegat d'Avignon, monta à l'Eglise Metropolitaine, où l'on chanta le Te Deum en Musique, pour rendre graces à Dieu de l'exaltation du Cardinal Ottoboni au Pontificat. Il y avoit plus de deux cens flambeaux de cire blanche allumez, ce qui faisoit un tres bel effet. Mr le Vicelegat marcha precedé de la Compagnie des Suisses &amp; de sa Garde ordinaire, &amp; accompagné de Mr Gaddi, Auditeur &amp; Lieutenant General de la Legation des Auditeurs de rote ; du Vicegerent de la Chambre Apostolique, des Juges de S. Pierre, du Viguier, Consuls, &amp; autres Magistrats, &amp; Officiers du Pape, &amp; de la Ville, &amp; de toute la Noblesse. Ensuite il descendit à la Place du Palais, où il fit allumer un feu qu'on y avoit préparé. Le lendemain, tout le Clergé Regulier &amp; Seculier se rendit le matin dans l'Eglise Metropolitaine, &amp; marcha de là processionnellement à celle des Peres Cordeliers. Mr le Vicelegat, precedé &amp; accompagné comme le jour précedent, suivit la Procession, &amp; lors qu'il fut monté sur le Trône que l'on a accoutumé de luy dresser, Mr de Garensé, Prevost de Nostre Dame, chanta la grand'Messe, aprés quoy Mr l'Abbé de Tulle prononça en Latin le Panégyrique du Pape avec beaucoup de succés. Cela estant fait, la Procession, &amp; Mr le Vicelegat retournerent dans le mesme ordre à l'Eglise Metropolitaine. Il y eut pendant trois jours des Illuminations extraordinaires au Palais Apostolique, à l'Hostel de Ville, &amp; à toutes les Maisons, avec de grands feux de joye &amp; d'artifice dans toutes les Places publiques.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_222" resp="wordpro">
          <head>[Deux auteurs de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 222-224.</bibl>
          <p></p>
          <p>Usuard &amp; Aimoin sont les deux plus fameux Ecrivains que cette Abbaye ait produits dans les siecles reculez. Le Pere du Breüil fit beaucoup d’Ouvrages dans le dernier siecle, entre autres les Antiquitez de Paris. Il donna aussi une addition aux œuvres de S. Isidore de Seville, ramassées &amp; reveuës sur les Manuscrits, ce qui a esté un prelude de ce qui s’est fait, &amp; se fait encore presentement dans ce Monastere, où les Religieux s’appliquent avec un grand soin à donner au Public les Ouvrages des Peres dans leur pureté originale, autant qu’il est possible. Douze cens Manuscrits qui ont esté collationnez pour la seule Edition du Saint Augustin, montrent la grandeur de ce travail. S. Ambroise, S. Anselme, S. Bernard, &amp; quelques autres Peres ont déja paru aussi, &amp; l’on verra bien-tost le S. Hilaire, le S. Jerosme &amp; le S. Athanase, qui sera suivi du S. Jean Chrysostome, &amp; des autres Peres Grecs qui auront plus de besoin d’estre retouchez. Les grands noms de Menard, d’Achery, Mabillon, Blampain, Germain, &amp;c. sont des garans de la perfection des Ouvrages ausquels ils ont travaillé, ou au moins des Religieux qui se sont formez sur leurs exemples, &amp; qui ont pris leurs Leçons.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_270" resp="wordpro">
          <head>[Sur le livre Reflexions morales pour les Personnes engagées dans les Affaires qui veulent vivre Chrestiennement]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 270-274.</bibl>
          <p></p>
          <p>Vous me mandez que le Livre intitulé, <hi rend="i">Reflexions Morales pour les personnes engagées dans les Affaires qui veulent vivre chrestiennement</hi>, c’est à dire pour les Intendans des grandes Maisons, Procureurs, Avocats, Notaires, Huissiers, &amp;c. porte un titre qui ne promet pas autant de satyre que l’on y en trouve. Je ne sçay si l’on peut appeller satyre les remontrances qu’on fait d’une maniere douce &amp; honneste, à ceux qui sont atteints de quelques vices, sur tout quand ces vices sont prejudiciables au prochain. Je trouve au contraire que ce sont d’utiles &amp; charitables remontrances pour empescher qu’ils n’y tombent, &amp; des avis à ceux qui en souffrent, qui leur donnent lieu de se garantir de beaucoup de surprises, pour ne pas dire friponneries, qui les ruinent souvent. Je demeure d’accord qu’on voit dans ce Livre beaucoup plus de tours d’adresse des Procureurs qui veulent gagner, que dans la Comedie de Grapinian, &amp; que chaque Plaideur devroit en faire son Livre favory pour le lire à tous momens, afin de l’apprendre en quelque sorte par cœur. Ses Procés luy coûteroient moins, &amp; avanceroient plus. Les grands Seigneurs devroient faire la mesme chose à l’égard de l’article des Intendans, &amp; chacun devroit à l’égard des autres professions, examiner les détours de ceux qui les professent, &amp; qui sont marquez dans le Livre, suivant qu’ils ont affaire à eux. Loin que ces sortes d’Ecrits choquent les honnestes gens d’une profession, ils doivent leur faire beaucoup de plaisir, puis qu’ils servent à les faire distinguer. En effet il n’y a point de profession qui ne soit bonne en soy estant établie, &amp; autorisée par les Loix, &amp; qui ne soit jugée necessaire au bien public. Ainsi lors que ceux qui la professent usent mal de leur employ, les défauts sont des Particuliers, &amp; non de la profession.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_289" resp="mercure" copyOf="JLB_MG-1690-01_189">
          <head>[Divertissemens du Carnaval]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 289-291.</bibl>
          <p/>
          <p>Pendant que plus de vingt Puissances souveraines liguées contre la France sont en mouvement, que l'on tient par tout des Assemblées, &amp; que la pluspart accablent leurs Sujets d'imposts, tout est tranquille en ce Royaume, tout y marche d'un pas égal, &amp; l'on prend les divertissemens de la saison à Paris &amp; à Versailles de la maniere qu'on a toujours fait. Le Roy a donné à son ordinaire de magnifiques repas depuis que le Carnaval est ouvert, &amp; l'on n'a passé aucune soirée à Versailles sans qu'il y eust quelque Mascarade, ou quelque autre divertissement. Monseigneur le Dauphin est aussi venu plusieurs fois prendre celuy du Bal à Paris, &amp; ce Prince s'estant extremement diverty au premier que luy donna Monsieur, a souhaité que Son Altesse Royale luy en donnast un second.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-01_299" resp="wordpro">
          <head>[Mort du frère de Saint-Simon]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, janvier [tome 1], 1690, p. 299-301.</bibl>
          <p></p>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Marquis de S. Simon mourut le 25. de ce mois, en son Chasteau du Plessis, dans sa quatre-vingt-dixiéme année. Il estoit Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur &amp; Bailly de Senlis, Maréchal des Champs &amp; Armées de Sa Majesté, &amp; avoit esté Colonel du Regiment de Navarre. C’estoit le Frere aisné de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de S. Simon, &amp; il avoit épousé le 14. Septembre 1634. Dame Loüise de Crussol, Veuve d’Antoine-Hercules de Bados, Marquis de Portes, &amp; Mere de Diane-Henriette de Bados, Marquise de Portes, premiere Femme de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de S. Simon son Frere. Ce Marquis n’a point eu d’enfans de sa Femme, qui est encore vivante, &amp; qui doit estre fort âgée, puis que sa Fille, premiere Femme de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Saint Simon, est morte en 1670. âgée de quarante ans. Je suis, Madame, Vostre, &amp;c.</p>
          <p><hi rend="i">A Paris ce 31. Janvier 1690.</hi></p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-02">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, février [tome 1], 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_007" resp="wordpro">
          <head>Le Luxe détruit</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 7-29.</bibl>
          <p>Toutes les actions du Roy ne sont pas seulement d’une nature à les faire regarder d’abord avec admiration, mais le temps fait remarquer qu’elles sont justes, necessaires &amp; prudentes. La quantité d’argenterie qu’on a portée aux Hostels des Monnoyes de France, a confirmé cette verité. On avoit bien cru qu’on y en envoyeroit pour des sommes considerables, mais on estoit bien éloigné de penser qu’elles deussent produire le double de tout ce qu’on s’en estoit pû imaginer. Cela est cause qu’il a falu prolonger de moitié le temps marqué pour la recevoir. On voit par là qu’il estoit temps de faire cette reforme. Elle ne peut qu’estre avantageuse à l’Etat, puis que cette prodigieuse quantité d’argenterie n’y estoit d’aucune utilité. Ce luxe ne regne point dans les Pays étrangers, &amp; ils ne s’en trouvent pas mal. Aussi n’est il pas necessaire que pour satisfaire une sotte vanité, des Bourgeois, comme on en a remarqué à Paris, ayent presque autant de Vaisselle, &amp; d’autres Ouvrages d’argent, qu’il s’en trouve chez de petits Souverains. M<hi rend="sup">r</hi> de Vin, dont vous connoissez l’heureux talent en Poësie, par plusieurs pieces que je vous ay envoyées de sa façon, &amp; que vous avez toutes fort estimées, a fait sur ce sujet les Vers que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <label>LE LUXE DÉTRUIT.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Ne te rebute point, Muse, reprens ta Lyre,</l>
              <l rend="i">Un miracle nouveau t’excite à le chanter ;</l>
              <l rend="i">C’est LOVIS qui le fait, cela te doit suffire.</l>
              <l rend="i">Ainsi cherche des tons que l’on puisse goûter,</l>
              <l> <hi rend="i">Et d’une methode nouvelle</hi></l>
              <l rend="i"> Ajustant ta voix avec elle,</l>
              <l rend="i">Fais entendre en tous lieux, &amp; redire aux Echos</l>
              <l rend="i"> Ta reconnoissance &amp; ton zele,</l>
              <l rend="i"> Et le plus grand de ses travaux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Le Ciel qui le donna pour le bien de la France,</l>
              <l rend="i"> Le promit long-temps à nos vœux,</l>
              <l rend="i">Et sembla ne nous faire attendre sa naissance,</l>
              <l rend="i"> Que pour nous rendre plus heureux.</l>
              <l rend="i"> Nostre pieuse violence</l>
              <l rend="i">Qui renverse souvent ses Decrets, ses desseins,</l>
              <l rend="i">Comme en dépit de luy l’arracha de ses mains.</l>
              <l rend="i"> Dés qu’il parut, quelle allegresse ?</l>
              <l rend="i">Mais quels transports de joye &amp; quels ravissemens</l>
              <l rend="i"> Quand on vit les empressemens</l>
              <l rend="i">Qu’il eut de s’éloigner de l’indigne molesse,</l>
              <l rend="i">Qui des Rois d’ordinaire occupe la jeunesse !</l>
              <l rend="i">Bien loin de s’ébloüir du pouvoir Souverain,</l>
              <l rend="i">La sienne fut toujours utilement active.</l>
              <l rend="i"> Nostre attente &amp; son grand destin</l>
              <l rend="i">Estoient à soutenir, &amp; bien nous prit enfin</l>
              <l rend="i"> Qu’on ne la vit jamais oisive ;</l>
              <l rend="i">Car il trouva d’abord trois Monstres à dompter,</l>
              <l rend="i">Mais Monstres, qui fameux par plus d’un homicide,</l>
              <l rend="i">Demandoient des efforts plus grands que ceux d’Alcide,</l>
              <l rend="i"> Et plus qu’un Fils de Jupiter.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Pour voir couler du sang le premier qui s’empresse,</l>
              <l rend="i"> (On le nomme le faux honneur)</l>
              <l rend="i">Par de frequens Combats épuisoit la Noblesse.</l>
              <l rend="i">Ses yeux de Bazilie inspiroient la fureur</l>
              <l rend="i"> A toute sa folle jeunesse,</l>
              <l rend="i"> Et par leur poison délicat</l>
              <l rend="i">On voyoit perdre en vain la force de l’Etat.</l>
              <l rend="i"> Ce mal d’autant plus incurable</l>
              <l rend="i">Qu’à ceux qu’il attaquoit il paroissoit aimable,</l>
              <l rend="i"> Et qu’il passoit pour glorieux,</l>
              <l rend="i">Sembloit le détourner d’en essayer la cure,</l>
              <l rend="i">Et luy dire qu’enfin, tourné comme en nature,</l>
              <l rend="i"> Il n’y réussiroit pas mieux</l>
              <l rend="i"> Que la pluspart de ses Ayeux.</l>
              <l rend="i">Mais dés qu’il s’apperceut qu’elle estoit necessaire,</l>
              <l rend="i">Il l’entreprit, il fit ce qu’ils n’avoient pû faire,</l>
              <l rend="i">Et d’un seul trait que lance un fulminant Edit,</l>
              <l rend="i">Terrasse le Duel, le dompte, &amp; le détruit.</l>
              <l rend="i"> Par là, plus docile, &amp; plus sage,</l>
              <l rend="i">Cette Noblesse apprit à regler son courage,</l>
              <l rend="i"> Et loin de prodiguer son sang</l>
              <l rend="i">Pour un mot de travers, pour un pas, pour un rang,</l>
              <l rend="i"> Ne montra plus de jalousie</l>
              <l rend="i">Qu’à qui serviroit mieux son Prince &amp; sa Patrie.</l>
              <l rend="i"> Avant cela de son grand Corps</l>
              <l rend="i"> Ennemy méprisoit les impuissans efforts ;</l>
              <l rend="i">Il estoit énervé par sa fiere manie.</l>
              <l rend="i"> Mais mieux instruit du point d’honneur,</l>
              <l rend="i">Il n’en connut plus d’autre, &amp; LOVIS à sa teste</l>
              <l rend="i">Marcha toûjours depuis de Conqueste en Conqueste,</l>
              <l rend="i">Et peut-estre en doit-il quelqu’une à sa valeur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce premier Monstre à bas luy fit naistre l’envie</l>
              <l rend="i">  De triompher de l’heresie.</l>
              <l rend="i">Ce second, fourbe, adroit, fier, &amp; seditieux,</l>
              <l><hi rend="i">Par son air carressant, par sa voix de Syrene,</hi></l>
              <l rend="i">D’abord, quoy qu’en secret, introduit en tous lieux,</l>
              <l rend="i">Les avoit infectez de sa funeste haleine.</l>
              <l rend="i"> Les charmes de la nouveauté</l>
              <l rend="i"> Luy donnoient mesme une beauté</l>
              <l rend="i"> Qui trouva le secret de plaire.</l>
              <l rend="i">On crût, en le voyant, n’estre que curieux,</l>
              <l rend="i"> Et son poison pris par les yeux,</l>
              <l rend="i"> Passant de la veine à l’artere,</l>
              <l rend="i"> Penetra jusque dans le cœur.</l>
              <l rend="i"> Là prenant de nouvelles forces</l>
              <l rend="i">Dans l’Estat, dans l’Eglise il sema des divorces.</l>
              <l rend="i">D’un jeune ambitieux il servit la valeur,</l>
              <l rend="i">Il s’en fit à son tour un puissant Protecteur,</l>
              <l rend="i"> Et sous le vain nom de Reforme</l>
              <l rend="i"> Qui seduisit quelques Bigots,</l>
              <l rend="i"> Augmenta sa grandeur enorme</l>
              <l rend="i"> Jusqu’au point qu’on crût à propos</l>
              <l rend="i"> De le laisser par tolerance</l>
              <l rend="i">Regner impunément au milieu de la France.</l>
              <l rend="i"> Qu’en arriva-t-il à la fin !</l>
              <l rend="i">Bientost du faux honneur il suivit le destin.</l>
              <l rend="i"> En pouvoit-il avoir un autre</l>
              <l rend="i">Sous un Prince aussi sage, aussi grand que le nostre,</l>
              <l rend="i">Et qui, plein de la foy qu’il tient de ses ayeux,</l>
              <l rend="i">Ne voyoit qu’à regret ce Monstre furieux ?</l>
              <l rend="i"> Grace à la ferveur de son zele</l>
              <l rend="i">Aux pieds de nos Autels tous ses Sujets unis</l>
              <l rend="i"> Ne connoissent plus d’ennemis</l>
              <l rend="i">Que les siens, &amp; que ceux qu’une ligue rebelle</l>
              <l rend="i"> Fait à l’Eglise universelle.</l>
              <l rend="i"> Tous à Rome, à leur Roy soumis</l>
              <l rend="i"> Concourent d’une ardeur fidelle</l>
              <l rend="i">A chasser loin d’icy la revolte &amp; l’erreur,</l>
              <l rend="i">Et tous, sans affoiblir la puissance Royale,</l>
              <l rend="i">En Enfans dévoüez témoignent leur bonheur</l>
              <l rend="i">De se voir sous le joug de la Pontificale.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le troisiéme, qui tient des precieux métaux</l>
              <l rend="i"> Dont il a tiré sa naissance,</l>
              <l rend="i">La beauté, les attraits, &amp; les funestes maux</l>
              <l rend="i">Qu’en charmant tous les yeux il souffloit sur la France ;</l>
              <l rend="i"> Le Luxe, Enfant de l’Opulence,</l>
              <l rend="i">Fut, on l’a déja dit, le plus grand des travaux</l>
              <l rend="i"> De ce Monarque infatigable.</l>
              <l rend="i"> Le Duel n’estoit redoutable</l>
              <l rend="i">Qu’à la Noblesse seule, &amp; sur le point d’honneur</l>
              <l rend="i">On pouvoit esperer de la rendre traitable.</l>
              <l rend="i">Le seul libertinage attachoit à l’erreur.</l>
              <l rend="i">De son peuple, on l’avouë, une grande partie</l>
              <l><hi rend="i">L’avoit dés la mamelle &amp; sucée, &amp; suivie :</hi></l>
              <l rend="i"> Mais quelque grand que fust ce mal,</l>
              <l rend="i"> Le Luxe, comme general,</l>
              <l rend="i">Estoit bien plus funeste, &amp; peut-estre invincible.</l>
              <l rend="i">Chacun mesme en croyoit la deffaite impossible,</l>
              <l rend="i"> Et tel qu’un air contagieux</l>
              <l rend="i">  Qui ne respecte ny les lieux</l>
              <l rend="i">Ny le bien, ny l’esprit, ny le sexe, ny l’âge,</l>
              <l rend="i">Il n’épargnoit personne ; on le voyoit des Grands</l>
              <l rend="i">Passer aux plus petits, &amp; les moins opulens</l>
              <l><hi rend="i">Bruloient du feu secret de sa brillante rage.</hi></l>
              <l rend="i"> La sobre Table qui jadis</l>
              <l rend="i"> Aidoit à lier davantage</l>
              <l rend="i"> Et les parens &amp; les amis,</l>
              <l rend="i"> Ne servoit plus qu’à satisfaire</l>
              <l rend="i">La sotte vanité de celuy qui traitoit.</l>
              <l rend="i">Quoy qu’à ses Conviez on fist fort bonne chere,</l>
              <l rend="i"> On y songeoit moins qu’à leur faire</l>
              <l rend="i"> Voir, &amp; loüer de son Buffet,</l>
              <l rend="i"> Mieux éclairé qu’une chapelle,</l>
              <l rend="i"> La folle &amp; nombreuse Vaiselle,</l>
              <l rend="i">Vaisselle, que sans soin de ses propres enfans,</l>
              <l rend="i">Un Valet, pris exprés, tenoit &amp; claire &amp; nette,</l>
              <l rend="i">Et dont, sans la payer, on ne faisoit l’emplette</l>
              <l rend="i"> Que pour s’attirer un encens</l>
              <l rend="i"> Dont on est encor plus avide</l>
              <l rend="i"> Que des perdrix &amp; des faysans</l>
              <l rend="i"> Que l’on y sert en pyramide ;</l>
              <l><hi rend="i">Vaisselle qu’aux despens d’un pauvre Creancier.</hi></l>
              <l rend="i">On aimoit mieux enfin garder, sans en rien faire,</l>
              <l rend="i"> Que de la vendre &amp; le payer,</l>
              <l rend="i"> Et que, forcé de s’en deffaire,</l>
              <l rend="i">On pleuroit mesme plus que sa propre misere.</l>
              <l rend="i"> Dans les riches appartemens</l>
              <l rend="i">De Versailles, l’objet de ses amusemens,</l>
              <l rend="i">LOVIS avoit fait voir la grandeur de la France.</l>
              <l rend="i">Le Luxe, la faveur de sa magnificence</l>
              <l rend="i">Devenu plus hardy, redoubloit son éclat,</l>
              <l rend="i">Car il se doutoit bien qu’on le prendroit pour elle,</l>
              <l rend="i"> Et qu’il pourroit du Magistrat</l>
              <l rend="i">Surprendre, sous son nom, &amp; les yeux &amp; le zele.</l>
              <l rend="i">En effet, ainsi pris, &amp; petit à petit</l>
              <l rend="i">Sans qu’on s’en apperçoive il s’enfle, il s’acredite,</l>
              <l rend="i"> Et les gens de peu de merite</l>
              <l rend="i">Que son fard orne moins qu’il ne les enlaidit,</l>
              <l rend="i">L’appuyerent si bien que toute la substance</l>
              <l rend="i"> Du commerce &amp; de la finance</l>
              <l rend="i">Reduite &amp; convertie en meubles precieux,</l>
              <l rend="i">Ne servoit qu’à nourrir ce Monstre fastueux.</l>
              <l rend="i"> Quels desordres estoient les nostres ?</l>
              <l rend="i"> La destruction des deux autres</l>
              <l rend="i">Devenoit, luy restant, sterile, car enfin</l>
              <l rend="i">Son poison enfloit trop, &amp; rendoit fier &amp; vain.</l>
              <l rend="i">Pour peu qu’on en eust pris, on avoit la folie</l>
              <l><hi rend="i">De se croire au dessus de ce qu’on estoit né.</hi></l>
              <l><hi rend="i">De sa prompte fortune oubliant l’infamie,</hi></l>
              <l rend="i">Le faquin méprisoit l’homme de qualité ;</l>
              <l rend="i">Il osoit se flater que son argenterie</l>
              <l rend="i"> Feroit perdre le souvenir</l>
              <l rend="i">Du fumier paternel dont on le vit sortir :</l>
              <l rend="i">Mais comme il ne pouvoit se donner sa noblesse,</l>
              <l rend="i">Sous des habits pompeux il cachoit sa bassesse.</l>
              <l rend="i">De ses meubles dorez il repaissoit ses yeux,</l>
              <l rend="i"> S’en faisoit d’illustres Ayeux,</l>
              <l rend="i">Et sans rougir des siens, portoit son insolence</l>
              <l rend="i"> Jusqu’à luy contester un rang</l>
              <l rend="i">Qu’avec tant de raison luy donne sa naissance,</l>
              <l rend="i"> Et qu’il doit à ce noble sang</l>
              <l rend="i">Que depuis si long-temps il verse pour la France.</l>
              <l rend="i"> Telle est la fiere vanité</l>
              <l rend="i"> Où ce Monstre sçait nous conduire,</l>
              <l rend="i"> Et dés qu’on s’en laisse seduire,</l>
              <l rend="i">On exige par tout avec temerité</l>
              <l rend="i">Des honneurs qu’on ne doit qu’à la Divinité.</l>
              <l rend="i">On s’offence de tout, on ne cede à personne,</l>
              <l rend="i">Dans tous ses sentimens on veut avoir raison,</l>
              <l rend="i"> Et comme son mortel poison</l>
              <l rend="i">En nous fermant les yeux nous inspire &amp; nous donne</l>
              <l rend="i"> Plus de merite &amp; plus d’esprit</l>
              <l rend="i"> Qu’on n’en avoit quand on le prit,</l>
              <l rend="i">Nous allions bien-tost voir renaistre la furie</l>
              <l rend="i"> Du Duel &amp; de l’Heresie.</l>
              <l><hi rend="i">LOVIS pour ses Sujets qui veille nuit &amp; jour,</hi></l>
              <l rend="i">En vit d’un seul coup d’œil toute la consequence,</l>
              <l rend="i">Et d’abord, quoy qu’en vain, chercha dans sa prudence</l>
              <l rend="i">Le moyen d’empescher leur funeste retour.</l>
              <l rend="i">A la faveur du Luxe ils reprenoient courage,</l>
              <l rend="i">Et ce Luxe, en un mot, aussi fier qu’entesté</l>
              <l rend="i">S’estoit de telle sorte en tous lieux cimenté,</l>
              <l rend="i">Que ne pouvant sans risque en suspendre la rage,</l>
              <l rend="i">Il se voyoit forcé d’en souffrir le ravage.</l>
              <l rend="i"> Enfin sa royale Bonté</l>
              <l rend="i"> Trouva le secret infaillible</l>
              <l rend="i">De vaincre &amp; de détruire un Monstre si terrible.</l>
              <l rend="i">Versailles, luy dit-elle, est un lieu tout charmant,</l>
              <l rend="i"> Et vous l’aimez uniquement.</l>
              <l rend="i">Il faut, si vous voulez que le malheur finisse,</l>
              <l rend="i">De vos meubles d’argent faire un prompt sacrifice.</l>
              <l rend="i">L’exemple d’un grand Roy peut tout sur ses Sujets,</l>
              <l rend="i">Et dés que vous aurez banny de ce Palais</l>
              <l rend="i"> Sa pompeuse magnificence,</l>
              <l rend="i"> SIRE, vous les verrez tout prests</l>
              <l rend="i">A chasser de chez eux le faste &amp; l’insolence.</l>
              <l rend="i"> Sans cela point d’obeissance,</l>
              <l rend="i">Et cet exemple seul mieux que tous vos Edits,</l>
              <l rend="i"> Peut guerir leurs foibles esprits</l>
              <l rend="i">De cette ruineuse &amp; sotte extravagance.</l>
              <l rend="i">Quel remede ! Loüis qui faisoit son plaisir</l>
              <l rend="i">De ce lieu qu’esleva, qu’embellit son loisir,</l>
              <l rend="i">Resve quelques momens sur ce triste remede ;</l>
              <l rend="i"> Enfin il se resout, il cede,</l>
              <l rend="i">Et laissant de son cœur échaper un soupir ;</l>
              <l rend="i">Oüy, ma Bonté, dit-il, vous estes la maistresse.</l>
              <l rend="i">Montrez à ces Sujets ingrats &amp; fastueux</l>
              <l rend="i"> Ce que me coûte la tendresse</l>
              <l rend="i">Que vostre seul conseil me fait prendre pour eux,</l>
              <l rend="i">Et faites leur sçavoir qu’à leurs besoins propice</l>
              <l rend="i"> Je consens à ce sacrifice.</l>
              <l rend="i">A ces mots gueridons, tables, miroirs, chenets,</l>
              <l rend="i">Vases, balustres, feux, urnes, &amp; cabinets,</l>
              <l rend="i"> Furent jettez par la fenestre,</l>
              <l rend="i"> Et de ses grands appartemens,</l>
              <l rend="i"> Quel prodige ? on vit disparoistre</l>
              <l rend="i"> Ces precieux ameublemens,</l>
              <l rend="i">Dont l’art ingenieux surpassoit la matiere.</l>
              <l rend="i"> Par là mieux que par des combats</l>
              <l rend="i">Que souvent sans égard au bien de leurs Estats,</l>
              <l rend="i">La seule ambition force les Rois de faire ;</l>
              <l rend="i">Par là, dis-je, en un mot, mieux que par sa valeur,</l>
              <l rend="i">LOVIS qui toûjours grand, qui toûjours magnanime</l>
              <l rend="i">Fait de nostre bonheur sa premiere maxime,</l>
              <l rend="i">Exige, &amp; veut de nous une nouvelle ardeur.</l>
              <l> <hi rend="i">Redoublons donc pour son service</hi></l>
              <l rend="i">Nostre zele, nos vœux, nostre fidelité,</l>
              <l rend="i">Et par des cœurs soumis rendons à sa Bonté</l>
              <l rend="i"> Sacrifice pour sacrifice.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_078" resp="mercure">
          <head>[Divertissement du Carnaval]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, février 1690, p. 78-84.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que le Carnaval ait esté court, les plaisirs n'ont pas laissé d'estre grands, &amp; jamais on n'a fait paroistre plus d'empressement pour se divertir. Monseigneur le Dauphin estant venu au Bal chez Son Altesse Royale Monsieur, on y compta depuis l'ouverture du Bal jusques à quatre heures du matin huit à dix mille Masques. Monseigneur eut encore le mesme divertissement le dernier Dimanche du Carnaval. Le Lundy il y eut Bal à Versailles chez Mr le Duc du Maine, où toute la Cour se rendit, &amp; le Mardy chez le Roy, où Monseigneur le Dauphin parut sous quatre habits differens. Le mesme Mardy, Monsieur le Duc de Chartres donna le Bal à Mademoiselle au Palais Royal. Il y vint un nombre infiny de Masques qui furent charmez des manieres de ce jeune Prince. Ce seroit icy le lieu de vous en entretenir, mais je laisse parler M<hi rend="sup">r</hi> Pagot, Valet de Chambre de Monsieur, qui a fait les Vers que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Jamais dans un cœur bas un noble sang ne tombe,</l>
              <l rend="i">L’Aigle ne produit point la timide Colombe.</l>
              <l rend="i">Dés ses plus tendres ans le sang des demy-Dieux</l>
              <l rend="i">Montre son origine, &amp; prouve ses Ayeux.</l>
              <l><hi rend="i">Du Berceau de Pyrrus l’inexorable Achille</hi></l>
              <l rend="i">Vit Priam accablé des débris de sa Ville,</l>
              <l rend="i">Et pour un coup d’essay l’invincible LOVIS</l>
              <l rend="i">Voit tomber Philisbourg sous la main de son Fils.</l>
              <l rend="i">Philippe, ce Heros qui toûjours intrepide,</l>
              <l rend="i">Eut dans tous ses Combats la Victoire pour guide,</l>
              <l rend="i">Qui s’exposant sans cesse aux plus affreux hazards</l>
              <l rend="i">Dans les Champs de Cassel parut un second Mars,</l>
              <l rend="i">Philippe, de LOVIS l’auguste &amp; digne Frere,</l>
              <l rend="i">Voit son Fils soûtenir son mesme caractere.</l>
              <l rend="i">Ce jeune &amp; sage Prince est son vivant portrait,</l>
              <l rend="i">Il a de ses vertus jusques au moindre trait.</l>
              <l rend="i">Il a sa fermeté, sa douceur, sa prudence,</l>
              <l rend="i">Sa force, sa valeur, sa bonté, sa clemence,</l>
              <l rend="i">Et malgré sa jeunesse on voit dés aujourd’huy,</l>
              <l rend="i">Ce que tout l’Univers doit attendre de luy.</l>
              <l rend="i">Il brûle de courir signaler son courage,</l>
              <l rend="i">A toute heure on l’entend se plaindre de son âge,</l>
              <l rend="i">Qui s’opposant encore à ses desirs guerriers,</l>
              <l rend="i">Remet à d’autres temps l’amas de ses Lauriers.</l>
              <l rend="i">Pour mieux entretenir cette heroïque audace,</l>
              <l rend="i">Dans les regles de l’art il fit faire une Place *</l>
              <l rend="i">Où soumis à ses loix, de genereux Soldats</l>
              <l rend="i">Donnoient de vains assauts, faisoient de faux Combats.</l>
              <l rend="i">Ce plaisir seul pour luy sembloit avoir des charmes,</l>
              <l rend="i">Son cœur s’applaudissoit dans ces feintes alarmes.</l>
              <l rend="i">La toujours assidu parmy les Combattans,</l>
              <l rend="i">On le vit mépriser les injures du temps,</l>
              <l rend="i">Toujours infatigable, &amp; toujours dans la peine,</l>
              <l rend="i">S’occuper des devoirs d’un sage Capitaine,</l>
              <l rend="i">Instruire, disposer, &amp; dans le plus grand feu</l>
              <l rend="i">Soupirer de regret que ce ne fust qu’un jeu.</l>
              <l rend="i">De ce jeune Heros nous devons tout attendre ;</l>
              <l rend="i">S’il montre tant d’ardeur dans un âge si tendre,</l>
              <l rend="i">Que ne fera-t-il point quand la foudre à la main</l>
              <l rend="i">Il ira dans ses Forts attaquer le Germain ?</l>
              <l rend="i">Heureux, qui le suivant dans sa vaste Carriere,</l>
              <l rend="i">Se couvrira sous luy d’une noble poussiere.</l>
              <l rend="i">Heureux qui par des Vers avoüez d’Apollon,</l>
              <l rend="i">Au Temple de l’Honneur portera son grand nom !</l>
              <l rend="i">Plus heureux si mon sang, que je vouë à sa gloire,</l>
              <l rend="i">Peut marquer quelque jour sa premiere Victoire !</l>
            </lg>
            <note><p>* Le Fort de Saint Cloud.</p></note>
          </quote>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_084" resp="wordpro">
          <head>Stances à Iris</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 84-88.</bibl>
          <p>Les Vers qui suivent sont du mesme Auteur.<note place="bottom" resp="editor">M. Pagot, valet de chambre de Monsieur (voir <a href="target">"MG-1690-02_078"</a>).</note></p>
          <quote>
            <label>STANCES A IRIS.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Vous me voulez en vain porter au mariage,</l>
              <l rend="i"> Je ne sçaurois y consentir.</l>
              <l rend="i">Le peu que vous pourriez y trouver d’avantage</l>
              <l rend="i">  Me pousse à vous en divertir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Si ma flâme à present a pour vous quelques charmes,</l>
              <l rend="i">  Je ne les dois qu’au nom d’Amant ;</l>
              <l rend="i">Ce qui vous plaist en moy vous coûteroit des larmes</l>
              <l rend="i">  Un mois aprés le Sacrement.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Nous brûlons tous les deux d’une flâme secrette,</l>
              <l rend="i">  Le nœud n’en peut estre détruit,</l>
              <l rend="i">Et sous le joug d’hymen l’ardeur la plus parfaite</l>
              <l rend="i">  Est éteinte dans une nuit.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ces noms toûjours si doux d’Amant &amp; de Maistresse</l>
              <l rend="i"> S’ensevelissent dans l’oubly.</l>
              <l rend="i">Il n’est plus de soupirs, il n’est plus de tendresse,</l>
              <l rend="i"> Lors que l’Amant devient Mary.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Je fais tout mon bonheur de vous voir, de vous plaire,</l>
              <l rend="i">  Vous avez sur moy tout pouvoir.</l>
              <l rend="i">Un Epoux, belle Iris, agit tout au contraire,</l>
              <l rend="i"> Ce qu’il veut, il faut le vouloir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mon cœur est penetré, quand mes tendres priéres</l>
              <l rend="i">  Obtiennent la moindre faveur ;</l>
              <l rend="i">Mais toutes pour l’Epoux, &amp; mesme les dernieres,</l>
              <l rend="i">  Ont rarement de la douceur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Vostre amour à present est libre volontaire,</l>
              <l rend="i">  Tout succede à vostre desir,</l>
              <l rend="i">Belle Iris, un contrat le rendroit necessaire,</l>
              <l rend="i">  Le devoir oste le plaisir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Laissez donc avancer la juste destinée</l>
              <l rend="i">  Des appas qui m’ont enchanté.</l>
              <l rend="i">Aprés deux on trois ans d’un funeste hymenée,</l>
              <l rend="i">  Il faut dire, adieu la beauté.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Joüissons des plaisirs que donne le jeune âge</l>
              <l rend="i">  A deux cœurs qui s’entendent bien.</l>
              <l rend="i">Deux Amans ne devroient songer au mariage</l>
              <l rend="i">  Que quand leurs feux sont sans soutien.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_089" resp="wordpro">
          <head>[Portraits des Generaux de l’Armée de l’Empereur]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 89-111.</bibl>
          <p>Il a couru un manuscrit intitulé <hi rend="i">Portraits des Generaux d’Armée de l’Empereur</hi>. Il en est tombé une copie entre mes mains, je ne vous répons pas qu’elle soit correcte, parce qu’elle peut n’avoir pas esté prise sur l’original. J’ay crû à propos de retrancher les portraits de Monsieur l’Electeur de Baviere, &amp; de Monsieur le Prince Charles de Lorraine qui sont à la teste. Vostre curiosité pourra se satisfaire d’ailleurs ; mais comme mes Lettres deviennent publiques, je n’y dois rien mettre de cette nature qui regarde de si grands Princes, ainsi je commence par le troisiéme Portrait.</p>
          <p><hi rend="i">Le Prince Loüis de Bade</hi> est un vray Homme de Guerre ; il en aime le métier, &amp; y met toute son application. Il a beaucoup de courage, voit assez clair dans un combat, actif, vigilant, de l’ordre dans la disposition des Troupes, laborieux, toujours à cheval, &amp; le plus capable de devenir un grand General si la présomption ne le gâtoit pas ; écoutant peu les conseils, &amp; quand il est forcé de les suivre, ce n’est que longtemps aprés, &amp; jamais sans y avoir changé quelque chose qui puisse persuader qu’ils ne viennent que de luy ; voulant paroistre aisé-à vivre, mais difficile à tout ce qui n’est pas d’une aveugle complaisance ; peu juste sur le blâme &amp; sur la loüange, &amp; n’en donnant qu’autant qu’on est attaché à luy, ou éloigné de ses interests : peu capable de se conduire dans une Cour, parlant librement, à charge aux Ministres ; enfin il a toutes les qualitez les plus propres pour commander dignement une Armée, &amp; pour oster l’envie de la luy confier.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Caprara</hi> a esté avancé dans les Armées par la protection de Montecuculi son Oncle, &amp; ne pouvant faire fortune que par la guerre, il a montré dans diverses occasions le courage dont a besoin un Soldat de fortune. Du reste, ses conseils sont toujours de ne rien hazarder, &amp; ils sont remplis de cette prudence qui donne de la crainte à ceux qui par interest, &amp; sans s’apercevoir que c’est la peur qui les inspire, sont toujours persuadez que les parties les plus timides sont les meilleures. Il a l’esprit qu’il faut pour se bien conduire auprés des Ministres, ne leur estre point redoutable, &amp; ne faire jamais d’ombrage à un General. Il s’amuse volontiers à voir piller un Camp, &amp; il prend sa part du divertissement.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Staremberg</hi>, Maréchal de Camp de l’Empereur (<hi rend="i">c’est dans l’Armée comme Maréchal de France</hi>) est un homme de beaucoup de courage, &amp; qui a plusieurs qualitez necessaires pour la guerre. On ne luy donne cependant que la valeur, qualité dangereuse à un General quand elle est seule. Il est emporté, violent ; il n’est guere plus loüé sur la défense de Vienne, que sur sa mauvaise conduite au Siege de Bude qui se fit l’année suivante, &amp; qu’on fut obligé de lever. On n’a pas trouvé que Vienne défenduë par quatorze mille hommes des meilleures Troupes de l’Empereur, dust estre aux abois au bout de deux mois de Siege. Il est certain que le Comte de Staremberg avoit peu ménagé la Garnison, l’exposant dans des sorties assez inutiles, &amp; parmy les Allemans, soit que l’envie ou une connoissance plus parfaite les fasse parler, il est moins loüé que chez les autres Nations sur la défense de cette Place.</p>
          <p><hi rend="i">Le Prince de Salms</hi>, Maréchal de Camp, est attaché à l’éducation du Roy de Hongrie. On dit qu’il entend la guerre. Il a assez servy. C’est un digne choix pour rendre ce jeune Prince un grand homme. Il a de la valeur, de l’esprit, de la noblesse, de la vertu, &amp; s’il luy inspire toutes ses qualitez, il peut en faire un galant homme. Il est fort attaché à la Maison d’Austriche, &amp; s’il se trouve jamais à la teste des affaires, il ne tiendra pas à luy qu’elle ne soit aussi redoutée dans l’Europe que la France.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Rabata</hi>, Maréchal de Camp, &amp; Commissaire general des Armées de l’Empereur, passe pour plus capable de cette derniere Charge que de la premiere. On luy attribuë une grande intelligence pour la subsistance d’une Armée, la distribution des quartiers, la discipline, la prevoyance à se bien servir du Pays, &amp; le faire durer long-temps ; qualitez bien necessaires dans les Armées Allemandes, qui par leur prodigieux équipage &amp; par l’esprit de pillage qui y est naturellement, ruineront toujours en deux mois les Provinces qui pourroient les faire subsister des années entieres.</p>
          <p><hi rend="i">Dunevval</hi>, General de la Cavalerie de l’Empereur, est fort capable de cette Charge, &amp; passe avec justice pour un de ses meilleurs Officiers. Il a du courage, de l’esprit &amp; plus d’experience que tous les autres.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Palfi</hi>, general de Cavalerie, est homme de beaucoup d’esprit. Il n’a veu d’autres guerres que celles de Hongrie. On n’est pas persuadé que ce soit un fort brave homme ; mais comme il est des plus anciennes &amp; des premieres familles de Hongrie, il a trouvé moyen de persuader à la Cour de Vienne que l’on devoit en sa personne donner un exemple de bon traitement aux Seigneurs Hongrois, &amp; il a fait plus de chemin dans les dignitez de la Guerre, que ses services &amp; ses actions ne luy permettoient d’esperer.</p>
          <p><hi rend="i">Caraffa</hi>, General de la Cavalerie, s’est fait un merite des cruautez qu’il a exercées en Hongrie, de l’argent qu’il a tiré de ces malheureux, de la découverte de plusieurs conspirations que l’on dit n’avoir jamais esté formées qui ont tourné au profit de l’Empereur ; &amp; enfin il passe pour un homme tres-capable de bien établir des contributions. Tout le monde convient qu’il a beaucoup d’esprit, &amp; qu’il est prest à rendre de tres grands services ; les Affaires de Transilvanie en font foy.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Bielke</hi>, General de la Cavalerie de l’Empereur &amp; de l’Electeur de Baviere, est homme de beaucoup de courage, capable d’estre un fort bon Officier, &amp; que l’on verra un jour à la teste des Armées de Suede.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Schering</hi>, General de l’Armée de l’Empereur &amp; des Troupes de Baviere, n’a pour toutes qualitez que beaucoup d’esprit de ménage, toutes les souplesses d’un Courtisan, allant fort bien à ses fins, se servant habilement de tout ce qui peut contribuer à sa fortune, trouvant moyen de commander l’Armée de l’Electeur qui ne l’estime point, d’en tirer cinq mille écus de rente malgré luy, de persuader à Sa Majesté Imperiale, que sans luy l’Electeur ne seroit point dans les interests de la Maison d’Austriche, lié d’un commerce assez étroit avec la Comtesse de Kaunits, n’allant à la guerre que parce qu’un General d’Armée ne peut se dispenser de s’y trouver quand son Prince y est ; toûjours malade, &amp; se servant à la guerre de tout son esprit pour éviter les occasions sans qu’on s’en apperçoive.</p>
          <p><hi rend="i">Le Prince de Croy</hi>, General de l’Artillerie, est homme de beaucoup de valeur.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Taff</hi>, Lieutenant general de la Cavalerie, est un tres-galant homme. Il a montré du courage dans toutes les occasions &amp; actions où il s’est trouvé ; mais il est sans contredit moins loüable sur les vertus militaires que sur toutes les autres qui font un honneste homme ; beaucoup d’esprit, d’un tresbon commerce, honneste, poly, beaucoup de sçavoir &amp; d’étude, plaçant parfaitement bien ce qu’il sçait ; enfin homme qui peut estre propre à tout, mais qui preferera toûjours les qualitez qui rendent un homme agreable à celles qui le rendent utile.</p>
          <p><hi rend="i">Gondola</hi>, premier Lieutenant general de Cavalerie, est un fort ancien Officier, qui par l’âge &amp; par sa perseverance a ne pas se rebuter de quelques injustices, se trouve dans ce poste-là. C’est un homme que l’on aime assez, de ces gens enfin sans vices, sans vivacité &amp; sans ambition, dont le monde peut s’accommoder, hors le Maistre qui les employe.</p>
          <p><hi rend="i">Souches</hi>, premier Lieutenant general de l’Infanterie, s’est trouvé dans la guerre par les Emplois que son pere a laissez, &amp; paroist mediocre en tout.</p>
          <p><hi rend="i">Le Comte de Scherfemberg</hi>, Lieutenant general de l’Infanterie, est homme de beaucoup de courage, &amp; qui cherche fort à voir &amp; à s’introduire.</p>
          <p><hi rend="i">Le Prince de Neubourg</hi>, Grand-Maistre de l’Ordre Teutonique, est un bon homme, fort pesant, n’ayant dans les occasions ny crainte ny ardeur, rien aussi au dessus de cela. Il s’attache peu à servir.</p>
          <p><hi rend="i">Le Prince de Savoye</hi> a beaucoup de courage &amp; de bon sens, assez d’étude, cherchant fort à se rendre bon Officier, &amp; tres-capable de le devenir un jour ; de la gloire &amp; de l’ambition, &amp; tous les sentimens d’un homme d’élevation.</p>
          <p><hi rend="i">Veterani</hi> est un tres-brave homme, distingué par une des plus belles actions de la derniere Guerre ; peu de politesse, beaucoup de franchise, &amp; en un mot, rien d’Italien que la naissance.</p>
          <p><hi rend="i">Heusler</hi>, Soldat de fortune, est un homme de beaucoup de courage ; de l’esprit, actif, qui s’est avancé par beaucoup de bonnes actions, l’air &amp; les manieres d’un homme de qualité. On dit qu’il paroist embarassé d’un gros commandement : mais il y a dans ces discours moins de verité que d’envie.</p>
          <p><hi rend="i">Picolomini</hi> est un brave homme, qui paroist entendre bien son métier. Il estoit attaqué injustement sur sa capacité, &amp; un peu sur le courage. Il se comporta fort bien dans la derniere Bataille. Il a beaucoup d’ennemis. Il paroist trop occupé de petites choses, pour estre un jour bien capable des grandes.</p>
          <p><hi rend="i">Le Prince de Commercy</hi> a beaucoup de valeur, fort agissant, trouvant moyen de ne perdre ny grandes ny petites occasions, ayant beaucoup d’envie de s’instruire. Il est à craindre que le trop d’ardeur ne l’empêche d’estre bon Officier.</p>
          <p><hi rend="i">Rabutin</hi> est fort brave homme, honneste ; de la probité, &amp; plus loüable par ces endroits là que par sa capacité dans la guerre.</p>
          <p><hi rend="i">Nigrelli, Esterhasi, Apremont</hi> &amp; <hi rend="i">Vallis</hi>, Generaux de Bataille d’Infanterie, sont aussi gens de reputation.</p>
          <p>Cet Ouvrage n’estant pas de moy, j’ay cru, quoy que je fasse profession de ne chagriner personne, vous le pouvoir donner dans une guerre aussi ouverte que celle-cy, où l’Europe est remplie d’écrits beaucoup plus sanglans contre la France. Aprés tout, ce que je vous donne ne peut passer pour une Satire, &amp; il y a beaucoup plus de loüanges que de traits piquans dans ces Portraits. D’ailleurs, on ne doit pas tout à fait asseoir son jugement sur celuy d’un Particulier qui dit ce qu’il pense, &amp; qui ne dit pas toujours vray, soit à l’égard des loüanges, soit à l’égard du blâme. Il peut estre mal instruit de ceux dont il parle, &amp; avoir naturellement de l’inclination pour les uns, &amp; de l’aversion pour les autres. Quoy qu’il en soit, ces Portraits ne peuvent qu’estre fort agreables, estant fort bien écrits, &amp; l’Auteur paroissant un homme d’esprit &amp; de bon sens.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_111" resp="wordpro">
          <head>De l’Eternité</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 111-128.</bibl>
          <p>La sainteté du temps où nous sommes, rend de saison la Lettre que je vous envoye. Elle a esté écrite par un homme fort habile &amp; fort zelé, à une Religieuse sa Belle-sœur, qui luy avoit demandé ses reflexions sur la matiere dont elle traite.</p>
          <quote>
            <label>DE L’ETERNITÉ.</label>
            <p><hi rend="i">Vous me demandez, ma chere Sœur, une chose bien au dessus de mes forces, quand vous m’ordonnez de parler de l’Eternité, &amp; vous ne pensez peut-estre pas, que cet emploi ne convient guere qu’à une personne consommée dans les matieres Spirituelles, &amp; non pas à un homme dissipé par le commerce des choses du Siecle. C’estoit plustost à moy de vous demander quelques-unes de vos reflexions sur ce grand sujet, car bien que l’Eternité doive estre pour toutes sortes de personnes un objet continuel de meditation, neanmoins à prendre les choses dans le cours ordinaire, cela est encore plus, ce me semble, de vôtre état que du mien. Mais il faut vous obeir, puis que vous le voulez, &amp; vous abandonner des pensées sans ordre, &amp; mal digerées. Si vous n’avez de moy que des choses de mauvais goût, vous ne devez, je l’ose dire, ma chere Sœur, vous ne devez vous en prendre qu’à vous mesme, il y a un peu de vostre faute de m’avoir engagé à une entreprise où je suis si peu propre, &amp; d’où je ne puis sortir qu’à ma confusion.</hi></p>
            <p><hi rend="i">En effet, quel moyen de parler dignement de l’Eternité, &amp; ne vaudroit il pas mieux marquer par un silence respectueux, l’étonnement &amp; l’admiration qu’elle nous cause ? N’est-ce pas une temerité évidente de vouloir enfermer dans quelques paroles un temps infini, d’entreprendre de donner une idée parfaite d’une chose où l’esprit se confond à mesure qu’il tâche de la penetrer, la revolution d’un grand nombre de siecles ne pouvant la representer que tres-foiblement ? Il n’y a que Dieu, cet Estre veritablement éternel, qui sçache bien ce que c’est que l’Eternité, parce qu’il est le seul qui soit avant tous les temps, &amp; qu’il ne finira jamais. L’Homme ne peut atteindre si haut ; la teste tourne à qui veut porter ses pensées dans cette vaste étendüe, dans ces espaces immenses de l’Eternité, &amp; l’entendement le plus élevé s’égare &amp; se perd dans cet abisme.</hi></p>
            <p><hi rend="i">N’entreprenons donc pas de parler de cette veritable Eternité qui n’a ny commencement ny fin, qui a precedé, &amp; qui surpassera en durée tous les temps qu’on peut imaginer, qui est propre &amp; particuliere à Dieu seul, qui n’a jamais esté communiquée à aucune creature, sans mesme excepter les Anges, puis que tout ce qui est créé a un commencement, &amp; n’est par consequent susceptible que de l’Eternité qui doit necessairement suivre ce commencement. C’est de cette derniere Eternité que nous pouvons essayer de dire quelque chose, parce que nous avons esté créez pour elle, &amp; qu’elle doit estre pour nous une source à jamais inépuisable de biens, ou de maux infinis.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Mais que dirons-nous, ma chere Sœur, de cette Eternité terrible dans laquelle nous devons entrer, &amp; où chaque moment nous conduit ? Que dirons nous de cette bien-heureuse ou mal-heureuse Eternité qui doit estre la suite des redoutables jugemens de Dieu ? Que dirons nous enfin de cette Eternité terrible, dans laquelle aprés plusieurs millions d’années, nous ne serons pas plus avancez qu’au premier jour ? On ne peut revoquer en doute la certitude de l’Eternité, car elle est fondée sur la parole divine</hi>. Allez, maudits, au feu éternel, qui est preparé pour Satan, &amp; pour ses Anges ; <hi rend="i">Voilà la peine</hi>. Venez, les bien-aimez de mon Pere, possedez le Royaume qui vous est prepaté depuis la Creation du monde. Le Salut que je donne sera éternel, mes Elûs seront comblez d’une éternelle allegresse, ils seront dans la joye, &amp; dans le ravissement, les douleurs fuiront pour toûjours. <hi rend="i">Voilà la recompense.</hi></p>
            <p><hi rend="i">L’Eternité estant ainsi établie, il n’y a rien à quoy on dust penser avec plus d’application, &amp; pourtant il n’y a rien à quoy on pense moins. Il semble que presque tous les hommes ayent perdu le sens sur cette matiere ; on fait tout pour le temps, &amp; on ne fait rien, ou fort peu de chose pour l’Eternité. Nous faisons des établissemens dans le monde, comme si nous n’en devions jamais sortir, &amp; nous avons peine à faire quelques actions qui tendent à nous assurer un estat heureux dans l’Eternité. De quelles précautions, de quel regime, de quels remedes n’usons-nous pas, pour prolonger de deux ou trois années une vie traversée par mille inquietudes, sans compter les douleurs aiguës que causent les maladies &amp; les pertes des biens, &amp; nous ne voulons rien faire pour acquerir une vie éternellement heureuse ? Helas ! nous n’epargnons ny nos travaux, ny nos biens pour vivre encore un peu de temps, &amp; nous regardons à la moindre chose, lors qu’il la faut faire, ou qu’il la faut donner pour posseder éternellement des biens inestimables. Que si l’on croit ceux-là sages &amp; prudens qui tâchent d’éloigner la mort autant qu’ils peuvent, ceux qui vivent d’une maniere à faire connoistre qu’ils negligent l’Eternité, ne sont-ils pas insensez ? On a beau nous dire que nous ne sommes que des Voyageurs, que des Pelerins sur la Terre ; que cette Vie n’est qu’un instant à l’égard de l’autre ; que nous sommes faits pour l’Eternité, nous le voyons, nous le sentons, &amp; pourtant rien ne nous occupe moins que cette pensée qui devroit nous occuper tout entiers. C’est une chose étrange que nous ayons tant d’attachement aux choses qui passent, qui disparoissent à nos yeux, &amp; que nous ne soyons pas touchez de ce qui doit durer toûjours. Quelle est donc nostre erreur ? Quel est nostre aveuglement ? Nous risquons un temps infini contre un temps qui s’écoule avec une extrême rapidité. Semblables à ceux qui seroient assez fous pour joüer une somme immense contre une chose de vil prix, nous courons avec empressement à des choses de neant, à des choses dont la durée est fort courte, qu’un mesme moment voit naître &amp; mourir, &amp; nous negligeons une chose infiniment pretieuse, &amp; dont la durée est éternelle. Quoy ! le temps pour lequel nous faisons toutes choses est incertain, il ne durera peut estre que quelques momens, &amp; nous ne faisons presque rien pour l’Eternité, quoy qu’elle soit infaillible. D’où vient ce déreglement ? C’est, ma chere Sœur, que nous n’avons pas une Foy assez vive. Nostre Foy au contraire est languissante, &amp; nous ne sçavons pas nous élever &amp; suivre les mouvemens de nostre ame, qui nous avertit incessamment, que nous devons aspirer à l’Eternité, que nous devons travailler sans relâche à nous la procurer pleine de bonheur ; car vous sçavez, ma chere Sœur, qu’il n’y a point de milieu entre une Eternité heureuse, &amp; une Eternité malheureuse, qu’il faut necessairement que nous entrions dans l’une ou dans l’autre, ce qui estant, le bon sens veut que nous preferions des biens infinis à des maux sans fin &amp; sans mesure.</hi></p>
            <p><hi rend="i">D’ailleurs, la pensée de l’Eternité porte avec elle cet avantage, qu’elle est d’une merveilleuse consolation dans les disgraces &amp; dans les souffrances de cette vie, car quand on est fortement appliqué à la contemplation de l’Eternité, on n’est pas à beaucoup prés si sensible aux frequentes traverses &amp; incommoditez qu’il faut essuyer, &amp; l’Ame élevée par cette application ne se trouble pas de cent choses qui sans cela luy causeroient d’etranges allarmes. On a mesme de la joye, &amp; on reprend de nouvelles forces dans les mortifications &amp; dans les austeritez, quand on considere qu’elles rendent doux le chemin de l’Eternité, &amp; qu’elles servent de guides pour arriver à une vie dont les delices n’auront point de fin.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Que vous estes prudente, ma chere Sœur, d’avoir fait choix de l’estat où vous estes, qui par sa douceur &amp; par son calme est un avant-goust de cette bien-heureuse Eternité, tandis que nous autres gens du monde sommes détournez par le tumulte &amp; par l’embaras des affaires de penser serieusement à l’Eternité ! Vous avez bien témoigné par ce choix judicieux &amp; chrétien, que vous connoissez la veritable valeur de l’Eternité. Puissiez-vous, ma chere Sœur, obtenir par vos prieres de celuy qui comprend en luy seul toute l’Eternité, que je puisse en juger aussi sainement que vous, que je fasse ce qu’il faut pour acquerir cette Eternité pretieuse, qui est le comble des desirs, le but de tous les gens de bien, le partage &amp; la gloire des Elus. C’est la grace que je vous demande, ou, si vous voulez, la recompense de quelques heures que j’ay employées à faire par vos ordres ce petit discours de l’Eternité. Je suis vostre, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_129" resp="wordpro">
          <head>A Monsieur de la Quintinye, sur son livre de l’Instruction des Jardins Fruitiers &amp; Potagers</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 129-151.</bibl>
          <p>On imprime un fort beau Livre touchant l’instruction des Jardins Fruitiers &amp; Potagers. Il est de M<hi rend="sup">r</hi> de la Quintinye, qui étoit préposé à la culture de tous les Jardins du Roy, tant Fruitiers que Potagers, sous les ordres de M<hi rend="sup">r</hi> le Sur-Intendant. Son habileté luy avoit donné une fort grande reputation, &amp; comme il est mort depuis un an, M<hi rend="sup">r</hi> de la Quintinye son Fils, prend soin de l’Impression de ce Livre. M<hi rend="sup">r</hi> Perrault de l’Academie Françoise, lié d’amitié avec toute cette Famille, a fait là-dessus un petit Poëme qui a receu une approbation generale. Les expressions en sont tres-vives, &amp; s’il a extremement bien reussi en divers autres Ouvrages, on peut dire qu’il s’est surpassé luy-mesme en celuy-cy. Vous en jugerez par la lecture.</p>
          <quote>
            <label>A MONSIEUR<lb />DE LA QUINTINYE,<lb /><hi rend="i">SUR SON LIVRE</hi><lb /><hi rend="i">De l’Instruction des Jardins</hi><lb /><hi rend="i">Fruitiers &amp; Potagers</hi>.<lb />IDYLLE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Pendant que vous chantez les Heros de la Guerre,</l>
              <l rend="i">Qui font regner la mort, &amp; désolent la Terre,</l>
              <l rend="i">Souffrez, Muses, souffrez qu’à l’ombre du repos</l>
              <l rend="i">Je chante des Jardins le paisible Heros ;</l>
              <l rend="i">Par son heureux travail, par ses soins honorée</l>
              <l rend="i">De mille nouveaux fruits la Terre s’est parée,</l>
              <l rend="i">Et devenant feconde au gré de ses desirs,</l>
              <l rend="i">A charmé tous nos sens de mille doux plaisirs.</l>
              <l rend="i"> Le solide Element, qui soûtient nostre vie,</l>
              <l rend="i">La Terre se plaignoit de n’estre plus servie</l>
              <l rend="i">Que par des hommes vils, par de rustiques mains ;</l>
              <l rend="i">Elle qui vit jadis les plus grands des Romains</l>
              <l rend="i">Au sortir des Combats, de leurs mains triomphantes</l>
              <l rend="i">Cultiver avec soin les moindres de ses Plantes :</l>
              <l rend="i">Elle n’enfantoit plus dans sa triste douleur,</l>
              <l rend="i">Que des Fruits imparfaits sans force ou sans couleur.</l>
              <l rend="i">A peine pour garder ses loix &amp; ses coûtumes,</l>
              <l rend="i">Donnoit-elle au Printemps les plus simples legumes,</l>
              <l rend="i">Et retenant cachez ses precieux tresors,</l>
              <l rend="i">Elle ne daignoit plus les produire au dehors.</l>
              <l rend="i"> De son riche Palais, la discrete Nature</l>
              <l rend="i">Avec joye entendit cet innocent murmure,</l>
              <l rend="i">Et pour nostre bonheur promit de mettre fin</l>
              <l rend="i">Aux sinistres effets d’un si juste chagrin.</l>
              <l rend="i">Elle avoit dés long-temps, du sage Quintinye,</l>
              <l rend="i">Formé pour les Jardins l’admirable genie,</l>
              <l rend="i">Et versé dans son sein les dons qu’elle départ,</l>
              <l rend="i">Quand elle veut qu’un homme excelle dans son Art.</l>
              <l rend="i">L’esprit qu’il receut d’elle, ouvert sur toutes choses,</l>
              <l rend="i">Ne voyoit point d’effets sans en chercher les causes ;</l>
              <l rend="i">Avec un soin exact il avoit medité</l>
              <l rend="i">Tout ce qu’a jamais sçû la docte Antiquité,</l>
              <l rend="i">Tout ce qu’a recüeilly la longue experience,</l>
              <l rend="i">Enfin rien ne manquoit à sa vaste science,</l>
              <l rend="i">Que de voir la Nature encore de plus prés,</l>
              <l rend="i">Et d’en bien penetrer les plus rares secrets.</l>
              <l rend="i"> Un jour que vers le soir pressé de lassitude,</l>
              <l rend="i">Et les sens épuisez de travail &amp; d’étude,</l>
              <l rend="i">Il se laissa surprendre aux charmes du repos,</l>
              <l rend="i">Sur un lit de gazons, qui s’offrit à propos,</l>
              <l rend="i">A peine à la faveur du frais, &amp; du silence</l>
              <l rend="i">Souffroit-il du sommeil la douce violence,</l>
              <l rend="i">Que d’un vol insensible il se vit transporté</l>
              <l rend="i">Dans un vaste Palais d’admirable beauté,</l>
              <l rend="i">L’ouvrage &amp; le séjour de la sage Nature,</l>
              <l rend="i">Dont l’ordre négligé, dont la simple structure</l>
              <l rend="i">Avoient plus de grandeur, avoient plus d’agrémens</l>
              <l rend="i">Que n’en eut jamais l’Art, ny tous ses ornemens.</l>
              <l rend="i"> Il voit que de ces lieux l’agissante Maistresse</l>
              <l rend="i">N’y sçauroit endurer la sterile Paresse.</l>
              <l rend="i">Là dans un reduit sombre, où par de longs travaux</l>
              <l rend="i">Avec l’aide du Temps se forgent les Metaux,</l>
              <l rend="i">Il observe étonné, que de la mesme argile,</l>
              <l rend="i">Dont nostre feu mortel fait un vase fragile,</l>
              <l rend="i">Le feu de la Nature, inimitable Agent,</l>
              <l rend="i">Forme comme il luy plaist, de l’or ou de l’argent.</l>
              <l><hi rend="i">Dans un Antre voisin il contemple, il admire</hi></l>
              <l rend="i">Les principes cachez de tout ce qui respire,</l>
              <l rend="i">Les atomes subtils, dont les corps sont formez,</l>
              <l rend="i">Et les Ressorts vivans, dont ils sont animez ;</l>
              <l rend="i">Mais se laissant aller à l’ardeur qui l’emporte,</l>
              <l rend="i">Il passe aux Vegetaux, pour voir de quelle sorte</l>
              <l rend="i">Dans son travail secret la Nature conduit</l>
              <l rend="i">L’admirable progrés de la Plante &amp; du Fruit.</l>
              <l rend="i">Il remarque attentif, que l’ouvrage commence</l>
              <l rend="i">Par humecter long-temps la fertile semence ;</l>
              <l rend="i">Que grossissant toûjours elle vient à crever,</l>
              <l rend="i">Pour dégager le germe, &amp; le faire lever ;</l>
              <l rend="i">Que ce germe, au travers de ses fibres menuës,</l>
              <l rend="i">Offre cent petits trous, comme autant d’avenuës,</l>
              <l rend="i">Où les sucs, &amp; les sels reconnus pour amis</l>
              <l rend="i">Sont dans leur tendre sein uniquement admis.</l>
              <l rend="i">Il voit que de ces sucs de differente force</l>
              <l rend="i">L’un se façonne en bois, l’autre devient écorce,</l>
              <l rend="i">Et qu’en suivant toûjours la forme des conduits,</l>
              <l rend="i">Les uns font le feüillage, &amp; les autres les Fruits.</l>
              <l rend="i">Il s’instruisoit ainsi plein d’une joye extrême,</l>
              <l rend="i">Quand parut à ses yeux la Nature elle-mesme</l>
              <l rend="i">Avec tous les appas, &amp; tous les agrémens,</l>
              <l rend="i">Qu’elle laisse entrevoir aux yeux de ses amans.</l>
              <l rend="i">A cultiver son Art flateuse elle l’exhorte,</l>
              <l rend="i">Et pour l’encourager luy parle de la sorte.</l>
              <l rend="i">Peut estre qu’ébloüy de l’éclat sans pareil,</l>
              <l rend="i">Qui s’épanche en tous lieux du Globe du Soleil,</l>
              <l rend="i">Ta penses qu’il n’est rien dans l’enceinte du monde</l>
              <l rend="i">Qui ne doive son estre à sa clarté feconde.</l>
              <l rend="i">La Terre dans son sein renferme d’autres feux,</l>
              <l rend="i">Non moins forts &amp; puissans, quoy que moins lumineux,</l>
              <l rend="i">Dont les sombres chaleurs plus douces &amp; plus lentes</l>
              <l rend="i">Sont l’amour, le soutien, &amp; la force des plantes.</l>
              <l rend="i">Ces deux feux differens, en joignant leur pouvoir,</l>
              <l rend="i">Font tout croistre, &amp; germer, font tout vivre &amp; mouvoir.</l>
              <l rend="i"> Il est encore un feu vil, abjet, méprisable,</l>
              <l rend="i">Né du sale rebut d’une rustique étable,</l>
              <l rend="i">Mais qui remply de sucs, &amp; de sels precieux,</l>
              <l rend="i">Fait seul plus que la Terre &amp; le Flambeau des Cieux.</l>
              <l rend="i">Par son heureux secours, joint à ton industrie,</l>
              <l rend="i">Tu peux cueillir des fruits au sein de ta Patrie</l>
              <l rend="i">Plus doux, plus savoureux, plus fins, plus délicats,</l>
              <l rend="i">Que ceux où le Soleil dans les plus beaux Climats</l>
              <l rend="i">Aura pendant le cours de sa longue carriere,</l>
              <l rend="i">Répandu tous ses feux, &amp; toute sa lumiere.</l>
              <l> <hi rend="i">De l’Art que tu cheris le secret souverain</hi></l>
              <l rend="i">Est de se bien poster, &amp; sur un bon terrain.</l>
              <l rend="i">Il faut connoistre encor comment l’Arbre prend vie,</l>
              <l rend="i">Comment il se nourrit, comment il fructifie,</l>
              <l rend="i">Quelle vertu l’anime, &amp; si diversement</l>
              <l rend="i">A tout, sans se peiner, donne le mouvement.</l>
              <l rend="i"> Dans l’endroit où le tronc se joint à la racine,</l>
              <l rend="i">L’ame fait sa demeure, &amp; prend son origine.</l>
              <l><hi rend="i">Lorsque l’Hyver répand sa nége &amp; ses frimats,</hi></l>
              <l><hi rend="i">Elle quitte la tige, &amp; descend en embas,</hi></l>
              <l rend="i">Où sage elle travaille à pousser de ses souches,</l>
              <l rend="i">De nouveaux rejettons, qui comme autant de bouches</l>
              <l rend="i">Attirent l’aliment, &amp; forment la liqueur,</l>
              <l rend="i">Qui de l’Arbre au Printemps fait toute la vigueur ;</l>
              <l rend="i">Qui ranime en montant son trone &amp; ses branchages,</l>
              <l rend="i">Et le couronne enfin de fruits &amp; de feüillages :</l>
              <l rend="i">Ainsi c’est un abus de ne pas retrancher</l>
              <l rend="i">Ces menus filamens, où l’on n’ose toucher :</l>
              <l rend="i">Dés qu’ils ont veu le jour, aussitost ils perissent,</l>
              <l rend="i">Et dans terre enfoüis se séchent, se moisissent,</l>
              <l rend="i">Infectent ce qui vit. Loin que l’arbre par eux</l>
              <l rend="i">En repousse des jets plus sains, plus vigoureux,</l>
              <l rend="i">Il en sent devenir ses forces languissantes,</l>
              <l rend="i">Et ne prend d’aliment qu’aux racines naissantes.</l>
              <l rend="i"> Tes Peres peu sçavans se sont encor trompez</l>
              <l rend="i">Dans l’Art dont les rameaux veulent estre coupez.</l>
              <l><hi rend="i">Quand du milieu de l’Arbre une branche nouvelle</hi></l>
              <l rend="i">S’élevoit fierement, grosse, luisante &amp; belle,</l>
              <l rend="i">Elle estoit conservée, &amp; charmé de l’avoir</l>
              <l rend="i">L’ignorant Jardinier y mettoit son espoir.</l>
              <l rend="i">Il faut jetter à bas cette jeune insolente,</l>
              <l rend="i">Qui prend pour se nourrir tout le suc d’une plante.</l>
              <l><hi rend="i">Ce suc, dés qu’on la coupe, aussi-tost rabatu</hi></l>
              <l rend="i">Aux branches d’alentour partage sa vertu,</l>
              <l rend="i">Repare abondamment leurs forces presque éteintes,</l>
              <l rend="i">Et grossit tous les fruits dont elles sont enceintes.</l>
              <l> <hi rend="i">Je ne pourrois nombrer les abus differens,</hi></l>
              <l rend="i">Où de mille façons tombent les ignorans.</l>
              <l rend="i">Le temps &amp; mes leçons te les feront paroistre ;</l>
              <l><hi rend="i">Des Arbres cependant travaille à bien connoistre</hi></l>
              <l rend="i">Tous les temperamens, &amp; toutes les humeurs,</l>
              <l rend="i">Leurs chagrins, leurs desirs, leur langage, leurs mœurs.</l>
              <l rend="i">Il faut qu’à demy mot un Jardinier entende</l>
              <l rend="i">Ce que dans ses besoins un Arbre luy demande.</l>
              <l rend="i">Sa tige, ses rameaux, ses feüilles, sa couleur</l>
              <l rend="i">Luy témoignent assez sa joye, ou sa douleur.</l>
              <l rend="i"> Si dans ces lieux sacrez j’ay voulu te conduire,</l>
              <l rend="i">Si moy-mesme je prens la peine de t’instruire,</l>
              <l rend="i">Et de te découvrir tant de secrets divers.</l>
              <l rend="i">Tu dois en rendre grace au Maistre que tu sers.</l>
              <l rend="i">Ce Prince est mon amour, c’est mon parfait ouvrage ;</l>
              <l rend="i">Sa bonté, sa valeur, sa force, son courage,</l>
              <l rend="i">Et tous mes plus grands dons qu’en luy j’ay ramassez,</l>
              <l rend="i">Auroient fait vingt Heros dans les siecles passez.</l>
              <l rend="i">J’ay pris le mesme soin de sa Race immortelle,</l>
              <l rend="i">Dont j’ay formé les traits sur le même modelle.</l>
              <l rend="i">Pour l’honneur de ses jours j’ay dans tous les talens</l>
              <l rend="i">Fait naistre en mille endroits des hommes excellens,</l>
              <l rend="i">D’éloquens Orateurs, d’ingenieux Poëtes,</l>
              <l rend="i">De ses faits éclatans fidelles interpretes ;</l>
              <l rend="i">Des Peintres, dont tel est le charme du pinceau,</l>
              <l rend="i">Des Sculpteurs, dont telle est l’adresse du ciseau,</l>
              <l rend="i">Que j’ay peine moy-mesme en voyant leur ouvrage</l>
              <l rend="i">A me bien démêler d’avecque mon image.</l>
              <l rend="i">Je veux que le bel Art qui cause tous tes soins</l>
              <l rend="i">Leur dispute la palme, &amp; n’excelle pas moins.</l>
              <l rend="i">Quand suivi de sa Cour, &amp; couronné de gloire</l>
              <l rend="i">LOVIS en descendant du char de la Victoire,</l>
              <l rend="i">Viendra se délasser aprés mille dangers,</l>
              <l rend="i">Dans les longs promenoirs de ses riches Vergers,</l>
              <l rend="i">Il faut que de beaux Fruits en tout temps soient couvertes</l>
              <l rend="i">De ces Arbres feconds les branches toujours vertes,</l>
              <l rend="i">Puis qu’en toutes saisons suivi de ses Guerriers</l>
              <l rend="i">Dans le beau champ de Mars il cueille des Lauriers.</l>
              <l> <hi rend="i">Ainsi la Quintynie apprit de la Nature</hi></l>
              <l rend="i">Des utiles jardins l’agreable culture ;</l>
              <l rend="i">De là tant de beaux fruits, de là nous sont venus</l>
              <l rend="i">Tant d’Arbres excellens autrefois inconnus,</l>
              <l rend="i">Ou qui ne se plaisoient qu’aux plus lointaines Terres.</l>
              <l rend="i">De là viennent encor ces admirables Serres,</l>
              <l rend="i">Où les Arbres choisis qu’on enferme dedans,</l>
              <l rend="i">Sous un calme éternel sont toujours abondans.</l>
              <l rend="i"> Chez luy, quand l’Aquilon de ses froides haleines</l>
              <l rend="i">Fixoit le cours des eaux, &amp; durcissoit les plaines,</l>
              <l rend="i">Dans l’enclos souterrain de ces tiedes reduits</l>
              <l rend="i">De l’Esté, de l’Automne on trouvoit tous les fruits,</l>
              <l rend="i">On trouvoit du Printemps toutes les fleurs écloses ;</l>
              <l rend="i">Et l’Hiver au milieu des Fraises &amp; des Roses,</l>
              <l rend="i">Auroit cru n’estre plus au nombre des Saisons,</l>
              <l rend="i">Si dehors il n’eust veu sa neige &amp; ses glaçons.</l>
              <l rend="i"> Mais quand au Renouveau la diligente Aurore</l>
              <l rend="i">Redoroit de nos prez les richesses de Flore,</l>
              <l rend="i">Quand aux jours les plus chauds on voyoit dans les champs</l>
              <l rend="i">Rouler sous les zephirs les sillons ondoyans,</l>
              <l rend="i">Ou quand sur les costeaux, le vigoureux Automne</l>
              <l rend="i">Etaloit les raisins dont Bacchus se couronne,</l>
              <l rend="i">Quel plaisir fut de voir les jardins pleins de fruits</l>
              <l rend="i">Cultivez de sa main, par ses ordres conduits ;</l>
              <l rend="i">De voir les grands Vergers du superbe Versailles,</l>
              <l rend="i">Ses fertiles quarrez, ses fertiles murailles,</l>
              <l rend="i">Où d’un soin sans égal Pomone tous les ans</l>
              <l rend="i">Elle-même attachoit ses plus riches presens !</l>
              <l rend="i">Là brilloit le teint vif des Pêches empourprées,</l>
              <l rend="i">Icy le riche émail des Prunes diaprées :</l>
              <l rend="i">Là des rouges Pavis le duvet delicat ;</l>
              <l rend="i">Icy, le jaune ambré du roussâtre Muscat ;</l>
              <l rend="i">Tous fruits dont l’œil sans cesse admiroit l’abondance,</l>
              <l rend="i">La beauté, la grosseur, la discrete ordonnance.</l>
              <l rend="i">Jamais sur leurs rameaux également chargez,</l>
              <l rend="i">La main si sagement ne les eust arrangez.</l>
              <l rend="i"> Mais c’est peu que nostre âge, illustre QVINTYNIE,</l>
              <l rend="i">Ait profité des dons de ton rare genie :</l>
              <l rend="i">C’est peu que desormais la terre où tu nâquis</l>
              <l rend="i">Joüisse par tes soins de tant de fruits exquis,</l>
              <l rend="i">Tu veux avec ta plume agreable &amp; sçavante</l>
              <l rend="i">Transmettre tes secrets à la race suivante,</l>
              <l rend="i">Et les faisant passer à nos derniers Neveux,</l>
              <l rend="i">Rendre tous les climats, &amp; tous les temps heureux.</l>
              <l rend="i"> Je te loüe, &amp; du Ciel tu n’eus tant de lumiere,</l>
              <l rend="i">Que pour en enrichir la Terre toute entiere.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_151" resp="wordpro">
          <head>[Description des jetons de l'année]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 151-160.</bibl>
          <p>Je vous ay promis de vous faire graver les Jettons qui ont esté frapez cette année. Je vous tiens parole, &amp; je vous en envoye une Estampe, mais il y a une circonstance à remarquer, qui est qu’on n’employe presque plus de Devises sur les matieres épuisées, parce qu’elles font souvent tomber dans des redites dont le Public ne laisse pas de s’appercevoir, quoy qu’elles soient en d’autres termes. Ainsi la pluspart de ceux qui ont esté choisis pour faire ces Devises, ont résolu de se servir de ce qui sera arrivé de plus considerable &amp; de plus glorieux au Roy dans l’année. M<hi rend="sup">r</hi> de Santeüil, Chanoine Regulier de S. Victor, dont le merveilleux genie est connu pour tout ce qui regarde les Inscriptions, les Himnes, &amp; les Devises, a travaillé cette année pour celles des Jettons du Tresor Royal &amp; de la Ville. Il s’est servi pour celle du Tresor Royal, du mont Olimpe dont les Poëtes ont tant parlé, qui porte sa teste au dessus des nuées, &amp; d’où l’on voit des foudres se former plus bas. Jamais le sommet de cette montagne n’est troublé, &amp; c’est pour cela que les Poëtes ont feint qu’on y voyoit encore les cendres des Victimes qu’on y a immolées ; &amp; comme sa tranquillité n’est jamais sujette à estre alterée par le moindre vent, quelques orages qui paroissent au dessous de ce sommet, le Roy a la mesme tranquillité au milieu des Ennemis qui l’environnent. On voit dans le revers du Jetton, pour marquer cette tranquillité, une montagne dont la teste est hors des nuées ; &amp; des foudres au dessous, avec ces mots alentour, tirez de Lucain.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Pacem summa tenent.</hi></p>
          </quote>
          <p>A l’égard de la Devise de l’Hostel de Ville, le mesme M<hi rend="sup">r</hi> de Santeüil a voulu montrer qu’il n’y a rien de plus glorieux pour le Roy, que de voir un nombre infiny de Souverains liguez contre la gloire de ce Monarque, &amp; qui ne peuvent en souffrir l’éclat.</p>
          <p>Les Medes estoient ennemis des Parthes. Ces derniers adoroient le Soleil, &amp; les Medes pour insulter leurs ennemis tirerent des fléches contre cet Astre, &amp; souvent le dépit de ne le pouvoir atteindre, leur en faisoit décocher dans l’eau, où l’image du Soleil estoit representée. M<hi rend="sup">r</hi> de Santeüil a pris le corps de sa Devise sur la folie de ces Peuples, qu’il a fait voir dans le revers du Jetton, avec ces mots.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Securus ab alto.</hi></p>
          </quote>
          <p>Rien n’est mieux imaginé, ne marque mieux la grandeur du Roy, &amp; ne peut faire voir plus clairement, que les traits que ses Ennemis décochent contre luy, feront aussi peu d’effet que ceux que les Medes dardoient contre le Soleil, &amp; contre son image.</p>
          <p>J’ajoûteray icy l’explication du Jetton des Galeres, dont la Devise a esté faite par M<hi rend="sup">r</hi> Gauthier. C’est un Aiglon qui porte la foudre avec ces mots d’Ovide.</p>
          <quote>
            <p><hi rend="i">Quò postulat usus.</hi></p>
          </quote>
          <p>Ils sont tirez de la Harangue d’Ulisse contre Aiax, où cet adroit Capitaine voulant faire voir aux Grecs de quelle utilité il avoit esté parmy eux, soit pour le Conseil, soit pour l’Expedition, leur disoit, <hi rend="i">Mittor quò postulat usus</hi>. Rien ne fait mieux voir la situation de Monsieur le Duc du Mayne qui se trouve en estat de servir également sur Terre &amp; sur Mer ; sur Terre, comme Colonel general des Suisses ; sur Mer, comme General des Galeres. On a representé pour marquer cette grande Charge le Détroit de Gibraltar, avec une Galere sur la Mediterranée, &amp; une autre sur l’Ocean, où elles seront desormais en usage. Voicy quatre Vers qui expliquent en quelque façon cette Devise.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Tremblez, Mortels audacieux,</l>
              <l rend="i">Toûjours prests à voler sur la Terre &amp; sur l’Onde.</l>
              <l><hi rend="i">Contre les Ennemis du plus grand Roy du monde</hi></l>
              <l rend="i">Je porte sous ses Loix la terreur en tous lieux.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>On peut ajoûter à cela que l’esprit de Monsieur le Duc du Maine a brillé de si bonne heure, qu’il y a lieu de croire qu’il sera comme Ulisse aussi capable de servir dans le Conseil, que dans les Armées, où il a déja fait paroistre beaucoup d’intrepidité, ayant cherché pendant la derniere Campagne à se trouver dans toutes les occasions les plus perilleuses.</p>
          <p>Je laisse à vos Amis à vous expliquer les Devises des autres Jettons. Je sçay qu’ils s’en font un plaisir, &amp; que chacun en prend à deviner le veritable sens des Auteurs.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_204" resp="mercure">
          <head>[Machines d'une invention nouvelle]</head>
          <bibl><title>Mercure galant</title>, février 1690, p. 204-208.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr de la Garouste Gontel, de la Ville de Saint Coré dans le Vicomté de Turenne, connu pour ce grand Miroir concave qui est à l'Observatoire, dont il fit present au Roy il y a quelques années, doit produire au premier jour trois Machines d'une invention merveilleuse &amp; d'une fort grande utilité, particulierement deux.</p>
          <p>La premiere est un instrument de Musique, auquel il a donné le nom de Pandolyre, parce qu'il renferme tous les divers instrumens qui peuvent entrer dans un Concert. Cette Machine est composée de plusieurs Clavessins rangez les uns sur les autres, qui par leur differente harmonie, imitent si parfaitement le son des Luts, des Thuorbes, des Clavessins, des Violes &amp; des Violons, qu'on en distingue les accords de toutes les parties sans la moindre confusion. Deux Jeux d'Orgues complets, l'un plus grand, placé dans la base de la Machine, l'autre plus petit, posé au plus haut du frontispice, tiennent lieu de Flutes, de Haut-bois, de Trompettes, &amp; d'autres Instrumens, avec cela de particulier, que les Soufflets du plus grand ne paroissent point, &amp; que le plus petit n'en a pas besoin. Ce qu'il y a de plus singulier dans cette Pandolyre, c'est que les Instrumens dont elle est composée répondent tous à un seul Clavier d'un Clavessin ordinaire, de sorte qu'il suffit de le sçavoir toucher, pour faire joüer tous les Instrumens ensemble, &amp; chaque Instrument en particulier. Il n'y a pas jusqu'aux ornemens qui servent de décoration à la Machine, qui ne paroissent animez. Les Termes qui la soutiennent semblent chanter leur partie. Ils font en effet tous les mouvemens des personnes qui chantent. Apollon joüant de sa Lyre, &amp; les neuf Muses y sont representées avec les differens Instrumens de Musique que la Fable leur attribuë. Elles les touchent avec tant de justesse &amp; d'artifice dans le temps seulement que ces Instrumens se font entendre, qu'on diroit que toute l'harmonie est un effet de l'action qu'on leur voit faire. Enfin rien ne manque de tout ce qui peut contribuer à la magnificence de cette Machine, qui est asseurément l'ouvrage le plus ingenieux qu'on ait jamais veu de cette nature.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_214" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Mr Miton]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 214-216.</bibl>
          <p>J’ay à vous apprendre une autre mort, qui vous fera regreter la perte que les Gens de Lettres ont faite icy depuis peu de jours. C’est celle du fameux M<hi rend="sup">r</hi> Miton, dont je sçay que la reputation vous est connuë. Il avoit esté Tresorier Extraordinaire des Guerres, &amp; il y avoit plus de vingt ans qu’une facheuse paralysie luy faisoit garder le lit. Quantité de personnes de la Cour &amp; d’un rang tres-distingué qui avoient pour luy beaucoup d’estime, luy rendoient des visites fort frequentes pour le plaisir de joüir de sa conversation. Il estoit fort éclairé, sçavoit bien la langue, &amp; les plus beaux Ouvrages qu’on ait imprimez depuis un fort grand nombre d’années, luy ont esté apportez en manuscrit, pour en avoir son avis, avant qu’on les ait donnez au Public. Il en jugeoit sainement, &amp; sa critique estant toûjours aussi honneste que judicieuse, les plus indociles y deferoient sans murmure ; &amp; se faisoient un plaisir d’en profiter.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_216" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 216-232.</bibl>
          <p>Quoy qu’on tienne que l’amour est une passion violente qui entraîne en dépit que l’on en ait, &amp; à laquelle il n’est pas possible de resister, l’interest ruine souvent les plus belles unions, &amp; fait negliger un état de vie heureux par la seule consideration d’augmenter une fortune, qui estant déja assez établie, ne sçauroit contribuer à nous faire vivre plus tranquillement. Aussi ceux qui ont le foible de luy sacrifier tout, ont presque toujours sujet de s’en repentir, &amp; l’avanture dont je vais vous faire part en est une preuve. Un Cavalier aussi riche que bien fait, &amp; ayant des manieres engageantes qui luy faisoient faire beaucoup de conquestes, vint un jour chez une Dame, où il rencontra une jeune Demoiselle d’une beauté surprenante, &amp; dont il fut ébloüy. Il la regarda attentivement, luy adressa souvent la parole, &amp; connut par ses réponses que son esprit répondoit aux avantages qu’elle avoit receus de la nature. Il ne put sortir de chez la Dame sans sçavoir qui elle estoit. La Dame ne luy répondit rien autre chose sinon qu’elle estoit sa Parente ; qu’elle la consideroit comme un tresor qu’on luy avoit mis entre les mains, &amp; qu’ayant le pouvoir d’en disposer, elle ne s’en déferoit que pour celuy qui s’en rendroit le plus digne ; qu’elle avoit déja à choisir dans un grand nombre, &amp; qu’elle estoit resoluë de ne rien précipiter, afin que son choix fust plus digne d’elle. Le Cavalier qui estoit sensible à la beauté, devint bientost un des Pretendans les plus assidus. Il luy trouvoit un agrément admirable, &amp; les moindres choses qu’elle disoit ou faisoit, avoient un charme pour luy qui augmentoit tous les jours l’amour qu’elle commençoit à luy inspirer. Il proposoit souvent des parties afin de la dérober à ses Rivaux ; &amp; la Dame qui s’appercevoit de cet amour, &amp; qui ne cherchoit qu’à le conduire à une declaration, parce que ce mariage eust accommodé la Belle, en usoit pour luy avec tant de complaisance, qu’il ne souhaitoit aucune chose qui pust luy estre accordée, sans qu’il eust sujet d’estre content. Ceux qui voyoient l’attachement qu’il prenoit pour cette aimable personne, ne doutoient point qu’il ne la dust épouser, &amp; lors qu’il disoit à ses Amis que la Dame s’estoit contentée de l’assurer qu’elle estoit d’une Maison fort considerable, sans avoir voulu descendre dans le détail de son bien, ils luy répondoient que quand elle en auroit peu, il avoit esté si bien partagé de la fortune, qu’il devoit faire sa gloire d’abandonner un foible interest pour une belle Personne, qui luy seroit obligée de la vie douce &amp; commode qu’elle meneroit en l’épousant. Lors qu’il estoit échauffé par ces raisons, il n’écoutoit plus que son amour, &amp; il faisoit à la Belle les plus tendres protestations que puisse faire un Amant lors qu’il a le cœur veritablement. touché. La Belle qui connoissoit que le party luy estoit avantageux, profitoit de ces momens par tout ce que la bien-seance permettoit qu’elle luy dist de flateur ; &amp; la Dame qui cherchoit de son costé à mettre l’affaire en estat de se conclure, ménageoit si bien toutes les occasions qu’il luy donnoit de luy parler un peu fortement, qu’enfin elle l’obligea de luy avoüer qu’il estoit le plus amoureux de tous les hommes, &amp; que son bonheur dépendoit absolument de la possession de la Belle. Il estoit aisé de le satisfaire ; il ne falloit pour cela que signer un Contrat de mariage, auquel on le pouvoit assurer qu’il n’y auroit nul obstacle à craindre. Comme il témoigna qu’il y estoit resolu, il fut question de luy apprendre plus particulierement la Maison dont elle estoit. Il convint, quand on la luy eut nommée, qu’on la mettoit entre les meilleures de Normandie, mais il fut frapé en mesme temps de ce que les Filles de cette Province n’avoient pour tout bien qu’une somme, ordinairement assez mediocre, qu’on leur donnoit en les mariant. La Belle n’avoit ny Pere ny Mere, mais deux Freres seulement, qui joüissoient chacun d’une Terre noble ; l’une de dix mille livres de rente, &amp; l’autre de huit. La Dame asseura le Cavalier qu’ils aimoient leur Sœur, &amp; qu’elle sçavoit qu’ils en useroient pour elle en honnestes gens. Elle se chargea de leur écrire, &amp; tout ce qu’elle put obtenir de l’un &amp; de l’autre, ce fut qu’ils luy donneroient vingt mille francs, qui seroient payez argent comptant. Cela refroidit un peu le Cavalier. Cependant il ne voyoit rien de si accomply que la Demoiselle. Sa beauté estoit le moindre de ses avantages. L’esprit, l’humeur, tout charmoit en elle, &amp; malgré son avarice, l’amour l’auroit emporté sur l’interest, si dans le mesme temps qu’il se preparoit à finir l’affaire, on ne fust pas venu luy parler d’une Fille qui n’avoit qu’une naissance commune, mais dont on faisoit monter le bien à quarante mille écus. Il ne pût fermer l’oreille à la proposition. Il l’écouta, entra dans des pourparlers, &amp; se laissa conduire chez la Demoiselle dont il s’agissoit. Elle n’estoit ny belle ny laide ; mais, ce qu’il ne sçavoit pas, &amp; dont il ne prit aucun soin de s’informer, elle estoit d’une humeur imperieuse, bizarre, inégale, &amp; il eust esté fort difficile de la contenter. Le Cavalier qui donna dans cette affaire parce qu’il voyoit du bien, alla plus rarement chez la Belle. Il avoit toûjours quelque faux-fuyant pour ne pas signer si-tost les articles dont on tâchoit de le faire convenir, &amp; le dessein qu’il avoit de se dégager paroissant visible, il apporta de si méchantes raisons pour excuser sa conduite, que la Dame s’échapa à quelque parole brusque, qui luy servit de pretexte pour se retirer. On apprit bien-tost le nouvel engagement où il s’estoit mis, &amp; comme il rompoit de méchante grace, on fut faché de ne l’avoir pas traité plus fierement. La Belle ne marqua aucun chagrin de cette rupture, &amp; soit qu’elle contraignist ses sentimens, soit qu’en effet elle fust demeurée toûjours dans l’indifference, il ne parut aucun changement ny dans son humeur ny dans ses manieres. Le Cavalier se maria peu de jours aprés, &amp; elle receut cette nouvelle sans la moindre émotion. Si elle l’eust assez estimé pour s’en fâcher, elle en eust esté pleinement vangée, puis qu’on publia presque aussi-tost qu’il vivoit avec sa Femme dans un desordre à faire pitié. C’estoit un esprit que la raison ne gouvernoit point. Elle se plaignoit sans cesse, abusoit des honnestetez que son Mary employoit pour la gagner, vouloit à toute heure des choses injustes, &amp; ne luy laissoit aucun repos. Jugez s’il eut sujet de se repentir de n’avoir pas épousé la Belle, mais s’il l’eut alors, parce qu’il avoit perdu une personne toute aimable, dont la douceur l’eust rendu heureux, il l’eut beaucoup davantage six mois aprés, lors qu’il la vit heritiere de ses Freres. Ils avoient tous deux employ dans les Troupes. Le Cadet, aprés avoir essuyé de grandes fatigues, fut pris d’une fiévre qui l’emporta en huit jours ; &amp; l’Aisné fut tué presqu’en mesme temps dans une entreprise, où il avoit esté commandé. La Belle devint par là un Party fort riche, &amp; un homme de fort grande qualité qui l’épousa, la mit dans un rang tres-considerable. Le Cavalier, malheureux de plus en plus, ne put songer qu’il n’avoit tenu qu’à luy d’estre en la place de l’heureux Epoux qu’elle avoit choisi, sans tomber dans un chagrin qui ne l’abandonna plus. Sa Femme luy devint encore plus insupportable, &amp; leurs broüilleries allerent si loin, qu’il fallut enfin venir à la separation. Ainsi il est marié sans avoir de Femme, &amp; les quarante mille écus dont il s’est imprudemment laissé ébloüir, luy ont fait perdre dix-huit mille livres de rente.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-02_274" resp="wordpro">
          <head>A la mémoire immortelle de l’Illustre Mr le Brun [...]. Epitaphe</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, février [tome 1], 1690, p. 274-276.</bibl>
          <p>Je vous envoye des Vers qu’un de ses Amis a faits sur sa mort.</p>
          <quote>
            <label>A LA MEMOIRE immortelle de l’Illustre M<hi rend="sup">r</hi> le Brun, ennobly par le Roy, &amp; inhumé dans l’admirable Chapelle qu’il s’est faite en l’Eglise de S. Nicolas du Chardonneret, sa Paroisse.<lb /><hi rend="i">EPITAPHE.</hi></label>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Le Brun, qui par son Art illustra la Nature,</l>
                <l rend="i">Et de LOVIS LE GRAND éternisant les faits,</l>
                <l rend="i">Traça pour les Heros, des modelles parfaits,</l>
                <l rend="i">S’est immortalisé par cette Sepulture.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">L’Antiquité n’eut rien d’égal à son genie,</l>
                <l rend="i">Et la Posterité respectera ce lieu,</l>
                <l rend="i">Où sa cendre n’attend que de la main de Dieu,</l>
                <l rend="i">Le glorieux éclat d’une plus noble vie.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Le Roy a nommé M<hi rend="sup">r</hi> Mignard pour remplir toutes les Charges &amp; dignitez qu’avoit feu M<hi rend="sup">r</hi> le Brun. Quand la quantité de beaux Ouvrages qu’il a faits, &amp; la delicatesse de son Pinceau ne parleroient pas pour luy, &amp; que son merite ne seroit pas generalement reconnu, le don que le Roy luy vient de faire suffiroit pour empescher d’en douter, puis que le discernement de ce Prince, égale la justice qu’il rend toujours au merite.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-03">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mars, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_007" resp="wordpro">
          <head>[Imitation du Pseaume Quare fremuerunt Gentes, sur la situation des Affaires d'aujourd'huy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 7-17.</bibl>
          <p>Si les belles Lettres &amp; les Sciences fleurissent rarement dans un Royaume dont le Souverain est en guerre avec quelqu’un des Princes ses voisins, elles devroient estre sans appuy, &amp; presque entierement oubliées dans un Estat, dont un monde d’Ennemis témoigne avoit juré la ruine, &amp; dont le Monarque ne se voit environné que de Souverains qui ne sçauroient supporter l’éclat de sa gloire. C’est la situation où se trouvent aujourd’huy la France &amp; le Prince qui la gouverne ; mais comme il n’y a rien que d’extraordinaire dans la vie d’un si grand Monarque, tout marche d’un pas égal dans son Royaume ; chacun y joüit des liberalitez qu’il a coûtume de faire ; les pensions y sont payées de mesme qu’en temps de paix ; on y reçoit des gratifications, &amp; tout recemment celles que ce Prince donne aux personnes qui se distinguent dans les belles Lettres &amp; dans les Sciences, viennent de faire connoistre que la guerre n’a rien changé à leur égard. Il y a beaucoup à dire là-dessus, &amp; plus encore à penser ; mais je laisse ce soin aux Ennemis de la grandeur de Sa Majesté. Rien ne les doit épouvanter davantage, &amp; ne peut faire mieux voir que toutes leurs menaces &amp; tous leurs armemens n’ont pas causé la moindre alteration en France, &amp; que son Souverain a pris de si justes mesures, que tous les efforts de ses Ennemis ne sçauroient jamais servir qu’à faire briller sa gloire avec plus d’éclat. Vous en serez convaincuë en lisant l’Imitation que je vous envoye du Pseaume, <hi rend="i">Quare fremuerunt Gentes</hi>. Vous y trouverez beaucoup de rapport aux Ligues que l’on a formées contre ce Prince, pendant qu’il prend le party de l’Eglise en secourant le Roy d’Angleterre. Il n’y a rien de plus juste que cette Imitation, &amp; on peut s’en asseurer en confrontant chaque verset du Pseaume avec les quatrains François.</p>
          <quote>
            <label>IMITATION<lb />Du Pseaume <hi rend="i">Quare fremuerunt</hi><lb /><hi rend="i">Gentes</hi>, sur la situation des<lb />Affaires du temps.</label>
            <lg>
              <l rend="i">D’où vient que tant d’Etats s’élevent &amp; s’irritent ?</l>
              <l rend="i">Et quels sont (juste Ciel) les motifs, les sujets</l>
              <l rend="i"> De ces vains &amp; vastes projets,</l>
              <l rend="i">Que dans leur noir conseil les Nations meditent ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que de Peuples liguez, de Princes &amp; de Rois</l>
              <l rend="i">Contre l’Oint du Seigneur, &amp; contre son Eglise,</l>
              <l rend="i"> Qu’un seul Monarque favorise,</l>
              <l rend="i">Lors qu’ils conspirent tous pour la mettre aux abois !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Rompons les nœuds sacrez de l’union Chrestienne,</l>
              <l rend="i">Fuions le joug pesant qu’on nous veut imposer.</l>
              <l rend="i"> Il faut (disent-ils) tout oser :</l>
              <l rend="i">Evitons nostre perte, en resolvant la sienne.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais le Moderateur de la Terre &amp; des Cieux,</l>
              <l rend="i">Qui sçait calmer les flots, &amp; borner leur audace,</l>
              <l rend="i"> Se moquera de leur menace,</l>
              <l rend="i">En reprimant l’essor des Aiglons furieux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par tant de noirs complots sa fureur allumée,</l>
              <l rend="i">D’un éclat imprévû troublera leurs esprits ;</l>
              <l rend="i"> Ils seront confus &amp; surpris,</l>
              <l rend="i">De voir tous leurs desseins s’exhaler en fumée.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Pour moy, que le Seigneur établit Souverain,</hi></l>
              <l rend="i">Pour publier ses loix &amp; proteger l’Eglise,</l>
              <l rend="i"> Dans une si juste entreprise</l>
              <l rend="i">Je soûtiendray toûjours l’ouvrage de sa main.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">J’attens l’heureux effet de sa sainte promesse,</l>
              <l rend="i">C’est pour cela, dit-il, que je vous ay fait Roy,</l>
              <l rend="i"> Qu’en vous engendrant par la Foy</l>
              <l rend="i">Sur tous les autres Rois vous avez droit d’aînesse.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Parlez, &amp; vous verrez remplir vostre desir ;</l>
              <l rend="i">Vous briserez le Trône &amp; du Scythe &amp; du More,</l>
              <l rend="i"> Et du Couchant jusqu’à l’Aurore</l>
              <l rend="i">Vos Neveux regneront selon vostre plaisir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Je vous feray dompter ces Nations rebelles,</l>
              <l rend="i">Avec la fermeté d’un Sceptre tout de fer ;</l>
              <l rend="i"> Et ces noirs supposts de l’Enfer</l>
              <l><hi rend="i">Seront bien-tost changez en des Sujets fidelles.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ouvrez donc tous, les yeux à ces vives clartez,</l>
              <l><hi rend="i">Vous autres Souverains qui gouvernez la terre ;</hi></l>
              <l rend="i"> Songez que vous n’estes que verre,</l>
              <l rend="i">Et redoutez l’effet de tant de veritez.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Craignez d’un Dieu vangeur les jugemens terribles,</l>
              <l><hi rend="i">Plus vous estes puissans, &amp; plus soyez soûmis ;</hi></l>
              <l rend="i"> N’insultez point vos Ennemis ;</l>
              <l><hi rend="i">Ceux que son bras soûtient sont toujours invincibles.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cessez contre un Aisné de lancer tant de traits,</l>
              <l rend="i">Et loin de l’insulter &amp; luy faire la guerre,</l>
              <l rend="i"> Honorez-le dessus la terre,</l>
              <l rend="i">Et joignez-vous à luy par un baiser de Paix.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est trop pousser l’envie &amp; l’aigreur contre un Frere,</l>
              <l rend="i">Sa gloire croist toujours malgré tout vostre fiel.</l>
              <l rend="i"> Craignez de voir tomber du Ciel,</l>
              <l rend="i">Sur une injuste guerre une juste colere.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Attachez-vous aux loix d’un rigoureux devoir,</l>
              <l rend="i">Moderez les transports d’une ardeur indiscrete,</l>
              <l rend="i"> Servez Dieu dans la voye étroite,</l>
              <l rend="i">Détournez sa colere, &amp; craignez son pouvoir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Cette colere affreuse unie à sa justice,</l>
              <l rend="i">Est preste d’éclater, &amp; vous menace tous.</l>
              <l rend="i"> Heureux, qui pour parer ses coups,</l>
              <l rend="i">Met en luy son espoir, &amp; fuit le précipice.</l>
            </lg>
            <p>D.H. Cél.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_018" resp="wordpro">
          <head>[Sur une poésie de M. Perachon]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 18-26.</bibl>
          <p>Le mesme M<hi rend="sup">r</hi> Perachon vient de donner un ouvrage considerable au Public. C’est un Poëme qui renferme toutes les principales actions de la vie du Roy, jusques à present. La pluspart de ceux sur qui les graces des Princes qui leur peuvent faire du bien, ne sont point encore tombées, épargnent rarement leur temps pour travailler à de longs Panegyriques, mais ceux qui n’écrivent que pour remercier en font de moins étendus. M<hi rend="sup">r</hi> Perachon n’en a pas usé de mesme, &amp; quoy qu’il n’eust qu’un remerciement à faire, il a fait voir que lors qu’il s’agissoit de parler du Roy, il ne pouvoit retenir les mouvemens de son cœur. En effet, toutes les fois que l’on a occasion de commencer son Eloge, l’on sent tant de joye à traiter cette matiere, que le plaisir qu’elle donne suffit seul pour exciter à ce glorieux travail. M<hi rend="sup">r</hi> Perachon, qui avoit esté élevé dans la Religion pretenduë Reformée, s’estoit rendu celebre parmy ceux de cette Religion, &amp; comme il estoit devenu un des principaux du Consistoire de Charenton, il se voyoit employé aux affaires, &amp; aux députations qui regardoient le Corps de ses Confreres. Cependant l’estat où il estoit parmy eux, ne l’empescha point de faire de serieuses reflexions sur la Religion qu’il avoit receuë de ses Ancestres, &amp; il ne crut pas, comme beaucoup d’autres, qu’il suffisoit qu’il l’eust embrassée en naissant, pour s’obstiner à la trouver bonne. Il prit donc une ferme resolution d’examiner la verité, &amp; cela l’obligea de s’attacher à la lecture des Peres de l’Eglise, qu’il voulut seuls consulter. Il y trouva des lumieres qui l’engagerent à se convertir, ce qu’il fit avant la revocation de l’Edit de Nantes. Il travailla ensuite à la conversion de ses Confreres, &amp; plusieurs eurent le bonheur de se sentir convaincus des veritez qu’il leur exposa, &amp; dont ses longues recherches l’avoient convaincu luy-mesme. Rien n’est plus capable de faire ouvrir les yeux à un Heretique, qu’un Heretique habile homme converty. Il connoist les détours &amp; les faux-fuyans dont ont accoutumé de se servir ceux qui s’obstinent dans la Religion qu’il a quittée ; &amp; comme ils sont obligez d’en tomber d’accord, ils conviennent bien tost aprés de la fausseté de leur créance. Pendant que M<hi rend="sup">r</hi> Perachon travailloit utilement aux conversions dont je vous parle, il fit quelques Ouvrages de devotion, &amp; traduisit plusieurs Himnes qui plûrent au Roy. Il avoit déja fait diverses pieces pour la gloire de ce Prince, qui luy fit donner le Brevet d’une pension sur ses propres revenus, &amp; non sur les Benefices dont les revenus estoient alors destinez pour les Nouveaux Convertis, Sa Majesté en ayant donné, &amp; en donnant encore tous les jours sur son Tresor Royal. M<hi rend="sup">r</hi> Perachon, tout penetré des bontez que Sa Majesté avoit pour luy, voulut faire un Ouvrage considerable qui en marquast sa reconnoissance, &amp; travailla à un remerciement à la maniere des plus illustres Anciens, c’est à dire, comme Pline à Trajan, Mamertin à Julien, Ausone à Gratien, &amp; plusieurs autres qui ont fait des Panegyriques entiers au lieu de remercimens. On peut asseurer que celuy dont je vous parle a de fort grandes beautez, puis qu’outre que les actions du Roy, racontées sans art &amp; sans ornement, ne laisseroient pas de paroistre inimitables, la Poësie les met dans un plus beau jour ; à quoy contribuë encore le genie de l’Auteur, dont l’Ouvrage est remply de pensées nouvelles, ausquelles il a donné un tour fort ingenieux. Je n’en parle qu’aprés les Illustres, qui travaillent au Journal des Sçavans. Mais pour mieux sçavoir ce que l’on en doit dire, j’attens vostre sentiment quand vous l’aurez lû, ne doutant point que vous n’y trouviez de vives expressions, &amp; de ces grands traits que vous m’avez mandé tant de fois qui vous font plaisir.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_030" resp="wordpro">
          <head>[Lettre à M. Ménage]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 30-65.</bibl>
          <p>Je vous envoyay il y a un an un livre de M<hi rend="sup">r</hi> Perrault, de l’Academie Françoise, ayant pour titre, <hi rend="i">Paralelle des Anciens avec les Modernes</hi>. Le S<hi rend="sup">r</hi> Coignard vient d’en donner au Public un second Volume qui contient un excellent Dialogue sur l’Eloquence. La Poësie aura son tour, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Perrault traitant la matiere à fond avec beaucoup de netteté &amp; de force, il ne sera pas aisé d’y répondre, à moins que d’apporter des raisons contraires qui soient assez fortes pour détruire ce qu’il établit. Cependant les Défenseurs de l’Antiquité qui se prétendent toujours tres-bien fondez dans leurs sentimens, que je n’ay point à examiner, ne prenant aucun party, continuent à s’élever contre ceux qui trouvent que les Modernes ne sont dans aucune obligation de ceder aux Anciens. Ils vont jusques aux injures, &amp; c’est cet emportement qui a donné lieu à la Lettre que vous allez lire. Elle est du mesme M<hi rend="sup">r</hi> Perrault, dont le Poëme <hi rend="i">du Siecle de Loüis le Grand</hi> a émeu cette fameuse querelle.</p>
          <quote>
            <label>LETTRE<lb />DE M<hi rend="sup">r</hi> PERRAULT<lb />A M<hi rend="sup">r</hi> Menage.</label>
            <p><hi rend="i">Enfin, Monsieur, j’ay vû l’Eloge que M<hi rend="sup">r</hi> Francius, Poëte Hollandois, fait de moy dans une Harangue Latine où il parle des qualitez necessaires pour former un parfait Orateur. Cette Harangue a esté prononcée à Amsterdam au mois de Novembre dernier. En voicy les propres termes.</hi></p>
            <p>Quin &amp; eò nuper audaciæ progressus est scriptor Gallicus in horribili illo &amp; sacro libello, quem sæculum Ludovici Magni appellat, ut Marcum Tullium Ciceronem, si viveret hodie, non in secundo aut tertio ordine Oratorum consistere, sed vix inter mediocres fori Parisiensis Patronos locum habere posse, affirmare non dubitaverit.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">En cor Zenodoti, en jecur Cratetis.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Quam tamen ineptissimi hominis insolentiam carmine sane pulchro Menagius, &amp; in præfatione ad Horatium nupera repressit Dacierius &amp; plures præterea alii. Neque enim hanc ferre possunt superbiam etiam in gente sua, &amp; ignorantiam plusquam puerilem acutioris inter Gallos nasi, &amp; in veterum lectione versati viri. Sed tamen sparguntur hæc in vulgus, legunt juvenes, laudant ephemerides, &amp; malam de antiquis illis heroibus opinionem imbibunt qui parum eos cognitos habent &amp; perspectos, &amp;c.</p>
            <p><hi rend="i">Ces paroles, comme vous sçavez, Monsieur, renduës litteralement en nostre Langue, veulent dire.</hi></p>
            <p>Et mesme un Ecrivain François est venu à un tel point d’audace dans cet horrible &amp; execrable Libelle qu’il appelle, <hi rend="i">le Siecle de Loüis le Grand</hi>, qu’il n’a point fait difficulté d’asseurer, non seulement, que Cicerons, s’il estoit aujourd’huy au monde, ne seroit mis ny dans le second ny dans le troisiéme rang des Orateurs, mais qu’il auroit peine d’avoir place parmy les Avocats mediocres du Parlement de Paris.</p>
            <p><hi rend="i">Voilà le cœur de Zenodote ; voilà le foye de Cratés.</hi></p>
            <p>Aussi Menage a-t-il repoussé l’insolence de ce tres-impertinent homme, par une tres-belle Epigramme, ainsi que Dacier dans sa derniere Preface sur Horace, &amp; plusieurs autres ; car les gens qui ont* le nez le plus pointu parmy les François, &amp; qui sont les plus versez dans la lecture des Anciens, ne peuvent souffrir cet orgueil &amp; cette ignorance plus que puerile, mesme dans un homme de leur Nation. Cependant ces choses se répandent dans le public, les jeunes gens les lisent, les Journaux en parlent avec éloge, &amp; ceux qui ne connoissent pas assez ces anciens Heros, &amp; qui ne les ont pas considerez d’assez prés, en prennent de méchantes impressions.</p>
            <p><hi rend="i">N’ay-je pas esté bon Prophete quand j’ay fait ce Madrigal ?</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>L’agreable dispute où nous nous amusons</l>
                <l>Passera sans finir jusqu’aux races futures.</l>
                <l> Nous dirons toûjours des raisons,</l>
                <l> Ils diront toûjours des injures.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Ne sont-ce pas là des injures en forme, des injures qui excedent toutes les libertez permises entre des gens de Lettres ; &amp; enfin dire en public</hi> qu’un homme est tres-impertinent, qu’on ne peut souffrir son insolence, <hi rend="i">n’est-ce pas luy faire un veritable outrage ? Cependant comme je sçay que ces injures n’ont pas la mesme force en Latin qu’elles auroient en François, je les pardonne de bon cœur à M<hi rend="sup">r</hi> Francius, en faveur des privileges de la Langue Latine, pourveu qu’il fasse reflexion combien peu delicate est cette Langue, combien peu delicats ont esté la pluspart de ceux qui l’ont parlée, &amp; combien le sont encore la pluspart de ceux qui la parlent, puis que pour les mesmes choses où l’on ne daigne pas faire attention quand elles sont en Latin, on se couperoit la gorge si elles estoient dites en François.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je ne sçay. Monsieur, si vous sçavez ce qui arriva à Saint Merry il y a quelques années, touchant l’Epitaphe de M<hi rend="sup">r</hi> Tarteron. Cette histoire fait bien voir la difference qu’il y a d’une Langue morte à une Langue vivante. M<hi rend="sup">r</hi> Tarteron, Maistre des Comptes, &amp; fort honneste homme, estant mort, ses Heritiers prierent M. de S. Laurent, Amy intime du Défunt, de luy faire une Epitaphe. M<hi rend="sup">r</hi> de S. Laurent, homme d’esprit, comme vous sçavez, &amp; tres-instruit de toutes les finesses de nostre Langue, fit l’Epitaphe, &amp; aprés l’avoir montrée à M<hi rend="sup">r</hi> Chapelain, &amp; à quelques autres de ses Amis, il la fit graver en lettres d’or, &amp; mettre en place. Il n’y eut pas une syllabe qui ne fust critiquée</hi>. Pourquoy toutes ces loüanges, <hi rend="i">disoient les uns</hi> ? Pourquoy n’y en mettre pas davantage, <hi rend="i">disoient les autres</hi> ? Cecy est trop fort ; cela est trop foible. Voilà qui est rampant ; voilà qui est guindé. <hi rend="i">Sçavans, ignorans, grands &amp; petits, hommes &amp; femmes, tout le monde y trouvoit à redire, &amp; depuis le matin jusques au soir, il y avoit une foule de gens qui lisoient &amp; censuroient l’Epitaphe. M<hi rend="sup">r</hi> de S. Laurent ayant releu son Ouvrage avec les mesmes Amis qu’il avoit consultez en le faisant, crut avoir trouvé les endroits qui blessoient le public, &amp; aprés les avoir reformez, il fit graver une seconde Epitaphe qu’on mit en la place de la premiere. Ce fut encore pis ; le nombre des Critiques augmenta au centuple, &amp; il s’y faisoit un tel concours, que le Curé en fut scandalisé, &amp; demanda qu’on l’ostast. Un homme de bon sens dit à M<hi rend="sup">r</hi> de Saint Laurent, que le meilleur remede qu’il y voyoit, estoit de la faire traduire en Latin. On suivit ce conseil, &amp; tout ce grand bruit cessa. L’Epitaphe Latine est dans S. Merry, où tres-peu de gens la regardent, &amp; où elle joüit d’un aussi grand repos que le Défunt pour qui elle est faite. Je ne suis donc point faché des injures Latines de M<hi rend="sup">r</hi> Francius. La seule chose qui me fait peine, c’est qu’il n’ait pas eu soin de dire la verité, car en toutes Langues on est obligé de la dire. Voicy de quelle sorte j’ay parlé de Ciceron dans mon petit Poëme de Louis le Grand.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Je voy les Cicerons, je voy les Demostenes,</l>
                <l>Ornemens éternels &amp; de Rome &amp; d’Athenes,</l>
                <l>Dont le foudre éloquent me fait déja trembler,</l>
                <l>Et qui de leurs grands noms viennent nous accabler.</l>
                <l>Qu’ils viennent, je le veux, &amp; que sans avantage</l>
                <l>Entre les combattans la gloire se partage ;</l>
                <l>Que dans nostre Barreau l’on les voye occupez</l>
                <l>A défendre d’un champ trois sillons usurpez ;</l>
                <l>Qu’instruits dans la Coûtume, ils mettent leur étude</l>
                <l>A prouver d’un Egoust la juste servitude,</l>
                <l>Et qu’en riche appareil la force de leur art</l>
                <l>Eclate à soûtenir les droits de Jean Maillart ;</l>
                <l>Si leur haute éloquence en ses démarches fieres</l>
                <l>Refuse de descendre à ces viles matieres,</l>
                <l>Que nos grands Orateurs soient assez fortunez</l>
                <l>Pour défendre comme eux des Cliens couronnez,</l>
                <l>Ou qu’un grand Peuple en foule accoure les entendre</l>
                <l>Pour declarer la guerre au Pere d’Alexandre ;</l>
                <l>Plus qu’eux peut-estre alors diserts &amp; vehemens</l>
                <l>Ils donneroient l’essor aux plus grands mouvemens,</l>
                <l>Et si pendant le cours d’une longue Audience,</l>
                <l>Malgré les traits hardis de leur vive éloquence,</l>
                <l>On voit nos vieux Catons sur leurs riches tapis,</l>
                <l>Tranquilles Auditeurs &amp; souvent assoupis,</l>
                <l>On pourroit voir alors au milieu d’une Place,</l>
                <l>S’émouvoir, s’écrier l’ardente Populace.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Ay-je rien dit dans ces Vers qui ressemble à ce que M<hi rend="sup">r</hi> Francius me fait dire ? Ay-je dit que si Ciceron revenoit au monde, il ne seroit pas au second, ny mesme au troisiéme rang parmy nos Avocats ? Si je suis blâmable, c’est bien moins d’avoir trop élevé nos Orateurs, que de les avoir trop abaissez en disant</hi>, que s’ils estoient assez heureux pour traiter des matieres aussi importantes que celles qui occupoient les Anciens, peut-estre réussiroient-ils mieux ; <hi rend="i">car un semblable</hi>, peut-estre <hi rend="i">dans la bouche de leur Avocat, est une espece d’aveu de leur inferiorité. M<hi rend="sup">r</hi> Francius dit ensuite, Monsieur, que vous avez reprimé mon audace par une belle Epigramme. Vous avez declaré que cette Epigramme n’est point de vous, cela suffit, &amp; l’on juge aisément que celuy qui l’a faite, n’a mis au bas la premiere lettre de vostre nom, que pour faire tomber le soupçon sur vous, &amp; donner par là de l’autorité à son Epigramme. Quelques-uns ont cru en voyant cette M. que l’Epigramme estoit de quelque nouveau Montmor, Parent du fameux Parasite, que vos Muses chasserent autrefois si agreablement du haut du Parnasse à coups de fourche. On l’a traduite, &amp; on y a fait une réponse. Voicy l’Epigramme Latine.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Cui sæcli titulum dedit, Sabelle,</l>
                <l>Peraltus tuus, edidit Poëma,</l>
                <l>Quo vir non malus asserit, putatque</l>
                <l>Nostris cedere Bruniis Apellem,</l>
                <l>Nostris cedere Tullium Patronis,</l>
                <l>Nostris cedere Vatibus Maronem.</l>
                <l>O sæclum insipiens &amp; inficetum !</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Voicy la traduction.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Cher Sabellus, ton bon Amy Perrault</l>
                <l>A fait des Vers que <hi rend="i">le Siecle</hi> appelle,</l>
                <l>Où ce bon homme asseure, &amp; dit tout haut</l>
                <l>Que nos le Bruns en sçavent plus qu’Appelle ;</l>
                <l>Que nos Brailleurs font mieux que Ciceron,</l>
                <l>Que nos Rimeurs l’emportent sur Maron.</l>
                <l>O Siecle fade &amp; de peu de cervelle !</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Voicy la réponse.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l>Des bons Auteurs que nostre siecle admire,</l>
                <l>Par tout Montmor ne cesse de médire.</l>
                <l>De sa nature il fut toujours mordant.</l>
                <l> A leur éloquence choisie,</l>
                <l> A leur divine Poësie,</l>
                <l>Il ose comparer, tant il est imprudent,</l>
                <l>Il ose préferer, tant il est impudent,</l>
                <l>De mille vieux bouquins la science moisie.</l>
                <l>O le crasseux ! O le vilain Pedant !</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Je demeure d’accord que l’Epigramme Latine est belle pour une Epigramme de ce temps-cy ; car quoy qu’elle ne soit fondée que sur l’équivoque du mot de</hi> Siecle, <hi rend="i">qui signifie la &amp; mon Poëme, &amp; le temps où nous sommes, &amp; que cette équivoque soit assez froide, cependant comme le plus grand merite des Ouvrages Latins d’aujourd’huy, n’est point d’avoir du sens &amp; de la raison, choses trop communes &amp; trop vulgaires, mais d’estre composez des plus beaux endroits des Auteurs Classiques, &amp; que ce dernier Vers</hi>, O Sæclum insipiens &amp; inficetum, <hi rend="i">fait allusion à un Vers de Catulle, je comprens bien que cette Epigramme a pour certaines gens une beauté qui les charme &amp; qui les enleve. C’est de ce genre de beauté que brille ce Vers de mon Eloge</hi> :</p>
            <p>En cor Zenodoti, en jecur Cratetis, <hi rend="i">Voilà le cœur de Zenodote, voilà le foye de Cratés.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Je ne suis pas surpris que cela soit admiré dans un College, mais je m’étonne que la pluspart des Sçavans, &amp; particulierement des Sçavans en</hi> ïus, <hi rend="i">n’ayent pas encore remarqué que s’il est loüable à un jeune Ecolier de faire voir à son Regent qu’il a bien profité de la lecture des Anciens, en les inserant dans ses compositions, il sied mal à un Maistre de ne pas parler de son chef dans une harangue, d’avoir encore du goust pour toutes ces tripes de Latin, &amp; de vouloir mesme en regaler ses Auditeurs.</hi></p>
            <p><hi rend="i">Aprés que M<hi rend="sup">r</hi> Francius a dit deux choses qui ne sont pas vrayes, il en dit une tres-veritable, qui est que M<hi rend="sup">r</hi></hi> D.… <hi rend="i">m’a maltraité dans ses Remarques critiques sur les œuvres d’Horace, où il fait entendre en plusieurs endroits que je suis un ignorant ; j’en demeure d’accord, que je n’ay point de goust ; cela peut estre, cela peut n’estre pas, &amp; ce n’est point luy qui en sera le Juge, mais il dit une chose dont je suis faché pour l’amour de luy. Il dit en parlant de Pindare qu’il compare à un torrent</hi> : Qu’il ne faut pas s’étonner qu’un Auteur moderne, &amp; les ridicules Personnages qu’il introduit s’y soient noyez dés le premier pas. <hi rend="i">Il est aisé de voir qu’il parle du premier Dialogue de mes Paralelles, où les Personnages que j’introduis declarent nettement qu’ils n’entendent point le commencement de la premiere Ode de Pindare. Il est certain que les Personnages d’un Dialogue serieux ne peuvent estre ridicules que l’Auteur ne le soit encore davantage, &amp; que</hi> Ridicule, <hi rend="i">est une injure qu’on ne dit point à un honneste homme, pour peu que l’on ait de politesse. Cette expression ne fait point d’honneur à M<hi rend="sup">r</hi> D.… J’avouë ingenûment que je me suis noyé dans le commencement de la premiere Ode de Pindare, ou pour parler plus clairement, que je n’ay pas entendu le commencement de cette premiere Ode ; mais je croy m’estre noyé avec tout le genre humain, &amp; qu’il vaut mieux comparer Pindare au Deluge Universel qu’à un torrent, puis que personne ne s’en est jamais sauvé. Jean-Benoist, le dernier de ses Commentateurs, declare que jusqu’à luy à peine les plus Sçavans ont entendu Pindare, &amp; le bon homme ne l’a pas entendu luy-mesme. Si vous pouviez engager M. D.… à nous donner une explication du commencement de cette Ode qui eust du sens, vous feriez une bonne œuvre, &amp; il ne faudroit pas un plus grand miracle que celuy-là pour me convertir. Dites-luy, je vous prie, que je prens par tout sa défense contre ceux qui l’attaquent. Je ne rencontre que des gens qui pretendent que sa Traduction d’Horace ne vaut rien, &amp; je leur soûtiens à tous qu’elle doit estre fort bonne. Et en effet, leur dis-je, comment ne seroit-elle pas la meilleure de toutes, puis que M<hi rend="sup">r</hi> D.… avoit eu devant luy cinquante ou soixante Interpretes, &amp; qu’il n’a eu qu’à choisir les endroits où chacun d’eux à le mieux rencontré ? Ce qui vous fait parler de la sorte, ajoûtay-je, c’est que ne trouvant pas dans Horace les beautez ineffables que son obscurité vous avoit fait croire jusques icy y estre renfermées, vous vous en prenez mal à propos à son Traducteur, qui vous le fait voir tel qu’il est, &amp; qui n’est qu’une cause innocente du déchet où tombe Horace dans vostre esprit. Quelque beau que soit Horace, car asseurement cet Auteur est admirable en mille endroits, M<hi rend="sup">r</hi> D.… luy a fait un mauvais tour de le traduire, de mesme que M<hi rend="sup">r</hi> de L.… a rendu un mauvais office à Theocrite en le traduisant. Vous sçavez le Madrigal que l’on fit à l’occasion de la Traduction de Theocrite.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Ils devoient ces Auteurs demeurer dans leur Grec,</l>
                <l> Et se contenter du respect</l>
                <l> De la Gent qui porte ferule.</l>
                <l>D’un sçavant Traducteur on a beau faire choix ;</l>
                <l> On les traduit en ridicule</l>
                <l> Dés qu’on les traduit en François.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Voicy la Parodie qu’on a faite au sujet de la traduction d’Horace.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l> Ils devoient ces Auteurs, contens de leur destin,</l>
                <l> Se tenir clos dans leur Latin,</l>
                <l>Trop heureux de charmer la Gent porte-ferule.</l>
                <l>Du docte &amp; grand D.… on a beau faire choix ;</l>
                <l> On les traduit en ridicule</l>
                <l> Dés qu’on les traduit en François.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p><hi rend="i">Si la pluspart des Anciens ne trouvent pas leur compte à estre traduits, parce qu’une Traduction fidelle leur oste cette beauté indéfinie &amp; sans bornes, que beaucoup de gens y croyent voir au travers de l’obscurité de leurs expressions, ou au travers des douces vapeurs que forme la joye secrete de les entendre mieux que les autres, il est bon que tout le monde les connoisse à fond, &amp; puisse juger de leur veritable merite. Combien d’hommes de tres-bon sens, qui prevenus par les loüanges excessives que l’on donne à ces Auteurs, se consumoient du regret de ne les pas connoistre, se disent l’un à l’autre</hi>, Est-ce là donc cet Horace, ce divin Horace que l’on nous vantoit si fort ? Sont-ce là ces fines railleries de la Cour d’Auguste, qu’il falloit admirer sans pretendre en oüir jamais de pareilles ? <hi rend="i">Combien de Dames qui ne lisoient qu’avec dédain les Ouvrages de Voiture, de Sarrazin, de Moliere, &amp; de plusieurs autres Auteurs à peu prés de la mesme force, &amp; qui persuadées que tout cela ne valoit pas le moindre mot d’Horace, ne cessoient d’envier le bonheur des Dames Romaines, s’écrient en mille endroits de sa traduction</hi>, Quelles pauvretez, quelles ordures ! Sont-ce là les jolies choses que l’on nous a tant vantées ? <hi rend="i">J’avouë franchement que dans le dessein que j’ay de faire voir dans mes Paralelles, que les Modernes valent bien les Anciens, je n’y entens rien en comparaison de ceux qui font de semblables traductions, &amp; que je n’ay garde d’avoir trouvé un chemin pour y parvenir, aussi seur &amp; aussi court que celuy qu’ils ont pris. C’est dequoy je vous prie, Monsieur, d’asseurer M<hi rend="sup">r</hi> D… Dites-luy bien encore, s’il vous plaist, qu’il peut continuer à dire de moy tout ce qu’il luy plaira, pourveu qu’il se renferme dans ce qui regarde la litterature, &amp; sur tout, que je ne luy diray jamais d’injures. Comme je ne m’occupe à écrire sur les Anciens &amp; sur les Modernes que pour me divertir, je quitterois là toute la dispute si elle venoit à m’échauffer le moins du monde. Voilà, Monsieur, la situation d’esprit où je suis à l’égard de M<hi rend="sup">r</hi> Francius &amp; de M<hi rend="sup">r</hi> D… dont je ne laisse pas d’honorer beaucoup le merite, malgré les choses facheuses qu’ils me disent, car ce sont leurs manieres, qui asseurement ne sont pas modernes. J’ay cru, Monsieur, que je ne pouvois choisir de meilleur Juge que vous sur tous ces differens ; vous, Monsieur, qui connoissez si bien les Anciens &amp; les Modernes, vous qui avez le don de toutes les Langues, &amp; qui avez composé des Ouvrages du goust de toutes les Nations &amp; de tous les Siecles. Vous estes si riche en François, en Italien &amp; en Espagnol, que quand le prix excessif, où l’esprit du College a fait monter tout ce qui est Grec ou Latin diminueroit un peu, vous seriez toûjours dans une extrême opulence. Je suis avec passion,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Monsieur,</hi></p>
            <p><hi rend="i">Vostre tres, &amp;c.</hi></p>
            <p>Ce 21. Février 1690.</p>
            <note><p>* Façon de parler latine. On dit en cette Langue, <hi rend="i">avoir le nez pointu</hi>, pour dire, <hi rend="i">avoir le discernement fin.</hi></p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_178" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances &amp; Complimens pour la promotion de M. de Beauvais au Cardinalat]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars 1690, p. 178-181.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous fis sçavoir par ma derniere Lettre la promotion de Mr de Fourbin de Janson, Evesque &amp; Comte de Beauvais, au Cardinalat. Le Chapitre de sa Cathedrale n'en eut pas plûtost receu la nouvelle, qu'il donna des marques d'une joye qu'il souhaitoit depuis long-temps de faire paroistre. Elle fut annoncée la veille à la Ville &amp; aux environs, par le son &amp; le carillon reiteré de toutes les Cloches ; &amp; le lendemain, jour de la Chaire de S. Pierre, le Chapitre augmenta la solemnité de la feste du Patron de cette Cathedrale par un Te Deum chanté en Musique, où tous les Corps de la Ville s'empresserent d'assister, pour prendre part à une Feste qui devenoit commune à tout le Peuple. Le Portail de l'Eglise estoit decoré des Armes du Pape, du Roy, du nouveau Cardinal, &amp; du Chapitre. Cette Ceremonie finit par un feu de joye qui fut allumé au son des Cloches, aux fanfares des Trompetes, &amp; au bruit de la Mousqueterie du grand nombre de Gardes &amp; Habitans des Terres du Chapitre, par Mr l'Abbé d'Omesson, Doyen, &amp; par le Chantre ; &amp; le Sous-Chantre, suivis de tous les Chanoines &amp; Officiers de la Cathedrale.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_213" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 213-233.</bibl>
          <p>Il est dangereux de braver l’Amour. Il ne manque point de moyens de se vanger, &amp; quand il pardonne aux uns, il fait son plaisir de punir les autres. Vous allez connoistre la verité de ce que je dis, par ce qui est arrivé depuis quelque temps à deux Cavaliers, qui s’étoient flatez également de pouvoir toûjours demeurer Maistres d’eux-mesmes. Ils avoient tous deux du bien &amp; de la naissance, &amp; comme les titres sont aujourd’huy fort communs, l’un se faisoit appeller Marquis, &amp; l’autre ayant un Aisné qui ne luy laissoit que le second rang, avoit pris le nom de Chevalier. Ils s’estoient connus dés leur bas âge, &amp; ayant beaucoup d’esprit l’un &amp; l’autre, ils avoient lié insensiblement une amitié fort étroite. Cependant leurs caracteres estoient extremement opposez. Il n’y avoit rien de plus enjoüé que le Chevalier, &amp; le Marquis estoit fort mélancolique ; mais ils avoient tous deux beaucoup de raison, &amp; c’estoit assez pour entretenir leur amitié malgré l’opposition de leur humeur. D’ailleurs, l’enjouëment de l’un n’avoit rien d’évaporé, &amp; la mélancolie de l’autre estoit une mélancolie douce qui avoit son agrément. Ainsi il ne faut pas s’étonner si leur union subsista toûjours. Ils se quittoient rarement, &amp; faisoient ensemble la pluspart de leurs visites. Les Dames qui étoient le plus en reputation d’avoir du merite &amp; de l’esprit, souhaitoient de les connoistre, &amp; l’un ne faisoit aucune habitude en quelque lieu que ce fust, qu’il n’y menast son Amy. Tous deux faisoient le plaisir des plus belles Compagnies. Le Marquis, tout mélancolique qu’il estoit, disoit les choses d’une maniere douce &amp; insinuante, qui ne manquoit point à faire effet, &amp; le Chevalier, toûjours vif &amp; enjoué, brilloit tellement dans la conversation, qu’on ne se lassoit jamais de l’entendre. La plus ordinaire reflexion qu’ils faisoient, étoit sur l’aveuglement qu’ils voyoient en beaucoup de gens, qui estant fort amoureux donnoient dans le mariage. Ils concevoient bien qu’on pouvoit chercher à plaire à une jolie personne, &amp; aller mesme avec elle jusqu’à un certain degré de passion ; mais ils ne pouvoient comprendre que l’on s’oubliast assez pour vouloir se faire un devoir indispensable du plaisir d’aimer, &amp; ce qui cessoit d’estre l’effet d’une volonté entierement libre, n’ayant rien qui les touchast, ils plaignoient les mal heureux qui en se faisant Maris étoufoient l’amour qu’ils pretendoient satisfaire. Ces reflexions les conduisoient à de plaisantes satyres, &amp; comme ils les laissoient souvent échaper, on les regardoit sur le pied de gens avec qui il ne falloit prendre aucun veritable engagement. Cela estoit cause qu’on écoutoit leurs douceurs, comme des paroles dont l’arrangement marquoit de l’esprit, sans qu’elles fissent nulle impression sur le cœur de celles à qui elles s’adressoient. Cependant en s’examinant eux-mesmes sur l’aversion qu’ils croyoient avoir pour le mariage, ils se demanderent plusieurs fois si malgré toutes les protestations qu’ils faisoient d’y renoncer, ils ne seroient point un jour assez fous pour s’engager tout de bon, &amp; faire comme les autres. L’idée qu’ils se firent de la servitude où ils se mettroient, les effraya tellement, qu’afin de se garantir de ce qu’ils envisageoient comme le plus grand de tous les malheurs, ils resolurent de signer un Billet double, par lequel ils arresterent que celuy des deux qui se marieroit le premier, payeroit mille pistoles à l’autre. Ce Billet fut accompagné d’un fort grand serment, de ne se faire là dessus aucune grace, &amp; de se traiter à la rigueur. Deux ans se passerent sans que l’un ny l’autre eust lieu de se repentir d’avoir signé le Billet, mais ils tomberent ensuite entre les mains d’une jeune Veuve, qui ayant sceu qu’ils passoient pour estre incapables de s’attacher, se mit en teste de leur donner de l’amour. Il luy parut qu’il y alloit de sa gloire, &amp; ce motif qui flatoit sa vanité luy fit tout mettre en usage pour venir à bout de son dessein. Elle estoit belle, &amp; toute pleine d’esprit. C’estoit dequoy embarasser les plus insensibles. Jugez si le soin qu’elle voulut prendre de leur paroistre agreable, put demeurer longtemps inutile. Elle avoit l’adresse de s’accommoder à leur caractere, &amp; si le Chevalier trouvoit dans son enjoûment un rapport d’humeur qui le charmoit, le Marquis remarquoit dans ses manieres je ne sçay quoy de piquant qui luy faisoit croire, qu’un peu de mélange de gayeté avec sa mélancolie, le rendroit heureux. Ils s’apperceurent bien-tost de la victoire qu’ils luy laissoient remporter, &amp; ce qu’il y eut de rare, c’est que l’un ny l’autre ne penetra dans les sentimens de son Amy. Il est vray qu’ayant connu leur foiblesse, ils en eurent honte, &amp; que pour s’en garantir, ils virent la jeune Veuve beaucoup moins souvent qu’ils ne voyoient plusieurs autres Dames ; mais le temps estoit venu où ils devoient aimer necessairement, &amp; si la précaution de n’estre pas assidus à rendre des soins à cette aimable Personne, éloignoit tous les soupçons qu’on eust pû avoir qu’ils en fussent amoureux, ils ne retournoient jamais chez elle sans se sentir &amp; plus convaincus de son merite, &amp; plus fortement touchez de sa beauté. Le Marquis voulant connoistre comment son cœur estoit disposé pour luy, luy dit en termes tendres &amp; passionnez sans se declarer entierement, tout ce qui pouvoit luy faire comprendre qu’il avoit dessein de luy proposer un mariage, &amp; la Dame luy ayant répondu assez favorablement sur cette ouverture, il auroit esté plus loin, si le Billet des mille pistoles ne l’eust arresté. Il crut que c’estoit assez qu’il pust s’assurer de réussir s’il parloit plus clairement, &amp; mit toute son application à chercher quelque moyen de rendre le Billet nul. Cependant il laissa prendre les devants à son Amy. Le Chevalier trouva dans la Veuve un tour d’esprit si peu ordinaire, tant de grandeur d’ame dans ses sentimens, &amp; une bonté de cœur si engageante, qu’enfin ne pouvant plus resister à un amour qu’il contraignoit depuis si longtemps, il fut plus hardy que le Marquis, &amp; sans s’embarasser du Billet, il demanda à la Dame si elle voudroit consentir à l’épouser. Comme en s’étudiant à luy donner de l’amour elle n’avoit pas fermé les yeux sur ses belles qualitez, &amp; que dans la secrete disposition où son cœur estoit, cette proposition ne luy pouvoit estre que fort agreable, elle la receut avec beaucoup de plaisir. Ainsi ne s’agissant plus que d’en venir à l’effet, le Chevalier en montra un empressement inconcevable, &amp; la pria seulement de vouloir traiter l’affaire sans en rien dire à personne qu’aprés la conclusion. Elle souhaita d’en sçavoir la cause, &amp; le Chevalier luy expliqua ce qui s’estoit fait entre luy &amp; son Amy, dont il vouloit empescher les raisonnemens qu’il employeroit pour le détourner du mariage. La Dame luy sceut bon gré de ce qu’il avoit si peu de peine à luy sacrifier les mille pistoles, &amp; jugea que cette seule raison avoit retenu le Marquis, qui sans cela luy auroit parlé plus ouvertement. Elle trouva pourtant à propos de ne dire rien au Chevalier du commencement de passion qu’il luy avoit fait paroistre, &amp; fut bien-aise qu’il demandast le secret, puis qu’elle évitoit par là tout ce qu’auroit pû tenter le Marquis pour rompre l’affaire. On fit venir un Notaire Amy, &amp; deux jours aprés la Veuve partit pour la Campagne, où le Chevalier devoit aller l’épouser. Dés le lendemain de son départ, il alla chez le Marquis, Tuteur d’une Niece que le Frere aîné du Chevalier recherchoit en mariage. Il avoit le consentement de la pluspart des Parens, mais celuy de l’Oncle Tuteur luy estoit absolument necessaire, &amp; le Chevalier s’estoit engagé à l’obtenir dans toutes les formes où il devoit estre. Il luy en avoit déja parlé trois ou quatre fois, &amp; lors qu’il le pressa de finir, parce que son Frere s’impatientoit du retardement, le Marquis luy répondit qu’il alloit faire ce qu’il souhaitoit, pourveu qu’il luy accordast une autre chose, qui estoit de déchirer le Billet des mille pistoles. Le Chevalier qui ne s’attendoit à rien moins qu’à une demande qui luy estoit si avantageuse, luy dit en riant qu’il le vouloit empescher de tomber dans le malheur dont ils avoient parlé tant de fois ensemble ; mais le Marquis prit la chose d’une maniere toute serieuse, &amp; luy ayant fait entendre que le consentement qu’on luy demandoit, dépendoit uniquement du Billet à rendre, il le pria de ne point chercher de qui il pouvoit estre touché, ajoûtant qu’il demeureroit peut-estre dans la resolution de ne s’engager jamais ; mais qu’il luy fachoit de n’en pas avoir la liberté. Quoy que le Chevalier n’eust aucun soupçon qu’il aimast la jeune Veuve, il ne voulut rien approfondir. Les deux Billets furent déchirez, &amp; chacun demeura libre à faire ce qu’il voudroit. Le Marquis fit force vœux pour le retour de la Dame à qui il pretendoit offrir sa fortune, &amp; le Chevalier alla la trouver. Il luy dit en arrivant qu’on l’avoit mis à couvert du payement des mille pistoles, &amp; elle se mit à rire sur ce qu’elle voyoit bien qu’il ne tenoit plus qu’à elle de se marier avec le Marquis. Elle n’eut pourtant aucune tentation de manquer au Chevalier, pour qui son cœur estoit prévenu. Elle l’épousa peu de jours aprés, &amp; cette nouvelle mit le Marquis dans une douleur inconcevable. Il s’accusa d’avoir travaillé luy-mesme à se détruire, &amp; croyant que son Amy n’eust songé à la jeune Veuve, que depuis que les Billets avoient esté déchirez, il estoit au desespoir de n’avoir pas prévenu ce coup en luy declarant en ce temps-là qu’il avoit dessein de l’épouser. Le Chevalier en le revoyant le laissa dans son erreur, &amp; aprés luy avoir dit qu’il avoit eu tort de ne se pas expliquer, il ajoûta que s’il estoit malheureux ; ce seroit à luy qu’il s’en prendroit. On asseure fort qu’il n’a encore eu aucun sujet de se repentir de son mariage, &amp; selon les apparences, il n’en sçauroit esperer que des suites fort heureuses.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_246" resp="wordpro">
          <head>[Vers de M. Diéreville sur la Tontine]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 246-248.</bibl>
          <p>Voicy de nouveaux Vers sur la Tontine. Ils sont de M<hi rend="sup">r</hi> Diereville.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Grand Roy, j’admire vos projets ;</l>
              <l rend="i">Aussi bon que puissant Monarque,</l>
              <l rend="i">De vos bontez à vos Sujets</l>
              <l rend="i">Sans cesse vous donnez quelque nouvelle marque.</l>
              <l rend="i">Pour prolonger leurs jours, des Duels violens</l>
              <l rend="i">Vous avez arresté la fureur inhumaine,</l>
              <l rend="i"> Et pour les voir plus opulens</l>
              <l rend="i">Vous leur avez cedé vostre propre Domaine.</l>
              <l rend="i"> Comblez de si rares bienfaits,</l>
              <l rend="i">Quand on sçait contre vous armer toute la Terre,</l>
              <l rend="i">Vous leur faites goûter les douceurs de la paix,</l>
              <l rend="i"> Loin d’une si cruelle guerre.</l>
              <l rend="i">Lors qu’on croit n’avoir rien à desirer encor,</l>
              <l rend="i"> Vous nous rendez le siecle d’or</l>
              <l rend="i"> Par le moyen de la Tontine ;</l>
              <l rend="i">Mais helas ! que me sert tant de bonté pour nous,</l>
              <l rend="i">Quand l’Astre mal faisant qui toûjours me domine,</l>
              <l rend="i">Me prive d’un bonheur qui me seroit si doux ?</l>
              <l rend="i">Non, ce n’est point pour moy que la Tontine est faite,</l>
              <l rend="i"> Lors qu’elle fera des Cresus,</l>
              <l rend="i"> Grand Roy, faute de cent écus,</l>
              <l rend="i"> Je mourray gueux comme un Poëte.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_283" resp="wordpro">
          <head>[Vers sur la nomination de l’archevêque de Paris]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 283-286.</bibl>
          <p>Le mesme M<hi rend="sup">r</hi> le Sourt, n’étant pas alors Recteur, fit l’année derniere un for beau Compliment à M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevêque de Paris sur son heureuse convalescence. On m’en a promis une copie, &amp; je vous l’envoyeray le mois prochain, ce qui n’a point encore esté veu ayant toûjours de la nouveauté. Les Particuliers ne se sont pas moins empressez que les Corps, à témoigner la joye qu’ils ont ressentie de la Nomination de ce grand Prelat, &amp; voicy un Madrigal de M<hi rend="sup">r</hi> Boyer de l’Academie Françoise sur ce sujet. Vous estes de trop bon goust pour ne le pas trouver tres-digne de son Auteur.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Vous voilà revestu d’un éclat tout nouveau,</l>
              <l rend="i">Le Roy vous a nommé ; vous estes par avance</l>
              <l rend="i">Bien plus que Cardinal sans avoir le Chapeau.</l>
              <l rend="i"> Joüissez sans impatience</l>
              <l rend="i">D’un choix où tant d’honneur est joint.</l>
              <l rend="i">Ce choix du Roy vous donne une Eminence</l>
              <l><hi rend="i">Que la Pourpre ne donne point.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La Devise qui suit a esté aussi presentée à ce Prelat. C’est une Etoile qui laisse une petite trace de son passage. Elle a pour ame, <hi rend="i">Lumine signat iter</hi>. Ces mots ont esté ainsi traduits.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> L’ame par cet Astre éclairée</l>
              <l rend="i">Des grandes veritez ne peut rien ignorer ;</l>
              <l rend="i">Par sa lumiere il trace une route assurée,</l>
              <l rend="i">Et suivant un tel guide, on ne peut s’égarer.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Je ne connois point l’Auteur de cette Devise, mais il ne faut qu’avoir les sentimens du Public pour parler de cette sorte.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_297" resp="wordpro">
          <head>[Esope]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 297-298.</bibl>
          <p>Il y a si longtemps que je ne vous ay entretenuë des Pieces nouvelles de Theatre, que quelque bruit que la Comedie d’<hi rend="i">Esope</hi> ait fait, je ne vous en dirois rien en vous l’envoyant, si elle n’étoit d’un caractere tout particulier, qui y fait trouver l’utile joint à l’agreable plus qu’on ne le trouve en aucune autre. En effet les Fables dont se sert Esope en parlant à ceux qui le viennent consulter, semblent avoir esté faites pour le sujet, &amp; en se faisant écouter avec plaisir par le tour fin que leur a donné l’Auteur, elles font entendre de grandes leçons, dont les gens sages peuvent profiter. Les Vers sont fort naturels, &amp; font voir la facilité du Genie de M<hi rend="sup">r</hi> Boursault. Ceux de vos Amis qui voudront avoir cette Comedie, la trouveront chez les sieurs Girard &amp; Guerout Libraires au Palais.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-03_299" resp="wordpro">
          <head>[Lettres familieres &amp; autres sur toutes sortes de sujets]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mars, 1690, p. 299-300.</bibl>
          <p>Le Sieur Guerout commence aussi à debiter la seconde Edition d’un Livre de M<hi rend="sup">r</hi> Milleran Professeur des Langues Françoise, Allemande, &amp; Angloise, sous le titre de <hi rend="i">Lettres familieres &amp; autres sur toutes sortes de sujets</hi>. Rien n’est plus utile pour ceux qui veulent avoir un Modelle en écrivant. Ce Livre, dont la premiere Edition n’a duré que six mois, est augmenté de plus de cent Lettres, &amp; l’Auteur a reveu &amp; corrigé toutes les autres, qui sont d’un stile aisé &amp; fort naturel, au nombre de plus de quatre cens, en quoy l’on connoist qu’aucun Moderne n’en a tant fait imprimer que luy. Il doit donner au Public dans fort peu de temps d’autres Ouvrages, aussi utiles aux François qu’aux Etrangers sur la politesse de nostre Langue.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-04">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, avril, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_054" resp="wordpro">
          <head>[Galanterie de M. le Pays]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 54-56.</bibl>
          <p>Vous avez déja veu des Vers de M<hi rend="sup">r</hi> le Pays sur la Tontine, &amp; vous les avez lûs avec le plaisir que donne tout ce qui part de sa Plume. En voicy d’autres du mesme M<hi rend="sup">r</hi> le Pays que vous trouverez tres-agreables. Il les a faits sur ce qu’il a sceu qu’un Particulier avoit mis son argent à la Tontine sous le nom du Roy, &amp; c’est à ce Particulier inconnu qu’il les adresse.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Ingenieux François, digne Sujet du Roy,</l>
              <l rend="i">Je ne te connois point, &amp; je te porte envie ;</l>
              <l rend="i">Pour asseurer ton bien, tu preferes sa vie</l>
              <l rend="i">A celle que Cloton ne file que pour toy.</l>
              <l rend="i"> Que mon ame seroit ravie,</l>
              <l rend="i">Si ce noble transport estoit venu de moy !</l>
              <l rend="i"> Ouy, j’ay la vanité de croire</l>
              <l rend="i"> Que mes Vers te l’ont inspiré ;</l>
              <l rend="i"> Tu m’en as dérobé la gloire,</l>
              <l rend="i"> En secret j’en ay murmuré.</l>
              <l rend="i">De mon Roy jour &amp; nuit mon ame possedée,</l>
              <l rend="i">Devoit bien avant toy concevoir cette idée.</l>
              <l><hi rend="i">Quand on fait, quand on dit quelque <seg>chose</seg> de grand,</hi></l>
              <l rend="i"> Qui plaist, qui brille, qui surprend,</l>
              <l><hi rend="i">Pour loüer, pour benir le Heros <seg>que</seg> j’adore,</hi></l>
              <l rend="i"> Je voudrois encherir encore ;</l>
              <l rend="i">Ce seroit pour mon cœur le plaisir le plus doux.</l>
              <l rend="i">Il me semble en voyant tous les jours sous la Presse</l>
              <l rend="i">Tant d’Eloges pour luy, qu’on me les vole tous ;</l>
              <l rend="i">Je sçay qu’injustement j’en ay de la tristesse,</l>
              <l rend="i">Mais on doit pardonner à ma delicatesse.</l>
              <l rend="i">Helas, on souffre bien qu’un Amant soit jaloux</l>
              <l rend="i">Des soins qu’un autre prend pour plaire à sa Maistresse.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_057" resp="wordpro">
          <head>[Ode]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 57-60.</bibl>
          <quote>
            <label>RESPONSE AUX VERS<lb />de M<hi rend="sup">r</hi> le Pays.<lb />ODE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Toy, qui des Exploits de Loüis</l>
              <l rend="i">Jour &amp; nuit occupes tes veilles,</l>
              <l rend="i">Illustre &amp; fameux le Pays,</l>
              <l rend="i">Qui produis toujours des merveilles.</l>
              <l rend="i">Que j’aime ton ressentiment,</l>
              <l rend="i">Et que j’applaudis au tourment</l>
              <l rend="i">Que te donne aujourd’huy l’envie</l>
              <l rend="i">De n’avoir pas mis comme moy,</l>
              <l rend="i">Ton bien sous le nom de ton Roy,</l>
              <l rend="i">Ny sur une si belle Vie !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Apprens, agreable Envieux,</l>
              <l rend="i">Que depuis que j’ay cette rente,</l>
              <l rend="i">Je ne croy pas que sous les Cieux</l>
              <l><hi rend="i">Un homme ait l’ame plus <seg>contente.</seg></hi></l>
              <l rend="i">Chaque jour me promet du bien,</l>
              <l rend="i">Et sans estre Epicurien</l>
              <l rend="i">Le sort n’a rien qui m’importune.</l>
              <l rend="i">Gros &amp; gras, je ris &amp; je boy,</l>
              <l rend="i">Et je me vante que le Roy</l>
              <l rend="i">Sera l’Auteur de ma fortune.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> On ne parle dans tout Paris</l>
              <l rend="i">Que du bonheur que je m’attire ;</l>
              <l rend="i">Je n’ay jamais servi Loüis</l>
              <l rend="i">Contre l’Espagne ny l’Empire.</l>
              <l rend="i">Je n’ay point couru de hazards,</l>
              <l rend="i">Non pas mesme vû les rampars</l>
              <l rend="i">Des Places que l’on a conquises.</l>
              <l rend="i">Qu’ay je donc fait ? J’ay prié Dieu,</l>
              <l rend="i">Et mis mon argent en bon lieu,</l>
              <l rend="i">Voilà les peines que j’ay prises.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Le Pays, pour avoir l’honneur</l>
              <l rend="i">Des Rentes que je me suis faites,</l>
              <l rend="i">Que tu donnerois de bon cœur</l>
              <l rend="i">Tes amours &amp; tes amourettes !</l>
              <l rend="i">C’est dans vos Ouvrages divers,</l>
              <l rend="i">Que vous autres faiseurs de Vers,</l>
              <l rend="i">Montrez du zele &amp; de la joye</l>
              <l rend="i">Au Heros qui nous rend heureux,</l>
              <l rend="i">Mais moy, pour luy marquer mes vœux,</l>
              <l rend="i">Je m’explique en belle monnoye.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Du plaisir de me voir Auteur,</l>
              <l rend="i">Je n’ay point l’ame embarassée,</l>
              <l rend="i">Et je vois que tout mon bonheur</l>
              <l rend="i">Me vient d’une seule pensée.</l>
              <l rend="i">En bon &amp; fidelle Sujet,</l>
              <l rend="i">Je n’ay que Loüis pour objet,</l>
              <l rend="i">Toujours prest à luy rendre hommage,</l>
              <l rend="i">Et de mes jours &amp; de mon bien,</l>
              <l rend="i">Je ne luy refuseray rien ;</l>
              <l rend="i">Que puis-je faire davantage ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais toy, qui de tes Vers charmans,</l>
              <l rend="i">En tous lieux répans l’harmonie,</l>
              <l rend="i">Et joins mille autres agrémens</l>
              <l rend="i">A la beauté de ton genie ;</l>
              <l rend="i">Le Pays, éleve ta voix,</l>
              <l rend="i">Et chante le plus grand des Rois,</l>
              <l rend="i">Que respectent les destinées,</l>
              <l rend="i">Tandis qu’admirant ses vertus</l>
              <l rend="i">Je vois croistre mes revenus,</l>
              <l rend="i">Et la gloire de ses années.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_061" resp="wordpro" copyOf="JLB-MG-1690-04_064">
          <head>[Chaires de Droit remplies à Paris &amp; à Caën]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 61-75.</bibl>
          <p>Mes Lettres vous ont appris que la mort de M<hi rend="sup">rs</hi> Doujat &amp; Hallé, fameux l’un &amp; l’autre par leur profonde érudition, avoit laissé deux ChaireCes vacantes dans la Faculté de Droit. Ces Places estant fort considerables, plusieurs Sujets tres dignes de les remplir ont fait leurs efforts pour y entrer, &amp; comme l’ardeur d’en venir à bout, les a obligez de travailler avec une application extraordinaire, ceux qui n’y ont pas réussy, ont eu du moins l’avantage de pousser si loin l’étude de l’un &amp; de l’autre Droit, que les connoissances qui leur en restent, leur doivent estre infiniment pretieuses. Les Prétendans estoient M<hi rend="sup">rs</hi> de Bonamour, le Gendre, Amyot &amp; Collesson, ces quatre premiers, Docteurs &amp; Aggregez de la Faculté de Paris ; M<hi rend="sup">r</hi> Toublane, Docteur &amp; Aggregé de la Faculté d’Angers ; M<hi rend="sup">rs</hi> le Saché, Cahuzat, Bastide, Grolleau, ces trois derniers, Prestres, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Duval, tous Docteurs en Droit Civil &amp; Canonique. On leur donna à chacun de la matiere de l’un &amp; de l’autre Droit pour expliquer &amp; pour soûtenir, &amp; cela fut fait au sort. Les disputes ont esté longtemps ouvertes, &amp; honorées souvent de la presence des plus celebres Magistrats, &amp; des plus sçavans hommes du Royaume. Enfin chacun ayant fourny sa carriere, le Conseil nomma M<hi rend="sup">rs</hi> de Fieubet &amp; de Harlay, Conseillers d’Estat, pour presider à l’Assemblée, faire prester serment aux Docteurs, qui devoient donner leurs suffrages, &amp; pour recevoir ces mesmes suffrages. Cette Assemblée se tint le Jeudy 9. du mois passé. M<hi rend="sup">rs</hi> de Fieubet &amp; de Harlay s’y rendirent, &amp; furent receus par M<hi rend="sup">r</hi> Bignon, Conseiller d’Estat, Doyen d’honneur de la Faculté, à la teste de tous les Professeurs, Docteurs, Aggregez d’honneur, &amp; autres Aggregez. Vous sçaurez, Madame, que dans la Faculté il y a de deux sortes d’Aggregez, les uns Aggregez d’honneur, tels que M<hi rend="sup">rs</hi> Pinsson, Issaly, Desmarais, &amp; autres fameux Avocats, &amp; les autres Aggregez de profession. Ces derniers en font toutes les fonctions, &amp; tant les uns que les autres, ils ont voix dans l’Assemblée. La Compagnie se rendit à Saint Jean de Latran, où l’on chanta une Messe solemnelle, aprés laquelle on proceda à l’Election. On rendit justice à tous les Concurrens, &amp; comme il est impossible de mieux attaquer &amp; de mieux défendre que firent les quatre premiers, ils l’emporterent sur les six autres. M<hi rend="sup">r</hi> de Fieubet fut le premier qui parla, &amp; il le fit avec toute l’éloquence imaginable. Aprés qu’il eut fait l’éloge de tous ces Messieurs, il témoigna le regret qu’avoit M<hi rend="sup">r</hi> le Chancelier, aussi bien que tout le Conseil, de donner l’exclusion à M<hi rend="sup">r</hi> Amyot, qui s’estoit distingué d’une maniere extraordinaire. Il en donna pour raison qu’ayant parmy les Professeurs son Beaupere &amp; son Beaufrere, qui sont M<hi rend="sup">rs</hi> Baudin &amp; Cuynet, c’estoit un obstacle qui le mettoit hors d’estat d’avoir les suffrages. On peut dire que sans cela il y auroit eu bonne part, puisque les matieres les plus difficiles luy estant toujours tombées, il s’en est tiré de la maniere du monde la plus aisée, &amp; avec toute l’érudition possible. M<hi rend="sup">r</hi> Amyot estant exclus, on donna les suffrages, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> Bignon, le premier des Vocaux, ayant harangué de cette maniere noble &amp; éloquente qui luy a fait acquerir tant de reputation dans le Parlement, conclut en faveur de M<hi rend="sup">r</hi> le Gendre &amp; M<hi rend="sup">r</hi> de Collesson. M<hi rend="sup">r</hi> le Gendre eut toutes les voix. C’est un homme consommé dans l’étude du Droit, &amp; qui, quoy que dans un âge avancé, ne laisse pas de s’appliquer au travail avec une assiduité surprenante. M<hi rend="sup">r</hi> Collesson fut aussi éleu, mais ce ne fut pas d’un consentement si universel, puis qu’il ne l’emporta que d’une seule voix sur M<hi rend="sup">r</hi> de Bonamour son Concurrent Il est vray qu’il seroit fort difficile de trouver deux Sujets de la force de l’un &amp; de l’autre. Le premier joint à une entiere connoissance du Droit Civil &amp; Canonique toute celle des belles Lettres. Il a travaillé sur Martial, &amp; sur Suetone. Ses Ouvrages sont dans les mains de tout le monde, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> de Launay, Docteur &amp; Professeur du Droit François, dit en luy donnant sa voix, qu’il avoit un merite imprimé, <hi rend="i">s’il m’est permis</hi> : ajouta-t’il, <hi rend="i">d’emploier les termes dont quelques uns de M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie Françoise se servent en parlant de ceux qu’ils reçoivent dans leur Corps sur la reputation qu’ils se sont acquise par les Ouvrages qu’ils ont donnez au Public</hi>. Il possede parfaitement la Langue Grecque, &amp; on ne doit pas douter qu’il n’eust eu tous les suffrages, ainsi que M<hi rend="sup">r</hi> le Gendre, s’il n’avoit eu à combattre contre un homme du merite de M<hi rend="sup">r</hi> de Bonamour. Quoy que l’élection ne soit pas tombée sur ce dernier, il n’en doit pas avoir moins de gloire, puis que le peu qu’il s’en est fallu, &amp; les éloges que luy ont donné ceux mesmes qui ont esté pour M<hi rend="sup">r</hi> Collesson, sont une preuve convaincante de sa capacité. Il est jeune, &amp; il y a environ quinze ans qu’il eut l’honneur de disputer une pareille Chaire avec les plus grands Maistres de l’Art, je veux dire, M<hi rend="sup">rs</hi> Baudin &amp; Cuynet, &amp; il le fit avec un succés qu’on ne devoit point attendre d’un homme qui n’estoit âgé que de vingt ans. Quant à M<hi rend="sup">r</hi> Amyot, on a toujours esté si persuadé de son merite, que lors que le Droit fut rétabli, quoy qu’il ne fust pas Docteur, le Roy ne laissa pas de l’aggreger à la Faculté, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Pelletier, Ministre d’Etat, qui estoit alors Doyen d’honneur, luy dit que Sa Majesté pleinement instruite de sa capacité, le faisoit Docteur. Il n’y a peut-estre rien de si singulier que cela. On sçait qu’un Empereur trouva mauvais qu’un Docteur qu’il avoit ennobli, eust esté prendre place parmy les Chevaliers, disant qu’il pouvoit bien faire plusieurs Chevaliers, mais qu’il ne pouvoit faire un Docteur. Aussi M<hi rend="sup">r</hi> Amyot sensible à l’honneur qu’il a receu de Sa Majesté, ne manque jamais de prendre la qualité de <hi rend="i">Docteur de la nomination du Roy.</hi></p>
          <p>Il y a eu aussi une grande dispute pour la Chaire de Droit, vacante en l’Université de Caën. Elle fut ouverte l’année derniere par M<hi rend="sup">r</hi> le Petit, qui fit le Panegyrique de Sa Majesté, d’une maniere fort éloquente, en presence de M<hi rend="sup">r</hi> l’Evesque de Bayeux, de M<hi rend="sup">r</hi> Foucault, Intendant, &amp; des Personnes les plus considerables de la Province. Cette dispute a duré un an, à cause du grand nombre de Concurrens, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Petit s’estant trouvé le plus habile, tant pour les belles Lettres, que pour sa profonde érudition dans le Droit Civil &amp; Canonique, a merité le suffrage de tous ses Juges. Cette élection fut confirmée sur la fin du mois passé, par la nomination du Roy. qui aime en toutes sortes d’occasions à rendre justice à ses Sujets.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_121" resp="wordpro">
          <head>[Academiciens receus à l’Academie de Nismes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 121-122.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Baudry, dont l’on a vû plusieurs beaux Ouvrages en Vers François à la gloire du Roy, a esté receu depuis peu dans l’Academie Royale de Nismes. M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Flechier, nommé à cet Evesché, a esté élû Protecteur de cette celebre Compagnie, par tous les suffrages des doctes Academiciens qui la composent. Elle ne pouvoit faire un choix plus judicieux que de prendre pour Chef un Prelat également sage, éloquent, habile &amp; zelé.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_122" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 122-133.</bibl>
          <p>Les effets que l’imagination produit sont si extraordinaires, que quelquefois ils deviennent incroyables. Je vais vous en conter un qui vous surprendra. Deux Dames estoient liées d’une amitié fort étroite. On les voyoit à toute heure ensemble, leurs inclinations estant semblables, il estoit rare que l’une prist un <seg>plaisir</seg> sans qu’il fust commun à l’autre. Aussi les appelloit-on les Inseparables. Elles aimoient toutes deux le Jeu, &amp; la liaison qui estoit entre elles faisoit qu’elles partageoient la perte ou le gain, jusque-là mesme que l’une joüant en l’absence de l’autre, leur societé subsistoit toujours également, à moins que la Joüeuse n’eust dit tout haut en entrant au Jeu, qu’elle ne joüoit que pour elle seule. Cela n’arrivoit presque jamais. Cependant une de ces Dames s’estant un jour trouvée en un lieu où l’on proposa de jouër au Lansquenet aux petites pieces par pur divertissement, en attendant qu’il vinst d’autre monde pour jouër un plus gros jeu, elle declara qu’elle joüoit sans moitié, le gain ou la perte devant estre si mediocre, qu’elle auroit cru qu’il y eust deu avoir de la honte à rien partager avec son Amie. Les Joüeurs furent sages un quart d’heure ; mais on se piqua presque aussi-tost, &amp; aprés avoir commencé aux petites pieces, on alla aux Loüis d’or. Ainsi la Dame faisoit un gain fort considerable lors que son Amie entra. Cette Amie qui pretendoit estre de moitié, montra de la joye de ce qu’elle faisoit si bien ses affaires ; &amp; un des Joüeurs chagrin de la perte qu’il faisoit, luy dit d’un ton un peu rude, qu’elle n’avoit que faire de se réjoüir, puis qu’elle n’avoit aucun interest au gain. Elle se plaignit de l’injustice de la Dame lors qu’elle eut appris qu’elle joüoit seulement pour elle ; &amp; la voyant en train de gagner, elle luy dit qu’elle pouvoit compter son argent pour la mettre de moitié pendant le reste du jeu. La Dame la refusa, &amp; prit pour pretexte que la fortune luy ayant esté trop favorable pour luy laisser croire que son bonheur dust continuer, elle ne vouloit point qu’il y eust ce jour-là de societé entre-elles, puis qu’elle ne pouvoit l’y recevoir, sans l’exposer en quelque maniere à une perte certaine. Cette raison, &amp; le caprice de la plûpart des Joüeurs qui s’imaginent que le moindre changement arrivé au jeu leur porte malheur, firent que la Dame s’obstina sur le refus. Son Amie sortit, pour ne pas faire éclater le dépit qu’elle en avoit, &amp; estant revenuë peu de temps aprés, elle trouva que son gain estoit augmenté de plus d’un tiers. Cette augmentation luy devint sensible. C’estoit un argent qu’elle croyoit qu’on luy faisoit perdre fort injustement, &amp; son chagrin luy suggerant le dessein de causer de l’inquietude à la Joüeuse qu’elle connoissoit timide &amp; sujette à s’effrayer, elle s’approcha de son oreille, &amp; luy dit qu’elle sortoit d’une maison où estoit la petite verole &amp; qu’elle venoit la luy apporter pour la punir du mauvais tour qu’elle luy faisoit. Elle s’en alla fort brusquement aprés luy avoir parlé de cette sorte, &amp; la Dame animée par l’ardeur du jeu, voulut faire effort pour vaincre l’extrême frayeur qui la saisit, mais il luy fut impossible d’en venir à bout. Elle se troubla, changea de couleur, &amp; ne sçachant plus ce qu’elle faisoit, elle fut contrainte de quitter le jeu, en disant que le cœur commençoit à luy manquer. La pasleur qu’on vit tout à coup sur son visage, fut la preuve de son mal. On la remena chez elle, &amp; elle se mit aussitost au lit. On alla querir son Medecin, à qui elle dit, qu’il luy seroit <seg>inutile</seg> de chercher la cause de ce qu’il voyoit, &amp; qu’il pouvoit la traiter comme une Femme attaquée de la petite verole. Elle luy conta ensuite ce que son Amie avoit fait contre elle. Il se moqua de ce qu’on estoit venu luy dire, &amp; luy voulut rasseurer l’esprit, mais rien ne put la guerir de ses alarmes, &amp; elle passa la nuit dans cette pensée. Les indices du mal qu’elle apprehendoit parurent assez fortement pour faire dire au Medecin mesme qu’elle ne se trompoit pas. Son Amie qui sçeut la chose vint la voir le lendemain, &amp; la Dame luy demanda si jamais personne s’estoit vangé si cruellement. Cette Amie surprise de la voir en cet estat, luy protesta qu’elle luy avoit dit une fausseté dans le seul dessein de la mettre en peine, &amp; justifia si bien qu’elle n’avoit esté que chez une Dame voisine où il n’y avoit aucun malade, qu’on reconnut impossible qu’elle luy eust apporté l’air contagieux qu’elle croyoit avoir pris. Cependant tout son sang s’estoit meslé par la crainte, &amp; l’imagination avoit esté si puissante en elle, que la petite verole se declara dés ce mesme jour. Le Medecin dit d’abord que les suites en seroient tres-dangereuses. Il voulut qu’on appellast du secours, &amp; tout l’Art de ses Confreres ainsi que le sien, fut incapable de sauver la Dame. Elle mourut aprés les premiers remedes, &amp; laissa son Amie d’autant plus inconsolable qu’elle l’aimoit tendrement, &amp; qu’elle se voyoit cause de sa mort, pour avoir voulu l’inquieter dans le temps qu’elle joüoit, sans avoir eu la moindre pensée qu’il fust possible que la chose allast plus loin.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_133" resp="wordpro">
          <head>[Stances qui marquent l’amour parfait]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 133-137.</bibl>
          <p>Je me souviens de vous avoir oüy dire quelquefois que vous aviez peine à croire qu’il y eust un amour assez des-interessé pour meriter le nom de parfait. Vous le trouverez dans les Vers qui suivent, s’il est vray que l’Auteur soit aussi sincere, qu’il paroist avoir d’esprit.</p>
          <quote>
            <label>STANCES.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Souffrez-moy seulement, Iris, de vous aimer,</l>
              <l rend="i">Sans esperer jamais que vous m’aimiez de mesme.</l>
              <l rend="i"> Vostre beauté m’a sceu charmer,</l>
              <l rend="i">Et ce charme secret fait mon bonheur extrême.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Je sçay que mille Amans vont vous faire la cour ;</l>
              <l rend="i">Mais sans estre jaloux que vostre cœur s’engage,</l>
              <l rend="i"> Je joüira y de mon amour,</l>
              <l rend="i">Du plaisir de vous voir, &amp; d’aimer davantage.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Je suis dans mon Automne, &amp; vous dans le Printemps ;</l>
              <l rend="i">Rien n’est égal en nous, l’âge ny la tendresse,</l>
              <l rend="i"> Mais j’ay plus de feu qu’à vingt ans,</l>
              <l rend="i">Et l’amour que je sens me tient lieu de jeunesse.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Jamais un jeune Amant ne fut plus enflâmé,</l>
              <l rend="i">Jamais un jeune Amant ue vous trouva si belle,</l>
              <l rend="i"> Iamais aucun n’a tant aimé,</l>
              <l rend="i">Et vous n’aurez jamais un Amant si fidelle.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Iris, un jeune Amant ne vous connoistra pas</l>
              <l rend="i">Ne verra qu’à demy tant de charmantes choses ;</l>
              <l rend="i"> Parmy tant de divers appas</l>
              <l rend="i">Il ne sçaura loüer que vos lis &amp; vos roses.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Moy, je découvre en vous mille secrets tresors,</l>
              <l rend="i">Dont le Ciel vous formant d’une main favorable</l>
              <l rend="i"> Orna vostre esprit, vostre corps,</l>
              <l rend="i">Et je vous aime autant que vous estes aimable.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Nul ne vous servira sans espoir, sans desirs,</l>
              <l rend="i">Sans vous faire valoir ses soupirs &amp; ses larmes ;</l>
              <l rend="i"> Moy, je ne veux d’autres plaisirs</l>
              <l rend="i">Que celuy de vous voir, &amp; d’adorer vos charmes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que l’on goûte en amour les plaisirs les plus doux,</l>
              <l rend="i">Mon cœur aux plus heureux ne porte point d’envie,</l>
              <l rend="i"> Pourvû que toujours prés de vous</l>
              <l rend="i">Je passe à vous aimer le reste de ma vie.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_137" resp="wordpro">
          <head>A Mercure</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 137-138.</bibl>
          <p>Voicy d’autres Vers du mesme Auteur, que vous ne trouverez pas moins agreables.</p>
          <quote>
            <label>A MERCURE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Celeste Messager, cher confident des Dieux,</l>
              <l rend="i">Qui tous les mois partez des Cieux</l>
              <l rend="i">Pour donner aux Mortels des nouvelles du Monde,</l>
              <l rend="i">Volez, Mercure, allez, parcourez l’Univers,</l>
              <l rend="i">Allez trouver Iris, jeune, charmante, blonde ;</l>
              <l rend="i"> Vous verrez qu’elle est sans seconde,</l>
              <l rend="i">Vous n’avez jamais vû tant de charmes divers.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Pour la bien divertir &amp; flater ses desirs</l>
              <l rend="i"> Donnez luy de nouveaux plaisirs,</l>
              <l rend="i">Choisissez-luy toujours quelque rare nouvelle.</l>
              <l rend="i">Dites-luy qu’au milieu des charmes de la Cour,</l>
              <l><hi rend="i"><seg>Tircis</seg> également amoureux &amp; fidelle</hi></l>
              <l rend="i"> Soupire sans cesse pour elle,</l>
              <l rend="i">Et qu’enfin vous n’avez jamais vu tant d’amour.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_219" resp="wordpro">
          <head>[Jettons que les Maistres Chirurgiens de Paris ont fait fraper]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 219-223.</bibl>
          <p>Dans la face droite de l’autre Jetton est le Portrait de Loüis le Grand, pour servir de monument éternel de la protection dont il a bien voulu honorer la Compagnie des Maistres Chirurgiens de Paris en plusieurs rencontres, &amp; sur tout, quand il a eu l’occasion de choisir un premier Chirurgien pour sa Personne sacrée, ayant desiré que celuy qui remplit presentement cette premiere place de la Chirurgie, essuyast la rigueur que cette Compagnie exige de ceux qui se presentent pour y estre admis ; &amp; lors qu’il empêcha par un Arrest de son Conseil d’Estat, y estant en personne, les Chirurgiens Hospitaliers d’estre aggregez dans cette Societé, sans avoir fait les exercices de Theorie &amp; de pratique selon la coûtume. Ces mots sont autour du cercle. <hi rend="i">Ludovicus Magnus, Chirurgorum Parisiensium Protector</hi>. Au revers est la Devise que la Compagnie a prise depuis longtemps. Le corps est un trophée d’instrumens de Chirurgie, attaché dans une Salle magnifique, &amp; disposé de la maniere que les Anciens dressoient leurs Trophées d’Armes dans le Temple de Jupiter, aprés avoir remporté quelques victoires. Au dessus paroist une table ornée d’un tapis fleurdelisé, &amp; couverte de Livres de Chirurgie, pour faire connoistre que l’avis de ceux qui ont écrit de cet Art, n’est pas moins necessaire pour bien faire les operations, que les instrumens dont on se sert dans l’execution. Ces paroles, <hi rend="i">Consilioque manuque</hi>, font l’ame de la Devise, &amp; on les a expliquées par ce Madrigal,</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Grand Art, dont le pouvoir surmonte la Nature,</l>
              <l rend="i"> Qui du plus accompli des Corps</l>
              <l rend="i"> Sçais démêler tous les ressorts,</l>
              <l rend="i">Et seul en as connu l’admirable structure.</l>
              <l rend="i"> Combien l’homme sans ton secours</l>
              <l rend="i">Verroit-il accourcir le nombre de ses jours ?</l>
              <l rend="i">Parmy ceux que l’on voit te consacrer leurs veilles,</l>
              <l rend="i">Les uns pleins de sçavoir ordonnent sagement,</l>
              <l rend="i">Les autres pleins d’ardeur pratiquent seurement,</l>
              <l rend="i">Tu partages entre eux tes dons &amp; tes merveilles :</l>
              <l rend="i">Mais si tu veux passer pour un Art plus qu’humain,</l>
              <l rend="i">Fais trouver en un seul le Conseil &amp; la Main.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_231" resp="mercure">
          <head>[Ceremonie faite aux Cordeliers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril 1690, p. 231-232.</bibl>
          <p/>
          <p>On celebre chaque année au jour du Dimanche de Quasi modo, dans l'Eglise du Convent des Cordeliers de Paris, une Feste que les personnes qui ont visité les Saints Lieux, rendent solemnelle. Cette Ceremonie commence par une Procession publique d'un grand nombre de Religieux, &amp; de ceux qui ont eu le bonheur de voir le Sepulchre du Sauveur. Ils portent des palmes en leurs mains, &amp; sont precedez de Trompettes, de Timballes, de Hautbois, &amp; d'autres Instrumens de Musique, pour marquer la joye particuliere qu'ils ressentent de la Resurrection du Fils de Dieu, &amp; du triomphe qu'il a remporté sur ses ennemis. La Messe se chante ce jour-là en Grec, &amp; c'est un usage tres ancien. Aprés l'Evangile il y eut cette année un Sermon en la mesme Langue.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_283" resp="wordpro">
          <head>[Livres nouveaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 283-284.</bibl>
          <p>Il paroist depuis quelque temps un Livre nouveau, intitulé, <hi rend="i">Remarques, ou Reflexions Critiques, Morales &amp; Historiques, sur les plus belles &amp; les plus agreables pensées qui se trouvent dans les Ouvrages des anciens Auteurs &amp; modernes</hi>. Il y a quantité de Livres qui promettent beaucoup, &amp; l’on trouve dans celuy-cy plus que son titre ne fait esperer, puis qu’on y voit non seulement les plus belles, &amp; les plus agreables pensées qui sont dans la pluspart des Ouvrages des Auteurs anciens &amp; modernes, mais encore une infinité de choses dites par beaucoup de grands hommes, à propos de quoy l’Auteur fait leur histoire en abregé. Ainsi l’on voit dans un seul Livre des collections qu’on ne peur faire qu’en plusieurs années de lecture, &amp; ceux qui veulent se donner la peine d’en faire, y apprennent la maniere de faire un bon choix.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_312" resp="wordpro">
          <head>[Explication de l'énigme du mois passé]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 312.</bibl>
          <p>Le mot de <hi rend="i">la Tontine</hi>, qui étoit le vray sens de l’Enigme du mois passé,</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_315" resp="wordpro">
          <head>Enigme</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 315-316.</bibl>
          <p>La nouvelle Enigme que je vous envoye, ne se trouvera peut-être pas si facile à deviner, que celle de la Tontine. Je n’en connois point l’Auteur, mais il me paroist avoir un génie particulier pour les Ouvrages de cette nature.</p>
          <quote>
            <label>ENIGME.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Je vais t’apprendre mon destin,</l>
              <l rend="i">Juge s’il est heureux, ou déplorable,</l>
              <l rend="i">Dés que je suis formé, mon Pere impitoyable</l>
              <l rend="i"> Me plonge le fer dans le sein.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Je suis fait pour servir une fiere Maistresse,</l>
              <l rend="i"> Que pourtant je tiens sous mes loix,</l>
              <l rend="i"> Et qui, souvent, pour marquer sa Noblesse,</l>
              <l rend="i"> Va du mesme pas que les Rois.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Si celle que je sers est richement parée,</l>
              <l rend="i"> Je me ressens de son superbe atour,</l>
              <l rend="i"> En campagne, en Ville, à la Cour,</l>
              <l rend="i"> Elle a toujours une garde assurée.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Quand je la gouverne, elle est bien.</l>
              <l rend="i">M’échape-t-elle, on la craint d’ordinaire,</l>
              <l rend="i"> Aussi jamais on ne m’impute rien</l>
              <l rend="i"> De tout le mal qu’elle peut faire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Il est vray que dans son employ,</l>
              <l rend="i">Pour elle mon secours est de peu d’importance ;</l>
              <l><hi rend="i"><seg>Mais du moins elle trouve en moi</seg></hi></l>
              <l><hi rend="i"><seg>Son repos &amp; son innocence.</seg></hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-04_318" resp="wordpro">
          <head>[Nouvelles Reflexions ou Sentences, Maximes morales &amp; politiques]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, avril, 1690, p. 318-321.</bibl>
          <p>Le St. Guerout, Libraire au Palais, commence à débiter un Livre qui doit être d’une grande utilité pour tous ceux qui ont quelque connoissance de la Chirurgie. C’est un Ouvrage du Sçavant Ettmullerus qu’on a traduit en François, &amp; qui a pour titre <hi rend="i">Nouvelle Chirurgie Medicale, &amp; raisonnée</hi>. On l’appelle ainsi, parce qu’on y rend raison de tout jusqu’aux moindres choses, &amp; qu’il n’y a point de si petites circonstances, ny d’abus sur les causes, sur les Symptomes, sur la cure, &amp; sur les remedes des maladies externes qui font l’objet de la Chirurgie, que l’on n’y explique avec autant d’exactitude que de netteté. Il semble que cet Auteur ait voulu écrite particulierement en faveur des Medecins, comme on le peut voir par le Titre même de l’Ouvrage, afin de leur fournir dequoy soûtenir avec honneur l’inspection que la Medecine a euë de tout <seg>temps</seg> sur la Chirurgie. On y a joint une <hi rend="i">Dissertation sur l’infusion des liqueurs dans les vaisseaux</hi>. C’est un Traité fort sçavant dans lequel toute la Mecanique des corps, tant en maladie qu’en santé, est expliquée, &amp; cela est soûtenu d’une infinité de belles experiences.</p>
          <p>Le mesme Libraire va commencer le debit d’un autre Livre nouveau, intitulé, <hi rend="i">Nouvelles Reflexions ou Sentences &amp; Maximes morales &amp; Politiques</hi>. On leur a donné ce titre, parce qu’on en a inseré plusieurs dans cet Ouvrage, qui ont paru fort utiles pour se bien conduire, soit par rapport aux mœurs &amp; à la Religion, soit par rapport à l’Estat &amp; à la Vie Civile. L’Auteur avouë qu’il a composé la pluspart de ces Maximes, des plus belles &amp; des plus solides pensées qu’il ait pû choisir dans les Ouvrages les plus estimez, &amp; ceux qui les liront avec un esprit desinteressé, n’auront pas de peine à reconnoistre, que loin d’avoir eu le dessein d’attaquer qui que ce soit en particulier ; il n’en veut qu’à l’homme corrompu, &amp; non pas à la vertu.</p>
          <p>M. Touraine, Vicaire de Villers-le-bel, a donné depuis peu au public des <hi rend="i">Instructions du Calendrier universel &amp; perpetuel</hi>, qui font voir plusieurs erreurs de calcul ou de supputation Astronomique dans le Calendrier Romain. Ce petit Livre contient des choses fort curieuses. On le trouve chez le Sieur l’Anglois, ruë saint Jacques à la Victoire.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-05">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, mai, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_033" resp="wordpro">
          <head>Eglogue</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 33-36.</bibl>
          <p>Tous les Ouvrages que vous avez vûs de M<hi rend="sup">r</hi> Magnin, ont esté de vostre goust. L’Eglogue qui suit est de sa façon, &amp; je suis persuadé que vous la lirez avec plaisir.</p>
          <quote>
            <label>EGLOGUE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Lors que l’on dit à Tircis</l>
              <l rend="i">Que son Iris est coquette,</l>
              <l rend="i">Il répond, à mon Iris</l>
              <l rend="i">On dit aussi que je suis</l>
              <l rend="i">Tout basti comme elle est faite.</l>
              <l rend="i">Doit-elle moins me charmer ?</l>
              <l rend="i">Point du tout ; toute ma vie</l>
              <l rend="i">C’est par cette simpathie</l>
              <l rend="i">Que je pretens de l’aimer.</l>
              <l rend="i">Elle est belle, elle est aimable,</l>
              <l rend="i">Elle en dit autant de moy.</l>
              <l rend="i">Le mal paroist incurable</l>
              <l><hi rend="i">A ceux qui manquent de foy ;</hi></l>
              <l rend="i">Mais lors que l’amour assemble</l>
              <l rend="i">Coquette &amp; Coquet ensemble,</l>
              <l rend="i">Ne sçait-il pas bien pourquoy ?</l>
              <l rend="i">Souvent la coqueterie</l>
              <l rend="i">Finit par cette union ;</l>
              <l rend="i">La friponne &amp; le fripon</l>
              <l rend="i">Font troc de friponnerie,</l>
              <l rend="i">On est las de tromperie,</l>
              <l rend="i">Et l’on s’aime tout de bon.</l>
              <l rend="i">C’est à tort qu’on trouve étrange</l>
              <l rend="i">Qu’on se dégage &amp; qu’on change,</l>
              <l rend="i">Souvent c’est pour trouver mieux.</l>
              <l rend="i">On est tendre, on est fidelle,</l>
              <l rend="i">On fait une amour nouvelle,</l>
              <l rend="i">Le trafic est serieux.</l>
              <l rend="i">Quand on quitte un cœur volage,</l>
              <l rend="i">C’est estre prudent &amp; sage</l>
              <l rend="i">De sçavoir se dégager ;</l>
              <l rend="i">C’est aimer jusqu’à la rage</l>
              <l rend="i">De ne pouvoir pas changer.</l>
              <l rend="i">Le Berger &amp; la Bergere</l>
              <l rend="i">S’aiment fort, ils sont contens,</l>
              <l rend="i">Sans cesse sur la fougere</l>
              <l rend="i">Ils font mille passe-temps.</l>
              <l rend="i">Chacun dit, laissez-les faire,</l>
              <l rend="i">Cette tendresse legere</l>
              <l rend="i">Ne durera pas long-temps.</l>
              <l rend="i">Cela ne les trouble guere,</l>
              <l rend="i">Ils laissent dire les gens.</l>
              <l rend="i">Qu’on glose sur leur affaire,</l>
              <l rend="i">Leurs plaisirs iront leur train ;</l>
              <l rend="i">De tout ce qu’on pourra dire</l>
              <l rend="i">Ils ne feront que se rire,</l>
              <l rend="i">De leurs feux on glose en vain.</l>
              <l rend="i">Sur cette petite histoire,</l>
              <l rend="i">Amans, voulez-vous m’en croire ?</l>
              <l rend="i">Voicy le sens &amp; le fruit ;</l>
              <l rend="i">Si vos cœurs à la tendresse</l>
              <l rend="i">Sont enclins, aimez sans cesse,</l>
              <l><hi rend="i">Et ne craignez point le bruit.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_036" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1690-05_101">
          <head>L’art d'écrire &amp; de parler occultement &amp; sans soupçon</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1690, p. 36-38, 101-104.</bibl>
          <p>Le sçavant Mr Comiers tout aveugle &amp; maltraité de la fortune qu'il est, continuë de travailler, &amp; fait voir toujours les lumieres de son esprit. C'est luy qui a fait le Traité que vous allez lire. Quoy que cet Ouvrage puisse estre utile en tout temps, il l'est particulierement pendant la guerre, qui est le vray regne des Lettres en Chifres.</p>
            <p>L'ART D'ECRIRE &amp; de parler occultement &amp; sans soupçon. AV R. P. DE LA CHAISE, Confesseur du Roy.</p>
          <p>[...]</p>
          <p>Avec une bonne trompette que le commun appelle parlante, avertissez premierement vostre Ami par quelque chanson, ou autre parole, de se préparer à vous écouter, &amp; quand vous aurez connu par le bruit de sa trompette, ou par quelque autre signal, qu'il est préparé, prononcez fortement &amp; bien distinctement la valeur des chifres de chaque classe, en parlant ainsi, Quatre mille cent dix, &amp; un moment aprés prononcez aussi ces mots bien articulez, Deux mille trente, puis prononcez Mille six cens quarante-six, puis cinq mille soixante &amp; neuf, &amp;c. Vostre Ami écrira en mesme temps en chifres les mêmes nombres à mesure que vous les prononcerez par paroles ; &amp; ainsi il trouvera avoir écrit tout de suite le nombre 4. 1. 10. 20. 30. 1. 6. &amp;c. que par le mot du guet, 28a die Februarii 1690. il interpretera &amp; trouvera signifier les trois mots Comier, Aveugle Roial.</p>
          <p>On peut facilement faire cet essay de parler par chifres mesme par la voye naturelle. Vostre Ami estant dans un pavillon, ou au bout d’une longue allée, &amp; vous dans l’autre, où la Compagnie vous donnera quelques mots pour les luy faire sçavoir en parlant par les nombres, il déchifrera &amp; redira à haute voix. Par exemple, <hi rend="i">Je suis vostre, &amp;c. Comiers, Aveugle Roial.</hi></p>
          <p>Vous trouverez dans ma Lettre du mois prochain ce qui reste de cet Ouvrage, selon les articles que M<hi rend="sup">r</hi> Comiers a marquez au commencement de ce Traité.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_137" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 137-159.</bibl>
          <p>Tous les cœurs ne sont pas également disposez pour les impressions de l’amour ; elles sont beaucoup plus vives dans les uns que dans les autres, &amp; l’avanture dont je vais vous faire part en est un seur témoignage. Un Cavalier galant &amp; bien fait, à qui son Pere, mort depuis deux ans, avoit laissé de grands biens, fut obligé d’aller passer quelques jours à une Terre fort considerable, où des bastimens à reparer rendoient sa presence necessaire. Il n’y fut pas plûtost arrivé qu’il donna ses soins pour ce qu’il vit qui pressoit le plus, &amp; crut devoir prendre cette occasion pour visiter la Noblesse de son voisinage. Il alla sur tout chez une Dame extrémement estimée dans le Païs, &amp; fut surpris de la beauté d’une jeune Niece qu’il vit auprés d’elle. A bien examiner tous ses traits on ne les pouvoit trouver entierement reguliers ; mais ils estoient tellement piquans, &amp; la vivacité de son teint les faisoit briller avec tant d’éclat, qu’on ne voyoit en la regardant que des amours &amp; des graces. Un sousrire gracieux la rendoit aimable en tout ce qu’elle disoit ; &amp; quoy qu’elle n’eust encore que quinze à seize ans, son esprit estoit aussi formé que sa taille. Elle l’avoit doux &amp; fort enjoüé, &amp; son enjoüement estoit soustenu d’une grande modestie. Le Cavalier ne se lassa point de jetter les yeux sur elle, &amp; en luy donnant beaucoup de loüanges, qui firent connoistre qu’il avoit autant d’esprit qu’il estoit galant, il felicita la Tante sur le bonheur d’avoir une Niece aussi accomplie qu’il la voyoit. On luy répondit fort civilement, &amp; la conversation fut interrompuë par l’arrivée de deux ou trois Gentilshommes des environs, qui vinrent l’un aprés l’autre, &amp; qui debiterent force douceurs à l’envy à cette belle Personne, mais d’une maniere assez campagnarde pour bien divertir le Cavalier &amp; la Tante. La Niece à qui leurs hommages estoient adressez, se tiroit d’affaires admirablement, &amp; sçavoit mêler dans la pluspart des réponses qu’elle leur faisoit, une fine raillerie qui faisoit voir que le foible de chacun luy estoit connu. L’un d’eux luy ayant parlé un moment tout bas, elle dit tout haut qu’elle n’écoutoit jamais rien de cette sorte, &amp; que cependant elle vouloit bien luy répondre en general qu’elle avoit toujours entendu dire que les Filles ne sçavoient ce que c’estoit que d’avoir un cœur ; qu’on l’avoit remise entre les mains de sa Tante, &amp; que quand on luy diroit quelque chose qui ne seroit pas de sa portée, ce seroit par elle seule qu’elle en recevroit l’explication. Ce discours fit connoistre au Cavalier que cette Tante avoit le pouvoir de disposer de sa Niece, &amp; un sentiment secret qu’il ne pouvoit encore démesler, l’obligea d’avoir mille honnestetez pour elle. Comme il avoit un veritable merite, &amp; qu’une longue habitude parmy le beau monde, luy en avoit fait acquerir la politesse, la Tante le voyoit avec plaisir, &amp; le favorable accueil que la Niéce luy faisoit, le rendit fort assidu dans ses visites. Tout le chagrin qu’il avoit, c’estoit de la voir toujours environnée de ses Amans campagnards, mais cela n’empeschoit point qu’il ne luy dist fort souvent des choses flateuses, &amp; il avoit la douceur de remarquer, que tout ce qu’il luy disoit en estoit receu d’une façon assez distinguée pour luy donner lieu de croire qu’elle se faisoit un plaisir de l’écouter. Cela dura quinze jours, &amp; à force de la voir &amp; de bien gouster son humeur &amp; son esprit, le Cavalier qui estoit vif sur la passion, en devint si amoureux, que dans la crainte d’estre prevenu par quelqu’un de ses Amans, dont l’un estoit extrémement riche, il se resolut de se declarer. Il en prit l’occasion deux jours aprés, que s’estant rendu de bonne heure chez le Dame, il y fut receu par la Niéce seule tandis que sa Tante donnoit quelques ordres Domestiques. Il luy dit d’abord tout ce qu’une forte passion peut inspirer de plus tendre, &amp; luy demanda ensuite s’il seroit assez heureux pour ne luy déplaire pas en parlant de mariage ; qu’il avoit assez de bien pour luy pouvoir faire un party avantageux, &amp; que pourveu qu’elle l’asseurast que sa personne luy estoit pas desagreable, ses Parens seroient les maistres de tout. La Belle surprise d’une declaration si peu attenduë, luy répondit qu’elle voyoit bien par la maniere dont il s’expliquoit, qu’il luy falloit parler serieusement ; que les sentimens de consideration particuliere qu’il venoit de luy marquer luy faisoient honneur, &amp; que mesme elle vouloit bien luy avoüer qu’elle l’estimoit assez pour ne douter pas qu’ils ne luy eussent fait plaisir si elle se fust trouvée dans un autre estat que celuy où elle estoit, mais qu’elle ne devoit plus luy cacher que ses Parens l’avoient mariée depuis six mois à un vieux Gentilhomme fort riche, dont la Terre estoit éloignée de trente lieuës ; qu’ayant esté appellé à Paris pour une affaire pressée, il l’avoit amenée chez sa Tante, où il la laissoit jusqu’à son retour ; que se voyant dans un lieu où elle n’estoit connuë de personne, &amp; estant persuadée que sa jeunesse &amp; un peu d’agrément dans sa figure, luy attireroient les vœux de quelques Provinciaux, elle l’avoit priée de soufrir, qu’elle passast pour Fille chez elle afin de se donner ce plaisir ; qu’il en avoit veu l’effet par les douceurs que luy debitoient certaines gens qu’elle n’avoit pas assez estimez pour se mettre en peine de les détromper, mais que pour luy, elle estoit fachée de voir qu’il eust pris pour elle une passion qu’elle n’avoit pas pretendu luy inspirer, puis qu’elle devoit luy être inutile, &amp; qu’elle conserveroit un souvenir éternel de sa generosité sur les avantages qu’il auroit voulu luy faire si elle eust esté ce qu’il la croyoit. Le Cavalier demeura comme immobile à cette réponse, &amp; voyant entrer la Dame, il se plaignit de la cruauté qu’elle avoit euë de consentir à le rendre le plus malheureux de tous les hommes, faute d’avoir voulu l’éclaircir. Ensuite il luy expliqua ses sentimens avec plus de force qu’il n’avoit fait à sa Niece, &amp; elle fut étonnée de voir en si peu de temps une passion si vive. Cependant il fut contraint de la renfermer entierement dans son cœur. Cela le rendit plus mélancolique, mais il n’en eut pas moins d’empressement à continuer de voir la Belle, à qui n’osant plus parler d’amour, il ne laissoit pas de dire mille choses obligeantes qu’elle recevoit agreablement. Cet innocent commerce dura encore dix ou douze jours. Le Mary estant revenu un soir, emmena sa femme dés le lendemain, &amp; le Cavalier partit presque en mesme temps. Il ne fut pas plutost à Paris, que pour éloigner l’image flateuse qui s’offroit à luy à tous momens, il voulut voir tout ce qu’il y connoissoit de belles Personnes, mais rien ne put effacer de son esprit les fortes impressions que la jeune Dame y avoit faites. Enfin trop rempli de son idée, il crut qu’il la banniroit en faisant quelque voyage. Il alla en Italie, &amp; passa trois ans à voir ce qu’elle a de plus curieux. Son esprit distrait par tant d’objets differens, s’occupa moins de sa passion, &amp; il revint à Paris, &amp; plus tranquille du costé du cœur, &amp; plus poly sur beaucoup de choses. Si-tost qu’il fut de retour, non seulement il reprit ses premieres habitudes, mais il en fit de nouvelles. Une Dame d’un fort grand merite, mais qui estoit extrémement laide, souhaita qu’il fust de ses Amis. Il luy trouva infiniment de l’esprit, &amp; sa conversation luy faisant plaisir, sa laideur n’empescha pas qu’il ne la vist sort assidument. Elle avoit une Fille assez jolie, mais d’un genie mediocre, &amp; le Cavalier naturellement honneste, luy parlant obligeamment, comme l’on fait à toutes les Filles qu’on flate toujours, on s’imagina que ses frequentes visites venoient de l’amour qu’il avoit pour elle. Le bruit en courut ; &amp; un de ses Amis luy disant un jour qu’on ne doutoit pas qu’il n’en fust touché, il l’assura qu’il estoit fort à couvert d’un engagement de cette nature. Là-dessus il luy conta tout ce qui s’estoit passé entre luy &amp; la jeune Dame qu’il ne pouvoit oublier, &amp; porta si loin ce qui luy restoit dans le cœur pour elle, qu’il se tenoit seur de resister à la plus belle Personne. Son Ami se mit à rire, &amp; le pria de l’accompagner chez une Veuve dont il vouloit luy donner la connoissance, l’asseurant que s’il pouvoit la voir quelque temps sans que son repos en fust troublé, il le croiroit aussi insensible qu’il prétendoit l’estre ; que pour luy il l’avoit aimée jusqu’à la folie, mais qu’enfin n’ayant pû vaincre son indifference, non plus que bien d’autres qui n’avoient pas esté plus heureux que luy, il s’estoit vû obligé de la voir plus rarement, &amp; de se resoudre à n’estre que son Ami. Le Cavalier qui cherchoit luy-mesme tout ce qui pouvoit contribuer à sa guerison, suivit son Ami chez cette Veuve ; mais quelle surprise, lors qu’en entrant dans sa chambre, il la reconnut pour la jeune Dame qui l’avoit charmé ! Si la joye qu’il en montra parut excessive, l’accueil que luy fit la Dame fut si obligeant qu’il eut tout sujet d’en estre content. Son Ami ayant compris par leurs premieres paroles ce qu’ils n’eurent pas besoin de luy expliquer, leur dit en riant qu’ils se connoissoient assez pour se passer aisément de luy, &amp; les laissa raisonner tout à loisir sur la rareté de leur avanture. Le Cavalier ne pouvoit trouver d’expression assez forte pour témoigner à la Dame le transport de joye où il estoit. Il apprit d’elle que quelque temps aprés qu’elle l’eut quitté, son vieux Mary estoit mort subitement ; que comme par son Contrat il luy avoit fait des avantages qui la mettoient en estat de mener une vie douce &amp; commode, elle estoit venuë prendre maison à Paris où estoient tous ses parens ; qu’elle y avoit demandé de ses nouvelles ; qu’on luy avoit dit qu’il estoit en Italie, &amp; qu’elle s’estoit si bien trouvée du Veuvage, que quoy que plusieurs Partis se fussent offerts, elle n’avoit voulu écouter personne. Le Cavalier ne manqua pas de parler pour luy, mais elle luy dit qu’il ne falloit pas aller si viste, &amp; qu’outre qu’elle étoit assez irresoluë sur le changement d’estat qu’il luy proposoit, il seroit bon pour luy-même qu’il la connust un peu davantage. Deux mois se passerent sans qu’elle terminast rien, mais enfin ils estoient nez l’un pour l’autre, &amp; le panchant l’emporta. Elle se souvint qu’il l’avoit aimée purement pour elle, &amp; de la maniere la plus desinteressée, &amp; sa constance obtint le consentement qu’elle ne pouvoit refuser à son amour.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_204" resp="wordpro">
          <head>[Avis]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 204-211.</bibl>
          <p>Ayant à vous faire part d’un avis qu’on a donné icy au Public, je vous l’envoye dans les mesmes termes qu’il y a esté distribué. M<hi rend="sup">r</hi> Richard, Prestre de Saumur en Anjou, Auteur du Livre <hi rend="i">Du Choix d’un bon Directeur</hi>, dédié aux Demoiselles de l’Illustre Communauté de de S. Loüis, fondée par le Roy à S. Cyr prés Versailles, &amp; d’autres Ouvrages imprimez à Paris, travaille presentement à l’Histoire des Fondations Royales, &amp; des Etablissemens faits sous le Regne de Loüis le Grand, en faveur de la Religion, de la Justice, de la Guerre, des Sciences, des beaux Arts, &amp; du Commerce, &amp; comme il est beaucoup avancé dans son Ouvrage, il prie tous ceux qui ont des connoissances certaines des commencemens, des motifs, des progrés, de l’utilité, &amp; de tout ce qu’il y a de remarquable, tant pour les personnes qui ont donné le dessein, ou qui s’y sont distinguées par leur vertu, que pour les lieux &amp; le temps où ils ont esté établis, de seconder ce grand travail, en luy envoyant bien tost de fidelles copies de leurs Lettres Patentes, avec un abregé historique de ces Fondations &amp; de ces Etablissemens, tel qu’on voudra qu’il soit inseré dans ce Livre. L’Auteur y parlera des Eglises nouvellement bâties, des Chapitres, des Seminaires, des Maisons Religieuses, de l’Institution des jeunes Gentilshommes, de la magnifique Maison de S. Cyr, du superbe Hostel des Invalides, des Maisons Royales, des nouvelles Communautez, des Hôpitaux, de l’Observatoire, des Academies Françoises, des Academies des Sciences, de Peinture &amp; de Sculpture, des Aqueducs, des Ports de Mer, de la Jonction des deux Mers, &amp; generalement de tout ce qui a esté fondé &amp; étably par Lettres Patentes, Edits &amp; Declarations de Sa Majesté, tant dans Paris que dans toute l’étenduë de ses Etats. On espere que tous ceux qui ont receu des marques éclatantes de la bonté &amp; de la liberalité d’un si grand Roy, se feront un juste devoir de luy donner des témoignages assurez de leur reconnoissance, en fournissant à l’Historiographe de ses Fondations Royales &amp; des Etablissemens nouveaux, les actes &amp; les faits capables de laisser à la posterité un monument éternel de la gloire, de la sagesse, &amp; de la pieté du plus grand Heros, du plus magnifique Monarque, &amp; du Prince le plus Chrestien qui ait jusques à present gouverné l’Empire des François, puis qu’il a luy seul pendant son Regne, plus fait de Fondations &amp; d’Etablissemens, que n’en ont fait tous ensemble avant luy les autres Rois ses Predecesseurs. Ceux qui envoyeront des Memoires les adresseront à Paris, chez Jacques le Févre, Marchand Libraire, au dernier pilier de la grande Salle du Palais, à costé de la Chambre des Eaux &amp; Forests, pour les faire rendre à M. Richard, Prestre, Historiographe des Fondations Royales de Loüis le Grand, &amp; auront la bonté d’affranchir les paquets du port, ou d’attendre l’occasion de quelques personnes seures qui viendront de Province à Paris.</p>
          <p>Je croyois joindre icy un fort bel Ouvrage de l’Auteur. pour vous faire voir qu’il est tres-capable de soûtenir son entreprise ; mais me trouvant accablé de matiere, se suis obligé de le remettre jusqu’au mois prochain.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_211" resp="mercure" copyOf="MG-1690-05_224">
          <head>[Pompe funebre de Madame la Dauphine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1690, p. 211, 224-225.</bibl>
          <p>Je viens à l'article de la Pompe funebre de Madame la Dauphine, &amp; je commence par le transport du Coeur de cette Princesse. [...]</p>
          <p/>
          <p>Ce discours finy, le Corps &amp; les Entrailles furent portez dans l'Eglise par les gardes du Corps, qui les poserent sur une estrade dressée au milieu du Choeur. Il estoit tendu de noir, ainsi que la Nef, avec des lez de velours chargez d'Ecussons. Lors que le corps fut posé, on fit les aspersions &amp; encensemens, &amp; la Compagnie ayant pris ses places, les Religieux commencerent les Prieres. Aprés qu'elles furent achevées, Mr l'Evesque de Meaux celebra la Messe, qui fut chantée par les Religieux, &amp; ensuite on fit de nouveau les encensemens &amp; les aspersions.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_225" resp="mercure">
          <head>[Etablissement d'une Congregation faite à Bordeaux–</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1690, p. 225-227.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 7. de ce mois, Mr l'Abbé Bardin, Principal du College de Guienne, par un effet de sa pieté ordinaire, fit faire l'ouverture de l'establissement d'une Congregation, à l'honneur des Grandeurs de la Vierge. La Messe fut celebrée dans la Chapelle du College, par Mr l'Abbé Darche Doyen de l'Eglise Metropolitaine St André. Il y avoit une excellente Musique meslée d'Instrumens, de la composition de Mr Blanche, Maistre de Musique de l'Eglise de Saint Severin. Le Pere de la Case prescha avec beaucoup d'éloquence, &amp; aprés les Vespres, chantées aussi en Musique, on fit la Procession du Saint Sacrement dans la court du College. Le Corps de Ville y assista avec les Jurats, accompagnez de leurs Hallebardiers, &amp; cette Feste finit par la Benediction, qui fut donnée dans une tres-belle Chapelle qu'on avoit preparée dans la mesme court, à cause du concours extraordinaire de monde.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_248" resp="wordpro">
          <head>[Discours concernant les œuvres scultpées d’Etienne le Hongre]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 248-251.</bibl>
          <p>Il y a à l’Arcenal du mesme M. le Hongre, quatre grandes Figures couchées, dont l’une est fonduë, &amp; les trois autres sont prestes à fondre, pour mettre sur le bord des deux Canaux de Versailles, qui occupent la place où estoit auparavant le Parterre d’eau. Ces Figures representent un Fleuve, une Riviere &amp; deux Nimphes. Elles sont tellement étudiées &amp; finies, qu’elles ne peuvent produire que de la gloire à l’Auteur, à cause de la longueur du temps que demandent de tels Ouvrages, pour estre mis dans une grande perfection.</p>
          <p>Les autres qu’a faits M<hi rend="sup">r</hi> le Hongre sont sept Bas-reliefs de Jeux d’Enfans à la Colonne de Versailles.</p>
          <p>Deux Figures representant deux des douze mois de l’année, qui sont dans la piece octogone de l’appartement de Marbre du mesme lieu.</p>
          <p>Deux Vases de metal dans la Salle du Bal du mesme lieu.</p>
          <p>Un des Bas-reliefs qui sont à la Fontaine de la Piramide dans le mesme Jardin.</p>
          <p>Je ne parle point de beaucoup d’autres Ouvrages de peu de consequence, mais distinguez par la main de l’Ouvrier, faits à Versailles, à Marly, &amp; à l’ancien &amp; au nouveau Trianon. M<hi rend="sup">r</hi> de Saint George, Historiographe de l’Academie de Peinture &amp; de Sculpture, doit les nommer tous dans un Discours auquel il travaille pour y estre prononcé.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_265" resp="wordpro">
          <head>[Plaidoyer de Mr de Lamoignon à propos de la sculpture]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 265-268.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Lamoignon estoit intarissable sur cette matiere<note place="bottom" resp="editor">Les arts mécaniques.</note>, comme vous le connoistrez par les Fragmens que vous allez lire.</p>
          <p><hi rend="i">On ne peut voir sans étonnement dans l’Histoire, qu’une Statuë de la main d’Aristides fut venduë trois cens septante cinq Talents, &amp; une autre de Policlete six vingts mille Sesterces, &amp; que le Roy de Nicomedie voulant affranchir la ville de Gnide de plusieurs tributs, pourveu qu’elle luy donnast une Venus de la main de Praxitele qui attiroit tous les ans un concours infini de curieux, les Gnidiens aimerent mieux demeurer toujours tributaires, que de luy donner cette Statuë.</hi></p>
          <p><hi rend="i">Cependant Seneque qui condamne avec tant de severité les desordres du luxe &amp; les folles depenses de son temps, dit que la profusion qui ne se peut assez blâmer dans les autres curiositez, parce qu’elles abattent le courage, &amp; qu’elles ne s’attachent d’ordinaire qu’aux plaisirs qui peuvent charmer l’ennuy d’une molle oisiveté, estoit loüable dans l’amour de la Sculpture, à cause que rien n’eleve tant le cœur que les portraits des grands hommes &amp; la veuë de ces témoins domestiques de nos actions, &amp; qu’enfin ces images de la vertu de nos Peres sont autant d’aiguillons pressans qui nous piquent &amp; qui nous excitent à les imiter. De-là vient que les Sculpteurs &amp; les Peintres ont esté si fort honorez dans tous les temps, &amp; que leur industrie estant au dessus des recompenses, il s’en est trouvé quelques-uns qui dédaignoient d’en recevoir, &amp; qui consacroient aux Dieux tous leurs ouvrages, croyant que les hommes en estoient indignes.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_286" resp="wordpro">
          <head>[Mort de M. le Pays]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 286-287.</bibl>
          <p>Je vous ay envoyé divers Ouvrages de M<hi rend="sup">r</hi> le Pays, qui vous ont toujours extremement pleu, &amp; il y en avoit mesme encore un de sa façon dans ma Lettre du mois passé, sur ce qu’un particulier avoit mis son argent à la Tontine sous le nom du Roy. Je ne croyois pas en vous l’envoyant, que ce seroit le dernier qu’on verroit de luy. Une fiévre continuë l’a emporté en fort peu de jours, &amp; la mort n’a point respecté son heureux talent. Son Livre, intitulé, <hi rend="i">Amours, amitiez &amp; amourettes</hi>, luy avoit donné de la reputation, &amp; il l’avoit soustenuë avec beaucoup d’avantage, par un feu d’esprit qui luy estoit naturel. Sa conversation aussi aisée qu’agreable luy donnoit accés par tout, &amp; il estoit malaisé de le connoistre, sans chercher à estre de ses amis.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_290" resp="wordpro">
          <head>[Harangues faites au Roy sur la mort de Madame la Dauphine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 290-301, extrait p. 299-301.</bibl>
          <p>L’Academie Françoise, qui est receuë avec les mesmes honneurs que les Compagnies Superieures, a esté faire les mesmes complimens au Roy, &amp; à Monseigneur le Dauphin. M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris, presentement Directeur de la Compagnie, estoit à la teste. La parole fut portée par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de Lavau, Chancelier de la mesme Compagnie. Son discours repondit à ce qu’on devoit attendre d’un Corps composé des maîtres de nostre Langue, &amp; je ne vous sçaurois mieux marquer l’avantage qu’il eut de plaire, que par un fait constant, je veux dire, par les applaudissemens qu’il receut tant qu’il parla, &amp; qui furent donnez assez haut pour estre entendus de tout le monde.</p>
          <p>Le Grand Conseil s’est acquité du mesme devoir par la bouche de M<hi rend="sup">r</hi> Bignon son premier President. Son éloquence est si connuë qu’on n’aura pas de peine à croire, qu’il a remply cet employ avec beaucoup de succés.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_311" resp="wordpro">
          <head>[Epigramme de Mr de Vertron]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai, 1690, p. 311-312.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> de Vertron a fait une Epigramme Latine pour luy servir d’Epitaphe<note place="bottom" resp="editor">A monsieur de Montausier.</note>, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Saurin en a rendu la pensée en nostre Langue par les Vers qui suivent :</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Celuy qui sceut par sa prudence</l>
              <l rend="i">Elever des François l’heroïque esperance,</l>
              <l rend="i"> Dans ce tombeau repose enfin.</l>
              <l rend="i">Un jour on connoistra ce que luy doit la France.</l>
              <l rend="i"> Par la gloire de son Dauphin.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-05_317" resp="mercure">
          <head>[Divers couplets de Chanson sur le départ de Monseigneur]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, mai 1690, p. 317-320.</bibl>
          <p/>
          <p>Je vous envoye des Vers qui ont esté faits un peu avant le départ de Monseigneur le Dauphin, &amp; dont les pensées sont fort agreables. Ils se chantent sur l'Air de Jean de Wert.</p>
          <p/>
          <p>Partez jeune &amp; vaillant Heros,</p>
          <p>La gloire vous appelle.</p>
          <p>Devant vous le Roy des Oiseaux</p>
          <p>Ne battra que d'une aisle :</p>
          <p>Vous ferez voir aux Allemans</p>
          <p>Qu'on sçait les vaincre comme au temps</p>
          <p>De Jean de Wert, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>A vostre aspect ils diront tous,</p>
          <p>Evitons sa colere ;</p>
          <p>Il va faire tomber sur nous</p>
          <p>Le foudre de son Pere.</p>
          <p>Nos efforts seront impuissants</p>
          <p>De mesme qu'ils l'estoient au temps</p>
          <p>De Jean de Wert, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>Ils sçavent par vos premiers coups</p>
          <p>Que tout vous est facile ;</p>
          <p>Ils vous fuiront comme les Loups,</p>
          <p>Sans trouver un azile :</p>
          <p>Et mettant tous les armes bas,</p>
          <p>Ils feront comme les Soldats</p>
          <p>De Jean de Wert ; &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>Vos guerriers pour vous pleins d'amour,</p>
          <p>Ne cherchent qu'à combattre !</p>
          <p>Ils vont ainsi qu'à Philisbourg</p>
          <p>Faire le Diable à quatre.</p>
          <p>Ils porteront par tout la mort ;</p>
          <p>Heureux qui n'aura que le sort</p>
          <p>De Jean de Wert, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>La Ligue de tant d'Ennemis</p>
          <p>Qui contre vous s'assemblent,</p>
          <p>Tiendra mal ce qu'elle a promis,</p>
          <p>Quand vous marchez ils tremblent ;</p>
          <p>Vous n'irez point aux champs de Mars</p>
          <p>Sans donner des Loix aux Cesars</p>
          <p>de Jean de Wert, &amp;c.</p>
          <p/>
          <p>C'est ce qu'on attend de vos faits</p>
          <p>Pendant cette Campagne,</p>
          <p>Vous ferez demander la Paix</p>
          <p>Aux Princes d'Allemagne,</p>
          <p>Et par vous on verra LOUIS</p>
          <p>Triompher de tout le Pays</p>
          <p>De Jean de Wert, &amp;c.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-06">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juin, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_032" resp="wordpro">
          <head>L’Honneur, le Feu, et l’Eau. Fable</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 32-37.</bibl>
          <p>Voicy une Fable dont vous trouverez la pensée fort singuliere. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> de Templery, de la Ville d’Aix en Provence. Vous devez connoistre son heureux genie par plusieurs Ouvrages de sa façon que je vous ay déja envoyez, &amp; sur tout par ses Maximes galantes que vous avez tant approuvées dans ma Lettre de Janvier dernier.</p>
          <quote>
            <label>L’HONNEUR, LE FEU,<lb />ET L’EAU.<lb /><hi rend="i">FABLE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">Ie vous l’ay dit cent fois, &amp; le dis encore une.</l>
              <l rend="i"> Iris, chassez d’auprés de vous</l>
              <l rend="i">Ce cortege d’Amans, qui blessé de vos coups,</l>
              <l rend="i"> Vous obsede &amp; vous importune.</l>
              <l rend="i">Qui dit jeune, dit fou ; ce sont des indiscrets ;</l>
              <l rend="i">Sur vos moindres faveurs ils feront une glose,</l>
              <l rend="i"> Et se vantant de leurs progrés,</l>
              <l rend="i"> Grossiront si fort les objets,</l>
              <l rend="i"> Qu’un rien deviendra quelque chose.</l>
              <l rend="i"> Ils diront ce qu’il leur plaira,</l>
              <l rend="i">L’un ne les croira point, &amp; l’autre les croira,</l>
              <l rend="i"> Car chacun à son gré raisonne.</l>
              <l rend="i">Ils semeront par tout le bruit de leur bonheur,</l>
              <l rend="i">Et mettant une tache enfin à vostre honneur,</l>
              <l rend="i"> Qui vous l’effacera ? Personne.</l>
              <l rend="i"> Mais si par cette verité</l>
              <l rend="i"> Qui vous seroit si profitable,</l>
              <l rend="i">Iris, sur vostre esprit je n’ay rien emporté,</l>
              <l rend="i"> Et si quelque conte inventé</l>
              <l rend="i">Fait sur vous plus d’effet qu’un discours veritable,</l>
              <l rend="i"> Rendez-vous donc à cette Fable.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Un jour le Feu, l’Honneur, &amp; l’Eau</l>
              <l rend="i">Conclurent de faire voyage,</l>
              <l rend="i"> Pour voir dans un Pays nouveau</l>
              <l rend="i"> Les mœurs, la coûtume, &amp; l’usage.</l>
              <l rend="i">Ils partirent tous trois par un temps assez doux,</l>
              <l rend="i">Mais comme en voyageant quelquefois on s’égare,</l>
              <l rend="i">Convenons, dirent-ils, chacun d’un rendez-vous,</l>
              <l rend="i"> Si quelque accident nous separe.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Le Feu, comme le plus ardent,</l>
              <l rend="i"> En bluettes se répandant,</l>
              <l rend="i"> Prit avec chaleur la parole.</l>
              <l rend="i"> Je suis, dit-il, sans hiperbole,</l>
              <l rend="i"> Le plus leger des Elemens,</l>
              <l rend="i">Ainsi le plus sujet à des égaremens.</l>
              <l> <hi rend="i">Une marque pour me connoistre,</hi></l>
              <l rend="i"> Si je venois à disparoistre,</l>
              <l rend="i"> Quoy que je sois tout éclatant,</l>
              <l rend="i"> Et d’une splendeur enflâmée,</l>
              <l rend="i"> Où vous verrez de la fumée,</l>
              <l rend="i"> Vous me trouverez à l’instant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> A ces mots, l’Eau vive &amp; bruyante</l>
              <l rend="i"> Se plaisant fort à gazoüiller,</l>
              <l rend="i"> Voulut à son tour babiller,</l>
              <l rend="i"> Mais de sa maniere coulante.</l>
              <l rend="i"> Gaye, éveillée extremement,</l>
              <l rend="i"> (Car à parler sincerement,</l>
              <l rend="i"> Il n’est pire eau que la dormante)</l>
              <l rend="i">Si je me perds, dit-elle, en quelque trou nouveau,</l>
              <l rend="i">Ne m’allez point chercher dans des sables sans herbe,</l>
              <l rend="i"> Car pour me servir du Proverbe,</l>
              <l rend="i"> Autant vaudroit-il battre l’eau ;</l>
              <l rend="i"> Mais en allant de route en route,</l>
              <l rend="i"> Foüillez le jonc &amp; le roseau,</l>
              <l rend="i"> Et vous m’y trouverez sans doute.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> L’Honneur, ce fantôme adoré,</l>
              <l rend="i"> Qui dans le devoir tient nos Belles,</l>
              <l rend="i">Et pour qui nos Guerriers d’un cœur deliberé</l>
              <l rend="i">Vont affronter la mort sous des formes cruelles ;</l>
              <l rend="i"> L’Honneur, dis-je, voulant parler,</l>
              <l rend="i">Pour moy, s’écria-t-il, je ne puis le celer :</l>
              <l rend="i">Gardez-moy, mais si bien que rien ne nous separe.</l>
              <l rend="i"> Ayez sur moy des yeux d’Argus,</l>
              <l rend="i"> Car si loin de vous je m’égare,</l>
              <l rend="i"> Vous ne me retrouverez plus.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cette Fable, Iris, vous convie</l>
              <l rend="i">A ne flétrir jamais la gloire de vos jours,</l>
              <l rend="i"> Car l’Honneur est comme la vie,</l>
              <l rend="i"> Quand on le perd, c’est pour toujours.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_071" resp="wordpro">
          <head>[Mort de M. de Calvo]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 71-73.</bibl>
          <p>Les actions par lesquelles M<hi rend="sup">r</hi> de Calvo, Lieutenant General des Armées du Roy, &amp; Chevalier de ses Ordres, s’est distingué depuis un fort grand nombre d’années, ont esté si éclatantes, qu’il est impossible que les nouvelles publiques ne vous ayent appris sa mort. Elle arriva à Deins en Flandre le 29. du mois passé, aprés cinq jours d’une fiévre interne qui ne se declara point. Si tost que la violence de son mal luy eut fait connoistre le danger où il estoit, il se prepara à quitter la vie avec le mesme courage &amp; la mesme fermeté qu’il avoit fait tant de fois paroistre dans les occasions les plus perilleuses, &amp; fit appeller M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Riquetti qui est auprés de M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal Duc de Luxembourg, pour luy remettre les affaires de sa conscience. Cet Abbé dont les grands talens sont connus par quantité de Sermons qu’il a preschez avec beaucoup de succés dans les meilleures Chaires de Paris, &amp; sur-tout par l’excellent Panegyrique de Saint Louis, qu’il prononça l’année derniere dans la Chapelle du Louvre devant M<hi rend="sup">rs</hi> de l’Academie Françoise, le trouva dans toutes les dispositions qu’on peut souhaiter à un bon Chrestien, &amp; n’eut pas besoin de l’exhorter pour luy faire prendre les sentimens d’un entier détachement des choses du monde, &amp; d’une parfaite soumission aux ordres de Dieu. Ainsi M<hi rend="sup">r</hi> de Calvo receut tous les Sacremens avec une resignation tres-édifiante &amp; mourut aprés avoir tenu fort longtemps le Crucifix embrassé.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_080" resp="wordpro">
          <head>Le Clergé de Champagne. Nouvelle</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 80-89.</bibl>
          <p>L’Ouvrage qui suit est de M<hi rend="sup">r</hi> de Caluy, dont je vous ay déja envoyé plusieurs Contes ; le tour qu’il leur donne est si agreable, qu’on les lit toujours avec plaisir. Celuy cy est adressé à l’un des Prelats dont l’Assemblée du Clergé qui se tient à S. Germain est composée. L’Auteur l’a tiré du premier livre de la Philippide de Guillaume le Breton.</p>
          <quote>
            <label>LE CLERGÉ<lb />de Champagne.<lb /><hi rend="i">NOUVELLE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i"> Tu vas donc, illustre Prelat,</l>
              <l rend="i">Briller à l’Assemblée où cent fois ta prudence</l>
              <l rend="i"> Sceut allier pour le bien de la France</l>
              <l rend="i">L’interest de l’Eglise à celuy de l’Etat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Prelats, Abbez, pleins d’une ardeur fidelle</l>
              <l rend="i"> Vont à Loüis marquer leur zele :</l>
              <l rend="i">Mais si quelqu’un oubliant que l’argent</l>
              <l rend="i">Dans les besoins est le plus seur Agent,</l>
              <l rend="i"> Au lieu des secours necessaires,</l>
              <l rend="i"> N’offroit que de simples prieres,</l>
              <l rend="i"> Dy-luy, Prelat, en peu de mots,</l>
              <l rend="i"> Ce qu’en pareille conjoncture</l>
              <l rend="i"> A Clercs d’épargnante nature</l>
              <l rend="i">Jadis un de nos Rois répondit à propos.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce Roy sage, vaillant &amp; juste,</l>
              <l rend="i"> Regna sous le beau nom d’Auguste.</l>
              <l rend="i">L’éclat de ses vertus souleva contre luy</l>
              <l rend="i"> Anglois, Flamans, &amp; Cercles de l’Empire,</l>
              <l rend="i"> Vains Ennemis que son bras sceut détruire.</l>
              <l rend="i">Ainsi contre un grand Roy se liguent aujourd’huy</l>
              <l rend="i">Des Princes ébloüis &amp; jaloux de sa gloire.</l>
              <l rend="i">Témeraires projets ! Maistre de la victoire,</l>
              <l rend="i"> En peu de jours Louis va les dompter.</l>
              <l rend="i"> Mais où me laissay-je emporter ?</l>
              <l rend="i">Pour un Conteur la matiere est trop belle ;</l>
              <l rend="i">Revenons donc. Suivi de braves combattans,</l>
              <l rend="i">Ce Roy court en vainqueur où la gloire l’appelle ;</l>
              <l rend="i"> Mais son tresor décroist en peu de temps.</l>
              <l rend="i">Que faire ? Ayant besoin d’une prompte finance,</l>
              <l rend="i">Il va la demander au Clergé Champenois.</l>
              <l rend="i">Ils devoient bien fournir à la dépense,</l>
              <l rend="i"> Ses Soldats défendoient leurs droits.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais ce Clergé tardif à la desserre</l>
              <l rend="i"> Ne donna rien pour cette guerre.</l>
              <l rend="i">Rien ? Ny riche Prelat, ny Chanoine opulent ?</l>
              <l rend="i"> Non, rien ; au lieu d’une somme précise,</l>
              <l rend="i"> Remede un peu trop violent,</l>
              <l rend="i"> Ces Clercs offroient du tresor de l’Eglise</l>
              <l rend="i">Des Oraisons, comme un équivalent</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais le Peuple à son Prince ouvre encore sa bourse ;</l>
              <l rend="i"> Pour ses illustres Potentats,</l>
              <l rend="i">Son amour fut toujours une seure ressource,</l>
              <l rend="i">Ils ne sçauroient manquer d’argent ny de Soldats.</l>
              <l rend="i">Qu’en avint-il ? Aprés guerre &amp; victoire,</l>
              <l rend="i"> Ce Monarque comblé de gloire</l>
              <l rend="i"> Fut tranquille dans ses Etats.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Nostre Clergé n’eut pas mesme avantage ;</l>
              <l rend="i"> Car certains Comtes ses voisins</l>
              <l rend="i"> Pillerent comme Sarrasins</l>
              <l rend="i"> Les Terres de son appanage.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> L’histoire accuse en ce fait-cy</l>
              <l rend="i">Les Comtes de Retel, de Rosset, de Coussy,</l>
              <l rend="i">Brigans, qui sans respect du Roy ny de l’Eglise,</l>
              <l rend="i">Crurent que biens sacrez estoient de bonne prise.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Tous nos Clercs donc en desarroy,</l>
              <l rend="i">Voyant que telles gens en leur audace extrême,</l>
              <l rend="i"> Sont peu touchez de l’anathême,</l>
              <l rend="i"> Implorent le secours du Roy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais ce grand Roy gardoit dans sa memoire</l>
              <l rend="i"> De leurs refus le sensible déboire.</l>
              <l rend="i"> Que voulez-vous, dit-il ? Je ne puis accorder</l>
              <l rend="i">  Que remontrance &amp; que priere :</l>
              <l rend="i">J’ay fort peu de Soldats, &amp; de finance guere ;</l>
              <l rend="i"> D’autre secours je ne vous puis aider.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Il tint parole, &amp; sur un tel chapitre</l>
              <l rend="i">Il écrivit aux Comtes mainte Epitre.</l>
              <l rend="i"> Là, sans parler de leurs forfaits,</l>
              <l rend="i">Il les prioit pour Dieu de laisser vivre en paix.</l>
              <l rend="i"> Ces bonnes gens que leurs rapines</l>
              <l rend="i"> Empêchoient de chanter matines.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">D’un stile si nouveau les Comtes tout surpris</l>
              <l rend="i">  Font encor pis ;</l>
              <l rend="i">Tant que nos Clercs confus de leur ingratitude,</l>
              <l rend="i"> Et las d’une guerre si rude,</l>
              <l rend="i"> Conviennent tous de bonne foy,</l>
              <l rend="i"> Qu’il estoit juste que le Roy</l>
              <l rend="i"> Ne leur donnast qu’argent de même alloy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Or deux d’entre-eux devant ce Prince</l>
              <l rend="i"> Pleurant les maux de leur Province,</l>
              <l rend="i">Tristes Ambassadeurs vont chercher du secours.</l>
              <l rend="i">Mais ils font mieux ; aprés leur doleance</l>
              <l rend="i">Ils font au Roy toucher mainte finance,</l>
              <l rend="i">Charme plus fort que les plus beaux discours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> A cet objet rappellant sa clemence,</l>
              <l rend="i"> Comme vous, dit-il, jusqu’icy</l>
              <l rend="i">J’ay sceu donner paroles pour paroles ;</l>
              <l rend="i">Mais puis que maintenant vous comptez des pistoles,</l>
              <l rend="i"> Je répondray par des effets aussi.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">  D’abord il se met en campagne,</l>
              <l rend="i">Et chasse en peu de temps du fond de la Champagne</l>
              <l rend="i"> Des biens sacrez l’injuste Vsurpateur.</l>
              <l rend="i">  Alors un celebre Orateur</l>
              <l rend="i">D’entre les Clercs harangua le Monarque,</l>
              <l rend="i">Et finit par ces mots que l’Histoire remarque.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Nostre domaine est le bienfait des Rois,</l>
              <l rend="i"> Leur bras puissant le garde &amp; nous l’assure,</l>
              <l rend="i">  Sans eux pauvres comme autrefois</l>
              <l rend="i"> Nous n’aurions que la Prelature.</l>
              <l><hi rend="i">Soutenons donc leurs desseins genereux</hi></l>
              <l rend="i">D’un bien que nous devons à leur main liberale :</l>
              <l rend="i"> Maints tyranneaux sans la force royale,</l>
              <l rend="i">Nous en dépouilleroient &amp; le prendroient pour eux.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_089" resp="wordpro">
          <head>[Discours fait par Mademoiselle de Pringy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 89-103.</bibl>
          <p>Je ne doute point, Madame, que vous ne mesçachiez gré de vous envoyer l’Ouvrage qui suit. Il est sur une matiere qui a toujours des charmes pour vous, &amp; il doit vous plaire d’autant plus, qu’il part de la plume d’une personne de vostre Sexe. Comme je vous en ay déja fait voir plusieurs autres de Madame de Princé, il vous sera fort aisé de reconnoistre son stile. Vous sçavez qu’elle écrit juste, &amp; avec beaucoup de delicatesse. Ainsi vous ne devez vous promettre qu’un fort grand plaisir de cette lecture.</p>
          <quote>
            <label>DISCOURS<lb />Sur le discernement du Roy dans le choix des personnes à qui Sa Majesté confie l’éducation de Monseigneur le Duc de Bourgogne.</label>
            <p><hi rend="i">Commander avec justice, vivre avec sagesse, unir la pieté à la puissance, &amp; la bonté à la valeur, estre grand par une Couronne &amp; par un merite infiny, &amp; soutenir le glorieux poids de son Etat avec l’admiration de tout l’Univers, ce n’est qu’une legere idée des grandeurs de nostre Monarque. Ses faits inoüis donnent de l’étonnement, &amp; ses vertus sont d’un caractere qui n’a point eu d’exemple, &amp; qui ne peut estre imité. Quel esprit plus vif &amp; plus surprenant que le sien ? Il est éclairé &amp; tout brillant des lumieres qu’il a receuës du Ciel quand il éteint l’Heresie ; il ne l’est pas moins quand il abolit ces licences barbares que l’usage avoit tolerées. Pendant que toute l’Europe s’agite pour le troubler, il est tranquille dans ses Etats. Environné de sa propre gloire, il songe à choisir des Instructeurs capables de former les mœurs du jeune Heros en qui il se regarde. Entouré d’Ennemis à qui l’injustice &amp; l’envie servent de puissance &amp; de gloire, il rend par sa prudence leurs desseins sans succés comme ils sont sans raison, &amp; sans s’embarasser de leurs mouvemens impetueux, ny de leur nombre, dans le sein de son Etat il songe à sa Famille. LOVIS dont le discernement éclairé ne laisse rien échaper à ses connoissances, aprés avoir pesé le merite &amp; la vertu de ceux qu’il estimoit, a fait choix d’un illustre Seigneur, sage &amp; fidelle, dont les soins vont mettre l’ordre dans les nobles inclinations du jeune Prince que l’on luy confie. Quelle situation charmante pour ce Heros naissant de se trouver formé d’un sang si pur, disposé à suivre les divins exemples de ses Ayeux ! Elevé par des hommes doctes, pieux &amp; zelez, il va apprendre à estre un grand homme &amp; un grand Prince. Les soins des hommes illustres qui l’instruisent luy inspireront la vertu, ses nobles inclinations le porteront à l’aimer, &amp; l’exemple de LOVIS LE GRAND l’engagera à la suivre. Il va s’apliquer à connoistre la vertu, connoissance si necessaire à un Prince, qu’il ne peut estre parfait sans elle. C’est ce qu’a si bien prevû nostre Monarque, qu’il ne s’est pas contenté de la doctrine, de la science &amp; de la vivacité dans les personnes à qui il confie ce jeune Prince, il a voulu y trouver aussi de la pieté, de la foy &amp; de la sagesse, afin que ceux qui instruiroient par leurs discours pussent édifier par leurs actions. Il a voulu que la science que l’on alloit donner à ce jeune Prince fust une science de lumiere qui n’eust point d’ombres, &amp; qui pust toûjours unir l’habileté à l’innocence, &amp; la vertu à la capacité. Pour reüssir dans ce dessein, il ne pouvoit mieux choisir. C’est là où son discernement toujours éclairé, toujours vif, luy découvrant le fort &amp; le foible des esprits, luy fit voir l’étenduë du genie &amp; la droiture du cœur de ceux qu’il a preferez. Son choix fit admirer son juste discernement, car on le voit toujours distinguer ceux qui se distinguent par la vertu, &amp; couronner d’honneur ceux que la vertu couronne de reputation. Quelle sagesse merveilleuse de procurer par son choix la lumiere à l’un &amp; la gloire à l’autre, donner la connoissance de la verité à son Fils par l’honneur qu’il fait à son Sujet, &amp; faire admirer par son discernement la grandeur de sa justice, &amp; la vertu de ceux qu’il a choisis ! Heureux Prince, à qui nôtre Monarque donne par son choix la connoissance de la vertu avec celle de la verité, souvenez-vous que l’on vous aprend à la connoistre afin de vous aprendre à l’aimer. Mais je me trompe, grand Prince, vous le scavez naturellement. Du pur sang dont vous estes formé, la vertu vous est naturelle, &amp; vous la pratiqueriez par inclination, quand mesme vous ne la connoistriez pas par instruction. Les nobles inclinations des Heros leur donnent en naissant l’amour de la vertu ; ils n’ont point d’effort à se faire pour la suivre, &amp; l’instruction qui la leur fait connoistre, leur fait moins voir l’amour qu’ils luy doivent que celuy qu’ils-luy portent. C’est ce que l’on voit dans vostre Auguste Personne, grand Prince. Vostre panchant pour les choses les plus nobles &amp; les plus justes, a prévenu les soins que l’on prend pour vous l’inspirer ; l’on trouve en vous le fruit des peines que l’on veut prendre, &amp; les travaux sont récompensez sans estre soufferts, puis que vous aimez la vertu par inclination naturelle, &amp; que vos sentimens sont si nobles, qu’on ne sçait si l’on doit vous admirer ou vous instruire. Quel agreable étonnement pour ce grand homme, cet illustre Gouverneur, de trouver dans un âge si tendre une vertu si avancée, &amp; quelle joye pour ces illustres Sçavans qui vous instruisent, de trouver des lumieres qu’ils n’ont qu’à découvrir, des mœurs qui se reglent sans contrainte, &amp; des inclinations, qui previennent leurs avis. Tout petit se faire voir un Grand Prince qui renferme dans sa personne une ame noble, grande, qui n’aime que la vertu, &amp; qui desire de suivre le modelle admirable de Louis le Grand, quel exemple merveilleux ! quel modelle surprenant ! Marcher sur les traces de Louis le Grand, c’est courir à grands pas dans les sentiers de la vertu la plus pure, c’est voler au sommet des grandeurs les plus veritables ; enfin c’est entrer dans une carriere toute merveilleuse, qui jusqu’à present n’a pû qu’estre admirée de tous les Monarques du monde. C’est ce Prince redoutable que vous devez imiter, vous n’avez pas receu son sang pour ne pas posseder ses vertus, &amp; l’exemple qu’il vous donne est une instruction muette qui vous doit apprendre à suivre les grandes qualitez que l’on remarque dans son auguste Personne. C’est le plus beau desir qui puisse entrer dans le cœur du plus grand des Princes, &amp; celuy qui pourra comme Louis le Grand, estre aimé de tous ses Peuples, craint de ses Ennemis, posseder ensemble le zele de la Religion, la pieté veritable, la valeur parfaite, la justice &amp; la clemence, se pourra dire l’imitateur du plus grand Roy qui fut jamais. C’est ce desir qui vous doit animer, grand Prince. Vous devez au discernement de nostre Monarque la vertueuse éducation que vous recevez ; vous devez au sang genereux donc vous estes formé l’amour de la vertu que que vous avez, &amp; vous devez à son exemple le dessein de l’imiter, &amp; d’estre comme vostre Auguste Pere, l’admirable Descendant du plus admirable des Rois.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_107" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 107-109.</bibl>
          <p>Le mesme zele est en France où le nombre des Hôpitaux &amp; des Maisons de Seminaires augmente de jour en jour par le soin &amp; la charité de nos Prelats. C’est ce qui a donné lieu à M<hi rend="sup">r</hi> Boyer de l’Academie Françoise, si digne de la reputation que luy ont acquise tant de beaux Ouvrages, de faire le Sonnet que je vous envoye. Il est adressé à M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque d’Alby.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Pasteur, des bons Pasteurs l’exemple &amp; le modelle ;</l>
              <l rend="i">Quel autre comme vous pour l’Eglise &amp; l’Etat,</l>
              <l rend="i">Prompt, actif, vigilant, à son devoir fidelle,</l>
              <l rend="i">Sçait remplir tout l’employ d’un illustre Prelat ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ce n’estoit pas assez de voir que vostre zele</l>
              <l rend="i">Renouvelle en nos jours le saint Apostolat,</l>
              <l rend="i">Et qu’ayant combattu l’Heretique rebelle,</l>
              <l rend="i">Toujours quelque conqueste ait suivi le combat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">De vastes Hôpitaux, dont vostre ministere</l>
              <l rend="i">De mille malheureux soulage la misere,</l>
              <l rend="i">Couronnent les travaux de vostre charité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ces asiles sacrez, ces Monumens durables,</l>
              <l rend="i">Le refuge éternel de tant de miserables,</l>
              <l rend="i">Parleront à jamais de vostre pieté.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_110" resp="wordpro">
          <head>[Epitaphes sur la mort du Prince Charles de Lorraine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 110-115.</bibl>
          <p>Je vous envoye quelques Vers qui ont esté faits sur la mort de M<hi rend="sup">r</hi> le Prince Charles de Lorraine. M<hi rend="sup">r</hi> Taisand, Tresorier de France à Dijon, a fait ceux qui suivent.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA MORT<lb />du Prince Charles.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Il est mort, ce Heros, ce Prince de Lorraine,</l>
              <l rend="i">Par un coup imprevû de la Parque inhumaine,</l>
              <l rend="i"> Luy qu’on vit couvert de Lauriers</l>
              <l rend="i">Egaler les exploits des plus fameux Guerriers.</l>
              <l rend="i">Aussi, malgré la mort, il vivra dans l’Histoire,</l>
              <l rend="i"> Pour s’estre acquis un immortel renom ;</l>
              <l rend="i">Mais il manque un brillant à l’éclat de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Il n’a pas succombé sous l’effort du Canon,</l>
              <l rend="i"> Au milieu de la plaine,</l>
              <l rend="i"> Au champ de Mars, comme le grand Turenne.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ces autres Vers, aussi bien que l’Epitaphe qui les suit, sont de M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Saurin.</p>
          <quote>
            <label>SUR CE QUE LA MORT<lb />du Prince Charles est arrivée dans le temps que Monseigneur se preparoit à partir pour l’aller combatre.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Louis, le digne Fils de Louis l’invincible,</l>
              <l rend="i">Avec la mesme ardeur dont il prit Philisbourg,</l>
              <l rend="i"> Pour abattre une Hydre terrible,</l>
              <l rend="i">Marchoit contre les Chefs de la Ligue d’Ausbourg.</l>
              <l rend="i">Un fameux General, l’honneur de l’Allemagne,</l>
              <l rend="i"> Et la terreur de l’Ottoman,</l>
              <l rend="i"> Veut s’opposer à sa Campagne,</l>
              <l rend="i">Et mettre en seureté le Païs Alleman.</l>
              <l rend="i">Alors nostre Heros qui s’apreste à combattre,</l>
              <l><hi rend="i">Plus fier que le Lorrain, medite de l’abatre ;</hi></l>
              <l rend="i"> Mais qui l’eust crû ? Dans cet instant</l>
              <l rend="i"> La mort jalouse de sa gloire,</l>
              <l rend="i">A voulu prevenir ce jeune Conquerant,</l>
              <l rend="i"> Pour avoir part à la victoire.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>EPITAPHE.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Cy-gist le Prince de Lorraine,</l>
              <l rend="i">Aussi brave Soldat que sage Capitaine,</l>
              <l rend="i"> Qui sauva l’Empire Alleman,</l>
              <l rend="i">Et porta la terreur dans le cœur Ottoman.</l>
              <l rend="i"> Passant, admire sa prudence.</l>
              <l rend="i">Dés qu’il sceut qu’un Heros, la gloire de la France,</l>
              <l rend="i"> Dont il connoissoit la vertu,</l>
              <l rend="i">S’avançant vers le Rhin meditoit sa défaite,</l>
              <l rend="i"> Chez les Morts il fit sa retraite,</l>
              <l rend="i">Et prit si bien son temps qu’il ne fut point battu.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Ces derniers Vers vous feront connoistre qu’il y a des matieres, qui donnent lieu aux personnes d’esprit de se rencontrer dans leurs pensées. Ils m’ont esté envoyez sous le nom de l’Officier Floriste de Saumur.</p>
          <quote>
            <label>EPIGRAMME.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Il n’est plus ce Heros, la terreur du Turban,</l>
              <l rend="i">Ce Prince glorieux de qui la main vaillante,</l>
              <l rend="i"> De l’esclavage du Sultan</l>
              <l rend="i"> A delivré l’Aigle tremblante.</l>
              <l rend="i">On a vû ce Guerrier effacer en six ans,</l>
              <l rend="i">Volant comme un éclair de victoire en victoire,</l>
              <l rend="i"> Ce que plus de vingt Conquerans</l>
              <l rend="i">En deux siecles entiers s’estoient acquis de gloire ;</l>
              <l rend="i">Mais aprés tant d’efforts &amp; de faits inoüis,</l>
              <l rend="i">Il manquoit aux exploits de ce grand Capitaine,</l>
              <l rend="i"> D’avoir combattu sous LOVIS,</l>
              <l rend="i"> Et de mourir comme Turenne.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Comme on est bien-aise d’avoir les Portraits de tous les Grands Hommes, j’auray soin de faire graver celuy de ce Prince pour vous l’envoyer.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_115" resp="wordpro">
          <head>[Suite du Traité de Mr Commiers touchant l’art d’écrire occultement]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 115-154.</bibl>
          <p>Voicy la suite du Traité du sçavant M<hi rend="sup">r</hi> Comiers, dont je vous ay envoyé le commencement dans ma Lettre du dernier mois.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">SECONDE PARTIE.</hi><lb /><hi rend="i">De l’Art d’écrire occultement<lb />&amp; sans soupçon.</hi></label>
            <label>ARTICLE I.<lb /><hi rend="i">Deux moyens faciles de parler &amp; d’écrire en chifres, comme aussi de déchifrer sans avoir la Table des nombres.</hi></label>
            <p>Il faut sçavoir par memoire quel chifre apartient à chacune des dix-huit Lettres de mon Alphabet que j’ay mis dans la mesme Cellule de chaque Lettre dans la rangée superieure de ma Table des nombres, &amp; qui sont aussi aprés les Lettres de l’Alphabet perpendiculaire qui est à main gauche. Je les repete icy.</p>
            <quote>
              <p>A. B. C. D. E. F. G. I. L. M.</p>
              <p>1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.</p>
              <p>N. O. P. Q. R. S. T. V.</p>
              <p>20. 30. 40. 50. 60. 70. 80. 90.</p>
            </quote>
            <p>Tout ce qu’il faut faire c’est d’ajoûter le chifre significatif du nombre de la lettre du mot du guet avec le chifre significatif du nombre de la Lettre du secret, &amp; par le nombre qui provient de leur somme on connoistra quel chifre il faut envoyer pour la Lettre du secret.</p>
            <p>Observez qu’il y a trois differens cas, premierement, où le chifre de chaque Lettre est chifre simple ; secondement, où le chifre de chaque Lettre est nombre disenaire ; troisiémement, où le chifre d’une Lettre, par exemple celle du mot du guet, a un chifre simple, &amp; la Lettre du secret a un chifre disenaire.</p>
            <label><hi rend="i">Regle pour chacun des deux premiers cas.</hi></label>
            <p>Si les chifres des deux Lettres sont simples, ou que chacun des deux chifres soit un nombre disenaire, ajoustez les deux chifres significatifs, &amp; si la somme n’excede pas 10. écrivez un nombre moindre d’une unité, comme 2. pour 3. &amp; 3. pour <hi rend="i">4.</hi> &amp; 4. pour 5. &amp; 5. pour 6. &amp; 6. pour 7. &amp; <hi rend="i">7.</hi> pour 8. &amp; 8. pour 9. &amp; 9. pour 10.</p>
            <p>Ainsi suposons que la Lettre du mot du guet soit <hi rend="i">D.</hi> 4. &amp; que la Lettre <hi rend="i">E. 5.</hi> soit la Lettre du secret. Dites, 4. plus 5. égale 9. &amp; 9. moins 1. égale 8. qui est le mesme chifre que vous auriez trouvé par le moyen de ma Table des nombres. Ecrivez donc 8. pour la Lettre <hi rend="i">E.</hi> du secret.</p>
            <p>Ainsi par la Lettre <hi rend="i">F. 6.</hi> du mot du guet pour la Lettre du secret <hi rend="i">D.</hi> 4. dites 6. plus 4. égalent 10. &amp; 10. moins 1. égalent 9. que vous écrirez pour la Lettre <hi rend="i">D.</hi> du secret.</p>
            <p>De mesme supposons que la Lettre du mot du guet soit <hi rend="i">M.</hi> 10. &amp; que la mesme Lettre <hi rend="i">M.</hi> 10. soit la lettre du secret, dites 1. plus 1. égale 2. &amp; 2. moins 1. égale 1. que vous écrirez pour la lettre <hi rend="i">M.</hi> du secret.</p>
            <p>De mesme par la lettre <hi rend="i">R.</hi> 60. pour la lettre <hi rend="i">P.</hi> 40. dites 6. plus 4. égale 10. &amp; 10. moins 1. égale 9. que vous écrirez pour la lettre <hi rend="i">P.</hi> du secret.</p>
            <label><hi rend="i">Deuxiéme regle.</hi></label>
            <p>Lors que dans l’un ou l’autre des deux premiers cas la somme des deux chifres significatifs est plus grande que 10. comme 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. rejettez la premiere unité, &amp; au chifre restant ajoustez zero, &amp; vous aurez le nombre disenaire que vous auriez trouvé par ma Table des nombres.</p>
            <p>Ainsi par la lettre <hi rend="i">F.</hi> 6. du mot du guet pour la lettre <hi rend="i">E. 5.</hi> du secret, dites 6. plus <hi rend="i">5.</hi> égalent <hi rend="i">11.</hi> rejettez la premiere unité, &amp; à l’unité restante ajoûtez zero, vous aurez le nombre dizenaire <hi rend="i">10.</hi> pour la lettre <hi rend="i">E.</hi></p>
            <p>De mesme par la lettre <hi rend="i">L.</hi> 9. pour la lettre <hi rend="i">F. 6.</hi> dites 9. plus 6. égalent 15. rejettez le chifre <hi rend="i">1.</hi> &amp; au chifre <hi rend="i">5.</hi> qui reste ajoûtez zero, vous aurez le nombre disenaire <hi rend="i">50</hi>. pour la lettre <hi rend="i">F.</hi></p>
            <label>III. REGLE.<lb /><hi rend="i">Lors qu’un chifre est simple, &amp; l’autre disenaire.</hi></label>
            <p>Premierement, si la somme de leurs chifres significatifs n’excede pas le nombre <hi rend="i">10.</hi> ostez-en une unité, &amp; au nombre restant ajoûtez zero, vous aurez le nombre disenaire requis.</p>
            <p>Ainsi supposons que <hi rend="i">C.</hi> 3. soit la lettre du mot du guet, &amp; que <hi rend="i">R. 60.</hi> soit la lettre du secret, dites 3. plus 6. égalent 9. &amp; <hi rend="i">9.</hi> moins <hi rend="i">1.</hi> égalent 8. auquel ajoûtant zero, vous aurez le nombre disenaire <hi rend="i">80.</hi> pour <hi rend="i">R.</hi> lettre du secret.</p>
            <p>Ainsi par la lettre <hi rend="i">S.</hi> 70 pour la lettre <hi rend="i">C. 3.</hi> dites <hi rend="i">7.</hi> plus <hi rend="i">3.</hi> égale <hi rend="i">10.</hi> &amp; <hi rend="i">10.</hi> moins <hi rend="i">1.</hi> égalent <hi rend="i">9.</hi> auquel ajoûtez zero, vous aurez le nombre disenaire <hi rend="i">90.</hi> pour la lettre <hi rend="i">C.</hi> du secret.</p>
            <p>Secondement, si la somme de leurs chifres significatifs excede le nombre 10. comme 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. rejettez l’unité qui precede, &amp; le chifre restant sera le requis, tel que vous l’auriez trouvé par ma grande Table des nombres.</p>
            <p>Ainsi supposons que la lettre du mot du guet soit <hi rend="i">R. 60.</hi> &amp; que la lettre du secret soit <hi rend="i">E. 5.</hi> dites <hi rend="i">6.</hi> plus <hi rend="i">5.</hi> égalent <hi rend="i">11.</hi> ostez-en le premier chifre <hi rend="i">1.</hi> il vous restera le second chifre <hi rend="i">1.</hi> qui est le chifre requis.</p>
            <p>Ainsi par la lettre <hi rend="i">F. 6.</hi> pour la lettre <hi rend="i">S. 70.</hi> dites <hi rend="i">6.</hi> plus <hi rend="i">7.</hi> égale <hi rend="i">13.</hi> rejettez le premier chiffre <hi rend="i">1.</hi> restera le chifre <hi rend="i">3.</hi> pour la lettre <hi rend="i">S.</hi> du secret.</p>
            <label><hi rend="i">Moyen de lire le secret chifré<lb />sans la Table des nombres.</hi></label>
            <p>Tout le mistere consiste à décomposer &amp; à rétrograder sur ce que vostre confident a fait par les regles precedentes, par lesquelles il a trouvé les chifres qu’il vous a envoyez pour les lettres de son secret.</p>
            <p>Il faut premierement sçavoir par cœur la quantiéme chaque lettre est dans l’ordre naturel de mon Alphabet, ce que j’ay marqué aprés chaque lettre de l’Alphabet perpendiculaire qui est à la main droite de la Table des nombres de ma Planche. Les voicy pour n’estre pas obligé d’y avoir recours.</p>
            <quote>
              <p>A. B. C. D. E. F. G. I. L. M.</p>
              <p>1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.</p>
              <p>N. O. P. Q. R. S. T. V.</p>
              <p>11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18.</p>
            </quote>
            <p>Il faut aussi sçavoir quel chifre secret simple ou disenaire appartient à chacune des dix-huit lettres, ce qui est tres facile pour les dix premieres, car elles ont pour leurs chifres secrets les mesmes chifres qui expriment la quantiéme chaque lettre est dans l’ordre naturel de mon Alphabet.</p>
            <p>Voicy le moyen de sçavoir quel chifre secret disenaire appartient à chacune des huit lettres restantes.</p>
            <quote>
              <p>N. O. P. Q. R. S. T. V.</p>
              <p>20. 30. 40. 50. 60. 70. 80. 90.</p>
            </quote>
            <p>Ajoûtez zero à la somme des deux chifres du quantiéme de chacune de ces lettres, on aura le nombre disenaire qui leur appartient. Ainsi pour <hi rend="i">N</hi> qui est la <hi rend="i">11.</hi> lettre, vous aurez <hi rend="i">20.</hi> pour la lettre <hi rend="i">O.</hi> qui est la <hi rend="i">12.</hi> vous aurez <hi rend="i">30.</hi> &amp; pour <hi rend="i">P.</hi> qui est la <hi rend="i">13.</hi> vous aurez <hi rend="i">40.</hi> pour la lettre <hi rend="i">Q.</hi> qui est la <hi rend="i">14.</hi> vous aurez <hi rend="i">50.</hi> pour <hi rend="i">R.</hi> qui est la <hi rend="i">15.</hi> vous aurez <hi rend="i">60.</hi> pour <hi rend="i">S.</hi> qui est la <hi rend="i">16.</hi> vous aurez <hi rend="i">70.</hi> pour <hi rend="i">T.</hi> qui est la <hi rend="i">17.</hi> vous aurez <hi rend="i">80.</hi> &amp; enfin pour la lettre <hi rend="i">V.</hi> qui est la <hi rend="i">18.</hi> vous aurez <hi rend="i">90.</hi></p>
            <p>Sur la suite des chifres que vostre amy vous a envoyez écrivez de suite les lettres du mot du guet dont vous estes convenus. Examinez ensuite le chifre de l’ordre qui appartient à la lettre du mot du guet ; aprés quoy observez les regles suivantes.</p>
            <p>Premierement, si le chifre de la lettre du mot du guet est simple, &amp; que le chifre envoyé soit aussi simple, ajoûtez l’unité au nombre envoyé, &amp; de la somme ostez en le chifre du mot du guet, il restera le nombre qui indiquera la quantiéme lettre de mon Alphabet est la lettre du secret. Ainsi <hi rend="i">D. 4.</hi> estant la lettre du mot du guet, &amp; le chifre envoyé estant <hi rend="i">8.</hi> dites <hi rend="i">8.</hi> plus <hi rend="i">1.</hi> égale <hi rend="i">9.</hi> que vostre amy avoit eu pour la somme du chifre de la lettre <hi rend="i">D.</hi> du mot du guet, &amp; de la lettre du secret qui vous est encore inconnuë C’est pourquoy dites <hi rend="i">9.</hi> moins <hi rend="i">4.</hi> égale <hi rend="i">5.</hi> c’est à dire que la lettre du secret est la cinquiéme de l’Alphabet qui est la lettre <hi rend="i">E.</hi></p>
            <p>Que si le mesme chifre <hi rend="i">8.</hi> estoit envoyé pour la lettre <hi rend="i">D.</hi> du secret, &amp; que le chifre du mot du guet fust <hi rend="i">E. 5.</hi> dites <hi rend="i">8.</hi> plus <hi rend="i">1.</hi> égale <hi rend="i">9.</hi> &amp; <hi rend="i">9.</hi> moins <hi rend="i">5</hi> égale <hi rend="i">4.</hi> c’est à dire que la lettre du secret est la lettre <hi rend="i">D.</hi> la quatriéme de l’Alphabet.</p>
            <p>Lors que le chifre de la lettre du mot du guet est dizenaire, &amp; que le chifre envoyé pour la lettre du secret est simple, ajoûtez l’unité au chifre envoyé, &amp; de la somme ostez le nombre significatif du nombre disenaire, le chifre restant indiquera la quantiéme de l’Alphabet est la lettre du secret.</p>
            <p>Ainsi la lettre du mot du guet estant <hi rend="i">R. 60.</hi> &amp; le chifre envoyé estant <hi rend="i">9.</hi> dites <hi rend="i">9.</hi> plus <hi rend="i">1.</hi> égale <hi rend="i">10.</hi> &amp; 10. moins <hi rend="i">6.</hi> chifre significatif du nombre <hi rend="i">60.</hi> de la lettre <hi rend="i">R.</hi> du mot du guet, égale <hi rend="i">4.</hi> auquel ajoûtez zero, vous aurez le nombre disenaire <hi rend="i">40.</hi> qui indique que la lettre du secret a le nombre <hi rend="i">40.</hi> qui apartient à la 13. Lettre <hi rend="i">P.</hi></p>
            <p>Lors que le chifre de la lettre du mot du guet est simple comme la lettre <hi rend="i">L. 9.</hi> &amp; qu’un nombre disenaire comme <hi rend="i">50.</hi> est envoyé pour la lettre du secret, rejettez le zero du nombre disenaire <hi rend="i">50.</hi> restera <hi rend="i">5.</hi> &amp; suposez l’unité écrite au devant du chifre <hi rend="i">5.</hi> restant, vous aurez le nombre <hi rend="i">15.</hi> duquel ostez le nombre <hi rend="i">9.</hi> de la lettre <hi rend="i">L.</hi> du mot du guet, il vous restera le nombre <hi rend="i">6.</hi> qui indique que la lettre du secret est la sixiéme de l’Alphabet, c’est à dire <hi rend="i">F.</hi> pour laquelle vostre Confident vous avoit envoyé le chifre <hi rend="i">50.</hi></p>
            <label><hi rend="i">Autre moyen d’écrire en chifres, &amp; de déchifrer le secret sans le secours de ma Table des nombres.</hi></label>
            <p>Cette maniere est moins sçavante, mais peut-estre plus facile à pratiquer. Il faut considerer les dix huit lettres.</p>
            <quote>
              <p>A. B. C. D. E. F. G. I. L. M.</p>
              <p>1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.</p>
              <p>N. O. P. Q. R. S. T. V.</p>
              <p>20. 30. 40. 50. 60. 70. 80. 90.</p>
            </quote>
            <p>&amp; leurs dix-huit chifres secrets, comme faisant un chapelet, &amp; sçavoir par cœur quelle quantiéme de l’Alphabet est chaque lettre, ce que j’ay marqué par les chifres qui sont à costé des lettres de l’Alphabet perpendiculaire qui est à la main droite de ma Table des nombres. Cela bien entendu, voicy le moyen d’écrire sans Table.</p>
            <p>Supposons que la lettre du mot du guet soit <hi rend="i">D.</hi> 4. &amp; que la lettre du secret soit <hi rend="i">F. 6.</hi> comptez depuis <hi rend="i">4</hi> inclusivement six nombres consecutifs, le nombre 4. en estant le premier, disant <hi rend="i">quatre, cinq, six, sept, huit, neuf</hi>, &amp; écrivez le chifre 9. pour <hi rend="i">E.</hi> lettre du secret, parce que depuis <hi rend="i">4.</hi> inclusivement vous avez compté six nombres jusqu’au nombre 9. aussi inclusivement.</p>
            <p>On peut aussi compter depuis le nombre <hi rend="i">6.</hi> inclusivement quatre nombres suivans, disant 6. 7. 8. 9. &amp; pour connoistre pour quelle lettre secrete de l’Alphabet le chifre 9. vous a esté envoyé par le moyen du chifre <hi rend="i">4.</hi> de la lettre <hi rend="i">D.</hi> du mot du guet, de ce chifre 4. inclusivement, comptez de suite jusques au nombre 9. aussi inclusivement, 4. 5. 6. 7. 8. 9. &amp; remarquez que vous avez compté six nombres ; donc la sixiéme lettre de l’Alphabet est la lettre <hi rend="i">F.</hi> du secret pour laquelle on a envoyé le chifre <hi rend="i">9.</hi></p>
            <p>De mesme supposons que la lettre du mot secret soit <hi rend="i">F. 6.</hi> &amp; que la lettre du mot du guet soit <hi rend="i">R. 60.</hi> comptez depuis soixante inclus six nombres suivans, disant 60. 70. 80. 90. 1. &amp; 2. vous envoyerez ce chifre 2. pour la lettre du secret <hi rend="i">F.</hi></p>
            <p>Et pour connoistre pour quelle lettre de l’Alphabet le chifre <hi rend="i">2.</hi> a esté envoyé par le moyen de la lettre du mot du guet <hi rend="i">R. 60.</hi> comptez depuis 60. inclusivement jusqu’à ce que vous rencontriez 2. inclusivement, disant 60. 70. 80. 90. 1. &amp; 2. Remarquez que vous avez compté six nombres ; donc la sixiéme lettre de l’Alphabet est la lettre <hi rend="i">F.</hi> du secret, pour laquelle on a envoyé le chifre 2.</p>
            <p>Vous trouverez le mesme chifre 2. en comptant depuis la lettre <hi rend="i">F.</hi> inclusivement 15. parce que la lettre <hi rend="i">R.</hi> est la quinziéme de l’Alphabet.</p>
            <p>Suposons aussi que la lettre du mot du guet soit <hi rend="i">R. 60.</hi> &amp; que la lettre du secret soit <hi rend="i">P. 40.</hi> parce que la lettre <hi rend="i">P.</hi> est la 13. de l’Alphabet, comptez depuis 60. inclus treize nombres suivans, disant 60. 70. 80. 90. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. &amp; envoyez ce chifre 9. pour la lettre <hi rend="i">P.</hi> du secret.</p>
            <p>Et afin de connoistre pour quelle lettre de l’Alphabet le chifre 9. a esté envoyé par le moyen de la lettre du mot du guet <hi rend="i">R. 60.</hi> comptez depuis <hi rend="i">60.</hi> inclusivement jusques au nombre <hi rend="i">9.</hi> aussi inclusivement, disant 60. 70. 80. 90. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. &amp; remarquez que vous avez compté treize nombres ; donc la treiziéme lettre de l’Alphabet est la lettre <hi rend="i">P.</hi> du secret, pour laquelle on a envoyé le chifre 9.</p>
            <label><hi rend="i">Reduction de la Table.</hi></label>
            <p>La moitié de la Table prise à main gauche du haut en bas suffira si l’on met deux lettres de mon Alphabet dans chacune des neuf cellules de la ligne superieure ; ainsi on pourra plus facilement écrire &amp; lire en chifres.</p>
            <p>On peut encore reduire toute la Table à la quatriéme partie, c’est à dire, à ce qui est contenu au premier quartier, mettant deux lettres dans chaque cellule de la ligne superieure &amp; de la ligne perpendiculaire, &amp; pour lors on n’aura point de chifres disenaires dans la Table ; mais on écrira un zero aprés le chifre qui signifiera la seconde des deux lettres du secret.</p>
            <label>ARTICLE II.<lb /><hi rend="i">Moyen tres-facile d’écrire en<lb />chifres sans ma Table<lb />des nombres.</hi></label>
            <p>Dans la Figure cy jointe on verra la reduction de ma Table en deux cercles concentriques faits sur deux Lames ou Platines d’argent, de cuivre, ou de carton. Ces deux cercles sont divisez en dix-huit cellules ; chaque cellule du grand cercle contient une des dix-huit lettres de mon Alphabet, &amp; au dessous de chacune des lettres est un des chifres simples ou dizenaires.</p>
            <p>Le moindre cercle est mobile sur le centre commun des deux cercles, &amp; dans chacune des dix-huit cellules il a une des dix-huit lettres de mon Alphabet.</p>
            <p>Au dessus de la lettre A. sur le bord de ce cercle mobile est reservé une petite pointe ou index dont voicy l’usage.</p>
            <p>Estant convenu de la clef, sentence, ou mot du guet, comme des mots suivans <hi rend="i">le 28. Février 1690</hi>. tournez le cercle mobile jusqu’à ce que l’index de la lettre <hi rend="i">A.</hi> soit precisement au dessous de la lettre, ou chifre de la clef prise dans le grand cercle, &amp; pour lors ayant trouvé dans le petit cercle mobile la lettre du secret, on écrira le chifre qui luy est immediatement au dessus dans le grand cercle.</p>
            <p>Ainsi pour écrire en secret <hi rend="i">Comiers Aveugle Royal</hi> ayant mis la lettre <hi rend="i">A.</hi> du cercle mobile vis-à-vis &amp; au dessous de la lettre de la clef <hi rend="i">L.</hi> prise dans le grand cercle immobile, on écrira le chifre <hi rend="i">20.</hi> qui est immediatement au dessus de la lettre <hi rend="i">C.</hi> du cercle mobile.</p>
            <p>On tournera la lettre <hi rend="i">A.</hi> du cercle mobile au dessous de la lettre de la clef <hi rend="i">E.</hi> &amp; pour la lettre <hi rend="i">O</hi> du secret on écrira le chifre <hi rend="i">70.</hi> qui luy est immediatement au dessus dans le cercle immobile.</p>
            <p>Tournez de mesme la lettre <hi rend="i">A.</hi> du cercle mobile sous le chifre <hi rend="i">2.</hi> de la clef ou mot du guet, &amp; vous écrirez pour la lettre <hi rend="i">M.</hi> le chifre <hi rend="i">20.</hi> qui luy est au dessus dans la rouë immobile, &amp; ainsi du reste, &amp; enfin par la clef <hi rend="i">le 28. Février 1690</hi>. pour les mots secrets <hi rend="i">Comiers Aveugle Royal</hi>, vous aurez les chifres suivans.</p>
            <quote>
              <p>20. 70. 20. 60. 10. 1. 60. 60. 7. 9. 50. 5. 7. 50. 4. 5. 70. 9. 8. 50.</p>
            </quote>
            <p>Il est facile de lire ces chifres par la voye contraire à la maniere qu’ils auront esté écrits. Il faut donc tourner la lettre <hi rend="i">A.</hi> du cercle mobile successivement sous chaque lettre ou chifre de la clef ou mot du guet prise dans le cercle immobile, dans lequel ayant trouvé le chifre, on connoistra, &amp; on écrira la lettre du secret qui luy est immediatement au dessous dans le cercle mobile.</p>
            <p>Ainsi dans la Figure la lettre <hi rend="i">A.</hi> est au dessous de la lettre <hi rend="i">L.</hi> &amp; le chifre envoyé est <hi rend="i">20.</hi> C’est pourquoy ayant dans le cercle immobile trouvé le chifre <hi rend="i">20.</hi> vous avez immediatement au dessous la lettre <hi rend="i">C.</hi> du secret pour laquelle on avoit écrit le chifre <hi rend="i">20.</hi></p>
            <label><hi rend="i">Autre maniere tres-facile<lb />d’écrire en chifres.</hi></label>
            <p>Premierement, convenez avec vostre Amy d’une clef ou mot du guet, afin de donner un ordre ou suite irreguliere aux dix-huit lettres de mon Alphabet.</p>
            <p>Supposons donc que vous soyez convenu avec vostre Confident de l’arrangement de l’Alphabet par le mot</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">Profetisandum B.c.g.l.q.</hi></p>
            </quote>
            <p>Sous les dix-huit lettres de cet Alphabet vous mettrez les dix-huit chifres simples &amp; disenaires dans leur ordre naturel, ainsi que j’ay fait au bas de ma Planche.</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">P r o f e t i s a n d u m</hi></p>
              <p><hi rend="i">1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 20. 30. 40.</hi></p>
              <p><hi rend="i">b. c. g. l. q.</hi></p>
              <p><hi rend="i">50. 60. 70. 80. 90.</hi></p>
            </quote>
            <p>Secondement, convenez avec vostre Amy d’un nombre, comme 1689. qui servira de mot du guet, &amp; que vous repeterez sur les lettres du secret autant de fois qu’il en sera besoin pour chifrer entierement.</p>
            <p>Troisiémement, écrivez en vostre particulier en ligne horizontale les chifres des lettres du secret prises dans l’Alphabet cy-dessus. Ainsi pour écrire <hi rend="i">Comiers Aveugle Royal</hi>, vous écrirez à part 60. 3. 40. 7. 5. 2. 8. 9. 30. 5. 30. 70. 80. 5. 2. 3. 7. 9. 80.</p>
            <p>Quatriémement, sous ces nombres écrivez les chifres de la clef 1689. dont vous estes convenus ainsi.</p>
            <quote>
              <p>60. 3. 40. 7. 5. 2. 8. 9. 30. 5. 30. 70.</p>
              <p>1. 6. 8. 9. 1. 6. 8. 9. 1. 6. 8. 9.</p>
              <p>80. 5. 2. 3. 7. 9. 80.</p>
              <p>1. 6. 8. 9. 1. 6. 8.</p>
            </quote>
            <p>Et ayant tiré au dessous une ligne ajoûtez les chifres simples ou disenaires qui sont l’un sur l’autre, commençant à main gauche, &amp; écrivez au dessous leur somme particuliere ainsi, disant 60. plus 1. égalent 61. que vous écrirez au dessous de la ligne, &amp; 3. plus 6. égalent 9. que vous écrirez encore dessous, &amp; ainsi de suite, &amp; vous aurez, comme vous voyez, au dessous de le ligne.</p>
            <quote>
              <p>60 3 4 0 7. 5. 2. 8. 9. 30. 5. 30 70 805. 2. 3. 7. 9. 80</p>
              <p>1. 6. 8. 9, 1. 6, 8. 9. 1. 6. 8. 9. 1. 6. 8. 9. 1. 6. 8.</p>
              <p>61 9 48. 16. 6. 8. 16. 18. 31. 11. 38 79 81. 11. 10. 12. 8. 15, 88</p>
            </quote>
            <p>que vous envoyerez à vostre Amy.</p>
            <p>Remarquez que le nombre <hi rend="i">16.</hi> est employé pour la lettre <hi rend="i">I.</hi> &amp; pour la lettre <hi rend="i">S.</hi> du mot <hi rend="i">Comiers</hi> Remarquez encore que le chifre <hi rend="i">8.</hi> est employé pour <hi rend="i">R.</hi> dans le mot <hi rend="i">Comiers</hi>, &amp; pour la lettre <hi rend="i">I.</hi> du mot <hi rend="i">Roial</hi>, &amp; que dans ce mesme mot <hi rend="i">Roial</hi> la lettre <hi rend="i">R.</hi> est signifiée par 10 &amp; que dans le mot <hi rend="i">Comiers</hi> la mesme lettre <hi rend="i">R.</hi> est signifiée par <hi rend="i">8.</hi></p>
            <p>Pour lire ces chifres 61. 9. 48. &amp;c. qu’on vous auroit envoyez pour les lettres du secret, il faut décomposer par la soustraction ce que vostre Amy aura fait par l’addition ; c’est pourquoy sous chacun de ces nombres qu’on vous a envoyez, écrivez un des chifres du nombre de la clef <hi rend="i">1689</hi>. dont vous estes convenus ainsi.</p>
            <quote>
              <p>61. 9. 48. 16. 6. 8. 16. 18. 31. 11. 18. 79 81. 11. 10. 12. 8. 15. 38</p>
              <p>1. 6. 8. 9. 1. 6. 8. 9. 1. 6. 8. 9. 1. 6. 8. 9. 1. 6. 8.</p>
              <p>60. 3. 40. 7. 5. 2 8 9, 30. 5. 30, 70. 80. 5 2 3 9 9 90</p>
            </quote>
            <p>Dites <hi rend="i">61.</hi> moins 1. égale <hi rend="i">60.</hi> que vous écrirez pour la premiere lettre du secret. Vous direz ensuite <hi rend="i">9.</hi> moins six égale 3. que vous écrirez pour la seconde lettre du secret. Ainsi du reste, &amp; vous aurez <hi rend="i">60. 3. 40. 7. 5. 2. 8. 9. 30. 5. 30. 70. 80. 5. 2. 3. 9. 9. 80.</hi> que vous connoistrez par l’Alphabet cy-dessus signifier les lettres des mots, <hi rend="i">Comier, Aveugle Roia.</hi></p>
            <p>Je vous envoyeray dans ma Lettre de Juillet la suite de cet Article.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_154" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 154-174.</bibl>
          <p>Il est malaisé de concevoir qu’on puisse estre malheureux en aimant fort tendrement, quand on est aimé de la mesme sorte, &amp; qu’aucun obstacle ne traverse cet amour. Cependant c’est ce qui a mis un Cavalier d’un fort grand merite hors d’estat de plus gouster aucun des plaisirs qui peuvent servir à rendre la vie agreable. Comme il estoit né avec un cœur tres-sensible, il ne pût tenir long-temps contre les charmes d’une jeune Brune qu’on luy fit connoistre. Elle avoit le teint uny, les traits assez reguliers, la bouche admirable &amp; de grands yeux noirs les plus dangereux qui furent jamais. Joignez à cela une taille fine &amp; degagée, &amp; un agrément d’esprit &amp; d’humeur inconcevable. On remarquoit autant de solidité dans l’un qu’il y avoit d’enjouement dans l’autre, &amp; quoy qu’elle fist ou dist, c’estoient des graces par tout, &amp; toujours de nouveau je ne sçay quoy qui la faisoient trouver toute aimable. Le Cavalier en fit une épreuve, qui le rendit en fort peu de temps le plus amoureux de tous les hommes. Il mit tous ses soins à plaire à la Belle, &amp; son bien &amp; sa naissance qui estoient considerables, luy auroient fait voir son attachement avec plaisir, quand mesme il n’auroit point joint à ces avantages tout ce qu’un esprit poly, &amp; des manieres honnestes peuvent avoir d’engageant pour un cœur bienfait. Il avoit d’ailleurs une complaisance qui prevenoit tout ce qu’on pouvoit souhaiter de luy, &amp; on peut dire que rien n’égaloit la délicatesse de ses sentimens. La Belle n’eut pas de peine à rendre justice à tant de merite, &amp; s’il luy persuada qu’elle estoit aimée avec excés, elle ne luy cacha point qu’elle avoit pour luy beaucoup de tendresse. Elle avoit soin d’éloigner tous ceux qui pouvoient luy faire la moindre peine, &amp; quoy qu’on ne pust la voir sans avoir pour elle plus que de l’estime, elle fit si bien qu’il se trouva toujours sans Rivaux. Cet heureux estat le ravissoit, &amp; il se passa une année entiere sans qu’il trouvast que de la douceur dans l’engagement qu’il avoit pris ; mais enfin la Belle commença à s’estonner de luy voir toujours laisser les choses dans une mesme situation. Il luy disoit souvent que tout son bonheur dépendoit d’elle, &amp; l’empire de la terre ne valoit pas selon luy le plaisir sensible d’estre tendrement aimé d’une si belle personne. Il n’épargnoit rien de ce qui pouvoit contribuer à sa joye, &amp; il ne consideroit jamais la dépense lors qu’il s’agissoit de quelque partie pour la divertir, mais il manquoit à l’essentiel, &amp; les plus fortes assurances qu’elle recevoit de luy lors qu’il luy juroit une constance éternelle, n’estoient suivies d’aucune declaration qui allast au mariage, &amp; il sembloit que ce bien qu’il tenoit si precieux, ne luy inspirast aucun desir de le posseder. La Belle qui n’avoit pris de l’amour que dans la veuë de se faire un établissement aussi avantageux qu’agréable, ne fut point contente de cette tranquillité, &amp; pour en tirer le Cavalier, un jeune Marquis qu’on luy amena luy ayant dit des douceurs, elle consentit à en recevoir quelques visites. Cette nouveauté alarma le Cavalier. Il devint chagrin, &amp; s’échapa à des plaintes. La Belle ne fut pas fachée de le voir jaloux, &amp; ne doutant point que la concurrence ne l’obligeast à parler, elle luy dit en riant qu’elle estoit bien aise de connoistre son amour dans toute sa force, &amp; que jamais elle n’en avoit esté si bien convaincuë que par la crainte qu’il luy faisoit voir qu’elle ne voulust partager son cœur, mais qu’il devoit se répondre d’en estre toujours le maistre malgré les prétentions du plus empressé rival, &amp; qu’il ne pouvoit, sans luy faire tort, la croire capable d’une perfidie. Cette assurance, quoy que fort flateuse, ne pût luy mettre l’esprit en repos. Il luy demanda pourquoy cette difference entre le Marquis &amp; plusieurs autres dont elle avoit rejetté les soins, &amp; comme il ne luy dit rien de ce qu’elle avoit envie d’entendre, elle tourna toutes ses alarmes en plaisanterie, sans vouloir congedier le Marquis. Sa jalousie augmenta, mais il n’eut point recours au remede dont on eust voulu qu’il se fust servi, &amp; pour le pousser jusques au bout, la Belle aprés luy avoir dit inutilement beaucoup de choses qui devoient le forcer à s’expliquer, flata la passion du Marquis, &amp; luy permit de la demander pour Femme à son Pere. Comme il se lassoit des lenteurs du Cavalier qui ne se declaroit point, il fut favorable à la proposition. La chose fut sçeuë, le Marquis s’en applaudit, &amp; le Cavalier s’en desespera. Il se plaignit à la Belle avec des termes touchans, du triste estat ou son amour se trouvoit reduit par la complaisance qu’elle avoit euë de soufrir les soins de son rival. Sa réponse fut que c’estoit injustement qu’il se disoit mal-heureux, puis qu’il ne l’estoit qu’autant qu’il le vouloit estre ; qu’elle avoit toujours pour luy, &amp; le mesme cœur, &amp; les mesmes sentimens, &amp; qu’elle estoit seure que dés qu’il voudroit parler à son Pere, il l’emporteroit sur le Marquis. La necessité de s’expliquer clairement mit le Cavalier dans un embarras terrible. Il aimoit la Belle avec la plus forte passion, &amp; le chagrin de la perdre luy sembloit cruel à soustenir, mais il estoit tellement persuadé que son amour finiroit dés qu’il l’auroit épousée, qu’il fremissoit de l’engagement qui luy estoit proposé. Dans cette agitation, il n’oublia rien pour luy faire craindre le dégoust qu’il ressentoit. Il luy fit une peinture fort vive des desagremens du mariage, luy dit qu’il n’y avoit rien de plus contraire à un amour delicat qui dédaignoit tout ce qui pouvoit avoir du rapport avec les sens ; que le cœur qui vouloit toujours demeurer libre, se revoltoit contre l’obligation d’aimer, si tost qu’elle estoit imposee par le devoir ; que les privileges de Mary faisoient degenerer en langueur les empressemens de l’Amant le plus soumis, &amp; que si elle vouloit toujours gouster les douceurs de cette pure union qui les rendoit l’un &amp; l’autre si heureux depuis long-temps, elle devoit fuir tout ce qui l’empescheroit d’estre maistresse de sa liberté. La Belle qui n’avoit aucun panchant pour le celibat, luy répondit fort modestement que l’estat de Fille estoit sans doute un estat heureux, mais que son Pere cherchant à la mettre dans un établissement qui luy asseurast du bien, cette belle idée de vouloir toujours aimer delicatement, n’estoit pas une raison dont il dûst se contenter. Alors pour luy marquer un amour qui ne recherchoit que ses avantages, le Cavalier offrit de luy faire la donation d’une Terre de deux mille écus de rente pour luy servir d’établissement, à condition qu’elle renonceroit à se marier. Le party n’estoit pas laid, mais le nom de vieille Fille qu’il falloit avoir un jour, n’accommodoit pas la Belle. D’ailleurs, elle prenoit pour offense que tout son merite n’inspirast rien d’assez violent au Cavalier pour luy faire croire qu’il ne pouvoit estre malheureux en l’épousant. Ainsi piquée du refus qu’il faisoit d’elle-mesme à elle-mesme, elle luy dit que la donation qu’il vouloit luy faire, luy marquoit autant d’amour que de generosité, mais qu’elle estoit tellement contre sa gloire qu’elle ne pouvoit y consentir ; qu’il luy estoit important de ne faire pas dire dans le monde qu’elle auroit receu le payement d’une foiblesse ; que la médisance ne manqueroit pas de le publier, &amp; que ce bruit feroit des impressions d’autant plus facheuses pour sa reputation, qu’on croiroit que le Marquis, aprés s’estre declaré, n’auroit rompu avec elle, que par ce qu’il l’auroit trouvée indigne d’estre sa Femme ; qu’ainsi il falloit necessairement qu’elle épousast l’un ou l’autre ; qu’elle n’accepteroit le Marquis qu’à son refus, &amp; qu’elle vouloit bien luy donner jusqu’au lendemain à examiner ce qu’il avoit à resoudre, que cependant il pourroit luy épargner la confusion de recevoir par luy-mesme un nouveau refus en s’empeschant de venir chez elle, &amp; qu’elle entendroit par là qu’il la laissoit dans l’entiere liberté de disposer d’elle mesme. Le Cavalier sortit sans rien dire davantage, &amp; passa toute la nuit dans un trouble qui ne se peut concevoir. L’habitude qu’il s’estoit faite des douceurs d’un tendre amour, l’avoit tellement charmé, qu’il concevoit bien qu’en y renonçant, il s’arrachoit à luy-mesme, mais l’exemple de la pluspart des Maris qui laissent éteindre presque aussi-tost ces vives ardeurs qu’ils ont fait paroistre Amans, &amp; sa propre experience par quelques Maistresses peu scrupuleuses qu’il avoit aimées avec passion dans ses premieres années, &amp; dont les plus legeres faveurs l’avoient d’abord rebuté, luy faisoient connoistre qu’il luy seroit impossible de conserver son amour, lors qu’il l’auroit rendu necessaire. Ainsi il se resolut à ceder la Belle à son Rival, &amp; quoy qu’il creust perdre tout en la perdant, malheur pour malheur, il aima mieux s’exposer à la regreter toute sa vie, que de se mettre en estat de ne plus l’aimer, ce qu’il tenoit seur qui arriveroit si le mariage les attachoit l’un à l’autre. Il s’accusoit de bisarrerie, mais il connoissoit sa delicatesse, &amp; pour ne point chagriner la Belle en luy allant declarer luy-mesme qu’il ne pouvoit accepter la préference qu’elle luy offroit, il luy laissa deviner ses sentimens par sa retraite. Elle les comprit sans peine, &amp; le dépit se joignant à des dispositions assez favorables au Marquis, qui estoit bien fait, &amp; avoit du bien, elle consentit à l’épouser. Le Cavalier ne le put apprendre sans estre saisi de la plus vive douleur. Il tomba malade, &amp; si-tost qu’il fut guery il se retira dans une Communauté où il est encore. Il témoigne avoir envie de renoncer tout à fait au monde, mais le temps, en effaçant insensiblement les impressions que l’amour a faites sur son cœur, pourra luy donner d’autres pensées.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_180" resp="wordpro">
          <head>[Livres nouveaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 180-184.</bibl>
          <p>Le fameux M<hi rend="sup">r</hi> le Clerc, qui est logé dans l’Hostel des Manufactures aux Gobelins, &amp; qui passe pour l’un des plus habiles Graveurs qu’on ait veus depuis long-temps, vient de donner au Public un Livre de Geometrie qui au jugement de tous ceux qui s’y connoissent est un des plus utiles &amp; des plus intelligibles qu’on ait encore faits sur cette science. Il est divisé en dix Chapitres. Le premier contient les définitions. Le second établit des principes qu’il appelle notions, &amp; qui sont des veritez évidemment connuës par elles-mesmes, ou par des demonstrations incontestables. Le troisiéme donne la pratique des lignes &amp; des angles, &amp; fait décrire les figures des Plans. Le quatriéme enseigne à transfigurer ces Plans, c’est à dire, à leur donner de nouvelles figures, sans en diminuer ou augmenter le contenu. Le cinquiéme apprend à les diviser. Le sixiéme montre comment il les faut assembler, &amp; comment on peut les augmenter ou diminuer de grandeur selon quelque quantité proposée. Le septiéme enseigne à les mesurer. Le huitiéme contient la Trigonometrie, ou la doctrine des triangles par le calcul. Le neuviéme traite des Solides, &amp; particulierement de leur toisé, &amp; le dixiéme donne la pratique pour le terrain. On y voit comme on leve les Plans, comme on les trace, &amp; comme on mesure les dimensions inaccessibles. Ce Livre est in octavo, &amp; se debite chez le Sieur Jean Jombert prés des Augustins à l’Image nostre-Dame. On le trouve aussi chez le Sieur Guerout, Galerie neuve du Palais. Le merite de M<hi rend="sup">r</hi> le Clerc est assez connu. Il est de Metz, &amp; a esté autrefois Ingenieur. Il sert le Roy à present, en qualité de Dessinateur &amp; de Graveur ordinaire de Sa Majesté, &amp; a rang de Conseiller dans l’Academie Royale de Peinture &amp; de Sculpture. Il est aussi Professeur pour la Geometrie, Perspective &amp; Architecture.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_189" resp="mercure">
          <head>[Prise de possession de l'Abbaye de S. Germain des Prez, par M. le Cardinal de Furstemberg]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1690, p. 189-197.</bibl>
          <p/>
          <p>Les Bulles estant arrivées &amp; fulminées, ce Cardinal fit avertir le Pere Dom Jean Barré, Celerier, qu'il viendroit prendre possession le Samedy 20. de May. [...] Son Eminence arriva sur les cinq heures du soir en Camail &amp; en Rochet, &amp; trouva la Communauté en Corps qui l'attendoit à la premiere porte du Monastere, où Mr Douceur, Prieur des Anciens, luy presenta l'Eau-benite, &amp; luy fit un compliment à la portiere de son Carrosse. On le conduisit au Chapitre pendant que toutes les cloches sonnoient. Ses Bulles y furent leuës, &amp; les Religieux s'estant ensuite assemblez capitulairement, donnerent leur consentement  la prise de possession. [...] On le conduisit de là à l'Eglise [...] &amp; aprés qu'on luy eut mis la Mitre en teste &amp; la Crosse en main, les Chantres entonnerent le Te Deum que le Choeur chanta alternativement avec l'Orgue. Pendant ce temps, on fit la Procession autour de l'Eglise, le Prelat marchant le dernier au milieu de ses Officiers, &amp; donnant des benedictions au Peuple.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_202" resp="mercure">
          <head>[Services faits pour Madame la Dauphine, à l'Abbaye de S. Denis, &amp; dans l'Eglise de N. D. de Paris]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1690, p. 202-211.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Lundy 5. de ce mois, on fit dans l'Eglise de l'Abbaye Royale de S Denis, le Service solemnel de Madame la Dauphine. [...] Mr l'Evesque de Meaux, premier Aumônier, assisté de Mrs les Evesques de Lodeve, de Poitiers, de Saintes, &amp; de Mende, celebra la Messe en habits Pontificaux. Elle fut chantée par la Musique du Roy. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_216" resp="wordpro">
          <head>Epitaphe</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 216-217.</bibl>
          <p>Je vous envoye la traduction d’une Epitaphe de Madame la Dauphine qui a esté faite en Latin par M<hi rend="sup">r</hi> de Vertron. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> Normant Avocat au Parlement.</p>
          <quote>
            <label>EPITAPHE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">La mort a triomphé de l’illustre Victoire.</l>
              <l rend="i">Que de tristes Cyprés dans un champ plein de gloire !</l>
              <l rend="i">Pleurez, François, pleurez, elle est dans le tombeau.</l>
              <l rend="i">Je me trompe, elle vit, &amp; la Parque cruelle</l>
              <l rend="i">Ne pouvoit remporter un triomphe si beau.</l>
              <l rend="i">Trois Augustes Enfans la rendent immortelle.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_223" resp="mercure">
          <head>[Détail curieux de tout ce qui s'est passé à la défaite des Vaudois]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin 1690, p. 223-225.</bibl>
          <p/>
          <p>La défaite entiere des Vaudois, qui viennent d'estre tous, ou tuez, ou chassez des retranchemens qu'ils avoient faits sur leurs montagnes, me donne lieu de vous parler de leur origine [...]. Ils ne vouloient souffrir aucunes Images, ny celebrer aucun jour de feste. Ils rejettoient les prieres des Saints, mesme l'Ave Maria, n'en voulant point d'autre que l'Oraison Dominicale, par le moyen de laquelle ils pretendoient pouvoir consacrer. Ils rejettoient aussi l'huile dans le Baptême, la Confirmation, la Confession auriculaire, l'Extrême Onction, la remission des pechez, le Purgatoire, les Prieres pour les Morts, la difference de l'Evesque &amp; du Prestre, l'obeissance aux Prelats, les miracles, &amp; le Chant de l'Eglise.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_255" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 255-257.</bibl>
          <p>En vous parlant du grand nombre des Ennemis du Roy, je croy que je puis vous faire part d’un Madrigal qui a esté fait sur ce sujet, par M<hi rend="sup">r</hi> de Sanlec qui demandoit un Benefice à Sa Majesté. Il ne paroist guere de rapport entre les Ennemis du Roy &amp; cette demande, mais comme avec de l’esprit on rend souvent compatibles les choses les plus éloignées, l’Auteur qui en a infiniment, a fait de ce Madrigal, un Ouvrage qui s’est attiré un applaudissement general.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Nous avons, grand Heros, deux desseins differens,</l>
              <l rend="i">Vous, de vaincre vingt Rois, &amp; moy vingt Concurrens ;</l>
              <l rend="i">Mais l’un de ces desseins est mieux conduit que l’autre.</l>
              <l rend="i"> Et cependant tout ira bien,</l>
              <l rend="i"> Si vous me répondez du mien,</l>
              <l rend="i"> Comme je vous répons du vostre.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_266" resp="wordpro">
          <head>[Harangue faite au Roy par M. l’Archevesque]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 266-272.</bibl>
          <p>Le 4. de ce mois, l’Assemblée du Clergé qui se tient à Saint-Germain en Laye, eut audience du Roy à Versailles, avec les ceremonies ordinaires. Je vous parlay dés le mois passé de l’ouverture de cette Assemblée, &amp; vous nommay les Députez de chaque Province. M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris, qui les presenta à Sa Majesté, porta la parole, &amp; fit un discours d’une beauté qui surprit, quoy qu’on soit accoutumé à ne luy entendre dire que des choses qui vont toujours au delà de tout ce qu’on peut attendre. Il commença, en faisant connoistre que c’estoit la septiéme fois qu’il avoit l’honneur de paroistre devant ce Monarque en qualité de President du Clergé, &amp; dit qu’il passeroit par dessus l’usage, qui vouloit que l’on donnast des loüanges lors qu’on venoit faire compliment à la teste d’un Corps. La comparaison qu’il fit du Roy à un grand Capitaine de l’Antiquité fut l’excuse qu’il apporta pour s’en dispenser. Il dit <hi rend="i">que comme le corps de ce Capitaine estoit si couvert par tout de blessures, qu’on ne pouvoit luy porter aucun coup sans qu’il le receust dans quelqu’une de ses playes, il en estoit de mesme à l’égard du Roy, si digne par mille actions d’éclat de recevoir des loüanges, qu’il n’y avoit point d’endroits par où il n’en meritast, &amp; qu’il estoit impossible de luy en donner sans redire ce qui avoit esté dit &amp; écrit cent &amp; cent fois par tout ce que la France a de personnes d’esprit &amp; de bonnes Plumes ; qu’ainsi il estoit contraint de se taire, ne pouvant trouver aucun endroit par où Sa Majesté n’eust pas encore esté loüée</hi>. Il fit ensuite le dénombrement des grandes choses qui ont fait donner au Roy les plus forts éloges, comme ayant dessein de n’en point parler, &amp; par un trait d’éloquence qu’il assaisonna merveilleusement, il fit connoistre tout ce qu’il sembloit vouloir passer sous silence. Il marqua ce que les faux Prophetes avoient dit contre Saint Pierre, lors qu’ils avoient assuré les Cartaginois, que sa Religion seroit détruite, &amp; fit voir la fausseté de la prophetie des Protestans, qui avoient assuré qu’en 1689. leur Religion triompheroit au préjudice de la Catholique. On a veu arriver tout le contraire, puis que le Roy a fait triompher la veritable Eglise, en la faisant reconnoistre dans tous ses Estats. Je ne vous rapporte point beaucoup d’autres choses que dit ce Prelat, &amp; qui parurent n’avoir jamais esté dites, tant le tour en fut heureux. Celle-cy fut de ce nombre, <hi rend="i">que la verité, quoy qu’elle eust des bornes, en avoit plus dit en faveur du Roy, que le mensonge qui n’en avoit point, n’avoit pû en inventer en faveur des plus grands Heros de l’Antiquité</hi>. Si des morceaux retenus assez imparfaitement ont tant de beauté, jugez de ce qu’ils vous paroistroient, si je pouvois vous les rapporter dans les mesmes termes qu’ils ont esté prononcez. Il est certain que jamais harangue n’a esté si applaudie de toute la Cour. C’est ce qui fut cause que l’Academie Françoise, dont M<hi rend="sup">r</hi> l’Archevesque de Paris estoit alors Directeur, députa contre l’usage pour luy en aller faire compliment.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-06_341" resp="wordpro">
          <head>[Vers de Mademoiselle de Serigny]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juin, 1690, p. 341.</bibl>
          <p>Ces autres Vers sont de Mademoiselle de Serigny.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Tu retournes donc, grand Dauphin,</l>
              <l rend="i"> Avec la foudre de ton Pere</l>
              <l rend="i"> Sur le Danube &amp; sur le Rhin.</l>
              <l rend="i"> Ah ! ce n’est pas pour n’y rien faire.</l>
              <l rend="i"> L’autre fois, en peu de sejour,</l>
              <l rend="i"> Tu t’emparas de Philisbourg</l>
              <l rend="i"> Pour simple essay de ton courage.</l>
              <l rend="i"> Brillant Heros, tu n’y retournes pas</l>
              <l rend="i"> Pour n’y par faire davantage.</l>
              <l rend="i">La Victoire par tout volera sur tes pas.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-07a">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, juillet, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_014" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1690-07_014">
          <head>Hommage</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet 1690, p. 14-28.</bibl>
          <p/>
          <p>Je viens à ce qui regarde l'hommage prêté depuis peu de temps à Mr l'Electeur de Brandebourg, par les Etats de la Prusse Ducale. [...] Elle se fit le 24. de May dernier à Konigsberg, Ville de Pologne, grande, belle, renommée par son commerce, &amp; qui appartient à l'Electeur de Brandebourg. [...] La Ceremonie estant achevée, on jetta un grand nombre de Medailles d'or &amp; d'argent, &amp; il se fit trois salves, tant du Canon de la Ville que de la Soldatesque, meslées des fanfares de vingt-quatre Trompettes avec quatre Timbaliers. Cela fut suivi d'un magnifique repas, dans la grande Salle appellée des Moscovites, pendant lequel on entendit un fort beau Concert. Plusieurs fontaines de vin coulerent dans la Place qui est devant le Chasteau, &amp; le lendemain on fit tirer un Feu d'artifice qui reussit admirablement.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_039" resp="wordpro">
          <head>Le Faune foudroyé par Jupiter</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 39-43.</bibl>
          <p>Voicy une Fable dont les Affaires du temps ont fourny la matiere à M<hi rend="sup">r</hi> de Calvy qui en est l’Auteur.</p>
          <quote>
            <label>LE FAUNE<lb />Foudroyé par Jupiter.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Au pied d’un mont jadis regnoit en paix</hi></l>
              <l rend="i"> Un jeune Faune aimé de ses Sujets.</l>
              <l rend="i"> Dans ses Etats tout songeoit à luy plaire,</l>
              <l rend="i">Dehors on le craignoit. Le Souverain des Dieux</l>
              <l rend="i">  Estoit son Dieu tutelaire ;</l>
              <l rend="i"> Mais écoutant des avis factieux,</l>
              <l rend="i"> Il se perdit, ce Faune ambitieux.</l>
              <l rend="i">Maint petit Dieu jaloux du Maistre du Tonnerre,</l>
              <l rend="i"> Osa luy declarer la guerre,</l>
              <l rend="i"> Et non contens de partager les Cieux,</l>
              <l rend="i">Ils vinrent dans leur Ligue interesser la Terre.</l>
              <l rend="i"> Tout fut seduit, tout prit party.</l>
              <l rend="i">Le Faune dans son cœur depuis longtemps rebelle,</l>
              <l rend="i"> A la revolte eut bien-tost consenti.</l>
              <l rend="i">Ce qu’on luy dit alors, mille fois l’infidelle</l>
              <l rend="i"> Se l’estoit dit. Ne pouvez-vous regner,</l>
              <l rend="i"> Sans que Jupin vous tienne sous son aisle ?</l>
              <l rend="i">  Apprenez à le dédaigner,</l>
              <l rend="i"> Regner tout seul est un bonheur suprême.</l>
              <l rend="i"> Il les suivit ; sans cette audace extrême</l>
              <l rend="i"> Faune jamais n’eust eu destin plus beau.</l>
              <l rend="i">Sous un si grand appuy l’on craignoit sa puissance ;</l>
              <l rend="i">Avec ces Factieux cherchant l’independance</l>
              <l rend="i">Il se couvrit de honte, &amp; trouva son tombeau.</l>
              <l rend="i">Car dés que Jupiter vit sa cabale preste</l>
              <l rend="i"> Pour cette grande &amp; fameuse conqueste ;</l>
              <l rend="i">Comme Geans, dit-il, vous attaquez les Cieux,</l>
              <l rend="i"> Vous perirez, Troupe insolente.</l>
              <l rend="i"> Il dit, &amp; sa main triomphante</l>
              <l rend="i">Foudroya sur le champ le Faune &amp; tous ces Dieux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Toy qui trahis un Prince Auguste,</l>
              <l rend="i"> Le ferme appuy de tes Etats,</l>
              <l rend="i"> Tu vas perir dans cette Ligue injuste ;</l>
              <l rend="i">Déja pour t’accabler LOVIS leve le bras.</l>
              <l rend="i"> Du coup fatal que je te viens predire</l>
              <l rend="i"> Rien ne te sçauroit garantir,</l>
              <l rend="i"> Et la foudre qui va partir,</l>
              <l rend="i">Doit terrasser encore &amp; l’Espagne &amp; l’Empire.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_043" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 43-44.</bibl>
          <p>Le Madrigal que vous allez lire a esté fait sur la reconciliation d’une jeune Dame avec un homme fort avancé en âge, qui avoit fait quelque médisance d’elle.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">En sortant d’un Sermon plein d’art &amp; d’éloquence,</l>
              <l rend="i">Sur l’amour du prochain, &amp; contre la vangeance,</l>
              <l rend="i"> Iris qui me hait à la mort,</l>
              <l rend="i">Mais de qui l’ame est genereuse &amp; bonne,</l>
              <l rend="i">Me cherche dans la foule, &amp; par un noble effort</l>
              <l rend="i"> Me dit, Monsieur, je vous pardonne.</l>
              <l><hi rend="i">Ce n’est pas tout, luy dis-je, &amp; le Predicateur</hi></l>
              <l rend="i">Vous a dit qu’il falloit aimer du fond du cœur,</l>
              <l rend="i">Voyez à quoy ce Sermon vous engage.</l>
              <l rend="i"> Il faut un discours bien touchant</l>
              <l rend="i">Pour vaincre du beau Sexe &amp; la haine &amp; la rage,</l>
              <l rend="i">Et l’obliger, malgré son naturel panchant,</l>
              <l><hi rend="i">D’aimer son Ennemy, quand il est de mon âge.</hi></l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_045" resp="wordpro">
          <head>[Suite du Traité touchant les maniere d’écrire en chifres]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 45-80.</bibl>
          <p>Je ne vous ay encore envoyé que le commencement de la seconde partie du Traité de M<hi rend="sup">r</hi> Comiers, touchant l’art d’écrire occultement ; en voicy la fin.</p>
          <quote>
            <label><hi rend="i">AUTRE MANIERE tres-facile d’écrire occultement, mesme par les lettres ordinaires de l’Alphabet, qu’on peut ensuite envoyer en chifres.</hi></label>
            <p>Convenez avec vostre Amy d’une clef en nombres, comme de 113. 355. ces six chifres comprenant la raison du diametre du cercle à sa circonference de 113. à 355. qui est plus précise que celle d’Archimede ; ou bien convenez du nombre 452. 355. lesquels six chifres contiennent la raison du quarré du diametre du cercle à sa superficie de 452. à 355. qui est plus précise que celle d’Archimede de 14. à 11.</p>
            <p>Ayez ensuite devant vous l’Alphabet de dix-huit lettres dans leur ordre naturel, que vous devez concevoir comme écrites en chapelet, ou autour de la circonference d’un cercle.</p>
            <p>Supposons donc qu’il faille écrire ces trois mots, <hi rend="i">Comiers Aveugle Roial</hi>, &amp; que vous soyez convenu pour clef du nombre 113. 355.</p>
            <p>Ecrivez de suite sur les lettres des trois mots les chifres de la clef 113. 355.</p>
            <quote>
              <p>1 1 3 3 5 5 1 1 3 3 5 5 1 1 3 3 5 5 1.</p>
              <p>C o m i e r s a v e u g l e r o i a l.</p>
            </quote>
            <p>Maintenant pour la lettre C. du secret, vous écrirez au dessous la lettre <hi rend="i">D.</hi> parce que le chifre 1. est au dessus, qui indique qu’il faut prendre dans l’Alphabet la premiere lettre qui y suit la lettre <hi rend="i">C.</hi></p>
            <p>De mesme pour la lettre <hi rend="i">O.</hi> qui a le chifre 1. au dessus, vous écrirez la lettre <hi rend="i">P.</hi> laquelle dans l’Alphabet est la premiere aprés la lettre <hi rend="i">O.</hi> Par la mesme raison pour la lettre <hi rend="i">M.</hi> qui a le chifre 3. au dessus, vous écrirez encore la lettre <hi rend="i">P.</hi> qui est dans l’Alphabet la troisiéme aprés la lettre <hi rend="i">M.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">I.</hi> laquelle a au dessus le chifre 3. vous écrirez la lettre <hi rend="i">N.</hi> laquelle dans mon Alphabet de dix-huit lettres est la troisiéme aprés la lettre <hi rend="i">I.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">E.</hi> qui a au dessus le chifre 5. vous envoyerez la lettre <hi rend="i">M.</hi> laquelle dans l’Alphabet de dix-huit lettres est la cinquiéme aprés la lettre <hi rend="i">E.</hi> &amp; pour la lettre <hi rend="i">R.</hi> qui a au dessus le chifre 5. vous compterez depuis cette lettre exclusivement sur l’Alphabet consideré écrit en chapelet, ou en cercle, cinq lettres, sçavoir <hi rend="i">S.T.V.A.B.</hi> en recommençant l’Alphabet. C’est pourquoy pour la lettre <hi rend="i">R.</hi> vous écrirez la lettre <hi rend="i">B.</hi> qui est la cinquiéme aprés <hi rend="i">R.</hi> De mesme pour la lettre <hi rend="i">S.</hi> qui est la derniere du mot, <hi rend="i">Comiers</hi>, parce qu’elle a au dessus le chifre 1. écrivez la lettre <hi rend="i">T.</hi> qui est la premiere aprés <hi rend="i">S.</hi></p>
            <p>Par la mesme raison pour la lettre <hi rend="i">A.</hi> du mot, <hi rend="i">Aueugle</hi>, écrivez la lettre <hi rend="i">B.</hi> &amp; pour la lettre <hi rend="i">V.</hi> qui a au dessus le chifre 3. qui est la derniere de l’Alphabet, qu’il faut par consequent recommencer, écrivez la lettre <hi rend="i">C.</hi> parce qu’elle est la troisiéme aprés la lettre <hi rend="i">V.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">E</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">I.</hi> Pour la seconde lettre <hi rend="i">V.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">E.</hi> qui est la cinquiéme aprés la lettre <hi rend="i">V.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">G.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">O.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">L.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">M.</hi> &amp; pour la lettre <hi rend="i">E.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">F.</hi></p>
            <p>Pour la lettre <hi rend="i">R.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">V.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">O.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">R.</hi> Pour la lettre <hi rend="i">I.</hi> qui a le chifre 5. au dessus, écrivez la lettre <hi rend="i">P.</hi> laquelle dans l’Alphabet de dix huit lettres est la cinquiéme aprés la lettre <hi rend="i">I.</hi> De mesme pour la lettre <hi rend="i">A.</hi> écrivez <hi rend="i">F.</hi> qui est la cinquiéme aprés <hi rend="i">A.</hi> &amp; enfin pour la lettre <hi rend="i">L.</hi> écrivez la lettre <hi rend="i">M.</hi> Par là vous aurez de suite pour les trois mots, <hi rend="i">Comiers Aveugle Roial</hi>, les dix-neuf lettres suivantes.</p>
            <quote>
              <p>D. P. P. N. M. B. T. B. C. I. E. O. M. F. V. R. P. F. M.</p>
            </quote>
            <p>Remarquez que cette maniere est tres-facile, &amp; tout-à fait indechifrable à l’esprit humain, puis que dans les sept premieres lettres pour le mot <hi rend="i">Comiers</hi>, la lettre <hi rend="i">P.</hi> est employée tout de suite pour la lettre <hi rend="i">O.</hi> &amp; pour la lettre <hi rend="i">M.</hi> &amp; que la mesme lettre <hi rend="i">P.</hi> est employée pour la lette <hi rend="i">I.</hi> du mot <hi rend="i">Roial.</hi></p>
            <p>Remarquez encore que la lettre <hi rend="i">M.</hi> signifie la lettre <hi rend="i">E.</hi> du mot <hi rend="i">Comiers</hi>, &amp; la lettre <hi rend="i">L.</hi> du mot <hi rend="i">aveugle</hi> ; que le <hi rend="i">B.</hi> signifie la lettre <hi rend="i">R.</hi> du mot <hi rend="i">Comiers</hi>, &amp; la lettre <hi rend="i">A.</hi> du mot <hi rend="i">Aueugle</hi> ; que la lettre <hi rend="i">F.</hi> signifie la derniere lettre <hi rend="i">E.</hi> du mot <hi rend="i">Aveugle</hi>, &amp; la lettre <hi rend="i">A</hi> du mot <hi rend="i">Roial</hi>, &amp; que dans le mot <hi rend="i">Aveugle</hi> les deux lettres <hi rend="i">E.</hi> y sont signifiées par les lettres <hi rend="i">I.</hi> &amp; <hi rend="i">F.</hi> &amp; les deux lettres <hi rend="i">V.</hi> du mesme mot par les deux lettres <hi rend="i">C. E.</hi></p>
            <p>On peut se servir des chifres de la datte de la Lettre, comme de <hi rend="i">28. Février 1690</hi>. en observant qu’il faut rejetter le zero, car il ne faut icy que des chifres simples.</p>
            <p>Observez que les cinq lettres H. K. X. Y. Z. que j’ay rejettées de mon Alphabet, peuvent estre employées à la fin des mots pour les distinguer, ou bien on les mettra devant la derniere lettre de chaque mot, ou aprés la premiere, suivant qu’on en sera convenu.</p>
            <p>Observez principalement que pour oster tout soupçon, vous pouvez au lieu de ces lettres envoyer les chifres simples ou disenaires qui leur appartiennent dans cet Alphabet.</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">P a n t o u f l e b c d g</hi></p>
              <p><hi rend="i">1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 20. 30. 40.</hi></p>
              <p><hi rend="i">i m q r s.</hi></p>
              <p><hi rend="i">50. 60. 70. 80. 90.</hi></p>
            </quote>
            <p>Ou dans tout autre Alphabet dont l’ordre naturel des lettres sera changé, suivant qu’on sera convenu, comme dans l’Alphabet suivant.</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">P r o f e t i s a n d u m</hi></p>
              <p><hi rend="i">1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 20. 30. 40</hi></p>
              <p><hi rend="i">b c g l q.</hi></p>
              <p><hi rend="i">50. 60. 70. 80. 90.</hi></p>
            </quote>
            <p>Par lequel au lieu des lettres D. P. P. N. M. B. T. B. C. F. E. O. M. F. V. R. P. F. M. vous aurez les chifres suivans 20. 1. 1. 10. 40. 50. 6. 50. 60. 7. 5. 3. 40. 4. 30. 2. 1. 4. 40. que vous pourrez envoyer à vostre Confident en forme de compte ou calcul, comme nous avons déja dit.</p>
            <p>Remarquez que la lettre <hi rend="i">P.</hi> ou le chifre 1. est envoyé pour trois differentes lettres, sçavoir pour les lettres <hi rend="i">O</hi> &amp; <hi rend="i">M</hi> du mot <hi rend="i">Comiers</hi>, &amp; pour la lettre <hi rend="i">I.</hi> du mot <hi rend="i">Roial</hi>, &amp; que la lettre <hi rend="i">M.</hi> ou le chifre 40. signifie aussi deux differentes lettres, sçavoir <hi rend="i">E.</hi> du mot <hi rend="i">Comiers</hi>, &amp; <hi rend="i">L.</hi> du mot <hi rend="i">Aveugle</hi>. De mesme la lettre <hi rend="i">B.</hi> ou le chifre 50. signifie la lettre <hi rend="i">R.</hi> du mot <hi rend="i">Comiers</hi>, &amp; la lettre <hi rend="i">A.</hi> du mot <hi rend="i">Aveugle</hi>. Les mesmes lettres <hi rend="i">R.</hi> &amp; <hi rend="i">A.</hi> dans le mot <hi rend="i">Roial</hi> sont signifiées par la lettre <hi rend="i">V.</hi> ou le chifre 30. &amp; par la lettre <hi rend="i">F.</hi> ou le chifre 4. Dans le mot <hi rend="i">Aveugle</hi> le premier <hi rend="i">V.</hi> est signifié par la lettre <hi rend="i">C.</hi> ou le chifre 60. &amp; le second <hi rend="i">V.</hi> par la lettre <hi rend="i">E.</hi> ou le chifre 5. Dans le mesme mot <hi rend="i">Aveugle</hi>, le premier <hi rend="i">E.</hi> est signifié par la lettre <hi rend="i">I.</hi> ou le chifre 1. &amp; le dernier par la lettre <hi rend="i">F.</hi> ou chifre 4. Cette lettre <hi rend="i">F.</hi> ou chifre 4. est encore employée pour l’<hi rend="i">A</hi> du mot <hi rend="i">Roial</hi>, bien que la lettre <hi rend="i">A</hi> du mot <hi rend="i">Aveugle</hi> soit signifiée par la lettre <hi rend="i">B</hi> ou chifre 50.</p>
            <p>D’où je conclus que bien que cette maniere d’écrire, ou de parler en ces chifres par la Trompette parlante, soit tres-facile, mesme en employant une triple clef, sçavoir le nombre convenu, l’ordre des lettres de l’Alphabet sur lequel on écrit ce nombre pour avoir les lettres secretes, &amp; enfin l’ordre irregulier des lettres de l’Alphabet dans lequel on prend des chifres pour ces lettres, elle est neanmoins indéchifrable à tout esprit humain. Quand mesme on donneroit au déchifreur les lettres que chaque chifre signifie, il faudroit encore qu’il pust deviner le nombre qui sert de premiere clef, &amp; qu’aprés cela il devinast encore l’ordre de l’Alphabet qui a donné ces lettres par le moyen du nombre convenu pour clef ; de quoy on peut faire facilement l’essay avec ceux qui se piquent de pouvoir déchifrer ; fust-ce avec M<hi rend="sup">r</hi> Viette, le Pere de nostre Algebre specieuse, &amp; le grand Déchifreur de son temps, s’il pouvoit revenir au monde.</p>
            <label><hi rend="i">Maniere facile de lire ces chifres ou lettres.</hi></label>
            <p>Ecrivez en ligne droite horizontale les chifres qu’on vous a envoyez en articles de compte, puis sous ces chifres écrivez les lettres qui leur appartiennent dans l’Alphabet, <hi rend="i">P r o f e t i s a n d u m b c g l q</hi>, &amp; vous aurez les lettres secretes que vostre Amy avoit trouvées sur le premier Alphabet par le moyen des chifres de la clef ; ainsi pour</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">20. 1. 1. 10. 40. 50. 6. 50. 60. 7. 5.</hi></p>
              <p><hi rend="i">D. P. P. N. M. B. T. B. C. I. E.</hi></p>
              <p><hi rend="i">3. 40. 4. 30. 2. 1. 4. 40.</hi></p>
              <p><hi rend="i">O. M. F. V. R. P. F. M.</hi></p>
            </quote>
            <p>Ecrivez aprés cela sur ces mêmes lettres les chifres de la clef, sçavoir.</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">1 1 3 3 5 5. 1 1 3 3 5 5.</hi></p>
              <p><hi rend="i">D. P. P. N. M. B. T. B. C. I. E. O.</hi></p>
              <p><hi rend="i">1 1 3 3 5 5. 1.</hi></p>
              <p><hi rend="i">M. F. V. R. P. F. M.</hi></p>
            </quote>
            <p>Ayant ensuite devant vous nostre Alphabet de dix-huit lettres A B C D E F G I L M N O P Q R S T V. vous trouverez les veritables lettres du secret qu’on vous a envoyées, si vous faites reflexion qu’au lieu de la lettre du secret, on vous a envoyé la lettre qui la suivoit, mais qui en estoit autant éloignée que le chifre de la clef qui estoit au dessus, contenoit d’unitez. C’est pourquoy par une raison contraire il faut autant retrograder en avant que le chifre a d’unitez, &amp; vous trouverez la veritable lettre du secret.</p>
            <p>Ainsi, puis que la lettre <hi rend="i">D</hi> a 1 par dessus, prenez la lettre <hi rend="i">C</hi> qui precede, &amp; vous aurez la premiere lettre du secret ; &amp; parce que la lettre <hi rend="i">P</hi> a le chifre 1 au dessus, retrogradez, &amp; prenez la premiere lettre <hi rend="i">O</hi> qui est avant le <hi rend="i">D.</hi> De mesme pour l’autre <hi rend="i">P</hi>, parce qu’il a le chifre 3. au dessus, prenez la lettre <hi rend="i">M.</hi> qui est la troisiéme avant la lettre <hi rend="i">P.</hi> &amp;, puis que la lettre <hi rend="i">N</hi> a sur soy le chifre 3. retrogradez de trois lettres dans l’Alphabet, &amp; vous trouverez la lettre <hi rend="i">I.</hi> du secret. Par la mesme raison, parce que la lettre <hi rend="i">M</hi> a sur soy le chifre 5. retrogradez de cinq lettres sur l’Alphabet, &amp; vous trouverez la lettre <hi rend="i">E.</hi> Et pour la lettre <hi rend="i">B.</hi> puis qu’elle a au dessus le chifre <hi rend="i">5.</hi> il faut aussi de la mesme lettre <hi rend="i">B</hi> exclusivement retrograder sur l’Alphabet qu’on doit concevoir écrit en chapelet ou cercle, c’est à dire, prendre la cinquiéme lettre en retrogradant, comptant <hi rend="i">A.V.T.S.R.</hi> c’est pourquoy la lettre <hi rend="i">R</hi> qui se trouve la cinquiéme, sera la lettre requise du secret ; &amp; parce que la lettre <hi rend="i">T</hi> a sur soy le chifre <hi rend="i">1.</hi> reculez d’une lettre, &amp; vous aurez la lettre <hi rend="i">S.</hi> du mot secret <hi rend="i">Comiers.</hi></p>
            <p>De mesme pour la lettre <hi rend="i">B</hi>, parce qu’elle a sur elle le chifre <hi rend="i">1.</hi> vous prendrez sur l’Alphabet la lettre <hi rend="i">A.</hi> qui précede la lettre <hi rend="i">B.</hi> &amp; de cette maniere vous trouverez les trois mots secrets, <hi rend="i">Comiers Aveugle Roial.</hi></p>
            <label>ARTICLE III.<lb /><hi rend="i">Envoyer en mesme temps le</hi><lb /><hi rend="i">Secret &amp; la Clef en Lettres</hi><lb /><hi rend="i">ou en Chifres.</hi></label>
            <p>Cecy est de la derniere importance, lors qu’il est necessaire de faire sçavoir des ordres pressants à trois personnes, mais en telle sorte que les unes sans les autres ne puissent penetrer dans le Secret que vous envoyez, si elles n’agissent toutes trois de concert, car à deux des trois vous envoyerez les deux differentes clefs qui ne consisteront si vous voulez qu’en 3. ou 4. sillabes ou aux chifres de leurs Lettres, &amp; à la troisiéme personne vous envoyerez le secret en chifres, ou en lettres de l’Alphabet sans aucune Clef.</p>
            <p>Ainsi pour faire sçavoir que la clef consiste à prendre de suite dans la table en descendant perpendiculairement depuis les lettres ou chifres envoyez pour le secret sept fois de suite 1. on écrira <hi rend="i">GA</hi> ou son nombre 71. parce que la lettre <hi rend="i">G.</hi> appartient au nombre 7. &amp; la lettre <hi rend="i">A.</hi> au nombre 1.</p>
            <p>Pour indiquer que par les lettres ou chifres de la clef, il faut encore prendre de suite cinq fois la lettre <hi rend="i">D.</hi> ou son chifre <hi rend="i">4</hi> on écrira <hi rend="i">ED</hi>, ou bien le nombre <hi rend="i">54.</hi> parce qu’à la lettre <hi rend="i">E</hi> appartient le chifre <hi rend="i">5.</hi> &amp; à la lettre <hi rend="i">D</hi> appartient le chifre 4.</p>
            <p>De mesme pour indiquer que par les lettres ou chifres de la clef, il faut prendre encore de suite sept chifres <hi rend="i">5.</hi> on écrira <hi rend="i">GE.</hi> ou 75. parce qu’à la lettre <hi rend="i">G.</hi> appartient le chifre 7. &amp; à la lettre <hi rend="i">E</hi> appartient le chifre 5. de sorte que pour la clef on aura ce mot barbare de trois syllabes, <hi rend="i">GAEDGE</hi>, ou ces six nombres 71. 54. 75. qu’on envoyera à l’un des deux Confidens, Que s’ils sont trois, au premier on envoyera les trois premieres lettres <hi rend="i">GEG</hi>, ou leurs chifres 7, 5. 7. &amp; à l’autre on envoyera les dernieres lettres <hi rend="i">A.D.E.</hi> ou leurs chifres 1. 4. 5.</p>
            <p>Supposons maintenant que par cette clef 71. 54. 75. il faille écrire en secret <hi rend="i">Comiers Aveugle Roial</hi>. Puis qu’il faut envoyer de suite sept fois le chifre 1. prenez dans la rangée perpendiculaire qui est à main gauche dans ma grande Table, chaque lettre du secret que vous voulez envoyer. Allez horizontalement jusqu’au chifre 1. &amp; ensuite marquez la lettre ou chifre qui est au dessus dans la rangée superieure de la Table. Ainsi pour le mot <hi rend="i">Comiers</hi>, vous aurez ce mot <hi rend="i">Timored</hi>, ou ses chifres <hi rend="i">80. 8. 10. 30. 60. 5. 4.</hi> que vous envoyerez, &amp; parce que suivant la seconde partie de la clef <hi rend="i">ED</hi>, il faut employer cinq fois de suite le chifre 4, vous aurez par la mesme maniere pour les cinq premieres lettres <hi rend="i">Aveug</hi> du mot secret <hi rend="i">Aveugle</hi>, le mot <hi rend="i">Deves</hi>, ou ses chifres, <hi rend="i">4. 5. 90. 5. 70.</hi></p>
            <p>Pour les sept lettres restantes du secret <hi rend="i">le Roial</hi>, parce qu’il faut employer suivant la derniere syllabe <hi rend="i">GE</hi> de la clef sept fois de suite le chifre 5. vous aurez le mot <hi rend="i">Raloser</hi> ou ses chifres 60. 1. 9. 30. 70. 5. 60.</p>
            <p>Enfin vous envoyerez à un des Confidens la clef en lettres <hi rend="i">Gaedge</hi>, ou ces chifres <hi rend="i">71. 54. 75.</hi> ou bien vous luy envoyerez au long ces dix-neuf chifres 1111111. 44444. 5555555. &amp; vous envoyerez à l’autre Confident ces mots, <hi rend="i">Timored Deves Raloser</hi>, ou ces chifres <hi rend="i">80. 8. 10. 30. 60. 5. 4. 4. 5. 90, 5. 70. 60. 1. 9. 30. 70. 5. 60.</hi></p>
            <p>Les deux Confidens s’estant assemblez, trouveront facilement le secret que vous leur aurez envoyé, car prenant dans la rangée superieure de ma Table chaque lettre du mot <hi rend="i">Timored</hi>, ou de ses chifres <hi rend="i">80. 9. 10. 30. 60. 5. 4.</hi> ils descendront perpendiculairement jusqu’aux chifres 1. vis à vis desquels à main gauche ou à main droite des Alphabets perpendiculaires de ma Table, ils trouveront les lettres du secret. Ainsi de la lettre <hi rend="i">T.</hi> ou de son chifre 80. ils descendront jusqu’au chifre 1. vis à vis duquel ils trouveront la lettre <hi rend="i">C.</hi> De mesme de la lettre <hi rend="i">I.</hi> ou de son chifre 8. descendant perpendiculairement jusques au chifre 1. ils trouveront vis à vis la lettre <hi rend="i">O.</hi> du secret, &amp; de la lettre <hi rend="i">M.</hi> ou de son chifre 10. descendant jusqu’au chifre 1. ils trouveront la lettre <hi rend="i">M.</hi> du secret vis à vis de ce chifre. Ainsi par le mot <hi rend="i">Timored</hi> &amp; par les sept 1 ils auront le mot <hi rend="i">Comiers.</hi></p>
            <p>Par la mesme raison descendant des cinq lettres du mot <hi rend="i">Deves</hi>, ou de ses chifres <hi rend="i">4. 5. 90. 5. 70.</hi> jusqu’aux chifres 4. ils trouveront vis à vis les lettres du secret <hi rend="i">Aveug.</hi></p>
            <p>De mesme descendant perpendiculairement de chacune des sept lettres du mot <hi rend="i">Raloser</hi>, ou de ses chifres <hi rend="i">60. 1. 9. 30. 70. 5. 60.</hi> jusqu’aux chifres 5. ils trouveront vis à vis dans l’Alphabet perpendiculaire les lettres <hi rend="i">le Roial</hi>. Voicy le tout dans l’exemple.</p>
            <quote>
              <p><hi rend="i">GA. ED. GE.</hi></p>
              <p><hi rend="i">1111111. 44444. 5555555.</hi></p>
              <p><hi rend="i">Timored De ves Raloser</hi></p>
              <p><hi rend="i">Comiers Aveug le Roial.</hi></p>
            </quote>
            <p>Remarquez que pour écrire ainsi occultement par deux clefs à deux ou trois Amis separément, on peut se servir des deux rouës de la seconde Planche, mettant, par exemple, tout de suite les sept premieres lettres du secret prises sur la rouë mobile au dessous du chifre 1 de la rouë immobile, &amp; écrivant à l’autre des Amis le chifre ou la lettre qui est dans la rouë immobile, au dessus de l’Index de la rouë mobile, &amp;c. Ainsi pour lire on mettra l’Index de la rouë mobile sous les sept premieres lettres ou chifres qu’on aura envoyez à l’un des Amis, &amp; on trouvera sous le chifre 1. de la rouë immobile, les sept premieres lettres du secret dans la rouë mobile. On peut aussi tres-facilement écrire &amp; lire sans avoir besoin de la Table ny des rouës.</p>
            <label>ARTICLE IV.<lb /><hi rend="i">Ecrire occultement par des lettres</hi><lb /><hi rend="i">semblables à celles</hi><lb /><hi rend="i">des Hebreux.</hi></label>
            <p>Bien que cette maniere soit peut-estre triviale, neanmoins elle peut servir &amp; passer pour indechifrable, si l’on convient d’un ordre des lettres de l’Alphabet, &amp; qu’on observe que les voyelles y soient posées en differens endroits, afin qu’une mesme voyelle puisse estre exprimée, mesme dans un mesme mot, par differens caracteres. J’en dis autant des lettres <hi rend="i">R</hi> &amp; <hi rend="i">S</hi> qui se rencontrent plus souvent. La seule inspection de la figure qui est à main gauche de ma Planche sous la Lunette, suffit pour comprendre tout l’artifice, observant que chaque caractere sert pour trois lettres ; pour la premiere, le caractere estant seul, &amp; pour la seconde lettre, lors qu’il a un point, &amp; enfin pour la troisiéme, lors que le caractere a deux points ; ce que j’ay observé dans les deux mots que j’ay donnez pour exemple, &amp; qui sont dans ma Planche, l’un devant, &amp; l’autre aprés ces deux mots Latins, <hi rend="i">Revelator Arcanorum.</hi></p>
            <label><hi rend="sc">Comiers d’Ambrun</hi>.</label>
            <p>Je vous envoyeray le mois prochain la troisiéme Partie de l’Art d’écrire &amp; de parler occultement de loin, mesme la nuit, sans Messager &amp; sans bruit.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_080" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 80-115.</bibl>
          <p>Les apparences passent souvent pour des veritez, &amp; les sentimens du cœur sont si malaisez à penetrer, que les plus habiles prennent pour réel ce qui n’est que feinte. Une Demoiselle, ayant le teint vif, &amp; tous les traits assez reguliers pour estre mise au nombre des belles personnes, joignoit à cet avantage un agrément d’humeur &amp; d’esprit, qui la rendoit encore plus aimable qu’elle n’estoit belle. Entre les Amans qu’elle s’attira, il s’en trouva un qui écarta bien-tost tous les autres. Ceux cy n’avoient qu’une fortune proportionnée aux pretentions qu’elle pouvoit se permettre, &amp; ce dernier, outre qu’il estoit fort honneste homme, joüissoit d’un bien tres-considerable, qui le mettoit en estat de luy procurer une vie douce &amp; commode. Ce fut aussi ce qui obligea la Belle de luy marquer par beaucoup d’honnêtetez qu’elle luy donnoit la préference, &amp; son choix n’eut pas plutost paru estre fait, qu’il demeura seul assidu dans ses visites. Les avantages qu’elle devoit rencontrer en l’épousant meritoient bien la distinction qu’elle avoit faite. Cependant elle recevoit ses soins sans avoir le cœur touché, &amp; l’interest seul la faisoit agir. Elle demeuroit d’accord qu’il avoit des qualitez fort estimables, &amp; que ses manieres pouvoient engager les plus difficiles à se laisser prévenir, mais il avoit pour elle un defaut qui dégoûtoit sa tendresse. Il s’estoit fait Conseiller, &amp; les gens de robe ne luy plaisoient pas. Elle eust été pourtant fachée de le perdre, &amp; comme elle estoit adroite à dissimuler, elle luy faisoit paroistre des sentimens dont son amour estoit satisfait, &amp; qui luy persuadoient que l’engagement estoit sincere. La passion qu’elle luy avoit fait prendre, l’obligea souvent à la presser de conclure, mais elle trouvoit toujours moyen de gagner du temps par quelque retardement dont elle imputoit la cause à sa Mere. Quoy qu’elle vécût sous sa conduite, elle gouvernoit entierement son esprit, &amp; cette Mere qui n’avoit des yeux que pour sa Fille, cherchoit uniquement à la satisfaire, &amp; donnoit dans tout ce qui luy faisoit plaisir. La Belle en reculant la conclusion de son mariage, s’estoit flatée qu’il luy viendroit pour Amant quelque homme d’Epée qui estant aussi riche que le Conseiller, la mettroit dans un estat plus conforme à son inclination. En effet, il arriva qu’estant allée chez une Dame voisine qu’elle voyoit presque tous les jours, parce que les deux Maisons se touchant, il y avoit une porte de communication l’une dans l’autre, elle y rencontra un Cavalier fort bienfait, galant, enjoüé, &amp; de ceux enfin que les Dames nomment aujourd’huy de jolis hommes. Le hazard l’avoit conduit chez la Dame pour laquelle il avoit eu autrefois beaucoup d’assiduité, &amp; qu’il avoit veuë fort rarement depuis ce temps-là, sans que les emplois qui l’en avoient éloigné, eussent affoibly l’estime qu’il luy avoit toujours conservée. Il vit avec plaisir sa belle Voisine, &amp; ayant sçeu qu’elle venoit chez elle à toute heure, il profita de ce qu’on luy avoit dit, &amp; luy rendit des visites si frequentes, qu’il leur fut aisé à l’une &amp; à l’autre de juger de son dessein. Comme il estoit extrémement riche, la Belle ne déguisa pas à son Amie que s’il prenoit feu, elle n’auroit nulle peine à le préferer au Conseiller. Ils ne se virent pas long-temps sans s’aimer, &amp; si le Cavalier se plaisoit à faire de tendres protestations à cette aimable personne, elle luy marquoit par ses complaisances, &amp; par tout ce qu’elle pouvoit faire d’obligeant pour luy, que les dispositions de son cœur luy estoient tres-favorables. La Dame qui estoit bien-aise de fortifier un engagement qu’elle voyoit si avantageux pour son Amie, favorisa le commerce. Il demeura d’autant plus secret que les assiduitez du Cavalier passoient sur son compte, sans que l’on en soupçonnast le veritable sujet. Le Cavalier s’enflâmoit toujours de plus en plus, sans songer à quoy sa passion devoit aboutir. Il aimoit la Belle par le seul plaisir d’aimer, &amp; de joüir de l’heureux progrés que ses soins faisoient insensiblement sur son jeune cœur. Ils en firent en fort peu de temps plus qu’il n’avoit osé l’esperer, &amp; l’amour qu’il luy inspira fut si violent qu’elle ne fut plus maistresse de luy en cacher la force. Vous jugez bien qu’elle ne put l’aimer avec tant d’ardeur sans trouver le Conseiller plus insuportable qu’il ne luy avoit paru jusque-là. Elle eut pour luy une froideur extraordinaire. Il s’en apperçeut, &amp; s’en plaignit. Les raisons qu’elle apportoit pour excuse estoient si foibles, qu’il pouvoit voir aisément qu’elle se mettoit fort peu en peine qu’il fust content d’elle. Il ne sçavoit à quoy imputer ce changement. Le nouvel engagement qu’elle avoit pris, ne paroissoit aux yeux de personne, &amp; il n’avoit pas le moindre soupçon du Cavalier. Ainsi il regarda comme l’effet d’une humeur bizarre qu’elle se lassoit de tenir cachée, l’inégalité qu’elle luy faisoit paroistre. Les reproches qu’il ne put s’empêcher de luy en faire, causerent entre eux de petites broüilleries, qui les aigrissoient assez pour se separer toujours mal satisfaits l’un de l’autre. Le Conseiller qui voulut essayer tout pour faire cesser sa méchante humeur, passa quelques jours sans aller chez elle, dans la pensée que la crainte de le perdre l’obligeroit à le rappeller. Elle attendit tranquillement qu’il revinst, &amp; se contenta de dire en le revoyant, qu’on voyoit bien à son air resveur qu’il avoit été accablé d’affaires. Il fut faché qu’elle dédaignast de luy montrer du chagrin de ce qu’il sembloit qu’il pouvoit se passer d’elle, &amp; continua de la voir plus rarement, ou pour rallumer en elle l’amour qu’il voyoit éteint, ou du moins fort assoupy, ou pour se guerir s’il estoit vray qu’il ne luy tinst plus au cœur. La Belle le laissa faire, &amp; se donna toute à l’amour du Cavalier, qui luy expliquoit le sien d’une maniere delicate &amp; fine, qui avoit toujours pour elle un charme nouveau. Cependant les choses demeuroient toujours dans le mesme estat, &amp; le plaisir que le Cavalier marquoit de se voir aimé, ne l’obligeoit point à parler de mariage. La Belle n’oublioit rien pour l’engager à luy faire une declaration précise, &amp; voyant que quelque tour qu’elle prist pour y réussir, il se contentoit de dire qu’il n’avoit jamais rien aimé tant qu’elle, elle luy dit enfin que sa Mere qui estoit entrée dans cette intrigue, s’impatientoit de voir traîner l’affaire en longueur, &amp; demandoit qu’on prist des mesures pour luy donner une fin. Le Cavalier, ennemy mortel du mariage, &amp; qui ne cherchoit que le plaisir d’amener les gens où il vouloit du costé du cœur, se trouva embarassé de la proposition qui luy estoit faite. On luy parloit clairement, &amp; estant contraint de s’expliquer, il répondit d’une maniere flateuse, que comme il sçavoit aimer parfaitement, il ne pouvoit s’estimer heureux s’il n’estoit aimé de même, &amp; qu’il avoüoit qu’il ne pouvoit se persuader qu’elle eust pour luy des sentimens d’amour aussi purs qu’il les souhaitoit, puis que les visites qu’elle recevoit toujours du Conseiller luy faisoient connoistre que les soins qu’il luy rendoit ne luy estoient pas tout-à-fait indifferens. La Belle luy repliqua qu’elle s’étonnoit d’une jalousie qu’il ne luy avoit jamais fait paroistre ; qu’il sçavoit qu’il ne l’avoit pas plûtost assurée de son amour, qu’elle avoit traité le Conseiller avec des froideurs qui luy avoient fait retrancher beaucoup de l’assiduité de ses visites, &amp; que dés qu’il se seroit declaré Amant par des articles signez, il n’avoit pas à douter que son pretendu Rival ne quittast la place ; que pour elle il se devoit répondre assez de son cœur, pour estre assuré qu’elle renonceroit sans aucune peine à le voir jamais. Le Cavalier qui ne vouloit pas pousser la chose plus loin, luy dit qu’il reconnoissoit qu’il avoit tort ; que le chagrin qu’il venoit de luy marquer n’avoit rien que d’obligeant ; que c’estoit une delicatesse d’amour dont elle devoit luy sçavoir gré ; qu’il la prioit de luy accorder un peu de temps pour la vaincre, &amp; qu’assurément il viendroit à bout de s’en défaire. Il crut par là s’estre mis en seureté, puis qu’il n’avoit plus qu’un mois ou deux à passer sans estre obligé par ses emplois de se rendre en Allemagne ; mais la Demoiselle qui ne vouloit pas qu’il luy échapast, rompit ses mesures en se résolvant de bannir le Conseiller. C’estoit luy oster toute sorte de pretexte, &amp; aprés avoir receu une marque si certaine du sincere amour qu’elle avoit pour luy, il ne pouvoit plus luy rien opposer. Elle executa ce qu’elle avoit projetté, &amp; deux jours aprés ayant pris l’occasion d’un fort leger démeslé arrivé entre elle &amp; le Conseiller, elle luy dit des choses si rudes, que ne pouvant plus s’accommoder de ses manieres bizarres, il luy declara qu’il ne reviendroit jamais chez elle. Il luy tint parole, &amp; leur rupture fut bien tost connuë de tout le monde. Aussi-tost qu’elle fut faite, elle en donna avec joye la nouvelle au Cavalier, comme de la chose du monde qui luy devoit estre la plus agreable. Ce n’estoit pas ce qu’il souhaitoit. Il se voyoit par cette rupture dans une nouvelle peine, &amp; les premiers sentimens estant mal-aisez à déguiser, il laissa paroistre malgré luy un étonnement remply de chagrin, dont elle fut extrémement étonnée. Neanmoins comme il avoit de l’esprit, il reprit bien-tost sa belle humeur, &amp; soutint la chose en galant homme. Il se montra plus amoureux que jamais, &amp; quelques jours s’estant écoulez, la Belle qui le voyoit dans des dispositions si favorables pour elle, luy demanda quand il vouloit luy faire changer le nom de Maistresse en celuy de Femme. Il luy répondit sans s’embarasser, que l’obligeante marque d’amour qu’elle avoit bien voulu luy donner en luy sacrifiant son Rival, ne le pouvoit plus laisser balancer à luy en donner une pareille ; qu’il se sentoit obligé de luy avoüer que sa parole estoit engagée à une jeune Provençale, qui avoit de luy quantité de Lettres qui confirmoient cet engagement ; qu’il luy estoit important de les retirer ; qu’il en sçavoit un moyen tres seur, &amp; qu’il estoit resolu de prendre la poste pour aller rompre avec elle, aprés quoy il reviendroit à Paris luy prouver en l’épousant que tout son bonheur dépendoit d’elle. La Belle alarmée de la proposition de son départ, prit une autorité absoluë pour s’y opposer. Aprés avoir raisonné longtemps sur le pretendu engagement où il se trouvoit, elle luy dit qu’il n’avoit qu’à l’épouser ; que sa Mere &amp; elle consentiroient à tenir le mariage secret, &amp; que s’il avoit un moyen si seur de se dégager de la Provençale, il le feroit réussir également, puis qu’elle ne sçauroit point qu’il fust marié. Le Cavalier voulut appuyer de quelques raisons la necessité de son voyage, mais la Demoiselle luy disant toujours qu’elle ne souffriroit point qu’il allast triompher d’elle auprés de la Provençale, avec qui sans doute il se raccommoderoit, il prit le party de luy promettre qu’il ne s’éloigneroit point, &amp; qu’il employeroit un de ses Amis qui sçavoit l’affaire, pour luy faire prendre un tour qui satisfist les souhaits de l’un &amp; de l’autre. En effet il écrivit dés le lendemain une fausse Lettre, &amp; la fit voir à la Demoiselle. C’estoit pour elle un peu d’adoucissement dans ce qu’elle avoit à craindre. Ses allarmes ne laisserent pourtant pas de continuer. Comme l’amour est fort clairvoyant, elle penetra dans le cœur du Cavalier, &amp; vit malgré son déguisement que son dessein n’estoit pas d’en venir au mariage. Elle ne put s’empescher de luy expliquer ce qu’elle pensoit, &amp; luy dit ensuite qu’elle ne luy voudroit jamais aucun mal de luy avoir fait bannir le Conseiller de chez elle, puis qu’elle croyoit n’avoir rien perdu en luy, mais qu’elle ne pouvoit luy pardonner d’avoir si bien engagé son cœur qu’elle sentoit bien qu’il luy seroit impossible de se défaire jamais des sentimens qu’il y avoit mis ; que c’estoit un crime qu’il auroit à se reprocher éternellement, &amp; que rien ne dementoit davantage le caractere qu’il se donnoit d’honneste homme que d’avoir toujours manqué de sincerité pour une personne qui s’estoit attachée à luy de si bonne foy. Le Cavalier luy dit mille choses obligeantes pour luy faire perdre cette opinion, mais il n’y put reussir, &amp; elle devint tellement chagrine, qu’il ne trouva plus dans sa conversation ce qui l’avoit charmé si long-temps. D’ailleurs, il n’avoit plus rien à souhaiter. Il estoit venu à bout de se rendre maistre de son cœur, ce qui estoit le seul triomphe où il avoit aspiré, &amp; la vertu de la Belle ne luy laissant aucune esperance que par une voye qui n’estoit pas de son goust, il ne songea plus qu’à se retirer. Il en prit l’occasion un jour que la Dame qui avoit leur confidence, voulut l’entretenir en particulier pour sçavoir à fond ses vrais sentimens. Aprés estre tombé d’accord avec elle, que la Provençale n’estoit qu’un pretexte pour gagner du temps, il luy jura qu’il n’avoit jamais esté si fortement touché de personne qu’il l’estoit de son Amie ; que ses belles qualitez avoient fait sur luy une impression que rien ne seroit capable d’effacer jamais ; que dés le moment qu’il l’avoit veuë, il s’estoit senty forcé de l’aimer avec une violence qui auroit trompé tout autre que luy ; que dans la premiere ardeur de sa passion, persuadé qu’il ne pouvoit vivre heureux s’il ne passoit sa vie avec elle, il n’avoit fait aucun doute qu’il ne surmontast l’aversion naturelle qui l’avoit toujours éloigné du mariage ; qu’il n’y avoit point d’efforts qu’il n’eust faits pour se mettre en cet estat, surtout depuis le sacrifice obligeant qu’elle luy avoit fait du Conseiller, ce qui avoit tellement gagné son cœur qu’il s’estoit vingt fois resolu de l’épouser pour luy en marquer sa reconnoissance, mais qu’en s’examinant serieusement, il n’avoit pû se cacher que son mariage auroit des suites si desagreables pour une personne dont il se sçavoit veritablement aimé, qu’il en avoit esté effrayé pour elle ; que connoissant bien que toute aimable qu’elle luy avoit paru jusque-là, il la fuiroit dés qu’elle seroit sa femme, il valoit mieux qu’il l’exposast à essuyer un chagrin qui ne dureroit qu’un peu de temps, quoy qu’il fust au desespoir d’estre obligé de le faire, que de luy donner sujet de se repentir toute sa vie de s’estre engagée avec un homme si peu capable d’aimer par devoir ; que tant qu’il vivroit il conserveroit le souvenir des sentimens favorables qu’elle luy avoit marquez, &amp; que si elle avoit besoin de son bien &amp; de sa vie, elle pouvoit disposer absolument de l’un &amp; de l’autre. Le Cavalier estoit aussi genereux que brave, &amp; il n’auroit eu aucune peine à tenir parole sur ces deux Articles, mais ils n’avoient pas dequoy contenter la Belle. Elle vouloit un amour aussi constant que le sien, &amp; c’estoit ce qu’il ne pouvoit promettre. La Dame luy dit tout ce qu’elle put s’imaginer de plus fort pour l’obliger à rendre justice à son Amie, mais elle vit bien qu’il n’estoit pas né pour estre mary, &amp; aprés une conversation de plus de trois heures, ils se separerent sans qu’elle eust rien obtenu. Il se trouva extrémement soulagé de la declaration qu’il venoit de faire, &amp; ne pouvant ny demeurer à Paris sans voir la Belle, ny la voir encore sans avoir à soustenir de justes reproches, il partit pour l’Allemagne, aprés avoir écrit à la Dame mille honnestetez pour son Amie, qui n’aboutissoient pourtant à rien autre chose, qu’à l’assurer que s’il avoit pû se vaincre sur le mariage, il n’auroit point balancé à la preferer à toute la terre. Elle fut inconsolable de se voir abandonnée par le Cavalier, non pas tant pour les avantages qu’elle perdoit du costé de la fortune, que parce qu’elle s’estoit veritablement attachée de cœur, &amp; que les liens de cette nature ne sont pas aisez à rompre. Aussi tomba t-elle dans une mélancolie si profonde que rien n’estoit capable de l’en retirer. Les choses demeurant toujours secretes, on ne manqua pas de dire qu’elle estoit causée par la rupture où le Conseiller s’estoit resolu. Elle repoussa ce bruit, mais foiblement, aimant mieux qu’on imputast son chagrin à la perte d’un Amant dont la passion avoit éclaté, que de donner lieu à certaines gens qui veulent tout découvrir, d’en approfondir le veritable sujet. Deux mois se passerent sans que ce chagrin diminuast, &amp; enfin on dit tant au Conseiller qu’on le blâmoit de faire paroistre tant d’insensibilité pour une belle personne qui le regrettoit, qu’on reveilla son amour. Si les froideurs de la Belle luy avoient fait craindre de n’en estre point aimé, le déplaisir qu’il pretendoit qu’elle eust marqué de sa perte reparoit cela d’une maniere fort satisfaisante, &amp; ce fut assez pour l’obliger à luy faire demander si elle vouloit renoüer l’affaire. La desertion du Cavalier, si l’on peut parler ainsi, estoit un mal sans remede. Il y alloit de ses avantages d’épouser le Conseiller, &amp; elle avoit assez de vertu pour se répondre que l’entiere application qu’elle auroit pour son devoir, arracheroit de son cœur un reste d’amour qui la tourmentoit. Ainsi elle accepta le party, &amp; le mariage fut conclu en peu de jours. Elle vit fort honnestement avec son mary, qui estant tres-content de sa conduite, ne sçait pas qu’il doit au refus de son Rival le plaisir d’avoir une Femme toute aimable.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_115" resp="wordpro">
          <head>[Livres nouveaux]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 115-123.</bibl>
          <p>Il y a d’heureux genies que les grandes occupations n’embarassent point, &amp; qui sçavent si bien ménager leur temps, que les emplois qui demandent le plus d’assiduité, ne peuvent les empêcher d’en trouver encore de reste pour les Ouvrages d’esprit à quoy ils se sentent propres. M<hi rend="sup">r</hi> le President de Silvecane, ancien Prevost des Marchands de Lion, est de ce nombre. Il est continuellement occupé pour le service du Roy, &amp; pour les affaires du Public, &amp; il semble que deux ou trois cens Vers, qui échaperoient quelquefois à un Magistrat aussi employé que luy, devroient estre regardez comme une chose extraordinaire. Cependant il a un talent si particulier &amp; tant de facilité pour la Poësie, qu’en y donnant seulement ses heures de delassement &amp; de loisir, il est venu à bout de traduire en Vers François, toutes les œuvres de Juvenal, de Perse, d’Horace, &amp; de Lucrece ; &amp; ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que non seulement il a fait toutes ces traductions en six ou sept années, mais qu’il les a encore accompagnées de remarques pleines d’érudition, &amp; aussi curieuses qu’elles sont utiles. Ce travail qu’on peut appeller en quelque sorte infiny, pourroit paroistre incroyable, si l’impression ne justifioit ce que je dis. M<hi rend="sup">r</hi> le President de Silvecane vient de donner au Public le premier Tome des Satires de Juvenal, &amp; les autres suivront dans fort peu de temps. On le trouve chez le S<hi rend="sup">r</hi> Pepie, ruë S. Jacques, &amp; chez le S<hi rend="sup">r</hi> Guerout, au Palais.</p>
          <p>Je sçay que vous avez leu avec plaisir <hi rend="i">l’Histoire de la Monarchie Françoise sous le regne de Louis le Grand</hi>, donnée au Public depuis deux ans, par M<hi rend="sup">r</hi> de Riencourt, Correcteur des Comptes. Les grands &amp; fameux évenemens dont sont remplis les deux Volumes qui composent cette Histoire, l’ont mise dans une si grande vogue, que la premiere Edition en ayant esté entierement debitée, on en a fait une nouvelle avec des augmentations considerables. L’interest que vous avez toujours pris à ce qui regarde la gloire du Roy, ne me laisse point douter que vous ne me sçachiez gré de l’avis que je vous donne de ces augmentations. L’Auteur a ajoûté à ce que vous avez déja leu, plusieurs Sieges de Villes, &amp; des Batailles sur terre &amp; sur mer, avec d’autres matieres importantes qu’il n’avoit fait qu’ébaucher dans l’Edition de 1688. Celle-cy comprend tout ce qui s’est passé depuis ce temps-là, jusqu’à la mort de Madame la Dauphine, arrivée le 20. Avril dernier. Ce Livre se trouve chez les S<hi rend="sup">rs</hi> de Gastin &amp; Cavelier, Libraires au Palais.</p>
          <p>Le S<hi rend="sup">r</hi> de Fer, Geographe de Monseigneur le Dauphin, vient de mettre au jour un Livre qui sera d’une grande utilité pour les Cadets dont le Roy entretient les Compagnies. Il a pour titre, <hi rend="i">Introduction à la Fortification, avec quelques Plans de Places fortes</hi>. Cet Ouvrage est remply de plusieurs Planches. La premiere, seconde, &amp; troisiéme sont figures de Geometrie, renfermées chacune dans un Cartouche. La quatriéme est un Pentagone fortifié à simples Bastions, &amp; orné de tous les Instrumens propres à construire une Forteresse. La cinquiéme, un Exagone fortifié avec toutes sortes de Dehors. La sixiéme, une Fortification Ancienne, une Moderne, une reguliere, une irreguliere, une naturelle, &amp; une artificielle ; &amp; les trois figures, Scenographie, Icgnographie &amp; Orthographie. La septiéme est remplie de tous les Instrumens propres à attaquer &amp; à défendre une Place, comme sacs à terre, corbeilles, Gabions, bariques à terre, chandeliers, saucissons, fascines, clayes, mantelets, bombes, carcasses, caissons, grenades, Petards, chaussetrapes, hersillons, herses, herissons, chevaux de Frise, Canons &amp; Mortiers. La huitiéme fait voir les diverses manieres d’attaquer les Bastions. La neuviéme est une Place attaquée dans les formes, avec les lignes de circonvallation &amp; de contre-vallation. Toutes ces Figures sont suivies de plusieurs Plans de Places fortes, comme de Charleroy, Mons, Namur, Ath, Maëstrich, Anvers &amp; sa Citadelle, Mayence avec ses Attaques, Bonn avec ses Attaques, &amp; Turin &amp; sa Citadelle, &amp;c.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_141" resp="wordpro">
          <head>[Charge d’Aumônier donnée par Sa Majesté]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 141-143.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Sale, Aumônier du Roy, ayant esté nommé à l’Evesché de Tournay, Sa Majesté a donné sa Charge d’Aumônier à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé de la Châtre, Docteur de Sorbonne. Cet Abbé ne s’est pas seulement distingué par sa doctrine &amp; par de belles Prédications, mais encore par sa modestie jointe à une grande pieté. Il est Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de la Châtre qui mourut à Gigery, &amp; petit-Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de la Châtre, Colonel General, qui n’entendoit pas moins bien les affaires de l’Etat que celles de la guerre, ayant fait un Livre considerable, connu sous le nom de <hi rend="i">Memoires de la Châtre</hi>. M<hi rend="sup">r</hi> de la Châtre son Pere s’estoit acquis par mille belles actions le baston de Maréchal de France.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07a_221" resp="wordpro">
          <head>[Réjoüissances faites pour la Bataille de Fleurus]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, juillet, 1690, p. 221-242.</bibl>
          <p>La Victoire remportée en Flandre le premier jour de ce mois, par M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Luxembourg, a fait faire des Feux de joye par toute la France, &amp; comme Chastillon sur Loin est à Madame la Princesse de Mekelbourg, Sœur de ce Duc, il ne faut pas s’étonner si cette Ville s’est distinguée par une Feste particuliere. M<hi rend="sup">r</hi> le Prieur de Briquemault, qui dans beaucoup d’occasions a marqué son zele pour la Maison de Madame la Duchesse de Chastillon, n’a pû se défendre d’en prendre le soin, &amp; de donner le dessein d’un feu d’artifice. Ce qui le rendoit fort singulier, c’est qu’il le prit des Armes de la Maison de M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal Duc de Luxembourg, qui porte de Montmorency, qui est d’or à la croix de gueules, cantonnée de seize Alerions d’azur, la croix chargée en cœur de l’Ecussion des Armes de Luxembourg, qui est d’argent au lion de gueules, à la queuë noüée, fourchée &amp; passée en double sautoir.</p>
          <p>Quatre Lions servoient de base à toute la machine, &amp; soutenoient quatre colomnes d’où sortoient quatre Arcs de triomphe. Sur les colomnes dans le vuide que faisoient les Arcs de triomphe, estoient posez quatre Hercules avec leurs massuës, semez de Fleurs de lis d’or, &amp; vestus de peaux de lion. Seize Alerions posez quatre à quatre sur les quatre Arcs de triomphe, élevoient dans l’air le Temple de la Gloire, &amp; au haut de ce Temple paroissoit la Victoire assise sur un char magnifique traîné par seize Alerions, &amp; conduit par le Genie de la France. Ce char estoit suivi de deux Anges qui portoient les trompettes de la Victoire, &amp; ces Lions, ces Aigles, &amp; toutes ces Figures differentes estoient accompagnées de Devises qui répondoient au sujet.</p>
          <p>Le premier Lion portoit en ses griffes un Tableau, dans lequel on avoit peint un grand Lion qui menoit deux Lionceaux à la proye, &amp; ces mots estoient écrits au bas : <hi rend="i">Natos in prælia format</hi>. Ç'a esté pour M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg une gloire singuliere, &amp; que peut-estre aucun General d’Armée n’a eue avant luy, d’avoir partagé l’honneur de cette Victoire avec deux de ses illustres Enfans, M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Montmorency, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Lusse, &amp; de les accoutumer ainsi à combattre &amp; à vaincre en mesme temps.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Tel qu’on voit un Lion du fond d’une tanniere,</l>
              <l rend="i"> Faire sortir ses Lionceaux,</l>
              <l rend="i"> Et d’une contenance fiere</l>
              <l rend="i">Luy-mesme en leur presence attaquer des Troupeaux,</l>
              <l rend="i"> Et les animer à la proye ;</l>
              <l rend="i"> Tel Luxembourg, remply de joye,</l>
              <l rend="i">Guide dans les Combats ses illustres Enfans.</l>
              <l rend="i"> Il marche luy-mesme à leur teste,</l>
              <l rend="i"> Les fait passer dans tous les rangs,</l>
              <l rend="i">Et partage avec eux l’honneur de sa Conqueste.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le second Lion representoit la colere du Roy contre les Hollandois. On voyoit dans un Cartouche un Lion furieux prest à dévorer une proye ; &amp; au bas étoient écrits ces mots du Sage aux Proverb. ch. 20. <hi rend="i">Rugitus leonis, terror Regis.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Ces timides Brebis de leurs bêlantes voix,</l>
              <l rend="i">Irritoient tous les jours le Monarque de France.</l>
              <l rend="i">Un Lion en couroux vient d’en prendre vengeance ;</l>
              <l rend="i"> Telle est la colere des Rois.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Le troisiéme Lion estoit accompagné d’une Devise, dont le corps representoit le combat d’une Chévre contre un Lion, qui la met aussi-tost en pieces ; &amp; ces mots d’un proverbe de Suidas &amp; d’Homere en faisoient l’ame. <hi rend="i">Ne caprea contra leonem</hi>. Les Hollandois plus propres à presser le lait de leurs Chévres, qu’à soûtenir le feu d’un combat contre un Lion, avoient déja trop éprouvé la valeur de M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg, &amp; la prudence vouloit qu’ils ne s’engageassent pas facilement dans une guerre, dont le succés ne pouvoit que leur estre funeste.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Ainsi la Chévre a l’insolence</l>
              <l rend="i">D’insulter un Lion dans sa noble fierté,</l>
              <l rend="i"> Mais par une juste vengeance</l>
              <l rend="i">Elle reçoit le prix de sa temerité.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Par le quatriéme Lion, on faisoit voir la clemence de M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg, qui n’a pas moins paru dans cette Victoire que sa valeur. Jamais Vainqueur n’en usa mieux, puis que le nombre des Prisonniers excedant celuy des Morts, c’est une marque que ce sage General a esté plus occupé à retenir qu’à exciter la chaleur du Soldat dans le carnage des Ennemis. C’estoit pour figurer cette grandeur d’ame qu’on avoit peint un Lion qui pardonne à un homme prosterné à ses pieds avec ces mots ; <hi rend="i">Sat est prostrasse.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l><hi rend="i">En vain contre un Lionon se me tend défense ;</hi></l>
              <l rend="i">Voulez-vous éviter les traits de son couroux,</l>
              <l><hi rend="i">Et du fier Animal exciter la clemence ?</hi></l>
              <l rend="i">Cedez, c’est le moyen de vous le rendre doux.</l>
              <l rend="i">Tel est de Luxembourg le noble caractere,</l>
              <l rend="i">Il triomphe en Vainqueur, mais il pardonne en Pere.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Sur les quatre colomnes qui soûtenoient les quatre Arcs de Triomphe estoient posez quatre Hercules vestus de peaux de lion, leurs masses en main semées de fleurs de-lis d’or, &amp; on lisoit au bas ces paroles, <hi rend="i">Armatus leone</hi>. La défaite du Lion Belgique par M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg, met nos Provinces à couvert, &amp; sa dépouille nous sert de défense durant toute cette Campagne.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Que peut craindre aujourd’huy la France ?</l>
              <l rend="i"> Ses Ennemis sont aux abois ;</l>
              <l rend="i">Hercule a terrassé les Lions Hollandois,</l>
              <l rend="i"> Et leur peau luy sert de défense.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Seize Alerions qui sont de Mommorency, posez sur les quatre Arcs de triomphe, portoient comme en l’air le Temple de la Gloire, sur lequel estoient peintes les plus belles actions de la vie de M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg, &amp; aux quatre faces de ce Temple on voyoit quatre Aigles qui formoient autant d’Emblêmes.</p>
          <p>La premiere de ces Emblêmes marquoit la joye de la France, quand elle apprit le choix que le Roy avoit fait de M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg pour commander ses Armées en Flandre. Le corps de cette Devise estoit un Aigle tenant en ses serres les foudres de Jupiter, &amp; prest à les lancer contre des Geants. Ces mots en faisoient l’ame. <hi rend="i">Non frustra.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> En vain tant de Geants, monts sur monts entassez,</l>
              <l rend="i">Ont répandu par tout de funestes alarmes,</l>
              <l rend="i">Jupiter à son Aigle a confié ses Armes ;</l>
              <l rend="i"> Qu’il soit en repos, c’est assez.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La seconde marquoit l’entiere défaite des Hollandois, qui devant toute leur élevation au Roy de France, n’ont payé ses biens-faits que d’ingratitude. On voyoit un Soleil qui élevoit dans les airs une nuë de Grenoüilles, &amp; comme ce nuage sembloit vouloir obscurcir le Soleil, un Aigle paroissoit sortir de ce bel Astre, se lançant sur ces insectes, &amp; les mettant en pieces. Ces paroles du Prophete Ezechiel étoient écrites au bas, <hi rend="i">&amp; exaltat &amp; humiliat.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Du fond de leurs marais, &amp; des Plaines humides,</l>
              <l rend="i"> Jadis le Soleil des François</l>
              <l rend="i">Eleva dans les airs ces Grenoüilles timides ;</l>
              <l rend="i">De leurs croassements les importunes voix</l>
              <l rend="i">Commençoient à troubler le repos de la France,</l>
              <l rend="i">Et sembloient du Soleil oublier les bien-faits.</l>
              <l rend="i">L’Aigle fond par son ordre, &amp; sur elles se lance,</l>
              <l rend="i"> Et ces insectes sont défaits.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Comme l’Armée qui vient d’estre vaincuë estoit composée en partie d’Espagnols, &amp; que le champ de Bataille nous est demeuré avec tout le butin des Ennemis, on avoit exprimé cette défaite par un Aigle, qui aprés avoir mis en déroute un troupeau de brebis, se jouë dans les airs d’une toison qu’il emporte, avec ces mots : <hi rend="i">Præludia belli.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i">Ces troupeaux engraissez &amp; tout couverts de laine,</l>
              <l rend="i">Paissoient l’herbe à leur gré dans ces fertiles plaines,</l>
              <l rend="i">Lors qu’un Aigle à grand vol fond du milieu des airs,</l>
              <l rend="i">Ecarte ces brebis du bec &amp; de la serre,</l>
              <l rend="i">Enleve leur toison, se nourrit de leurs chairs,</l>
              <l rend="i">Et commence le jeu d’une sanglante guerre.</l>
              <l rend="i">Tel est, fier Espagnol, l’essay de nos combats,</l>
              <l rend="i">Tes timides brebis par Luxembourg chargées,</l>
              <l rend="i"> Ont éprouvé la force de son bras ;</l>
              <l rend="i">Et leurs riches toisons vont estre partagées</l>
              <l rend="i">  Entre tous nos Soldats.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La Victoire de M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg a étonné les Allemans qui sont sur le Rhin, &amp; ils en sont sans doute dans la consternation. C’est ce qu’on avoit figuré par un Aigle qui voloit dans les airs avec un laurier au bec, regardant fierement d’autres petits Aiglons sur le bord d’un fleuve, sans que les Aiglons osassent le suivre. Ces mots faisoient l’ame de cette Emblême, <hi rend="i">Provocat, nec audent.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Tandis que sur la Sambre où la gloire l’appelle,</l>
              <l rend="i">L’Aigle François par tout moissonne des lauriers,</l>
              <l rend="i">L’Aigle Romain suivi de cent mille Guerriers,</l>
              <l rend="i">Sur le Mein &amp; le Rhin ne bat plus que d’une aisle.</l>
              <l rend="i">Nostre Aigle en vain l’invite à marcher sur ses pas.</l>
              <l rend="i">Tous les Aigles entre-eux ne se ressemblent pas.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Quatre inscriptions aux quatre faces du Temple, donnoient d’abord une idée de ce qu’on y avoit representé. Sur la premiere estoit écrit en gros caracteres, <hi rend="i">La France rasseurée</hi> ; sur la seconde. <hi rend="i">la Hollande humiliée</hi> ; sur la troisiéme, <hi rend="i">l’Espagne dépouillée</hi>, &amp; sur la quatriéme, <hi rend="i">l’Allemagne étonnée</hi>. Au haut de ce Temple paroissoit la Victoire vêtuë à la Françoise, assise sur un char magnifique, orné d’Etendars pris sur les Ennemis, &amp; traîné par seize Alerions, tenant d’une main des palmes &amp; des lauriers, &amp; de l’autre une couronne triomphale. Le Genie de la France conduisoit ce char, &amp; au bas on lisoit ces paroles imitées de Virgile. <hi rend="i">Franco duce, &amp; auspice Franco.</hi></p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> A nos gages jadis la Victoire en ces lieux</l>
              <l rend="i">Couronnoit nos Guerriers d’une main immortelle,</l>
              <l rend="i">L’inconstante avoit pris son essor dans les Cieux,</l>
              <l rend="i"> Et disparoissoit à nos yeux ;</l>
              <l rend="i">Mais enfin Luxembourg aujourd’huy la rappelle,</l>
              <l rend="i">Et sous un Duc François à son Prince fidelle,</l>
              <l rend="i"> Son char roule au gré de nos vœux.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Deux Anges, qui sont les supports des Armes de France, accompagnoient ce char de triomphe. Ils tenoient d’une main la croix qui charge les Armes de la Maison de Montmorency, &amp; qui est comme la recompense des grandes actions que ceux de cette illustre Maison ont faites dans les guerres d’Outremer en faveur de la Religion, pour laquelle M<hi rend="sup">r</hi> de Luxembourg vient de vaincre ; &amp; de l’autre main ils portoient les trompettes de la Renommée, sur les pendants desquelles on lisoit d’un costé en grosses lettres, <hi rend="i">Dieu sauve le Roy Tres-Chrestien</hi> ; &amp; de l’autre, <hi rend="i">Dieu, sauve le premier Baron Chrestien</hi>. Ces lettres sortoient de la bouche des trompettes, &amp; se lisoient dans les airs en caracteres de feu. Le Feu d’artifice que l’on avoit enfermé dans le Temple de la Gloire, par tous les endroits de la machine, fit un effet admirable, &amp; d’autant plus beau, que le Chasteau estant fort élevé, il fut apperceu de fort loin dans l’obscurité de la nuit. Ce ne fut ce mesme soir par toute la Ville que réjoüissances &amp; qu’Illuminations, tant la joye des peuples estoit grande.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-07b">
        <head><hi rend="i">Relation de la Bataille de Fleurus</hi>, juillet, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-07b_066" resp="wordpro">
          <head>[Vers sur la Bataille de Fleurus]*</head>
          <bibl><title>Relation de la Bataille de Fleurus</title>, juillet, 1690, p. 66-76.</bibl>
          <p>Je finis par quelques pieces de Poësie qui ont esté faites sur cette Victoire.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY,<lb />SONNET.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i"><seg>Que</seg> de <seg>prosperitez</seg> l’une à l’autre enchaisnées</hi></l>
              <l rend="i">Nous asseurent, Grand Roy, de la faveur des Cieux,</l>
              <l rend="i">Et que de tant d’Estats les complot, furieux</l>
              <l rend="i">Combattent vainement contre nos destinées !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Du sang des Ennemis tes Armes fortunées</l>
              <l rend="i">De la Sambre ont grossi le cours imperieux,</l>
              <l rend="i">La terreur que répand ton Nom victorieux,</l>
              <l rend="i">Va soumettre à tes Loix leurs Villes consternées.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> La Victoire nous suit sur l’Empire des Eaux,</l>
              <l rend="i">Ta Flotte a foudroyé leurs superbes Vaisseaux,</l>
              <l rend="i">De leur triste débris on voit la Mer converce.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">L’infidelle Albion fremit à <seg>nostre abord ;</seg></hi></l>
              <l rend="i">L’injuste Vsurpateur sent approcher sa perte,</l>
              <l rend="i">Et l’Aigle épouvantée attend le mesme sort.</l>
            </lg>
            <p><hi rend="sc">le Clerc</hi> de l’Academie Françoise.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Fiers Ennemis, il faut vous rendre,</l>
              <l rend="i">La Terre &amp; la Mer sont pour nous.</l>
              <l rend="i">Sur quel autre Element pourriez-vous vous défendre ?</l>
              <l rend="i">Dieu qui soutient Loüis, est le Maître de tous.</l>
            </lg>
            <p>Mlle de Soudery.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Rois, qui contre Loüis armez toute la Terre,</l>
              <l rend="i">Pour détruire un pouvoir dont vous estes jaloux,</l>
              <l rend="i">Tremblez, c’est Luxembourg qui lance son tonnerre,</l>
              <l rend="i">Et Valdee vous dira ce que pesent ses coups.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> LOVIS est toûjours glorieux</l>
              <l rend="i">Tant de Princes liguez pour luy faire la guerre</l>
              <l><hi rend="i">Ne sçauroient arrester <seg>son</seg> bras victorieux,</hi></l>
              <l rend="i"> Il sera Maistre de la Terre.</l>
              <l rend="i">Tous leurs projets sont vains, leur orgueil est soûmis,</l>
              <l rend="i"> Et cette éclatante Victoire</l>
              <l rend="i">Qu’il vient de remporter sur ses fiers Ennemis,</l>
              <l rend="i">Fait voir que leurs efforts ne servant qu’à sa gloire.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">De cent Princes liguez renverser les complots,</l>
              <l rend="i">Faire tout trembler sur les flots ;</l>
              <l><hi rend="i">Attaquant le <seg>Piedmont,</seg> triompher dans la Flandre,</hi></l>
              <l rend="i">Sont des faits jusqu’icy tout à fait inoüis ;</l>
              <l rend="i">La moitié suffiroit pour passer Alexandre,</l>
              <l rend="i">Mois le tout, quoy que grand, n’est pas trop pour Loüis.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> le Duc du Maine.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Jeune &amp; vaillant Heros, dont le noble courage</l>
              <l rend="i">Marque si bien le sang dont vous estes venu,</l>
              <l rend="i">Et que le fier Lion n’a que trop reconnu,</l>
              <l rend="i">Exposez moins toujours dans l’horreur du carnage.</l>
              <l rend="i">Prince, l’on vous a veu dans le beau Champ de Mars,</l>
              <l rend="i"> Affronter les plus grands hazards ;</l>
              <l rend="i"> Moderez l’ardeur qui vous presse,</l>
              <l rend="i">Dans la peur de tomber sous le poids de vos coups,</l>
              <l rend="i">Les Ennemis tremblent pour eux sans cesse,</l>
              <l rend="i"> Mais nous tremblons aussi pour vous.</l>
              <l rend="i"> Quand par un coup fatal des Parques,</l>
              <l rend="i"> Un Gouverneur tombe à vostre costé,</l>
              <l><hi rend="i">Et qu’un cheval sous vous d’un <seg>autre</seg> est emporté,</hi></l>
              <l rend="i"> Ce sont de trop certaines marques</l>
              <l rend="i">Du dangereux peril où vous avez esté.</l>
              <l rend="i"> Vous devez calmer nos allarmes,</l>
              <l rend="i">Vous n’en serez pas moins terrible aux Ennemis ;</l>
              <l rend="i"> Au pouvoir de vos armes</l>
              <l rend="i">  Ils sont déja soûmis.</l>
              <l rend="i"> Vous partagez une grande Victoire</l>
              <l rend="i"> Dans le plus fameux des Combats,</l>
              <l rend="i"> Vous aurez toûjours mesmes bras,</l>
              <l rend="i">Et vous avez paru si charmant à la gloire,</l>
              <l rend="i"> Qu’elle suivra par tout vos pas.</l>
            </lg>
            <p><seg>Diereville.</seg></p>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUX HOLLANDOIS,<lb />sur la défaite du Prince<lb />de Waldec.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Hé bien, Messieurs les Hollandois,</l>
              <l rend="i">Eprouvez-vous assez de LOVIS le tonnerre ?</l>
              <l rend="i">Vous le fuyez sur Mer, il vous défait sur Terre,</l>
              <l rend="i"> Par tout il vous donne des loix</l>
              <l rend="i">Vous estes mal servis, c’est un malheur étrange,</l>
              <l rend="i">Le Prince de VValdec en combattant pour vous,</l>
              <l rend="i"> Est un second Prince d’Orange,</l>
              <l rend="i"> Dans les Combats il fuit les coups.</l>
              <l rend="i"> On ne perd point avec eux de Batailles,</l>
              <l rend="i">La fuite fait toûjours le plus grand de leurs soins,</l>
              <l rend="i">Ces Heros n’ont jamais le cœur d’être témoins</l>
              <l rend="i"> De si terribles funerailles.</l>
              <l rend="i"> Quand pour des gens comme vous on combat,</l>
              <l rend="i"> Le courage aisément s’abbat,</l>
              <l rend="i"> Peut-on se piquer de bravoure ?</l>
              <l rend="i"> Si l’on mouroit dans ce noble transport,</l>
              <l rend="i"> On enrageroit d’estre mors,</l>
              <l rend="i"> Le meilleur est de sçavoir courre.</l>
              <l rend="i"> Reconnoissez vostre néant,</l>
              <l rend="i">Loüis a mis bien bas vostre Haute-Puissance ;</l>
              <l rend="i"> Venez implorer sa clemence,</l>
              <l rend="i"> Il est aussi-bon que puissant.</l>
            </lg>
            <p>Le mesme.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>A M<hi rend="sup">r</hi> LE MARECHAL,<lb />Duc de Luxembourg.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Une Victoire solemnelle</l>
              <l rend="i">Ramene la joye à la Cour,</l>
              <l rend="i">Et cette action immortelle</l>
              <l rend="i">Pour nostre bonheur renouvelle</l>
              <l><hi rend="i">Tous nos Heros en <seg>Luxembourg.</seg></hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cette victoire entiere &amp; pleine</l>
              <l rend="i">Conserve la France aujourd’huy.</l>
              <l rend="i">Honneur à ce grand Capitaine</l>
              <l rend="i">Condé son Cousin, &amp; Turenne,</l>
              <l rend="i">N’ont jamais mieux vaincu que luy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Je voudrois, fameux <seg>Luxembourg,</seg></hi></l>
              <l rend="i">Vous faire une Lettre aussi nette</l>
              <l rend="i">Que celle que vous avez faite</l>
              <l rend="i">Au Roy sur le cu d’un tambour.</l>
              <l rend="i">Tout le monde est pour vous gazette,</l>
              <l><hi rend="i">Et l’on ne parle <seg>que</seg> de vous.</hi></l>
              <l rend="i">Vostre salutaire Victoire</l>
              <l rend="i">Vous comble d’immortelle gloire :</l>
              <l rend="i">Ce coup est un des plus grands coups</l>
              <l rend="i">Qu’on puisse lire dans l’histoire,</l>
              <l rend="i">Vos Ancestres vous cedent tous.</l>
              <l rend="i">On admire vostre vaillance,</l>
              <l rend="i">Vostre esprit, &amp; vostre prudence :</l>
              <l rend="i">Vous estes par vostre grand cœur</l>
              <l rend="i">Nostre Heros Liberateur,</l>
              <l rend="i">Et moy, je suis avec toute la France</l>
              <l rend="i">Vostre tres-humble Serviteur.</l>
              <l rend="i">Celuy qui commande tes Gardes,</l>
              <l rend="i">Nostre vieil Amy Villevrard,</l>
              <l rend="i">Qui toûjours quand tu te hazardes</l>
              <l rend="i">Se montre intrepide &amp; gaillard,</l>
              <l rend="i">Te peut dire quel est Liniere,</l>
              <l rend="i">Quelle est sa vie, &amp; sa maniere.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i"><seg>Tu</seg> viens de combattre en Soldat,</hi></l>
              <l rend="i">Tu viens de vaincre en Capitaine.</l>
              <l rend="i">Tu fais plus, Luxembourg ; par ce fameux Combat</l>
              <l rend="i">Tu consoles Louis de la mort de Turenne.</l>
            </lg>
            <p><hi rend="sc">Boyer,</hi> de l’Academie Françoise.</p>
          </quote>
          <quote>
            <label>AUTRE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Luxembourg, un chacun t’éleve,</l>
              <l rend="i">A ta valeur tout à cedé ;</l>
              <l rend="i">Ainsi l’on te voit de Condé</l>
              <l rend="i">L’illustre &amp; digne Eleve.</l>
            </lg>
            <p><hi rend="sc">l’Abbé Martinet</hi>.</p>
          </quote>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-08">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, août, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_007" resp="wordpro">
          <head>[Vers qui ont remporté le Prix de l’Académie d’Angers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 7-18.</bibl>
          <p>On voit aujourd’huy ce qu’on n’a point veu dans les autres Siecles. Les merveilles de la vie du Roy sont si surprenantes &amp; en si grand nombre, qu’elles sont l’objet de toutes les actions publiques, &amp; fournissent sans cesse des sujets nouveaux aux Academies de France pour les ouvrages d’esprit qu’elles proposent. Celle d’Angers avoit donné pour sujet de prose, le discernement de ce grand Monarque, touchant le choix qu’il a fait des personnes ausquelles il a confié l’éducation de Monseigneur le Duc de Bourgogne, &amp; le prix a esté remporté par M<hi rend="sup">r</hi> de la Grange, Avocat au Parlement. Celuy de Vers estoit la protection que donne Sa Majesté au Roy d’Angleterre. Comme il n’y a rien de plus genereux, vous serez sans doute bien-aise de voir comment M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Maumenet a traité cette matiere. C’est luy qui a merité le prix de Poësie, &amp; voicy la piece qui l’a remporté.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA PROTECTION<lb />Que le Roy donne à Sa<lb />Majesté Britannique.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Dans les champs ennemis</l>
              <l rend="i">LOVIS couvert de gloire</l>
              <l rend="i">Eut à peine achevé le cours de sa victoire,</l>
              <l rend="i">Qu’immolant à Dieu seul la force de son bras</l>
              <l rend="i">Il vint chasser l’Erreur du sein de ses Etats.</l>
              <l rend="i">Elle cede à ses coups, &amp; le cœur plein de rage,</l>
              <l rend="i">N’épargnons point, dit-elle, un Prince qui m’outrage,</l>
              <l rend="i">Desarmée, &amp; contrainte à quitter ces beaux lieux,</l>
              <l rend="i">Où j’ay sceu résister à ses puissans Ayeux,</l>
              <l rend="i">Allons pour luy livrer une cruelle guerre,</l>
              <l><hi rend="i">Exciter la Hollande, &amp; la fiere Angleterre,</hi></l>
              <l rend="i">Et dans tous les climats à mon culte soumis,</l>
              <l rend="i">Armer en ma faveur mille bras ennemis.</l>
              <l rend="i">Ceux mesme dont la foy s’oppose à mes maximes,</l>
              <l rend="i">Uniront contre luy leurs couroux legitimes,</l>
              <l rend="i">Et dans cette union trouvant un ferme appuy,</l>
              <l rend="i">Je braveray bien-tost qui me brave aujourd’huy.</l>
              <l rend="i">C’est ainsi qu’elle parle, &amp; soudain la perfide</l>
              <l rend="i">Porte au cœur d’un Tiran sa fureur parricide,</l>
              <l rend="i">Le flate avec adresse, &amp; l’anime à tenter</l>
              <l rend="i">Le plus noir des forfaits qu’elle osa projetter.</l>
              <l rend="i">Prince, à qui mes Autels sont plus chers que ta vie,</l>
              <l rend="i">Dit-elle, tu me vois par deux Rois poursuivie.</l>
              <l rend="i">L’un a déja soumis au Pontife Romain</l>
              <l rend="i">De fidelles Sujets élevez dans mon sein ;</l>
              <l rend="i">Et l’autre s’assurant d’imiter ses exemples,</l>
              <l rend="i">S’appreste à renverser mes Autels &amp; mes Temples,</l>
              <l rend="i">Mais son Peuple constant à me garder la foy,</l>
              <l rend="i">D’un si foible ennemi n’écoute plus la loy.</l>
              <l rend="i">Profite du moment où ton ardeur guerriere</l>
              <l rend="i">Peut se frayer au Trône une illustre carriere ;</l>
              <l rend="i">A seconder tes soins mon zele est préparé,</l>
              <l rend="i">Et j’ose t’en promettre un succés assuré.</l>
              <l rend="i">Ne crains pas d’attenter sur les droits d’un Beau-pere ;</l>
              <l rend="i">Où je parle, la loy, le sang, tout se doit taire,</l>
              <l><hi rend="i">Et quand de mes Autels l’honneur est combatu,</hi></l>
              <l rend="i">La violence est juste, &amp; le crime est vertu.</l>
              <l rend="i">Il écoute, &amp; rempli d’une secrete joye,</l>
              <l rend="i">A de si noirs conseils son cœur se livre en proye,</l>
              <l rend="i">Et moins vaillant Guerrier, que Prince scelerat,</l>
              <l rend="i">Il se montre au complot plus adroit qu’au combat.</l>
              <l rend="i">Que vois-je, ô Dieu ! déja sa fureur inhumaine</l>
              <l rend="i">Détrône son Beau-pere, &amp; poursuit une Reine,</l>
              <l rend="i">Qui les larmes aux yeux fuyant avec son Fils,</l>
              <l rend="i">Vient chercher un asile en l’Empire des Lis.</l>
              <l rend="i">A quel excés de maux les verroit-on en bute,</l>
              <l rend="i">Ces Princes malheureux qu’un Tiran persecute,</l>
              <l rend="i">Si le plus grand des Rois sensible leurs malheurs,</l>
              <l rend="i">N’en eust par mille soins adoucy les rigueurs ?</l>
              <l rend="i">LOVIS, dont les vertus ne sont jamais steriles,</l>
              <l rend="i">Ne borne point son zele à des vœux inutiles,</l>
              <l rend="i">Il passe en mesme temps des discours aux effets,</l>
              <l rend="i">En formant des soupirs il répand des bienfaits.</l>
              <l rend="i">Luy seul de tous les Rois que l’Europe nous vante,</l>
              <l rend="i">Leur tend dans la disgrace une main caressante,</l>
              <l><hi rend="i">Leur offre son Palais, ses tresors, ses Soldats,</hi></l>
              <l rend="i">Et semble partager avec eux ses Etats.</l>
              <l rend="i">Qui peut voir sans l’aimer ce Vainqueur magnanime,</l>
              <l rend="i">Cedant aux doux transports dont sa bonté l’anime,</l>
              <l rend="i">Mettre à les consoler l’éclat de ses grandeurs,</l>
              <l><hi rend="i">Et s’affliger luy-mesme en essuyant leurs pleurs ?</hi></l>
              <l rend="i">Certes, ou je me trompe, ou jamais la Victoire,</l>
              <l rend="i">Loüis, n’a sur ton front fait briller tant de gloire,</l>
              <l rend="i">Quand fidelle à te suivre en cent combats divers,</l>
              <l rend="i">On la vit sur tes pas alarmer l’Univers.</l>
              <l rend="i">Au bruit de cent exploits dignes de ta vaillance,</l>
              <l rend="i">Nos esprits admiroient l’effet de ta vengeance,</l>
              <l rend="i">Mais quand ton bras soutient des Princes opprimez,</l>
              <l rend="i">Nos cœurs &amp; nos esprits également charmez</l>
              <l rend="i">Admirent encor plus cette tendresse extrême,</l>
              <l rend="i">Qui comble de bienfaits un Roy sans Diadème ;</l>
              <l rend="i">Et c’est pour nous, grand Prince, un spectacle plus doux</l>
              <l rend="i">Que celuy des bienfaits que tu répans sur nous ;</l>
              <l rend="i">Plus que nos interests ta gloire nous est chere.</l>
              <l rend="i">Digne exemple des Rois, tu veux estre leur Pere.</l>
              <l rend="i">Quel sort plus glorieux, que toy seul aujourd’huy</l>
              <l rend="i">Sois de leurs droits sacrez l’ornement &amp; l’appuy !</l>
              <l rend="i">Mais que sera-ce un jour, quand loin du bruit des armes</l>
              <l rend="i">La foy des saints Autels étalera ses charmes,</l>
              <l rend="i">Et qu’à tous les mortels cette Fille des Cieux</l>
              <l rend="i">Fera de tes vertus le récit glorieux ?</l>
              <l rend="i">Alors ils apprendront de sa bouche immortelle,</l>
              <l rend="i">Qu’en combattant pour nous tu combattis pour elle,</l>
              <l rend="i">Et que ton bras vainqueur défendit à la fois</l>
              <l rend="i">Le Sceptre, les Autels, la Nature &amp; les Loix.</l>
              <l rend="i">Peuples, s’écrira-t-elle, &amp; vous, sçavans Orphées,</l>
              <l rend="i">Vous ne luy dressez point d’assez dignes trophées.</l>
              <l rend="i">Je vais graver moy mesme au celeste sejour,</l>
              <l rend="i">Ce qu’il m’a témoigné de tendresse &amp; d’amour.</l>
              <l rend="i">Surpris à cet aspect le Germain infidelle</l>
              <l rend="i">Verra son front couvert d’une honte éternelle,</l>
              <l rend="i">Et tomber pour jamais les superbes lauriers</l>
              <l rend="i">Dont n’aguere il a vû couronner ses Guerriers.</l>
              <l rend="i">Vainqueur de l’Ottoman, quand tout le favorise,</l>
              <l rend="i">A de vils interests il immole l’Eglise ;</l>
              <l rend="i">Vu fier Vsurpateur, un Fils dénaturé,</l>
              <l rend="i">Loin d’attirer sa haine, en est plus reveré.</l>
              <l rend="i">Prens ta foudre, LOVIS, marche où la Foy te guide,</l>
              <l rend="i">Remporte en la suivant un triomphe solide,</l>
              <l rend="i">Et rappelle bien-tost les douceurs de la Paix.</l>
              <l rend="i">Que l’Europe sans toy ne reverroit jamais.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_019a" resp="wordpro">
          <head>Priere pour le Roy</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 19.</bibl>
          <quote>
            <label>PRIERE POUR LE ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Seigneur, je viens aux pieds de tes sacrez Autels,</l>
              <l rend="i">T’invoquer en faveur du plus grand des mortels ;</l>
              <l rend="i">Quand il s’arma pour nous, tu soûtins sa vaillance.</l>
              <l rend="i">Aujourd’huy que la gloire est son unique objet,</l>
              <l><hi rend="i">Que du Trosne &amp; du sang son bras prend la défense,</hi></l>
              <l rend="i">Seigneur, benis encore un si juste projet,</l>
              <l rend="i">Et rien ne sçauroit mieux signaler ta puissance.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_019b" resp="wordpro">
          <head>Priere pour le Roy tirée des Pseaumes du Roy Prophete</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 19-25.</bibl>
          <p>Le Roy est si tendrement aimé de ses Sujets, que je croy qu’il n’y en aura aucun qui n’entre avec une forte ardeur dans le sentiment de celuy qui a composé cette autre Priere. Elle est toute de versets des Pseaumes, &amp; l’Auteur explique d’abord son dessein par celuy-cy.</p>
          <p><hi rend="i">Mon cœur pousse avec ardeur la parole sainte. C’est pour le Roy que je compose ce Cantique</hi>. Ps. 44. v. 1.</p>
          <quote>
            <label>PRIERE POUR LE ROY,<lb />tirée des Pseaume du Roy<lb />Prophete.</label>
            <p><hi rend="i">Que le Seigneur vous exauce au jour de l’affliction ; que le Dieu de Jacob vous protege</hi>. Ps. 19. 1.</p>
            <p><hi rend="i">Le Seigneur est celuy qui vous garde ; le Seigneur vous couvre de son ombre ; c’est luy qui vous tient par la main</hi>. Ps. 120. 5.</p>
            <p><hi rend="i">C’est luy seul qui vous délivrera de tous vos Ennemis, &amp; il ne permettra pas que leur entreprise soit contraire à vos desseins</hi>. 45. 1.</p>
            <p><hi rend="i">Vous accomplirez les desirs de son cœur, &amp; vous ne rejetterez point les prieres qu’il vous offre</hi>. 20. 2.</p>
            <p><hi rend="i">Il se rejoüira, Seigneur, dans vostre force, &amp; quelle satisfaction ne ressentira-t’il pas de la protection qu’il reçoit de vous</hi> ? 20. 1.</p>
            <p><hi rend="i">Que ses Ennemis n’ayent point de droit sur luy, &amp; que le méchant ne puisse jamais luy faire aucun mal</hi>. Ps. 88. 22.</p>
            <p><hi rend="i">Seigneur, faites maintenant prosperer le regne de nostre Roy. Que vostre main luy preste secours, &amp; que vostre bras le fortifie</hi>. 117. 24.</p>
            <p><hi rend="i">O Monarque invincible, vôtre main se fera sentir à tous vos Ennemis, &amp; le Seigneur vous élevera au dessus de tous les Rois de la Terre</hi>. 20. 8.</p>
            <p><hi rend="i">Que les Nations soient émeües tant qu’elles voudront, il n’y a point de force capable de l’ébranler, parce que la main du Seigneur est son bouclier, &amp; qu’il est en la garde du Saint d’Israël</hi>. 45. 6.</p>
            <p><hi rend="i">Vostre protection l’a mis dans un grand éclat, &amp; vous l’avez comblé d’honneur &amp; de gloire</hi>. 20. 5.</p>
            <p><hi rend="i">Le Seigneur des Armées soit avec vous ; le Dieu de Jacob soit vostre forteresse &amp; vostre défense</hi>. 45. 7.</p>
            <p><hi rend="i">Nous vous souhaitons les benedictions du Seigneur ; le Seigneur est le Tout-puissant ; c’est luy qui vous protegera</hi>. 117. 25.</p>
            <p><hi rend="i">Vous aimez la justice, vous haïssez l’iniquité, c’est pourquoy le Seigneur vous a sacré d’une huile de joye, d’une maniere plus excellente que tous ceux qui vous ont precedé</hi>. 44. 9.</p>
            <p><hi rend="i">Ajoûte, Seigneur, jour sur jour à la vie de nostre Roy, &amp; que la suite de ses années soit d’une longue durée</hi>. 60. 6.</p>
            <p><hi rend="i">Seigneur conservez sa Famille pour toûjours, &amp; que la durée de son Trône dure autant que tous les siecles à venir</hi>. 88. 29.</p>
            <p><hi rend="i">Seigneur, vous estes tout plein de bonté, défendez nostre cause contre ceux qui nous tourmentent, combattez ceux qui nous font la guerre</hi>. 34. 1.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_025" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal de Perrault]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 25-26.</bibl>
          <p>La France ne peut manquer d’estre heureuse, puis que le Roy paroist satisfait du zele de ses Sujets. C’est sur cela que M<hi rend="sup">r</hi> Perrault, de l’Academie Françoise, a fait le Madrigal que vous allez lire.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> LOVIS, quand la Hollande &amp; la fiere Angleterre</l>
              <l rend="i">Ont flechy sous les coups de ton puissant tonnerre</l>
              <l rend="i">Et que toute l’Europe en a tremblé d’effroy,</l>
              <l rend="i">Tu dis que ton bonheur vient d’avoir sous ta loy</l>
              <l rend="i"> Le meilleur Peuple de la terre.</l>
              <l rend="i">Ah, combien dans le temps d’une si rude guerre,</l>
              <l rend="i">Sommes-nous plus heureux d’avoir un si grand Roy !</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_026" resp="wordpro">
          <head>[Prix remportez aux Jeux Floreaux de Toulouse]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 26.</bibl>
          <p>J’oubliay le mois passé de vous dire, qu’on a celebré cette année les Jeux Floraux à Toulouse selon la coûtume, &amp; que M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé d’Aussonne, Frere de M<hi rend="sup">r</hi> d’Aussonne, Avocat General dans le Parlement de Languedoc, &amp; M<hi rend="sup">rs</hi> Gay &amp; Pagés y ont remporté les Fleurs.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_028" resp="wordpro">
          <head>Les Lions et l’Aigle</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 28-33.</bibl>
          <p>La Fable qui suit est trop du temps pour ne vous l’envoyer pas. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> Nault, qui avoit l’honneur d’estre du Conseil de feu Monsieur le Prince.</p>
          <quote>
            <label>LES LYONS ET L’AIGLE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Cinq Lions ennemis des douceurs de la Paix,</l>
              <l rend="i"> Ne voulurent plus desormais</l>
              <l rend="i">Demeurer enfermez dans leurs sombres tanieres,</l>
              <l rend="i">Et jaloux des grandeurs &amp; des verus guerrieres</l>
              <l rend="i">Du plus grand Potentat qui soit dans l’Univers ;</l>
              <l rend="i"> Il va nous mettre dans les fers,</l>
              <l rend="i"> Dirent-ils, si tous cinq ensemble</l>
              <l rend="i"> Par la gloire qui nous assemble</l>
              <l rend="i"> Nous ne liguons les plus fiers animaux</l>
              <l rend="i">Pour aller desoler son peuple &amp; ses troupeaux.</l>
              <l rend="i"> Ce Prince que le monde adore,</l>
              <l rend="i"> Et qui, d’où se leve l’Aurore</l>
              <l rend="i"> Jusques au coucher du Soleil,</l>
              <l rend="i">Ne sçauroit trouver son pareil,</l>
              <l rend="i"> Regne sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i">Ravage &amp; détruit tout le monde,</l>
              <l rend="i"> Brûle sur les rives du Rhin</l>
              <l rend="i"> Les Provinces du Palatin,</l>
              <l rend="i"> Et bien-tost mesme la Baviere,</l>
              <l rend="i">Si nous ne prenons soin d’y mettre quelque fin,</l>
              <l rend="i"> A ses exploits servira de matiere.</l>
              <l rend="i">Appellons avec nous les Loups, les Leopards,</l>
              <l rend="i">Hurlons &amp; rugissons, courons de toutes parts,</l>
              <l rend="i">Et si nous le pouvons, excitons le tonnerre</l>
              <l rend="i">A luy faire avec nous une sanglante guerre.</l>
              <l rend="i">Peut-estre qu’attaqué par de tels ennemis,</l>
              <l rend="i">Nous verrons qu’à son tour il nous sera soumis.</l>
              <l rend="i">Un dessein genereux, quoy qu’il soit témeraire,</l>
              <l rend="i">A souvent du bonheur sur le party contraire.</l>
              <l rend="i">La révolte est concluë, &amp; d’un commun accord</l>
              <l rend="i">Du passage du Rhin l’un d’entre-eux se fait fort ;</l>
              <l rend="i">L’autre dit ; &amp; pour moy, je porteray la guerre</l>
              <l rend="i">Jusques au Souverain des Etats d’Angleterre,</l>
              <l rend="i">L’autre ; j’irriteray les Princes d’alentour.</l>
              <l rend="i">Les derniers ; &amp; pour nous, ravageant tour à tour</l>
              <l rend="i">Les lieux qui sont icy les témoins de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Nous en effacerons à jamais la memoire,</l>
              <l rend="i">Ils cabalent tous cinq, &amp; sur ce fol espoir,</l>
              <l rend="i"> Par tout où s’étend leur pouvoir,</l>
              <l rend="i"> Ils excitent divers orages.</l>
              <l rend="i">D’une mer en fureur ils passent les rivages.</l>
              <l rend="i">Tout suit de leurs desseins l’injuste emportement,</l>
              <l rend="i">Rien de plus fortuné pour un commencement.</l>
              <l rend="i">Dés le premier exploit l’un détrône un Monarque,</l>
              <l rend="i"> Mais dans les decrets de la Parque,</l>
              <l rend="i">  Il estoit destiné</l>
              <l rend="i">  Que le Coq de la France</l>
              <l rend="i">Par tout de leurs projets confondroit l’arrogance,</l>
              <l rend="i">Et que par le fameux Heros du Dauphiné</l>
              <l rend="i"> On châtieroit le party mutiné.</l>
              <l rend="i"> Ainsi le Lion d’Austrasie</l>
              <l rend="i">Au premier chant du Coq meurt de paralisie.</l>
              <l rend="i"> Les autres fuyant dans leurs trous</l>
              <l rend="i"> Tâchent d’éviter son couroux.</l>
              <l rend="i"> Mais de l’Aigle l’audace extrême</l>
              <l rend="i">  Veut s’en mêler de mesme,</l>
              <l rend="i"> Et dit ; je porteray des coups</l>
              <l rend="i">  Qu’on ne pourra me rendre.</l>
              <l rend="i">  Le Soleil sans attendre</l>
              <l rend="i">Qu’elle eust entierement achevé son discours,</l>
              <l rend="i">D’un projet insolent veut arrester le cours.</l>
              <l rend="i">Il assemble ses feux sur cette Aigle legere,</l>
              <l rend="i">Qui voulant se guinder auprés de sa lumiere,</l>
              <l rend="i">  Sentit pour son malheur</l>
              <l rend="i"> La plus forte &amp; cuisante ardeur.</l>
              <l rend="i">Ses cris parmy les airs le firent bien connoistre.</l>
              <l rend="i">Ah, dit-elle, pourquoy s’adresser à son Maistre ?</l>
              <l rend="i">Apprenez, ô Mortels, par ma mourante voix,</l>
              <l rend="i">Que tout doit obeir à l’Empire François.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_033" resp="wordpro">
          <head>Virelay</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 33-35.</bibl>
          <p>Les avantages que le Roy a remportez sur terre &amp; sur mer par les deux grandes Batailles que M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal Duc de Luxembourg, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> le Comte de Tourville ont gagnées le mois passé, ont donné lieu a quantité d’ouvrages de Vers, que l’abondance des nouvelles importantes dont j’ay à vous faire part ne me permet pas d’employer dans cette Lettre. Ainsi je me contente de vous envoyer un Virelay que M<hi rend="sup">r</hi> Marcel a fait sur ces deux Victoires. Le fameux M<hi rend="sup">r</hi> Dambruys y a fait un Air en Vaudeville.</p>
          <quote>
            <label>VIRELAY.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Qu’on chante à la Cour, à la Ville,</l>
              <l rend="i">Vive Luxembourg, &amp; Tourville !</l>
              <l rend="i">Qu’on chante à la Ville, à la Cour,</l>
              <l rend="i">Vive Tourville, &amp; Luxembourg !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Luxembourg plus vaillant qu’Achille</l>
              <l rend="i">Défit nos Ennemis par mille,</l>
              <l rend="i">Et le fier Tourville à son tour,</l>
              <l rend="i">Sur les eaux fait le Luxembourg.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Qu’on chante à la Cour, &amp;c.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_045" resp="mercure">
          <head>[Lettre contenant un détail de la reception faite à la Porte à M. de Chateauneuf, Ambassadeur de France]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1690, p. 45-50.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Samedy Saint 25. Mars, Mr l'Ambassadeur eut son audience publique du Grand Visir, qui l'envoya prendre la matin à son Palais par deux de ses premiers Officiers, &amp; pour luy marquer l'estime qu'il en faisoit, il luy fit mener quarante chevaux. Ce sont dix de plus que de coûtume. L'Aga &amp; les quatre Janissaires de son Excellence commencerent la marche. Sa Maison suivit, le Maistre d'Hôtel estant à la teste de quatre Valets de Chambre, de vingt-deu Valets de pied habillez d'écarlate avec un grand galon d'or. On voyoit ensuite une Chaise à porteurs fort magnifique, les Carrosses n'estant point d'usage en ce Pays-cy, &amp; six chevaux de main en housses brodées d'or, conduits par autant de Palfreniers vestus à la Grecque. Huit Drogmans ou Interpretes precedoient Mr l'Ambassadeur, qui par son air agreable &amp; sa bonne mine attiroit sur luy les yeux d'une infinité de peuple, dont toutes les ruës étoient bordees. L'Ambassadeur de Hollande estoit dans une maison derriere une Jalousie, d'où il nous voyoit passer sans estre veu. Environ cinquante hommes à cheval, parmy lesquels se trouverent les principaux de la Nation Françoise, fermoient cette marche. Deux Compagnies de Janissaires estoient rangées en haye devant la Maison du Grand Visir, &amp; toute sa Cour estoit à la Chambre d'Audience pour y recevoir Mr l'Ambassadeur. Le Grand Visir y entra presque dans le mesme temps par une autre porte, &amp; ces deux Ministres s'estant saluez reciproquement, s'assirent sur deux tabourets semblables, placez vis à vis l'un de l'autre sur le Sofa. On ne parla point d'affaires dans cette premiere audience, qui est toûjours courte, &amp; qui ne se passe qu'en complimens. Mr de Châteauneuf remit la Lettre du Roy entre les mains du Visir, qui le receut avec de grandes marques de respect. Elle estoit dans une bourse de satin cramoisy. Cela estant fait, on apporta les rafraîchissemens ordinaires de confitures, de Sorbets, de Caffé, &amp; de parfums d'ambre. Le tout fut servi également à ces deux Ministres, &amp; ensuite on presenta une veste fort riche à Mr l'Ambassadeur, &amp; on en distribua trente autres à ceux de sa suite qui furent appellez par un Drogman. Aprés qu'il eut pris congé du Grand Visir, il s'en retourna à son Palais dans le mesme ordre qu'il estoit venu, &amp; il y trouva trente Joüeurs d'Instrumens de ce Ministre, Hautbois, Flûtes, Trompettes, Timbales, Psalterions, &amp; autres, qui s'accordoient tous si bien, que cette Musique nous parut fort agreable.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_072" resp="mercure">
          <head>[Réjoüissances faites en plusieurs Villes du Royaume, pour les Victoires reportées sur terre &amp; sur mer par les Armées de Sa Majesté]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1690, p. 72-87.</bibl>
          <p/>
          <p>Il n'y a point de Ville dans le Royaume où l'on n'ait fait des réjoüissances pour les Victoires remportées sur terre &amp; sur mer par les Armées de Sa Majesté. Je vous parleray seulement de quelques unes, ne pouvant grossir ma Lettre de ces sortes de Relations, à cause des Nouvelles indispensables qui doivent y trouver place. La Ville de Nevers donna des marques de sa joye le 20 du mois passé par un feu d'artifice dressé dans la Place Ducale, auquel Mr Daquin, Intendant de la Province, mit le feu, à la teste des Echevins. Le Te Deum avoit esté chanté auparavant dans la Cathedrale de Saint Cir, par Mr l'Evesque &amp; son Chapitre en presence de tous les Corps de la Ville, &amp; de plusieurs Religieux de chaque Convent. [...]</p>
          <p>Le 23. du  mesme mois, on donna à Noyon les mesmes marques de joye. [...]</p>
          <p>Un peu avant que l'on allumast le feu, les quatre Compagnies des quartiers estant arrivées sur la Place, Mrs Sezille &amp; Martine, premier &amp; second Echevin, se rendirent à l'Evesché, pour accompagner Messire François de Clermont, Abbé de Tonnerre, Grand-Vicaire de ce Diocese, &amp; Neveu de Mr l'Evesque de Noyon, invité par Mrs de Ville à cette ceremonie. Il fut receu à la premiere porte de l'Hostel de Ville par Mr Bellot Maire, &amp; par Mrs Casse &amp; de Targuy, Echevins, &amp; monta à la Chambre de Ville [...] ; aprés quoy la marche se fit en cet ordre. Les Gardes du Gouvernement &amp; Sergens de Ville, tenant chacun un flambeau allumé, estoient precedez des Violons, &amp; autres Instrumens, &amp; ensuite Mr le Grand-Vicaire en manteau long marchoit seul. [...]</p>
          <p>On ne s'est pas montré moins zelé à Chalons en Champagne. Tous les Corps de la Ville se trouverent au Te Deum qui fut chanté par Mr l'Evesque dans l'Eglise Cathedrale ; aprés quoy celuy de Ville ayant ce Prelat à sa teste, se rendit dans la Place publique, &amp; mit le feu à un artifice que l'on y avoit dressé. Cela se fit au bruit des Hautbois &amp; des Trompettes, &amp; de la décharge generale de la Mousqueterie des Bourgeois. Ils firent des feux dans toutes les ruës, &amp; les fontaines de vin coulerent pendant tout le jour. [...]</p>
          <p>Les Communautez n'ont pas esté moins ardentes à faire voir la part qu'elles prennent à l'heureux succés des armes de Sa Majesté. Les Benedictins de Seez en Normandie, en ont donné un exemple. Ils chanterent le Te Deum le 25. de Juillet avec beaucoup de solemnité, &amp; cette feste fut annoncée le jour precedent par le bruit des Canons &amp; par le carrillon de toutes leurs cloches qui sont en grand nombre. [...] Aprés qu'on eut rendu graces à Dieu des avantages que nous avons remportez, on alla en procession allumer un feu dressé devant le parvis de l'Eglise. le bruit du Canon, des Tambours &amp; des Trompettes, répondoit aux Violons &amp; au carrillon des Cloches. La réjoüissance se termina par une Collation qu'on donna aux hommes dans le Monastere, &amp; aux Dames dans une Maison d'emprunt. On fit une grande distribution de pain &amp; de vin au peuple, &amp; les Pauvres ne furent point oubliez.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_087" resp="wordpro">
          <head>[Le Moineau et la Linote, Fable]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 87-100.</bibl>
          <p>L’amour est difficile à cacher, &amp; souvent tout ce qu’on fait pour empescher qu’il ne soit connu, ne sert qu’à le faire mieux paroistre. L’inutile precaution de la Linote dans la Fable que vous allez lire en est une preuve. Elle m’a esté envoyée de Poitou sous le nom du <hi rend="i">Pastor Fido.</hi></p>
          <quote>
            <label>LE MOINEAU<lb />ET LA LINOTE.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Dans une agreable Voliere</l>
              <l rend="i"> Où l’on voit cent Oiseaux divers,</l>
              <l rend="i">Qui de mille chansons font retentir les airs</l>
              <l rend="i"> D’une ravissante maniere,</l>
              <l rend="i"> Se trouvoit un jeune Moineau,</l>
              <l rend="i"> Qui dédaignant tous ceux de son espece</l>
              <l rend="i"> Epris par un instinct nouveau,</l>
              <l rend="i"> D’une Linote qui le blesse,</l>
              <l rend="i"> Prés d’elle voltigeoit sans cesse</l>
              <l rend="i"> Et tâchoit de paroistre beau,</l>
              <l rend="i">Afin qu’elle voulust devenir sa Maîtresse.</l>
              <l rend="i"> La Linote de son costé</l>
              <l rend="i"> Que le mesme panchant entraine,</l>
              <l rend="i">Partageant en secret son amoureuse peine</l>
              <l rend="i"> N’affecte point de cruauté.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ainsi ces deux Oiseaux de differente espece</l>
              <l rend="i">Se prennent par le cœur avecque tant d’amour</l>
              <l rend="i"> Qu’il ne se passe point de jour</l>
              <l rend="i">Que contraints de ceder à l’ardeur qui les presse,</l>
              <l rend="i"> Ils ne se donnent tour à tour</l>
              <l rend="i"> Quelque marque de leur tendresse.</l>
              <l rend="i"> La Linote hait les Linots</l>
              <l rend="i"> Et si quelqu’un d’eux se presente,</l>
              <l rend="i"> Elle luy dit, quelque doux air qu’il chante,</l>
              <l rend="i"> Qu’il l’importune &amp; trouble son repos,</l>
              <l rend="i">Et sans l’heureux Moineau, rien ne la rend contente.</l>
              <l rend="i"> Elle voudroit tirliter comme luy,</l>
              <l rend="i"> Et le Moineau, siffler comme elle.</l>
              <l rend="i">Si l’un de son jargon fait leçon aujourd’huy,</l>
              <l rend="i">Demain l’autre du sien en fait une nouvelle.</l>
              <l rend="i"> En s’instruisant ainsi tous deux,</l>
              <l rend="i"> A toute heure de leur ramage,</l>
              <l rend="i"> Ils font un inconnu langage</l>
              <l rend="i">Qui leur sert à couvrir leurs secrets amoureux,</l>
              <l rend="i"> Et que personne n’entend qu’eux.</l>
              <l rend="i"> Assez long-temps par cette adresse</l>
              <l rend="i"> Leurs feux avoient esté cachez.</l>
              <l rend="i">De tout ce qu’ils sentoient ils se parloient sans cesse,</l>
              <l rend="i">Sans que jamais témoin les en eust empeschez ;</l>
              <l rend="i"> Mais l’amour, quand il est extrême,</l>
              <l rend="i"> Bien souvent se trahit luy-mesme.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Un jour estant dans un reduit</l>
              <l rend="i"> Où les amene leur tendresse,</l>
              <l rend="i">Eloignez des oiseaux, n’entendant aucun bruit,</l>
              <l><hi rend="i">Chacun d’eux se dispose à se faire carresser.</hi></l>
              <l rend="i"> Le Moineau sans retardement</l>
              <l rend="i"> Prés la Linote bat des aisles,</l>
              <l rend="i"> Et luy jure amoureusement</l>
              <l rend="i"> Que ses ardeurs seront fidelles.</l>
              <l rend="i">Aprés qu’elle a receu ce tendre compliment,</l>
              <l rend="i"> Ce sont promesses mutuelles</l>
              <l rend="i"> De s’aimer éternellement.</l>
              <l rend="i"> Rien n’approchoit de leur contentement,</l>
              <l rend="i"> Quand une Linote perchée</l>
              <l rend="i">Sous un feüillage épais qui la tenoit cachée,</l>
              <l rend="i"> Ayant entendu leurs discours ;</l>
              <l rend="i">Ah, dit-elle, peut-on croire ce qui se passe ?</l>
              <l rend="i"> Une Linotte avoir l’ame si basse</l>
              <l rend="i"> Qu’un Moineau soit l’objet de ses amours !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> D’un reproche si dur la pauvreté accablée</l>
              <l rend="i"> Demeure interdite &amp; troublée.</l>
              <l rend="i"> De sa Compagne elle craint le caquet,</l>
              <l rend="i">Et de peur qu’elle n’aille ailleurs faire une histoire</l>
              <l rend="i"> Qui luy pourroit attirer un bouquet</l>
              <l rend="i"> De méchante odeur pour sa gloire,</l>
              <l rend="i"> Elle veut par precaution</l>
              <l rend="i">Semer des bruits qui ressentent la fable,</l>
              <l rend="i"> Pour donner à sa passion</l>
              <l rend="i"> Un tour qui luy soit favorable.</l>
              <l rend="i">Elle court aux endroits ou d’un commun concours</l>
              <l rend="i"> Les oiseaux se trouvent ensemble.</l>
              <l rend="i">Là d’un air asseuré, sans que la voix luy tremble,</l>
              <l rend="i"> Elle leur fait en riant ce discours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ecoutez, Linots &amp; Linotes,</l>
              <l rend="i"> Gruans, Pinçons, Chardonnerets,</l>
              <l rend="i"> Rossignols, Tarins, soyez prests</l>
              <l rend="i">A celebrer mon nom sur vos plus belles notes,</l>
              <l rend="i">Puis que par un dessein surprenant &amp; nouveau</l>
              <l rend="i"> Que je me suis mis en la teste,</l>
              <l rend="i"> J’ay fait aujourd’huy la conqueste</l>
              <l rend="i">Du plus beau des objets, c’est un jeune Moineau</l>
              <l rend="i"> Qui pour me plaire à tout s’appreste.</l>
              <l rend="i">Depuis quelques momens une folastre Sœur</l>
              <l rend="i"> M’en vient de faire le reproche,</l>
              <l> <hi rend="i">Et pretend que quand il m’aproche</hi></l>
              <l rend="i"> Il me fait palpiter le cœur.</l>
              <l rend="i"> Il est vray qu’elle a pû m’entendre,</l>
              <l rend="i">Luy dire en badinant sur ses fades douceurs</l>
              <l rend="i">Que j’aimois à luy voir un cœur facile à prendre,</l>
              <l rend="i">Mais moy, que je réponde à ses folles ardeurs,</l>
              <l rend="i"> O l’avantageuse partie,</l>
              <l rend="i"> Et que le sujet seroit beau !</l>
              <l rend="i">Admirez entre vous l’étroite simpatie</l>
              <l rend="i">Du cœur d’une Linote &amp; du cœur d’un Moineau.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> A ces mots dits d’une voix fiere,</l>
              <l rend="i">Pleine de confiance elle sort en chantant ;</l>
              <l rend="i">Mais les Oiseaux pensant à fond sur la matiere</l>
              <l rend="i"> En jugent d’une autre maniere</l>
              <l rend="i"> Que la Linote ne l’entend.</l>
              <l rend="i">Chacun reflechissant sur les choses passées</l>
              <l rend="i">Sans se contraindre en rien explique ses pensées.</l>
              <l rend="i"> L’un dit qu’il les a veus souvent</l>
              <l rend="i">Dans des lieux retirez se parler en cachette ;</l>
              <l rend="i">L’autre qu’il les a veus l’un l’autre se suivant,</l>
              <l rend="i"> Et percher sur mesme buchette.</l>
              <l rend="i"> Quelques-uns des Linots jaloux</l>
              <l rend="i"> Citent contr’eux de secrets rendez-vous,</l>
              <l rend="i"> Ces circonstances &amp; leur suite</l>
              <l rend="i">Font que de la Linote on blasme la conduite.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Là dessus entrent deux Moineaux,</l>
              <l rend="i"> De ces Moineaux à hautes hupes,</l>
              <l rend="i"> Rigides Censeurs des Oiseaux</l>
              <l rend="i"> Qui tâchent à trouver des Dupes.</l>
              <l rend="i">Si-tost qu’ils sont entrez, un Bruant leur fait part</l>
              <l rend="i"> De la matiere qui se traite.</l>
              <l><hi rend="i">Il dit qu’une Linote à l’ame si malfaite,</hi></l>
              <l rend="i"> Que sans avoir aucun égard</l>
              <l rend="i">A ce qu’elle se doit non plus qu’à son espece,</l>
              <l rend="i">Elle trouve un Moineau digne de sa tendresse.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ah, Messieurs les Moineaux, dit alors un Pinçon,</l>
              <l rend="i"> Vous agissez d’une façon</l>
              <l rend="i">A vous faire assommer par tous les Volatilles.</l>
              <l rend="i"> Est-ce là la belle leçon</l>
              <l rend="i"> Que vous faites dans vos familles ?</l>
              <l rend="i">Envoyez-vous vos gens de buisson en buisson</l>
              <l rend="i"> Courir par tout comme des drilles,</l>
              <l rend="i">Pour nous ravir ainsi nos Femmes &amp; nos Filles ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Les deux graves Moineaux de ce discours piquez,</l>
              <l rend="i">Répondent au Pinçon ; Pinçon, vous nous choquez.</l>
              <l rend="i"> Vous faites de nous peu d’estime,</l>
              <l rend="i"> Et raisonnez en Ecolier,</l>
              <l rend="i"> D’attribuer à tous un crime</l>
              <l rend="i"> Commis par un particulier.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ma foy, chacun de vous court à ce qu’il souhaite,</l>
              <l rend="i"> Reprend aussi-tost l’Allouete,</l>
              <l rend="i">Et peut-estre est-ce un de vous deux</l>
              <l rend="i">Qui captivez le cœur de ma sœur la Linote,</l>
              <l rend="i"> Et qui cachant vos soupirs &amp; vos feux,</l>
              <l rend="i">Venez encore icy pour attraper la sotte.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Sans doute c’est un d’eux, opine le Tarin,</l>
              <l rend="i">Je vis sous vostre habit hier au soir à la brune</l>
              <l rend="i"> Un Oiseau de bonne fortune,</l>
              <l rend="i"> Qui luy soûmettoit son destin.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est un mensonge, dit la Pie,</l>
              <l rend="i">Je connois ces Moineaux, ils sont de bonne vie,</l>
              <l rend="i"> Et n’ont rien de l’esprit coquet.</l>
              <l rend="i"> Il est vray, dit le Perroquet,</l>
              <l rend="i">Je suis fort asseuré que l’un &amp; l’autre est sage,</l>
              <l rend="i">Le fait dont il s’agit ne les regarde pas,</l>
              <l rend="i"> Je puis en rendre témoignage,</l>
              <l rend="i"> Mieux qu’un autre je sçay le cas.</l>
              <l rend="i"> J’ay veu, mesme à plusieurs reprises,</l>
              <l rend="i"> Un autre Moineau que ceux-cy</l>
              <l><hi rend="i">Carresser la Linote, &amp; d’un air radoucy</hi></l>
              <l rend="i">La flater, l’appaster, luy porter des cerises.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Eh, bien, Messieurs, l’entendez-vous,</l>
              <l rend="i"> Dit le Moineau de haute lice ?</l>
              <l rend="i">Ce Témoin oculaire est bien fort en Justice,</l>
              <l rend="i">Et nous doit faire croire incapables des coups</l>
              <l rend="i"> Qui procedent de la malice</l>
              <l rend="i"> De certains Moineaux dont le vice</l>
              <l rend="i"> Les a fait chasser d’avec nous.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Aprés cela tout garde le silence,</l>
              <l rend="i">On voit les deux Moineaux traitez de reverence,</l>
              <l rend="i"> Comblez d’honneur par chaque Oiseau,</l>
              <l rend="i">Et la seule Linote &amp; l’amoureux Moineau</l>
              <l rend="i"> Demeurent dans la médisance.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cecy prouve avec évidence,</l>
              <l rend="i"> Qu’en fait de tendre passion</l>
              <l rend="i">Prevenir les esprits c’est manquer de prudence,</l>
              <l rend="i"> Et que souvent trop de precaution</l>
              <l rend="i">De ce qu’on croit cacher fait avoir connoissance.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_101" resp="wordpro">
          <head>[Oraison funebre faite par M. l’Evesque de Nismes]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 101-105.</bibl>
          <p>Il y a peu de personnes qui ayent mieux merité qu’on honorast leur memoire par des Eloges funebres, que feu M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Montausier. L’Etat luy estoit redevable de l’éducation d’un Prince qui marche sur les traces de Loüis le Grand, c’est tout dire. Les belles Lettres luy devoient beaucoup ; tous les honnester gens luy avoient obligation, &amp; M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Fléchier, de l’Academie Françoise, nommé à l’Evesché de Nismes, estoit de ce nombre. Il avoit demeuré pendant un fort grand nombre d’années auprés de ce Duc, &amp; comme il ne l’avoit quitté que pour rendre à son Troupeau ce qu’il luy devoit, il reprenoit son premier attachement quand il revenoit de son Eglise, ce qui faisoit un veritable plaisir à M<hi rend="sup">r</hi> de Montausier, qui n’avoit point de plus grande consolation que d’estre avec ce Prelat, qu’il faisoit entrer dans ce qu’il pensoit de plus secret. M<hi rend="sup">r</hi> de Nismes le connoissant tres-parfaitement, &amp; n’ignorant rien de ce qui se passoit au fond de son cœur, qu’il avoit étudié par une longue habitude, ne pouvoit faire une Oraison funebre de ce Duc qui ne fust tres-juste, puis qu’il ne la faisoit pas sur des memoires, dont la pluspart sont remplis de flaterie, mais sur des choses qu’il connoissoit par luy-mesme, &amp; que la verité luy fournissoit à l’avantage d’un homme qui toute sa vie avoit fait profession d’estre sincere. Il la prononça le 11. de ce mois dans l’Eglise des Carmelites du Fauxbourg S. Jacques, où repose le corps de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Montausier. L’Assemblée y fut nombreuse, tant pour entendre l’Eloge de ce Duc, qui estoit dans une estime generale, que parce que celuy qui la devoit faire excellant dans ces sortes d’Ouvrages, on estoit persuadé qu’il n’oublieroit rien pour bien mettre dans son jour le merite de son bienfaicteur, qu’il connoissoit à fond, &amp; qui luy fournissoit une ample matiere, de la beauté de laquelle tout le public demeuroit d’accord. Aussi cette action a-t-elle répondu à l’attente que tout le monde en avoit, à l’éloquence de l’Orateur, &amp; aux grandes qualitez de l’Illustre Duc dont il avoit entrepris l’Eloge.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_117" resp="wordpro">
          <head>[Livres nouveaux]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 117-126.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> du Puys, Avocat au Parlement, vient de donner au Public un Livre d’une grande utilité, non seulement pour les Negocians, mais pour tous ceux qui ont à prendre ou à donner des Lettres de change, &amp; necessaire sur tout à ceux qui en doivent connoistre, en cas de contestation, soit pour en éclaircir les differends, soit pour les juger. Il a pour titre, <hi rend="i">L’Art des Lettres de change, suivant l’usage des plus celebres Places de l’Europe</hi>, &amp; contient tous les droits &amp; toutes les obligations des Tireurs, Donneurs de valeur, Endosseurs, Porteurs, Accepteurs, &amp; Payeurs de Lettres de change, avec l’application des Loix, des Ordonnances &amp; des Reglemens, les Questions les plus importantes qui n’ont point encore esté traitées, &amp; les Arrests les plus celebres rendus sur cette matiere. Cet Ouvrage, où elle se trouve expliquée dans toute son étenduë, estoit d’autant plus à souhaiter, que le Negoce produit seul plus de Procés, que tous les autres actes de la vie civile ensemble, estant certain que les Juges &amp; Consuls, &amp; les autres Tribunaux du Commerce dans chaque Ville, rendent plus de Jugemens, que les Presidiaux qui y sont établis. Cependant la Jurisprudence du Commerce est fort incertaine dans le Royaume, &amp; particulierement sur le fait des Lettres de change, qui en est la plus considerable partie, quoy qu’il n’y ait presque personne qui ne prenne ou ne donne, n’envoye ou ne reçoive, ne paye ou n’exige le payement de ces sortes de Lettres. Il semble que ce soit un mistere qui ne puisse estre entendu que par les Banquiers, &amp; il arrive la pluspart du temps que lors que les causes de cette nature sont portées aux Parlemens par appel, les Juges demandent l’avis des Negocians, de qui ils ne reçoivent pas quelquefois de seures lumieres, parce que ceux qu’ils consultent, considerant l’affaire par des veuës differentes, ou d’égalité d’interest, ou d’acception de personnes, ou de justice, sont souvent de contraire opinion, appuyez respectivement sur des raisons vrayes ou apparentes, dont les Magistrats ont peine à faire le discernement. Cela ne se fait qu’à cause que nos Jurisconsultes François ne s’estant point appliquez à traiter cette matiere, comme ils font toutes les autres qui produisent les procés, on ne connoist point la nature du Contract des Lettres de change, ny les principes qu’il faut suivre pour décider les contestations qu’elles font naistre. Pour remedier à ce desordre, l’Auteur a ramassé toutes les plus curieuses remarques qui peuvent éclaircir les doutes dans le fait &amp; dans le droit, pour donner un Ouvrage plus universel, plus juste &amp; plus solide que tous ceux qui ont paru jusqu’icy sur la matiere qu’il traite. Les propositions qu’il avance y sont appuyées des Ordonnances, des Loix, des Arrests, ou des sentimens des Auteurs les plus celebres, particulierement des décisions de la Rote de Gennes, &amp; de Sigismond Scarcia, Jurisconsulte Romain, qui a esté Auditeur de Rote dans la mesme Ville, &amp; dans plusieurs autres des plus considerables d’Italie. Comme il n’a pas voulu qu’on le crust sur sa parole, &amp; que d’ailleurs il luy a paru qu’il n’y avoit rien de plus incommode qu’un Ouvrage entre-coupé de citations, sur tout dans une matiere de Commerce, où beaucoup de ceux qui entendent bien le fait, n’entendent pas le Latin, il a obvié à ces inconveniens en faisant le sien d’un stile suivy, comme si tout ce qu’il proposoit estoit de luy-mesme, &amp; mettant fidellement les citations à la marge. Il l’a divisé en dix-huit Chapitres, où sont resoluës toutes les difficultez qui peuvent estre formées, tant sur les diverses formes des Lettres de change, les personnes qui y entrent, les differens termes de payement, les differentes manieres d’en declarer la valeur, &amp; les Lettres missives qui s’écrivent à cette occasion, que sur les acceptations des mesmes Lettres de change, &amp; les diligences que les Porteurs doivent faire faute de payement à l’écheance.</p>
          <p>Le S<hi rend="sup">r</hi> Quinet, Libraire au Palais, debite un Livre nouveau, qui est d’une nature bien differente de celuy dont je viens de vous parler. Il a pour titre, <hi rend="i">Les disgraces des Amans</hi>, &amp; il ne faut pas vous en dire davantage pour vous faire voir qu’il est purement de galanterie. L’Auteur assure que toutes les intrigues en sont veritables, &amp; qu’il n’a point eu d’autre dessein en les publiant que de faire connoistre jusqu’où nous mene l’amour, &amp; combien les effets qu’il produit sont dangereux. Il propose &amp; resout agréablement plusieurs questions galantes, &amp; les sentimens ou maximes qu’on trouve dans cet Ouvrage, ne seront pas sans utilité pour ceux qui avant que de s’engager à aimer, voudront faire reflexion que quelques douceurs que nous promette l’amour, il n’est l’occupation que de ceux qui n’en ont point. C’est ce que marque l’Auteur dans une de ces maximes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_126" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août, 1690, p. 126-149.</bibl>
          <p>Il faut cependant demeurer d’accord que la beauté a des charmes ausquels il est malaisé de resister, mais on doit convenir en même temps que lors que la passion où l’on s’abandonne est uniquement fondée sur l’éclat d’un beau visage, sans que l’on y fasse entrer ny la douceur de l’esprit, ny l’agrément de l’humeur, comme elle est fort violente, elle n’est jamais de longue durée. C’est dequoy une jeune Demoiselle aimable par mille endroits, a fait l’épreuve depuis quelque temps. Elle avoit le teint fort vif, &amp; toute la regularité de traits qu’on peut souhaiter dans une belle personne. Un Cavalier dont les bonnes qualitez répondoient au bien &amp; à la naissance, s’en estant laissé toucher, voulut connoistre de prés ce qui luy plaisoit de loin. Il trouva moyen de s’introduire chez elle. Sa Mere, de qui elle dépendoit, jugeant le party avantageux pour sa Fille, receut ses visites avec beaucoup de plaisir, &amp; si quelque chose luy fit peine, ce fut de voir que pendant trois mois de soins &amp; de devoirs assez assidus, tout l’amour du Cavalier se bornoit à des loüanges, sans qu’il parust avoir dessein de se declarer. Il trouvoit la Belle incomparable, &amp; ses regards estoient si passionnez, qu’ils faisoient entendre tout ce qu’il ne disoit pas, mais ce n’estoit point assez ; on vouloit qu’il s’expliquast, &amp; il differoit toujours à le faire. Ses reflexions causoient son silence. Il envisageoit le mariage comme un lien d’autant plus facheux, qu’on ne le peut rompre quand il est mal assorty, &amp; afin de n’estre pas ex posé à se repentir inutilement, il avoit voulu se défendre des surprises que la beauté fait presque toujours quand on ne fait pas agir sa raison, pour ne chercher dans la Belle que le solide merite, &amp; ce que le temps ne sçauroit oster. Il l’y rencontra heureusement. Cette charmante personne avoit l’esprit aussi aisé qu’agreable, beaucoup de douceur dans ses manieres, &amp; tant d’honnesteté &amp; de complaisance dans toutes les choses où il luy étoit permis d’en avoir, qu’elle alloit mesme au delà de ce qu’on pouvoit raisonnablement souhaiter d’elle. Le Cavalier qui s’attachoit à l’étudier, n’eut pas esté plûtost convaincu par l’égalité de son humeur, &amp; par la noblesse de ses sentimens, que les avantages qu’elle avoit receus de la nature, estoient beaucoup au dessous de ceux qu’elle ne devoit qu’à elle-mesme, qu’il s’abandonna à tout son amour. Il luy en fit une peinture fort vive, &amp; en luy marquant que tout son bonheur dépendoit d’elle, il la conjura de vouloir en décider, sans écouter que son seul panchant sur la réponse qu’il la prioit de luy faire. La Belle qui l’estimoit luy fit paroistre beaucoup de reconnoissance pour les favorables sentimens qu’il luy venoit d’expliquer, &amp; luy dit ensuite, d’une maniere aussi obligeante que modeste, que s’agissant d’une liaison pour toute la vie, elle vouloit luy donner plus de temps qu’il n’en prenoit, pour examiner si un peu de brillant qu’il luy trouvoit n’avoit point fait de surprise à sa raison ; qu’elle luy avoit entendu parler d’un voyage de trois mois qu’il ne pouvoit s’empêcher de faire pour quelques affaires importantes qu’elle vouloit qu’il fist ce voyage avant que de prendre un plus fort engagement en se déclarant avec sa Mere ; que l’éloignement diminuant les objets, ce merite qu’il croyoit si grand en elle pourroit luy paroistre peu de chose ; que s’il estoit capable de s’en dégoûter, il valoit mieux qu’il prist ce dégoust tandis qu’il y auroit du remede, &amp; que si à son retour il luy rapportoit le mesme cœur &amp; les mesmes sentimens ; elle connoissoit assez le prix des choses, pour ne luy pas donner sujet de se repentir de l’avoir aimée. Le Cavalier trouva cet arrest fort rude, mais il eut beau la prier de souffrir qu’il l’épousast avant que de faire son voyage où elle l’auroit accompagné, elle exigea cette épreuve de sa constance, &amp; l’obligea de partir sans autre asseurance que celle que luy donnoit un si sage procedé. La Mere trouva beaucoup à redire à celuy du Cavalier. Elle pretendit qu’avant que de s’éloigner il devoit luy avoir parlé d’affaires, &amp; blasma sa fille du trop de precaution qu’elle prenoit, pour s’asseurer si son amour estoit veritable. La Belle n’en changea pas de conduite. Quoy qu’elle en receust fort souvent des Lettres, &amp; qu’elle ne fust pas fachée d’y trouver des marques d’une violente passion, elle ne chercha point à la soûtenir par ses reponses. Au contraire elle affecta de luy écrire rarement, &amp; observa mesme en luy écrivant de n’employer point de termes qui luy découvrissent trop la joye qu’elle se faisoit de se voir aimée. Le Cavalier, que la connoissance de son caractere laissoit tranquille sur les sentimens qu’il luy pouvoit avoir inspirez, passa par dessus beaucoup de choses qui auroient tiré ses affaires en longueur, afin de pouvoir haster son retour, &amp; son absence n’avoit plus enfin que peu de jours à durer, quand un Marquis, maistre de son bien &amp; de sa personne, quoy qu’il eust à peine vingt cinq ans, ayant rencontré la Belle chez une Dame qu’il voyoit de temps en temps, fut si surpris de l’éclat de sa beauté, qu’il s’écria plusieurs fois qu’il ne pouvoit croire qu’il y eust rien qui en approchast. Il se plaça auprés d’elle, la regarda attentivement, &amp; aprés luy avoir dit beaucoup de douceurs avec une maniere d’extase qui avoit quelque chose de singulier, il luy déclara qu’il la chercheroit par tout, &amp; qu’il sentoit bien qu’il estoit de son étoile de luy consacrer tous les momens de sa vie. La Belle soûtint cette déclaration avec esprit, &amp; la traitant de plaisanterie, elle fit voir qu’elle estoit accoûtumée à recevoir des loüanges. Cependant le Marquis estant du nombre de ces jeunes étourdis qui s’abandonnent sans reflexion aux sentimens qui leur font plaisir, alla chez la Belle dés le lendemain. Il continua son emportement d’amour, &amp; il s’en rendit si peu le maistre, que quatre longues visites qu’il ne put s’empescher de luy rendre en quatre jours, ayant obligé la Mere à luy venir dire le cinquiéme jour que sa Fille le prioit de la dispenser de se laisser voir, parce que des soins si assidus ne pouvoient que faire de méchants effets pour sa reputation, il luy répondit sans balancer que cette raison de refuser ses visites n’estoit pas valable, puis qu’il estoit dans le dessein d’épouser sa Fille &amp; qu’il signeroit quand on voudroit un Contrat de mariage. Une resolution si prompte étonna la Mere. Elle eut de la peine à s’imaginer d’abord que le Marquis parlast serieusement, mais il luy dit tant de fois la mesme chose, &amp; aprés luy avoir déclaré son bien, &amp; l’avoir laissée maistresse des conditions qu’elle pourroit demander pour les avantages de sa Fille, il la conjura si instamment de le vouloir accepter pour Gendre, qu’enfin ne doutant plus qu’il ne souhaitast veritablement le mariage qu’il luy proposoit, elle luy donna parole de n’épargner aucuns soins pour le faire réüssir. Quoy qu’elle luy répondist en quelque façon du succés, elle ne laissa pas de le preparer à y trouver de l’obstacle par le trop de delicatesse de sa Fille, qui ne seroit pas si prompte que luy à se resoudre sur une affaire de cette importance. Elle luy dit mesme qu’il y avoit plus de six mois qu’elle estoit aimée d’un Cavalier qu’elle avoit laissé s’éloigner pour un temps considerable, sans avoir voulu luy découvrir les sentimens qu’elle avoit pour luy, &amp; qu’il devoit estre bientost de retour, mais qu’elle ne doutoit point qu’il ne l’emportast sur ce Rival auprés de sa Fille s’il avoit de la constance, &amp; si par ses soins il prenoit autant de peine à gagner son cœur, qu’elle en prendroit à luy faire perdre les impressions qu’elle avoit déja receuës. Le Marquis l’ayant asseurée en termes fort vifs que rien n’approchoit de son amour, la conjura d’appuyer ses interest, &amp; prit congé d’elle, voulant luy laisser le temps de tourner les choses favorablement pour luy. La Belle, quoy que fachée de trouver sa mere dans le party du Marquis, ne s’alarma point de sa passion. Elle luy parut trop violente pour pouvoir durer, &amp; persuadée qu’elle ne resisteroit à aucune épreuve, elle le receust le lendemain avec l’honnesteté qui estoit deuë à un Amant declaré, mais sans luy vouloir donner d’esperance qu’aprés que le temps leur auroit fait voir s’il y avoit entr’eux assez de rapport d’humeur pour leur permettre de croire qu’ils seroient nez l’un pour l’autre. Le Marquis pretendit estre assez informé du merite de la Belle, &amp; ne put voir sans murmure qu’elle ne fust pas assez touchée des sentimens qu’il luy expliquoit, pour balancer à les recevoir aussi agreablement qu’il l’avoit creu ; mais si l’essay qu’elle en voulut faire luy causa quelque chagrin, le Cavalier qui revint plus amoureux qu’il n’estoit party, fut inconsolable. Non seulement il se voyoit un Rival par qui ses desseins alloient estre traversez, mais un Rival qui avoit gagné l’esprit de la Mere. La Belle le rasseura en luy témoignant que la fermeté de ses sentimens l’avoit touchée, &amp; qu’il ne devoit rien craindre des soins du Marquis, qui l’avoit aimée avec trop d’emportement pour ne se pas rebuter des longues épreuves, où elle estoit resoluë de mettre sa passion. Cette asseurance diminua fort le chagrin du Cavalier, quoy que le retardement que ces épreuves devoient mettre à son bonheur fust une chose qui luy donnoit beaucoup à souffrir. Le Marquis qui estoit encore tout plein des premiers transports de son amour, en continua les empressemens avec beaucoup de chaleur, &amp; il parut mesme que la concurrence du Cavalier eut quelque part au dessein qu’il prit de n’oublier rien pour se faire aimer, mais ces empressemens n’allerent pas loin. La Belle ayant commencé à se mal porter, donna tout à coup des marques qu’elle alloit avoir une dangereuse maladie. Le Marquis la vint voir le lendemain à son ordinaire, &amp; lors qu’on luy eut appris que la petite verole s’estoit déclarée, il montra tant de surprise &amp; se retira si promptement, qu’on n’eut pas de peine à s’appercevoir que la peur le faisoit fuir. Le Cavalier qui arriva un moment aprés, receut cette facheuse nouvelle avec toute la douleur qu’on se peut imaginer. Il fit cent questions à la fois sur les accidens du mal de la Belle, &amp; quoy qu’on pust faire pour l’empescher d’entrer dans sa Chambre, il fut impossible d’en venir à bout. Il ne l’abandonna point pendant cette maladie, &amp; ces preuves de tendresse gagnerent si bien son cœur, que quand elle n’auroit pas esté prevenuë en sa faveur, elle n’auroit pû sans injustice refuser à son amour le prix qui luy estoit deu. Le Marquis se contenta d’envoyer chez elle tant qu’on la crut en quelque peril, &amp; ayant sceu ce que le Cavalier avoit fait, il connut bien que n’ayant pas fait la mesme chose, il luy seroit inutile de vouloir continuer à luy disputer la préference. D’ailleurs il avoit peine à s’imaginer que la Belle dust estre à couvert des ordinaires effets de la petite verole, &amp; quand ce mal ne luy auroit ny changé les traits ny grossi le teint, il ne pouvoit songer aux rougeurs qu’il verroit sur son visage, sans en estre dégoûté. Ainsi son amour s’eteignit entierement, &amp; il laissa la Mere &amp; la Fille dans l’entiere liberté de rendre justice au Cavalier. La Belle l’épousa un mois aprés qu’elle fut guerie, &amp; à present que ses rougeurs sont passées, elle est aussi-belle &amp; aussi brillante qu’elle l’a jamais esté.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_153" resp="mercure">
          <head>[Suites des réjoüissances faites pour les Victoires du Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1690, p. 153-177.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr le Comte de Broglio, Lieutenant General [des armées du roi], &amp; Commandant en chef pour sa Majesté en Languedoc, envoya ses ordres dans toutes les Villes principales de cette Province, pour y faire faire des réjoüissances publiques, &amp; choisit le Dimanche 30. du mois passé pour le Feu de joye qui devoit se faire à Montpellier. [...]</p>
          <p>L'aprés-dinée du jour qu'on avoit choisy pour cette réjoüissance, les Compagnies de la Bourgeoisie de la Ville qui estoit sous les armes, &amp; qui faisoient un corps de douze cens hommes, marcherent dans les ruës, &amp; firent plusieurs décharges. Il y avoit aussi deux cens jeunes hommes à cheval tres-bien montez &amp; tres-propres, avec des timbales &amp; des trompettes de la livrée des Consuls de mer qui s'estoient mis à leur teste. Sur les cinq heures, Mr le Comte de Broglio partit de son Hôtel avec Mr de Baville, Intendant de la Province, pour se rendre en l'Eglise Cathedrale. [...] Il se plaça au milieu du Choeur sur un Prié-Dieu magnifique, &amp; l'on commença le TE DEUM qui fut chanté en Musique avec beaucoup de solemnité. [...] Sur les neuf heures du soir, il sortit de son Hostel dans l'ordre suivant pour aller à la Place de Peyrou. Six Pertuisaniers habillez de la livrée de la Ville, avec leurs pertuisanes, &amp; chacun un flambeau à la main, marchoient à la teste deux à deux, suivis de quatre Valets du Guet portant la mesme livrée. Aprés eux venoient les Tambours &amp; les Hautbois de la Ville ; ensuite six Esoudiers ou Massiers, avec des robes de la même livrée, &amp; chacun un flambeau de cire blanche. Ils precedoient le Capitaine du Guet, aprés lequel on voyoit paroistre la Compagnie des Gardes de Mr le Comte de Broglio, avec leurs Casaques, &amp; leurs Carabines sur l'épaule, ayant à leur teste des Hautbois &amp; d'excellens Violons. Douze laquais chacun avec un flambeau de cire blanche à la main, precedoient ce Comte. Le lieutenant de Roy de la Ville [...] fut receu au bruit des Timbales, des Trompettes, des Tambours, &amp; de la Mousqueterie, &amp; aprés qu'il eut mis le feu à un Bucher que l'on avoit élevé entre la porte de la Ville &amp; le Feu d'artifice dans le milieu de la Place, il se rendit sur le rempart qui regne tout le long du Palais, où on luy avoit preparé une place, ainsi que pour toutes les Dames, les Officiers, &amp; le Gentilshommes de sa Suite. Aprés que l'on eut joüy de ce divertissement, toute la Compagnie se rendit à l'Hostel de M. le Comte de Broglio, où l'on trouva une Feste des plus magnifiques. [...] Au dessus des palissades  on avoit dressé un Orchestre pour les Violons &amp; les Hautbois, &amp; des Amphitheatres pour le peuple, qui régnoient tout le long des palissades. [...] Le Bal succeda à ce superbe soupé, &amp; il dura jusques à deux heures aprés minuit. Les Dames y parurent extremement par leur danse, leur ajustement &amp; leur beauté, &amp; pour satisfaire tout le monde, il y avoit des tables de Jeu dans plusieurs Chambres, afin que ceux qui se lasseroient du Bal, eussent moyen de se divertir d'une autre maniere. Tous ceux qui se sont trouvez à cette Feste demeurent d'accord qu'on n'en sçauroit faire une plus galante ny mieux entenduë.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_180" resp="mercure">
          <head>[M. de Bouligneux fait chanter un Te Deum]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1690, p. 180-181.</bibl>
          <p>Les Particuliers n'ont pas esté moins sensibles aux glorieux succés des Armes de Sa Majesté que les Communautez &amp; les Villes. Mr le Comte de Bouligneux en ayant eu la nouvelle à Bouligneux, y fit chanter le Te Deum, qui fut accompagné d'un Feu d'artifice, &amp; de la décharge de vingt pieces de Canon. On fit par son ordre une grande distribution d'argent, &amp; les Habitans ne se contentant pas de crier Vive le Roy, joignirent mille loüanges à ces cris de joye.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_341" resp="mercure" sameAs="#MG-1690-08_342">
          <head>[Feste de S. Louis celebrée par l'Academie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1690, p. 341-343.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 25. de ce mois, la Feste de Saint Loüis fut solemnisée à l'ordinaire par Mrs de l'Academie Françoise dans la Chapelle du Louvre. M. L'Abbé de la Vau, l'un des Academiciens, celebra la Messe, pendant laquelle, un fort grand Choeur de Musique chanta un Motet de la composition de M. Oudot, &amp; M. l'Abbé de Pezene prononça ensuite le Panégyrique du Saint. J’affoiblirois la force de ses pensées, &amp; le noble tour qu’il leur donna, si je voulois faire icy un extrait de son discours. Il receut une approbation generale, &amp; je ne puis mieux vous marquer combien tout le monde en fut satisfait, qu’en vous envoyant la copie d’un Billet qu’un homme d’esprit écrivit le lendemain à M. l’Abbé du Fay sur cette action. En voicy les termes.</p>
          <p><hi rend="i">Donnez-moy la connoissance de M. l’Abbé de Pezene, &amp; vous me ferez un plaisir singulier. J’honore sa vertu, j’admire la delicatesse de son genie, &amp; j’avouë avec tout le monde, qu’il donna hier les regles d’un Art, dont il est l’Inventeur. Sans sortir de son sujet, &amp; dans un discours tout Chrestien, il fit l’Eloge de Saint Loüis, du Roy, de l’Academie, le sien. Il fit aussi connoistre qu’il est des termes heureux, dont l’expression force la volonté de croire les veritez qui paroissent des prodiges. L’Assemblée luy applaudit par un doux murmure sans éclat, tant elle apprehendoit de perdre une de ses paroles. Cette piece merite d’estre traduite en toutes sortes de Langues, la modestie de l’Auteur n’en doit point empescher l’impression ; &amp; pour moy, de la part de tous les beaux esprits, je vous conjure d’y employer vostre credit ; il doit estre grand par rapport à l’amitié mutuelle qui est entre vous.</hi></p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-08_379" resp="mercure">
          <head>[Nouvelles d'Irlande]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, août 1690, p. 379-380.</bibl>
          <p/>
          <p>En vous donnant lieu de conjecturer que le Prince d'Orange est vivant, je ne suis pas la plus commune opinion, mais je me conforme au sentiment de ceux qui doivent être le mieux instruits, ou qui se mettent le moins en peine de sa mort. En effet, qu'importe à la France, au milieu de ses triomphes, qu'elle ait un Ennemy de plus ou de moins ? Elle est protegée du Ciel, &amp; défend la cause de Dieu &amp; la gloire des Autels que ses Ennemis cherchent à détruire, puis qu'ils font rendre des actions de graces à Dieu pour les victoires remportées sur la Religion Catholique. C'est un fait qu'il a esté connu par les Te Deum qui se sont chantez pour la premiere victoire du Prince d'Orange en Irlande. On dira que ce Prince la permet dans ce Royaume-là, mais ce n'est que pour la détruire aussi-bien que dans toute l'Angleterre, quand il en sera paisible possesseur.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-09">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, septembre, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_007" resp="wordpro">
          <head>[Stances de Mme des Houlieres]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 7-13.</bibl>
          <p>La conjoncture presente des affaires fait meriter tant de loüanges au Roy, &amp; ce Monarque en reçoit de tant d’éloquentes Plumes, que je croy devoir commencer ma Lettre en vous faisant part de leurs productions. L’illustre Madame des Houlieres ne s’est pas teuë sur ses dernieres Victoires. Je ne vous vanteray point les Vers que vous allez lire. On n’en voit point d’elle qui ne répondent à la réputation qu’elle s’est acquise.</p>
          <quote>
            <label>STANCES IRREGULIERES<lb />Sur les Victoires du Roy.</label>
            <lg>
              <l rend="i"> Fille du Ciel, aimable Paix,</l>
              <l rend="i">Vous qui de tous les biens estes toûjours suivie,</l>
              <l rend="i">Vous que l’aveugle erreur &amp; la jalouse envie</l>
              <l rend="i">Ont voulu d’icy-bas exiler pour jamais :</l>
              <l rend="i">LOVIS est triomphant sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i">Ses nombreux Ennemis sont confus, sont défaits,</l>
              <l rend="i"> Il va vous redonner au monde.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Si les secrets du Ciel se peuvent penetrer,</l>
              <l rend="i">Les glorieux succés qu’il accorde à ses armes</l>
              <l rend="i">Forceront la discorde &amp; l’envie à rentrer</l>
              <l rend="i">Dans ces lieux destinez à d’éternelles larmes.</l>
              <l rend="i"> Ouy, je prevoy qu’avant le temps,</l>
              <l rend="i"> Où les Rossignols par leurs chants</l>
              <l rend="i">Font retentir les bois de plaintes amoureuses,</l>
              <l rend="i">Vous descendrez icy du celeste sejour ;</l>
              <l rend="i"> Plus ses armes seront heureuses,</l>
              <l rend="i"> Plûtost vous serez de retour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Entre les bras de la Victoire</l>
              <l rend="i">On a vû ce Heros déja plus d’une fois,</l>
              <l rend="i"> Pour n’écouter que vostre voix,</l>
              <l rend="i"> Imposer silence à sa gloire.</l>
              <l rend="i"> Son ame au dessus des faveurs</l>
              <l rend="i"> Que fait l’inconstante Déesse,</l>
              <l rend="i">N’a point ce dur orgueil ny ces lâches rigueurs,</l>
              <l rend="i"> Qui mettent le comble aux malheurs</l>
              <l rend="i">D’un Ennemy forcé d’avoüer sa foiblesse,</l>
              <l rend="i"> Vice des vulgaires vainqueurs.</l>
              <l rend="i">Icy la mesme main qui terrasse, releve,</l>
              <l rend="i">Et toujours de Loüis le triomphe s’acheve</l>
              <l rend="i"> Par le retour de vos douceurs.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Plus à ses Peuples qu’à luy-même,</l>
              <l rend="i">Il ne voit qu’à regret ce qu’ils font aujourd’huy,</l>
              <l rend="i">Et ces Peuples instruits à quel point il les aime,</l>
              <l rend="i"> Goûteroient un plaisir extrême</l>
              <l rend="i">A donner tous leurs biens &amp; tout leur sang pour luy.</l>
              <l rend="i">Il voudroit qu’au milieu de ces brillantes festes,</l>
              <l rend="i">Qu’enfante un doux loisir dans les lieux où vous estes,</l>
              <l rend="i"> Tous ses Sujets pussent vieillir.</l>
              <l rend="i">Ce genereux soucy sans cesse l’accompagne,</l>
              <l rend="i">Des Conquestes qu’il fait, des Batailles qu’il gagne,</l>
              <l rend="i">Vous estes le seul fruit qu’il pretend recueillir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">De rage &amp; de douleur je les voy qui fremissent</l>
              <l rend="i"> Au bruit de ses fameux exploits,</l>
              <l rend="i"> Ces fiers Princes qui vous haïssent,</l>
              <l rend="i">Et qui foulant aux pieds toutes sortes de loix,</l>
              <l rend="i"> Pour un Vsurpateur trahissent</l>
              <l rend="i"> Leur gloire &amp; l’interest des Rois.</l>
              <l rend="i">La terre a bû le sang de leurs meilleures Troupes,</l>
              <l rend="i">La mer, malgré les vents qui combattoient pour eux,</l>
              <l rend="i">Pesle mesle a receu, Vaisseaux, Canons, Chaloupes,</l>
              <l rend="i">Soldats &amp; Matelots, dans ses gouffres affreux.</l>
              <l rend="i">Goûtez, charmante Paix, une douce vangeance</l>
              <l rend="i">Du mépris qu’ils ont fait de vos plus sacrez nœuds,</l>
              <l rend="i">Vous serez la ressource &amp; l’unique esperance</l>
              <l rend="i"> De leur monstrueuse Alliance</l>
              <l rend="i"> Qu’a cimentée un crime heureux.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_013" resp="wordpro">
          <head>[Sonnets]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 13-22.</bibl>
          <p>Voicy d’autres Ouvrages de Vers sur cette mesme matiere. Les trois premiers Sonnets sont de M<hi rend="sup">r</hi> Boyer, de l’Academie Françoise : le quatriéme, de M<hi rend="sup">r</hi> le Clerc, de la mesme Academie, &amp; le cinquiéme, de M<hi rend="sup">r</hi> de Liniere.</p>
          <quote>
            <label>LE ROY<lb />A SON PEUPLE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Cher Peuple, à m’obeir si prompt &amp; si fidelle,</l>
              <l rend="i">Vous qui me consacrez &amp; vos biens &amp; vos bras,</l>
              <l rend="i">Vous en qui le courage &amp; l’ardeur d’un beau zele</l>
              <l rend="i">Me donnent des Heros autant que de Soldats.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Soûtenons jusqu’au bout une illustre querelle ;</l>
              <l rend="i">Que tout soit contre moy, que contre mes Etats</l>
              <l rend="i">Il s’éleve une Ligue injuste &amp; criminelle,</l>
              <l rend="i">Le Ciel &amp; mes Sujets ne me manqueront pas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Nous vaincrons, &amp; la Paix qui suivra la Victoire,</l>
              <l rend="i">Ramenant l’abondance au milieu de la gloire,</l>
              <l rend="i">Fera de nostre sort Rois &amp; Peuples jaloux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Toutes les Nations environt à la France</l>
              <l rend="i">Un Roy, dont vostre zele augmente la Puissance,</l>
              <l rend="i">Tous les Rois m’environt des Sujets comme vous.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>Sur la défaite des Flotes Angloise &amp; Hollandoise.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Peuples jaloux, voyez quelles morts, quel carnage</l>
              <l rend="i">Viennent d’ensanglanter l’un &amp; l’autre Element.</l>
              <l rend="i">Un Roy vangeur des Rois a puny vostre rage ;</l>
              <l rend="i">Malheur à qui s’expose à son ressentiment.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Au lâche Vsurpateur vous ouvrez un passage,</l>
              <l rend="i">Vous l’élevez au Trône ; il regne impunément ;</l>
              <l rend="i">Loüis sur vos Vaisseaux a vangé cet outrage.</l>
              <l rend="i">Quel horrible debris ! quel vaste embrasement !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Humiliez, confus aprés cette disgrace,</l>
              <l rend="i">Oserez-vous encor, pleins de la même audace,</l>
              <l rend="i">Disputer avec nous de l’Empire des Eaux ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Dés que Louis poursuit la peine de vos crimes,</l>
              <l rend="i">L’Ocean vous voit fuir, voit brûler vos Vaisseaux,</l>
              <l rend="i">Et pour les engloutir, luy prête ses abismes.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>Sur la Victoire remportée<lb />en Savoye.<lb />AU ROY.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que le Ciel fait pour vous de miracles visibles !</hi></l>
              <l><hi rend="i">Grand Roy, la Ligue en vain redouble ses efforts ;</hi></l>
              <l rend="i">Rien ne peut ébranler vos forces invincibles ;</l>
              <l rend="i">Rien ne peut épuiser vos immenses tresors.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le zele des François rend vos armes terribles :</l>
              <l rend="i">Une si noble ardeur leur donne des transports</l>
              <l rend="i">Qui leur font penetrer des lieux inaccessibles,</l>
              <l rend="i">Et couvrir des rochers d’une moisson de morts.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que ce triomphe est beau ! mais qu’il s’augmente encore,</l>
              <l rend="i">Quand de vostre Grandeur, que l’Univers adore,</l>
              <l rend="i">Le surprenant éclat ne vous ébloüit pas !</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Loin de vous élever par ces grands avantages,</l>
              <l rend="i">Vostre cœur reconnoist par d’assidus hommages</l>
              <l rend="i">L’invisible secours qui soutient vostre bras.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>Sur les heureux succés des armes du Roy.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Non, ne vous lassez point d’étaler vostre joye,</l>
              <l rend="i">Peuples trop fortunez sous les loix de LOVIS,</l>
              <l rend="i">Vous ne devez qu’à luy ces succés inoüis,</l>
              <l rend="i">Et ces prosperitez que le Ciel vous envoye.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">De plus de Potentats que l’on n’en vid à Troye</l>
              <l rend="i">Les complots forcenez sont presque évanouis,</l>
              <l rend="i">Et l’aveugle fureur dont ils sont ébloüis</l>
              <l rend="i">A de nouveaux lauriers n’a fait qu’ouvrir la voye.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quel Hercule jamais égala nôtre Roy ?</l>
              <l rend="i">Seul dans tout l’Univers défenseur de la Foy,</l>
              <l rend="i">Du Dieu des Combattans il lance le tonnerre.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ses Ennemis par tout en ressentent les traits,</l>
              <l rend="i">Et les ayant domptez par une juste guerre,</l>
              <l rend="i">Il doit encor bien-tost leur imposer la Paix.</l>
            </lg>
          </quote>
          <quote>
            <label>Sur le mesme sujet.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Cedez, fiers Ennemis, nostre tonnerre gronde :</l>
              <l rend="i">Tous ceux qui pretendoient nous donner de l’effroy,</l>
              <l rend="i">Voudroient estre avec nous dans une paix profonde,</l>
              <l rend="i">Et venir en tremblant recevoir nostre loy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Nous sommes triomphans sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i">Nostre vigueur éclate, on nous craint, &amp; je croy</l>
              <l rend="i">Que la France seroit la Maistresse du monde,</l>
              <l rend="i">Si c’estoit le desir de nostre Auguste Roy.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Luxembourg à Fleurus sa vaillance déploye ;</hi></l>
              <l rend="i">Le hardy Catinat se signale en Savoyee</l>
              <l rend="i">Et Tourville sur mer a mis l’Anglois, à bas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quoy que ces trois grands Chefs honorent nos Histoires,</l>
              <l rend="i">Ce n’est ny leur sçavoir, ny leur cœur, ny leur bras,</l>
              <l rend="i">Mais l’esprit de LOVIS qui gagne les Victoires.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_022" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 22-23.</bibl>
          <p>J’ajoûte à ces cinq Sonnets un Madrigal de M<hi rend="sup">r</hi> Petit de Rouën.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Divin LOVIS, que la Victoire</l>
              <l rend="i">A toujours suivy pas à pas,</l>
              <l rend="i">Et qui prenant toute la gloire</l>
              <l rend="i">Fais que les autres n’en ont pas.</l>
              <l rend="i">Quelle est la force de ton bras !</l>
              <l rend="i">Toute l’Europe conjurée</l>
              <l rend="i">Sous ce bras se trouve atterrée</l>
              <l rend="i">Dans toutes sortes de combats.</l>
              <l rend="i"> Mais faut-il que l’on s’en étonne ?</l>
              <l rend="i">Celuy du Tout-puissant affermit ta Couronne,</l>
              <l rend="i">Et voyant qu’on pretend abattre ses Autels,</l>
              <l rend="i">Te seconde, animé d’une juste vangeance.</l>
              <l rend="i"> Contre une suprême Puissance,</l>
              <l rend="i"> Que peuvent de simples Mortels ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_098" resp="wordpro">
          <head>[Oraisons funebres faites pour M. de Montausier]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 98-101.</bibl>
          <p>Le respect &amp; la veneration que l’on garde pour la Memoire de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Montausier, luy a fait rendre tous les honneurs qui étoient deus à une personne d’un merite aussi generalement reconnu que le sien l’estoit. Aussi les rares vertus qui l’ont fait admirer pendant sa vie, ont receu aprés sa mort les justes Eloges qu’elles meritoient, dans deux Oraisons Funebres, prononcées avec l’applaudissement de deux Assemblées nombreuses, l’une le 11. du mois passé dans l’Eglise des Carmelites du Fauxbourg Saint Jaques, par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Flechier, nommé à l’Evesché de Nismes, &amp; l’autre le 19. du mesme mois dans l’Eglise de S. Germain l’Auxerrois sa Paroisse, par M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Ancelme. Comme ces deux excellentes Pieces sont si bien liées chacune dans ses parties, qu’on n’en pourroit détacher aucun endroit sans luy faire perdre beaucoup de sa force, je me contenteray de vous dire qu’elles ont esté l’une &amp; l’autre données au Public, &amp; qu’ayant eu beaucoup de succés, il y a grande apparence qu’on ne sera pas longtemps sans les envoyer dans vostre Province.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_101" resp="wordpro">
          <head>[Idille de Madame des Houlieres sur la mort de ce Duc]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 101-108.</bibl>
          <p>Cependant pour ne vous pas priver du plaisir de voir ce qui s’est fait à la gloire de ce Duc, dont les grandes qualitez ont fait tant de bruit dans tout le Royaume, je vous envoye un Ouvrage de Madame des Houlieres, sur le malheur arrivé aux Muses, qui en le perdant, ont perdu leur Protecteur.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA MORT<lb />De M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Montausier.<lb />IDILLE</label>
            <lg>
              <l> <hi rend="i">Sur le bord d’un ruisseau paisible</hi></l>
              <l rend="i">Olimpe se livroit à de vives douleurs,</l>
              <l rend="i"> Et malgré ses autres malheurs</l>
              <l rend="i">Au sort de Montausier attentive &amp; sensible,</l>
              <l rend="i"> Disoit en répandant des pleurs :</l>
              <l rend="i">Qu’allez-vous devenir, belles Infortunées,</l>
              <l rend="i">Muses, qu’il protegea dés ses jeunes années ?</l>
              <l rend="i">Qu’allez-vous devenir, Heroïques Vertus,</l>
              <l rend="i"> Vous qui tremblantes, éplorées,</l>
              <l rend="i"> Aprés vos Temples abbatus,</l>
              <l rend="i">Chez luy vous estiez retirées ?</l>
              <l rend="i">Les titres précieux dont furent revêtus</l>
              <l rend="i">Ces Grecs &amp; ces Romains, ornemens de l’Histoire,</l>
              <l rend="i">Sont dûs à ce Heros d’immortelle memoire,</l>
              <l rend="i"> Qui par des sentiers peu battus.</l>
              <l rend="i">Marcha d’un pas égal vers la solide gloire.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Muses, Vertus, helas ! qui sera vostre appuy ?</l>
              <l rend="i">Et qui regardera comme d’affreux spectacles</l>
              <l rend="i"> Vostre misere &amp; vostre ennuy ?</l>
              <l rend="i">Qui vous écoutera ? Qui voudra comme luy</l>
              <l rend="i">Vous conduire à travers d’innombrables obstacles</l>
              <l rend="i"> Au grand Roy qui regne aujourd’huy ?</l>
              <l rend="i">Ah, qu’une telle perte ouvre de precipices !</l>
              <l rend="i">Qu’elle va vous livrer à d’injustes caprices !</l>
              <l rend="i"> Que de dédains, que de dégousts ?</l>
              <l><hi rend="i">Muses, Vertus, helas ! l’Ignorance &amp; les Vices</hi></l>
              <l rend="i">Peut-estre par sa mort triompheront de vous.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Injustice de la Nature !</l>
              <l rend="i">Les arbres dont l’ombrage embellit ces costeaux,</l>
              <l rend="i">Ne craignent point des ans l’irreparable injure ;</l>
              <l rend="i">Leur vieillesse ne sert qu’à les rendre plus beaux.</l>
              <l rend="i">Aprés avoir d’un siecle achevé la mesure,</l>
              <l rend="i">Ils passent bien avant dans des siecles nouveaux.</l>
              <l rend="i"> Où voit-on quelque homme qui dure</l>
              <l rend="i">Autant que les sapins, les chesnes, les ormeaux ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais pourquoy m’amuser dans ma douleur mortelle</l>
              <l rend="i">A faire à la nature une vaine querelle ?</l>
              <l rend="i"> Arbres qui vivez plus que nous,</l>
              <l rend="i"> Joüissez d’un destin si doux ;</l>
              <l rend="i">J’ay bien d’autres sujets de murmurer contr’elle.</l>
              <l rend="i">Puis-je voir sans blâmer des ordres si cruels,</l>
              <l rend="i"> Qu’un de ces indignes Mortels</l>
              <l rend="i"> Que dans sa paresse elle forme</l>
              <l rend="i"> De ce qu’elle a de plus mauvais,</l>
              <l> <hi rend="i">Plus tard que Montausier s’endorme</hi></l>
              <l rend="i">De ce fatal sommeil qui ne finit jamais ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Un excés de douleur &amp; de delicatesse</l>
              <l rend="i"> Porte ma colere plus loin.</l>
              <l rend="i">Tout homme, quel qu’il soit, dont elle a pris le soin</l>
              <l rend="i">De conduire la vie à l’extrême vieillesse,</l>
              <l rend="i"> Quand il s’offre à mes yeux les blesse.</l>
              <l rend="i"> Non, je ne sçaurois plus souffrir</l>
              <l rend="i">Que de la fin d’un siecle icy quelqu’un approche,</l>
              <l rend="i"> Sans luy faire un secret reproche</l>
              <l rend="i"> Du long-temps qu’il est à mourir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Vous, qu’avec une ardeur sincere</l>
              <l rend="i">J’invoquois pour sauver une Teste si chere,</l>
              <l rend="i"> Dieux, quelquefois ingrats &amp; sourds !</l>
              <l rend="i">Seize lustres entiers ne firent pas le cours</l>
              <l rend="i"> D’une vie également belle,</l>
              <l rend="i"> Et qui devoit durer toujours,</l>
              <l rend="i">Si le merite estoit un asseuré secours</l>
              <l rend="i"> Contre une loy dure &amp; cruelle.</l>
              <l rend="i"> Vous ne vouliez pas que son cœur</l>
              <l rend="i">Eust le plaisir de voir ce Prince dont l’enfance</l>
              <l rend="i"> Fut confiée à sa prudence,</l>
              <l rend="i"> Une seconde fois Vainqueur</l>
              <l rend="i">Des fieres Nations que l’Envie &amp; l’Erreur</l>
              <l rend="i"> Osent armer contre la France.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vous estes satisfaits. Les barbares efforts</l>
              <l rend="i"> De la Déesse qui delie</l>
              <l rend="i">Les invisibles nœuds qui joignent l’ame au corps,</l>
              <l rend="i"> Ont fait que sur les sombres bords</l>
              <l rend="i">Montausier a rejoint sa divine Julie.</l>
              <l rend="i">Tous deux malgré cette Eau qui fait que tout s’oublie,</l>
              <l rend="i"> Sentent encor de doux transports ;</l>
              <l rend="i">Et tous deux sont suivis de ces illustres Morts,</l>
              <l rend="i">Qui dans une saison aux Muses plus propice,</l>
              <l rend="i"> Firent de leurs charmans accords</l>
              <l><hi rend="i">Retentir si longtemps le Palais d’Artenice,</hi></l>
              <l rend="i">Tandis que des grands noms du Heros que je plains</l>
              <l rend="i">Aux siecles à venir on transmet la memoire,</l>
              <l rend="i"> Et que les plus sçavantes mains</l>
              <l rend="i">Elevent à l’envi des Temples à sa gloire.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_109" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet sur le mesme sujet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 109-111.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Clerc, de l’Academie Françoise, s’est aussi adressé aux Muses dans un Sonnet dont la perte que nous avons faite de M<hi rend="sup">r</hi> de Montausier, luy a fourny la matiere. Il est trop beau pour ne vous en pas envoyer une Copie.</p>
          <quote>
            <label>SONNET.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Montausier ne voit plus la lumiere du jour,</l>
              <l rend="i">Muses, que son trépas a si fort desolées,</l>
              <l rend="i">A l’honneur de son nom dressez des Mausolées,</l>
              <l rend="i">Dignes de sa vertu, dignes de vostre amour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Dés ses plus jeunes ans il vous faisoit la cour,</l>
              <l rend="i">Et quand de nos Climats Mars vous eut exilées,</l>
              <l rend="i">On vous y vid bien-tost par ses soins rappellées,</l>
              <l rend="i">Accommoder vos chants au fier bruit du tambour.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Que nos derniers Neveux, par vostre ministere,</l>
              <l rend="i">Apprennent à quel point il fut juste &amp; sincere,</l>
              <l rend="i">Vaillant &amp; liberal, sage, actif, éclairé.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais non, LOVIS a fait son vray Panegyrique,</l>
              <l><hi rend="i">Quand pour former d’un Fils le courage heroïque,</hi></l>
              <l rend="i">A ses plus grands Sujets son choix l’a préferé.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_113" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1690-09_114">
          <head>[Réjouissances faites à Agen]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 113-121.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme les Victoires du Roy ont continué, on a fait de nouvelles réjoüissances dans toutes les Villes, &amp; celle d'Agen n'a rien épargné pour faire voir combien elle s'interessoit snsiblement aux avantages que l'Armée Navale de Sa Majesté a remportez sur celle des Anglois &amp; des Hollandois. Le 7. du mois passé, jour choisi pour en rendre graces à Dieu, Mr l'Evesque d'Agen fit richement tapisser une grande Galerie qui est dans la court de l'Evesché. Un grand Buste du Roy fut exposé au milieu sous un magnifique Dais, &amp; la nuit estant venuë, on alluma un nombre presque infiny de lumieres qui illuminerent toute cette Galerie, avec de grands flambeaux de cire blanche aux costez du Buste. Pendant tout ce jour &amp; toute la nuit, on regala de vin &amp; de plusieurs mets tous ceux qui se presenterent. Le Corps de Ville fit mettre toute la Bourgeoisie sous les armes, avec les Capitaines &amp; les Sergens de quartier, qui assisterent au feu de joye. Il fut allumé aprés que l'on eut chanté le Te Deum dans la Cathedrale, &amp; ce fut un feu continuel de Mousqueterie &amp; de Canon. [...] La Feste se termina par des danses &amp; des feux particuliers qu'on fit dans toute la Ville. Chaque Magistrat Presidial fit la danse de son quartier ; chaque Consul fit la mesme chose, &amp; toutes ces danses alloient dans la court de l'Evesché, où incessamment l'on versoit à boire à tous ceux qui en vouloient. Le Procureur Sindic, qui fut ocupé tout ce jour-là à donner ses ordres pour la representation du Combat Naval, fit allumer de nouveau le lendemain au soir toutes les Lanternes de sa ruë, &amp; se mit à la teste de tout son quartier, qui fit une danse si nombreuse, qu'elle se multiplia aussi-tost en huit autres danses.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_121" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances fait à Uzez]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 121-123.</bibl>
          <p>Je ne vous parleray point d'un Feu d'artifice qui a esté fait à Uzez dans la mesme occasion par l'ordre de Mr l'Evesque, ny d'un Soupé magnifique de cinquante Couverts, qu'il donna ensuite à toute la Noblesse du Pays. Je vous diray seulement que le bruit de cette Feste ayant attiré un fort grand nombre de nouveaux Convertis, la Cathedrale s'en trouva toute remplie dans le temps du TE DEUM. Il fut chanté en Musique en presence des Cors de Ville &amp; de Justice, &amp; ce Prelat avant que de se revestir de ses habits Pontificaux, alla s'asseoir au Fauteuil dont il se sert ordinairement pour entendre le Sermon &amp; fit le discours qui suit. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_137" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances faites à Mende]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 137-140.</bibl>
          <p>La Ville de Mende, dans le Givaudan, Province du Gouvernement de Languedoc, n'a pas monstré moins de zele, qu'Agen &amp; Uzez. Les Chanoines de la Collegiale de tous les Saints firent dresser un Feu de joye dans leur court avec toute la magnificence possible. Ils s'y rendirent tous en Surplis &amp; en Aumusses ayant leur Doyen à leur teste, &amp; tenant chacun un Cierge de cire blanche à la main, &amp; aprés avoir chanté le Te Deum, &amp; commencé le Veni Creator, il allumerent ce Feu à ces paroles, Accende lumen sensibus. Entre les Particuliers de la Ville, Mr de Reversac, Tresorier de France en la Generalité de Montpellier qui estoit alors à Mende avec sa Famille, se distingua par un feu d'artifice fort agreable. Il fut allumé devant sa maison au bruit de six Musettes, de douze Violons, de quatre Trompetes, &amp; d'une assez grande Mousqueterie. Le Bal succeda à ce divertissement, &amp; la Compagnie grossit de telle sorte en fort peu de temps, qu'on fut obligé de danser dans une court extrémement spatieuse. Douze Masques superbement vestus, y vinrent accompagnez d'une bande de Violons, &amp; par les sauts surprenans qu'ils firent, il fut aisé de connoistre que c'estoit une Troupe de Comediens nouvellement arrivée. Ces rejouïssances durerent jusqu'au jour.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_140" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances faites à Nogent-le-Roi]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 140-141.</bibl>
          <p>On en fit de fort grandes à Nogent le Roy le 23. de Juillet, pour la Victoire remportée à Fleurus par l'Armée du Roy, &amp; elles furent renouvellées le 30. du mesme mois pour la défaite des Flottes Angloise &amp; Hollandoise. Deux Compagnies de Bourgeois formerent une espece de Bataillon, qui fut suivy d'une Compagnie de Cadets, chacun de huit à neuf ans, tout bienfaits &amp; propres. Elles marcherent au bruit des Fifres, des Violons, des Tambours, &amp; des Trompettes, &amp; allerent se ranger prés de l'Eglise en deux lignes paralelles. Aprés que l'on eût chanté le TE DEUM, pendant lequel tout le Canon fut tiré, les Compagnies defilerent, &amp; monterent au Chasteau, ayant Messieurs de la Justice à leur teste.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_147" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1690-09_148">
          <head>[Réjouissances faites à Toulon]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 147-150.</bibl>
          <p>Les mesmes réjouïssances ont esté faites à Toulon, où l'on a chanté le TE DEUM dans la Cathedrale avec beaucoup de ceremonie. Entre les Particuliers qui ont signalé leur zele dans cette rencontre, on peut dire que Mr Maillard s'est distingué. Il fit parer magnifiquement l'Eglise des Peres Augustins Deschaussez qui est la plus belle de la Ville. On y voyoit un Portrait du Roy representé avec sa Cotte d'Armes, &amp; au desssous ces paroles, <hi rend="italic">Cunctis sufficit, &amp; necat omnes</hi>, pour faire entendre, que quoy qu'il soit seul à combattre tous les Souverains de l'Europe liguez contre luy, il ne laisse pas de les surmonter. Sous ce Portrait estoient d'un costé les Armes de France avec ces mots <hi rend="italic">Terraque Marique triumphant</hi>, &amp; de l'autre celles de la Ville de Toulon, qui sont d'azur à une Croix d'or. Ces paroles se lisoient autour, <hi rend="italic">Fidum semper erit Regique Deoque Tolonum</hi>, pour marquer la fidelité que Toulon garde inviolablement à Dieu &amp; au Roy. Le matin du 13. du mois passé, jour choisy pour cette Feste, le Pere Raphaël, Prieur du Convent, celebra une Messe solemnelle. Aprés Vespres, les Religieux, ayant chacun un Flambeau à la main, firent une Procession où l'on porta l'Image miraculeuse de nostre Dame de Montaigu. Le soir, les Violons au dedans, &amp; les Tambours &amp; les Fifres au dehors, firent connoistre qu'on alloit chanter le TE DEUM. Cette ceremonie estant achevée, le Pere Prieur, accompagné de plusieurs Religieux portant des Flambeaux, alla benir &amp; allumer le Feu de joye qui avoit esté dressé entre l'Eglise, &amp; la Maison de Mr Maillard. Je ne vous dis rien des illuminations qui estoient aux fenestres, &amp; en d'autres endroits de cette Maison, ny du regale qu'il fit ce soir là à ses Amis.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_150" resp="mercure">
          <head>[Service fait à Cologne pour le repos de l'ame de Me la Dauphine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 150-152.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 23. du mois passé, on fit à Cologne, dans l'Eglise Cathedrale, un Service solemnel pour Madame la Dauphine. Tous les Ecclesiastiques de ce Diocese s'y trouverent avec les Religieux de tous les Ordres. L'Office s'y fit en Musique, &amp; on y entendit toutes sortes d'Instrumens. Les Timbales &amp; les Trompettes étoient couvertes de frise noire. Un tres-grand nombre de cierges brûloient dans des chandeliers d'argent tout autour du Mausolée. Le cercueil estoit couvert de drap noir, avec un carreau de velours noir brodé d'argent. On avoit posé sur ce carreau une Couronne d'or enrichie de Diamans, &amp; on voyoit au dessus une representation de Mort qui voltigeoit. La Messe fut celebrée par un Evesque, &amp; les Bourguemestres, les Magistrats &amp; tout ce qu'il y avoit à Cologne de personnes considerables assisterent à cette lugubre Ceremonie. Aprés la Messe, l'Evesque &amp; les Prelats s'avancerent vers le Mausolée, suivis des Chanoines qui avoient de longues robes de velours rouge &amp; des surplis par dessus. On fit les encensemens, &amp; le tout se termina par des chants lugubres.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_152" resp="wordpro">
          <head>[Theses de mathematique soutenuës au College Mazarin]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 152-159.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> le Prevost a soûtenu depuis peu de temps au College Mazarin, des Theses de Mathematique sur l’Architecture Militaire. Comme elles estoient dédiées à M<hi rend="sup">rs</hi> les Prevost des Marchands &amp; Echevins de Paris, ils firent l’honneur au Soûtenant d’y vouloir bien assister en Corps. Ces Theses estoient imprimées en livre, &amp; dans ce livre on avoit representé l’Hostel de Ville, avec la marche de ses Officiers. Il contenoit plusieurs autres Tailles-douces, suivant les sujets qui devoient servir de matiere à la dispute. L’Assemblée fut illustre &amp; fort nombreuse, &amp; le Soutenant s’attira une approbation generale par ses réponses. On distribua dans l’Assemblée une Ode Latine, faite par M<hi rend="sup">r</hi> le Comte, à l’honeur de ceux à qui les Theses estoient dédiées. Je vous en envoye la traduction. Elle est d’un des plus heureux Genies de l’Academie Françoise.</p>
          <quote>
            <label>A MESSIEURS<lb />Les Prevost des Marchands<lb />&amp; Echevins de la Ville<lb />de Paris.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Fourcy, puis qu’en tous lieux par tes travaux utiles,</l>
              <l rend="i">De Paris chaque jour s’augmente la splendeur,</l>
              <l rend="i"> Et qu’enfin la Reine des Villes</l>
              <l rend="i">Par toy voit sa beauté répondre à sa grandeur.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Donne tréve à tes soins, suis la voix qui t’appelle</l>
              <l rend="i">Au plaisir innocent de nos doctes Combats ;</l>
              <l rend="i"> Et vous qu’anime un mesme zele,</l>
              <l><hi rend="i">Son fidelle conseil, accompagnez ses pas.</hi></l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Là ne s’agitent point ces disputes frivoles,</l>
              <l rend="i">O à la raison trop vive obscurcit le discours,</l>
              <l rend="i"> Et sur un vain jeu de paroles</l>
              <l rend="i">Se debat &amp; s’égare en mille faux détours.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais là brille cet art à qui tout est possible,</l>
              <l rend="i">Qui ceint une cité d’invincibles remparts,</l>
              <l rend="i"> Et qui d’un mur inaccessible</l>
              <l rend="i">Porte, comme il luy plaist, la mort de toutes parts.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">On y voit un Enfant, d’une main intrepide,</l>
              <l rend="i">Allumer les Canons dont il est entouré ;</l>
              <l rend="i"> Déja son adresse homicide</l>
              <l rend="i">Menace l’Ennemy d’un trépas assuré.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">C’est avec ce bel Art que sans estre nombreuse</l>
              <l rend="i">Une Troupe resiste à mille efforts divers,</l>
              <l rend="i"> Et que la France belliqueuse</l>
              <l rend="i">Sous le bras de LOVIS fait trembler l’Univers.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par ce bel Art, Fleurus desormais si celebre,</l>
              <l rend="i">A vû ses champs couverts d’une moisson de morts,</l>
              <l rend="i">Et du sang des Peuples de l’Ebre</l>
              <l rend="i">La Meuse épouvantée a vû rougir ses bords.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Par luy de nos Guerriers l’heroïque vaillance</l>
              <l rend="i">A lancé sur les mers cent foudres irritez,</l>
              <l rend="i"> Et des Ennemis de la France</l>
              <l rend="i">Fait voler en éclats les flotantes Citez.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Quel fracas ! &amp; combien sur l’onde lumineuse</l>
              <l rend="i">Perissent par le feu de superbes Vaisseaux !</l>
              <l rend="i"> Tout brûle, &amp; la flâme orgueilleuse</l>
              <l rend="i">S’applaudit de regner sur l’empire des eaux.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les restes malheureux de ces tristes naufrages</l>
              <l rend="i">Vont heurter les rochers effrayez &amp; surpris,</l>
              <l rend="i"> Et la mer avec ses rivages,</l>
              <l rend="i">Toute avare qu’elle est, partage le débris.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Les Enfans d’Albion, malgré leur arrogance,</l>
              <l rend="i">En ont tremblé d’horreur, &amp; par ces grands exploits</l>
              <l rend="i"> Ont vû commencer la vangeance</l>
              <l rend="i">De leur noir attentat sur la Pourpre des Rois.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_159" resp="wordpro">
          <head>[Les philosophes à l’encan]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 159-160.</bibl>
          <p>Il paroist un Livre nouveau, intitulé, <hi rend="i">Les Philosophes à l’encan</hi>. Il contient deux Dialogues, dont l’un est traduit de Lucien. Ce premier Dialogue renferme ce qu’il y a de plus particulier à dire de la doctrine de Pythagore, de Diogene, d’Aristippe, de Democrite, d’Heraclite, de Socrate, d’Epicure, de Chrysippe, d’Aristote, &amp; de Pyrrhon. Il est accompagné de remarques fort utiles pour l’intelligence de beaucoup de choses, &amp; il y en a de mesme sur le second Dialogue, qui est purement du Traducteur. Il a continué la matiere, afin de parler des autres Philosophes celebres dont Lucien n’a rien dit. Ainsi en lisant ce Livre avec les Remarques, on apprend la vie de tout ce qu’il y a eu de Philosophes considerables dans l’Antiquité.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_178" resp="mercure">
          <head>[Autre Fragment de M. l'Abbé Plomet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 178-179.</bibl>
          <p>La Ville &amp; la Cour de Montpellier ayant fait chanter le <hi rend="italic">Te Deum</hi> pour les Victoires du Roy, la veille du jour où l'on celebre la Feste de Saint Ignace. Le lendemain Mr l'Abbé Plomet qui prononça le Panegyrique de ce Saint, dans l'Eglise des Peres Jesuites, le finit par ces paroles [...].</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_182" resp="mercure">
          <head>[Divertissement representé sur le Theatre de Bourbon à Roüen]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 182-187.</bibl>
          <p/>
          <p>On a representé cette année, selon la coutume, sur le Theatre du College Royal &amp; Archiepiscopal de Bourbon des Peres Jesuites de Roüen, une Tragedie pour la distribution des Prix fondez par Mrs du Parlement de Normandie. Le sujet estoit Idomenée, Roy de Crete, qui à son retour du Siege de Troye, fut battu d'une si forte tempeste, que pour appaiser la colere des Dieux qu'il croyoit avoir irritez, il promit de leur immoler la premiere chose vivante qui s'offriroit à ses yeux sur le rivage de Crete. Il y vit d'abord son Fils unique, appellé Idée, &amp; lors qu'il voulut le sacrifier, la Reine sa Femme s'y opposa. Elle s'estoit engagée à le marier avec Electre, Fille d'Agamemnon, qui s'estoit retirée en l'Isle de Crete aprés la mort de son Pere. Les Sujets d'Idomenée ne pouvant souffrir la mort de ce jeune Prince, entreprirent de le faire regner en chassant ce Roy, mais il se deroba secretement tandis qu'on preparoit toutes choses dans le Temple pour son mariage, &amp; afin de detourner la vangeance des Dieux de dessus la teste de son Pere, il s'immola luy-mesme, &amp; se rendit la Victime &amp; le Sacrificateur, sans que son dessein eust esté connu ny de la Reine sa Mere, ny de la Princesse Electre. Cette Tragedie estoit du Pere d'Epineul, Regent de Rhetorique, &amp; fut representée avec beaucoup de magnificence, par les meilleurs Acteurs d'entre la jeunesse de ce College. Chaque Acte estoit suivy de Balets differens, où les Passions parurent sous les simboles de la crainte, du desespoir, de la tristesse, de l'esperance &amp; de la joye. Ils furent dansez par les plus habiles Danseurs de l'Opera étably à Roüen depuis peu d'années, &amp; par les Maistres de danse de la Ville. Ce grand Spectacle finit par la distribution des Prix, où les Enfans des personnes les plus qualifiées eurent bonne part. Le Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de Brinon, Conseiller au Parlement, en remporta cinq en Rhetorique. Le Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de Machonville, President en la Chambre des Comptes, en remporta deux. Le Fils de M<hi rend="sup">r</hi> d’Orgeville, President au Mortier, en eut un, &amp; le Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de S. Gervais Conseiller, un autre ; chacun en sa Classe.</p>
        </div>
        
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_187" resp="wordpro">
          <head>[Sonnet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 187-190.</bibl>
          <p>Je vous envoye le revers d’une Médaille de la vie du Roy, où vous trouverez la Prise de Bude. On voit au dessus un Soleil avec ces paroles, <hi rend="i">Me stante triumphant</hi>, c’est à dire, que lors que le Roy n’a point les armes à la main, les Allemans triomphent des Turcs. Rien n’est plus constant, &amp; le contraire se voit dans la perte qu’ils ont faite, le premier jour de cette année, &amp; dans celle qu’ils viennent de faire en Transilvanie. Cependant ils n’ont pû joüir de leur bonheur, &amp; ils ont mieux aimé se liguer contre la France, &amp; forcer Sa Majesté à reprendre les armes aprés les avoir quittées en faveur de la Chrestienté, que de voir augmenter les Conquestes qu’ils avoient commencé à faire sur les Ennemis de la Foy. Ils ont assuré par là de nouveaux triomphes à ce grand Monarque ; &amp; l’on peut dire avec beaucoup de raison à son avantage, ce que M<hi rend="sup">r</hi> de Condamine, Receveur des Finances à Nevers, a heureusement exprimé dans ce Sonnet.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Que de gloire à la fois éclate sur ta teste !</hi></l>
              <l rend="i">Que d’Ennemis vaincus cedent à ton pouvoir !</l>
              <l rend="i">L’Allemagne à l’aspect de tes Drapeaux s’arreste,</l>
              <l rend="i">Et le Belge dompté n’ose se faire voir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">A marcher contre toy le Savoyard s’appreste ;</l>
              <l rend="i">Il s’allie aux Lombards, flaté d’un vain espoir ;</l>
              <l rend="i">Mais bien-tost ses Sujets deviennent ta conqueste,</l>
              <l rend="i">Et soumis à tes loix te marquent leur devoir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ayant vû le Batave &amp; l’Anglois disparoistre,</l>
              <l rend="i">L’Ocean effrayé te reconnoist pour Maistre ;</l>
              <l rend="i">Grand Roy, que reste-t-il aprés de tels exploits ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tout cede à ta valeur sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i">Ton nom est reveré des Peuples &amp; des Rois ;</l>
              <l rend="i">Pour le rendre plus grand est-il encore un Monde ?</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_198" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 198-220.</bibl>
          <p>Il n’y a rien dont les Femmes ne soient capables quand elles sont possedées de l’ardeur de se vanger, &amp; vous tomberez d’accord de ce que je dis, quand vous sçaurez l’avanture dont je vais vous faire part. Une jeune Demoiselle, dont la fortune estoit mediocre, faisoit valoir à son avantage les agrémens qu’elle avoit dans son esprit &amp; dans sa personne. L’envie de plaire ne laissoit languir aucun de ses charmes, &amp; ce qu’ils avoient de vif estoit soûtenu de manieres engageantes, qui prévenoient favorablement pour elle les moins indulgens sur le merite. Sa Mere qui luy souhaitoit un party avantageux, n’estoit pas fâchée qu’elle vist du monde. Elle esperoit que parmy la foule il se trouveroit quelque étourdy qui donneroit dans le mariage ; &amp; cela seroit sans doute arrivé, si pour son malheur une Dame de Province, veuve depuis dix-huit mois, ne fust pas venuë demeurer dans son quartier. C’estoit une de ces Femmes que des traits mignons &amp; délicats font long-temps paroître jeunes, &amp; qui se dérobent des années sans peine, si on ne les suit de prés. Elle estoit brillante dans tout ce qu’elle faisoit ou disoit, &amp; un enjoüement d’humeur &amp; d’esprit qui animoit sa beauté, la faisoit aimer aussi-tost qu’on l’avoit veuë Le voisinage luy ayant fait connoistre la Demoiselle, forma entre-elles une liaison qui les rendoit presque inseparables. La belle estoit charmée d’avoir une Amie, dont l’attachement ne luy pouvoit qu’estre avantageux, mais elle ne songeoit pas que la Dame estant coquette, elle se donnoit une Rivale, qui luy devoit enlever la pluspart de ses Amans. En effet, le Dame ayant trouvé chez cette jeune personne des gens bienfaits, &amp; qui avoient de l’esprit, elle se fit un plaisir de leur faire voir que tout son merite ne consistoit pas dans sa beauté. Elle leur disoit mille choses agreables, &amp; eut pour eux je ne sçay quoy de si prévenant, que l’honnesteté les engagea insensiblement à la voir chez elle ; mais si d’abord leur dessein ne fut que de luy rendre quelques visites de civilité, l’accueil qu’ils receurent leur fut une amorce pour redoubler leurs empressemens. Ses complaisances estoient employées si à propos, qu’il sembloit qu’elles partissent du cœur plutost que de l’habitude qu’elle s’estoit faite d’en avoir pour tout le monde. Joignez à cela un charme au dessus de tout. Elle n’avoit point d’enfans, &amp; joüissoit de quinze à vingt mille livres de rente. Ainsi chacun se croyant favorisé, s’abandonnoit à des esperances, &amp; les assiduitez où les engageoit leur nouvelle passion, affoiblissant leurs soins pour la Belle, la mirent dans un chagrin qu’elle ne put déguiser. Elle fit force plaintes à la Dame, qui luy ayant protesté qu’elle n’avoit aucune pensée de luy oster ses Amans, &amp; que son dessein estoit de vivre toûjours indépendante, la conjura d’estre à tous momens chez elle, afin qu’estant témoin de tout ce qu’elle feroit, elle pust connoistre qu’elle ne cherchoit qu’à se divertir par d’agreables conversations, sans que son cœur prist la moindre part aux choses qui luy étoient dites. Elle luy parloit selon ses vrais sentimens. Le bien qu’elle avoit estant fort considerable, elle dédaignoit toute autre fortune, &amp; les plus grands avantages ne l’auroient pas obligée à renoncer à l’heureux état de Veuve ; mais quoy qu’elle fust fort resoluë à ne se donner jamais un maistre, elle estoit bien aise de voir qu’on luy fist la cour, &amp; d’entendre dire qu’elle estoit aimable. Cependant pour satisfaire la Belle qui continuoit ses plaintes, elle se fit une loy d’aller tous les jours chez elle, afin de luy ramener tous ses Amans. Cette conduite leur fit reprendre leurs premieres assiduitez ; mais la Belle n’y trouva pas mieux son compte. Elle s’apperceut bien-tost que c’estoit la Dame qui les attiroit, &amp; le dépit qu’elle en eut la rendant souvent de méchante humeur, luy fit prendre un esprit aigre qui leur causa de frequentes broüilleries. Leur amitié en fut alterée ; &amp; quoy que la Dame conservast toujours pour cette aimable personne les dehors les plus honnestes, la Belle n’eut pas tant de moderation. Elle commença à diminuer autant qu’elle put le merite de la Veuve, &amp; s’appliquant à examiner tous ses defauts, elle s’attacha sur tout à ce qui est l’endroit sensible des Femmes. Elle insinua qu’il estoit aisé de voir que l’art reparoit ce que son âge déja avancé luy avoit fait perdre, &amp; le hazard luy ayant donné la connoissance d’un Gentilhomme de la même Ville dont estoit la Dame, sur ce qu’il luy dit qu’il falloit qu’il y eût du moins vingt ans qu’elle eust esté mariée, elle fit si bien qu’elle l’engagea à faire venir un extrait de son Baptesme. Elle ne l’eut pas si tost entre les mains, qu’elle en fit courir sous main diverses copies, par lesquelles il étoit justifié que la Veuve qui ne se donnoit que vingt-cinq ans, en avoit prés de quarante. Rien ne luy pouvoit causer un plus sensible chagrin. Aussi fut-elle picquée vivement de cet outrage ; mais comme elle avoit beaucoup d’esprit, elle n’en fit rien paroistre, &amp; tournant la chose en plaisanterie, afin de tâcher de faire croire que la calomnie estoit trop visible pour se mettre en peine de la repousser, elle chercha seulement qui luy avoit fait une si sanglante piece. Il ne luy fallut pas une fort longue application, pour découvrir ce qu’elle avoit envie de sçavoir. Quelques-uns de ses Amans, que rebuta le peu d’apparence qu’ils virent à réüssir auprés d’elle, ayant commencé à dire, pour justifier leur desertion, qu’ils avoient trouvé sur son visage quelque chose de flétry, qu’ils n’y avoient pas remarqué d’abord, la Belle s’applaudit de son triomphe, &amp; quelques mots qu’ils luy échaperent, &amp; qu’on raporta en même temps à la Dame, luy firent connoître avec certitude d’où estoit party le coup qui l’avoit frapée si rudement. Elle feignit neanmoins de l’ignorer, &amp; fort resoluë d’en tirer vangeance par toutes sortes de voyes, elle en attendit l’occasion, sans rien changer dans ses manieres d’agir. La Belle ne laissa pas de s’appercevoir qu’elle faisoit son plaisir plus que jamais de luy oster toujours quelque Amant, &amp; jugeant bien qu’il luy seroit malaisé de joüir de ses conquestes tant qu’elle auroit pour voisine une Amie si redoutable, elle changea de quartier, afin que l’éloignement rompist leur commerce. Il fit l’effet qu’elle en avoit esperé, mais quoy que la Dame la vist rarement, elle n’en nourrit pas moins la haine secrete qu’elle avoit conceuë pour elle, &amp; qui redoubloit de jour en jour dans son cœur le desir de se vanger de ce qu’elle avoit découvert son âge. Six mois se passerent sans qu’elle en pust trouver les moyens ; mais enfin aprés ce temps, quelqu’un luy vint dire qu’un Cavalier fort bien fait, &amp; qui avoit beaucoup plus de bien qu’elle n’en pouvoit pretendre, s’étoit attaché à luy rendre quelques soins, &amp; qu’elle avoit si bien ménagé l’amour qu’elle luy avoit fait prendre, que le mariage devoit se faire dans fort peu de jours. La Dame se mit aussi-tost en teste de n’épargner rien pour l’empêcher, &amp; sans perdre temps, elle rendit une visite à la Belle, comme pour luy faire compliment sur son heureuse fortune, mais en effet pour sçavoir l’estat où estoient les choses, afin de resoudre ensuite ce qu’elle croiroit le plus à propos de faire. L’assurance qu’elle luy donna de la part qu’elle venoit prendre à son bonheur, parut estre accompagnée de tant de sincerité, &amp; elle employa pour l’en convaincre des manieres si flateuses, qu’elle fit tomber la Belle dans tous les paneaux qu’elle luy tendit. Elle apprit d’elle qu’elle n’avoit engagé le Cavalier qu’en luy marquant tout l’amour dont elle estoit veritablement touchée ; qu’il avoit eu d’abord quelque peine à se contenter du peu de bien qu’elle avoit, mais qu’il avoit enfin passé par dessus, &amp; que l’affaire seroit déja terminée si sa Mere n’avoit pas formé quelque contestation sur les avantages qu’il luy devoit faire. Ce fut en dire assez à la Dame pour luy faire voir que le Cavalier seroit sensible à des raisons d’interest. Elle sortit avant qu’il fust arrivé, &amp; le vit descendre de Carrosse dans le mesme temps qu’elle montoit dans le sien. Sa bonne mine, &amp; le portrait qu’on luy avoit fait de son merite, la confirmerent dans la resolution de se sacrifier plûtost elle-mesme, que de ne se pas vanger de l’outrage que luy avoit fait la Belle en luy rendant toutes ses années. Elle alla trouver une de ses intimes Amies qui pouvoit beaucoup sur l’esprit du Cavalier, &amp; aprés l’avoir priée d’user des plus fortes remontrances pour le détourner d’un mariage qui ruinoit sa fortune, elle l’autorisa à luy déclarer, en cas qu’il fallust en venir là, que si une assez jolie personne, &amp; cent mille francs qu’on luy donneroit, le pouvoient accommoder, on le conduiroit en lieu où il auroit tout sujet d’estre content. La Veuve avoit de l’aversion pour un second mariage, mais elle aimoit mieux s’y assujettir que d’endurer que la Belle fust heureuse. Le Cavalier ne fut ébranlé que par l’interest. Il avoit peine à quitter une personne qui l’aimoit sincerement, &amp; à qui il avoit fait les plus forts sermens de n’estre jamais qu’à elle ; mais il luy fut impossible de tenir contre les cent mille francs. Ainsi il se laissa mener chez la Veuve dont il connoissoit &amp; le bien &amp; la personne. Il trouvoit tant d’avantages dans l’offre qu’on luy faisoit, qu’il avoit peine à concevoir son bonheur. La Dame de son costé ne se sentoit point de joye lors qu’elle songeoit au desespoir où elle alloit plonger sa Rivale. On fit dresser le Contrat, &amp; le mariage s’estant fait deux jours aprés, sans que personne en eust pu rien découvrir, le premier soin de la Dame fut d’en informer la Belle, par un Billet qui l’embarassa. Il contenoit seulement qu’elle se croyoit obligée de luy apprendre qu’une Femme de quarante ans qui seroit riche, l’emporteroit toujours aisément sur une Fille de dix-huit, qui seroit sans bien. Quoy que la Belle ne pust bien comprendre ce que vouloit dire le Billet, elle ne laissa pas de trembler. Ses allarmes furent d’autant plus cruelles, que le Cavalier sur un pretexte d’affaire pressée, n’avoit pu trouver depuis deux jours le temps de la voir. Jugez de son déplaisir lors qu’elle eut receu l’avis de sa perfidie. Elle eut tout le loisir de se repentir de ce que la jalousie luy avoit fait faire, &amp; connut à ses dépens combien les Femmes sont vindicatives, puis qu’elle fut convaincuë par les avantages que la Dame avoit faits au Cavalier, &amp; par la prompte resolution qu’elle avoit prise de changer d’estat, qu’elle ne s’estoit portée à ce mariage que par le plaisir de rompre le sien.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_279" resp="mercure">
          <head>[Divers couplets de Chanson, sur l'air de <hi rend="italic">J'ay passé deux jours sans vous voir]</hi></head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre 1690, p. 279-283.</bibl>
          <p>Voicy plusieurs couplets de Chanson, qui apparemment seront aussi bien receus dans vôtre Province qu'ils l'ont été à Paris. Ils sont de Mr Diereville, qui les a faits sur l'Air J'ay passé deux jours sans vous voir. Il les intitule</p>
          <p/>
          <p>PLAINTES</p>
          <p>des Hollandois, défaits sur</p>
          <p>mer &amp; sur terre.</p>
          <p/>
          <p>O Ciel ! quel est nôtre malheur</p>
          <p>Sur mer comme sur terre !</p>
          <p>LOUIS en tous lieux est vainqueur,</p>
          <p>Tout cede à son tonnerre.</p>
          <p>Helas ! faut-il comme à Fleurus,</p>
          <p>Nous voir encor icy vaincus ?</p>
          <p/>
          <p>Luxembourg, ce vaillant Heros,</p>
          <p>Y parut en Alcide ;</p>
          <p>Et Tourville dessus les flots,</p>
          <p>N'est pas moins intrepide.</p>
          <p>Helas ! aprés ces deux combats,</p>
          <p>Que vont devenir les Etats ?</p>
          <p/>
          <p>Les Anglois croyoient sur les Mers</p>
          <p>Avoir un grand empire,</p>
          <p>Et qu'aucuns Rois de l'Univers</p>
          <p>N'osoient leur contredire.</p>
          <p>Helas ! LOUIS leur fait trop voir</p>
          <p>Qu'ils se flattoient d'un vain pouvoir.</p>
          <p/>
          <p>Vainement nous estions unis</p>
          <p>Pour conjurer sa perte ;</p>
          <p>Nous n'en sommes que mieux punis,</p>
          <p>Nostre Flotte est deserte.</p>
          <p>Helas ! malgré tous nos efforts,</p>
          <p>Il nous bat jusque dans les Ports.</p>
          <p/>
          <p>Nous voguons de tous les costez</p>
          <p>Sans trouver un azile ;</p>
          <p>Nous sommes par tout arrestez,</p>
          <p>Rien n'échape à Tourville.</p>
          <p>Helas ! en vain nous le fuyons,</p>
          <p>Il nous brûle &amp; nous coule à fonds.</p>
          <p/>
          <p>Ah ! que LOUIS est bien servy</p>
          <p>Sur la Terre &amp; sur l'Onde !</p>
          <p>Chacun le veut rendre à l'envy</p>
          <p>Le plus puissant du Monde.</p>
          <p>Helas ! quelle rage pour nous</p>
          <p>Quand nous voulons l'accabler tous !</p>
          <p/>
          <p>Que nous sert de voir aujourd'huy</p>
          <p>Toute l'Europe en Ligues ?</p>
          <p>Rien ne réüssit contre luy,</p>
          <p>Il rompt toutes nos brigues.</p>
          <p>Helas ! tout ce qu'on entreprend</p>
          <p>Ne sert qu'à le rendre plus grand.</p>
          <p/>
          <p>Voy tous les maux que tu nous fais,</p>
          <p>Maudit Prince d'Orange ;</p>
          <p>Crains à ton tour de tes forfaits</p>
          <p>Que le Ciel ne se vange.</p>
          <p>Helas ! nous ressentons des coups</p>
          <p>Que tu merites mieux que nous.</p>
          <p/>
          <p>Sous une libre &amp; douce loy</p>
          <p>Nous vivions sans traverse ;</p>
          <p>Falloit-il pour te faire Roy</p>
          <p>Rompre nostre Commerce ?</p>
          <p>Helas ! nous en sommes plus gueux,</p>
          <p>Et tu n'en es pas plus heureux.</p>
          <p/>
          <p>La cheute est le fort des Tyrans,</p>
          <p>Tu ne sçaurois le croire,</p>
          <p>Quand tu veux comme les Titans</p>
          <p>Porter si haut ta gloire.</p>
          <p>Helas ! puisses-tu l'éprouver</p>
          <p>Du Trône où tu sceus t'élever.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_296" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Pierre Gaucher de Sainte Marthe]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 296-299.</bibl>
          <p>Messire Pierre Gaucher de Sainte Marthe, Seigneur de Meré sur Indre &amp; des Lionnieres, Maistre d’Hostel du Roy, &amp; Historiographe de France, est mort aussi depuis peu de temps. Il a fait part au Public de divers Ouvrages sur l’Histoire, ainsi que ses Ancestres, qui nous ont donné l’Histoire Genealogique de la Maison de France, &amp; de ses Alliances, &amp; l’Histoire des Archevêques, Evêques &amp; Abbez de l’Eglise de France. Cette Famille originaire de Poitou, porte <hi rend="i">d’argent à la face fuzelée de trois pieces &amp; deux demies de sable au chef de même</hi>. Il en est sorty plusieurs Capitaines, qui ont signalé leur valeur en diverses occasions, des Conseillers au Parlement &amp; à la Cour des Aydes de Paris, des Lieutenans generaux à Poitiers, Maistres des Eaux &amp; Forests, non seulement recommandables par leurs services, mais aussi la pluspart s’estant fait distinguer dans les belles Lettres par les Ouvrages qu’ils ont composez. M<hi rend="sup">r</hi> de Sainte Marthe, General des Peres de l’Oratoire, est frere de M<hi rend="sup">r</hi> de Sainte Marthe qui vient de mourir ; &amp; M<hi rend="sup">r</hi> de Sainte Marthe, Conseiller de la Cour des Aydes, &amp; Garde de la Bibliotheque du Roy à Fontainebleau, est d’une des branches de cette Famille.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-09_342" resp="wordpro">
          <head>[La Pierre de touche politique]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, septembre, 1690, p. 342-343.</bibl>
          <p><hi rend="i">Le S<hi rend="sup">r</hi> Guerout avertit qu’en debitant le Mercure, il debitera aussi au commencement de chaque mois</hi>, La Pierre de touche politique, <hi rend="i">qui a commencé à paroistre depuis plus d’un an. Cet Ouvrage est si connu, qu’il seroit inutile d’expliquer en quoy il consiste.</hi></p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-10">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, octobre, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_007" resp="wordpro">
          <head>[Eloge du Roy, par M. de Cantenac]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 7-17.</bibl>
          <p>Il ne suffit pas d’estre puissant Souverain &amp; grand Conquerant, pour estre aimé. La grande puissance &amp; l’heureux succés des Armes de ceux qui sont sur le Trône, n’est pas toujours ce qui leur attire l’amour de leurs Peuples, &amp; s’ils ne joignent à leurs plus grands titres celuy d’honneste homme, on les déteste souvent pendant qu’on les craint, &amp; qu’on ne peut se dispenser de leur obeïr. Cela n’est point arrivé au Roy. Aussi peut-on dire qu’il est les delices de son Peuple, &amp; que les merveilles de son regne ont esté celebrées par plus d’Ouvrages de differente nature, qu’on n’en a fait sous tous les Monarques qui ont porté la Couronne en France depuis l’établissement de la Monarchie. En voicy un de M<hi rend="sup">r</hi> le Prieur de Cantenac. Son nom n’est pas inconnu à ceux qui se piquent de sçavoir les belles Lettres.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Grand Roy, que Dieu forma pour la gloire du Monde,</l>
              <l rend="i">Qui viens de triompher sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i">Qui plus sage &amp; plus fort que tous les Conquerans,</l>
              <l rend="i">Es l’amour de ton Peuple, &amp; le fleau des Tyrans.</l>
              <l rend="i">Les Heros de la Fable, &amp; les Dieux de l’Histoire,</l>
              <l rend="i">N’ont jamais égalé ta grandeur &amp; ta gloire,</l>
              <l rend="i">Et l’on n’en vit jamais vaincre tant d’Ennemis,</l>
              <l rend="i">Ny paroistre si doux à cent Peuples soûmis.</l>
              <l rend="i">Que vingt Rois conjurez menacent tes Provinces,</l>
              <l rend="i">Ton bras est assez fort pour combattre cent Princes ;</l>
              <l rend="i">Tu les as tout ensemble assaillis &amp; vaincus</l>
              <l rend="i">Sur le sein de Neptune &amp; les champs de Fleurus.</l>
              <l rend="i">Ils ont par leurs efforts signalé ta victoire ;</l>
              <l rend="i">Mais dans leur fuite mesme ils envioient ta gloire,</l>
              <l rend="i">Ils craignoient ta clemence autant que ta valeur,</l>
              <l rend="i">Et d’estre enfin reduits à cherir leur Vainqueur.</l>
              <l rend="i">Combien d’heureux captifs en la plaine sanglante,</l>
              <l rend="i">Où Luxembourg porta la mort &amp; l’épouvante,</l>
              <l rend="i">Malgré toute leur haine &amp; leur ferocité,</l>
              <l rend="i">Consolez de leur sort, ont beny ta bonté !</l>
              <l rend="i">Le sang mesme épargné de tes Sujets * rebelles,</l>
              <l rend="i">Va disposer leurs cœurs à devenir fidelles.</l>
              <l rend="i">Ta grace va les vaincre &amp; forcer en tous lieux</l>
              <l rend="i">D’adorer en ton bras la puissance des Cieux.</l>
              <l rend="i">Orgueilleux Ennemis de ce Monarque auguste,</l>
              <l rend="i">Unis par vostre crainte &amp; vostre haine injuste,</l>
              <l rend="i">Pour estre glorieux devenez ses amis</l>
              <l rend="i">Vos ramparts les plus seurs c’est l’amour de LOVIS.</l>
              <l rend="i">Rien n’est plus grand que luy, mais rien n’est plus aimable,</l>
              <l rend="i">Ce n’est qu’aux Ennemis qu’il paroist redoutable,</l>
              <l rend="i">Et mesme lors qu’on voit un si doux Conquerant,</l>
              <l rend="i">Un cœur, tout fier qu’il est, s’adoucit &amp; se rend.</l>
              <l rend="i">La justice &amp; l’honneur, la pieté sublime,</l>
              <l rend="i">Sont de tous ses hauts faits le motif magnanime.</l>
              <l rend="i">Sous ces guides certains qui menent aux grandeurs,</l>
              <l rend="i">Il s’est fait une route à l’Empire des cœurs.</l>
              <l rend="i">Du Dieu qui le protege il soutient les Oracles,</l>
              <l rend="i">C’est par là que sa vie est pleine de miracles ;</l>
              <l rend="i">Que le Ciel qui luy doit son culte † &amp; ses Autels,</l>
              <l rend="i">L’éleve infiniment au dessus des Mortels.</l>
              <l rend="i">Qui de tous les Heros par la solide gloire</l>
              <l rend="i">Vit toujours à son bras attacher la victoire,</l>
              <l rend="i">Soulever contre luy tant de Peuples divers,</l>
              <l rend="i">Et sçeut par leur défaite étonner l’Univers ?</l>
              <l rend="i">Ces fieres Nations que la Mer environne,</l>
              <l rend="i">Prétendoient sur ses flots ‡ étendre leur Couronne ;</l>
              <l rend="i">Mais leurs Vaisseaux forcez portent sur leur débris</l>
              <l rend="i">Le juste desaveu d’un pouvoir si mal pris.</l>
              <l rend="i">Ces Tirans de Thetis qui les avoit fait naistre,</l>
              <l rend="i">Abandonnent leur Mere aux loix d’un meilleur Maistre,</l>
              <l rend="i">Et soumise à Loüis, plus grand &amp; plus heureux,</l>
              <l rend="i">Elle imite la Terre, &amp; seconde nos vœux.</l>
              <l rend="i">Aux efforts de Loüis déja l’onde applanie,</l>
              <l rend="i">A déchargé son sein de leur Flote ennemie,</l>
              <l rend="i">Qui tremblante &amp; battuë en son premier assaut,</l>
              <l rend="i">A pris pour se cacher la Tamise &amp; l’Escaut.</l>
              <l rend="i">Mais pensent-ils sauver dans leur honteuse fuite</l>
              <l rend="i">Les restes malheureux de leur Flote détruite ?</l>
              <l rend="i">Par Tourville abbatus, le feu, la terre, &amp; l’eau</l>
              <l rend="i">Sous leurs Forts alarmez préparent leur tombeau.</l>
              <l rend="i">Va les punir, grand Prince, acheve ta conqueste,</l>
              <l rend="i">A te suivre par tout la victoire s’appreste ;</l>
              <l rend="i">Fais réparer leur crime, &amp; les force en tout lieu,</l>
              <l rend="i">De recevoir leur Prince, &amp; connoistre leur Dieu.</l>
              <l rend="i">Des farouches Teutons reprime l’insolence,</l>
              <l rend="i">Ils doivent leur Empire § aux Heros de la France.</l>
              <l rend="i">Mais ton bras qui par tout les sceut si bien dompter,</l>
              <l rend="i">N’aspire pas au bien qu’il a pû leur ôter.</l>
              <l rend="i">L’imprudent Allobroge, &amp; l’orgueilleux Ibere,</l>
              <l rend="i">Exposez justement aux traits de ta colere,</l>
              <l rend="i">Par leurs champs desolez instruiront nos Neveux</l>
              <l rend="i">De leur ingratitude, &amp; leur sort malheureux.</l>
              <l rend="i">Sous tes loix, &amp; ton nom tes Guerriers intrepides,</l>
              <l rend="i">Admirant ta valeur, sont comme autant d’Alcides,</l>
              <l rend="i">Qui par de grands efforts signalent en tous lieux,</l>
              <l rend="i">L’amour pour leur Monarque, &amp; la cause des Cieux.</l>
              <l rend="i">De nos fiers Ennemis la cabale abusée</l>
              <l rend="i">Se flatoit contre nous d’une victoire aisée.</l>
              <l rend="i">Mais leurs étendarts pris, leurs Vaisseaux tout brisez,</l>
              <l rend="i">Et leur sang répandu les ont desabusez.</l>
              <l rend="i">Penser vaincre Loüis c’est une erreur extrême,</l>
              <l rend="i">S’il peut estre vaincu, ce n’est que par luy-mesme ;</l>
              <l rend="i">Il faut que favorable à leurs justes souhaits,</l>
              <l rend="i">Il triomphe de luy pour leur donner la Paix.</l>
            </lg>
            <note><p>* Refugiez pris en combattant.</p></note>
            <note><p>† L’Heresie auroit triomphé sans le Roy.</p></note>
            <note><p>‡ Les Anglois se disoient Rois de la Mer.</p></note>
            <note><p>§ A Charlemagne &amp; à ses Successeurs.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_052" resp="wordpro">
          <head>[Sonnets]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 52-57.</bibl>
          <p>Vous ne trouverez que des veritez dans le Sonnet que vous allez lire. Il est de M<hi rend="sup">r</hi> Moreau, Avocat General de la Chambre des Comptes de Dijon.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA GUERRE<lb />presente,</label>
            <lg>
              <l rend="i">Orgueilleux Ennemis, quel sujet vous engage</l>
              <l rend="i">A liguer contre nous tant de Peuples divers,</l>
              <l rend="i">Et troubler une paix qu’un Roy vaillant &amp; sage</l>
              <l rend="i">Avoit par sa bonté donnée à l’Univers ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mettre la France en proye &amp; ses Sujets aux fers,</l>
              <l rend="i">Est donc le grand projet que forme vostre rage ?</l>
              <l rend="i">Mais par le coup fatal d’un éclatant revers,</l>
              <l rend="i">Sur vous qui l’excitez on voit tomber l’orage.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Tous armez contre luy, seul armé contre tous,</l>
              <l rend="i">L’invincible LOVIS qui fait tant de Jaloux,</l>
              <l rend="i">Par vos tristes débris va couronner sa gloire,</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">D’un triomphe achevé tout l’assure aujourd’huy,</l>
              <l rend="i">Rien ne peut à ce Prince enlever la victoire ;</l>
              <l rend="i">C’est pour Dieu qu’il combat, &amp; Dieu combat pour luy.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Cet autre Sonnet est de M<hi rend="sup">r</hi> de Liniere.</p>
          <quote>
            <label>Sur le mesme sujet.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Malgré l’Anglois, malgré l’Espagne,</l>
              <l rend="i">Et d’autres Peuples furieux</l>
              <l rend="i">Nous devons benir en tous lieux</l>
              <l rend="i">Les succés de cette Campagne.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Un juste bonheur accompagne</l>
              <l rend="i">Nostre Prince victorieux,</l>
              <l rend="i">Et son Fils revient glorieux</l>
              <l rend="i">D’avoir fait trembler l’Allemagne.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Fier Saxon, &amp; vain Bavarois,</l>
              <l rend="i">Ce Fils du plus grand de nos Rois</l>
              <l rend="i">Aneantit vostre puissance.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">A ses yeux il vous voit perir,</l>
              <l rend="i">Il triomphe par sa prudence,</l>
              <l rend="i">Et vous défait sans coup ferir.</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>Voicy d’autres Vers qui meritent bien d’avoir place icy. Le Madrigal est de M<hi rend="sup">r</hi> d’Estrez, de Laon.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Loüis, que ton Peuple est heureux !</l>
              <l rend="i">Lors que la discorde &amp; l’envie</l>
              <l rend="i">Excitent contre luy mille Monstres affreux,</l>
              <l rend="i">Ton soin met à couvert &amp; ses biens &amp; sa vie.</l>
              <l rend="i">Voir tes Sujets heureux borne tous tes desirs ;</l>
              <l rend="i">C’est à la seureté de ces Sujets tranquilles,</l>
              <l rend="i">Qu’on te voit immoler ton repos, tes plaisirs,</l>
              <l rend="i">C’est par toy que la paix regne encor dans nos Villes.</l>
              <l rend="i">Lors que nos Ennemis abbatus, consternez,</l>
              <l rend="i">Brûlent des mesmes feux qu’ils avoient allumez,</l>
              <l rend="i">Quel plaisir de les voir travailler pour ta gloire !</l>
              <l rend="i"> Depuis trois mois pour t’offrir la victoire</l>
              <l rend="i"> Leur foible audace a trois fois combattu.</l>
              <l rend="i">Ta sagesse à ton gré regle tes destinées ;</l>
              <l rend="i"> C’est toy qui rens tes armes fortunées,</l>
              <l rend="i">Et tu dois ton bonheur à ta seule vertu.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_057" resp="wordpro">
          <head>Madrigal</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 57-58.</bibl>
          <quote>
            <label>MADRIGAL.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Le premier des Cesars, pour accroistre sa gloire,</l>
              <l rend="i">Voulut placer son nom dans le Calendrier,</l>
              <l rend="i">C’est le mois de Juillet, où ce fameux Guerrier</l>
              <l rend="i">A depuis deux mille ans celebré sa memoire.</l>
              <l rend="i">LOVIS fait en ce mois plus que Jule en trente ans.</l>
              <l rend="i">Anglois, vous le sçavez, Hollandois &amp; Flamans,</l>
              <l rend="i">Combien pese le bras de ce nouvel Hercule.</l>
              <l rend="i">En Juillet si vanté par tes faits inoüis,</l>
              <l rend="i">Il est juste, grand Roy, qu’à la place de Jule</l>
              <l rend="i">On écrive à present, C’est le mois de LOVIS.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_059" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1690-10_061">
          <head>[Réjouissances faites à Chastillon-sur-Seine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1690, p. 59-71.</bibl>
          <p/>
          <p>Quoy que je vous aye parlé des réjoüissances faites en plusieurs Villes de France, pour les trois Batailles gagnées pendant la Campagne ; je ne vous ay entretenuë que de la moindre partie de celles qui en ont fait, &amp; ne pouvant donner place à toutes ces Festes, j'en ay seulement choisi quelques-unes, où les Habitans se sont distingués par des choses extraordinaires &amp; que leur zele leur avoit fait inventer. La Ville de Chastillon sur Seine a esté de ce nombre. S'il est un peu tard de vous en parler, songez que je n'ay pû le faire plûtost, ayant esté obligé de separer ces matieres dans plusieurs de mes Lettres, pour n'en pas remplir entierement les premieres. Toute la Ville &amp; toutes les Maisons Religieuses contribuerent à la parure de la principale Eglise, où le Te Deum fut chanté, ainsi que tous les Corps des Métiers, qui prirent soin d'y faire arborer leurs étendards. On plaça le Portrait du Roy à l'entrée du Choeur, &amp; la Tribune fut couverte de verdure, garnie d'un fort grand nombre d'Oiseaux, qui mêlerent leur ramage aux chants d'allegresse, &amp; eurent ensuite la liberté. Les Corps du Bailliage &amp; de la Magistrature, se rendirent de l'Hostel de Ville dans l'Eglise, au bruit des Tambours, Fifres &amp; Violons, précedez de deux Compagnies de jeunes gens sous les armes. Aprés la ceremonie, les Corps des Officiers retournerent à l'Hostel de Ville dans le mesme ordre qu'ils estoient venus, &amp; ensuite les Magistrats marcherent par toute la Ville, au bruit de toutes sortes d'Instrumens, &amp; par leur exemple animerent les Bourgeois, qui dresserent des tables, &amp; mangerent ainsi qu'eux au milieu des rues. Pendant le repas, les Dames, tenant le verre d'une main &amp; le pistolet de l'autre, seconderent galamment, &amp; à diverses reprises, Mrs du Corps de la Magistrature. Aprés le soupé, les feux estant allumez devant les maisons, Mr le Chape, Maire de la Ville, commença un Bal public avec les Magistrats, dans la plus belle Place de la Ville, que l'on éclaira de quantité de flambeaux. Il regala tous ceux qui abordoient devant sa maison, &amp; n'épargna rien pour marquer de son zele. La Feste qui commença le Dimanche, fut continuée le reste de la semaine. Le Lundy ayant fait cueillir toutes les fleurs qui estoient dans ses parterres, pour faire des festons autour du Portrait du Roy, il les fit mettre dans un grand bassin, &amp; marcha avec les Magistrats dans leur appareil ordinaire. Un jeune homme fort leste, placé au milieu des Fifres, des Tambours &amp; Violons, portoit ce bassin, qui pendant la marche fut remply d'une infinité de Bouquets, que les hommes, femmes, &amp; filles y jettoient incessamment. Le Mardy, il fit faire en sa maison une tres belle Couronne de Laurier au mesme Portrait du Roy, &amp; la fit poser dans un grand bassin au milieu de toutes sortes de fleurs. On mit aussi tous les bouquets des Habitans dans deux autres grands bassins en forme de piramide, &amp; le tout fut porté avec les mesmes ceremonies que l'on avoit observées le jour précedent. Le Mercredy, les Magistrats se firent un honneur de composer de leurs propres mains des festons &amp; des guirlandes de cette varieté de fleurs, &amp; les disposerent autour du Portrait u Roy, que deux jeunes hommes fort propres, porterent à la veuë de tout le Peuple, qui appelloit ce Monarque, comme un autre Tite, l'amour &amp; les délices du genre humain. La marche se termina comme les suivantes, à la principale Eglise, où l'on remettoit ce Portrait à l'entrée du Choeur. Le Jeudy Mrs du Corps de la Magistrature le firent porter en triomphe au bruit des Fifres &amp; des Tambours. Il estoit environné de lauriers, &amp; lors qu'on fut arrivé devant la Maison de Ville, ils en firent aussi couronner le Buste du Roy, qui est placé sur la porte de cet Hostel. Le Vendredy Mr le Maire fit apporter chez luy tous les Drapeaux des Quartiers &amp; des Corps des Mestiers, &amp; les fit marcher chacun dans son rang, Enseignes déployées, devant, &amp; aprés ce mesme Portrait, qui fut accompagné le jour suivant dans toutes les ruës par tous les Fils de Famille qui s'estoient mis sous les Armes. Ce mesme jour les plus beaux enfans de la Ville superbement habillez marcherent prés du Portrait en tenant des Branches &amp; des Couronnes de laurier, &amp; Mr le Maire le porta luy-mesme depuis l'Hostel de Ville jusques à l'Eglise, où il redouble ses prieres &amp; ses voeux pour Sa Majesté. Le Frere Zenon, Religieux Feüillant, se signala particulierement par le grand nombre de belles Fusées qu'il fit, &amp; que l'on tira pendant les trois jours que les TE DEUM furent chantez pour le gain des trois Batailles. Il estoit fort connu de la Reine-mere, qui luy a inspiré un tel amour pour le Roy, qu'il fait dire tous les ans deux cens Messes, pour la conservation de sa santé, &amp; pour la prosperité de ses Armes.</p>
          <p>La Ville de Chastillon sur Seine a fait une chose qui n'a esté faite par aucune Ville, puis qu'outre les manieres nouvelles, &amp; ingenieuses dont elle s'est servie pour faire éclater sa joye, &amp; dont vous venez de lire la Relation, elle employa Mr Pyon, Bachelier en Theologie, &amp; Principal du College de la Ville, pour faire trois pieces d'Eloquence, dont chacune avoit pour sujet une des Batailles qui donnoient occasion à la réjoüissance publique. Elles furent exposées aux yeux du Peuple à la porte de l'Eglise dans les jours des Te Deum, afin que la lecture de ces Pieces l'excitast encore davantage à l'admiration de ce que le Roy a fait cette derniere Campagne, contre un si grand nombre d'Ennemis liguez.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_083" resp="wordpro">
          <head>[Nouvelles manieres de Theses soutenuës à Catelnaudary.]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 83-85.</bibl>
          <p>Tout est miraculeux aujourd’huy en France, &amp; la Jeunesse y est sçavante dans âge, où à peine sçavoit-elle autrefois lire. Ce qui vient de se passer à Castelnaudary, Capitale de Lauragais en Languedoc, en est une preuve. M<hi rend="sup">r</hi> la Riviere de Laudun, jeune Gentilhomme, âgé seulement de onze ans, &amp; qui étudie en cette Ville-là au College des Peres de la Doctrine Chrestienne, y a répondu publiquement durant trois jours sur la Geographie universelle, sur l’Histoire Sainte, sur celle de France, de Rome &amp; de Grece, sur le Blason, sur la Sphere, sur les Fables de Phedre, &amp; sur les plus belles Odes d’Horace. Sa These étoit dédiée au Roy, &amp; à l’ouverture &amp; à l’issuë de chaque seance, il a recité des Vers à la gloire de cet auguste Monarque. Toute l’Assemblée est toujours sortie avec une entiere satisfaction de ses réponses. Le Pere Riviere des Borderies, son Regent, qui l’a instruit dans toutes ces belles connoissances, le dispose à répondre dans quelque temps sur les plus beaux endroits des Poëtes Grecs &amp; Latins.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_098" resp="mercure">
          <head>[Réjouissances à Toulouse et aux Cordeliers de Paris]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1690, p. 98-110.</bibl>
          <p>Le Pere Louis Verdun, Religieux du grand Convent de l'Observance de Saint François de Toulouse, qui exerce depuis plus de huit ans la fonction de Commissaire &amp; Procureur General de la Terre Sainte dans toute la France, receut la nouvelle de ce grand triomphe par Madame Girardin, le jour qu'on porta à Nostre-Dame les Etendarts &amp; les  Drapeaux pris à la bataille de Fleurus, &amp; qu'on y chanta le TE DEUM pour rendre graces à Dieu d'une Victoire si signalée contre les Ennemis de l'Eglise catholique &amp; de l'Estat, &amp; le lendemain on luy rendit un Paquet de Constantinople, où le Procureur General de la Terre Sainte luy faisoit le détail de cette Negociation. [...] Ce Religieux ayant appris cet heureux succés, se vit dans le comble de sa joye, &amp; ne songea qu'à satisfaire l'impatience qu'il eut d'en remercier le Roy. Cet honneur luy fut accordé le jour de la feste de S. Loüis, &amp; il avoit demandé à faire son compliment ce jour-là, à cause du zele que ce saint Roy a marqué pour la Terre Sainte. [...] Il supplia ensuite le Roy de luy permettre de faire éclater publiquement les témoignages de son respect &amp; de sa reconnoissance, &amp; d'ordonner un Te Deum dans l'Eglise du grand Convent des Cordeliers, &amp; un Feu devant la porte, afin qu'ils pussent devenir plus solemnels. La fin de son compliment fut, Que les Religieux Cordeliers n'oublieroient rien pour attirer sur Sa Majesté les benedictions du Ciel dans ces mesme Lieux, où le Sauveur les a répanduës si abondamment sur tous les hommes.</p>
          <p>Le Roy fut fort satisfait de ce compliment, &amp; accorda la permission qu'on luy demandoit. Ainsi le 20. du mois passé, on chanta un Te Deum solemnel dans l'Eglise du Grand Convent des Cordeliers de Paris. Elle estoit tendüe de riches tapisseries, &amp; il y avoit cent Chandeliers d'argent sur l'Autel, qui estoit illuminé depuis le bas jusques à la voûte. Vous jugez bien qu'on n'oublia pas d'avoir une excellente Musique. Elle estoit de la composition de Mr Noël, qui a si bien réussy en plusieurs occasions. Tout ce qu'il y a de plus habile parmy les Musiciens du Roy, &amp; ceux de la Ville, soit pour les Voix, soit pour les Instrumens &amp; la Simphonie, fut employé pour ce Te Deum, aprés lequel les Religieux chanterent l'Exaudiat, &amp; la Musique finit par la Simphonie, &amp; par le, Domine, salvum fac Regem, ce qui fut suivy d'un grand bruit de Boëtes. Sur les sept heures du soir, on vit paroistre une Illumination devant la porte de l'Eglise en dehors, où une infinité de lampons [sic] formoient une double guirlande tout autour du grand portail, ainsi que des Obelisques des deux costez, avec des Fleurs de lis au bout, &amp; au dessus du grand portail, à la face de l'Eglise, on voyoit les cinq Croix de Jerusalem. Cette illumination dura jusques à minuit, &amp; on entendit presque toujours le son des Timbales &amp; des Trompetes.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_149" resp="wordpro">
          <head>[Livres nouveaux]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 149-161.</bibl>
          <p>Le S<hi rend="sup">r</hi> Theodore Girard Libraire dans la grande Salle du Palais, commence à debiter un Ouvrage d’une autre nature, qui doit estre d’une grande utilité aux Ingenieurs, Contrôleurs, Inspecteurs, Architectes, Entrepreneurs, &amp; Ouvriers des Travaux, tant civils que militaires. Il est de M<hi rend="sup">r</hi> Desenne, Professeur d’Arithmetique à Paris, &amp; a pour titre, <hi rend="i">Calcul du Toisé</hi>. Toutes les personnes qui font bastir y trouveront un chemin certain pour éviter les erreurs, épargner du temps, &amp; soulager la memoire, puis que le Calcul y estant fait de tous Toisez de superficies, Solides &amp; Bois équarris, il ne faut que sçavoir lire pour venir à bout en un moment de ce qu’il seroit impossible de calculer sans beaucoup de peine. L’Auteur a employé huit manieres ou methodes differentes pour faire ce Calcul. C’est ce qui avoit esté inconnu jusqu’à present.</p>
          <p>Il paroist aussi depuis peu de jours un Livre que l’on peut dire nouveau, quoy qu’on l’ait veu il y a déja quelques années. L’Auteur en a renversé tout l’ordre, &amp; y a fait des augmentations si considerables, que ce n’est plus en effet le mesme Livre. Son titre, qui est <hi rend="i">L’Art de vivre heureux</hi>, vous fera tomber d’accord qu’il doit estre leu de tout le monde, puis qu’il n’y a personne qui ne doive mettre tous ses soins à vivre content. Cet Art est formé sur les idées les plus claires de la raison &amp; du bon sens, &amp; sur de tres-belles Maximes de M<hi rend="sup">r</hi> Descartes. L’Auteur l’a divisé en trois parties. La premiere traite du bonheur de cette vie, &amp; de l’idée qu’on en doit avoir ; la seconde, de la nature de l’Ame, de ses puissances &amp; de sa liberté, qui sont les moyens dont le libre usage doit nous rendre heureux en cette vie, &amp; la troisiéme, de l’application &amp; du droit usage des deux puissances de nostre ame, qui consiste à trouver les moyens necessaires pour fortifier sa raison, &amp; pour la disposer à juger toujours si bien de tout ce qui est bon ou mauvais dans la vie, que la volonté ne soit pas trompée dans ses poursuites. On trouve ce Livre chez le S<hi rend="sup">r</hi> Coignard, ruë Saint Jacques, à la Bible d’or.</p>
          <p>On a donné au Public au commencement de ce mois, <hi rend="i">L’Histoire Monastique d’Irlande</hi>. C’est un Ouvrage plein de recherches, dans lequel on voit toutes les Abbayes, Prieurez, Convents, &amp; autres Communautez Regulieres qu’il y a eu dans ce Royaume le temps &amp; les titres de leur fondation, le nom &amp; la qualité des Fondateurs, les Villes, Bourgs, Comtez &amp; Provinces où elles estoient situées ; les differens Ordres Reguliers dont elles dépendoient, &amp; les circonstances les plus remarquables de leur établissement &amp; de leur suppression, avec quantité de Remarques Historiques &amp; Critiques. Il est précedé d’un Traité fort curieux servant d’introduction à cette Histoire. L’Auteur y fait voir que l’Irlande a veu des Moines presque aussi-tost que des Chrestiens, puisque ceux qui vinrent y planter la foy, estoient engagez dans la vie Monastique ; que dans le quatriéme siecle Saint Diarmir &amp; Saint Liberius, rendirent le Lac de Rée qui est au milieu de ce Royaume, considerable par les deux premieres Abbayes qu’on y ait fondées ; qu’au commencement du siecle suivant, les quatre grands Precurseurs de Saint Patrice, sçavoir, Saint Albée, Saint Declan, Saint Ibare, &amp; Saint Kiaran, qui estoient Moines, convertirent une grande partie de l’Isle, &amp; établirent des Abbayes considerables où ils furent eux-mesmes Abbez ; que le sixiéme siecle, &amp; les autres qui le suivirent furent si fertiles en Saints Moines qui fonderent d’autres Abbayes en Irlande, &amp; dont quelques uns leur donnerent à suivre des regles particulieres, que cette multitude de Saints fut cause que l’on appella l’Irlande l’Isle des Saints ; que dans le temps où les premiers Moines Irlandois parurent, les deux plus anciens Ordres qui florissent aujourd’huy dans le Christianisme, celuy de Saint Benoist, &amp; celuy des Chanoines Reguliers de Saint Augustin en l’estat où ils sont presentement, n’estoient pas encore connus, &amp; qu’on trouve que les premiers Saints d’Irlande estoient partagez en trois Ordres Reguliers, dont le premier estoit appellé tres-Saint ; que trois cens cinquante Evêques Reguliers, tous Saints, &amp; qui n’avoient qu’une mesme tonsure &amp; une mesme Liturgie, composoient cet Ordre ; que le second n’estoit pas si Saint ; qu’il y avoit peu d’Evesques &amp; differentes liturgies, &amp; que les Moines qui en dépendoient estoient presque tous Prestres au nombre d’environ trois cens, peu de Moines prenant anciennement l’Ordre de Prestrise, &amp; qu’enfin le troisiéme &amp; dernier Ordre qui estoit Saint aussi, mais moins Saint que les deux autres, comprenoit encore plusieurs Saints Moines au nombre de cent, presque tous Prestres, &amp; dont il y en avoit aussi quelques uns d’Evesques ; que leurs Convents estoient bastis dans des deserts &amp; dans des bois, où ils ne beuvoient que de l’eau, &amp; ne se nourrissoient que de legumes qu’ils cultivoient eux-mesmes, à la manieré des celebres Moines de la Trappe. L’Auteur fait connoître ensuite par le détail toutes les Regles particulieres qu’il y avoit dans l’Irlande, &amp; qu’il reduit au nombre de treize, dont il dit que l’Ordre de Saint Colomban se sousmit à celuy de Saint Benoist, &amp; qu’il y en eut neuf autres qui reconnurent l’Ordre des Chanoines Reguliers de Saint Augustin. Il passe de là aux moyens dont se servit Henry VIII. pour supprimer tous les Convens, tant en Angleterre, qu’en Irlande, au milieu du seiziéme siecle, lors qu’il rendit ces deux Royaumes Schismatiques pour se soustraire au pouvoir du Pape, qui n’avoit point voulu luy accorder la permission qu’il demandoit pour se marier avec Anne de Boulen. Les circonstances de cette suppression de Convens sont écrites avec beaucoup d’ordre &amp; d’exactitude.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_169" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 169-204.</bibl>
          <p>Rien n’est plus ordinaire en amour que les traverses, &amp; ce que j’ay à vous en conter n’auroit rien de surprenant, s’il n’avoit été suivy d’évenemens assez peu communs, pour meriter que vous les sçachiez dans toutes leurs circonstances. Un Cavalier, plein de bonnes qualitez, &amp; fort estimé sur tout pour une droiture d’ame qui paroissoit dans toutes ses actions, se laissa toucher insensiblement d’une jeune Demoiselle, en qui la sagesse &amp; la modestie estoient l’effet des soins d’une Mere qui l’aimant fort tendrement, en avoit pris de tres-grands pour son éducation. Elle n’estoit pas tout à fait belle, mais mille agrémens reparoient dans sa personne ce qui manquoit à la regularité de ses traits, &amp; elle avoit d’ailleurs un esprit si doux, &amp; des manieres si insinuantes, qu’il estoit mal-aisé de la connoistre sans souhaiter de s’en faire aimer. Son Pere estoit riche, mais quoy qu’en la mariant il luy dust faire des avantages considerables, ils n’alloient point au delà des prétentions que le Cavalier se pouvoit permettre. C’estoit un Gentilhomme de Normandie qui joüissoit de quinze à vingt mille livres de rente en belles Terres, &amp; qui ayant toutes les inclinations d’un honneste homme, se plaisoit à faire une dépense proportionnée au bien qu’il avoit. Sa Mere estoit venuë s’établir à Paris depuis son Veuvage, avec une Fille unique, à qui elle tâchoit inutilement d’inspirer l’envie de choisir un Cloistre où elle eust esté plus propre qu’au monde. En effet, on ne pouvoit arrester les yeux sur elle sans se sentir dégousté de sa laideur. Elle estoit d’une humeur insupportable, &amp; le chagrin de ne pouvoir faire quelque agreable conqueste, luy avoit donné une aigreur d’esprit que la raison ne pouvoit regler. Il y avoit environ trois mois que le Cavalier voyoit la Belle, quand un Conseiller qui commençoit à entrer dans cet âge meur où l’on ne songe à se marier que par des veuës d’interest ou d’alliance, jetta les yeux sur cette aimable personne dans le dessein d’en faire sa Femme. Il luy rendit d’abord quelques soins sans se declarer, &amp; le temps qu’il prit pour tâcher de la connoistre, ne fit que l’affermir davantage dans la resolution qu’il avoit prise ; mais si la Belle luy plut, il s’en fallut bien qu’il ne réussist également à luy plaire. Ses manieres estoient rudes, &amp; tout ce qu’il disoit ou faisoit estoit plus d’un Juge qui se sert avec empire de l’autorité qu’il a en main, que d’un Amant qui fait son plaisir de se soumettre. Ainsi s’il avoit quelques complaisances, on y remarquoit toujours je ne sçay quoy de forcé, &amp; il ne put si bien faire que la Belle ne connust qu’il estoit avare, sujet à des visions de pur caprice, &amp; fort difficile à ramener, mesme dans les choses où il n’avoit pas raison. Tous ces defauts qui éloignoient de luy le cœur de la Belle, servirent à mettre dans un plus beau jour tout ce que le Cavalier avoit d’estimable, &amp; ses belles qualitez augmentées, pour ainsi dire, par les imperfections de son Rival, l’eussent mis dans une entiere assurance de se voir heureux, si elle eût été en droit de disposer d’elle ; mais pour son malheur elle dépendoit d’un pere fort attaché à ses sentimens, &amp; qui s’estant laissé gagner par le Conseiller, prétendit que dans une affaire de cette importance, elle ne devoit avoir de volonté que la sienne. La declaration impreveuë qu’il fit tout à coup sans l’en avoir consultée, renversa tous les projets qu’on avoit pû faire. Le Cavalier en fut accablé, la Mere effrayée, &amp; la Fille au desespoir. L’ordre qu’elle receut de son Pere, de ne plus regarder le Conseiller que comme un homme qu’elle devoit épouser dans peu de jours, la fit resoudre à renter toutes sortes de moyens pour se garantir d’un mariage dont la pensée seule la faisoit trembler. Elle s’adressa d’abord à l’Amant choisi qui luy causoit tout cet embarras, &amp; crut qu’en luy avoüant qu’elle se sentoit pour luy un éloignement qui la mettoit hors d’état de répondre à son amour, il ne voudroit pas s’obstiner dans une affaire qui les rendroit l’un &amp; l’autre également malheureux ; mais elle eut beau se servir des termes les plus touchans pour l’obliger à y renoncer. Il luy dit d’une maniere fort respectueuse, qu’elle exigeoit de luy une generosité dont il n’estoit point capable ; que l’amour devoit l’emporter sur toutes choses, &amp; que si l’injuste prevention qu’elle avoit pour son Rival l’avoit renduë jusque là insensible à sa tendresse, il ne doutoit point que trois mois de mariage ne luy fissent prendre d’autres sentimens. La Mere qui estoit entierement dans les interests du Cavalier, voyant qu’on ne devoit rien attendre de ce costé-là, fit ce qu’elle put pour gagner l’esprit de son Mary. Elle luy representa l’aversion invincible que sa Fille avoit pour le Conseiller, &amp; luy ayant peint tous les malheurs qui accompagnent ordinairement un mariage forcé, elle tâcha de luy faire concevoir que le Cavalier ayant encore plus de bien que celuy qu’il choisissoit pour son Gendre, devoit estre preferé, puis que l’estime estoit reciproque entre eux, &amp; qu’une secrete simpatie ayant commencé leur union, il estoit à croire qu’en la confirmant ils ne feroient que suivre les ordres du Ciel. Le raisonnement estoit fort juste, mais il ne fut point du goust du Mary. Comme il avoit l’humeur tres imperieuse, il répondit brusquement qu’il suffisoit qu’il eust donné sa parole pour ne la point retracter ; que quoy qu’il entendist estimer le Cavalier dans le monde, il ne vouloit point d’un homme d’épée ; que si le métier estoit honorable, les équipages qu’il falloit renouveller d’année en année, menoient necessairement à une grosse dépense, &amp; que quand un Brave avoit mangé la plus grande partie de son bien pour s’acquerir de la gloire, un coup de Canon ou de Mousquet terminoit les esperances qui l’avoient flaté. Cette matiere ne s’épuisa pas sans une longue dispute, qui ne produisit rien autre chose qu’une défense de plus recevoir le Cavalier, &amp; un ordre de se preparer au mariage dans un certain jour. Il le signifia luy-mesme à sa Fille, qui s’estant armée d’une courageuse résolution, luy dit que le respect qu’elle luy devoit l’empêcheroit de songer jamais à épouser un homme qui ne luy agréoit pas, mais qu’aussi l’autorité que le nom de Pere luy donnoit sur elle, ne luy paroissoit point assez legitimement fondée pour la devoir engager à faire une chose dont elle estoit asseurée qu’elle se repentiroit toute sa vie ; que comme elle renonçoit, pour ne luy déplaire pas, aux sentimens les plus doux qui fussent jamais entrez dans son cœur, elle le prioit de trouver bon qu’elle se dispensast de luy obeir sur un mariage qui ne pouvoit avoir de suites heureuses, &amp; qu’elle ne vouloit pas luy cacher, que puis qu’il luy défendoit de ceder à son penchant, elle estoit résoluë de demeurer Fille, &amp; de n’épouser ny le Conseiller, ny aucun autre. Sa fermeté étonna son Pere, qui pour l’ébranler la menaça d’un Convent, mais elle parut si preste à s’y enfermer, que la crainte de la perdre luy fit suspendre l’execution de cette menace. Cependant il fallut congedier le Cavalier, qu’elle ne laissa pas de voir plusieurs fois chez une Amie en presence de sa Mere. Tant d’obstacles ne servirent qu’à redoubler leur amour. Ils se donnerent les plus tendres asseurances de ne le laisser jamais affoiblir, &amp; le temps de la Campagne estant arrivé, le Cavalier dit à cette aimable personne, que peut-estre elle se verroit bien-tost degagée de ses sermens, parce qu’un secret pressentiment luy faisoit croire qu’il y periroit. La Belle se mocqua de ses alarmes, &amp; pour l’animer à se conserver pour elle, elle l’asseura que si elle estoit assez malheureuse pour le perdre, jamais personne, quoy que l’on pust faire, ne tiendroit sa place dans son cœur. Il partit charmé de cette promesse, dont neantmoins il luy paroissoit injuste de luy demander l’effet, puisque la mort devoit rompre les plus forts engagemens. Les Lettres furent frequentes, &amp; les chagrins de l’éloignement se trouverent adoucis pendant deux mois par tout ce qu’une vive passion peut faire écrire de plus obligeant ; mais enfin il vint avis que dans une attaque où les Ennemis avoient perdu bien du monde, Le Cavalier avoit esté blesse dangereusement. Peu de jours aprés, la Belle reçeut la nouvelle de sa mort, &amp; elle luy fut confirmée de tant d’endroits, qu’elle n’eut plus sujet d’en doûter, sur tout aprés que sa Sœur eut pris le deüil, &amp; que l’on en publia jusqu’aux moindres circonstances. La douleur qu’elle en montra est inconcevable. Elle s’estoit declarée pour luy avec si peu de reserve, qu’elle ne prit aucun soin de cacher ses larmes. Le Conseiller qui les vit couler, ne s’en embarassa point ; il crut que le temps les essuyeroit, &amp; reprit de nouvelles esperances, puisque cette mort la dispensoit de se piquer de constance pour un homme qu’elle ne pouvoit jamais revoir ; mais il fut trompé dans son attente. Son Pere voulut inutilement renoüer l’affaire. Elle l’asseura tout de nouveau que rien ne l’obligeroit à changer d’estat, &amp; que puis qu’il ne luy avoit pas permis de se donner à ce qu’elle aimoit, elle ne seroit jamais à personne. Il se repentit alors, (&amp; le luy marqua plusieurs fois à elle mesme) d’avoir combatu ses sentimens, &amp; s’imaginant que le desespoir où ses refus avoient mis le Cavalier, l’avoit obligé à ménager moins sa vie dans l’occasion, il se reprocha d’estre cause de sa mort. Le Conseiller ayant veu toutes ses poursuites inutiles, renonçea enfin à importuner la Belle, &amp; l’avidité du bien luy fit tourner ses pensées vers la Sœur du Cavalier. La mort de son Frere la rendoit un gros party, &amp; beaucoup de gens qui songeoient à leur fortune, ayant commencé à la rechercher, il crût ne pouvoir mieux faire, que de se mettre du nombre des Pretendans. La Mere qui avoit besoin d’appuy dans quelques procés dont elle estoit menacée, ne fut pas fachée de la proposition du Conseiller. Elle l’écouta, &amp; comme il estoit adroit, il sçeut si bien tourner son esprit qu’en fort peu de temps elle luy fit épouser sa Fille. Les belles Terres dont il se voyoit le Maistre par ce mariage, le consoloient de la laideur de sa femme ; mais ce qu’il y eut pour luy de plus chagrinant, il ne fut pas longtemps avec elle sans s’apperçevoir qu’elle avoit l’esprit aussi mal fait que le corps. Ses remontrances n’ayant pû rien obtenir sur son humeur aigre &amp; toûjours contrariante, il luy laissa son Appartement où elle vivoit à sa fantaisie. Pour luy oster tout lieu de se plaindre, il avoit soin de luy faire fournir avec abondance tout ce qu’elle demandoit, &amp; ne la voyoit que fort rarement. Six ou sept mois s’étoient déja écoulez depuis la nouvelle de la mort du Cavalier, lors que la Belle qui la sentoit toûjours vivement, fut obligée d’assister au mariage d’une Parente avec qui elle estoit liée d’une amitié sort estroite. La saison du Carnaval fut cause qu’on appella les Violons à la Feste. Les Masques y vinrent en foule, &amp; tandis que la Belle qui ne vouloit pas danser, resvoit à l’écart à toute autre chose qu’aux plaisirs qui occupoient l’Assemblée, un Bohemien habillé fort proprement s’approcha d’elle, &amp; l’asseurant qu’il excelloit sur tout autre dans la connoissance de l’avenir, il luy demanda si elle vouloit sçavoir sa bonne avanture. La Belle ayant répondu que ses malheurs estoient plus forts que son Art, luy donna sa main nonchalamment, &amp; le Bohemien l’ayant regardée long-temps, luy dit qu’il ne pouvoit bien déveloper ce qu’il y avoit de plus particulier dans sa vie ; qu’il voyoit seulement en general qu’un Amant aimé luy avoit fait verser bien des larmes, mais que le temps estoit proche, où elle auroit lieu, en le revoyant aussi remply d’amour que jamais, de sentir autant de joye qu’elle avoit eu de chagrin. La Belle poussa un long soupir, &amp; renvoya le Bohemien en luy disant qu’au moins il devoit chercher à luy prédire des choses, où il y eust quelque possibilité. Il soutint toujours que l’effet confirmeroit sa prediction, &amp; l’ayant quittée, il se perdit dans la foule, &amp; ne parut plus. La Belle trouva quelque chose de singulier dans l’avanture du Bohemien qu’elle n’avoit point veu s’adresser à d’autres qu’à elle, &amp; le lendemain il luy fut impossible de n’y pas rêver pendant tout le jour. Elle eut beau se dire qu’il n’y avoit aucun remede à la mort. Je ne sçay quoy de flateur l’entretenoit malgré elle, &amp; plus tranquille qu’elle ne l’estoit ordinairement, elle ne pouvoit se refuser à de secrets mouvemens de joye qu’elle ne comprenoit pas. Cela se termina par des larmes que luy arracha le souvenir d’un Amant si digne de sa tendresse, &amp; le jour suivant elle se trouva dans un abatement extraordinaire. Elle n’en sortit que pour se plaindre de ceux qui luy vinrent dire qu’il couroit un bruit du retour du Cavalier. Tandis qu’elle soustenoit la fausseté de cette nouvelle, qui ne laissoit pas de l’embarasser par le rapport qu’elle avoit avec ce que le Bohemien luy avoit dit, un de ses Amis survint, &amp; l’asseura qu’il venoit de luy parler. Ce fut pour elle une si grande surprise, que ne pouvant croire ce qu’on luy disoit, &amp; voulant d’ailleurs que la chose fust, elle demeura comme immobile. Dans ce moment, on receut message du Cavalier mesme, qui envoyoit demander si on agréroit qu’il rendist une visite. Le Pere assura qu’il la recevroit avec plaisir, &amp; l’ayant d’abord entretenu seul, il le mena à sa Femme &amp; à sa Fille, avec qui il le laissa, ne doutant point qu’il n’eust à leur dire bien des choses qui demandoient une conversation particuliere. N’attendez pas que je vous dépeigne la joye de ces deux Amans ; il faut aimer pour la concevoir. La Belle n’eut pas de peine à se figurer que le Bohemien &amp; le Cavalier n’estoient qu’une mesme chose. Elle le felicita sur ce qu’il ne prédisoit que ce qui estoit certain, &amp; l’impatience où il la vit de sçavoir comment il pouvoit estre vivant aprés qu’on avoit publié sa mort comme une chose asseurée, ne permettant pas qu’il differast à luy rendre compte d’un évenement si peu commun, il luy dit qu’ayant receu de dangereuses blessures dans une rencontre, où il avoit esté commandé, il s’estoit fait porter à une Ville prochaine, où quelque accident facheux avoit fait d’abord desesperer de sa guerison ; qu’estant tombé quelques jours aprés dans une entiere défaillance de ses sens, où il estoit demeuré vingt heures sans donner aucune marque de vie, son Valet de chambre s’estoit hâté d’écrire à sa Mere, pour luy donner avis de sa mort ; qu’estant révenu à luy, &amp; ayant appris ce qu’il avoit fait, il luy avoit ordonné d’en écrire encore de nouvelles circonstances, afin qu’on ne pust la tenir douteuse ; qu’il n’avoit eu en veuë dans tout cela que de bien connoistre par le déplaisir qu’elle en auroit, si elle estoit aussi veritablement attachée à luy, qu’elle luy avoit permis de le croire ; qu’il avoit eu cette satisfaction, puis que par le moyen d’un de ses Amis qui écrivoit souvent à Paris, il avoit sceu la genereuse résolution qu’elle avoit prise de n’aimer jamais personne aprés luy ; que rien ne l’avoit plus réjoüy que le mariage du Conseiller avec sa Sœur qu’on avoit mandé à cet Amy ; qu’il n’auroit pû souhaiter une plus rude vangeance des maux qu’il luy avoit faits ; qu’il luy avoit fallu un longtemps pour guerir entierement de ses blessures, &amp; pour revenir de la foiblesse que ce qu’il avoit souffert luy avoit causée ; qu’à son retour, il estoit allé d’abord se cacher chez un Amy, qui en le voyant s’estoit écrié comme de l’apparition de quelque Fantôme, parce qu’il le croyoit mort, comme tous les autres ; qu’ayant sceu de luy qu’on parloit d’un Bal pour le lendemain, où elle estoit conviée, il avoit songé à se déguiser en Bohemien, pour l’entretenir sans estre connu ; qu’aprés cela il s’estoit fait voir à sa Mere, &amp; qu’il venoit prendre leurs avis sur la maniere dont il se devoit conduire avec son Beaufrere le Conseiller. Ce n’estoit pas neanmoins ce qui luy donnoit de l’inquietude ; il en avoit seulement de la situation d’esprit où seroit pour luy le Pere de sa Maistresse. La Mere &amp; la Fille ne crurent point luy devoir cacher qu’il y avoit apparence que tout iroit bien, puis que le chagrin qu’il avoit marqué de l’injustice que le Conseiller luy avoit fait faire, estoit presque une assurance du consentement qu’il devoit donner à leurs desseins. En effet, comme il aimoit tendrement sa Fille, &amp; qu’une assez rude épreuve luy avoit fait voir sa fermeté, il ne jugea pas qu’il fust à propos de se priver pour jamais du plaisir d’avoir un Gendre. D’ailleurs, outre les avantages du bien &amp; de la naissance, qui estoient considerables, le Cavalier s’estoit mis par tout dans une fort grande estime. Ainsi il n’eut pas plûtost renouvellé ses pretentions qu’il fut écouté favorablement. Le mariage se fit avec une égale satisfaction des deux parties. Vous jugez bien que le Conseiller n’eut pas sujet d’en estre content. Son avarice l’avoit engagé à prendre pour Femme une tres laide personne, &amp; il se vit obligé de renoncer à tout ce grand bien dont il s’estoit laissé ébloüir, pour se contenter de peu de chose, les droits des Filles que ne marient pas les Peres, estant toujours fort legers en Normandie.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_212" resp="mercure">
          <head>[Nouvelles de Savoye]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1690, p. 212-213.</bibl>
          <p/>
          <p>On trouva dans leur Camp<note place="bottom" resp="editor">Celui que venait d'abandonner le Comte de Beinex.</note> du Pain &amp; du Vin que Mr de Saint Ruth fit donner aux Irlandois, ausquels il permit d'aller dans les Montagnes prendre des Troupeaux qu'on sçavoit y estre en paturage. Le soir, il receut les deputez de Montiers. En y arrivant le 13. au matin, il trouva l'Archevesque à quarante pas de la Ville, accompagné des principaux Habitans qui lui offrirent les Clefs dans un grand &amp; magnifique Bassin, entouré de roses. Mr de Saint Ruth mit pied à terre, &amp; receut ces Clefs en ceremonie. On alla ensuite dans la Ville, &amp; l'on y chanta le Te Deum pour la Victoire qu'on venoit de remporter, &amp; aprés laquelle le Peuple voulut persuader aux François qu'il soupiroit depuis fort long-temps.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_214" resp="wordpro">
          <head>Le trébuchement de Phaëton</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 214-221.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Bardou de Poitiers, que ses emplois avoient empêché depuis longtemps de s’appliquer à aucun Ouvrage de Poësie, a senty rouvrir sa Veine comme malgré luy, &amp; il n’a pû s’empêcher de mêler sa voix avec celle de tous les honnestes gens qui aiment à chanter la gloire de nostre Auguste Monarque. L’Ouvrage Allegorique que vous allez lire est de sa façon, &amp; vous en connoistrez aisément la matiere par le titre.</p>
          <quote>
            <label>LE TREBUCHEMENT<lb />DE PHAETON.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Tout fier de sa naissance un jeune Ambitieux,</l>
              <l rend="i">Dans le zele indiscret de s’égaler aux Dieux,</l>
              <l rend="i">Du Soleil son Amy veut obscurcir la gloire,</l>
              <l rend="i">Et par un vol hardy signaler sa memoire.</l>
              <l rend="i">Sur le Char perilleux qui donne à l’Univers</l>
              <l rend="i">Des ombres &amp; des jours les spectacles divers,</l>
              <l rend="i">Malgré tous les dangers dont le Ciel le menace,</l>
              <l rend="i">Le témeraire enfin s’expose à prendre place.</l>
              <l rend="i">Si chez luy la raison eust trouvé quelque lieu,</l>
              <l rend="i">Il se seroit tenu dans un juste milieu,</l>
              <l rend="i">Sans vouloir dans son cours s’élever ny descendre ;</l>
              <l rend="i">On a beau luy parler, il ne veut rien entendre,</l>
              <l rend="i">De son ambition sans cesse tourmenté,</l>
              <l rend="i">Les mouvemens d’un cœur remply de vanité,</l>
              <l rend="i">Sont les seules raisons que son esprit écoute,</l>
              <l rend="i">Sur cet appuy fragile il commence sa route.</l>
              <l rend="i"> Divers Peuples d’abord l’admirant dans son cours,</l>
              <l rend="i">De ce nouveau Soleil attendent leurs beaux jours.</l>
              <l rend="i">Il s’anime, &amp; croit voir la gloire au bout du terme,</l>
              <l rend="i">Mais n’ayant pas encor une main assez ferme</l>
              <l rend="i">Pour regler dans leurs pas ses Coursiers vagabonds,</l>
              <l rend="i">On vit l’infortuné qui par sauts &amp; par bonds</l>
              <l rend="i">S’écartant de la fin qu’il s’estoit proposée,</l>
              <l rend="i">Quitte la gloire, &amp; prend une route opposée.</l>
              <l rend="i">Trop prés de nous on craint ses rayons enflâmez,</l>
              <l rend="i">Il semble menacer nos Peuples alarmez.</l>
              <l rend="i">Mais quoy ? C’est vainement qu’on craint pour nostre Terre,</l>
              <l rend="i">Quand nous avons pour nous le Maistre du Tonnerre.</l>
              <l rend="i"> Au plus haut de l’Olimpe un superbe Palais,</l>
              <l rend="i">Où jamais des Titans ne parviennent les traits,</l>
              <l rend="i">Est du premier des Dieux le glorieux asile.</l>
              <l rend="i">Pacifique vainqueur, de ce sejour tranquille,</l>
              <l rend="i">Il envoye à son gré la foudre en tous les lieux,</l>
              <l rend="i">Où son bras doit punir des cœurs audacieux ;</l>
              <l rend="i">Par tout, comme il luy plaist, il seme l’épouvante,</l>
              <l rend="i">Voy de ses derniers coups la terre encor fumante,</l>
              <l rend="i">Témeraire Mortel, &amp; plein d’un juste effroy,</l>
              <l rend="i">A ton ambition impose enfin la loy.</l>
              <l rend="i">Avant que le nuage ait crevé sur ta teste,</l>
              <l rend="i">Tu peux en d’autres lieux détourner la tempeste.</l>
              <l rend="i">Laisse dans son éclat briller nostre Soleil</l>
              <l rend="i">Et fais gloire plûtost de suivre son conseil.</l>
              <l rend="i">Rien ne peut arrester ce cœur fier &amp; rebelle,</l>
              <l rend="i">L’ambitieux poursuit sa route criminelle :</l>
              <l rend="i">Jupiter indigné le livre à son couroux,</l>
              <l rend="i">L’orage gronde, éclate, il tombe sous ses coups.</l>
              <l rend="i">Son Char précipité dans le Pô * fait naufrage,</l>
              <l rend="i">Ses chevaux detelez se sauvent à la nâge.</l>
              <l rend="i">C’est ainsi que sa cheute &amp; sa témerité</l>
              <l rend="i">Rendent son nom fameux à la posterité.</l>
              <l rend="i"> Cecy n’est rien moins qu’une Fable,</l>
              <l rend="i"> C’est une histoire veritable.</l>
              <l rend="i">Sur ce mesme rivage où l’on tient qu’autrefois</l>
              <l rend="i">Jupiter foudroya le jeune Témeraire</l>
              <l rend="i">Qui profita si mal des tendresses d’un Pere,</l>
              <l rend="i">Loüis, le plus terrible &amp; le plus doux des Rois,</l>
              <l rend="i">A de justes rigueurs forcé de se resoudre,</l>
              <l rend="i">Sur un vray Phaëton vient de lancer la foudre.</l>
              <l rend="i">Le feu d’un beau couroux vient d’éteindre les feux</l>
              <l rend="i"> Qu’allumoit une fausse gloire,</l>
              <l rend="i">Et le Pô que la Fable avoit rendu fameux,</l>
              <l rend="i">Va devenir encor plus fameux dans l’Histoire.</l>
            </lg>
            <note><p>* Excipit Eridanus, Metam. 2.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_222" resp="wordpro">
          <head>[Madrigal sur le mesme sujet]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 222-223.</bibl>
          <p>La mesme pensée a donné lieu à ces autres Vers.</p>
          <quote>
            <label>SUR L’ENTIERE Défaite de l’Armée de M<hi rend="sup">r</hi> le Duc de Savoye, par les Troupes victorieuses du Roy, sur le Pô.</label>
            <lg>
              <l rend="i">  Quand Phaëton, ce jeune ambitieux,</l>
              <l rend="i">Conduisit les chevaux du bel Astre du monde,</l>
              <l rend="i">  Et qu’en sa course vagabonde</l>
              <l rend="i"> Il embrasa l’Univers de ses feux,</l>
              <l rend="i">Jupiter renversant ses projets orgueilleux,</l>
              <l rend="i">  Le Pô l’engloutit dans son Onde ;</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Mais un Prince encor plus témeraire que luy,</l>
              <l rend="i"> Sous l’effort d’un Roy redoutable,</l>
              <l rend="i"> Dont il a negligé l’appuy,</l>
              <l rend="i">Sur les rives du Pô trouve un destin semblable.</l>
              <l><hi rend="i">Ainsi ce qui ne fut autrefois qu’une Fable</hi></l>
              <l rend="i"> Devient une Histoire aujourd’huy.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_223" resp="wordpro">
          <head>[Galanterie par une Demoiselle d’Angoulesme]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 223-226.</bibl>
          <p>C’est sans sortir des Articles de la guerre que j’ajoûte icy de fort agreables Vers, qu’une Demoiselle d’Angoulesme a faits pour un jeune Cavalier, qui par une action de bravoure distinguée, a bien merité qu’elle marquast l’interest qu’elle prend en sa personne. C’est le troisiéme Fils de M<hi rend="sup">r</hi> de Sorsac, d’une Maison fort considerable dans l’Angoumois. Il n’a encore que quinze ans, &amp; s’estant trouvé dans une escarmouche qui se fit avant la journée où se donna la Bataille de Fleurus, aprés qu’il eut essuyé le feu d’un Officier Ennemy qui s’estoit avancé, il le tua d’un coup de pistolet à la veuë des deux Armées. Il a eu pour récompense de cette action, la Charge de Cornette de la Colonelle du Regiment de Langallerie. Comme l’ardeur avec laquelle il court au peril, fait connoistre celle qu’il a pour la gloire, la Demoiselle dont je vous envoye les Vers, ne fait point difficulté de luy témoigner qu’elle en est jalouse.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> La guerre &amp; les hazards ont pour vous trop de charmes,</l>
              <l rend="i">Ménagez mieux des jours qui ne sont plus à vous ;</l>
              <l rend="i">Vostre gloire, Tircis, me coûte mille alarmes,</l>
              <l rend="i"> Et je la vois avec un œil jaloux.</l>
              <l rend="i">Ne me préferez plus cette fiere Rivale,</l>
              <l rend="i">Dont la faveur sujette à mille changemens,</l>
              <l rend="i">  A ses plus chers Amans</l>
              <l rend="i">  Devient souvent fatale.</l>
              <l rend="i">De son fragile éclat aveuglement épris,</l>
              <l rend="i">Vous luy donnez des vœux qu’elle ne peut entendre.</l>
              <l rend="i"> Mon amour du vostre est le prix ;</l>
              <l rend="i">La gloire comme moy n’en a point à vous rendre.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_243" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Mr. Amproux]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 243.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Amproux, Conseiller en la Grand’ Chambre, est mort environ dans le mesme temps<note place="bottom" resp="editor">Que Louis-CHarles d'Albert, duc de Luynes.</note> . Il estoit Frere de feu M<hi rend="sup">r</hi> de Lorme, Intendant des Finances. On n’a guere veu de Juge qui ait paru plus integre. Il n’a jamais enduré qu’on luy ait fait aucunes sollicitations, &amp; comme il avoit une tres-belle Bibliotheque, il donnoit aux Livres &amp; à l’étude le temps qu’il auroit perdu à les écouter. Il estoit nouveau Converty.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_254" resp="mercure">
          <head>[Prise de Valone par les Venitiens]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1690, p. 254-255.</bibl>
          <p>L'Armée se rendit [...] devant la Valone, où l'on ne fut pas plutost arrivé, que l'on fit sommer la Ville &amp; le Chasteau de se rendre. Le Bacha se dispensa de répondre jusqu'au lendemain matin, &amp; pendant la nuit il emporta ses meilleurs effets, &amp; les portes qu'on trouva ouvertes firent connoistre que la Garnison estoit sortie de la Place. Les Venitiens y estant entrez en mesme temps, y firent chanter le Te Deum.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_263" resp="mercure">
          <head>[Nouveaux couplets de Chanson sur l'air des folies d'Espagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1690, p. 263-268.</bibl>
          <p>On a chanté la défaite des Savoyards sur un air de leur Pays. Mr Dicroville [Diéreville], Auteur des couplets que je vous ay envoyez sur cette défaite, a changé de ton et pour faire souvenir les Espagnols &amp; les Hollandois qu'ils n'ont point pris leur revanche en Flandre, il a fait sur l'air des Folies d'Espagne les nouveaux couplets que je vous envoye. Il n'y en a point qui soit plus connu.</p>
          <p/>
          <p>AUX ESPAGNOLS</p>
          <p>Et aux Hollandois.</p>
          <p/>
          <p>Avant le temps finissez la Campagne,</p>
          <p>Retirez-vous, &amp; ne combattez plus ;</p>
          <p>Tous les efforts de Hollande &amp; d'Espagne</p>
          <p>Contre Loüis sont toujours superflus.</p>
          <p/>
          <p>Allez chez vous manger en paix l'esclanche,</p>
          <p>Castanega, Vvaldeck et Brandebourg ;</p>
          <p>Vous prétendiez avoir vôtre revanche,</p>
          <p>Et vous fuyez les coups de Luxembourg.</p>
          <p/>
          <p>Quoy ! Contre un seul trois ne peuvent suffire !</p>
          <p>Que faut-il donc pour en venir à bout ?</p>
          <p>C'est de Loüis dont il défend l'Empire,</p>
          <p>C'en est assez pour resister à tout.</p>
          <p/>
          <p>Ce puissant Roy vous force de le croire.</p>
          <p>Quel desespoir, quelle rage pour vous !</p>
          <p>Tout ce qu'on fait pour abattre sa gloire,</p>
          <p>Vous en rendra mille fois plus jaloux.</p>
          <p/>
          <p>Vous ne sçauriez humilier la France,</p>
          <p>Laissez Loüis joüir de son bonheur ;</p>
          <p>De cent Liguez il brave l'alliance,</p>
          <p>Et tout n'est rien contre un si grand Vainqueur.</p>
          <p/>
          <p>C'est le party le meilleur qui vous reste</p>
          <p>Dans le malheur qui vous poursuit toujours ;</p>
          <p>Il deviendra chaque jour plus funeste,</p>
          <p>C'est trop long-temps en éprouver le cours.</p>
          <p/>
          <p>Tout doit trembler quand son bras se déploye,</p>
          <p>Pour satisfaire à son juste couroux :</p>
          <p>Il vient encor de prendre la Savoye,</p>
          <p>Les Ramonneurs sont traitez comme vous.</p>
          <p/>
          <p>Plus d'Ennemis, pour luy plus de victoires,</p>
          <p>Suscitez-en, vous les verrez soumis.</p>
          <p>En pourroit-on croire un jour les Histoires,</p>
          <p>Si tout n'estoit prodige sous Loüis ?</p>
          <p/>
          <p>Vous, Hollandois, faites vostre commerce,</p>
          <p>Au champ de Mars vos malheurs sont trop grands,</p>
          <p>Et vous n'aurez ny chagrin, ny traverse,</p>
          <p>Quand vous sçaurez vous conduire en Marchands.</p>
          <p/>
          <p>Vous, Espagnols, rengainez la rapiere,</p>
          <p>Et dans Madrid allez vous en parer,</p>
          <p>Vous perdez tous vostre prestance fiere</p>
          <p>Dans le moment qu'il faudroit la tiree [sic].</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_291" resp="mercure" copyOf="JLB-MG-1690-10_290">
          <head>[Divertissemens donnez à leurs Majestez Britanniques dans le mesme lieu<note place="bottom" resp="editor">Fontainebleau.</note>]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre 1690, p. 291-303.</bibl>
          <p/>
          <p>Le 11. leurs Majestez Britanniques partirent de S. Germain en Laye, &amp; aprés avoir disné à Fremond, Maison de plaisance de Mr le Chevalier de Lorraine, où les Officiers du Roy avoient préparé un magnifique repas, Elles arriverent sur les quatre heures à la Forest de Fontainebleau, où Sa Majesté qui s'estoit avancée jusque-là pour les recevoir, leur proposa le plaisir de voir courre un Loup. On se plaça, &amp; les Veneurs estant entrez dans le bois en firent sortir ce pauvre animal, qui fut joint en un instant, &amp; devoré par les Levriers. Le Roy d'Angleterre monta ensuite en Carrosse avec le Roy, qui dés le commencement y estoit entré avec la Reine &amp; Monsieur. On arriva à Fontainebleau sur les six heures, entre deux hayes de peuple pendant plus d'une lieuë de chemin. La court du Cheval blanc estoit pleine, &amp; le grand escalier de l'appartement de la Reine-mere, qui fut celuy de leurs Majestez Britanniques, se trouva si chargé de monde, que l'on avoit de la peine à y passer. Le Roy qui voulut les y conduire, les laissa se reposer jusqu'à sept heures &amp; demie, qu'il vint les reprendre pour les mener aux Appartemens, où de deux jours en deux jours il y eut Musique. Pendant tout le sejour du Roy d'Angleterre à Fontainbleau, tous les Princes, Princesses, grands Seigneurs &amp; Dames de la Cour, se sont rendus chez la Reine à sept heures &amp; un quart, pour l'accompagner aux Appartemens, ce qu'ils ont fait aussi tous les jours un quart d'heure avant la Messe. [...]</p>
          <p>Le 17. il y eut deux Chasses. On alla courre le matin un Cerf, qui foula plusieurs fois sur les chiens, en blessa un &amp; en prit un autre par la teste, entre deux de ses andouïllées, &amp; le porta vingt à vingt cinq pas en courant à toutes jambes. Sur les cinq heures on alla aux Toiles, où sept Sangliers &amp; deux Cerfs se trouverent enfermez. Les Levriers qui estoient postez en divers endroits pour les joindre, prirent deux Sangliers, &amp; manquerent les deux Cerfs, l'un ayant sauté les Toiles, &amp; l'autre s'estant sauvé par un des bouts de l'enceinte qu'on avoit laissé ouvert. On laissa les quatre autres Sangliers dans les toiles, à cause de la nuit qui s'avançoit, &amp; l'on revint à la clarté de plus de cent flambeaux, suivant les ordres que Mr de la Rochefoucaut avoit donnez. Les gens du Chenil qui les portoient, marchoient en deux hayes, &amp; les chiens suivoient leurs Officiers. Ils furent recompensez de l'ardeur qu'ils avoient montrée pendant la Chasse. On avoit fait apporter leur moüée dans huit baquets quatre de chaque costé de l'allée qui regardoit la Terrasse de l'Appartement de la Reine. Le Roy s'y estoit rendu, suivy de toute la Cour. Le Cerf qu'on avoit pris le matin fut mis par quartiers plus loin que les baquets qu'on avoit remplis de la moüée. Tout estant bien disposé, six Gentilshommes de a Venerie, les Piqueurs, Valets de Limiers &amp; Valets de chiens sonnerent, &amp; en mesme temps les chiens s'enfoncerent la teste dans les huit baquets. Lors que leur grosse faim fut passée, leurs Officiers les menerent au lieu où estoient les quartiers du Cerf, &amp; leur permirent de s'en regaler au bruit des fanfares.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-10_316" resp="wordpro">
          <head>[Affaires d’Allemagne]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, octobre, 1690, p. 316-319.</bibl>
          <p>Je n’ay rien à vous dire d’Allemagne, sinon que la Campagne est finie en ces quartiers-là, &amp; que les Imperiaux qui se promettoient de venir jusques au cœur de la France, n’ayant pas sorty de chez eux, n’ont fait la guerre qu’à leurs Compatriotes, aux dépens desquels ils ont esté obligez de vivre. Ce qu’il y a de fort surprenant, c’est que toute l’Europe estant liguée contre la grandeur du Roy, ses troupes ont vêcu par tout aux dépens de ses Ennemis, ce qui les met dans la necessité de prendre des quartiers d’Hyver plus éloignez des Frontieres de France qu’ils n’auroient fait. Voicy des Vers de M<hi rend="sup">r</hi> Diereville, qui conviennent bien à l’estat present des affaires de ce Païs-là.</p>
          <quote>
            <lg>
              <l rend="i"> Fiers Allemans, quel est vostre destin ?</l>
              <l rend="i"> L’Aigle n’a plus la victoire pour guide,</l>
              <l rend="i">Luy qui sur le Danube eut un vol si rapide,</l>
              <l rend="i">  Ne fait que planer sur le Rhin.</l>
              <l rend="i">Il ne peut du Soleil supporter la lumiere,</l>
              <l rend="i"> L’effort qu’il fait est impuissant.</l>
              <l rend="i"> Que n’achevoit-il sa carriere,</l>
              <l rend="i"> Il eust renversé le Croissant.</l>
              <l rend="i"> Jaloux de l’éclat de la gloire</l>
              <l rend="i"> Du grand LOVIS toujours Vainqueur,</l>
              <l rend="i"> Il quitte une seure victoire</l>
              <l rend="i">Pour tâcher vainement d’abaisser sa grandeur.</l>
              <l rend="i"> On se ligue pour le combattre,</l>
              <l> <hi rend="i">Contre luy seul on fait tout soûlever,</hi></l>
              <l rend="i"> Et tout ce qu’on fait pour l’abattre,</l>
              <l rend="i"> Ne servira qu’à l’élever.</l>
              <l rend="i"> Il rend imprenables des Villes</l>
              <l rend="i"> Qu’il emporta des premiers coups.</l>
              <l rend="i">Quelle gloire pour luy ! quelle honte pour vous,</l>
              <l rend="i"> De voir un Roy seul contre tous</l>
              <l rend="i"> Rendre vos Ligues inutiles !</l>
            </lg>
          </quote>
          <p>La nouvelle qui vient d’arriver de la perte de Belgrade justifie ce qui est dit dans ces Vers, que l’Empereur qui estoit en pouvoir de renverser le Croissant a quitté une victoire asseurée, pour tâcher inutilement d’abaisser la gloire du Roy.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-11">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, novembre, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_007" resp="wordpro">
          <head>Louis le Grand. Eglogue</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 7-26.</bibl>
          <p>Je vous l’ay déja dit plusieurs fois, Madame, chacun s’empresse à loüer le Roy ; mais qui pourroit s’empêcher de le loüer, aprés les grandes choses qu’il a faites, &amp; qu’il continuë encore tous les jours de faire pour les avantages de la France, &amp; pour l’interest de la veritable Religion ? On ne se contente pas dans les Cloistres de renouveller à toute heure les prieres qu’on y fait à Dieu pour la conservation de sa Personne sacrée ; ceux qui ont quelque talent satisfont leur zele en le consacrant à son éloge, &amp; les Filles mesme se font un plaisir de l’employer pour un si noble travail. L’Eglogue que vous allez lire en est une preuve. Elle est de Madame de Chevry, Religieuse de l’Abbaye de S. Pierre de Lyon, dont vous sçavez que Madame de Chaulnes est Abbesse. Cette illustre Fille dont on ne peut trop vanter le merite, possede presque toutes les sciences, la Langue Latine &amp; l’Espagnole, le Droit Civil, la Geometrie, la Philosophie &amp; la Musique, sans parler de la connoissance qu’elle a du Blason &amp; de la Geographie. Il semble que la Poësie luy soit naturelle, &amp; vous en serez aisément persuadée en lisant ses Vers. Les grands services qu’elle a rendus à la Maison où elle est Religieuse, la font fort considerer de cette Communauté, dont elle est presentement Grande Prieure ; &amp; pour sa naissance, vous conviendrez que rien ne luy manque de ce costé-là, puis qu’elle est Fille de M<hi rend="sup">r</hi> le President de Chevry, &amp; Petite-Fille d’un Secretaire des Ordres de Sa Majesté.</p>
          <quote>
            <label>LOUIS LE GRAND.<lb /><hi rend="i">EGLOGUE.</hi></label>
            <lg>
              <label>PHILIS, CLIMENE, IRIS.</label>
              <l rend="i">Sur les bords d’un ruisseau dont l’onde toujours pure</l>
              <l rend="i">Coule parmy les fleurs d’un pré delicieux,</l>
              <l rend="i">Le Troupeau de Philis erroit à l’avanture,</l>
              <l rend="i">Et sans se défier du Loup malicieux,</l>
              <l rend="i">Paissoit confidemment la fraische &amp; tendre herbette,</l>
              <l rend="i"> Pendant que sur sa Musette</l>
              <l rend="i">La Bergere faisoit retentir tous les Bois</l>
              <l rend="i">Des incroyables faits du plus puissant des Rois.</l>
              <l rend="i"> Ses doux accens attirerent Climene,</l>
              <l rend="i">Qui laissant ses Moutons sans guide dans la plaine,</l>
              <l rend="i"> Vint à ses chants joindre ses doux accords,</l>
              <l rend="i">Et la charmante Iris approuvant leurs transports,</l>
              <l rend="i">Promit un flageolet d’ambre blanc comme Yvoire,</l>
              <l rend="i"> A qui chanteroit mieux la gloire</l>
              <l rend="i"> Et les vertus du Grand Loüis.</l>
              <l><hi rend="i">Alors sans invoquer les Filles de Memoire,</hi></l>
              <l rend="i">Philis reprit ainsi ses exploits inoüis.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">PHILIS.</hi></label>
              <l rend="i"> D’une juste ardeur animée</l>
              <l rend="i">Je veux unir mes chants à l’éclatante voix</l>
              <l rend="i"> Que la fidelle Renommée</l>
              <l rend="i">Fait entendre en tous lieux jusqu’au fond de nos Bois,</l>
              <l rend="i">A l’honneur du plus juste &amp; plus sage des Rois ;</l>
              <l rend="i"> Mais, Seigneur, de ce grand Athlete</l>
              <l rend="i">Dont le bras glorieux ne combat que pour toy,</l>
              <l rend="i">Oseray-je chanter les faits sur ma Musette,</l>
              <l rend="i"> Si tu ne te joins avec moy</l>
              <l rend="i">Pour loüer dignement ce soutien de ta Loy ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">CLIMENE.</hi></label>
              <l rend="i">Chanter le Grand Loüis ! Une telle entreprise</l>
              <l rend="i">Feroit craindre Apollon pour sa Lyre &amp; sa voix.</l>
              <l rend="i">Quoy ! sur mon chalumeau chanter ces grands exploits</l>
              <l rend="i">Qui font trembler le Rhin, le Tage &amp; la Tamise !</l>
              <l rend="i"> Seigneur, dont ce juste Vainqueur</l>
              <l rend="i">Seul contre l’Univers sçait défendre la gloire,</l>
              <l rend="i">Donne-moy ton esprit pour chanter son Histoire,</l>
              <l rend="i">Et m’échauffe du feu dont tu brûles son cœur.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">PHILIS.</hi></label>
              <l rend="i"> Autrefois la seule tendresse</l>
              <l rend="i"> Inspiroit les chants parmy nous.</l>
              <l rend="i"> Philene absent, Tircis jaloux,</l>
              <l rend="i"> Et Licidas content de sa Maistresse,</l>
              <l rend="i">Chantoient differemment leur sort cruel, ou doux ;</l>
              <l rend="i">Mais l’exemple &amp; les loix de Loüis l’invincible</l>
              <l rend="i"> Calment toutes les passions :</l>
              <l rend="i"> Et nostre cœur n’est plus sensible</l>
              <l rend="i">Qu’à la gloire qui suit ses grandes actions.</l>
              <l rend="i"> Nous luy consacrons nos Musettes,</l>
              <l rend="i"> Nos Chalumeaux, nos chansonnettes,</l>
              <l rend="i">Et l’on n’entendra plus retentir nos Echos</l>
              <l rend="i">Que du nom glorieux de ce fameux Heros.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">CLIMENE.</hi></label>
              <l rend="i"> Alcide dont la Renommée</l>
              <l rend="i">Vante encor aujourd’huy les travaux glorieux,</l>
              <l rend="i"> Ayant vaincu le Lion de Nemée,</l>
              <l rend="i">De sa dépouille orna son front victorieux,</l>
              <l rend="i">Pour porter le témoin de sa gloire en tous lieux ;</l>
              <l rend="i">Mais l’Auguste Louis qui par quelque conqueste,</l>
              <l rend="i">Peut compter tous ses jours, ses heures &amp; ses ans,</l>
              <l rend="i"> Content de couronner sa teste</l>
              <l rend="i">Des Lauriers immortels qu’il moissonne en tout temps,</l>
              <l rend="i">Et lassé de cueillir tous les fruits de la gloire,</l>
              <l rend="i">  Enrichit ses Ennemis</l>
              <l rend="i">Des biens qu’il a receus des mains de la Victoire,</l>
              <l rend="i"> Lors qu’ils sont vaincus ou soumis.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">PHILIS.</hi></label>
              <l rend="i">On a chanté les combats de Persée</l>
              <l rend="i">Andromede sauvée, un Monstre mis à bas,</l>
              <l rend="i">La teste de Meduse à ses pieds renversée,</l>
              <l rend="i">Le fatal changement de Phinée &amp; d’Atlas ;</l>
              <l rend="i">La mort du jeune Atis &amp; du fier Licabas,</l>
              <l rend="i">Ont laissé sa valeur tracée</l>
              <l rend="i">Dans tous les Africains climats ;</l>
              <l rend="i">Mais par le grand Loüis sa gloire est effacée.</l>
              <l rend="i">De l’Eglise exposée au Monstre de l’Erreur</l>
              <l rend="i"> La Foy timide &amp; languissante,</l>
              <l rend="i">Sur le point de perir se revoit triomphante</l>
              <l rend="i">Par l’unique secours de ce puissant Vainqueur.</l>
              <l rend="i">Il luy rend tout l’éclat de sa vertu naissante,</l>
              <l rend="i">Et détruit pour jamais ce Monstre plein d’horreur,</l>
              <l rend="i">Dont elle alloit ressentir la fureur.</l>
              <l rend="i">L’Univers pour couvrir cette immortelle gloire</l>
              <l rend="i">En vain donne à l’Erreur un criminel secours,</l>
              <l rend="i">Ce grand Roy né pour vaincre &amp; triompher toujours,</l>
              <l rend="i"> Par leur défaite augmente son histoire,</l>
              <l rend="i"> Et le calme heureux de nos jours.</l>
              <l rend="i"> Tous leurs efforts sont inutiles</l>
              <l rend="i"> Contre son bras victorieux,</l>
              <l rend="i">Et comme des rochers, ils sont tous immobiles</l>
              <l rend="i"> Au seul aspect de son front glorieux.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">CLIMENE.</hi></label>
              <l rend="i">Le Soleil tous les jours sortant du sein de l’onde</l>
              <l rend="i">Dore de ses rayons nos champs &amp; nos costeaux,</l>
              <l rend="i"> Et nous devons à sa chaleur feconde</l>
              <l rend="i"> Les richesses de nos Hameaux ;</l>
              <l rend="i"> Mais lassé d’éclairer le monde,</l>
              <l rend="i">Tous les soirs on le voit se coucher dans les eaux.</l>
              <l rend="i"> L’Astre qui preside à la France</l>
              <l rend="i">Eclaire en tout temps, en tous lieux ;</l>
              <l rend="i"> Sa continuelle influence</l>
              <l rend="i">Donne à tout l’Univers une heureuse abondance,</l>
              <l rend="i">Et les noires vapeurs des esprits envieux,</l>
              <l rend="i"> Loin d’obscurcir son éclatante gloire,</l>
              <l rend="i"> Contre son gré luy font naistre toujours</l>
              <l rend="i"> Quelque sujet de nouvelle victoire,</l>
              <l rend="i">Et nous marquent ainsi les minutes du cours</l>
              <l rend="i"> De ce Soleil qui fait leurs mauvais jours.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">PHILIS.</hi></label>
              <l rend="i"> Soleil, redouble ta lumiere,</l>
              <l rend="i">Eclaire en mesme temps tous les climats divers,</l>
              <l rend="i">Puis que le monde entier est la vaste carriere</l>
              <l rend="i">Où Loüis est aux mains avec tout l’Univers.</l>
              <l rend="i">Il dompte icy l’Erreur &amp; surmonte le vice,</l>
              <l rend="i">Sur l’onde il fait perir les Anglois revoltez.</l>
              <l rend="i"> Là du sang des Germains domptez</l>
              <l rend="i">A l’Eglise trahie il fait un sacrifice.</l>
              <l rend="i"> Les perfides Liguriens,</l>
              <l rend="i">L’infidelle Batave, &amp; les Iberiens</l>
              <l rend="i">Renversez sur l’arene éprouvent sa justice.</l>
              <l rend="i">Enfin ce grand Vainqueur les ayant tous soûmis,</l>
              <l rend="i">Prest encor à dompter de plus fiers Ennemis,</l>
              <l rend="i">Revient sans estre las au milieu de la lice.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">CLIMENE.</hi></label>
              <l rend="i">Quand j’ay veu des Mortels la jalouse fureur</l>
              <l rend="i">Armer de toutes parts sur la terre &amp; sur l’onde,</l>
              <l rend="i"> Pour rétablir cette fatale Erreur</l>
              <l rend="i">Que l’immortel Loüis vient de bannir du monde,</l>
              <l rend="i">Mon cœur, je le confesse, estoit saisi de peur ;</l>
              <l rend="i"> Mais quand je vois ces Encelades</l>
              <l rend="i"> Qui vouloient attaquer les Cieux,</l>
              <l rend="i"> Tomber tristement à nos yeux,</l>
              <l rend="i"> Ecrasez sous leurs escalades,</l>
              <l rend="i"> Et de leur débris malheureux</l>
              <l rend="i">Elever un trophée à mon Roy genereux,</l>
              <l rend="i"> Alors mon cœur rougit de sa tristesse,</l>
              <l rend="i"> Et me fait chanter mille fois</l>
              <l rend="i"> Qu’on ne peut craindre sans foiblesse,</l>
              <l rend="i">Pour celuy dont le nom fait trembler tous les Rois.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">PHILIS.</hi></label>
              <l rend="i"> Mortels, dont le jaloux caprice</l>
              <l rend="i">Vous a fait éprouver le couroux de Loüis,</l>
              <l rend="i">Ouvrez enfin les yeux par la haine ébloüis,</l>
              <l rend="i">Et forcez sa clemence à calmer sa justice.</l>
              <l rend="i">Cette noble fierté qui brille dans ses yeux,</l>
              <l rend="i"> L’éclat de son front glorieux,</l>
              <l rend="i">Cette bouche qui rend tant d’Arrests équitables,</l>
              <l rend="i">Et dont les justes loix fatales aux coupables,</l>
              <l rend="i"> Ne laissent point d’innocent malheureux ;</l>
              <l rend="i">Cette main si feconde en bienfaits genereux,</l>
              <l rend="i"> Ce bras fameux par cent mille conquestes,</l>
              <l rend="i">Meurtrier innocent de tant d’illustres testes,</l>
              <l rend="i">Ces pieds dont tous les pas font naistre des lauriers</l>
              <l rend="i">Arrosez du beau sang des plus fameux Guerriers,</l>
              <l rend="i">Enfin, ce cœur chrestien, grand, magnanime, tendre,</l>
              <l rend="i"> Ne font-ils pas assez comprendre,</l>
              <l rend="i"> Que malgré vos efforts divers,</l>
              <l rend="i"> Loüis seul a droit de pretendre</l>
              <l rend="i"> A l’Empire de l’Univers ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">CLIMENE.</hi></label>
              <l rend="i">Le doux Printemps voit moins d’herbes fleuries</l>
              <l rend="i"> Dans nos agreables prairies,</l>
              <l rend="i">L’Esté voit moins d’épics dans nos fertiles champs,</l>
              <l rend="i">L’Automne a moins de fruits &amp; l’Hiver moins de glaces,</l>
              <l rend="i">Qu’on ne voit de lauriers sur les heureuses traces</l>
              <l rend="i"> Du Royal sujet de nos chants.</l>
              <l rend="i"> Tout cede à l’effort de ses armes,</l>
              <l rend="i">Et sous luy le Soldat sans crainte &amp; sans alarmes,</l>
              <l rend="i">Affronte les perils &amp; brave les hazards.</l>
              <l rend="i">Helas ! s’il combattoit sous les doux étendarts,</l>
              <l rend="i"> Que tous les cœurs seroient à plaindre !</l>
              <l rend="i"> Il n’y seroit pas moins à craindre</l>
              <l rend="i"> Qu’il l’est sous les drapeaux de Mars.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’estoit ainsi que les Bergeres</l>
              <l rend="i">A l’ombre des Ormeaux sur les vertes fougeres,</l>
              <l rend="i">Charmoient par leurs recits les plus tristes Echos,</l>
              <l rend="i"> Quand le Soleil achevant sa cariere</l>
              <l rend="i">Eteignit dans les eaux sa brillante lumiere,</l>
              <l rend="i"> Et les força de chercher le repos.</l>
              <l rend="i">Alors Iris offrit le prix de la victoire</l>
              <l rend="i">A la sage Philis, mais de la fausse gloire</l>
              <l rend="i"> Son grand cœur n’estant point surpris,</l>
              <l rend="i"> Elle luy dit en refusant ce prix ;</l>
              <l rend="i">Si j’ay sceu bien loüer le Heros de la France,</l>
              <l rend="i">Cet avantage, Iris, m’est trop de récompense ;</l>
              <l rend="i"> J’abandonnay dés ma plus tendre enfance</l>
              <l rend="i"> Les faux biens &amp; les vains honneurs,</l>
              <l rend="i"> Ces seducteurs de l’innocence,</l>
              <l><hi rend="i">Qui corrompent souvent jusqu’aux plus nobles cœurs.</hi></l>
              <l rend="i">J’ay toujours fuy l’éclat dont la gloire est suivie,</l>
              <l rend="i">Et sans ambition, sans amour, sans desirs,</l>
              <l rend="i">Je passe dans ces lieux une tranquille vie,</l>
              <l rend="i"> Dont la vertu fait les plaisirs.</l>
              <l rend="i">Elle seule est l’objet &amp; le fruit de mes veilles,</l>
              <l rend="i"> Et quand par cent modes divers</l>
              <l rend="i"> Du Grand Loüis je chante les merveilles,</l>
              <l rend="i">Bergere, ce n’est pas pour flater les oreilles,</l>
              <l rend="i"> Mais pour laisser à jamais dans mes Vers</l>
              <l rend="i"> Son exemple à tout l’Univers.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_026" resp="wordpro">
          <head>Dialogue. Le Loup, le Renard</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 26-41.</bibl>
          <p>Les Animaux ne sont pas indignes d’estre écoutez quand ils parlent de bon sens, &amp; comme ceux que je vais vous faire entendre ne disent rien qui ne paroisse raisonnablement pensé, vous ne serez pas fachée que je vous fasse part de leur entretien. Si j’en connoissois l’Auteur, je luy rendrois, en vous apprenant son nom, la justice qu’il merite.</p>
          <quote>
            <label>DIALOGUE.<lb /><hi rend="i">LE LOUP, LE RENARD.</hi></label>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Bon jour, mon Compere le Renard. Qu’avez-vous, que je vous vois tout en colere ?</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>J’ay bien sujet de l’estre. Un miserable Lion qui se dit le Roy de tous les Animaux, se laisse conduire en prison comme un sot, par le Berger Azeuglin, qui luy a mis son juste-au corps sur la teste, &amp; sans avoir l’esprit de le secoüer, il marche par tout où il plaist à ce Berger de le traisner.</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Voilà un vilain Animal. Il n’a pas vostre finesse, mon Compere.</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>Ny vostre adresse aussi, mon Compere le Loup, pour courir à la proye ; car que vous soyez saoul, vous avez toujours le boyau vuide, &amp; prest à bien faire ; &amp; luy au contraire, il ne sort jamais de sa tanniere, que lors qu’il manque de provisions, &amp; qu’il n’a pas l’estomac plein.</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Il est bon cependant d’avoir de la prévoyance, &amp; de songer à l’avenir. Mais comment est-ce que ce Berger l’a pû prendre ?</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>Je vais vous le dire, j’en ay esté le témoin. J’estois sur un rocher tres-élevé, d’où je découvrois fort avant dans la plaine, lors que je vis le Lion venir bondissant de colere contre le Berger pour le devorer. Ce Berger n’avoit pour armes que sa houlette, &amp; il gardoit paisiblement ses Troupeaux avec ses chiens, ne se doutant pas que le Lion voulust l’attaquer. Un autre Lion survint. Le premier attaqua le Berger, qui luy jetta son juste-au-corps sur la teste. Les chiens poursuivirent l’autre Lion. Le premier qui ne voyoit plus à se conduire, parce que le juste-au-corps luy fermoit les yeux, demeura comme immobile, &amp; donna la hardiesse à Azeuglin de luy entourer la teste de son juste-au corps, afin de le traisner aprés luy. Ce miserable s’est ainsi laissé mener où le Berger a voulu, &amp; l’autre Lion a pris la fuite, faisant neanmoins contenance de marcher gravement tant qu’il a cru qu’on le pouvoit voir, &amp; lors qu’il a esté proche du lieu où j’estois, il a eu une telle crainte, que courant de toute sa force, il s’est jetté de rocher en rocher, &amp; il luy en a coûté la vie. Ne voila pas une belle espece de Roy ? Je le renonce de bon cœur, &amp; je veux en prendre un autre.</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Je ne l’ay jamais voulu reconnoistre pour le mien, car estant toujours en colere, il n’est pas capable de commander, n’y ayant rien de si contraire au bon sens &amp; aux sages conseils, qu’une passion de furie &amp; d’emportement.</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>Il est à propos cependant d’en avoir un, car la subordination est necessaire dans le monde, &amp; sans elle il tomberoit dans son premier cahos.</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>J’en conviens, &amp; si j’en estois cru, nous choisirions le Coq. Comme il ne luy faut que son seul chant pour terrasser le Lion, il me semble fort raisonnable de prendre pour Roy celuy qui le reduit à le craindre.</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>J’en ay veu l’experience, &amp; ce choix me convient assez par la raison, quoy que peu par l’interest ; car le Coq est toujours éveillé, &amp; il m’empêche souvent de prendre mon gibier, qu’il avertit par son chant de prendre garde à soy. Mais l’Aigle pourra bien s’y opposer.</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Bon, l’Aigle. Ne sçavez-vous pas qu’elle a maintenant le bec si grand &amp; si courbé, qu’elle ne le peut ouvrir pour prendre sa nourriture ? Un Roy qui meurt de faim pour s’estre mis hors d’estat de pouvoir manger, n’est pas digne d’estre Roy. L’on ne souffre point d’Aigle au Royaume où nous sommes, par le mépris que l’on a pour elle.</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>Elle est pourtant propre à une chose ; c’est qu’on luy oste la cervelle &amp; le fiel, pour éclaircir la veuë des autres, de sorte que la pauvre beste est presque toujours écervelée &amp; éventrée, pour donner à ses ennemis une veuë plus perçante &amp; plus étenduë.</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>Nous n’avons donc point à balancer sur le choix du Coq, qui naturellement a une veuë admirable, &amp; qui veille continuellement sur ses Compagnons. Aussi bien les Romains ne combattoient jamais qu’ils ne l’eussent consulté, pour sçavoir si leur entreprise auroit un succés heureux.</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Puis qu’il commande au Lyon, &amp; qu’il a mesme commandé par ces Augures à ceux qui commandoient à toute la Terre, il est juste qu’il ait sur nous l’authorité Souveraine. Mais combien vois-je d’Animaux &amp; d’Oiseaux venir à nous !</p>
            <label>LES ANIMAUX.</label>
            <p>Bonjour, nos comperes. Nous vous cherchions ayant remarqué que vous manquiez seuls à l’Assemblée que nous venons de tenir pour l’élection d’un Roy, car nous en voulons un qui soit entierement digne de regner sur nous.</p>
            <label>LE RENARD.</label>
            <p>Nous raisonnions sur cette mesme matiere.</p>
            <label>LES ANIMAUX.</label>
            <p>Il paroist que le destin nous ait inspirez les mesmes sentimens. Suivons donc le mouvement qu’il nous donne. Et sur qui jettiez vous les yeux ?</p>
            <label>LE LOUP.</label>
            <p>Sur le Coq qui est toujours éveillé le premier. Il a la teste levée vers le Ciel selon les ordres duquel il se conduit. Il est grave sans orgueil, majestueux sans affectation, brave, genereux, &amp; pourveu de toutes les qualitez qui peuvent faire un grand Roy.</p>
            <label>LE LYON.</label>
            <p>Je m’oppose à cette élection, &amp; vous ne pouvez me détrôner sans commettre une injustice.</p>
            <label>LES >ANIMAUX.</label>
            <p>Nous ne souffrirons jamais qu’un Roy comme vous nous commande. Vous craignez le feu ; vous ne sçauriez supporter le chant du Coq, &amp; vous estes un glorieux craintif.</p>
            <label>LE LYON.</label>
            <p>Mais les Rois ne vont pas au combat, &amp; le feu par consequent ne doit pas estre un empeschement legitime à me laisser joüir de la Royauté.</p>
            <label>LES OISEAUX.</label>
            <p>Nous ne voulons point de Roy faineant. Le Coq se bat à outrance, &amp; lors qu’il a remporté la victoire, il est prest à recommencer. Si son ennemy veut encore chanter, il le poursuit jusqu’à ce qu’il ne dise plus mot. Nous le choisissons pour nostre Roy.</p>
            <label>LES ANIMAUX.</label>
            <p>Ouy, c’est un Arrest irrevocable. Le Coq sera nostre Souverain, &amp; nous n’en reconnoistrons point d’autre sur la terre &amp; dans l’air. Vive le Coq, Vive le Coq. Que le Ciel luy donne toutes les choses necessaires pour la conduite de son Empire, avec une vie heureuse, &amp; longue de plusieurs siecles.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_073" resp="wordpro">
          <head>[Dialogue d’Apollon, &amp; de Polimnie]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 73-93.</bibl>
          <p>Vous sçavez, Madame, quelle grande contestation s’est émeuë il y a déja quelques années entre les Sçavans au sujet d’un Poëme intitulé, <hi rend="i">Le Siecle de Loüis le Grand</hi>, de M<hi rend="sup">r</hi> Perrault de l’Academie Françoise. Le sieur Coignard, Libraire, a donné au public depuis ce temps-là deux Volumes du <hi rend="i">Paralelle des Anciens &amp; des Modernes</hi>, du mesme Auteur, &amp; ces Ouvrages ont esté attaquez par un Poëte Hollandois sous le nom de Montmor. C<hi rend="sup">r</hi> est cette Critique qui a donné lieu à M<hi rend="sup">r</hi> de Vin, dont vous connoissez l’heureux genie par plusieurs galantes pieces que je vous en ay déja envoyées, de faire le Dialogue que vous allez lire. Il est entre Apollon, &amp; la Muse Polimnie, qui parle au nom de toutes les autres.</p>
          <quote>
            <lg>
              <label><hi rend="i">POLIMNIE.</hi></label>
              <l rend="i">Nous nous jettons, Seigneur, toutes à vos genoux,</l>
              <l rend="i"> Et nous vous demandons justice.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">APOLLON.</hi></label>
              <l><hi rend="i">Relevez-vous, mes Sœurs, parlez, expliquez-vous,</hi></l>
              <l rend="i"> Et sçachez qu’Apollon propice</l>
              <l rend="i">Entre, comme il le doit, dans tous vos interests.</l>
              <l rend="i">Quels sont vos Ennemis, ou publics, ou secrets ?</l>
              <l rend="i">De qui vous plaignez-vous, &amp; quel témeraire ose,</l>
              <l rend="i">Sans craindre ma colere, à mes yeux insulter</l>
              <l rend="i"> Les Filles du grand Jupiter ?</l>
              <l rend="i">Du trouble où je vous vois quelle est enfin là cause ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">POLIMNIE.</hi></label>
              <l rend="i">Il ne falloit pas moins pour en finir le cours</l>
              <l rend="i"> Que l’offre de vostre secours.</l>
              <l rend="i"> Nous allons reprendre courage,</l>
              <l rend="i"> Et nous en craignons moins l’outrage</l>
              <l rend="i"> Qu’on nous fait depuis quelques jours.</l>
              <l><hi rend="i">Malgré l’épais broüillard, &amp; les vapeurs grossieres</hi></l>
              <l rend="i">Qui couvrent en tout temps le Batave Climat,</l>
              <l rend="i">Nous n’avons pas laissé d’y porter nos lumieres.</l>
              <l rend="i">Cependant ce Pays sombre, &amp; toujours ingrat,</l>
              <l rend="i">Loin de nous en montrer quelque reconnoissance,</l>
              <l rend="i"> Ne s’en sert qu’à nous décrier ;</l>
              <l rend="i"> Et Montmor vient de publier</l>
              <l rend="i">Qu’il ne sort plus de nous qu’une froide Eloquence.</l>
              <l rend="i"> Il est vray que cet entesté</l>
              <l rend="i"> Nous fait encor l’honneur de croire</l>
              <l rend="i"> Qu’autrefois nous eûmes la gloire</l>
              <l rend="i"> D’inspirer à l’Antiquité</l>
              <l rend="i"> Ces traits vifs, cette politesse,</l>
              <l rend="i">Ce goust fin, ce bon sens, cette delicatesse</l>
              <l rend="i"> Qu’on voit briller dans ses escrits :</l>
              <l rend="i"> Mais il soutient que la vieillesse</l>
              <l rend="i">Qu’il nous donne, &amp; qu’il traite avec tant de mépris,</l>
              <l rend="i"> A fait sentir à nos esprits</l>
              <l rend="i">La perte du beau feu qu’avoit nostre jeunesse.</l>
              <l rend="i">Il semble, si l’on veut s’en rapporter à luy,</l>
              <l rend="i">Que l’Hiver ait sur nous versé toute sa glace,</l>
              <l rend="i">Et qu’inutilement Hesiode aujourd’huy</l>
              <l rend="i"> S’endormiroit sur le Parnasse.</l>
              <l rend="i"> Tel est l’impertinent discours</l>
              <l rend="i"> De ceux qui secs, &amp; sans genie,</l>
              <l rend="i">Sur ce qu’on voit de bon répandent tous les jours</l>
              <l rend="i"> Le venin de leur jalousie,</l>
              <l rend="i">Et se vangent par là du malheureux succés</l>
              <l rend="i"> Des sots Ouvrages qu’ils ont faits.</l>
              <l rend="i">  Cependant si leur médisance</l>
              <l rend="i">Dans le monde une fois trouve quelque créance,</l>
              <l rend="i"> Adieu les suprêmes honneurs</l>
              <l rend="i">Que nous ont jusqu’icy rendus tous les Auteurs.</l>
              <l rend="i">Nous feront-ils, helas ! le moindre sacrifice ?</l>
              <l rend="i"> Ils en croiront plus leur caprice</l>
              <l rend="i"> Que les salutaires ardeurs</l>
              <l rend="i"> Qu’on puise dans nostre fontaine,</l>
              <l rend="i">Et nous refuseront les glorieux tributs</l>
              <l rend="i">Qu’ils ont toujours payez à son eau souveraine.</l>
              <l rend="i"> Qui voudra se donner la peine</l>
              <l rend="i">D’y chercher un secours qu’on traitera d’abus ?</l>
              <l rend="i"> Qui nous invoquera ? Personne</l>
              <l rend="i">Ne s’avisera plus de nous offrir des vœux,</l>
              <l rend="i">Et des beaux Arts (quel coup ! j’en tremble, j’en frissonne)</l>
              <l rend="i">Peut-estre que chacun se fera d’autres Dieux.</l>
              <l rend="i">Il me semble déja que l’on nous abandonne,</l>
              <l rend="i"> Que l’on ne songe plus à nous,</l>
              <l rend="i">Et que nostre sejour, devenu solitaire,</l>
              <l rend="i">Sans Encens, sans Autels, n’est plus que le repaire</l>
              <l rend="i"> Des Ours, des Lions &amp; des Loups.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">APOLLON.</hi></label>
              <l rend="i">Le mal n’est pas encor si grand qu’on s’imagine,</l>
              <l rend="i">Rasseurez-vous, mes Sœurs, Montmor, &amp; ses pareils,</l>
              <l rend="i">Pour vous nuire, tiendront d’inutiles conseils,</l>
              <l rend="i">Et quoy que du Parnasse ils tentent la ruine,</l>
              <l rend="i"> Ils ne sont pas si dangereux,</l>
              <l rend="i">Que leurs traits mal lancez ne retombent sur eux.</l>
              <l rend="i">Autant, &amp; plus que vous, leur audace m’offense,</l>
              <l rend="i">Et je les traiterois comme des Marsyas</l>
              <l rend="i"> S’ils estoient dignes de mon bras :</l>
              <l rend="i"> Mais plein d’une reconnoissance</l>
              <l rend="i"> Qui doit confondre ces ingrats,</l>
              <l rend="i">Un de nos Favoris travaille à sa deffense,</l>
              <l rend="i">Et Perrault que j’ay sçeu remplir de tous mes feux,</l>
              <l rend="i"> Est un Athlete vigoureux,</l>
              <l rend="i">Et tel que d’Apollon exige la vengeance.</l>
              <l rend="i">Ils ont desja senty ce que pesent ses coups ;</l>
              <l rend="i"> Sa plume &amp; polie, &amp; féconde</l>
              <l rend="i"> Commence à détromper le monde</l>
              <l rend="i"> Des contes que l’on fait de vous.</l>
              <l rend="i"> Chacun sçait que de la vieillesse</l>
              <l rend="i"> La froideur &amp; l’infirmité</l>
              <l rend="i"> N’attaquent point une Déesse,</l>
              <l rend="i"> Et qu’une éternelle jeunesse</l>
              <l rend="i">Est le fruit precieux de l’immortalité.</l>
              <l rend="i">Chacun sçait que toujours &amp; vives, &amp; solides,</l>
              <l rend="i">Vous pouvez aujourd’huy, comme dans les vieux temps,</l>
              <l rend="i"> Faire, malgré ces médisans,</l>
              <l rend="i"> Des Sophocles, des Euripides,</l>
              <l rend="i">Des Plines, des Saphos, des Longins, des Varrons,</l>
              <l rend="i"> Des Aristotes, des Euclides,</l>
              <l rend="i"> Des Horaces, des Thucidides,</l>
              <l rend="i"> Des Terences, des Cicerons,</l>
              <l rend="i"> Des Luciens, des Praxiteles,</l>
              <l rend="i"> Des Virgiles, &amp; des Appelles.</l>
              <l rend="i">On sçait qu’autant de fois qu’on verra des Heros</l>
              <l rend="i">Amateurs de nos jeux, affables, liberaux,</l>
              <l rend="i">Et tels qu’en possede un la trop heureuse France ;</l>
              <l rend="i">On ne manquera pas de sublimes Esprits ;</l>
              <l rend="i"> Que vos feux, &amp; leurs dons unis</l>
              <l rend="i"> En produisent en abondance,</l>
              <l rend="i"> Et que sans la douce esperance</l>
              <l rend="i">D’estre un jour honorez de ces glorieux dons,</l>
              <l rend="i">Plusieurs qui negligeoient vos inspirations,</l>
              <l rend="i"> Auroient languy toute leur vie</l>
              <l rend="i"> Dans une molle oisiveté ;</l>
              <l rend="i">Ce prix de leurs travaux réveille leur genie,</l>
              <l rend="i">A mieux faire par là l’on se sent excité,</l>
              <l rend="i"> Et chacun, cherchant à leur plaire,</l>
              <l rend="i">Redouble ses efforts, &amp; pour en obtenir</l>
              <l rend="i"> La recompense qu’il espere,</l>
              <l rend="i">Leur consacre ses soins, ses veilles, son loisir.</l>
              <l rend="i">On sçait ce que valut autrefois à la Grece</l>
              <l rend="i">D’Alexandre le Grand la prodigue largesse,</l>
              <l rend="i">Et que jamais l’esprit dans cet heureux Climat</l>
              <l rend="i">Ne fut plus éclairé, plus fort, plus delicat.</l>
              <l rend="i"> Jamais Rome se trouva-t-elle</l>
              <l rend="i">Plus docte, plus polie, &amp; plus spirituelle</l>
              <l rend="i"> Que sous les deux premiers Cesars ?</l>
              <l rend="i"> Cette tendresse liberale</l>
              <l rend="i">Que le Pere &amp; le Fils * eurent pour les beaux Arts,</l>
              <l rend="i">Les y fit cultiver d’une ardeur sans égale,</l>
              <l rend="i">Et leur secours peut-estre autant que sa valeur,</l>
              <l rend="i">Jusqu’au point qu’on l’a veuë éleva sa grandeur.</l>
              <l rend="i">Ne leur doit-elle pas la fameuse Eneide,</l>
              <l rend="i">Les Plaintes, les Amours, &amp; les Fables d’Ovide,</l>
              <l rend="i">Le delicat Horace, &amp; tant d’Auteurs divers,</l>
              <l rend="i"> Qui soit en Prose, soit en Vers,</l>
              <l rend="i"> Ont rendu sa gloire immortelle,</l>
              <l rend="i">Et dont le goust si fin sert encor de modelle ?</l>
              <l rend="i"> Le Fils sur tout en leur faveur</l>
              <l rend="i">De son Trône souvent se plaisoit à descendre.</l>
              <l rend="i">Rome vit sans chagrin de son grand Empereur</l>
              <l rend="i">Jusqu’à l’excés sur eux les bienfaits se répandre,</l>
              <l rend="i">Et quelques-uns mesme d’entre eux</l>
              <l rend="i"> Se trouverent assez heureux,</l>
              <l rend="i"> Pour joüir de sa confidence.</l>
              <l rend="i"> On sçait enfin que dans la France</l>
              <l rend="i">Loüis que le Ciel aime, &amp; qui nous aime aussi,</l>
              <l rend="i">A par ses Pensions, par leur douce influence</l>
              <l rend="i"> Plus fait pour nous que jusqu’icy</l>
              <l rend="i">N’ont fait tous ces Heros que vante tant l’Histoire.</l>
              <l rend="i">Tout grand qu’il est, &amp; plus qu’Alexandre &amp; Cesar,</l>
              <l rend="i">De proteger les Arts dédaigne-t-il la gloire,</l>
              <l rend="i"> Et ce favorable regard</l>
              <l rend="i"> Qu’il jette sur l’Academie,</l>
              <l rend="i">N-a-t-il pas des François porté le beau genie</l>
              <l rend="i">Jusqu’au point d’effacer ce que firent jadis</l>
              <l rend="i">Les Grecs, &amp; les Romains quand ils furent polis ?</l>
              <l rend="i">C’est par là que chez eux ont brillé les Molieres,</l>
              <l rend="i"> Les Voitures, les Ablancours,</l>
              <l rend="i"> Et qu’éclairé de vos lumieres</l>
              <l rend="i">Vostre beau Sexe mesme y fait voir en ces jours</l>
              <l rend="i"> Des Scuderis, des Deshoulieres.</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">POLIMNIE.</hi></label>
              <l rend="i">Ces Dames au Parnasse, il est vray font honneur,</l>
              <l rend="i">Et pleines qu’elles sont de toute nostre ardeur,</l>
              <l rend="i"> Leurs Ecrits seuls devroient suffire</l>
              <l rend="i"> Pour confondre nos Ennemis.</l>
              <l rend="i">Ceux de Sapho sont-ils plus vifs, ou plus polis,</l>
              <l rend="i">Et de ce siecle enfin qui les force à médire ?</l>
            </lg>
            <lg>
              <label><hi rend="i">APOLLON.</hi></label>
              <l rend="i">Tel qu’il fut autrefois Apollon l’est encor ;</l>
              <l rend="i"> Ainsi méprisons de Montmor</l>
              <l rend="i">L’ennuyeuse critique, &amp; la fade Satire.</l>
              <l rend="i">L’opiniastre erreur qui l’attache aux vieux temps</l>
              <l rend="i"> N’a pour elle que peu de gens ;</l>
              <l rend="i"> Et chacun, quoy qu’il puisse dire,</l>
              <l rend="i">Ouvre, &amp; preste l’oreille à la voix du bon sens.</l>
              <l><hi rend="i">Athenes, comme Rome, en a fourny sans doute,</hi></l>
              <l rend="i">Mais sans prévention pour peu que l’on l’écoute,</l>
              <l rend="i">Croira-t-on qu’en ces lieux trouvant trop de douceurs,</l>
              <l rend="i">Il n’ait pû se resoudre à se produire ailleurs ?</l>
              <l rend="i">Lors qu’à l’antiquité ce siecle rend justice,</l>
              <l rend="i"> Par quel injurieux caprice</l>
              <l rend="i"> Refuse-t-on aux beaux esprits</l>
              <l rend="i">Qui regnent dans la France, &amp; sur tout dans Paris,</l>
              <l rend="i">Celle qui leur est deuë, &amp; que la fiere Athenes,</l>
              <l rend="i"> Plus équitable, que Montmor,</l>
              <l rend="i">Elle-mesme rendroit à tant de nobles veines ?</l>
              <l rend="i"> Faut-il, pour le presser plus fort,</l>
              <l rend="i"> Dissiper les sombres nuages</l>
              <l><hi rend="i">Dont un dépit jaloux envelope ses yeux,</hi></l>
              <l rend="i">Et, comme aux Ecoliers, faire à cet envieux,</l>
              <l rend="i">Comprendre, &amp; remarquer la beauté des Ouvrages</l>
              <l rend="i"> Des Racines, des Despréaux,</l>
              <l rend="i">Des Patrus, des Le-Bruns, des Mignards, des Corneilles.</l>
              <l rend="i"> Mais sans de tant d’Auteurs nouveaux</l>
              <l rend="i"> M’étendre sur les doctes veilles,</l>
              <l rend="i">Que ne veulent pas voir ces esprits mécontens,</l>
              <l rend="i">Ou qui sont au dessus de leur intelligence,</l>
              <l rend="i">Sans, dis-je, perdre en vain &amp; sa peine, &amp; son temps</l>
              <l><hi rend="i">A leur en expliquer la force &amp; l’exellence,</hi></l>
              <l rend="i">Perrault écrit pour Nous, &amp; ses heureux talens</l>
              <l rend="i">Suffisent seuls pour prouver que la France</l>
              <l rend="i">Egale en leur bon goust les siecles précedens.</l>
              <l rend="i"> Sa netteté, sa politesse,</l>
              <l rend="i">Ses traits-vifs &amp; brillans, son goust fin, sa justesse,</l>
              <l rend="i">Tout cela de Montmor a sceu blesser les yeux.</l>
              <l rend="i">Quels que soient ses efforts, sa plume languissante</l>
              <l rend="i">Ne peut en approcher, c’est en vain qu’il le tente,</l>
              <l rend="i">Et dans son desespoir, de ce lâche envieux</l>
              <l rend="i">La trop ingenieuse &amp; jalouse malice</l>
              <l rend="i"> Par un trop injuste artifice,</l>
              <l rend="i">  Détourne sur l’antiquité</l>
              <l rend="i">Le legitime encens qu’à Perrault il refuse,</l>
              <l> <hi rend="i">Et par ce faux trait d’equîcê,</hi></l>
              <l rend="i">D’en avoir peu pour luy ne craint pas qu’on l’accuse.</l>
              <l rend="i"> On en usa toujours ainsi,</l>
              <l rend="i">Et des siecles passez comme de celuy-cy</l>
              <l rend="i"> Telle fut l’adroite manie.</l>
              <l rend="i"> Horace, le plus beau genie</l>
              <l rend="i">Que Rome vit chez elle, eut aussi son Montmort ;</l>
              <l rend="i">Tout habile qu’il fut, le celebre Mecene</l>
              <l rend="i">A gouverner l’Empire eut mesme moins de peine</l>
              <l> <hi rend="i">Qu’à l’exemter de cet indigne sort.</hi></l>
              <l rend="i"> L’injustice toujours bizarre</l>
              <l rend="i">Ne vantoit de son temps que Sapho, que Pindare ;</l>
              <l rend="i"> Toute la gloire estoit pour eux,</l>
              <l rend="i">On envioit la sienne, &amp; ceux cy dans la Grece,</l>
              <l rend="i">Lors qu’ils y prodiguoient leur sçavante richesse,</l>
              <l rend="i">Ne se virent-ils pas préferer leurs Ayeux ?</l>
              <l rend="i"> Tant que vescut le grand Homere,</l>
              <l rend="i">Sur sa mendicité jetta-t-elle un regard ?</l>
              <l rend="i"> Cette ingrate prit elle part</l>
              <l rend="i"> A sa longue &amp; dure misere ?</l>
              <l rend="i"> Non, ce ne fut qu’aprés sa mort</l>
              <l rend="i"> Que sept Villes en concurrence</l>
              <l rend="i">Disputant, mais trop tard, l’honneur de sa naissance,</l>
              <l rend="i"> S’en firent un illustre sort.</l>
              <l rend="i">Laissons donc à Perrault le soin de nostre gloire,</l>
              <l rend="i">Nous ne pouvions la mettre en de meilleures mains ;</l>
              <l rend="i"> Et que les Filles de Memoire</l>
              <l rend="i"> Calmant leurs sensibles chagrins,</l>
              <l rend="i">S’apprestent au plustost à chanter sa Victoire.</l>
            </lg>
            <note><p>* Auguste fut adopté par Jules Cesar.</p></note>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_093" resp="mercure">
          <head>[Ordre de S. Jean de Jerusalem]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1690, p. 93-94.</bibl>
          <p/>
          <p>Mr le Commandeur de Barbantane, Vicaire General du Grand Prieuré de Toulouse, de l'Ordre de Saint Jean de Jerusalem, ayant appris que Mr le Commandeur de Vignacour avoir esté éleu Grand Maistre de Malthe, en fit paroistre sa joye par des illuminations qu'il fit faire devant sa Maison, &amp; par un grand Feu d'artifice qui fut tiré au bruit des Fifres, des tambours &amp; des hautbois.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_117" resp="wordpro">
          <head>[Lettre en Prose &amp; en Vers]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 117-146.</bibl>
          <p>Les matieres de la guerre ayant remply depuis fort longtemps la plus grande partie de chacune de mes Lettres, beaucoup d’Ouvrages galans n’ont pû y entrer. En voicy un du Berger de Flore, dont le nom vous est connu. Vous avez déja veu une de ses Lettres, par laquelle il rend compte à une Dame, d’une premiere Societé qu’il a faite. Celle-cy en est la suite, c’est à dire qu’il instruit la mesme Dame d’un engagement nouveau qu’on luy a fait prendre.</p>
          <quote>
            <label>A LA BELLE<lb />MARTHESIE.</label>
            <p>Pour continuer, Madame, les éclaircissemens que j’ay commencé à vous donner, vous sçaurez que la seconde Societé dont je fus, s’appelloit <hi rend="i">L’Empire de Flore</hi>, ou <hi rend="i">des Fleurs</hi>. Sa Devise estoit, <hi rend="i">N’aspirons qu’à fleurir</hi> ; sur quoy une des Belles qui avoit l’esprit enjoüé, fit les Vers qui suivent.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Ne causons point de mauvais bruits,</l>
                <l rend="i">Plaisons-nous au Printemps, gardons-nous de l’Automne ;</l>
                <l rend="i"> Aimons les Fleurs, fuyons les fruits,</l>
                <l rend="i"> Pour nostre honneur Flore l’ordonne ;</l>
                <l rend="i"> Et si l’amour en prenoit du soucy,</l>
                <l rend="i">Il ne faut point que l’on façonne ;</l>
                <l rend="i"> Nous devons le bannir d’icy.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Chaque Dame s’y donna un nom de Fleur ; &amp; les Cavaliers en prirent de semblables ou d’approchans. J’estois à Paris lors que cette Cour Imperiale commença à s’établir, &amp; quand j’arrivay au Pays, la Societé m’ayant receu, je me declaray pour la Belle qui avoit fait les Vers que je viens de rapporter. Elle s’appelloit <hi rend="i">Clione</hi>, &amp; elle avoit pris le nom de <hi rend="i">Lumiere</hi>. Ce nom ne seyoit pas mal à la vivacité de ses yeux &amp; de son esprit. L’assurance qu’on me donna qu’elle n’estoit point destinée au Monastere, &amp; qu’elle n’avoit point encore d’engagement, me fit entreprendre avec plus de hardiesse le dessein de la servir. Voicy le moyen que je pris pour luy declarer que je l’aimois. Il fut trouvé assez singulier, &amp; tout-à fait propre à tromper le jaloux le plus soupçonneux du monde. On avoit fait une loy dans cet Empire, qui défendoit aux Dames de refuser des Fleurs, de quelque part qu’elles vinssent. J’envoyay donc un bouquet à Clione, sous la faveur de cette loy, avec une humble priere de le regarder comme un Chiffre, qui luy apprendroit mot à mot ce que je faisois pour elle. Nous estions alors au Printemps, &amp; ce bouquet estoit composé de Fleurs toutes printannieres, à la reserve d’une seule. Il y avoit au haut une Jonquille &amp; un Ellebore ; au milieu, de la Violette, de la fleur d’Orange, du Violier, &amp; un Soucy ; &amp; au bas, une Anemone, une Iris, du Muguet &amp; de l’Epatique. Ces Fleurs estoient entremeslées de verdure, pour en adoucir le mélange un peu bizarre, comme aussi pour marquer l’esperance que j’avois qu’on les recevroit favorablement. Clione qui ne manquoit pas de curiosité, &amp; que mon compliment avoit piquée d’interest, s’attacha aussitost à examiner ces Fleurs, pour reconnoistre ce que je voulois dire ; &amp; elle ne les considera pas longtemps sans le deviner. Ce fut en jugeant, comme elle fit, qu’à prendre la premiere lettre du nom de chaque Fleur, sans avoir égard aux <hi rend="i">h</hi>, que quelques-uns mettent devant Ellebore &amp; Epatique, les deux Fleurs d’en haut signifioient <hi rend="i">je</hi>, les quatre suivantes, <hi rend="i">vous</hi>, &amp; les quatre dernieres, <hi rend="i">aime</hi> ; &amp; qu’ainsi le bouquet exprimoit ces mots, <hi rend="i">je vous aime</hi>. Cette declaration qui la surprit agreablement, luy parut trop galante pour s’en offenser. Aussi ne s’en plaignit-elle pas ; mais pour me faire connoistre qu’elle l’entendoit, sans pourtant la vouloir entendre, elle me répondit par cet <hi rend="i">in promptu.</hi></p>
            <quote>
              <lg>
                <l><hi rend="i">Qui l’auroit jamais cru ? Les Fleurs sçavent parler,</hi></l>
                <l> <hi rend="i">Un Bouquet me dit,</hi> Je vous aime.</l>
                <l><hi rend="i">Ça ma reconnoissance, il se faut signaler,</hi></l>
                <l rend="i"> Beau Bouquet, je t’en dis de même.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Ces Vers me furent rapportez par la mesme personne qui luy avoit porté mon present ; mais comme ce n’estoit pas mon compte qu’elle aimast les productions de Flore, sans en aimer le Berger, je luy repliquay aussitost de la sorte.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Le Bouquet n’est qu’un truchement,</l>
                <l rend="i"> Il vous a dit que je vous aime ;</l>
                <l rend="i">Si vostre bonté veut éclater noblement,</l>
                <l rend="i"> Pour moy vous en direz de mesme.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Je le souhaite, objet charmant,</l>
                <l rend="i">Plus qu’un ambitieux ne fait le Diadème ;</l>
                <l rend="i">Et je croy qu’on ne peut jamais trop ardemment</l>
                <l rend="i"> Souhaiter un bonheur extrême.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> S’il vous plaisoit d’oüir mes vœux,</l>
                <l rend="i">Je vous comparerois avec les Immortelles,</l>
                <l rend="i">Et vous verriez mon cœur payer de mille feux</l>
                <l rend="i"> La moindre de vos étincelles.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Vous avez cent sortes d’appas,</l>
                <l><hi rend="i">Vostre teint pour charmer mesle les lis aux roses ;</hi></l>
                <l rend="i">Mais tout cela n’est rien, si l’amour n’en est pas,</l>
                <l rend="i"> Luy seul donne le prix aux choses.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> En y pensant pensez à moy,</l>
                <l rend="i">La probité me plaist, je vous seray fidelle.</l>
                <l rend="i">Je sçay de plus unir la constance à la foy,</l>
                <l rend="i"> J’auray pour vous une amour éternelle.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Voulez-vous que l’on soit discret,</l>
                <l rend="i">Soumis, respectueux, tendre, sensible &amp; sage ?</l>
                <l rend="i">Toutes ces qualitez entrent dans mon portrait,</l>
                <l rend="i"> Et quelque chose davantage.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Je sçay sur toutes les faveurs</l>
                <l rend="i">Garder sans me contraindre un éternel silence ;</l>
                <l rend="i">Vous pouvez m’accorder de legeres douceurs,</l>
                <l rend="i"> Pour en faire l’experience.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Mon Bouquet vous a dit l’amour</l>
                <l rend="i">Que vos yeux, que vos traits, que vostre esprit me donne ;</l>
                <l rend="i">Songez à le nourrir, puis qu’il vous doit le jour,</l>
                <l rend="i"> Je n’en diray rien à personne.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Il n’estoit pas difficile de persuader à cette Belle qu’on l’aimoit. Elle avoit trop bonne opinion d’elle mesme pour en douter. Il ne me fallut donc pas beaucoup de protestations &amp; de temps pour la convaincre de ma tendresse, &amp; c’en fut assez pour l’obliger d’en avoir pour moy. Nous vescumes en repos deux ou trois mois fort satisfaits l’un de l’autre ; mais enfin je remarquay par hazard une grande intelligence qui se formoit entre elle &amp; un de nos Bergers, sans qu’elle m’en dist aucune chose. Son silence me semblant une trahison, j’en souffris une douleur tres-sensible, jamais Filis ne m’en avoir causé de semblable. Je m’en plaignis à une de ses Amies qui estoit aussi la mienne. Elle luy en fit de doux reproches. Clione en fut touchée, &amp; elle essaya de faire cesser mes plaintes par l’éloignement de leur cause. Le calme revint donc dans mon esprit, mais il n’y dura guere ; l’infidelle retourna à sa nouvelle conqueste, &amp; usa de toutes sortes d’artifices pour m’ébloüir, parce qu’elle n’avoit pas envie de me perdre. J’en fus averty de bonne part, &amp; alors le dépit me la fit quitter tout à fait, sans m’en plaindre davantage. Une autre Belle qui l’effaçoit par des brillans beaucoup plus propres à charmer que les siens, étoit entrée depuis quelques jours dans nostre Societé, Je me rangeay sous son Empire, dans l’esperance d’un plus heureux succés. Cette Belle prit d’abord le nom de <hi rend="i">Rose</hi>, &amp; ce nom ne convenoit pas mal à l’éclat de son teint extrémement vermeil ; mais elle le quitta bien-tost pour prendre celuy de <hi rend="i">Roselinde</hi>, qui luy sembla plus agreable. Elle joüa assez bien son personnage auprés de moy, dans les commencemens de mon amour, pour me persuader qu’elle estoit de la nature des Roses, &amp; que si elle avoit beaucoup de douceur, il n’en falloit pas abuser ; qu’elle avoit des épines à sa garde, &amp; qu’il estoit dangereux de s’y joüer avec trop de familiarité, mais je m’apperceus bien-tost qu’elle estoit aussi facile à toucher que les fleurs qui n’ont aucune défense, &amp; qu’elle se sentoit mesme du sang amoureux de la Déesse de qui les roses ont tiré leur couleur vermeille. Elle me permit de rendre plusieurs témoignages publics de ses charmes &amp; de mon amour, &amp; en voicy un des plus forts.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Que Roselinde a de beautez !</l>
                <l rend="i">Que de cœurs en sont enchantez !</l>
                <l rend="i">Que d’esclaves sous son empire !</l>
                <l rend="i">Son teint vermeil &amp; delicat</l>
                <l rend="i">Brille d’un merveilleux éclat,</l>
                <l rend="i"> Tout le monde l’admire.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">Les traits qui partent de ses yeux,</l>
                <l rend="i">Portent leur flâme en mille lieux</l>
                <l rend="i">Avec une douceur extrême ;</l>
                <l rend="i">On ne sçauroit se garantir</l>
                <l rend="i">D’une ardeur si douce à sentir,</l>
                <l rend="i"> Et tout le monde l’aime.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">Pour moy, j’adore son esprit,</l>
                <l rend="i">S’il me captive, il me ravit ;</l>
                <l rend="i">Je ne vois rien qui luy ressemble ;</l>
                <l rend="i">Tout le monde luy fait la cour,</l>
                <l rend="i">Mais j’ay pour elle plus d’amour</l>
                <l rend="i"> Que tout le monde ensemble.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Roselinde aimoit l’encens &amp; le bruit ; elle me sceut bon gré de ces Vers, &amp; elle les fit mesme mettre en air, afin qu’on les pust chanter par tout. Comme elle ne manquoit pas d’Amans lors que je luy voüay mes services, je ne manquay pas aussi de Rivaux ; mais l’asseurance qu’on me donna, qu’aucun n’estoit favorisé d’elle, fut une des raisons qui m’y attira. Il sembla dans la suite du temps, à l’entendre dire, &amp; à la voir faire, qu’elle me voyoit de meilleur œil que les autres ; &amp; un de mes Amis s’avisa de m’en feliciter, elle me le faisoit accroire aussi. Je suis de bonne foy ; &amp; il n’est rien de si propre à surprendre la créance des plus incredules, que ce qui flate, &amp; que l’on souhaite. Je me laissay donc aller à cette opinion de preference, &amp; je m’en fis un grand sujet de gloire &amp; de bonheur. Toutefois j’appris bien tost qu’elle témoignoit autant de bontez à d’autres qu’à moy, &amp; je connus mesme qu’elle ne s’en cachoit pas trop. Cette connoissance me causa du chagrin &amp; du refroidissement, on n’aime pas à estre trompé. Je conceus dés lors le dessein de retirer mon cœur de la presse, &amp; de le placer ailleurs. Roselinde avoit beaucoup de penetration, elle s’en apperçeut, &amp; me dit là-dessus qu’elle ne s’estonneroit pas quand je la quitterois malgré toutes les protestations de fidelité &amp; de constance que je luy avois faites, mais que je pouvois m’assurer de ne pas mieux trouver mon compte autre-part qu’auprés d’elle. Je luy répondis qu’elle avoit bien de la malice de me vouloir oster l’esperance aprés m’avoir osté le repos. Vous vous flattez, me repliqua-t-elle, &amp; je veux vous desabuser, afin que vous conserviez du moins le souvenir de ma franchise, s’il vous arrive d’oublier les autres qualitez, qui m’ont tant de fois attiré vos loüanges. Chaque sexe, continua-telle, a ses defauts particuliers, &amp; je laisse à juger lequel du vostre ou du mien a les plus grands ; mais j’ay reconnu, &amp; il n’est que trop vray, que les femmes sont beaucoup plus sujettes à l’infidelité, qu’à l’inconstance ; &amp; les hommes au contraire, plus sujets à l’inconstance qu’à l’infidelité ; &amp; ce qui est assez singulier, c’est que cette difference est l’effet d’un mesme principe, puis qu’il resulte de la qualité de sociable, que la nature a également donnée aux hommes &amp; aux femmes. La raison des femmes vient de ce que chacune d’elles a interest de s’acquerir plusieurs Amans, afin que l’un l’entretienne, tandis que l’autre garde le silence, &amp; qu’ainsi elle ne languisse pas dans l’oisiveté. La raison des hommes naist de ce que c’est assez d’une Belle, pour épuiser toutes les douceurs d’un Amant, &amp; que quand cet Amant est au bout de son rollet, &amp; n’a plus rien de nouveau à conter à sa Belle, il desire aussi tost d’en rencontrer une autre qui l’escoute, à cause de la demangeaison qu’il a de recommencer un entretien qui luy plaist. Ainsi chaque sexe a une raison naturelle, qui le rend excusable dans sa conduite, quelque plainte qu’on en fasse, &amp; quelque peine qu’on en souffre, &amp; comme je vous excuseray si vous me quittez, vous ne devez pas me condamner, si en vous aimant j’en aime encore d’autres. Il me semble mesme qu’il devroit suffire pour vôtre repos &amp; pour vôtre gloire, que je vous aimasse, sans vous faire un sujet d’inquietude &amp; de rebut, de ce que vous n’estes pas le seul que j’aime. Je ne pus m’accommoder de ce raisonnement, ny de ce procedé ; le partage du cœur me déplaist ; je n’aimois qu’elle, je voulois estre aimé de mesme ; &amp; comme je connus par cette naïve expression de ses sentimens, que cela n’estoit pas faisable, je la remerciay de sa franchise &amp; de son amour. Neantmoins tout mon dépit ne put empescher que sa sincerité ne me plust, &amp; ne voulant pas cesser de la voir, quoy que je cessasse de l’aimer, je luy envoyay ces Vers.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Vous raisonnez trop bien, &amp; vous aimez trop mal,</l>
                <l rend="i"> La Belle, adieu, je romps ma chaîne.</l>
                <l rend="i">Je ne puis en amour supporter un égal,</l>
                <l rend="i"> Vous m’en donnez une douzaine,</l>
                <l rend="i">Vous suivez vostre humeur, je vais suivre la mienne.</l>
                <l rend="i">Pourtant point de rancune entre nous, s’il vous plaist,</l>
                <l rend="i">  On se peut voir sans interest,</l>
                <l rend="i"> Sans passion ny d’amour, ny de haine.</l>
                <l rend="i">Ma perte est peu de chose, &amp; pour la reparer</l>
                <l rend="i"> D’une façon qui vous contente,</l>
                <l rend="i"> Je vais ardemment desirer</l>
                <l rend="i"> Que chaque jour le Ciel augmente</l>
                <l rend="i">Le nombre des Amans souples, soumis &amp; doux,</l>
                <l rend="i">  Qui soupirent pour vous.</l>
                <l rend="i"> En aurez-vous assez d’une trentaine ?</l>
                <l rend="i">Mes vœux iront plus loin, si vous le souhaitez ;</l>
                <l rend="i">Mais c’est tout ce qu’en eut jadis la belle Helene,</l>
                <l rend="i">  La Reine des Beautez.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Un Frere unique que j’avois alors, se mit de nôtre societé, &amp; y fut nommé <hi rend="i">le Berger fleuriste</hi>. Il faisoit de la Prose &amp; des Vers, comme moy, c’est à dire, à la Cavaliere, sans beaucoup de recherche ; &amp; c’est sous ce nom que plusieurs Pieces que j’avois de luy ont paru dans le Mercure, &amp; qu’y paroistront encore celles qui me restent de sa façon, puis qu’on les trouve assez galantes y avoir place. Il y a déja quelques années qu’il ne vit plus que dans ma memoire, mais il n’y mourra qu’avec moy. Jamais amitié ne fut plus forte que celle que nous avions l’un pour l’autre. La belle Cloris, &amp; la Nimphe des Bruyeres qu’il aima successivement, estoient de la mesme Societé, &amp; ne contribuerent pas peu par leurs charmes à la rendre florissante. Cloris y eut le nom d’<hi rend="i">Immortelle</hi>, &amp; la Nimphe des Bruyeres celuy de <hi rend="i">Lis</hi> ou de <hi rend="i">Liliane</hi>. Il a assez fait éclater leur merite, pour me donner lieu de n’en rien dire davantage, &amp; puis, Madame, il ne s’agit pas de sa vie galante, mais de celle de vostre, &amp;c.</p>
            <p><hi rend="sc">Le Berger de Flore</hi>.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_146" resp="wordpro">
          <head>[Eloge de Monseigneur le Dauphin par Madame de Pringy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 146-157.</bibl>
          <p>Je vous ay déja envoyé divers Ouvrages de Madame de Pringy, qui vous ont fait voir que non seulement elle a de l’esprit brillant, comme il s’en rencontre en beaucoup de Dames qui sçavent se distinguer de leur Sexe, mais que l’Eloquence est un talent qu’on ne peut luy contester. Le Discours que vous allez lire, &amp; qui est encore de sa façon, n’affoiblira pas l’opinion avantageuse que vous avez conceuë d’elle. Il est du temps, &amp; la matiere n’en sçauroit estre plus noble.</p>
          <quote>
            <label>A LA GLOIRE<lb />DE MONSEIGNEUR<lb />LE DAUPHIN.<lb />Sur son retour d’Allemagne.</label>
            <p><hi rend="i">Enfin le plus grand des Rois voit tous ses Ennemis défaits, soumis &amp; vaincus. Le Lion est terrassé, &amp; l’Aigle abbatuë, L’envie vient d’enchaîner ceux qu’elle avoit seduits, &amp; tous les efforts de ces Princes injustes n’ont servy qu’à les couvrir de honte &amp; de confusion. LOUIS seul victorieux, sage &amp; paisible, se voit couronné de gloire &amp; de bonheur, &amp; dans le sein de ses Etats, il s’occupe à contempler le Ciel qui le benit. Il voit du haut de sa grandeur, l’abbaissement inoüy de ceux qui le vouloient outrager, &amp; il offre toutes ses victoires à Dieu seul qui les luy procure. Toute l’Europe liguée pour attaquer la France, la guerre universelle qui la menaçoit, ce gros d’Ennemis assemblez pour resoudre sa perte, tout est accablé. La puissance de nostre Monarque a dissipé en un moment tous ces projets, depuis si longtemps concertez, &amp; son Auguste Fils qui a fait éclater sa valeur par ses victoires, a dans cette occasion moderé son courage par sa soumission, &amp; n’a voulu donner la mort à aucun de ceux à qui sa presence donnoit du repentir. Il revient, ce Heros redoutable, goûter dans ce sejour de paix, le repos de l’admiration. Admiration qu’il donne &amp; qu’il ressent ; qu’il donne à tout le monde, &amp; qu’il ressent pour nostre Auguste Monarque. L’on ne sçauroit trop admirer ce jeune Prince, qui sçait vaincre &amp; charmer l’Univers. Il vient d’accabler par sa prudence, par son courage &amp; par sa force, &amp; il charme par sa vertu, par sa bonté, &amp; par ses dons. Il a porté la terreur aux cœurs troublez par l’injustice, &amp; il rapporte la joye aux cœurs charmez de ses vertus. Il sçait plaire &amp; étonner. Il est tout ensemble un Heros redoutable &amp; un Prince charmant, &amp; l’on ne sçait si l’on doit s’écrier sur sa valeur, ou s’applaudir sur sa bonté. Rien de si haut que son courage, rien de plus beau que sa soumission, rien de si éclatant que ses victoires, rien de plus charmant que sa douceur ; enfin rien de plus digne d’admiration que sa personne. Mais comment pouvoir décrire les effets d’une si noble cause ? Toutes ces impressions de crainte &amp; d’amour qu’il fait naistre dans les cœurs, ces troubles, ces agitations, ces terreurs que les Ennemis ont ressenties, &amp; ces joyes, ces desirs, ces respects, ces transports que les Peuples François ressentent, sont des merveilles qui charment tout le monde, mais que l’on ne peut dépeindre, &amp; c’est l’effet de la valeur &amp; de la bonté de ce Prince admirable. L’admiration est un étonnement de l’ame qui l’arrête, &amp; luy fait contempler l’objet qui l’a surprise. Quand de grandes vertus se presentent en foule pour l’ébloüir, elle fixe son regard sur cette masse d’objets qui luy plaisent, &amp; la grandeur de leur beauté luy fait marquer avec plaisir ce qu’elle ne peut exprimer qu’avec peine. Voila ce que nous sentons pour ce jeune Heros que la France admire. On est surpris de sa valeur &amp; de sa bonté, on le contemple, on l’aime, &amp; nos marques d’affection sont autant de voix qui l’applaudissent &amp; le loüent, au deffaut de nos expressions. Qui peut mieux meriter l’admiration que celuy qui la cause dans un âge où d’autres à peine la connoissent, &amp; qui la peut mieux concevoir que ceux qui ressentent les bontez qu’ils admirent ? Dans les siecles passez les Princes les plus admirables n’ont eu que des vertus militaires ; pour les vertus douces &amp; insinuantes, on les ignoroit ; mais aujourd’huy la clemence n’est point separée de la valeur, &amp; nôtre Auguste Dauphin nous fait voir l’assemblage de mille vertus opposées, &amp; nous aprend en cent manieres qu’il est l’admirable Copie de Louis le Grand, de ce Prince qui fait éclater par puissance un regne merveilleux par bonté, qui abat l’orgueil par la honte, qui est toujours prest d’accorder le repos par misericorde, &amp; de confondre par bonté ceux qu’il vient d’accabler par justice, qui est remply de sagesse &amp; de vertus, &amp; qui rend sa gloire éclatante &amp; éternelle. Vous, Prince Auguste, qui admirez sans cesse nôtre parfait Monarque, ses faits inoüis vous charment &amp; vous enlevent. Vous regardez sa vie comme le modele le plus beau, le plus surprenant, le plus achevé, &amp; vous l’imitez cependant, comme l’exemple le plus aisé à suivre. Vous loüez sans cesse ses actions merveilleuses par l’application que vous apportez à vous y conformer, &amp; vous faites sa joye par vos vertus, comme il fait vos vertus par son exemple. Que ne puis-je icy, en dépeignant vostre admiration, en décrire la cause ! Mais toute l’éloquence des hommes ne suffiroit pas pour en venir à bout. Le Portrait de Louis le Grand est une entreprise qui surpasse les forces des plus habiles. L’assemblage des vertus &amp; des grandes qualitez qu’il renferme dans son Auguste Personne, est un objet que l’on imagine, que l’on conçoit, que l’on admire, mais que l’on ne peut comprendre. Vous, grand Prince, qui avez receu de ce Heros le noble Sang qui vous anime, vous qui suivez les traces éclatantes dans lesquelles il marche, vous qui admirez par effet la brillante gloire qui le couvre, calmez vostre ardeur guerriere, &amp; joüissez un moment du glorieux repos où sa presence vous attire, avant que d’accabler ceux que vos vertus épouvantent, &amp; protegez les heureux Peuples qui vous admirent.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_158" resp="wordpro">
          <head>[Lettre à Madame Deshoullieres]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 158-164.</bibl>
          <p>Rien n’est si commun que les Vers, &amp; rien n’est si rare que d’en trouver de bons. Parmy une infinité de personnes qui font leur plaisir de cette occupation, à peine en voit-on cinq ou six qui se distinguent. Si j’ose mesler mon sentiment avec celuy de plusieurs personnes, du jugement desquelles on ne sçauroit appeller, M<hi rend="sup">r</hi> de Senecé, premier Valet de Chambre de la feuë Reine, doit estre mis de ce nombre. Vous en jugerez par l’Idille de sa façon que je vous envoye. Le sujet qu’il a pris est fort sterile, de sorte qu’il a eu besoin de beaucoup d’invention, qui est une des principales parties de la Poësie. Ses pensées sont belles, bien soutenuës, &amp; noblement exprimées, &amp; ses Vers ont un tour aisé qui fait plaisir. Il seroit à souhaiter qu’il en voulust faire souvent. Il est à Mascon, d’où il a envoyé son Idille à Madame Deshoulieres, en luy écrivant ce que vous allez lire. Je croy que vous ne serez pas fachée de voir comment parle en Prose un homme qui fait paroistre tant d’esprit en Vers.</p>
          <quote>
            <label>A Mascon. 16. Nov. 1690</label>
            <p><hi rend="i">Permettez-moy, Madame, de vous dire, que je suis de l’humeur de ces Héros de Comedie, qui dans les plus grandes adversitez, conservent toujours la fierté de leur rang, &amp; la fermeté de leur courage. Cela veut dire, que tout exilé que je suis du Royaume de l’esprit, &amp; du bon sens, je me souviens toujours que j’ay eu l’honneur d’estre connu de vous, &amp; d’avoir quelque part en vostre estime. C’est un avantage que je ne puis jamais oublier ; mais, Madame, comme vous n’avez pas les mesmes raisons de penser à moy, je ne puis resister à la tentation de vous en rappeller le souvenir. Il est trop doux, il est trop glorieux, pour pouvoir le negliger, de tenir quelque place dans vostre esprit, &amp; dans vostre memoire, parmy ces idées brillantes, &amp; spirituelles, qui font les delices &amp; l’admiration de tout ce qui parle François, je veux dire, de la plus polie, &amp; de la plus nombreuse partie de la terre. Les agréables épanchemens de vostre heureux genie, viennent souvent jusqu’à nous de plusieurs façons. Je vous avouë neant-moins, que tout charmé que j’en suis, je le serois encore davantage, s’il en venoit quelque chose en droiture de vous à moy. Je vous suplie, Madame, d’ouvrir en ma faveur les Tresors de vostre Cabinet, &amp; de croire que je conserve encore assez de goust, pour faire d’un pareil present, si vous avez la bonté de m’en enrichir, tout le cas qu’il meritera. Pour exciter vôtre liberalité par la mienne, je vous envoye un Idille de ma façon, semblable en cela au Roy de Perse, qui selon le recit des Voyageurs, envoye ordinairement aux Gouverneurs de ses Provinces, quand ils se sont enrichis, quelque méchante veste des Indes, pour tirer de leur reconnoissance un present de deux ou trois mille Tomans. Au fond, dans un pareil échange, qui pourroit jamais vous fournir une juste compensation ? En tout cas, quelque party que vous preniez, j’auray toujours obtenu une partie de ce que je souhaite, puisque je vous auray fait ressouvenir que je suis, Madame, avec beaucoup d’admiration, &amp; de respect, Vostre tres, &amp;c.</hi></p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_165" resp="wordpro">
          <head>Les Grandes Eaux. Idille</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 165-177.</bibl>
          <quote>
            <label>LES GRANDES EAUX.<lb /><hi rend="i">IDILLE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i">La Sône, si tranquille autrefois dans sa course,</l>
              <l rend="i">Répand avec ses eaux l’épouvante &amp; l’horreur.</l>
              <l rend="i"> Les Peuples voisins de sa source</l>
              <l rend="i">Ont à son cœur paisible inspiré leur fureur.</l>
              <l rend="i">Son énorme étenduë excitant la terreur,</l>
              <l rend="i">Du Deluge à nos yeux réveille les idées,</l>
              <l rend="i"> Et vomit à flots écumans</l>
              <l rend="i"> Sur nos campagnes inondées</l>
              <l rend="i"> La colere des Allemans.</l>
              <l rend="i"> On voit ensevelir les herbes</l>
              <l rend="i">Sous un obscur limon de leur beauté jaloux,</l>
              <l rend="i"> Et l’humble Flore aux Nayades superbes</l>
              <l rend="i"> Demande retraite à genoux.</l>
              <l rend="i"> Zephir, le doux Zephir, toujours tendre &amp; fidelle</l>
              <l rend="i">Fait pour la secourir un effort impuissant ;</l>
              <l rend="i">Des cruels Aquilons le couroux fremissant</l>
              <l rend="i"> Luy livre une guerre mortelle,</l>
              <l rend="i">Il succombe, &amp; contraint d’abandonner sa Belle,</l>
              <l rend="i"> Il se retire en gemissant.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Ces arbres, autrefois l’ornement de la plaine,</l>
              <l rend="i"> Qui sur leur taille de Geant</l>
              <l rend="i"> Fondoient leur esperance vaine,</l>
              <l rend="i">A nos yeux étonnez sont reduits au neant.</l>
              <l rend="i"> Leur testes d’écume soüillées</l>
              <l rend="i">Aux Astres pluvieux presentent tristement,</l>
              <l rend="i"> Au lieu de bras, leurs branches dépouillées,</l>
              <l rend="i">Miserable jouet des ondes &amp; du vent</l>
              <l rend="i">Nos timides Bergers, dont l’ignorance obscure</l>
              <l rend="i"> Oppose un nuage à leurs yeux,</l>
              <l rend="i"> Prennent le cours de la nature</l>
              <l rend="i"> Pour une vangeance des Dieux,</l>
              <l rend="i">Et fatiguant les airs par d’inutiles vœux,</l>
              <l rend="i">S’imaginent qu’au Ciel ils ont fait quelque injure,</l>
              <l rend="i">Et qu’il leur fait l’honneur d’estre irrité contre eux.</l>
              <l rend="i">Leur ame par l’effroy servilement contrainte,</l>
              <l rend="i">Aux emplois de l’amour n’ose plus s’exercer.</l>
              <l rend="i"> A peine leur tremblante crainte</l>
              <l rend="i">Laisse échaper ce nom si doux à prononcer ;</l>
              <l rend="i">Ou s’ils risquent encor dans leur douleur profonde</l>
              <l rend="i"> D’invoquer ce Dieu reveré,</l>
              <l rend="i">C’est pour le conjurer de préserver le monde</l>
              <l rend="i"> Du Cahos dont il l’a tiré.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Pendant que tout ce qui respire</l>
              <l rend="i">Attend dans sa retraite un temps plus adoucy,</l>
              <l rend="i"> Achante seul, pressé de son martire,</l>
              <l rend="i">A nos rivages sourds va conter son soucy.</l>
              <l rend="i">Le retour desiré de l’aimable Climene</l>
              <l><hi rend="i">Par ce ravage affreux se trouve retardé,</hi></l>
              <l rend="i">Et le triste Berger pour soulager sa peine,</l>
              <l rend="i"> Par son seul desespoir guidé,</l>
              <l rend="i"> Sans crainte d’attirer sa haine,</l>
              <l rend="i">Chaque jour la reproche au Fleuve débordé.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l><hi rend="i">Va, dit-il, tu n’es plus cette paisible Sône</hi></l>
              <l rend="i"> De qui les bords delicieux,</l>
              <l rend="i"> Meritoient de porter le Trône</l>
              <l rend="i"> Du plus agreable des Dieux.</l>
              <l rend="i">Qu’est devenuë, helas, cette pudeur modeste</l>
              <l rend="i">Qui resserroit tes eaux dans ton étroit canal ?</l>
              <l rend="i"> D’où te vient le desir funeste</l>
              <l rend="i">D’affecter la grandeur qui te convient si mal ?</l>
              <l rend="i">Voy de combien de maux ton orgueil est coupable,</l>
              <l rend="i">Tu fais dans leur naissance avorter nos Moissons,</l>
              <l rend="i"> Tu couvres les herbes de sable,</l>
              <l rend="i">Au sommet des Ormeaux tu guindes les Poissons,</l>
              <l rend="i">Tu fais cesser nos jeux, &amp; nos tendres chansons,</l>
              <l><hi rend="i">Tu bannis nos Troupeaux de la fertile plaine,</hi></l>
              <l rend="i">Tu dégarnis tes bords de leur plus doux espoir,</l>
              <l rend="i">Ces jeunes arbrisseaux que ton couroux entraine,</l>
              <l rend="i">Et pour te dire enfin ton crime le plus noir,</l>
              <l rend="i">Tu t’opposes, cruelle, au retour de Climene.</l>
              <l rend="i"> On sçait assez le sujet de ta haine ;</l>
              <l rend="i">Il me souvient du temps où sur tes riches bords</l>
              <l> <hi rend="i">Cette Beauté dont mon ame est ravie,</hi></l>
              <l rend="i"> Etaloit ses brillans tresors</l>
              <l rend="i"> Qui te faisoient secher d’envie.</l>
              <l rend="i">On te voyoit alors au travers des roseaux</l>
              <l rend="i"> D’un œil jaloux, d’un air sauvage,</l>
              <l rend="i">Examiner en vain les traits de son visage,</l>
              <l rend="i"> Et courir de honte &amp; de rage</l>
              <l rend="i"> Te cacher dans le fond des eaux.</l>
              <l rend="i"> C’est l’offense qui t’a poussée</l>
              <l rend="i"> A ce terrible emportement,</l>
              <l rend="i"> Et le chagrin d’estre effacée</l>
              <l rend="i">Ne se pardonne point chez le Sexe charmant.</l>
              <l rend="i">Eh bien ; pour signaler cette illustre vangeance,</l>
              <l rend="i">Porte, porte en tous lieux le ravage &amp; l’horreur,</l>
              <l rend="i"> Cours, &amp; va dire à la Provence</l>
              <l rend="i">Que tu surpasses en fureur</l>
              <l rend="i"> Le Drac, la Drome &amp; la Durance,</l>
              <l rend="i"> Tandis qu’aux Echos d’alentour</l>
              <l rend="i">A cris perçans ma triste voix declare</l>
              <l rend="i">Que tu peux disputer l’honneur d’estre barbare</l>
              <l rend="i">Aux Fleuves sans pitié de l’infernal sejour.</l>
              <l rend="i">Ecoute-moy, Cesar, s’il peut rester aux Ombres</l>
              <l rend="i">Des choses de la terre un curieux soucy ;</l>
              <l rend="i">Ouy, si l’on doute encor dans les Royaumes sombres,</l>
              <l rend="i">D’un ancien embarras tu vas estre éclaircy.</l>
              <l rend="i">Tu doutois où le cours de la Sône l’entraine,</l>
              <l rend="i">Lors que tu remarquois si peu de mouvement</l>
              <l rend="i"> Aux claires eaux qu’elle promene.</l>
              <l rend="i">Helas ! tout est changé, Cesar, pour mon tourment</l>
              <l rend="i">Elle court s’opposer à mon contentement,</l>
              <l rend="i">Elle court empescher le retour de Climene.</l>
              <l rend="i"> Une vaine ostentation,</l>
              <l rend="i">Ne fait point qu’à grands pas elle quitte sa source,</l>
              <l rend="i">Pour montrer les tresors, amassez dans sa course,</l>
              <l rend="i">Au farouche mary qui l’attend à Lyon.</l>
              <l rend="i">Ce n’est point pour s’unir d’une immortelle chaîne</l>
              <l rend="i"> A son impetueux Amant,</l>
              <l rend="i"> Qu’elle court si rapidement ;</l>
              <l rend="i">Elle court éloigner un bien-heureux moment,</l>
              <l rend="i">Elle court prolonger l’absence de Climene.</l>
              <l rend="i"> Tout ce que nous a raconté</l>
              <l rend="i"> La fabuleuse Antiquité,</l>
              <l><hi rend="i">Des Dieux qui dans les Eaux exerçoient leur empire,</hi></l>
              <l rend="i"> N’est qu’une pure fiction,</l>
              <l rend="i"> Que controuva pour nous seduire</l>
              <l rend="i"> La vaine superstition.</l>
              <l rend="i">Qu’on ne me cite point le conte ridicule</l>
              <l rend="i"> D’Alphée à qui tant de détours,</l>
              <l rend="i">Livrerent à la fin l’objet de ses Amours,</l>
              <l rend="i">Non plus qu’Achelous écorné par Hercule.</l>
              <l rend="i"> Ah ! d’aucune divinité</l>
              <l rend="i"> Le fond des Eaux n’est habité,</l>
              <l rend="i"> Ou s’il en est parmi les ondes,</l>
              <l rend="i"> Jamais l’Amour, pour mon malheur,</l>
              <l rend="i"> Ne fit dans leurs groites profondes,</l>
              <l rend="i">De ses feux bien-faisants penetrer la chaleur ?</l>
              <l rend="i">De ces fantasques Dieux la poitrine glacée</l>
              <l rend="i">L’inexorable cœur (soit dit sans blasphemer.)</l>
              <l rend="i"> L’ame de couroux herissée,</l>
              <l rend="i"> Sont un sujet peu propre à s’enflâmer.</l>
              <l rend="i"> La Sône me le fait comprendre,</l>
              <l rend="i">Par l’outrageant excés de ses débordemens.</l>
              <l rend="i"> Helas ! quand on a le cœur tendre,</l>
              <l rend="i"> On est favorable aux Amans.</l>
              <l rend="i">Rentrez dans vostre lit, orgueilleuse Riviere,</l>
              <l rend="i">Aprés tant de soûpirs si vainement poussez,</l>
              <l rend="i">Climene reviendra sur vos bords délaissez</l>
              <l rend="i"> De ses beaux yeux répandre la lumiere.</l>
              <l rend="i">Que vous aurez d’Autels, Divinité trop fiere,</l>
              <l rend="i"> Que d’encens si vous nous rendez</l>
              <l rend="i"> Cette presence si cherie !</l>
              <l rend="i">Le bizarre plaisir de noyer la Prairie</l>
              <l rend="i"> Vaut-il les biens que vous perdez ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ainsi le mal-heureux Achante</l>
              <l rend="i">Mêle aux plaintes qu’il fait mille tendres soupirs.</l>
              <l rend="i">Des larmes qu’il répand l’amas des eaux s’augmente,</l>
              <l rend="i">Luy-mesme innocemment retarde ses plaisirs.</l>
              <l rend="i">L’Amour l’entend, le plaint, &amp; partage la nuë</l>
              <l rend="i"> D’un trait de ses feux éclatans,</l>
              <l rend="i">Et la face des Cieux se montrant toute nuë,</l>
              <l rend="i"> Luy fait esperer du beau temps.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_177" resp="mercure">
          <head>[Mission]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1690, p. 177-180.</bibl>
          <p/>
          <p>Comme l'ouverture du Jubilé ne s'est faite dans le Diocese de Roüen que sur la fin du mois d'Octobre dernier, Madame d'Ableiges, qui fait toujours de grandes charitez, &amp; qui ne se plaist qu'aux exercices de pieté, a voulu répandre sur les Paroisses dont elle est Dame, des benedictions particulieres par une Mission qu'elle y a fait faire à ses dépens [...] Cette Mission commença le 23. d'Octobre, &amp; finit le 7. de ce mois. Six Ecclesiastiques des Missions Etrangeres y ont fait pendant ce temps tous les exercices d'une Mission reglée. L'un d'eux faisoit la Priere dés cinq heures du matin, avec une instruction qui duroit une heure ; ensuite on disoit la Messe, &amp; un autre faisoit le Catechisme pour les Enfans jusqu'à neuf heures. A dix heures on chantoit la grand'Messe.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_186" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 186-213.</bibl>
          <p>Il n’y a point de moyen plus seur pour réüssir en amour, que de sçavoir bien aimer. La veritable tendresse tient lieu du plus grand merite, &amp; pourveu qu’on puisse venir à bout de persuader que les asseurances qu’on en donne sont sinceres, le cœur le plus fier se laisse gagner. On peut dire mesme qu’il se rend avec d’autant moins de peine, que ce genre de merite est devenu rare, &amp; que la pluspart des hommes font gloire aujourd’huy d’estre trompeurs. Un Cavalier qui faisoit sa principale vertu de la bonne foy, &amp; qui ayant passé jusques à trente ans à étudier les defauts des autres pour s’empescher d’y tomber, estoit sorty de cet âge où le feu de la jeunesse semble autoriser beaucoup de folies, eut quelque pensée de se marier, &amp; s’attacha pour cela auprés d’une Veuve qui par sa conduite, toujours reguliere, s’estoit acquis une estime generale. Il fut écouté favorablement, &amp; les soins qu’il luy rendit luy faisant connoistre que son cœur estoit touché, eurent le succez qu’il en avoit attendu. La Dame se monstra sensible à sa passion, &amp; une Amie qu’elle consultoit en toutes choses, ayant approuvé son choix, il ne fut plus question que de dresser le Contrat de mariage. Les Articles ne furent pas difficiles à regler. Le Cavalier l’en laissa maistresse, &amp; ne voulant du bien que pour elle, il ne chercha que ce qui pouvoit luy faire plaisir. Des manieres si genereuses &amp; si desinteressées redoublant l’estime qu’elle avoit pour luy, augmenterent en mesme temps son amour, &amp; il eut peut-estre esté malaisé devoir une liaison plus tendre que celle que la sympathie de leurs humeurs forma entre-eux en fort peu de temps. C’estoit en l’un &amp; en l’autre beaucoup de douceur &amp; d’honnesteté, &amp; sans qu’il y eust ny d’empire pris, ny de complaisance trop soumise, ils se rencontroient toujours dans les mesmes sentimens, &amp; ne souhaitoient qu’une mesme chose. Ainsi l’Amie de la Dame l’estant aussi devenuë du Cavalier, n’avoit point à craindre d’estre employée à prononcer sur ces petits differends qui ont coûtume de naistre entre les personnes qui s’aiment le plus. Ils n’avoient jamais à luy parler que du plaisir qu’ils prenoient à se donner des marques d’une vraye tendresse, &amp; le Cavalier sur tout s’en expliquoit avec elle d’une maniere si vive, que charmée des sentimens qu’il luy découvroit, &amp; toujours plus penetrée de ses bonnes qualitez, elle ne cessoit d’applaudir la Veuve sur son heureuse fortune. Le jour estoit pris pour le mariage, &amp; le Cavalier qui le voyoit proche, monstroit une joye qu’on ne sçauroit exprimer, quand la Dame tomba tout à coup dans un mal pressant qui fut jugé devoir estre long, s’il n’estoit pas dangereux. Ce fut pour luy un accablement qui alla jusqu’à l’excez. Il fit venir Medecins sur Medecins, comme si le nombre eust deu avancer sa guerison, mais tout leur Art fut une resource qu’il employa inutilement. La malignité de la maladie l’emporta sur les remedes, &amp; il fallut changer l’appareil des noces en celuy des funerailles Rien n’est comparable à la douleur que fit voir le Cavalier. Il ne la soulagea point par de vains regrets, ny par cette abondance de larmes que les yeux fournissent dans les afflictions mediocres ; il en fut entierement occupé, &amp; parut pendant quelques jours comme privé de tout sentiment. On avoit beau luy parler, il sembloit ne rien entendre de tout ce qu’on luy disoit, &amp; ses yeux distraits marquoient je ne sçay quoy de funeste qui faisoit peine à tous ceux qui jugeoient de la grandeur de son déplaisir par la connoissance qu’ils avoient de l’excez de son amour. Enfin quand à force de le plaindre ses Amis l’eurent engagé à s’expliquer avec eux du triste estat où il se trouvoit reduit, ses pleurs commencerent à couler, &amp; il leur dit ensuite les choses du monde les plus touchantes sur la perte qu’il venoit de faire. On n’adoucit sa douleur qu’en l’approuvant dans toute sa violence, &amp; comme il vouloit qu’elle fust connuë de tout le monde, quoy qu’il fust contre l’usage d’en donner publiquement des marques exterieures, il prit le deüil, &amp; le fit prendre à ses gens, comme si le mariage avoit esté accomply, &amp; qu’il eust veritablement perdu sa Femme, &amp; non pas une Maistresse. Vous jugez bien qu’il renonça à tous les plaisirs, &amp; qu’il n’y eut rien pour luy de plus agreable que la solitude. Il ne la rompoit que pour certaines personnes avec qui il pouvoit s’entretenir sans contrainte, de ce qui estoit gravé si profondement dans son souvenir. Il voyoit sur tout l’Amie de la Veuve, &amp; alloit souvent pleurer avec elle ce que ses larmes ne pouvoient luy rendre. Elle admiroit tous les jours de plus en plus la constance d’un amour qui sembloit braver la mort, &amp; dont le temps n’avoit encore pû amoindrir la force, Il y avoit déja plus d’un an qu’il passoit sa vie dans les soupirs, toujours temply de sa chere veuve, &amp; en parlant à tous ceux qui avoient encore quelque commerce avec luy. Enfin se trouvant un jour avec une Dame en qui il avoit de la confiance, &amp; qu’il ne pouvoit se dispenser de voir quelquefois, aprés qu’elle eut écouté à l’ordinaire ce qu’il avoit à luy conter de lugubre, elle tâcha de luy inspirer d’autres sentimens que ceux qui l’entretenoient dans les reflexions chagrinantes qu’il faisoit sans cesse. C’estoit une de ces Femmes qui sont nées pour obliger, &amp; qui n’aimant que la joye, ne peuvent souffrir que leurs Amis souffrent. Elle luy dit agreablement que l’Amie de sa défunte Maistresse, à qui il rendoit de si frequentes visites, avoit une Fille toute aimable, &amp; bien plus capable que sa Mere, d’adoucir ses déplaisirs ; qu’elle avoit du bien, de l’esprit, de la sagesse, &amp; que s’il vouloit la croire, au lieu de soupirer pour une Ombre qui ne pouvoit luy en sçavoir aucun gré ; il soupireroit pour une jolie Personne qui pouvoit luy rendre soupirs pour soupirs ; que la premiere année de son deüil estoit expirée, &amp; que les pleurs ne nous pouvant redonner ce qui estoit perdu sans ressource, il falloit laisser les Morts en paix, &amp; chercher à vivre avec les Vivans. Le Cavalier rejetta d’abord cette proposition comme un crime de leze memoire dont il estoit incapable, &amp; pretendit qu’il estoit de son honneur de preferer le souvenir de la Veuve, quelque inutile qu’il fust, à tout ce que pouvoit avoir de douceurs le mariage le mieux assorty ; mais la Dame, qui joignoit à l’enjouëment toute l’adresse qui est necessaire pour réussir dans une entreprise, le tourna si bien de tous costez, qu’elle luy fit avoüer que la Demoiselle dont elle parloit avoit un merite singulier, &amp; qu’il croyoit qu’un Mary seroit heureux avec elle. Elle l’engagea insensiblement à raisonner sur tous les obstacles qui se pouvoient rencontrer dans cette affaire, &amp; celuy qui l’embarassoit le plus, s’il avoit à y songer, c’estoit le personnage d’Amant où il faudroit se resoudre pour s’acquerir le cœur de la Belle, &amp; qu’il luy seroit honteux de faire aprés avoir paru si longtemps inconsolable La Dame n’eut pas de peine à luy applanir la difficulté. Elle luy dit qu’il seroit juste qu’on le dispensast des formalitez accoûtumées ; qu’il suffisoit qu’il sceust bien aimer pour estre asseuré de plaire, &amp; qu’un homme qui avoit pleuré une Maistresse pendant plus d’un an, devoit estre cru plein d’amour sur sa parole, en quelque lieu qu’il se declarast, sans qu’on fust en droit d’en exiger de plus grandes preuves ; qu’elle se chargeoit de tout, &amp; qu’elle estoit seure qu’on ne demanderoit point de plus forte caution des assurances qu’elle donneroit pour luy, que sa constance qui estoit connuë Le Cavalier ne donna point son consentement à ce que la Dame se montroit preste à faire pour luy, mais aussi il ne luy dit rien pour l’en empescher. Ainsi la Dame alla trouver dés le lendemain la Mere de la jeune Demoiselle, &amp; luy découvrit la pensée qu’elle avoit euë. Elle la trouva dans des dispositions si favorables pour le Cavalier, par toute la connoissance qu’elle avoit de son merite, qu’il ne fut plus question que de sçavoir si sa Fille n’auroit point d’aversion pour ce mariage. Elle n’en marqua aucune, &amp; comme elle avoit l’esprit solide, tout avoit contribué à la détromper de ces jolis hommes, qui fiers du brillant de la jeunesse, en regardent les defauts comme des vertus utiles à pratiquer. Sa beauté &amp; les agrémens de sa personne luy avoient attiré depuis deux ans cinq ou six Amans de cette espece, qui tous, plus fous les uns que les autres, avoient déserté, aprés avoir fait paroistre des transports d’amour au delà de tout ce qu’on peut s’imaginer. Leur conduite évaporée, &amp; le peu de fermeté qu’ils avoient eu à soûtenir leurs premieres protestations, luy avoit fait voir avec admiration la fidelité du Cavalier, que la mort mesme, malgré l’aversion que l’on a pour tout ce qui peut en offrir l’image, avoit esté incapable d’ébranler Des sentimens si peu ordinaires l’avoient portée à l’estime, &amp; de la maniere qu’elle en estoit prévenuë, son cœur n’avoit pas beaucoup de chemin à faire pour aller jusqu’à l’amour. Tout se trouvant ainsi disposé, la Dame qui avoit commencé à nouer l’intrigue, la conduisit avec tant d’adresse, que le Cavalier fut obligé de souscrire à tout. Il estoit en commerce d’amitié avec la Mere, il ne s’agissoit que d’aimer la Fille d’une maniere plus tendre, &amp; il ne pouvoit disconvenir qu’elle n’en fust digne. La seule crainte qui le retenoit, c’estoit de montrer trop de foiblesse, &amp; la Dame l’affranchit de cette espece de honte en luy épargnant la peine de se declarer. Elle dit pour luy tout ce qu’il auroit dû dire ; la Mere agréa, &amp; la Fille consentit, en sorte que comme il estoit déja accoustumé à les voir souvent, il ne fut point engagé à rendre de plus grands soins, mais seulement à donner à l’entretien une plus douce matiere. On luy permit toutefois de n’en pas changer toujours, &amp; quand il laissoit échaper le nom de sa chere Veuve, on applaudissoit au plaisir sensible qu’il témoignoit prendre à s’en souvenir. Enfin la Belle ayant adoucy les tristes idées qu’il en conservoit, il luy fit paroistre tout ce que l’amour le plus délicat a de touchant, &amp; comme elle estoit fort convaincuë qu’il sçavoit mieux aimer que tout autre, elle y répondit d’une maniere dont il eut tout lieu d’estre content. Cette passion prenant tous les jours de nouvelles forces dans l’un &amp; dans l’autre, la Mere jugea à propos de ne pas attendre plus longtemps à faire le mariage, mais ce n’estoit pas assez que cette affaire luy pleust, il falloit encore que son mary l’approuvast, &amp; toute l’adresse qu’elle sceut mettre en usage, n’en pût obtenir le consentement dont elle s’estoit flatée. Ce n’est pas qu’il n’estimast fort le Cavalier ; il en connoissoit tout le merite, mais soit que n’ayant regardé jusques alors ses visites assiduës que comme celles d’un homme qui venoit se consoler chez des personnes Amies, il fust fasché qu’on eust poussé les choses si loin sans l’en avoir consulté, soit qu’il eust des veuës plus avantageuses pour sa Fille qui estoit unique, il s’obstina, malgré les conseils de tous ses Amis, à ne vouloir point entendre parler de ce mariage. Il fallut mesme pour le contenter, que le Cavalier s’abstinst de venir chez luy. Cette contrainte luy auroit esté insupportable si la Belle qui partageoit sensiblement ses chagrins, ne luy eust promis une constance à l’épreuve de toutes sortes d’attaques. Elle tâcha pendant quelque-temps par ses complaisances d’adoucir l’esprit aigry de son Pere, &amp; voyant qu’il s’obstinoit à luy proposer toujours quelque autre party, elle crut ne pouvoir rien faire de mieux, pour se tirer de l’embarras du refus, que de s’enfermer dans un Convent. Il fut fort surpris d’apprendre qu’elle s’y estoit retirée, &amp; alla luy demander aussi-tost ce qui avoit pû l’obliger d’en user ainsi. La Belle luy répondit que puis qu’elle estoit assez malheureuse pour ne pouvoir plus conserver sans luy déplaire l’engagement que le merite &amp; la maniere d’aimer du Cavalier luy avoient fait prendre, elle se vouloit détacher du monde ; qu’il estoit vray qu’elle ne se sentoit point encore une vocation assez forte pour songer si tost à changer d’habit, mais que si les exemples de ferveur &amp; de pieté qu’elle auroit devant les yeux à toute heure, ne luy en pouvoient inspirer l’envie, elle estoit du moins fort resoluë de passer ses jours dans cette retraite, où elle vivroit tranquillement, &amp; sans aucun trouble de cœur ny d’esprit. Elle dit cela d’un ton si ferme, que comme elle tint le mesme langage pendant plus d’un mois, le Pere craignit qu’elle ne se fist Religieuse. L’extrême tendresse qu’il avoit pour elle ne pouvoit s’accommoder de cet estat, quelque parfait qu’il pust estre, &amp; n’ayant aucun sujet raisonnable de ne pas vouloir le Cavalier pour son Gendre, il aima mieux renonçer à l’empire paternel qu’à la satisfaction de pouvoir enfin marier sa Fille. Vous jugez bien qu’aprés qu’il luy eut promis le consentement qu’il luy avoit toujours refusé, il n’eut pas de peine à la tirer du Convent. Le mariage se fit peu de jours aprés, &amp; on peut dire qu’il n’y en a point de plus heureux, puisque rien n’approche de l’union qui s’y trouve.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_252" resp="mercure">
          <head>[Opera nouveau]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1690, p. 252-255.</bibl>
          <p/>
          <p>Toute l'Europe liguée contre le Roy depuis deux ans, n'empesche point que tout ne marche en France d'un pas égal. Les seuls Etats de nos Ennemis se ressentent de la guerre, &amp; la magnificence qui est ordinaire aux Opera, semble avoir augmenté cette année, dans celuy d'Enée &amp; Lavinie, qui vient de paroistre. En effet on ne peut rien voir de plus somptueux que les habits &amp; les decorations, le tout du dessein de Mr Berrin. La Musique est de Mr Colasse, dont je vous ay parlé plusieurs fois. Il a déja fait trois Opera depuis la mort de Mr de Lully, &amp; la beauté de la Musique de ce dernier se fait tellement sentir, que l'on se récrie à haute voix dés le Prologue, ce qui n'arrive ordinairement qu'aux endroits de passion qui entrainent l'Auditeur. Les paroles sont de Mr de Fontenelle, &amp; le titre de cet Opera vous fait connoistre qu'il a tiré son sujet de ce que Virgile rapporte du differend d'Enée &amp; de Turnus, qui aspiroient l'un &amp; l'autre à épouser Lavinie. On ne peut douter qu'un Ouvrage de sa façon ne soit plein d'esprit, aprés l'applaudissement general qu'ont receu tous les Livres qu'il a donnez au Public. Il est cependant bien malaisé de contenter tous les gousts dans les choses de cette nature, qui estant composées de differentes parties, ne plaisent qu'autant que chaque goust particulier est satisfait.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_255" resp="mercure">
          <head>[Prologue]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre 1690, p. 255-258.</bibl>
          <p/>
          <p>Cet Article de l'Opera m'engage à vous envoyer des paroles que Mr Tonti a faites pour un Concert, &amp; qui ont esté extremement applaudies. Vous sçavez qu'il a beaucoup de talent pour ces sortes d'Ouvrages. La maniere vous en plaira, puis qu'elle regarde le Roy. C'est une maniere de Prologue, où il fait parler Mars, la France &amp; la Renommée.</p>
          <p/>
          <p>MARS.</p>
          <p>Lors que dans mon couroux je commande à la Parque</p>
          <p>De ravager tout l'Univers,</p>
          <p>A l'abry des Lauriers d'un Auguste Monarque,</p>
          <p>Les Bergers de ces lieux font mille doux concerts.</p>
          <p/>
          <p>LA FRANCE.</p>
          <p>La gloire de Loüis remplit toute la Terre,</p>
          <p>Le cours de son bonheur ne finira jamais,</p>
          <p>Il fait goûter icy les douceurs de la Paix,</p>
          <p>Lors que tout se ressent des fureurs de la guerre.</p>
          <p/>
          <p>LA RENOMMÉE.</p>
          <p>D'un grand Prince trahy, privé de ses Etats,</p>
          <p>Il va rétablir la Couronne ;</p>
          <p>Il remplit le devoir de tous les Potentats</p>
          <p>Par les puissans secours que sans cesse il luy donne.</p>
          <p/>
          <p>MARS.</p>
          <p>Déja de ce Heros les fameux Combattans</p>
          <p>Sur ses fiers Ennemis remportent la victoire,</p>
          <p>Et la Sambre &amp; le Pô font retentir la gloire</p>
          <p>De ses faits éclatans.</p>
          <p/>
          <p>LA RENOMMÉE.</p>
          <p>On voit à sa valeur obeir la fortune,</p>
          <p>Contre ses grands projets les vents s'arment en vain :</p>
          <p>Il soumet à ses loix l'Empire de Neptune,</p>
          <p>Il en est aujourd'huy l'unique Souverain.</p>
          <p/>
          <p>LA FRANCE.</p>
          <p>Mon illustre Dauphin par ses vastes conquestes</p>
          <p>Va remplir les voeux des François.</p>
          <p>Bergers, preparez-luy mille nouvelles Festes,</p>
          <p>Meslez des sons guerriers au doux chant de vos voix.</p>
          <p/>
          <p>MARS, LA FRANCE ET LA RENOMMÉE.</p>
          <p>Bergers, preparez-luy mille nouvelles Festes,</p>
          <p>Meslez des sons guerriers au doux chant de vos voix.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_259" resp="wordpro">
          <head>[Vers sur la Tontine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 259-261.</bibl>
          <p>Voicy d’autres Vers du mesme M<hi rend="sup">r</hi> Tonti, dont un de ses Ancestres a esté le premier, qui ait proposé l’établissement de la Tontine.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA TONTINE.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Toy, qui de mes Ayeux tires ton origine,</l>
              <l rend="i">Aux desseins d’un grand Roy tu vas servir, Tontine.</l>
              <l rend="i">Va, seconde aujourd’huy la juste intention</l>
              <l rend="i">Des fidelles Auteurs de ton invention.</l>
              <l rend="i"> La Jeunesse bouïllante,</l>
              <l rend="i"> Et la Vieillesse lente</l>
              <l rend="i">Desirent de te voir dans ta perfection.</l>
              <l rend="i">Les biens que tu promets à tout Sexe, à tout âge,</l>
              <l rend="i"> Vont remplir tous les vœux,</l>
              <l rend="i">Le Riche, l’Indigent, l’Ignorant &amp; le Sage,</l>
              <l rend="i">Pourront également esperer l’avantage</l>
              <l rend="i"> De jouir d’un destin heureux.</l>
              <l rend="i">Loüis fera par toy renaistre dans la France</l>
              <l rend="i">  Les siecles fortunez,</l>
              <l rend="i"> Où l’on goûtoit dans l’innocence,</l>
              <l rend="i"> Et les plaisirs &amp; l’abondance,</l>
              <l rend="i">Qu’à nos premiers Parens le Ciel avoit donnez.</l>
              <l rend="i"> L’esperance sera commune</l>
              <l rend="i"> Dans tous les biens de la fortune ;</l>
              <l rend="i"> Et par un miracle certain,</l>
              <l rend="i">On ne sentira plus la misere importune,</l>
              <l rend="i"> Qui maltraite le genre humain.</l>
              <l rend="i">Toy qui de mes Ayeux tires ton origine,</l>
              <l rend="i">A tous ces grands desseins tu vas servir, Tontine.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-11_300" resp="wordpro">
          <head>[Prix proposez par l’Academie Françoise]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, novembre, 1690, p. 300-303.</bibl>
          <p>L’Academie Françoise a fait publier que le 25. d’Aoust de l’année prochaine, jour de S. Loüis, elle donnera le prix d’Eloquence fondé par feu M<hi rend="sup">r</hi> de Balzac, à celuy qui aura fait le meilleur Discours sur <hi rend="i">le zele de la Religion</hi>, suivant ces paroles, <hi rend="i">Zelus domus tuæ comedit me</hi>. Ce Discours ne doit estre tout au plus que d’une demy-heure de lecture. Elle donnera le mesme jour le prix de Poësie à celuy qui aura le mieux réussi à faire voir, <hi rend="i">Que le Roy seul en toute l’Europe défend &amp; protege le droit des Rois</hi>, à quoy on pourra joindre tel autre sujet de loüange pour Sa Majesté qu’on voudra choisir. Les Ouvrages de Poësie ne doivent point exceder cent vers, &amp; doivent finir par une courte priere à Dieu pour le Roy. On peut traiter ce sujet ou en vers croisez, comme ceux des Odes &amp; des Stances, ou en Vers Alexandrins. Ceux qui pretendront aux prix, envoyeront leurs pieces à M<hi rend="sup">r</hi> l’Abbé Regnier Desmarests, Secretaire perpetuel de l’Academie, ou au sieur Coignard Libraire de la mesme Academie, ruë Saint Jacques, à la Bible d’or, avant le premier jour de May, parce qu’on ne les recevra qu’inclusivement jusqu’au dernier jour d’Avril.</p>
        </div>
      </div>
      <div type="tome" xml:id="MG-1690-12">
        <head><hi rend="i">Mercure Galant</hi>, décembre, 1690.</head>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_007" resp="wordpro">
          <head>[Vers pour le Roy]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 7-15.</bibl>
          <p>Le Regne du Roy est si remply de merveilles, qu’il ne faut pas s’étonner si les Dames qui ont naturellement l’esprit delicat, cherchent avec soin à se rendre habiles pour chanter plus dignement les loüanges d’un si grand Monarque. Leurs Ouvrages réussissent tous les jours sur cette matiere, &amp; la satisfaction que vous me marquez avoir receuë de ceux que je vous envoyay le mois passé de Madame de Chevry, &amp; de Madame de Pringy, m’oblige à rendre justice ce mois cy à Madame de Garsanlans, en commençant cette Lettre par des Vers de sa façon. Je suis assuré que vous les lirez avec plaisir.</p>
          <quote>
            <label>AU ROY.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Grand Roy, pour qui le Ciel ne fait que des miracles,</l>
              <l rend="i"> Qui fus promis par tant d’Oracles,</l>
              <l rend="i">Le Seigneur t’a comblé de benedictions.</l>
              <l rend="i">Sa droite qui toujours te couronne de gloire</l>
              <l rend="i"> Forme ton ame aux grandes actions,</l>
              <l rend="i"> Il te conduit de victoire en victoire.</l>
              <l rend="i"> Il a soumis un grand Peuple à tes loix,</l>
              <l rend="i">Il emprunte ton bras pour proteger les Rois,</l>
              <l rend="i">De sa puissante main pour toy si liberale,</l>
              <l rend="i">Il veut pour ton bonheur, &amp; la gloire des Lis,</l>
              <l rend="i">Benir incessamment ta Famille Royale.</l>
              <l rend="i">Il te donne un Heros en te donnant un Fils,</l>
              <l rend="i">Un Fils dont les essais, comme autant de prodiges,</l>
              <l rend="i">Font voir qu’il suit en tout tes glorieux vestiges,</l>
              <l rend="i">Qu’il sçait dans les perils s’exposer sans terreur,</l>
              <l rend="i">Et dans les grands exploits imiter ta valeur.</l>
              <l rend="i">Sur luy comme sur toy l’Auteur de la Nature</l>
              <l rend="i"> Répand ses graces sans mesure,</l>
              <l rend="i"> Et toujours propice à nos vœux,</l>
              <l rend="i">Fait qu’en ton Petit-fils, tu n’es pas moins heureux.</l>
              <l rend="i">Déja son jeune cœur qui ne tend qu’à la gloire,</l>
              <l rend="i">Sent qu’il a pris naissance au sein de la Victoire,</l>
              <l rend="i">Et brûlant du desir d’imiter ses Ayeux,</l>
              <l rend="i">Il se porte aux vertus qu’on admiroit en eux.</l>
              <l rend="i">Dans ses nobles ardeurs, à la gloire animées,</l>
              <l rend="i">S’il pouvoit prévenir le cours de ses années,</l>
              <l rend="i">Et joindre à son grand cœur la force de son bras,</l>
              <l rend="i">Tu le verrois bientost au milieu des combats,</l>
              <l rend="i">Egaler des Cesars l’invincible vaillance,</l>
              <l rend="i">Etendre chaque jour ta gloire &amp; ta puissance,</l>
              <l rend="i">Et toujours triomphant, aprés avoir soumis</l>
              <l rend="i">Jusqu’au delà des Mers, tes plus fiers Ennemis,</l>
              <l rend="i">Et porté ton grand nom jusqu’à l’autre Hemisphere,</l>
              <l rend="i"> Venir sur les pas de son Pere,</l>
              <l rend="i">Apporter à tes pieds ses glorieux lauriers,</l>
              <l rend="i"> Borner dans ses travaux guerriers</l>
              <l rend="i">Ses plus ardens desirs à celuy de te plaire,</l>
              <l rend="i">Et content comme luy de vivre sous ta loy,</l>
              <l rend="i">Te donner le plaisir de te voir le Grand-pere</l>
              <l rend="i"> D’un Petit-fils digne de toy.</l>
              <l rend="i">De si grands sentimens dans un âge si tendre,</l>
              <l rend="i">Montrent dés à present ce qu’on en peut attendre,</l>
              <l rend="i">Mais de son foible bras la naissante vigueur</l>
              <l rend="i"> Suspend les desirs de son cœur.</l>
              <l rend="i">Cependant, ô grand Roy, pour former sa jeunesse,</l>
              <l rend="i">Ces Maistres par tes soins choisis si prudemment,</l>
              <l rend="i">Sont l’admirable effet de ton discernement.</l>
              <l rend="i">Il faut d’un Gouverneur que la haute sagesse.</l>
              <l rend="i">Et que d’un Precepteur le Zele &amp; le sçavoir,</l>
              <l rend="i">Aux vertus des Heros qu’un Prince doit avoir,</l>
              <l rend="i"> Joignent les vertus exemplaires.</l>
              <l><hi rend="i">Tu reconnois en eux ces rares qualitez,</hi></l>
              <l rend="i"> Quand tu les mets à ses côtez</l>
              <l rend="i"> Comme deux Anges tutelaires,</l>
              <l rend="i"> Dont les soins &amp; l’activité,</l>
              <l rend="i">Jour &amp; nuit vers le Ciel portent sa pieté.</l>
              <l rend="i">Pour rendre un Petit-fils digne de son Grand-pere,</l>
              <l rend="i">Et conduire ses pas au chemin glorieux</l>
              <l rend="i">Où l’on a vû marcher ses Augustes Ayeux,</l>
              <l rend="i"> Grand Roy, que pouvois-tu mieux faire ?</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Toy qui donnes aux Rois le pouvoir souverain,</l>
              <l rend="i">Et qui fais de Loüis le bonheur &amp; la gloire,</l>
              <l rend="i">Puis qu’il t’a plû, Seigneur, en luy prêtant ta main,</l>
              <l rend="i">Luy donner en dix jours une double victoire,</l>
              <l rend="i">Combats encor pour luy ; détruis ces noirs desseins</l>
              <l rend="i"> Qui luy font declarer la guerre,</l>
              <l rend="i">Et de ses Ennemis sur l’onde &amp; sur la terre,</l>
              <l rend="i"> Rens les efforts inutiles &amp; vains.</l>
              <l><hi rend="i">Tu sçais comme en toy seul il met son esperance ;</hi></l>
              <l rend="i">Tourne toujours vers luy ton regard paternel,</l>
              <l rend="i"> Exauce les vœux de la France,</l>
              <l rend="i">En le faisant joüir d’un bonheur éternel.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_015" resp="wordpro">
          <head>[Ode]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 15-32.</bibl>
          <p>La Bataille de Fleurus n’est pas un évenement nouveau, mais l’Ode que vous allez lire sur cette Bataille sera nouvelle pour vous, puis que l’Auteur n’en a laissé courir aucune copie. Elle est de M<hi rend="sup">r</hi> Roubin, de l’Academie Royale d’Arles, qui fut député de la Ville il y a quelques années, pour presenter au Roy l’estampe de l’Obelisque qu’on avoit trouvé sous des ruines, &amp; qu’elle a fait élever dans une de ses Places publiques, en y faisant mettre un Soleil dans la pointe, &amp; quatre Inscriptions en bas. Je croy vous avoir mandé en ce temps là que M<hi rend="sup">r</hi> Roubin qui presenta cette Estampe, fut ennobly par Sa Majesté en consideration de la Ville d’Arles, &amp; de son merite particulier.</p>
          <quote>
            <label>SUR LA BATAILLE<lb />de Fleurus,<lb /><hi rend="i">ODE.</hi></label>
            <lg>
              <l rend="i"> Infatigable Messagere,</l>
              <l rend="i">Qui sans perdre un moment de temps,</l>
              <l rend="i">La Trompette à la main, vas d’une aile legere</l>
              <l rend="i"> Publier les faits éclatans</l>
              <l rend="i">Hâte-toy de partir, fidelle Renommée,</l>
              <l rend="i">Toy qui de longue main dois estre accoûtumée</l>
              <l rend="i">A conter des François les Exploits inoüis,</l>
              <l rend="i">Va du grand Luxembourg celebrer la Victoire,</l>
              <l rend="i">Et montrant nostre France au comble de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Fais partout retentir le grand nom de LOVIS.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ce fut dans cette vaste plaine</l>
              <l rend="i"> Qui porte le nom de Fleurus,</l>
              <l rend="i">Que parut à nos yeux la déplorable scene</l>
              <l rend="i"> Qui rend nos Ennemis confus.</l>
              <l rend="i">Ce fut-là que Valdek appuyant la querelle</l>
              <l rend="i">D’un Prince Usurpateur, scelerat, infidelle,</l>
              <l rend="i">Receut le coup sanglant de ce mortel affront.</l>
              <l rend="i">C’est-là que Luxembourg, le vengeur de leurs crimes,</l>
              <l rend="i">Immolant à son bras mille &amp; mille Victimes,</l>
              <l rend="i">D’un Laurier immortel s’est couronné le front.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Tels que dans un Amphiteatre</l>
              <l rend="i"> On voit deux Lions furieux,</l>
              <l rend="i">S’observer tour à tour avant que de se battre</l>
              <l rend="i"> Ne se menaçant que des yeux ;</l>
              <l rend="i">Tels on vit les deux Chefs de deux grosses Armées,</l>
              <l rend="i">D’une pareille ardeur fierement animées,</l>
              <l rend="i">Suspendre en se voyant l’effet de leur couroux,</l>
              <l rend="i">Mais ne pouvant long-temps demeurer en balance,</l>
              <l rend="i">On donne le signal, l’un &amp; l’autre s’avance,</l>
              <l rend="i">Et sur son Ennemy fait tomber mille coups.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> D’abord par le plomb homicide</l>
              <l rend="i"> Les Bataves sont terrassez,</l>
              <l rend="i">Et malgré cette gresle invisible &amp; rapide,</l>
              <l rend="i"> Leurs rangs sont bien-tost remplacez,</l>
              <l rend="i">On voit ces vieux Soldats, ces Troupes aguerries,</l>
              <l rend="i">Et par tant de combats au carnage nourries,</l>
              <l rend="i">Soûtenir tout le feu de cette occasion,</l>
              <l rend="i">Et des premiers Romains imitant la pratique,</l>
              <l rend="i">Se faire un point d’honneur de mourir à l’antique,</l>
              <l rend="i">Et perir avec ordre, &amp; sans confusion.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Cependant, quand l’airain qui tonne</l>
              <l rend="i"> Vomit ses globes emflammez</l>
              <l rend="i">Cet éclair impreveu tout d’un coup les étonne,</l>
              <l rend="i"> Et surprend leurs yeux allarmez,</l>
              <l rend="i">L’atteinte de leurs coups est terrible &amp; sanglante,</l>
              <l rend="i">Et des fiers Ennemis la valeur impuissante</l>
              <l rend="i">Dans un mal si pressant ne les peut secourir ;</l>
              <l rend="i">Le feu de nos Canons leur fait bien du ravage,</l>
              <l rend="i">Et le Soldat qui peut éviter cet orage,</l>
              <l rend="i">Du moins n’est pas exempt de la peur de mourir.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Le Dieu Mars au Siecle où nous sommes</l>
              <l rend="i"> N’a point d’instrument plus mortel,</l>
              <l rend="i">Et l’art pernicieux de destruire les hommes,</l>
              <l rend="i"> N’inventa jamais rien de tel.</l>
              <l rend="i">Si-tost qu’un bout de mesche appuyé sur la poudre,</l>
              <l rend="i">Fait éclater ce feu qui ressemble à la foudre,</l>
              <l rend="i">Et qu’on peut appeller la terreur des combats,</l>
              <l rend="i">Les plus affreux carreaux que lance le tonnerre,</l>
              <l rend="i">Quand le Ciel indigné nous declare la guerre,</l>
              <l rend="i">Causent moins d’épouvante, &amp; font moins de fracas.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est par ces horribles tempestes,</l>
              <l rend="i"> Et par leurs assauts redoublez,</l>
              <l rend="i">Que ces gros Bataillons, ces corps à tant de testes,</l>
              <l rend="i"> Se virent enfin accablez.</l>
              <l rend="i">Toutesfois leur malheur augmentant leur courage,</l>
              <l rend="i">Ils auroient du combat disputé l’avantage,</l>
              <l rend="i">Et d’un si rude choc soutenu tout l’effort ;</l>
              <l rend="i">Mais du Maine, suivi de ses Troupes guerrieres,</l>
              <l rend="i">Enfonçant de leurs rangs les vivantes barrieres,</l>
              <l rend="i">Y porta la terreur, le desordre &amp; la mort.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Que deviendra ce jeune Alcide</l>
              <l rend="i"> Au milieu de tant d’Ennemis ?</l>
              <l rend="i">Il court avec ardeur où la gloire le guide,</l>
              <l rend="i"> Et son cœur se croit tout permis.</l>
              <l rend="i">A force d’essuyer ou la flâme, ou l’épée,</l>
              <l rend="i">Sa valeur à la fin alloit estre trompée,</l>
              <l rend="i">Et de tant d’ennemis rien ne l’eust garanti,</l>
              <l rend="i">Si Mars qui le connut à tant d’illustres marques,</l>
              <l rend="i">Voulant faire sa Cour au plus grand des Monarques,</l>
              <l rend="i">N’eust respecté le Sang dont il estoit sorti.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Là recommença le carnage</l>
              <l rend="i"> Avec tant de bruit &amp; d’horreur,</l>
              <l><hi rend="i">Qu’on eust dit à le voir que l’ardeur de courage</hi></l>
              <l rend="i"> Y regnoit moins que la fureur.</l>
              <l rend="i">Là nos fiers Escadrons, de leur Infanterie</l>
              <l rend="i">Font une si cruelle &amp; rude boucherie,</l>
              <l rend="i">Que le sang en tous lieux ruisselle à gros boüillons.</l>
              <l rend="i">Enfin de tant d’endroits on la perce, on la taille,</l>
              <l rend="i">Qu’on voit en moins de rien dans le champ de Bataille</l>
              <l rend="i">De mille bras coupez aplanir les sillons.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Contente d’un tel sacrifice</l>
              <l rend="i"> La mort vole de rang en rang,</l>
              <l><hi rend="i">Et sur ces malheureux exerçant sa justice,</hi></l>
              <l> <hi rend="i">Semble se baigner dans le sang.</hi></l>
              <l rend="i">On entend des Blessez les cris épouvantables,</l>
              <l rend="i">On entend des Mourans les plaintes lamentables,</l>
              <l rend="i">On ne voit d’autre objet que la flâme &amp; le fer ;</l>
              <l rend="i">Tout l’air est obscurcy d’une épaisse fumée,</l>
              <l rend="i">Le desordre, le bruit, &amp; l’effroy de l’Armée,</l>
              <l rend="i">Tout peint de toutes parts les horreurs de l’Enfer.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Le Dieu du Fleuve assez tranquille</l>
              <l rend="i"> Dormoit sur un lit de roseaux,</l>
              <l rend="i">Et laissoic tout le long d’une plaine fertile</l>
              <l rend="i"> Couler le cristal de ses eaux,</l>
              <l rend="i">Quand ses flots tout d’un coup devenus plus rapides</l>
              <l rend="i">Par le débordement que font tant d’homicides</l>
              <l rend="i">De sa course on luy vit redoubler les efforts,</l>
              <l rend="i">Et sa frayeur hâtant sa lenteur naturelle,</l>
              <l rend="i">Il s’enfuit tout en trouble en porter la nouvelle</l>
              <l rend="i">Aux Peuples affligez dont il lave les bords.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Pour toy, ne te plains à personne,</l>
              <l rend="i"> Fleurus, de tes champs desolez ;</l>
              <l rend="i">Le Destin de la guerre aujourd’huy te redonne</l>
              <l rend="i"> Tous les biens que l’on t’a volez.</l>
              <l rend="i">Bientost par tant de morts ta campagne engraissée,</l>
              <l rend="i">Du degast de ses bleds sera récompensée,</l>
              <l rend="i">Ta perte va tourner à ton utilité.</l>
              <l rend="i">Console-toy voyant ta future abondance,</l>
              <l rend="i">Et malgré nos debats, ne crains pas que la France</l>
              <l rend="i">Soit jalouse à ce prix de ta felicité.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Voila quelle fut la journée</l>
              <l rend="i"> Dont Fleurus reçoit tant d’éclat,</l>
              <l><hi rend="i">Quelle fut de Valdek la triste destinée</hi></l>
              <l rend="i"> Dans ce memorable combat !</l>
              <l rend="i">Nous ne pouvions le vaincre avec plus d’avantage ;</l>
              <l rend="i">Outre les Etendarts, les Drapeaux, le Bagage,</l>
              <l rend="i">Huit mille Prisonniers enlevez à la fois ;</l>
              <l rend="i">Plus de dix mille Morts dont la plaine est couverte,</l>
              <l rend="i">Cinquante Canons pris, font sonner cette perte,</l>
              <l rend="i">Et pour la bien prouver sont des témoins de poids.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Mais dans les faveurs de Bellonne</l>
              <l rend="i"> Les maux suivent les biens de prés,</l>
              <l rend="i">Et Mars de ses lauriers ne fait point de couronne,</l>
              <l rend="i"> Qu’il n’y mesle un brin de Ciprés.</l>
              <l rend="i">Du Mets, Gournay, Soyecour, gens d’élite &amp; de marque,</l>
              <l rend="i">Payerent en ce jour le tribut à la Parque,</l>
              <l rend="i">Avec une fierté qu’on ne peut trop priser.</l>
              <l rend="i">Villarceaux, Nogaret, en tombant pesle-mesle,</l>
              <l rend="i">De mesme que Jussac, sous une affreuse gresle,</l>
              <l rend="i">Trouverent par leur mort à s’immortaliser.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Dalegre, Castres, &amp; Ximene,</l>
              <l rend="i"> Tout percez du plomb, ou du fer,</l>
              <l rend="i">Ne peuvent acquerir le triomphe sans peine,</l>
              <l rend="i"> Ainsi que Vivans &amp; Greder.</l>
              <l><hi rend="i">C’est par là que le Ciel qui regle tout en Maistre,</hi></l>
              <l rend="i">Aux siecles à venir voulut faire connoistre</l>
              <l rend="i">Que la France doit tout à sa propre vertu,</l>
              <l rend="i">Et que si tant d’éclat aujourd’huy l’environne,</l>
              <l rend="i">Elle a par sa valeur merité sa Couronne,</l>
              <l rend="i">Et n’a point triomphé sans avoir combattu.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> Ah ! je t’allois faire un outrage,</l>
              <l rend="i"> Comment ay-je pu t’oublier,</l>
              <l rend="i">Jeune &amp; vaillant Bouzols, toy, de qui le courage</l>
              <l rend="i"> Fit trois fois l’Ennemy plier ?</l>
              <l><hi rend="i">Que ton sort glorieux parut digne d’envie !</hi></l>
              <l rend="i">Au mépris de ton sang, au peril de ta vie</l>
              <l rend="i">On te vit en Heros affronter les hazards ;</l>
              <l rend="i">Ces nobles coups d’essay sont dignes de l’Histoire,</l>
              <l rend="i">Et tu vas preceder au Temple de memoire</l>
              <l rend="i">Tous ceux qu’on te voit suivre au service de Mars.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i"> C’est assez, illustre Courriere,</l>
              <l rend="i"> Je t’areste icy trop longtemps.</l>
              <l rend="i">Va, cours en diligence achever ta carriere,</l>
              <l rend="i"> Sur le bord du Pô je t’attends.</l>
              <l rend="i">Redouble si tu peux les élans de ta course,</l>
              <l rend="i">De l’Aurore au Couchant, du Midy jusqu’à l’Ourse,</l>
              <l rend="i">Va conter des François les exploits inoüis ;</l>
              <l rend="i">Va du grand Luxembourg publier la victoire,</l>
              <l rend="i">Et montrant nostre France au comble de sa gloire,</l>
              <l rend="i">Fais par tout retentir le grand nom de LOVIS.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_061" resp="wordpro">
          <head>[Troisiéme Lettre en Prose &amp; en Vers du Berger de Flore]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 61-103.</bibl>
          <p>Voicy une nouvelle Lettre du Berger de Flore, c’est à dire, la suite de celles que vous avez déja veuës, &amp; dont vous m’avez tesmoigné avoir receu tant de satisfaction.</p>
          <quote>
            <label>A LA BELLE<lb />MARTHESIE.</label>
            <p>N’ayant eu, Madame, qu’une seule Inclination dans la troisiéme &amp; dans la quatriéme Societé, où l’on me fit l’honneur de me recevoir, je ne vous en écriray qu’une seule Lettre. Cette troisiéme Societé fut appellée, <hi rend="i">L’Empire des Graces</hi>, ou <hi rend="i">les Galans</hi>. Le ruban en estoit <hi rend="i">gris-de-lin</hi>, &amp; la Devise, <hi rend="i">Plûtost mourir que de changer</hi>. Elle tenoit du Pastoral comme la premiere, &amp; la qualité de Berger s’y confondant le plus souvent avec celle de Galant, en prenoit la place. Les Cavaliers &amp; les Dames ne se servoient neanmoins que de leurs noms de Baptesme, mais on les déguisa un peu, pour leur oster ce qu’ils auroient eu de trop populaire, &amp; suivant cet usage, <hi rend="i">Arthenice</hi> fut le nom de la Belle que j’aimay. Les commencemens de nostre connoissance eurent quelque chose d’assez singulier, en voicy l’histoire. Un de mes intimes Amis du voisinage de Paris, avec qui j’avois lié partie pour le voyage d’Allemagne, m’avoit donné rendez-vous à une Ville éloignée de quatorze ou quinze lieuës de chez moy. Comme j’y allois au jour prescrit entre nous, jour de Dimanche, &amp; que je n’en estois plus qu’à une petite demy-lieuë, le dernier coup de l’Office divin qui sonnoit dans un Village où je passois, m’obligea de mettre pied à terre pour l’entendre. Je vis dans le Temple une jeune Blonde à teint vermeil, dont les beaux yeux, le grand éclat, la jolie taille, &amp; d’autres agrémens relevez par une robe de damas bleu-celeste, me la firent presque prendre pour l’Ange du Sanctuaire, tant elle me sembloit aimable. La curiosité de sçavoir qui elle estoit, me donna envie de dîner avec le Pasteur pour en apprendre de seures nouvelles. L’ayant donc joint aprés le Sacrifice, je l’emmenay chez mon Hoste, &amp; j’en receus les éclaircissemens que je souhaitois. Ils furent suivis d’un autre avertissement. Il me dit qu’il devoit arriver ce jour-là en ce mesme lieu une belle Brune, qui effaçoit de toutes manieres la belle Blonde ; que j’avois vû l’Aurore, mais qu’il me restoit à voir le Soleil ; &amp; sur ce que je luy répondis que c’estoit donc un Soleil en Eclipse, puis que celle qu’on attendoit estoit brune, il me repliqua que si je raillois de son expression, je ne raillerois pas de la chose exprimée, si je la voyois ; que les charmes de cette Belle n’entendoient point raillerie, &amp; qu’ils étoient si propres à la faire aimer, qu’à moins que d’avoir de grands engagemens ailleurs, on resistoit vainement à leur puissance. Il m’en fit ensuite le portrait, &amp; m’en conta tant de belles choses, qu’il m’inspira une forte envie de la connoistre. Ainsi mes oreilles furent, pour ainsi dire, les premieres bréches par où l’amour de cette Inconnuë entra dans mon cœur. Je me resolus donc de coucher en ce Village, si mon Amy n’estoit pas encore arrivé à la Ville, &amp; je ne fus pas trop faché de n’en aprendre point de nouvelles, aprés en avoir fait demander à l’endroit où il devoit loger. Le Pasteur me mena l’aprésdînée rendre visite à la belle Blonde, &amp; à son Pere, qui estoit un des Seigneurs du lieu. Ce Gentil-homme tres-honneste &amp; tres-pressant, receut ma civilité de bonne grace, &amp; m’engagea mesme à souper chez luy, &amp; sur ce qu’il m’assura qu’il me donneroit bonne compagnie, je jugeay sans me tromper, qu’il entendoit parler de la belle Brune, de son Frere, &amp; de leur Mere, qui devoient arriver ensemble, comme le Pasteur me l’avoit dit, &amp; cette consideration eut tout pouvoir sur moy. J’eus donc ce soir-là le plaisir de la voir, &amp; de manger avec elle, &amp; j’apperceus tant de charmes en toute sa personne, tant de graces en toutes ses manieres, &amp; tant d’esprit en toutes ses paroles, que ce ne fut pas sans raison que j’ajoûtay dans la suite du temps ces quatre Vers à beaucoup d’autres que l’amour m’inspira pour elle.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Sans la voir j’aimay ses appas,</l>
                <l rend="i"> Mais la voyant si belle &amp; si parfaite,</l>
                <l rend="i">  Que ne fis-je pas ?</l>
                <l rend="i">Pardon, grands Dieux, je l’adoray tout bas.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>La soirée se passa à chanter, à danser, à jouër à divers petits jeux, &amp; à m’instruire de la galanterie des Dames du pays qui avoient formé la Societé que j’ay marquée, &amp; changé le nom de cette belle Brune en celuy d’Arthenice, comme celuy de la belle Blonde en celuy d’Amire. Elles me dirent ensuite qu’elles vouloient m’en mettre, me demanderent mon nom, le changerent en celuy d’Antione, &amp; tesmoignerent de souhaiter que mon amy ne vinst pas si-tost au rendez-vous, qu’il l’avoit promis, s’il pretendoit m’emmener, afin que je passasse le Carnaval avec elles. Il estoit du Mardy suivant en huit jours. C’estoit bien du temps, neantmoins leur souhait fut accompli, &amp; au delà. Je vis donc les Dames &amp; les Cavaliers de la Societé ; Dames fort jolies, Cavaliers bienfaits, &amp; j’en fus receu &amp; regalé. Le plaisir que je trouvois auprés de toutes ces galantes personnes, fit que je leur tesmoignay plus d’une fois la peine que j’aurois à m’en separer ; &amp; comme une Vestale, amie, parente, &amp; compagne d’Arthenice que je traitois de ma petite Sainte, s’apperçeut dans une rencontre que je ne disois rien de cette peine à son aimable Cousine, elle me demanda tout bas si elle n’y avoit pas un peu de part. Cette demande me semblant de bon augure, je luy répondis qu’elle en seroit bien-tost éclaircie ; &amp; sur cela ; prenant des Tablettes qu’elle tenoit, j’y écrivis comme en badinant ce qui suit.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Le moyen que je quitte un objet si charmant,</l>
                <l rend="i">A qui tant de beautez attirent tant d’hommages ?</l>
                <l> <hi rend="i">Ah ! j’en mourray dés le mesme moment.</hi></l>
                <l rend="i">Que ne puis-je à ses pieds borner tous mes voyages !</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Je luy rendis ensuite ses Tablettes qu’elle eut bien de la peine à soustraire à la curiosité des Dames qui m’avoient veu écrire. Arthenice fut la derniere à les demander, &amp; la premiere à les obtenir, comme privilegiée, mais elle ne lût pas ce qu’elle y trouva sans redoubler son vermillon, ce qui fit juger qu’elle y avoit interest. Incertain si ce redoublement de couleur marquoit de la colere ou quelque émotion favorable, je garday un silence inquiet qui fut aussi observé. Arthenice effaça ce qu’elle avoit lû, &amp; me demanda pourtant si je m’en souviendrois bien. Ces paroles ausquelles je donnay une explication avantageuse, dissiperent ma crainte, &amp; rappellerent ma joye ; &amp; l’on presuma sur tous ces mouvemens qu’il y avoit du mystere dans ce que j’avois escrit, &amp; de l’intelligence entre la charmante Brune &amp; moy, de sorte qu’une de ces Dames, me jugeant amoureux, &amp; mesurant mon amour à la bonté naturelle d’Arthenice, aussi bien qu’à sa beauté, fit par je ne sçay quel motif, deux couplets de chanson qu’elle apprit à la Societé, &amp; qui vinrent bientost à mes oreilles ; les voicy.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Si le Berger Antione</l>
                <l rend="i">Estoit Roy de l’Univers,</l>
                <l rend="i">Il priseroit moins son Thrône</l>
                <l rend="i">Qu’il n’estimeroit ses fers.</l>
              </lg>
              <lg>
                <l> <hi rend="i">Aussi le joug d’Arthenice</hi></l>
                <l rend="i">A de si charmans liens,</l>
                <l rend="i">Qu’on ne peut sans injustice</l>
                <l rend="i">Luy preferer d’autres biens.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Cette declaration publique de mes sentimens ne me causa pas peu de surprise. Les démentir, ç’auroit esté offenser l’amour &amp; la Belle. Le parti que je pris fut de laisser dire, &amp; d’aller toûjours mon train ; &amp; Arthenice en usa de méme quand elle en fut avertie. Cette Belle avoit dans l’esprit beaucoup de discernement &amp; de justesse ; &amp; vous sçavez, Madame, que ce sont les sources du bon jugement &amp; de la bonne conduite ; aussi estoit-elle bonne douce, sage &amp; honneste.</p>
            <p>La connoissance de ces heureuses qualitez qui s’augmentoit en moy à mesure que je la voyois, me faisoit avoir pour elle, du moins autant d’estime que d’amour ; mais tandis que je me laissois embraser d’un si beau feu, j’appris par une lettre de mon Amy qu’il avoit esté blessé à la chasse par une chute de cheval, &amp; qu’il avoit besoin de sept ou huit jours de repos pour sa guerison, aprés quoy il ne manqueroit pas de me venir joindre au rendez vous, si je voulois l’y attendre. Ce temps estant expiré, il m’écrivit que son mal estoit plus grand qu’on ne l’avoit cru dans le commencement, qu’il ne sçavoit plus quand il pourroit monter à cheval, que je l’excusasse &amp; le plaignisse. Je fus fasché avec raison de l’incommodité de mon Ami ; mais je fus bien aise de la rupture de nostre voyage. La veuë d’Arthenice me touchoit plus que n’auroit fait celle d’une Reine, &amp; mon esprit prevenu de son merite, me faisoit trouver plus de charmes auprés d’elle, que je n’en aurois rencontré parmy toutes les belles d’Allemagne. Le temps vint neantmoins qu’il fallut me resoudre à la quitter. Le Gentilhomme chez qui j’avois soupé d’abord, avoit voulu dés ce temps-là que je prisse mon logement chez luy, dans l’attente de mon amy ; &amp; quelque raison que j’eusse employée pour m’en deffendre, sa civilité empressée l’avoit emporté sur ma resistance, si bien que n’ayant plus d’amy à attendre, il me restoit de prendre congé d’un Gentilhomme si obligeant, &amp; ensuite de la Societé galante ; mais il arriva un autre évenement peu attendu. La mere d’Arthenice dont la conduite n’estoit pas commune, me voyant sur le point de mon depart, m’engagea à l’accompagner jusqu’à une Ville éloignée de six lieuës de celle de mon rendez vous, où elle avoit une maison meublée &amp; quelques affaires. Elle me donna place dans son carosse auprés de sa fille, &amp; quand nous fusmes arrivez où nous allions, elle voulut absolument que je logeasse chez elle, comme j’avois logé chez le Gentilhomme son ami ; &amp; me retint, comme luy, quinze jours entiers. Je vous laisse à penser, Madame, combien ces violences m’estoient douces, &amp; combien de fois je repetay en moy-mesme ces vers que j’avois appris de mon Frere.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Au commencement des amours</l>
                <l rend="i">Voir à toute heure ce qu’on aime,</l>
                <l rend="i">C’est le plaisir le plus doux de nos jours,</l>
                <l rend="i">  C’est un plaisir extrême.</l>
                <l rend="i">Que ne peut-il durer toujours !</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Ce qui est bien singulier en toute cette avanture, &amp; ce que peut-estre vous aurez un peu de peine à croire, quoy que veritable, c’est qu’aucune de ces obligeantes Personnes ne sçavoit qui j’estois, parce que mon Amy &amp; moy estions convenus de nous dire Parisiens, &amp; de voyager inconnus, &amp; suivant cette resolution, j’avois pris à mon départ de chez moy, un nom different de celuy que j’avois accoutumé de porter, avec ordre à un homme qui me suivoit de ne me point appeller autrement ; &amp; je parlois si souvent de Paris, où j’avois déja demeuré quelques années, &amp; si peu de tous les autres lieux, qu’il n’y avoit pas sujet de juger que je fusse d’un autre endroit. Avant neanmoins que de m’éloigner d’Arthenice, je me fis connoistre à elle, &amp; par son conseil, à sa Mere. Cette Dame me retint encore quelques jours aprés cette connoissance, &amp; m’assura qu’elle se rendroit bientost à une Terre qu’elle avoit à cinq lieuës de chez moy, où elle auroit bien de la joye de me revoir ; &amp; cette douce assurance aprés un procedé si obligeant, n’aida pas peu à ma consolation, lors qu’il me fallut separer de son aimable Fille.</p>
            <p>Je trouvay à mon retour dans ma contrée, d’où j’écrivis sous mon nom ordinaire au Gentilhomme qui m’avoit si bien receu, qu’il s’y estoit étably une nouvelle Societé sous le titre <hi rend="i">de l’Ordre des Fidelles</hi>. Sa couleur estoit <hi rend="i">le bleu</hi>, &amp; sa Devise, <hi rend="i">Plutost mourir que d’estre à deux</hi>. L’heroïque y estoit meslé au Pastoral, &amp; on y avoit élevé les Dames à la dignité de Princesses ; mais pour contenir les Cavaliers dans le devoir, on avoit voulu qu’ils gardassent le rang de Bergers. Les uns &amp; les autres n’eurent pas peu de surprise de me revoir si tost, aprés avoir cru me perdre pour longtemps. Ils me receurent à bras ouverts ; &amp; comme on se servoit dans la Societé des noms de Maison avec un peu de déguisement, je fus nommé <hi rend="i">Eveninde</hi> ; &amp; Arthenice qui voulut en estre aussi, dés que je luy en eus appris la nouvelle, dans la Terre où sa Mere avoit promis devenir, fut appellée <hi rend="i">Ferubele</hi> ; &amp; peu de temps aprés, qualifiée <hi rend="i">l’Heroïne</hi>, à cause de sa noble taille &amp; de ses grands airs. Quelques-uns pourtant l’appellerent simplement <hi rend="i">Plusside</hi>, du nom de cette jolie Terre ; &amp; ce nom estant en faveur auprés d’elle, fut celuy que j’employay dans la pluspart des Billets, des Vers, &amp; des Pieces galantes que je fis pour luy marquer mon amour ou mon estime.</p>
            <p>On convint dans cette Societé que chacun travailleroit à son propre Portrait, en Prose ou en Vers, à son choix, &amp; qu’il exprimeroit son exterieur, son humeur, &amp; sa façon d’aimer, le tout d’un air simple, mais accompagné de sincerité ; aprés quoy tous les Portraits seroient proposéz à l’Ordre, par forme d’Enigme, pour éprouver si l’on reconnoistroit les personnes qu’ils representeroient, &amp; que tous ceux qui auroient cet avantage, seroient mis au Tresor public, &amp; les autres au rebut, avec commandement à leurs Auteurs d’étudier à se mieux connoistre, &amp; de se copier plus fidellement, sous peine de disgrace. Il fallut donc satisfaire à cette convention, &amp; voicy la maniere dont je m’en acquittay. Mais il faut que je vous apprenne auparavant, que certains ennemis couverts voulant décrediter mon amour auprés de Ferubele ou de Plusside, comme il vous plaira que je l’appelle, firent courir dans la Societé les Vers qui suivent.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i"> Ne protestez pas tant</l>
                <l rend="i"> Que vous estes constant.</l>
                <l rend="i"> Croyez-nous, Eveninde,</l>
                <l rend="i">C’est pour vous un mauvais party ;</l>
                <l rend="i">Deux bons témoins, Clione &amp; Roselinde,</l>
                <l rend="i">Vous en pourroient donner un juste démenty.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>Ce malicieux reproche fut cause que je m’expliquay sur ma façon d’aimer, avec plus d’étenduë &amp; de clarté que je n’eusse fait. Tout le reste est de l’air simple qu’on avoit prescrit.</p>
            <quote>
              <lg>
                <l rend="i">Je ne suis beau ny laid ; blanc ny noir ; gras ny maigre ;</l>
                <l rend="i"> Grand ny petit ; fluet ny gros ;</l>
                <l rend="i"> D’esprit ny trop doux, ny trop aigre,</l>
                <l rend="i"> Des débauchez, ny des devots ;</l>
                <l rend="i"> Enjoüé, ny mélancolique,</l>
                <l rend="i">Rampant ny vain ; point sourd, ny vetilleur ;</l>
                <l rend="i"> Aveugle, ny critique ;</l>
                <l rend="i"> Muet, ny grand parleur.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">Je suis d’humeur à ne chercher qu’à plaire,</l>
                <l rend="i"> Secret, discret, officieux ;</l>
                <l rend="i">Assez persuasif, assez propre à tout faire,</l>
                <l rend="i"> Peu credule, peu curieux ;</l>
                <l rend="i"> Sensible à la reconnoissance,</l>
                <l rend="i">Ennemy du mensonge &amp; de la médisance ;</l>
                <l rend="i"> Pour les absens rempli de charité ;</l>
                <l rend="i"> Un peu prompt, un peu volontaire,</l>
                <l rend="i">Prenant goust à la nouveauté ;</l>
                <l rend="i">Au reste, bon, franc &amp; sincere.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Pour ma façon d’aimer,</l>
                <l rend="i">Elle est flateuse, complaisante,</l>
                <l rend="i">Souple, soigneuse insinuante,</l>
                <l rend="i">Et qui prend garde à ne pas alarmer</l>
                <l rend="i">Le cœur qu’elle veut enflammer.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">Elle joint à cette prudence</l>
                <l rend="i">  Beaucoup de fermeté,</l>
                <l rend="i">Grand respect, grande patience,</l>
                <l rend="i">Une exacte fidelité,</l>
                <l rend="i">Un grand panchant à la perseverance.</l>
                <l rend="i"> Mais s’il advient que mon amour</l>
                <l rend="i"> Dans le temps du tendre retour,</l>
                <l rend="i">  Connoisse que la Belle</l>
                <l rend="i">Que je sers sans partage, ait l’esprit infidelle,</l>
                <l rend="i">Et les mesmes bontez pour d’autres que pour moy</l>
                <l rend="i">Aprenez ce que fait alors le petit drôle.</l>
                <l rend="i"> Se riant de ma bonne foy,</l>
                <l rend="i">Il prend son essor &amp; s’envole,</l>
                <l rend="i">J’ay beau le rappeller, il cherche un autre employ.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Ce n’est pas tout ce qui se passe,</l>
                <l rend="i">Le dédain en secret vient occuper sa place,</l>
                <l rend="i">Et dans ses interests sçait si bien m’engager,</l>
                <l rend="i">Qu’il change tous mes feux en glace ;</l>
                <l rend="i">Et mesme forceroit mon cœur de negliger</l>
                <l rend="i"> La Maîtresse la plus humaine,</l>
                <l rend="i">Avec tous ses attraits, ses douceurs &amp; ses ris,</l>
                <l rend="i"> Fust-elle aussi belle qu’Helene,</l>
                <l rend="i"> Et moy, plus heureux que Pâris.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">Je cesse ainsi d’aimer l’Amante qui s’enflâme</l>
                <l rend="i">  D’une double &amp; trompeuse flâme ;</l>
                <l rend="i"> Et comme en vain l’on va contre l’humeur,</l>
                <l rend="i">Honnestement, sans fracas, sans aigreur,</l>
                <l rend="i"> Sans rien dire qui l’interesse,</l>
                <l rend="i">  Dans son tort je la laisse ;</l>
                <l rend="i"> Et puis, pour fuir l’oisiveté,</l>
                <l rend="i">Et suivre en mesme temps l’Astre qui me domine,</l>
                <l rend="i">Je m’attache aussi-tost à quelqu’autre Beauté,</l>
                <l rend="i"> Vers qui je trouve que m’encline</l>
                <l rend="i">  L’esprit, la douceur, ou la mine.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i"> Ce n’est pourtant qu’aprés avoir conçeu,</l>
                <l rend="i">D’un plus heureux succez la flatteuse esperance ;</l>
                <l rend="i"> Mais j’ay toûjours esté deceu,</l>
                <l rend="i">Et la deception a fait mon inconstance.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">Presentement je croy mieux que jamais</l>
                <l rend="i">Que l’Ange qui m’enchante aujourd’huy par ses traits,</l>
                <l rend="i">Sçaura bien empescher que j’erre davantage ;</l>
                <l rend="i">  Et qu’à la honte des objets</l>
                <l rend="i">Qui n’ont pû me garder, avec tous leurs attraits,</l>
                <l rend="i">  Sa conduite modeste &amp; sage,</l>
                <l rend="i">  Fixera mon esprit volage ;</l>
                <l rend="i"> Et qu’ainsi cessant de changer,</l>
                <l rend="i"> Je feray hautement connoistre</l>
                <l rend="i">  Que si je fus leger,</l>
                <l rend="i"> On me donnoit sujet de l’estre.</l>
              </lg>
              <ab type="ornament">***</ab>
              <lg>
                <l rend="i">  Voila quel est l’original,</l>
                <l rend="i"> Le réformer, ce seroit une affaire ;</l>
                <l rend="i">Si ma sincerité pour luy retourne en mal,</l>
                <l rend="i">Je ne veux point tromper, je n’y sçaurois que faire.</l>
              </lg>
            </quote>
            <p>La Societé n’eut pas plutost oüy la lecture de ce Portrait que chacun s’écria, c’est Eveninde ; &amp; c’en fut assez pour le faire passer pour bon, &amp; pour faire ordonner qu’il seroit mis au tresor public ; &amp; en verité il a encore aujourd’huy tant de mon air &amp; de mes traits, qu’on peut dire qu’il n’estoit pas flatté.</p>
            <p>Comme c’estoit la mode en ce temps-là dans ce pays-cy, de ne point saluer la santé des Dames sans fracas, je veux dire, sans casser le verre, fust il de Venise, ou sans tirer le coup de pistolet, le grand nombre de verres cassez pour Ferubele donna occasion à une piece galante assez bien tournée, de la façon d’un Berger de mes amis. C’estoit un compliment en vers qu’il supposoit s’adresser à cette Belle de la part de cinq ou six Maistres de Verreries, pour la remercier du grand debit qu’elle leur causoit, où aprés avoir fait mille vœux pour sa santé qui leur estoit si utile, ils témoignoient souhaiter que chacune de ses Compagnes fust aussi aimable &amp; aussi aimée qu’elle, pour s’attirer d’aussi frequens souvenirs de ses Amans, avec de pareils sacrifices. On m’a pris la copie que j’avois de cette piece, &amp; je vous en dis le sujet, parce qu’il me semble assez ingenieux &amp; assez plaisant.</p>
            <p>Mes avantures avec Ferubele eurent un assez long cours ; tout contribuoit à les entretenir. Quatre ou cinq lieuës de distance qu’il y avoit entre nos habitations, sembloient ne m’éloigner d’elle que pour augmenter le desir que j’avois d’en approcher ; les frequentes absences qui interrompoient le plaisir que j’avois de la voir, servoient mesme à le rendre plus grand ; &amp; une Campagne en Flandre, avec deux voyages à Paris ne m’ayant pas empesché de retourner auprés d’elle avec tout l’amour que j’en avois emporté, elle se trouva si convaincuë de ma constance, qu’elle n’eut plus sujet d’en douter. Sa Mere me témoignoit toutes sortes de bontez, me donnoit par tout des loüanges que je ne meritois pas, me recevoir avec joye, me regaloit avec une honneste abondance, me retenoit avec empressement, &amp; me faisoit toûjours promettre de revenir au plutost chez elle, toutes les fois que la bienseance m’obligeoit d’en partir ; mais divers sentimens interessez la rendoient ennemie de toute conclusion, &amp; par ses delais la fin de mes avantures arriva lors qu’on y pensoit le moins. Sa Fille fut enlevée pendant une violente maladie où j’estois tombé à Paris dans un troisiéme voyage, &amp; qui me tenoit encore en Province depuis mon retour. Cet évenement, Madame, ne contribua pas à ma guerison, comme vous le jugez bien ; car quel moyen de sçavoir la personne qu’on aime entre les mains d’un Rival, enfermée, &amp; comme prisonniere dans une Citadelle éloignée, de Ville Frontiere &amp; Maritime où il a tout pouvoir, sans prendre à partie le Ciel &amp; la Terre ? Ce Rival avoit épousé la Blonde dont je vous ay parlé ; &amp; la mort la luy ayant ravie, il avoit eu recours à sa Compagne qui estoit alors au mesme lieu où je l’avois veuë la premiere fois, pour en reparer avantageusement la perte, par sa possession ; &amp; sur son refus il l’avoit arrachée de la maison de sa Mere pendant son absence, &amp; fait conduire dans l’endroit que je viens de vous marquer. Cette Mere courut aprés, sans garder de mesures, &amp; sa course ne retourna qu’à sa confusion. Elle fut arrestée, &amp; le desir de ravoir sa liberté luy coûta son consentement pour le mariage de sa Fille. Il y eut un peu plus de resistance de la part de cette Belle, mais sa fermeté ne fut pas de durée, &amp; un mois fut à peine écoulé, qu’elle passa des mains de mon Rival entre ses bras, je veux dire qu’elle l’épousa. La nouvelle que j’en receus me causa une douleur que vous pouvez mieux vous imaginer que je ne la pourrois depeindre. Tout ce que je vous en puis dire, c’est que dans ce malheur desolant &amp; sans remede, elle me fit prendre la resolution de ne plus penser à aucun engagement qui tirast à consequence, ce que j’ay fort observé depuis ce temps-là, &amp; ce que je tiendray toute ma vie. Dispensez moy, Madame, de vous en rien apprendre davantage, &amp; épargnez de tristes ressouvenirs à Vostre, &amp;c.</p>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_103" resp="wordpro">
          <head>[Fable nouvelle de Mr de la Fontaine]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 103-114.</bibl>
          <p>Il n’y a rien de plus estimé que les Fables de M<hi rend="sup">r</hi> de la Fontaine, &amp; c’est avec beaucoup de justice, puis que tout ce qui a paru de luy en ce genre, peut estre appellé inimitable. Vous verrez par la lecture de celle que je vous envoye, que malgré l’excuse qu’il prend sur son âge, les années n’ont rien diminué en luy de ce feu d’esprit qui luy a fait faire tant d’agreables Ouvrages.</p>
          <quote>
            <label>LES COMPAGNONS<lb />D’<hi rend="sc">Ulisse</hi>.<lb />A Monseigneur le Duc<lb />de Bourgogne.</label>
            <lg>
              <l rend="i">Prince, l’unique objet de tous les Immortels,</l>
              <l rend="i">Souffrez que mon encens parfume vos Autels.</l>
              <l rend="i">Je vous offre un peu tard ces presens de ma Muse,</l>
              <l rend="i">Les ans &amp; mes travaux me serviront d’excuse.</l>
              <l rend="i">Mon esprit diminuë, au lieu qu’à chaque instant</l>
              <l rend="i">On apperçoit le vostre aller en augmentant.</l>
              <l rend="i">Il ne va pas, il court, &amp; semble avoir des aisles.</l>
              <l rend="i">Le Heros dont il tient des qualitez si belles,</l>
              <l rend="i">Dans le métier de Mars brûle d’en faire autant ;</l>
              <l rend="i">Il ne tient pas à luy que forçant la victoire,</l>
              <l rend="i"> Il ne marche à pas de Geant</l>
              <l rend="i"> Dans la carriere de la gloire.</l>
              <l rend="i">Quelque Dieu le retient : c’est nostre Souverain,</l>
              <l rend="i">Luy qu’un mois a rendu maistre &amp; vainqueur du Rhin.</l>
              <l rend="i">Cette rapidité fut alors necessaire ;</l>
              <l rend="i">Peut-estre elle seroit aujourd’huy témeraire,</l>
              <l rend="i">Je m’en tais ; aussi-bien les Ris &amp; les Amours</l>
              <l rend="i">Ne sont pas soupçonnez d’aimer les longs discours.</l>
              <l rend="i">De ces sortes de Dieux vostre Cour se compose,</l>
              <l rend="i">Ils ne vous quittent point ; ce n’est pas qu’aprés tout</l>
              <l rend="i">D’autres Divinitez n’y tiennent le haut bout,</l>
              <l rend="i">Le Sens &amp; la Raison y reglent toute chose.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Consultez ces derniers sur un fait où les Grecs,</l>
              <l rend="i"> Imprudens, &amp; peu circonspects,</l>
              <l rend="i"> S’abandonnerent à des charmes</l>
              <l rend="i">Qui métamorphosoient en Bestes les Humains.</l>
              <l rend="i">Les Compagnons d’Vlisse, aprés dix ans d’alarmes,</l>
              <l rend="i">Erroient au gré du vent, de leur sort incertains.</l>
              <l rend="i"> Ils aborderent un rivage</l>
              <l rend="i"> Où la Fille du Dieu du jour,</l>
              <l rend="i"> Circé, tenoit alors sa Cour.</l>
              <l rend="i"> Elle leur fit prendre un breuvage</l>
              <l rend="i">Delicieux, mais plein d’un funeste poison.</l>
              <l rend="i"> D’abord ils perdent la raison,</l>
              <l rend="i">Quelques momens aprés leur corps &amp; leur visage</l>
              <l rend="i">Prennent l’air &amp; les traits d’Animaux differens.</l>
              <l rend="i">Les voila devenus Ours, Lyons, Elephans,</l>
              <l rend="i"> Les uns sous une masse énorme,</l>
              <l rend="i"> Les autres sous une autre forme.</l>
              <l><hi rend="i">Il s’en vit de petits,</hi> exemplum, ut Talpa.</l>
              <l rend="i"> Le seul Vlisse en échapa.</l>
              <l rend="i">Il sceut se défier de la liqueur traistresse.</l>
              <l rend="i"> Comme il joignoit à la sagesse</l>
              <l rend="i">La mine d’un Heros, &amp; le doux entretien,</l>
              <l rend="i"> Il fit tant que l’Enchanteresse</l>
              <l rend="i">Prit un autre poison peu different du sien.</l>
              <l rend="i">Une Déesse dit tout ce qu’elle a dans l’ame,</l>
              <l rend="i"> Celle-cy declara sa flâme ;</l>
              <l rend="i">Vlisse estoit trop fin pour ne pas profiter</l>
              <l rend="i"> D’une pareille conjoncture.</l>
              <l rend="i">Il obtint qu’à ses Grecs on rendroit leur figure.</l>
              <l rend="i">Mais la voudront-ils bien, dit la Nymphe, accepter ?</l>
              <l rend="i">Allez le proposer de ce pas à la Troupe.</l>
              <l rend="i">Vlisse y court, &amp; dit ; l’empoisonneuse Coupe</l>
              <l rend="i">A son remede encor, &amp; je viens vous l’offrir.</l>
              <l rend="i">Chers Amis, voulez-vous hommes redevenir ?</l>
              <l rend="i"> On vous rend déja la parole.</l>
              <l rend="i"> Le Lyon dit, pensant rugir,</l>
              <l rend="i"> Je n’ay pas la teste si folle.</l>
              <l rend="i">Moy, renoncer aux dons que je viens d’acquerir ?</l>
              <l rend="i">J’ay griffe &amp; dent, &amp; mets en pieces qui m’attaque,</l>
              <l rend="i">Je suis Roy ; deviendray-je un Citadin d’Ithaque ?</l>
              <l rend="i">Tu me rendrois peut-estre encor simple Soldat ;</l>
              <l rend="i"> Je ne veux point changer d’estat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vlisse du Lyon court à l’Ours. Eh mon Frere,</l>
              <l rend="i">Comme te voila fait ! je t’ay veu si joly.</l>
              <l rend="i">  Ah vrayment, nous y voicy,</l>
              <l rend="i"> Reprit l’Ours à sa maniere.</l>
              <l rend="i">Comme me voila fait ? comme doit estre un Ours.</l>
              <l rend="i">Qui t’a dit qu’une forme est plus belle que l’autre ?</l>
              <l rend="i"> Est-ce à la tienne à juger de la nostre ?</l>
              <l rend="i">Je me rapporte aux yeux d’une Ourse mes amours.</l>
              <l rend="i">Te deplais-je ? va t’en, suy ta route, &amp; me laisse.</l>
              <l rend="i">Je vis libre, content, sans nul soin qui me presse,</l>
              <l rend="i"> Et te dis tout net &amp; tout plat,</l>
              <l rend="i"> Je ne veux point changer d’estat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Le Prince Grec, au Loup va proposer l’affaire.</l>
              <l rend="i">Il luy dit au hazard d’un semblable refus,</l>
              <l rend="i"> Camarade, je suis confus</l>
              <l rend="i"> Qu’une belle &amp; jeune Bergere</l>
              <l rend="i"> Conte aux Echos les appetits gloutons,</l>
              <l rend="i"> Qui t’ont fait manger ses Moutons.</l>
              <l rend="i">Autrefois on t’eust veu sauver sa Bergerie,</l>
              <l rend="i"> Tu menois une honneste vie.</l>
              <l rend="i"> Quitte ces bois, &amp; redevien,</l>
              <l rend="i"> Au lieu de Loup, homme de bien.</l>
              <l rend="i">En est-il, dit le Loup ? Laissons cette matiere.</l>
              <l><hi rend="i">Tu t’en viens me traitter de Beste carnaciere.</hi></l>
              <l rend="i">Toy qui parles, qu’es-tu ? N’auriez-vous pas sans moy,</l>
              <l rend="i">Mangé ces Animaux que plaint tout le Village ?</l>
              <l rend="i"> Si j’estois homme, par ta foy,</l>
              <l rend="i"> Aimerois-je moins le carnage ?</l>
              <l rend="i">Pour un mot quelquefois vous vous étranglez-tous.</l>
              <l rend="i">Ne vous estes-vous pas l’un à l’autre des Loups ?</l>
              <l rend="i">Tout bien consideré, je te soustiens en somme,</l>
              <l rend="i"> Que scelerat pour scelerat,</l>
              <l rend="i"> Il vaut mieux estre un Loup qu’un Homme,</l>
              <l rend="i"> Je ne veux point changer d’estat.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Vlisse fit à tous une mesme semonce,</l>
              <l rend="i"> Chacun d’eux fit mesme réponse,</l>
              <l rend="i"> Autant le grand que le petit.</l>
              <l rend="i">La liberté, les bois, suivre leur appetit,</l>
              <l rend="i"> C’estoit leurs delices suprêmes,</l>
              <l rend="i">Tous renonçoient au los des belles actions ;</l>
              <l rend="i">Ils croyoient s’affranchir suivant leurs passions</l>
              <l rend="i"> Ils estoient esclaves d’eux mesmes.</l>
            </lg>
            <ab type="ornament">***</ab>
            <lg>
              <l rend="i">Prince, j’aurois voulu vous choisir un sujet,</l>
              <l rend="i">Où je pusse mesler-le plaisant à l’utile.</l>
              <l rend="i"> C’estoit sans doute un beau projet,</l>
              <l rend="i"> Si la chose eust esté facile.</l>
              <l rend="i">Les Compagnons d’Vlisse enfin se sont offerts ;</l>
              <l rend="i">Ils ont force pareils en ce bas univers,</l>
              <l rend="i"> Gens à qui j’impose pour peine,</l>
              <l rend="i"> Vostre censure &amp; vostre haine.</l>
              <l rend="i">Vous raisonnez sur tout ; les Ris &amp; les Amours,</l>
              <l rend="i">Tiennent souvent chez vous de solides discours.</l>
              <l rend="i">Je leur veux proposer bien-tost une matiere,</l>
              <l rend="i">Noble, d’un tres-grand Art, convenable aux Heros,</l>
              <l rend="i"> C’est la loüange ; ses propos</l>
              <l rend="i">Sont faits pour occuper vostre ame toute entiere.</l>
            </lg>
          </quote>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_153" resp="wordpro">
          <head>[Histoire]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 153-192.</bibl>
          <p>Si on examinoit bien toutes les traverses où l’on s’expose en aimant, on n’auroit point assez de courage pour se resoudre à les essuyer ; mais on s’embarque sur l’apparence d’un succez heureux, &amp; quand le cœur s’est une fois laissé prendre, les remedes les plus violens ne l’arrachent point aux impressions flateuses qui s’y sont formées. Un Cavalier d’un fort grand merite en a fait l’épreuve depuis quelque temps. Il voyoit avec assez d’assiduité une Dame dont le tour d’esprit luy avoit plû. Elle l’avoit vif, delicat &amp; insinuant, &amp; comme il n’en manquoit pas, il trouvoit dans sa conversation un charme engageant qui l’obligeoir à luy rendre tous les soins qui peuvent marquer la plus forte estime. Elle fut suivie en peu de temps d’une amitié fort étroite, &amp; la Dame y répondit avec d’autant plus de joye, qu’ayant une Fille de dix-sept à dix huit ans, elle se flatta de venir à bout de la faire épouser au Cavalier. Il avoit du bien, estoit parfaitement honneste homme, &amp; ce qui plaisoit en luy plus que toutes choses, un excellent naturel l’avoit dégagé des airs ridicules que se donnent aujourd’huy la pluspart des jeunes gens. Comme il aimoit fort la Mere, il eut pour la Fille toutes les honnestetez qu’on pouvoit attendre de sa complaisance. Elle avoit de la beauté, &amp; si la nature l’eust renduë capable de profiter des leçons qu’on luy donnoit, elle auroit pû la faire valoir, &amp; une autre qu’elle s’en seroit servie utilement ; mais elle n’avoit aucun talent pour l’esprit, &amp; rien n’estant animé ny dans ses traits, ny dans sa personne, quand on la voyoit, il n’y avoit que les yeux qui fussent contens. Ainsi la Dame eut beau ménager le Cavalier, elle ne put luy rien mettre dans le cœur, &amp; ce qui luy donna le plus de chagrin, c’est que s’estant rencontré chez elle trois ou quatre fois dans le temps qu’une Dame y estoit venuë avec une Fille fort aimable qu’elle avoit, elle s’apperceut qu’il prenoit plaisir à l’entretenir, &amp; trouva dans ses regards je ne sçay quoy de brillant qui estoit la marque d’une passion naissante. Elle crut d’abord que la seule honnesteté l’engageoit aux manieres obligeantes qu’il avoit pour elle, estant difficile à un Cavalier qui a veu le monde, de ne pas montrer pour une jolie personne certains sentimens d’estime empressée qui ne sont souvent que d’un Galant-homme, &amp; où l’amour n’a aucune part ; mais quand elle eut découvert qu’il luy rendoit d’assez frequentes visites, elle demeura persuadée qu’il y avoit du dessein, puisqu’il en faisoit mistere, luy qui n’avoit rien de caché pour elle, &amp; sur le reproche qu’elle luy en fit, il luy avoüa de ce ton d’Amant qui fait encore plus entendre que l’on ne peut exprimer, qu’il ne croyoit point qu’il fust un bonheur plus grand que celuy de se faire aimer d’une personne, en qui l’humeur &amp; l’esprit répondoient à la beauté, &amp; pour qui les Graces sembloient avoir épuisé tout ce qu’elles ont de plus touchant. Un épanchement de cœur si vif &amp; si naturel qui faisoit voir combien il estoit charmé, jetta la Dame dans un chagrin incroyable. Elle estoit au desespoir de voir qu’une autre eust gagné en peu de tems, &amp; peut-être sans étude, ce que sa Fille avoit inutilement tâché de s’acquerir par tous les soins qu’elle luy avoit fait prendre, &amp; quoy qu’il y eust de l’injustice, elle resolut dés ce moment de traverser de tout son pouvoir les pretentions du Cavalier. La dissimulation luy paroissant necessaire pour réussir dans son entreprise, elle cacha son dépit, &amp; prenant un air tranquille qui dementoit l’agitation dont son ame estoit remplie, elle dit au Cavalier qu’elle ne pouvoit disconvenir que la Demoiselle dont il luy parloit n’eust tout le merite qui pouvoit engager un honneste homme, mais qu’il devoit prendre garde à ne se pas embarquer imprudemment ; qu’elle avoit un Pere d’une humeur facheuse qui pretendoit que les gens de robe étoient les seuls qui pouvoient faire fortune, &amp; qu’elle craignoit qu’il n’eust de la peine à consentir à marier sa Fille avec un homme d’épée, qui loin d’amasser du bien, ne pouvoit se dispenser de faire de la dépense. Le Cavalier répondit qu’il n’avoit encore songé qu’à se mettre bien dans l’esprit de la Mere &amp; de la Fille ; que de la maniere qu’il estoit reçû de l’une &amp; de l’autre, il avoit sujet de croire qu’il ne leur déplaisoit pas ; que la Fille luy marquoit assez d’estime pour luy faire presumer qu’il y avoit dans son cœur, tout ce qu’il pouvoit y souhaitter de dispositions favorables aux sentimens qu’il luy vouloit inspirer, &amp; qu’estant de leurs intimes amies, il ne doutoit point qu’elle n’achevast avec succez ce qu’il avoit assez heureusement commencé, si elle vouloit entrer dans ses interests, &amp; prendre sur elle la conduite de l’affaire. La Dame continua de dissimuler, &amp; crut ne pouvoir parvenir plus seurement à ses fins qu’en luy promettant de faire ce qu’il demandoit. Ainsi elle se chargea de la declaration envers la Mere &amp; la Fille, &amp; la joye qu’elles luy en témoignerent ne luy laissant aucun lieu de leur donner un conseil contraire à leurs sentimens, elle se contenta de leur demander, si elles croyoient que le Pere de la Belle dust approuver cet engagement. La Mere luy avoüa qu’il commençoit à se plaindre des visites qu’elles recevoient du Cavalier, &amp; la pria de vouloir bien comme d’elle même, sonder son esprit sur ce mariage, &amp; le ménager de telle sorte qu’elle le previnst favorablement. La Dame accepta la commission, &amp; comme elle estoit adroite, en luy vantant le merite &amp; les belles qualitez du Cavalier, elle luy laissoit entrevoir beaucoup de choses qui devoient le détourner de cette alliance. Il s’emporta comme elle vouloit qu’il fist, &amp; dit que sa femme avoit beau faire, que le Cavalier n’estoit point un homme qui luy convinst, qu’il seroit toûjours le Maître, &amp; qu’il trouveroit bien moyen d’empescher qu’on n’empoisonnast l’esprit de sa Fille. La Dame alla rendre compte de la conversation qu’elle venoit d’avoir avec luy, &amp; aprés avoir exageré son emportement, elle ajoûta qu’elle s’estoit enfin avisée de luy parler sur le mesme ton, &amp; qu’à force de le quereller, elle l’avoit rendu plus traitable ; qu’ainsi si la Mere l’en croyoit, quand il useroit d’autorité, elle luy laisseroit dire tout ce qu’il voudroit sans s’en étonner, &amp; soutien-droit l’entreprise d’un air resolu qui asseurement le mettroit à la raison. La Mere la crut &amp; gasta tout. La resistance le fit aller jusqu’à la fureur ; il interdit sa maison au Cavalier, &amp; commanda si absolument à tous ses valets de luy refuser l’entrée, qu’on ne put se dispenser de luy obeïr. Le Cavalier accablé de son malheur, n’y put apporter d’autre remede que de conjurer la Dame chez qui il avoit connu la Belle, de luy donner du secours dans une occasion si embarassante. Elle feignit d’estre sensible à son déplaisir, &amp; les deux Amans se virent trois ou quatre fois chez elle en presence de la Mere, qui fut témoin de la foy qu’il se donnerent, &amp; des sermens reciproques qu’ils se firent de soustenir leur engagement. Le Pere averty de ces entreveuës entra dans une colere qu’il fut impossible d’appaiser. Il tint la Mere &amp; la Fille comme prisonnieres, &amp; ne leur laissa la liberté de sortir que dans la necessité, &amp; toujours suivies d’un espion qui les observoit. Une vie si dure qu’elles menerent pendant quelque temps, obligea le Cavalier qui en estoit cause, de prendre la resolution de s’éloigner. C’estoit l’unique moyen de les tirer de captivité, &amp; d’ailleurs il s’assuroit par là le plaisir de pouvoir s’entretenir par Lettres avec sa Maistresse, en attendant que le temps eust apporté quelque changement à leurs affaires. Il luy écrivit un Billet d’adieu fort tendre, &amp; le laissa entre les mains de la Dame, qui se chargea de luy en faire tenir la réponse. Il la receut à Lion, où il alla faire un sejour de quelques mois, &amp; les nouvelles assurances de fidelité que la Belle luy donnoit assez souvent, furent un soulagement sensible au déplaisir de ne la point voir. Dans ce tems là il fit connoissance avec un Gentilhomme Provençal, que quelque interest à demesler avoit amené dans la mesme Ville, &amp; qui estoit sur le point de partir pour Rome. Le Cavalier devenu de ses amis, &amp; toûjours contraint de s’absenter, se fit un plaisir de l’accompagner dans ce voyage. Il l’écrivit à la Dame, &amp; la pria qu’il pust trouver de ses Lettres dans trois ou quatre Villes, où ils estoient resolus de s’arrester. Elle fut exacte à luy répondre, mais sans lettres de la Belle, qu’elle luy manda estre attaquée d’une fiévre lente, qui luy ostoit la force d’écrire. Le Cavalier alarmé écrivit sur l’heure à l’une &amp; à l’autre les choses les plus touchantes, &amp; quand il fut à Venise, il receut une autre Lettre, par laquelle la Dame luy apprenoit que la Belle avoit esté à l’extrémité, mais que sa jeunesse l’ayant sauvée, ses forces commençoient à se rétablir ; que sa maladie n’avoit point eu d’autre cause que les persecutions de son Pere, qui vouloit luy faire épouser un homme riche, &amp; fort touché de ses charmes, &amp; que ne voyant aucun moyen de se dispenser de luy obeir, si elle vouloit se garantir de ses mauvais traitemens, elle l’avoit priée de le disposer à la nouvelle de ce mariage ; qu’aussi-bien rien n’estant capable de tirer son Pere de l’entestement où il estoit, une plus longue constance seroit inutile, &amp; ne serviroit qu’à les rendre tous deux malheureux, puis qu’elle ne voyoit aucun jour à esperer une meilleure fortune. Cette nouvelle mit le Cavalier dans une douleur inconcevable. Elle parut malgré luy, &amp; pour essayer de l’adoucir, il conta à son Amy son engagement avec la Belle, &amp; l’ingratitude dont elle payoit la plus forte passion qu’on eust jamais euë. Le Provençal luy dit tout ce qu’il put de plus consolant, &amp; pour le tirer de son chagrin, il luy fit prendre tous les divertissemens du Carnaval, qui sont toûjours fort grands à Venise. Ils allerent ensuite à Rome, &amp; un mois aprés qu’ils y furent arrivez, la Dame fit sçavoir au Cavalier, non seulement que sa Maistresse estoit mariée, mais qu’ayant vaincu l’aversion qu’elle avoit d’abord montrée pour celuy qui la devoit épouser, elle vivoit si contente, qu’il sembloit que rien n’approchast de son bonheur. Ce dernier article le toucha sensiblement. La tendresse qu’il gardoit toûjours pour elle, devoit l’obliger à souhaiter qu’elle fust heureuse, mais il regardoit comme un outrage, qu’elle se fust consolée si tost de sa perte, &amp; il eust voulu que le temps seul fust venu à bout de ce changement. Il demeura plus d’un an à Rome, &amp; tout ce qu’il y vit de rare &amp; de curieux, &amp; les plaisirs mesme qu’il tâcha d’y prendre, furent incapables d’affoiblir les impressions trop fortes que cette aimable personne avoit faites sur son cœur. Le temps où il devoit repasser en France estant venu, le Provençal l’engagea à luy donner quelques mois pour le divertir dans sa Province, où il luy fit voir tout ce qu’il avoit &amp; d’Amis &amp; de Parens, &amp; entre autres une jeune Sœur tres-bien faite, demeurée veuve sans aucuns enfans, &amp; avec beaucoup de bien. La connoissance qu’elle eut en fort peu de temps des qualitez estimables qui avoient rendu le Cavalier si fort amy de son Frere, la fit entrer dans ses mesmes sentimens. Elle luy voulut du bien, &amp; les avances qu’elle luy fit, &amp; qui l’obligerent à avoir pour elle de fort grands égards, amenerent insensiblement les choses au point, qu’il fut aisé de s’appercevoir qu’elles finiroient par le Mariage. Le Frere favorisa de tout son pouvoir les dispositions où il vit sa Sœur pour son Amy, &amp; le Cavalier à qui il restoit toûjours des souvenirs qui nuisoient à son repos, crut qu’il ne pouvoit mieux faire pour s’en dégager entierement, que d’épouser cette jolie Veuve. Ainsi l’affaire se fit avec des avantages fort considerables pour sa fortune, &amp; comme il entretenoit toûjours commerce de Lettres avec son Amie, qui luy écrivoit de temps en temps, il luy fit part de cette nouvelle. La Dame alla aussi tost la dire à la Belle pour qui il avoit eu tant d’amour, &amp; par sa réponse elle luy en fit un compliment de sa part. Elle luy manda en même temps qu’elle marioit sa Fille à un Gentil-homme de Province, qui l’emmenoit à trente lieuës de Paris, à une Terre où elle se resolvoit d’aller avec eux pour y demeurer, ce qui pourroit luy oster les occasions commodes de luy écrire souvent. Ce fut la derniere Lettre qu’il en receut, &amp; il s’en seroit consolé sans peine, s’il eust trouvé dans le mariage la tranquillité qu’il s’estoit promise, mais quoyque sa Femme fust fort bien faite &amp; aimable de sa personne, elle estoit d’une humeur si inegale, &amp; quelquefois si capricieuse, qu’il ne pouvoit s’en accommoder. Ses défauts luy remettoient plus vivement dans l’esprit les manieres engageantes de la Belle qui luy avoit manqué de parole, &amp; il s’en faisoit malgré luy un portrait flatteur, qui entretenant sa passion, le rendit encore plus malheureux qu’il n’estoit avant qu’il eust épousé la Veuve. Il devora son chagrin pour ne point donner sujet de faire des contes, &amp; par des honnestetez qui auroient gagné tout autre esprit que le sien, il déroba ce qu’il soufroit tous les jours, à la connoissance de ceux qui en auroient pû tirer avantage. Il vescut deux ans dans cette contrainte, &amp; il y auroit vescu toute sa vie, si un mal aussi violent qu’il fut impreveu n’eust emporté la Dame en six jours. Il fit dans sa mort tout ce que doit faire un honneste homme, &amp; lors qu’il eut reglé ses affaires avec son amy, Heritier en partie de cette Sœur, parce qu’elle n’avoit point laissé d’enfans, il revint à Paris, aprés une absence de quarte années, fort resolu de vivre pour luy, &amp; de renoncer à tous les engagemens qui luy pourroient estre proposez. Quoy qu’il sentist dans son cœur beaucoup de restes d’une passion mal étoufée, qui pouvoit se reveiller à la veuë de celle qui luy avoit donné tant d’amour, le premier dessein qu’il fit, fut de la voir au moins une fois pour luy reprocher son inconstance. Il n’y avoit que deux jours qu’il estoit arrivé, lors qu’entrant dans une Eglise, il y vit beaucoup de monde assemblé pour le mariage d’une jeune Demoiselle, dont il entendit vanter la beauté &amp; le merite. Il s’avança par la simple curiosité de voir son visage, &amp; demeura fort surpris, lors qu’il reconnut l’aimable personne qui avoit esté toûjours si profondement gravée dans son cœur. Il s’adressa à elle aussi tost, &amp; dans le temps que le Prestre alloit commencer la ceremonie, tout hors de luy-mesme, &amp; ne sçachant presque ce qu’il faisoit, il luy demanda d’un ton qui fit accourir tous ceux qui se trouverent alors dans l’Eglise, s’il estoit possible qu’au prejudice de tant de sermens qu’ils s’estoient faits l’un à l’autre, elle voulust renoncer à ce que sa foy exigeoit d’elle. La voix &amp; la veuë du Cavalier la fraperent tellement, qu’elle se laissa tomber sans aucune connoissance, &amp; tout ce qu’on fit dans ce moment pour la faire revenir, ayant esté inutile, il fallut la reporter toute évanoüie dans la maison de sa Mere, au grand déplaisir de son Amant, qui ne sçavoit que penser d’un évenement si peu attendu. Le Cavalier suivit ceux que cet accident attira chez elle, &amp; faisant reflexion que par un bonheur extraordinaire le veuvage les avoit mis l’un &amp; l’autre en mesme temps dans la liberté de s’épouser, il ne se put refuser à de douces esperances, qui augmenterent quand il eut appris que le Pere de la Belle estoit mort depuis un an. On ne songea d’abord qu’à la retirer de l’estat où elle estoit, &amp; quand elle fut revenuë à elle, &amp; que tous les gens suspects estant sortis, il fut question de sçavoir du Cavalier pourquoy il avoit fait un si grand éclat, puis qu’il estoit marié, le nœud de l’intrigue se developa sans aucune peine. Il conta tout ce qui luy estoit arrivé depuis son retour de Rome &amp; mit la Belle dans une surprise extraordinaire, en luy disant qu’il avoit payé bien cher les deux années de son mariage, &amp; que rien n’auroit pû estre assez fort pour luy faire prendre un pareil engagement, si le desespoir de la sçavoir mariée contre la promesse que sa Mere avoit bien voulu qu’elle luy eust faite en termes si solemnels, de n’estre jamais à d’autre qu’à luy, ne l’eust porté à essayer ce cruel moyen de se défaire d’une passion qui ne luy laissoit aucun repos. La Belle fort étonnée luy demanda par quelle injustice il l’accusoit d’avoir oublié ce qu’ils s’estoient reciproquement promis, &amp; le surprit à son tour en l’assurant qu’il la retrouvoit telle qu’il l’avoit laissée, &amp; qu’elle avoit eu besoin de beaucoup de temps pour se resoudre sur son exemple, à donner son consentement au mariage dont il venoit d’empescher la conclusion. Ce qu’elle disoit estant de fait, &amp; ne pouvant estre contesté, on vint à un éclaircissement plus particulier, qui fit connoistre que tout ce que le Cavalier &amp; la Belle avoient souffert par le chagrin de leur inconstance reciproque, dont ils avoient eu sujet de ne pas douter, leur avoit esté causé par la perfidie de la Dame leur commune Amie, qui avoit mis en usage toutes sortes d’artifices pour venir à bout de les desunir. Tandis qu’elle écrivoit faussement au Cavalier que sa Maistresse estoit mariée, elle supprimoit toutes les Lettres qu’elle recevoit de luy pour cette belle Personne, à qui elle en montroit d’autres d’un caractere inconnu, par lesquelles on luy apprenoit qu’il estoit éperdument amoureux d’une Italienne qui l’occupoit tout entier. Ces Lettres qu’elle avoit l’adresse de supposer, estoient, disoit-elle, d’un de ses Parens qu’elle avoit à Rome, &amp; elle faisoit valoir pour un grand service auprés de la Belle, le soin qu’elle prenoit d’empescher que son cœur ne fust la dupe de la confiance qu’elle avoit aux protestations de fidelité qu’on luy avoit faites. Cela joint au silence du Cavalier, &amp; à la nouvelle qu’elle eut quelques mois aprés par plus d’une voye, qu’il avoit épousé la Provençale, la fit resoudre à oublier un ingrat qui avoit manqué à ses sermens avec tant de lâcheté. Le Cavalier apporta dés ce jour mesme toutes les Lettres qu’il avoit receuës de sa maladie, du dessein qu’elle avoit fait de ne plus songer à luy, &amp; enfin de son mariage, avec la cruelle circonstance, qu’elle y trouvoit un bonheur parfait. On jugea par là des justes sujets de desespoir qu’il avoit eus, &amp; il fut si bien justifié, que la Belle ne put s’empêcher de reprendre tout l’amour qu’elle avoit eu autrefois pour luy. Cependant elle s’estoit promise à un autre, &amp; un Contrat de mariage signé estoit une chose embarrassante. Heureusement elle avoit affaire à un homme genereux, à qui on fit entendre raison. Quoy qu’il trouvast sa personne toute aimable, il vouloit avoir son cœur, &amp; jugeant bien, aprés qu’on luy eut appris toute l’avanture, qu’il luy seroit impossible d’en bannir le Cavalier, il consentit à leur mariage, qui fut fait huit jours aprés avec une égale satisfaction des deux parties.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_192" resp="mercure" copyOf="MG-1690-12_198">
          <head>[Lettre de Mr l'Abbé de la Trappe, avec plusieurs particularitez touchant cette Abbaye]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1690, p. 192-193, 198-199.</bibl>
          <p/>
          <p>Vous aurez sans doute entendu dire que le Roy d'Angleterre, touché de ce qu'on publie de la sainteté des Religieux de la Trappe, qui vivent dans toute l'austerité de leur ancienne Institution, s'est fait un plaisir d'aller à cette Abbaye, pour voir par luy-mesme ce que le seul recit qu'on en fait donne sujet d'admirer. Il y alla accompagné de Mr le Maréchal de Bellefond, qui a demeuré longtemps dans cette Maison. [...]</p>
          <p>Nous le<note place="bottom" resp="editor">Le roi d'Angleterre.</note> vismes s'approcher de la Sainte Table avec une pieté qui n'est pas ordinaire. Il pria Dieu pendant l'Office, &amp; la grande Messe toute entiere, sans interruption d'un instant. [...] Comme on luy donna la sainte Hostie, le Choeur chanta ce qu'on appelle la Communion de la Messe, qui ne pouvoit estre plus juste ny plus expresse, quand elle auroit esté faite à dessein.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_272" resp="mercure">
          <head>[Prise de possession de l'Abbaye des Ayes en Dauphiné]</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre 1690, p. 272-274.</bibl>
          <p/>
          <p>Le Roy ayant donné l'Abbaye des Ayes en Dauphiné à Dame Esperance de Saint Paul de Preville, elle en prit possession le 21. du dernier mois, jour de la Presentation de la Vierge. Cette Abbaye est de l'Ordre de Cisteaux à deux lieües de Grenoble, &amp; les Dames dont la Communauté est composée, ne sont pas moins considerables par leur pieté que par leur naissance. La nouvelle Abbesse dont je vous parle, est Petite-Niece de celle dont elle remplit la place, &amp; elle avoit tellement gagné les coeurs de toutes les Religieuses de cette Maison par sa vertu &amp; par mille belles qualitez qui la rendent tres-digne d'y commander, qu'on ne peut marquer plus de joye qu'elles ont fait du choix de Sa Majesté. Le jour que se fit la ceremonie de sa prise de possession, Madame Morard Prieure la complimenta à la Grille à la teste de toute la Communauté, avant qu'elle entrast dans le Monastere, &amp; ensuite Mr l'Abbé Canel, deputé pour l'instaler, la conduisit au Chapitre, &amp; la mit dans sa Chaire Abbatiale, où elle receut les soumissions qui luy estoient deuës. Le soir, tout le Monastere fut illuminé par les soins des Religieuses, &amp; le lendemain on chanta solemnellement une Messe du Saint Esprit avec concert &amp; simphonie. Cette Dame est Fille de Messire Jean Baptiste de Girard de Saint Paul, &amp; elle a deux Freres dans le service, l'un Lieutenant aux Gardes, &amp; l'autre Capitaine dans le Regiment d'Humieres. [...]</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_279" resp="wordpro">
          <head>[Mort de Mr Torf]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 279-281.</bibl>
          <p>M<hi rend="sup">r</hi> Torf, Gentilhomme Ordinaire de la Maison du Roy, &amp; originaire de Valaquie, est mort au commencement de ce mois. Il avoit esté élevé Page de feu M<hi rend="sup">r</hi> le Maréchal de Castelnau, puis s’estant mis dans la Cavalerie, il estoit devenu Capitaine dans le Regiment de Crequi. Il a esté ensuite Exempt des Gardes du Corps, &amp; enfin Gentilhomme Ordinaire. Cette Charge ayant vaqué par sa mort, elle a esté donnée à M<hi rend="sup">r</hi> Racine, Tresorier de France, celebre par tant d’excellens Ouvrages que le Public a vûs de luy, &amp; par la fameuse Histoire qu’il reserve pour la posterité. Il est inutile de rien dire d’un homme si connu, dont les loüanges sont dans la bouche de tout le monde, &amp; qui au sentiment des plus critiques, est digne de sa réputation. Beaucoup en ont qui ont fait peu de chose pour la meriter, &amp; d’autres en manquent qui seroient dignes d’une plus heureuse destinée. Tous les gens de Lettres doivent estre ravis du present qui vient d’estre fait à M<hi rend="sup">r</hi> Racine, puis que l’honneur en rejallit en quelque sorte sur eux.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_289" resp="wordpro">
          <head>[Traduction en vers des Satires de Juvénal]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 289-290.</bibl>
          <p>Vous avez veu la premiere partie des Satyres de Juvenal, traduites en Vers par M<hi rend="sup">r</hi> le President de Silvecave. La seconde se doit debiter au commencement du mois prochain, avec les mesmes Remarques, dont vous avez esté si contente. Elles sont tres-curieuses, &amp; donnent l’intelligence de beaucoup de choses, dont l’usage estoit commun chez les Anciens. Ce Livre se trouve chez le sieur Pepie, à l’Image S. Basile, &amp; chez le S<hi rend="sup">r</hi> Guerout, Galerie-neuve du Palais.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_290" resp="wordpro">
          <head>[Erratum concernant le concours de poésie de l’Académie Française]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 290-291.</bibl>
          <p>Vous avertirez, s’il vous plaist, ceux de vos Amis que vous sçaurez qui travailleront sur les Sujets proposez par l’Academie Françoise, pour les prix qu’elle doit distribuer le 25. d’Aoust de l’année prochaine, que je me suis trompé en vous mandant, qu’il falloit que leurs Ouvrages fussent envoyez avant le premier jour de May. Il suffit qu’ils soient receus dans la fin de ce mesme mois de May, c’est-à-dire, avant le premier jour de Juin.</p>
        </div>
        <div type="article" xml:id="MG-1690-12_340" resp="wordpro">
          <head>[Publication de La Desolation des Joueuses]*</head>
          <bibl><title>Mercure Galant</title>, décembre, 1690, p. 340.</bibl>
          <p><hi rend="i">La Desolation des Joueuses, que l’on a renouvellée, &amp; qui attire des Assemblées si nombreuses, se debite chez le Sieur Guerout, Libraire, Salle-neuve du Palais.</hi></p>
        </div>
      </div>
    </body>
  </text>
</TEI>